diff options
| -rw-r--r-- | .gitattributes | 3 | ||||
| -rw-r--r-- | 38842-8.txt | 2228 | ||||
| -rw-r--r-- | 38842-8.zip | bin | 0 -> 50300 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h.zip | bin | 0 -> 3177995 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/38842-h.htm | 2351 | ||||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/000large.png | bin | 0 -> 104355 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/000small.png | bin | 0 -> 24531 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/001.png | bin | 0 -> 8642 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/001a.png | bin | 0 -> 206775 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/002a.png | bin | 0 -> 32604 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/002b.png | bin | 0 -> 22454 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/002c.png | bin | 0 -> 50727 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/003.png | bin | 0 -> 246762 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/004a.png | bin | 0 -> 38886 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/004b.png | bin | 0 -> 17324 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/004c.png | bin | 0 -> 78296 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/005a.png | bin | 0 -> 35605 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/005b.png | bin | 0 -> 66165 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/005c.png | bin | 0 -> 37611 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/006a.png | bin | 0 -> 56075 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/006b.png | bin | 0 -> 54404 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/006c.png | bin | 0 -> 58213 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/007a.png | bin | 0 -> 27753 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/007b.png | bin | 0 -> 28780 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/007c.png | bin | 0 -> 32154 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/007d.png | bin | 0 -> 8976 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/007e.png | bin | 0 -> 55897 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/007f.png | bin | 0 -> 139494 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/008.png | bin | 0 -> 98074 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/009a.png | bin | 0 -> 15593 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/009b.png | bin | 0 -> 36089 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/009c.png | bin | 0 -> 8126 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/009d.png | bin | 0 -> 10456 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/009e.png | bin | 0 -> 33025 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/009f.png | bin | 0 -> 17552 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/010a.png | bin | 0 -> 85854 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/010b.png | bin | 0 -> 39901 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/011a.png | bin | 0 -> 67890 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/011b.png | bin | 0 -> 100382 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/012.png | bin | 0 -> 222387 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/013.png | bin | 0 -> 64873 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/014a.png | bin | 0 -> 13215 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/014b.png | bin | 0 -> 58446 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/014c.png | bin | 0 -> 122443 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/015a.png | bin | 0 -> 51829 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/015b.png | bin | 0 -> 26139 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/016a.png | bin | 0 -> 100650 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/016b.png | bin | 0 -> 113017 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/017large.png | bin | 0 -> 244440 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/017small.png | bin | 0 -> 53564 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/cover.jpg | bin | 0 -> 86528 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 38842-h/images/supp01.png | bin | 0 -> 17454 bytes | |||
| -rw-r--r-- | LICENSE.txt | 11 | ||||
| -rw-r--r-- | README.md | 2 |
54 files changed, 4595 insertions, 0 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes new file mode 100644 index 0000000..6833f05 --- /dev/null +++ b/.gitattributes @@ -0,0 +1,3 @@ +* text=auto +*.txt text +*.md text diff --git a/38842-8.txt b/38842-8.txt new file mode 100644 index 0000000..7aa97eb --- /dev/null +++ b/38842-8.txt @@ -0,0 +1,2228 @@ +Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913 + +Author: Various + +Release Date: February 12, 2012 [EBook #38842] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 *** + + + + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + + + + + + +L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913 + +LA REVUE COMIQUE, par Henriot. + +Ce numéro contient: +lº LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre nº 9: L'HABIT VERT, de MM. +Robert de Fiers et G.-A. de Caillavet; +2° Quatre pages non brochées: LA SCULPTURE AU SALON DE 1913; +3° UN SUPPLÉMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER de deux pages. + +L'ILLUSTRATION +_Prix du Numéro: Un Franc._ +SAMEDI 31 MAI 1913 +_71e Année.--N° 3666._ + +[Illustration: UN BRAVE PARMI LES BRAVES Achille Delannoy, patron du +canot de sauvetage de Calais, décoré de la Légion d'honneur le 25 mai. +_Voir l'article, page 503._] + + + +COURRIER DE PARIS + +LES JARDINS + +Il est fort à la mode en ce moment de se bouleverser des jardins. On ne +parle que d'eux, des dangers qu'ils courent, de leur gloire, de leur +beauté, de l'art qui doit régir leur composition. Ils obtiennent chaque +jour des amis, des défenseurs et des apôtres nouveaux, et plus d'un +citadin profane qui, en se couchant, ne se doutait pas de ce que c'était +qu'une plate-bande, se réveille à la rosée du lendemain avec une âme +jardinière. + +Bien que j'en éprouve une joie sans malice, je suis un peu étonné que +l'on semble s'aviser seulement à cette heure des indispensables jardins, +de leur importance et de leur nécessité. Comme, depuis que le monde est +monde, ils couvrent sur la terre une bonne moitié du sol, si ce n'est +plus, ils méritent aussi de tenir dans notre existence intellectuelle et +sentimentale une place qui ne sera jamais trop grande. Ne sont-ils pas +l'embellissement naturel d'une destinée au même degré que d'un site? Ils +ont été faits et voulus pour accompagner un esprit et clore, sans +l'emprisonner, un coeur, autant que pour agrémenter une maison ou +entourer un château. C'est la ceinture végétale de notre nudité. Nous +avons besoin de jardins pour nous promener dans les idées et dans les +sentiments, et vivre loin d'eux est funeste à qui désire une bonne +respiration morale. Aussi ai-je toujours été curieux, avant de faire la +connaissance de quelqu'un, de savoir si, au moins, «son appartement +intérieur» _donnait sur des jardins_, car c'est l'essentiel, la vraie +vue qu'il convient de posséder pour goûter, dans sa plénitude, le charme +pur et profond de la vie. Tout le monde n'a pas la chance ou le +privilège d'ouvrir ses fenêtres sur des arbres et des gazons, mais tout +le monde peut aimer les jardins, et grâce à cet amour, voir se dérouler +des tapis d'un vert éternel, et se balancer une branche et neiger des +roses... + +Si nous étions plus adroits et moins ingrats, si nous gardions bien le +simple souvenir de tous les jardins qui nous ont passé par les yeux, qui +ont une minute été toucher notre âme et que nous n'avons pas su retenir, +quel vaste et délicieux domaine n'aurions-nous pas pour errer aux heures +d'isolement?... car il va de soi qu'au figuré comme au réel, après le +suprême et incomparable bonheur d'être deux dans la complicité du +jardin, le plus doux est d'y être seul. Qui de vous, dites-moi, même +jeune, et quel que soit son âge, n'a déjà en soi et derrière soi, tout +un mémento de bosquets, de grandes allées, de petits chemins, de +berceaux, d'ombrages tremblants et de vives fleurs? Qui de nous ne +pourrait, s'il lui en venait le caprice, écrire «Mes jardins», +l'histoire de ses jardins dont il nous conterait qu'il fut le captif +volontaire, le Silvio Pellico tendrement ravi? + +Premiers et vagues jardins de la trébuchante enfance, au milieu +desquels, un jour, nous fûmes tout à coup révélés à nous-mêmes, où notre +bout de nez plongé dans une fleur, nous avons soudain senti et respiré +le parfum spécial de notre existence qui nous montait au front et se +répandait en nous pour nous obséder toujours... Jardins de plus tard, où +nous marchons et regardons alors sans le secours de personne, jardinet +clos de murs croulants chez une vieille tante en province, carré de +légumes et de pâquerettes, de gueules-de-loup et de pensées blanches qui +me semblait une immensité à perte de vue... au delà de laquelle +j'imaginais de merveilleux pays, qui était pour moi le vestibule fleuri +de l'univers. + +Et puis ce sont les Tuileries à cerceaux et à ballons du commencement de +ma jeunesse, les Tuileries dont je percevais déjà, sans l'approfondir ni +pouvoir l'exprimer, l'altière et mélancolique grâce, la noblesse un peu +triste. C 'est là que, pour la première fois, dans une langoureuse +ivresse, vous m'avez arrêté, déesses de pierre, faunes engainés, +graciles coureurs à tête ronde lancés en avant sur la pointe d'un orteil +brisé, avec un pigeon sur le poignet dé votre bras tendu... C'est là que +j'ai appris les vastes arbres centenaires qui superposent leurs rameaux +pleins des murmures du passé, les fleurs qui font de beaux dessins, le +jet d'eau royal, sceptre liquide qui secoue des pierreries dans l'air et +asperge de diamants l'aile des oiseaux... et vous aussi chaises aux +pailles arrachées, chaises rustiques à la Rousseau, groupées par +endroits dans le creux ménagé au bas d'un gros tronc noir, pour y faire +cuvette aux jours d'arrosage. Il y en avait toujours une de renversée, à +l'écart, comme si elle s'était battue avec les autres et qu'elle n'eût +pas été la plus forte. Elle me faisait penser à la Révolution et je n'ai +jamais pu la regarder ainsi à terre sans me représenter un des Suisses +du 10 août, étendu sur le dos dans le jardin, où des coups de fusil +perdus font tomber des feuilles... + +... Retraites ombreuses du Luxembourg qui sentiez si bon les matins et +les soirs du temps où j'aspirais l'odeur des premières convoitises... + +Et je n'ai pas parlé, avant, des chers jardins des maisons familiales, +des jardins de vacances où l'on a joué dans une innocente ardeur avec +d'adorables petites filles que l'on s'est souvenu plus tard d'avoir +aimées, sans le savoir, dont les bras nus égratignés par les épines, et +les cheveux flottants où restait une feuille morte, vous repassent +devant la pensée, trente ans après, dans des allées où on ne court plus. + +C'était l'époque aussi des jardins de pensionnat où l'on se mettait si +promptement en nage et où l'on buvait, en manches de chemise, à la +pompe, l'eau la plus fraîche qui jamais vous coulera le long du cou,... +des jardins de l'Abbaye où l'on avait une soeur «dans la classe bleue». + +Et puis on s'est lancé bientôt dans les routes qui vont loin... on a +élargi ses promenades, on a pris des voitures et des trains, et on a +successivement connu, les uns après les autres, les grands jardins +réservés dont les noms vous terrassent quand on les prononce... Une +fois, dix, vingt fois et plus, on a visité, sans jamais les connaître et +les posséder complètement, ces villes de verdure, ces capitales de la +flore, de la perspective et du point de vue, ces prises d'horizon, ces +captations de lumière, d'ombre, d'espace et d'eau qui s'appellent avec +tant de solennelle majesté Versailles, Saint-Cloud, Chantilly, +Compiègne, Fontainebleau... on a vu les jardins de la Loire, ceux des +ruines et ceux des châteaux, des anciennes terres princières... les +jardins blasonnés qui paraissent, eux aussi, descendre des croisades, et +dont les traditionnelles beautés de race, respectées et transmises, +montrent des roideurs héraldiques, des ordonnances d'écusson. Chaque +parterre est un _quartier_. Ah! les jardins, les jardins!... Que ce mot +prononcé, traîné, lentement, un peu bas, d'une voix qui désire et +soupire et qui prend le ton de la volupté, que ce mot suffit donc à +propager en nous une indicible extase! Avez-vous pensé jamais au séjour +affreux que serait la terre, inhabitable sans les jardins? Et sans eux +que serait aussi tout ce qui vient du coeur? Que seraient l'amitié, la +tendresse, l'amour...? l'amour dont ils sont le pays indiqué, le suave +domaine et le bleu décor, la chambre à ciel ouvert? On ne peut faire un +pas en dehors de soi sans trouver la petite porte battante ou la grille +du jardin, sans entrer dans un jardin... Nous sommes entourés par les +masses de verdures de ce mot touffu, magique et prodigieux. + +Si nous voulons aller du côté sentimental, aussi bien dans le passé que +dans le présent, nous ne rencontrons que des souvenirs de jardin... +C'est au jardin que nous avons été nous cacher et nous réfugier +haletants, échappés de nous-mêmes, pour mener un jeu, rêver, écouter +chanter notre âme par la voix du rossignol, dire tout haut des vers qui +nous étourdissaient, et guetter une robe, cueillir une main, ou pleurer, +le front sur un arbre auquel on racontait sa peine... + +Et, si nous voulons aller vers l'art, nous sommes tenus de passer à tout +instant par des jardins... jardins de Breughel et de Léonard, de Cranach +et du Poussin, jardins des Primitifs, qui ne perdent pas un pouce de la +fenêtre où ils viennent si gentiment se serrer et s'encadrer, jardins +des tableaux du grand siècle qui paraissent dessinés à la Vauban, +jardins de Watteau, d'Hubert Robert et de Fragonard,... et combien +d'autres! + +Irons-nous à l'histoire? Elle est pleine aussi de jardins... qui +feraient un livre au titre embaumé... jardins de Cléopâtre et de +Sémiramis... petits jardins et préaux fleuris des temps gothiques, +jardins magnifiques et somptueux de la Renaissance, jardins de Philippe +II et de François Ier, du cardinal d'Amboise et de Richelieu, de Louis +XIV et du Régent, de Marie-Antoinette et de la du Barry... jardins +d'Espagne, jardins d'Italie, jardins d'Orient... jardins mystiques de la +foi, ceux des couvents, du cloître et du missel, des marges de +l'antiphonaire... Et jardin sévère de Jésus-Christ... jardin sans fleurs +des Oliviers... + +Les jardins sont partout... partout... Il faudrait plus d'un an pour les +énumérer. Ils couvrent le passé, le présent, l'avenir... ce monde-ci et +l'autre... Car sans oser rien préjuger du mystère futur... on peut dire +avec certitude et sans se tromper, que le paradis _sera un jardin..._ +Plus beau que ceux d'en bas et les surpassant tous, il en rappellera +cependant un peu, pour notre récompense, les humaines délices... Et si +des fleurs insoupçonnées nous attendent aux divins bosquets, du moins +celles de la terre, je le pense, ne seront pas oubliées. Il est +impossible, sans sacrilège, d'admettre un paradis qui n'aurait pas de +roses... La Vierge s'y plairait moins... + +Et nous y verrons aussi des cyprès, mille fois millénaires, en forme de +clochers... et des jets d'eau montant toujours, toujours... et de grands +papillons à tête d'archange, d'un bleu tout nouveau... bleu d'éternité. + +Henri Lavedan. + +_(Reproduction et traduction réservées.)_ + + + +UN BRAVE: LE PATRON DELANNOY + +La Société centrale de Sauvetage des naufragés tenait, dimanche dernier, +dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, son assemblée générale, sous +la présidence de M. Georges Pallain, gouverneur de la Banque de France, +remplaçant M. l'amiral Duperré, légèrement indisposé. Le président de la +République y était représenté par le lieutenant-colonel Aldebert, le +ministre de la Marine par le vice-amiral de Jonquières. + +A cette émouvante fête annuelle, la fête de l'héroïsme, une assistance +nombreuse se pressait, vibrante, frissonnante à chaque instant au récit +des exploits que lui narrait d'une voix chaleureuse, dans un rapport +impressionnant, M. Busson-Billault, ancien bâtonnier de l'ordre des +avocats, administrateur de la Société. + +Le premier héros qu'il nomma est François-Achille Delannoy, patron du +canot de sauvetage de Calais. Un vrai brave, on peut l'affirmer, sous +une solide étoffe; une âme sans peur dans un corps d'athlète. Dans sa +carrière de sauveteur, commencée voilà quarante-deux ans, il a arraché +aux flots, à la mort, _cent quatre-vingt-seize_ personnes, des marins +comme lui, des compatriotes quelquefois, des frères, et aussi des +Anglais, des Norvégiens, des Italiens, des Eusses... Quelle nation du +monde n'est pas redevable à ce vaillant d'avoir conservé quelqu'un de +ses fils? + +En sa faveur, la Société centrale, depuis qu'elle le distingua, en 1871, +a épuisé toutes les récompenses dont elle dispose. Elle a dû, cette +année, recourir au gouvernement et solliciter de lui la consécration +suprême. Elle eut la joie de l'obtenir: le président accrocha sur le +chandail de laine bleue du marin, tout scintillant déjà de vingt-sept +médailles et décorations diverses, et où les rubans mêlaient toutes les +couleurs de l'arc-en-ciel, la croix de la Légion d'honneur. Delannoy +reçut les larmes aux yeux la double accolade de M. Georges Pallain et de +l'amiral de Jonquières. Un tonnerre de bravos roula sous l'immense +plafond, et se prolongea longuement, jusqu'à l'instant où le nouveau +chevalier rejoignit sa place et tomba dans les bras de sa fidèle +compagne, en blanche coiffe boulonnaise, qui l'étreignait à plein coeur. + +Après Delannoy, ce furent dix, vingt autres, dont le plus jeune n'a pas +quinze ans, et dont on ne sait lequel admirer le plus. Ce sont Riou, +Jégou, Cloarec, rudes Bretons qui, à eux trois, dans la tempête du 30 +septembre, sauvèrent cinquante-six personnes; c'est Leprêtre, de +Gravelines, qui pour avoir, par une nuit sinistre, sauvé avec ses +camarades du bateau de sauvetage, huit hommes sur une barque en +perdition--une épave, déjà--reçoit la médaille d'or de l'amiral de +Jonquières; c'est Hougard, de la Turballe, c'est le capitaine Casanova, +des Messageries Maritimes, qui, le 20 juin, sauve et recueille les _cinq +cent trente-neuf_ marins et passagers du navire allemand _Queula_,--et +voilà pourquoi le comte Perponcher représente sur l'estrade +l'ambassadeur d'Allemagne. Car tous ces gens, Delannoy en tête, on l'a +vu, sont, eux aussi, internationalistes, comme se proclamaient nombre de +ceux qui, à la même heure, manifestaient en d'autres lieux contre la loi +de trois ans, au nom des grands principes. Seulement, leur manière est +différente, par bonheur. + +La cérémonie se termina par la présentation du «challenge de +l'héroïsme», créé par notre confrère le _Matin_, dédié _Aux marins +sauveteurs de France pour glorifier l'héroïsme français_. C'est un +magnifique objet d'art, oeuvre des frères Falize, qui a été attribué, +pour la première fois, aux marins de Saint-Guénolé-Kérity, Riou, Jégou, +Cloarec et leurs camarades du bateau de sauvetage, et qui va orner, un +an, le beau phare d'Eckmühl, à Penmarch. + + + +LE BOURGMESTRE LÉGIONNAIRE + +Le cas de ce bourgmestre allemand qui, il y a quelques semaines, +s'engagea dans notre légion étrangère, a déjà fait couler beaucoup +d'encre. Les journaux quotidiens ont raconté comment M. Paul Tromel, +bourgmestre d'Usedom, après avoir assisté, le 28 mars dernier, à une +séance du conseil d'arrondissement de Swinemunde, se rendit à Berlin, +d'où il écrivit à son adjoint d'Usedom de vouloir bien se charger des +affaires courantes. Puis, il quitta l'Allemagne et l'on perdit sa trace +jusqu'au jour où l'on apprit que, sous le nom de Funze, M. Tromel avait +contracté un engagement dans la légion étrangère. Là-dessus, les +feuilles allemandes ne manquèrent point cette occasion de renouveler +leurs coutumières attaques contre notre légion, et le cas de M. Tromel +donna lieu aux plus fantaisistes versions. + +On affirmait, notamment, que le bourgmestre d'Usedom avait été «racolé» +à Paris et dirigé sur la légion en même temps qu'un autre Allemand +originaire de Tilsitt. Celui-ci se serait évadé à Marseille, mais Tromel +n'aurait pas osé suivre cet exemple. Cependant, il aurait prié le +déserteur d'agir pour lui en Allemagne. Et là-dessus, toute la presse +pangermaniste de mener grand train. + +Or, il est résulté des premières informations précises reçues de Saïda, +où tient actuellement garnison le soldat de 2e classe du 2e étranger +Paul Tromel, que ce dernier, non seulement s'était engagé à la légion +dans toute la lucidité de son esprit, mais encore qu'il assurait s'y +trouver parfaitement bien et ne demandait qu'à continuer la vie qu'il +s'y était faite. Ce qui était confirmé par une déclaration écrite dudit +Paul Tromel, déclaration datée du 16 mai dernier, et dont nous +reproduisons plus bas le fac-similé. Enfin, ces derniers jours, les +journaux allemands voulaient bien annoncer eux-mêmes que l'adjoint +d'Usedom venait de recevoir de Tromel une carte postale illustrée +portant ces mots: + +_«Je vous adresse en signe de vie mes salutations. Je supporte très bien +le service. Je pense souvent à vous. Mille choses pour vous et votre +famille. De votre: Paul Tromel._ + +Donc, il apparaît bien que l'incident est clos. Le nom du bourgmestre +d'Usedom allonge simplement la liste de ceux de ses compatriotes qui ont +voulu, comme lui, changer leur destinée et vivre, dans notre légion, la +vie militaire française, dont, apparemment, on ne leur avait point dit +que du mal. + +[Illustration: M, Paul Tromel, bourgmestre d'Usedom, soldat de 2e classe +à la légion (2e rég. étranger).] + + + +A LA MÉMOIRE DE NOS SOLDATS +INDIGÈNES D'ALGÉRIE. + +Sous les auspices du «Souvenir français», et grâce à l'heureuse +initiative d'un officier du 4e tirailleurs, le capitaine Mennetrier, un +monument vient d'être élevé, au cimetière musulman de Bône, à la mémoire +des soldats indigènes morts au service de la France. C'est une blanche +«Koubba» de style mauresque, décorée de faïences; à l'intérieur, se +dresse un mausolée, dont la stèle porte une inscription en arabe rédigée +par un «thaleb», suivant le rite coranique. + +[Illustration: Monument élevé, au cimetière musulman de Bône, à la +mémoire des soldats indigènes morts pour la France.] + +Ce monument, conforme à la tradition musulmane, est le premier qui, sur +la terre d'Afrique, soit consacré aux héros de notre armée algérienne +tombés au champ d'honneur. L'hommage qui leur est ainsi officiellement +rendu ne pouvait manquer de toucher les populations indigènes: aussi la +cérémonie d'inauguration a-t-elle été pour elles l'occasion d'une +manifestation de loyalisme, qu'elles ont tenu à rendre d'autant plus +éclatante que, quelques jours auparavant, nos commissions de recrutement +avaient procédé, dans la région même, aux opérations de la conscription. + +Devant la Koubba, de nombreux discours furent prononcés. Parlant au nom +du «Souvenir français», M. Délaye indiqua qu' «au moment où nous faisons +un plus large appel aux soldats indigènes de notre Afrique du Nord, il +était nécessaire de montrer à nos sujets musulmans que la France se +souvient et sait honorer la mémoire de tous ceux qui meurent pour elle». +M. Bulliod, représentant la municipalité de Bône, évoqua, avant M. +Laromer, président de la Société des «Vétérans de 1870-1871», les fastes +glorieux de nos troupes algériennes. Puis M. Mardassi Brahim, notable +musulman, dans une belle allocution patriotique, proposa à ses jeunes +coreligionnaires l'exemple de Saïd ben Béchir, ce «turco» du 3e +tirailleurs qui s'illustra à la défense de Bazeilles. Et, enfin, M. +Chérif-Cheikh, conseiller municipal et président du comité du monument, +fit noblement valoir que, si nos soldats indigènes sont, par eux-mêmes, +courageux et prêts à tous les sacrifices, ils doivent aux officiers +français qui les conduisent et qui leur apprennent à se battre de former +une irrésistible élite. + +[Illustration: Autographe de la déclaration écrite et signée, à Saïda, +le 16 mai dernier, par M. Paul Tromel.] + +[Illustration: LE MARIAGE DE LA FILLE DE GUILLAUME II.--Dîner de gala +dans la Salle Blanche du château royal de Berlin. A gauche, de bas en +haut: la princesse impériale (femme du kronprinz), le duc de Cumberland, +la reine Marie d'Angleterre, l'empereur d'Allemagne, la duchesse de +Cumberland (cachée par un valet), le prince impérial d'Allemagne; à +droite, de bas en haut: la princesse Cécile Henri de Prusse, le roi +d'Angleterre, l'impératrice d'Allemagne, le fiancé (prince Ernest de +Cumberland), la fiancée (princesse Victoria-Louise), l'empereur de +Russie, la grande-duchesse de Bade, etc.--_Dessin de J. MATANIA, envoyé +spécial à Berlin du journal illustré anglais_, The Sphere.] + +Le mariage civil et religieux de la princesse Victoria-Louise, fille de +l'empereur Guillaume II, avec le prince Ernest-Auguste de Cumberland, +due de Brunswick-Lunebourg, fils du duo de Cumberland, chef de la maison +dépossédée de Hanovre, a été célébré en grande pompe, le samedi 24 mai, +au château royal de Berlin. Les souverains anglais et le tsar, venus +exprès dans la capitale allemande, assistèrent aux diverses cérémonies +en même temps que cinquante grands-ducs, grandes-duchesses et princes de +maisons régnantes. Notre gravure donne une vision du fastueux dîner qui, +dans la Salle Blanche du palais, réunit, le 22 mai au soir, ces hôtes +augustes autour des jeunes fiancés dont l'union symbolisait la +réconciliation des Guelfes et des Hohenzollern. On annonce, en effet, +déjà, que, d'ici à peu de mois, le jeune prince Ernest-Auguste, le mari +de la fille du kaiser, sera remis en possession de tous les droits de sa +famille sur le duché de Brunswick qu'administre actuellement et +provisoirement une régence. + + + +[Illustration: East river, les docks et le pont de Brooklyn.] + +NEW-YORK ENTREVU PAR UN BARBARE D'ORIENT + +Copyright by Pierre Loti, 1913. + +Samedi, 21 septembre 1912. + +Le jour se lève. L'hélice du paquebot qui m'amène a ralenti son +tournoiement fébrile: évidemment nous arrivons, nous sommes devant +New-York. + +Et, comme par un pressentiment qu'une grande chose extraordinaire va +passer, j'ouvre la fenêtre de ma cabine. En effet, là-bas, en face, une +sorte de colosse de Rhodes, une femme exaltée se dresse sur le ciel, le +bras tendu dans un geste magnifique. Sans l'avoir jamais vue, je la +reconnais, il va sans dire: la statue de la Liberté, qui veille à +l'entrée de l'Hudson. Elle est haute comme une tour. Les pluies et les +vents lui ont déjà donné la patine vert-de-gris des antiques déesses de +l'Égypte. Sur un piédestal en pierres roses, aussi grand qu'une +citadelle, elle surgit, pâlement verdâtre, dans le brouillard du matin +et dans les fumées que le soleil dore. Elle est superbement symbolique +et terrible. On dirait qu'elle fait à l'univers entier des signes +d'appel; on dirait qu'elle crie: «Hurrah! C'est ici la porte! Hurrah! +Entrez tous dans la fournaise! Jetez-vous tête baissée dans le gouffre +des affaires, du bruit, de l'agitation et de l'or!» + +Et le voici qui s'ouvre devant nous, ce gouffre quasi infernal. Jadis, +ce n'était que l'entrée d'une large rivière, entre des roseaux et des +arbres. Aujourd'hui c'est quelque chose qui, pour mes yeux épris +d'Orient et de lignes pures, tient du cauchemar, mais arrive quand même +à une sorte de beauté tragique, par l'excès même de l'horreur. Mille +tuyaux crachent des fumées noires ou des vapeurs en tourbillons blancs, +qui se mêlent, qui s'enroulent, qui embrouillent l'horizon comme sous +des sarabandes de nuages. Le long des deux rives, à perte de vue, +s'alignent les docks couverts, qui sont de gigantesques carcasses toutes +pareilles, en ferraille couleur de deuil. Partout des inscriptions +accrocheuses s'étalent en lettres de dix mètres de haut, les unes +blanches ou rouges sur les fonds noirs, les autres aériennes soutenues +par des charpentes d'acier. On est assourdi par des sifflets stridents, +des plaintes gémissantes de sirènes, des grondements de moteurs, des +fracas d'usines. Et, au-dessus de tout cela que tant de fumées +enveloppent, plus haut, plus haut, comme des géants poussés trop vite et +trop efflanqués, des géants qui allongeraient démesurément le cou pour +mieux voir, les gratte-ciel surgissent effarants et invraisemblables, +les uns carrés, les autres pointus, les gratte-ciel à trente, quarante +ou cinquante étages, surveillant ce pandémonium par leurs myriades de +fenêtres... + +[Illustration: La statue de la Liberté.] + +Ah! on vient me réclamer ma «feuille d'entrée», un questionnaire que +chacun doit remplir avant d'être admis à poser le pied sur le sol +d'Amérique. Moi qui avais oublié! En hâte je griffonne mes réponses. Un +peu stupéfiantes, les questions: «Etes-vous anarchiste? Etes-vous +polygame? N'êtes-vous pas idiot? N'avez-vous jamais donné de signes +d'aliénation mentale? Possédez-vous plus de cinquante dollars de +patrimoine? Combien de condamnations avez-vous subies? etc..» De telles +précautions témoignent du juste souci qu'ont les Américains de ne pas +admettre chez eux les hôtes «non désirables» (undesirables),--et nous +devrions bien en faire autant à Tunis, pour les émigrants que nous +envoie chaque jour l'Italie.--C'est égal, ce formulaire suranné est un +peu naïf, car si l'on était idiot ou maboul, il est probable qu'on n'en +conviendrait pas, surtout par écrit. + + * + * * + +[Illustration: Les toits de New-York.] + +[Illustration: Les passerelles du Métropolitain.] + +Deux ou trois heures plus tard, après d'interminables formalités de +douane et des batailles sur les docks contre des journalistes armés de +kodaks, je me trouve enfin au centre de New-York, confortablement +installé et très haut perché dans un hôtel à je ne sais combien +d'étages, où fonctionnent de prodigieux ascenseurs. Je domine de mes +fenêtres la plupart des bâtisses d'alentour, où tout est rouge, d'un +rouge sombre tirant sur le chocolat. Murs de briques rouges. Toits en +terrasses, sans tuiles bien entendu, mais couverts de je ne sais quel +«imperméable» peint en rouge,--et ce sont des promenoirs pour les +habitants, leurs chiens et leurs chats; des messieurs en bras de chemise +(car il fait très chaud, une chaleur mouillée de Gulf-Stream) y lisent +les journaux à dix pages, des ménagères y battent leurs tapis ou bien y +font sécher leurs lessives. Au-dessus des toits, un peu partout, +s'élancent des charpentes en fer pour soutenir en plein ciel les grandes +lettres des affiches-réclames, ou bien pour élever, comme à bout de +bras, les énormes tonneaux peints en rouge qui contiennent les +provisions d'eau en cas d'incendie. Trop de choses en l'air, vraiment, +trop de ferrailles, trop d'écritures zigzaguant sur les nuages. Et çà et +là, auprès ou au loin, des gratte-ciel se dressent isolés--sortes de +maisons-asperges, pourrait-on dire--qui font mine d'épier avec +indiscrétion tout ce qui se passe alentour. D'en bas m'arrive un +continuel vacarme; en plus des autos comme à Paris, c'est le +Métropolitain qui fonctionne sur de bruyantes passerelles en fer, à +hauteur de premier ou de deuxième étage; sans trêve, les trains se +poursuivent ou se croisent. Et il y en a d'autres en dessous, qu'on +entend rouler comme des ouragans dans les profondeurs du sol. C'est la +ville de la trépidation et de la vitesse! Regardés de mes hautes +fenêtres, les passants me semblent tout écrasés et courtauds. Les +femmes, avec la mode actuelle, disparaissent sous leur chapeau trop +large, ressemblent à un disque où des plumets s'agitent. Et, au milieu +de ces gens empressés qui cheminent le long des trottoirs, de tous +petits êtres décrivent des courbes folles: des «enfants à roulettes» +qui, déjà pris d'une frénésie d'aller vite, font du skating éperdument +sur l'asphalte. + +Quatre heures, le moment où j'avais fait dire à des journalistes que je +les recevrais. Et il m'en arrive un, puis deux, puis dix, puis vingt, +puis trente!... Tous ont l'abord courtois et cordial, et bien volontiers +je leur tends la main. Mais où donc les mettre? Mon salon n'a plus assez +de chaises; qu'on ouvre ma chambre à coucher, on en fera asseoir sur mon +lit; pour les occuper, qu'on leur offre des cigarettes! + +Et je suis sur le banc des accusés, au milieu de tout ce monde. Un seul +parle français et traduit aux autres mes paroles ahuries, qui sont +aussitôt notées sur des carnets. «Qu'est-ce qu'il a dit? Qu'est-ce qu'il +a dit?» Je n'aurais jamais cru que mes réparties, généralement ineptes, +pourraient être si précieuses. + +--«Mon cher maître, voulez-vous d'abord nous exposer ce que vous pensez +des femmes américaines.» + +--«Moi! Mais rien encore: je n'ai pas eu le temps de sortir, je n'en ai +vu qu'une seule, une femme de chambre rencontrée dans l'ascenseur, et +c'était une négresse!» + +--«Bien. Écrivez: M. Pierre Loti diffère son jugement et demande à +réfléchir.» + +A l'instant même, en voici deux qui font leur entrée, deux Américaines, +demoiselles journalistes, le kodak au cran de sûreté. Elles ont l'air +intelligent, éveillé, gracieux et d'ailleurs très comme il faut. Je les +fais asseoir à mes côtés; l'une d'elles s'excuse d'être encore en tenue +de voyage: c'est qu'elle arrive à peine du Congo, où elle était allée +chasser le rhinocéros... Et l'interrogatoire continue. La littérature, +l'hygiène, la politique, la religion et l'économie sociale, tout y +passe. Quelle haute idée ont-ils donc de mon omnicompétence, pour +enregistrer avec tant de soin mes plates réponses: + +--«Mon cher maître, êtes-vous d'avis que la convention de Genève +autorisera l'emploi des aéroplanes militaires? Mon cher maître, +êtes-vous partisan de la castration pour les assassins, qu'un de nos +philanthropes vient de proposer?» + +Les deux gentilles misses parlent français. Leurs questions +particulières s'entre-croisent avec celles de l'interprète général. Et +bientôt c'est le plus étourdissant des coq-à-l'âne, où se heurtent la +réélection de M. Fallières, les suffragettes, la castration des +assassins, la représentation proportionnelle et les randonnées du +rhinocéros. Que va-t-il sortir de ce tohu-bohu, et quel effet d'ensemble +cela donnera-t-il, en imprimé, dans les journaux de cette nuit?... + +Mais j'avais pensé que ce serait assommant, et au contraire! C'est +d'ailleurs si nouveau pour moi, qui, en France, ne reçois jamais un +reporter, c'est si imprévu, si drôle, et ils ont si bonne grâce, que +vraiment je m'amuse. Quand ils sont tous partis, les grandes lettres que +j'aperçois par mes fenêtres, les grandes lettres dans le ciel, +commencent à éclairer le brumeux et lourd crépuscule, chaque inscription +prenant feu d'un seul coup, l'une en rouge, l'autre en bleu, l'autre en +vert; ce sont des réclames lumineuses et clignotantes; New-York en est +couvert et on m'a bien recommandé d'aller le soir admirer dans les rues +cette féerie quotidienne. + +[Illustration: Broadway.] + +[Illustration: Foule du samedi, à 5 heures de l'après-midi.] + +[Illustration: New-York le soir, vu de Brooklyn.] + +[Illustration: Un gigantesque panneau-réclame: course de chars romains +surmontant une maison.] + +A neuf heures donc, je descends me mêler à la foule, sur les larges +trottoirs de Broadway. Malgré les costumes parisiens des femmes, malgré +les «complets» et les horribles «melons» pareils aux nôtres, ce n'est +pas la foule de Paris; les allures ont je ne sais quoi de plus décidé, +de plus volontaire, de plus excentrique aussi. Et quel méli-mélo de +toutes les races! On reconnaît au passage des Japonais, des Chinois +tondus à l'européenne, des Grecs, des Levantins, des Scandinaves aux +cheveux pâles.--Quelqu'un du pays me disait ce soir: «New-York n'est pas +encore tout à fait l'Amérique, il n'en est plutôt que le seuil, où +s'arrêtent d'abord en débarquant les foules disparates qui nous viennent +d'Europe. A la seconde génération, quand tous ces gens se sont mêlés, +croisés, nous voyons naître alors de vrais Américains qui ont une +cohésion parfaite et l'amour de leur patrie nouvelle, vérifiant la +devise «_e pluribus unum_». Ceux-là se fixent plus volontiers dans nos +villes de l'intérieur, où il faut aller pour se sentir vraiment aux +Etats-Unis, et voir la race entreprenante et forte, rajeunie comme un +arbre taillé, qui résulte du mariage de toutes ces énergies.»--Beaucoup +de femmes élégantes, sur les trottoirs de Broadway, et beaucoup de très +belles, du moins quand elles ne sont pas crûment éclaboussées par de +blêmes soleils électriques leur donnant des teints de cadavres; mais +trop de négresses, en vérité; à chaque instant, sous quelque grand +chapeau garni de roses, passe une figure toute noire. Les opulentes +boutiques, les étalages derrière d'immenses glaces, sont comme le long +de nos boulevards. Mais l'électricité qui ruisselle ici, qui règne en +souveraine, est mille fois plus agressive que chez nous; il semble que +tout vibre et crépite sous l'influence de ces courants innombrables, +dispensateurs de la force et de la lumière; on est comme électrisé +soi-même et un peu frémissant. Mon Dieu, que de bruit dans Broadway! +Presque sans trêve, il faut se résoudre à entendre courir en vertige +au-dessus de sa tête, sur les vibrantes passerelles de ferraille, des +files de wagons-monstres, bondés de monde et étincelants de feux. En +revenant d'ici, Paris va me sembler une bonne vieille petite ville +arriérée et calme, aux maisonnettes basses; d'ailleurs aucune de ses +illuminations du 14 juillet n'approche des fantasmagories qui, les soirs +quelconques, se jouent à New-York. Partout des lumières multicolores, +qui changent et scintillent, formant et déformant des lettres; elles +dégringolent en cascade du haut en bas des maisons, ou traversent les +voies comme des banderoles tendues. Mais c'est en l'air surtout qu'il +faut regarder--malgré le fracas souterrain des trains express qui vous +feraient baisser instinctivement les yeux vers le sol--c'est en l'air, +au faîte des extravagantes bâtisses, au-dessus des toits; là sont les +réclames lumineuses, qui remuent par des trucs nouveaux, les visions qui +dansent. Un marchand de je ne sais quoi a surmonté sa boutique d'une +course de chars romains où l'on voit des chevaux gigantesques agiter +avec frénésie leurs pattes de feu. Un marchand de parapluies a érigé une +bonne femme qui gesticule avec son ombrelle ouverte. Un marchand de +mercerie exhibe un énorme chat, tout en feu jaune, qui dévide un peloton +de feu rouge et s'entortille avec le fil. Un marchand de brosses à +dents, le plus cocasse de tous, fait gigoter dans le ciel un diablotin +qui roule des prunelles de feu vert, en brandissant de chaque main une +brosse de 10 mètres de long... Vite, vite, les apparitions se dessinent, +se démènent, s'effacent, reviennent, vite, si vite que le regard se +trouble à les suivre. Et de temps à autre, au bout d'un gratte-ciel non +éclairé, qui montait invisible dans l'atmosphère de brume et de fumée, +quelque affiche géante, que l'on dirait suspendue comme une +constellation, éclate en feu rouge, vous martèle un nom dans l'esprit, +et se hâte de s'éteindre. Tout cela, pour ma mentalité d'Oriental, est +déroulant et même un peu diabolique; mais c'est si drôle et en même +temps si ingénieux, que je m'amuse et presque j'admire... + +Dimanche, 22 septembre. + +Ce que je vais raconter de ma première nuit de New-York fera sourire les +Américains; aussi bien est-ce dans ce but que je l'écris. Dans un livre +du merveilleux Rudyard Kipling, je me rappelle avoir lu les épouvantas +du sauvage Mowgli la première fois qu'il coucha dans une cabane close: +l'impression de sentir un _toit_ au-dessus de sa tête lui devint bientôt +si intolérable, qu'il fut obligé d'aller s'étendre dehors à la belle +étoile. Eh! bien, j'ai presque subi cette nuit une petite angoisse +analogue,--et c'étaient les gratte-ciel, c'étaient les grandes +lettres-réclames au-dessus de moi, c'étaient les grands tonneaux rouges +montés sur leurs échasses de fonte; trop de choses en l'air, vraiment, +pas assez de calme là-haut. Et puis, ces six millions d'êtres humains +tassés alentour, ce foisonnement de monde, cette _superposition_ à +outrance oppressaient mon sommeil. Oh! les gratte-ciel, déformés et +allongés en rêve! Un en particulier (celui du trust des caoutchoucs, si +je ne m'abuse), un qui surgit là très proche, un tout en marbre qui doit +être d'un poids à faire frémir! Il m'écrasait comme une surcharge, et +parfois quelque hallucination me le montrait incliné et croulant... + +[Illustration: Des gratte-ciel.] + +[Illustration: Un coin de Central Park.] + +C'est dimanche aujourd'hui; le matin se lève dans une brume lourde et +moite; il fera une des chaudes journées de cette saison automnale qu'on +appelle ici «_l'été indien_». Sur New-York pèse la torpeur des +dimanches anglais et, dans les avenues, les voitures électriques ont +consenti une trêve d'agitation. Rien à faire, les théâtres chôment et +demain seulement je pourrai commencer à suivre les répétitions du drame +qui m'a amené en Amérique. Mais dans le voisinage, tout près, il y a +Central Park, que j'aperçois par ma fenêtre, avec ses arbres déjà +effeuillés; j'irai donc là, chercher un peu d'air et de paix. + +Central Park est comme un bois de Boulogne ouvert en pleine ville, avec +des allées pour les cavaliers, des allées pour les autos, d'immenses +prairies pour le football, et des recoins presque solitaires pour les +idylles. + +[Illustration: Un promeneur et un écureuil dans Central Park.] + +Les feuillages sont les mêmes qu'en France, mais flétris par un plus +précoce automne, après un été plus brûlant. Çà et là des blocs de +rochers noirs se lèvent, comme s'ils avaient crevé les pelouses, et +c'est le sol même de New-York qui reparaît à nu, ce sol dur et homogène +qui a favorisé la hardiesse des maisons à trente ou quarante étages, +écrasantes de lourdeur. Le parc est tellement grand que parfois on se +croirait en pleine campagne, si toujours un ou deux gratte-ciel dans le +lointain n'élevaient au-dessus de la cime des arbres leurs têtes +indiscrètes, semblables à des maisons chimériques du pays de Gulliver... +Les gens élégants doivent avoir fui la ville, car je ne rencontre +aujourd'hui que des petits bourgeois endimanchés, des «enfants à +roulettes», d'austères vieilles misses à lorgnon qui doivent être des +institutrices. Et solitairement je vais m'asseoir au bord d'une allée. + +A peine suis-je là qu'un bruit très léger me fait tourner la tête. A +côté de moi, sur mon banc, un amour de petit écureuil gris vient de +bondir, et il me regarde en faisant le beau, debout sur son +arrière-train, relevant sa belle queue de chat angora... Oh! en voici un +second, plus hardi encore» qui saute sur mes genoux! J'en aperçois aussi +qui courent sur l'herbe ou qui jouent dans les branches.--Et c'est une +des choses gracieuses et touchantes de New-York, cette tribu de petits +êtres libres qui a pris possession de Central Park et que tout le monde +protège; on leur bâtit des maisonnettes de poupée sur les arbres, les +promeneurs leur apportent des bonbons et des graines qu'ils viennent +manger à la main; rien ne les effraie plus, ni le galop des cavaliers, +ni le bruit de ces «enfants à roulettes», aussi gentils et effrontés +qu'eux-mêmes, qui font du skating sur l'asphalte de tous les sentiers. + +Le déclin du jour amène pour moi d'intolérables mélancolies dans ce parc +d'automne, au milieu de cet humble petit monde du dimanche, qui est si +hétéroclite et qui m'est si inconnu; au-dessus des bosquets d'ombre, les +lointains gratte-ciel, rougis à la pointe par le soleil couchant, me +donnent une impression d'exil que je n'avais jamais éprouvée, même en +plein désert; les écureuils gris, par précaution contre les chats qui +vont bientôt rôder, remontent dans leurs maisonnettes suspendues; le +crépuscule commence à m'étreindre, et j'ai envie de m'enfuir vers les +rues plus animées où je coudoierai plus de monde. Je ne sais si déjà je +m'américanise, mais je sens ce soir qu'il me faut du mouvement et du +bruit. + +[Illustration: L'armée du Salut.] + +Dans les quartiers qui entourent le parc, toutes ces hautes maisons, que +de richesses elles étalent et quel luxe dominateur! C'est presque trop; +la proportion, la mesure manquent un peu. Les entrées où veillent des +mulâtres galonnés, sont de marbre ou de porphyre, avec des colonnades +grecques, byzantines ou gothiques, avec de lourdes et somptueuses +grilles en bronze ou en fer forgé qui feraient honneur à nos +cathédrales. Et tout cela vient de surgir presque en un jour! C'est +humiliant en vérité pour notre vieille Europe qui a mis des siècles à +bâtir ses villes célèbres et n'a jamais eu assez d'or pour faire aussi +beau. Mais, à tant de luxe, quelque chose manque, quelque chose que l'on +ne définit pas, et qui est peut-être tout simplement l'âme d'un passé... + + * + * * + +Neuf heures, et nuit brumeuse. Quand je suis accoudé à ma haute fenêtre, +avant de redescendre me plonger dans la fantasmagorie des rues, une +sérénade tout à fait burlesque éclate sans préambule, en bas, sur un +trottoir de Broadway. Des voix d'hommes hurlent ensemble une sorte de +cantiques de guerre, accompagné à l'unisson par des trombones et des +cors de chasse. Qu'est-ce que c'est que ce charivari, mon Dieu?--Ah! +l'armée du Salut! Un bataillon qui est venu se poster là pour tâcher de +sauver au passage les égarés du dimanche soir s'acheminant vers les +bouges de l'alcool. Eh! bien, après la première minute de stupeur et de +sourire, on oublie le ridicule de cela pour céder à une impression +plutôt grave. Dans cette ville où trépident nuit et jour les +transactions et les affaires, il y a donc place encore pour le vieux +rêve religieux qui berça les hommes pendant des siècles. Ce rêve, il est +vrai, a pris une forme délirante, tapageuse, effrénée, ici où tout est +neuf et excessif; mais on le sent là, bien vivant quand même, derrière +cette musique de maison de fous. Et on ne sourit plus. + +Copyright. Droits réservés. + +PIERRE LOTI. + +--_A suivre_.-- + +[Illustration: Écureuil.] + + + +[Illustration: Au Bois, le matin: les jolies rencontres du photographe.] + +[Illustration: MAI PARISIEN.--Robes et chapeaux printaniers: la mode vue +aux dernières réunions de Longchamp.--_Phot. de Givenchy et Agié._] + +C'est toujours au Bois, le matin, et, l'après-midi, aux Courses, qu'il +faut aller chercher les visions très diverses de luxe et de grâce +féminine dont le mois de mai parisien compose son attrait particulier. +Les hasards d'une promenade dans les allées du Bois ont favorisé le +photographe; il en a rapporté trois instantanés qui, par bonne fortune, +forment des tableautins de genre achevés. Et il a pu surprendre, aux +réunions de Longchamp, toutes les variétés des élégances printanières, +encore timides et hésitantes jusqu'au dernier meeting où elles +s'affirmèrent sans réserve. Les images que nous avons rapprochées ici, +et celle de la double page qui suit, donneront un aperçu des modes de +cette saison, que marque le triomphe incontesté du petit chapeau +empanaché, abondant en aigrettes et en paradis, et paré de capricieuses +«fantaisies». + +[Illustration: ÉLÉGANCES DE LONGCHAMP: LA FOLIE DES AIGRETTES ET DES +PARADIS] + + + +[Illustration: Le village de Tormery, vu du sommet de la roche +menaçante.] + +L'EXPLOSION DU ROCHER DE TORMERY + +Un des événements de la semaine dernière a été cette explosion du rocher +de Tormery dont on parlait depuis si longtemps. Il faisait partie +obligée des curiosités que devait visiter le touriste, venu passer +quelques jours à Aix-les-Bains ou dans la contrée. On vous conduisait +jusqu'à la gare de Chignin et l'on vous montrait le rocher. + +--Voilà la «Roche Pourrie», disait le guide, et au-dessous le village de +Tormery qu'elle écrasera un de ces jours. + +Et, de fait, il y avait lieu de redouter un cataclysme, car cette énorme +masse, de 9.000 mètres cubes, semblait suspendue au-dessus des soixante +et quelques maisons habitées par les braves cultivateurs savoyards. Un +premier avertissement avait été donné le 14 août 1903. A 7 heures du +soir, deux blocs de 400 mètres environ s'étaient détachés de la «Roche +Pourrie», comme l'avaient baptisée les paysans, à cause de sa +désagrégation lente, mais progressive. Ces blocs, par bonheur, étaient +tombés dans la plaine et n'avaient atteint personne. Ils s'étaient +contentés d'écraser deux celliers inoccupés, dont, après la chute, il +n'était plus resté trace. + +Allait-il donc, dans un temps plus ou moins long, en être de même du +village? C'était certain, c'était fatal, si l'on ne prenait au plus vite +les mesures nécessaires. + +[Illustration: Les échafaudages dressés pour le percement des 237 trous +de mine.] + +L'administration des ponts et chaussées intervint. Elle fit sceller, en +travers des crevasses, des barres de fer qui permettraient de constater +le moindre déplacement du rocher. C'était un palliatif momentané et +insuffisant, parce que le rocher qui repose sur un sol marneux pouvait +un jour s'abattre d'un seul coup sur Tormery sans avoir bougé +auparavant. + +[Illustration: Vue en plan.] + +Des démarches nouvelles furent faites de la part des autorités locales, +maire, conseil municipal, conseil d'arrondissement, conseil général, +préfet... Les ingénieurs des ponts et chaussées examinèrent sous toutes +ses faces la «Roche Pourrie» et finirent par tomber d'accord sur ce +point qu'il fallait la détruire. + +Le bloc B (après l'explosion qui a détruit, à droite et à gauche, les +parties condamnées de la masse rocheuse) est tombé en arrière, +entraînant des fragments de la partie supérieure, et s'est coincé en A +dans la crevasse; la partie C de la roche centrale restée en surplomb +s'est déplacée de 4 centimètres en bas et vers sa droite. + +[Illustration: Vue en coupe (suivant d e sur la vue en plan).] + +Mais comment? On ne pouvait pas, bien entendu, faire écrouler le rocher +sur le village: c'eût été provoquer la catastrophe qu'on voulait éviter. +Par les moyens ordinaires, c'est-à-dire par des coups de mine +successifs, on aurait envoyé au loin d'énormes quartiers de roc qui +auraient broyé tout ce qui se serait trouvé sur leur passage. Il fallait +au contraire anéantir le rocher, le réduire en parcelles inoffensives, +et pour cela provoquer, en des points très nombreux et très rapprochés, +autant d'explosions absolument simultanées. Mais, même en employant +l'électricité, on ne voyait pas bien la possibilité d'y arriver... +d'autant plus qu'il fallait éviter tout «ratage», c'est-à-dire toute +mine n'ayant pas fait explosion et demeurant par suite très dangereuse. + +On s'adressa--il y a un an de cela--à la maison Davey, Bickford, Smith +et Cie, de Rouen, déjà bien connue par son cordeau Bickford qui sert +dans les mines--et aussi dans les attentats anarchistes--à faire +exploser un engin, utile ou criminel. Il ne s'agissait pas cette fois du +cordeau Bickford ordinaire, comme l'ont dit presque tous les journaux, +mais bien d'un nouveau cordeau détonant au trinitrotoluène, pour lequel +la maison a pris un brevet spécial et qui détone avec une vitesse de +6.000 mètres à la seconde, alors que le cordeau ordinaire brûle à raison +d'un mètre en 90 secondes et ne peut pas exploser. + +La vitesse de détonation du nouveau cordeau permet de faire partir +ensemble un nombre incalculable de mines avec une seule amorce +électrique mise au moment même où l'on veut produire l'explosion. + +Le cordeau est en contact avec toutes les cartouches, car il va au fond +de chaque trou. Il oblige toutes les cartouches à partir. Plus +d'accidents consécutifs aux culots, d'explosifs,--terme consacré pour +désigner l'explosif non parti. En outre, pendant le chargement, +l'absence d'amorce supprime tout danger. + +C'est avec ce cordeau qu'on a exécuté des travaux très difficiles et +très délicats, comme le déblaiement du tunnel d'Ypres, situé au milieu +de riches propriétés qu'une secousse trop forte eût pu détériorer, ceux +de Briddlington (Yorkshire), de Port-de-Bouc, de +Saint-Jean-de-Maurienne, etc. + +La maison Davey, Bickford et Cie envoya un jeune ingénieur, M. Georges +Dienne, qui examina le rocher. Après une visite minutieuse, il fut +d'avis qu'on pouvait, sans le moindre danger pour le village, réduire en +poussière les 9.000 mètres cubes. + +Mais M. Reulos, ingénieur des ponts et chaussées, estima que c'était +exagéré. A son avis, il suffisait d'enlever deux blocs qui se trouvaient +à droite et à gauche du bloc central et qui, à eux deux, cubaient 2.000 +mètres. Le reste ne serait plus dangereux. On consoliderait le bloc de +7.000 mètres restant, au moyen d'un mur de soutènement. + +N'ayant à s'occuper que de l'exécution des ordres reçus, M. Georges +Dienne s'inclina. Il prit ses mesures. Ce fut une besogne longue et +difficile que de percer les 237 trous de mine sur les flancs de ces deux +blocs. On en jugera par les photographies prises pendant la préparation. + +Ces trous de mine furent chargés avec de la dynamite gomme à 92% de +nitroglycérine. Certains de ces trous dépassaient quatre mètres et demi +de profondeur et étaient chargés de six kilos de dynamite. + +La longueur totale de cordeau détonant, partant de chaque trou pour se +raccorder au point où fut placée, à la dernière minute, l'amorce +électrique qui provoqua la détonation générale, était de 1.500 mètres. + +[Illustration.] + +[Illustration: Le chargement à la dynamite des trous de mine et la pose +des cordeaux détonants.] + +[Illustration: L'explosion. Près de la cabane, sur le flanc de la +montagne, à gauche, se tenait, avec ses aides, l'ingénieur chargé de +déterminer la déflagration; on voit, aux bords de la dentelure de flamme +et de fumée, que la roche éclatée est projetée dans l'espace en +cailloutis minuscules.] + +Bien que M. Dienne répondît de tout et affirmât que les maisons de +Tormery ne ressentiraient même pas une secousse, l'administration crut +devoir prendre des mesures exceptionnelles de prudence. On donna ordre +d'évacuer le village et ce fut un spectacle attristant de voir les +paysans abandonner leurs maisons avec leurs femmes et leurs enfants, +traînant après eux leurs bestiaux, emportant leurs objets les plus +précieux, leurs instruments agricoles, etc. Mercredi matin, le maire de +Chignin, commune d'où dépend Tormery, vint avec les gendarmes et les +gardes forestiers visiter les maisons une à une pour s'assurer que +personne n'y était resté. + +La nouvelle de cette explosion avait attiré beaucoup de curieux. Il en +était venu d'Aix-les-Bains, de Chambéry, de Grenoble, de Lyon, de +Genève. La compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée avait organisé des +trains spéciaux et la petite gare de Chignin ne s'était jamais trouvée à +pareille fête. Pour contenir la foule, on avait dû faire venir une +compagnie de chasseurs alpins. Il fallait à tout prix empêcher les +curieux d'être victimes de leur imprudence et de recevoir sur la tête un +des blocs de roches qu'allait infailliblement lancer en l'air +l'explosion, absolument comme un volcan en éruption. + +Quant au village on en avait fait le sacrifice. Il allait, +vraisemblablement, être enseveli sous les décombres, comme Pompéi et +Herculanum sous la lave du Vésuve. Le conseil général avait voté une +somme de 100.000 francs pour indemniser les habitants, obligés de se +reconstruire un asile un peu plus loin dans la vallée. + +Mercredi matin, la foule était là, haletante. On se montrait, en face de +Tormery, le Granier, cette muraille de 2.000 mètres qui maintient la +montagne. On se racontait qu'en 1428 une partie de cette montagne +s'était écroulée, engloutissant vingt-trois localités, dont une ville de +5.000 habitants, nommée Saint-André, et sur l'emplacement de laquelle se +trouve actuellement le lac du même nom. On se disait qu'aujourd'hui +encore, dans la clarté des matins, on peut apercevoir sous les eaux du +lac, au fond, tout au fond, la pointe du clocher de Saint-André, comme +dans la baie de Soulac, en Saintonge, on aperçoit à temps calme la ville +engloutie par la mer. + +Dix heures... M. Georges Dienne, après une rapide inspection, réunit ses +cordeaux et pose le détonateur. On avertit la foule que l'explosion va +avoir lieu. + +Dix heures trente-cinq... une faible flamme, un crépitement, suivi d'un +bruit semblable à celui des grêlons qui tombent. Ce sont les petits +fragments du roc qui dégringolent de chaque côté, pas plus gros que les +graviers qu'on jette dans les allées des parcs... Le village est intact. + +--C'est ça l'explosion! s'écrie-t-on dans la foule. + +Et, il faut l'avouer à la honte de l'espèce humaine, il y a un immense +désappointement. On se figurait voir une lueur colossale, des jets de +feu gigantesques, des blocs énormes projetés à des hauteurs +incommensurables et retombant sur les toitures du village qu'ils +auraient broyées comme des fétus de paille... Ce n'était vraiment pas la +peine de venir de si loin. + +[Illustration: Après l'opération: blocs de roche tombés dans la fissure +derrière la masse centrale de roc restant en porte à faux.] + +Si, c'était la peine, parce qu'on a vu la puissance de la science +actuelle, luttant contre les forces de la nature. + +Parmi les habitants aussi, il y en eut quelques-uns qui furent déçus. +Ils savaient qu'il y avait 100.000 francs destinés à payer les dégâts et +ils avaient escompté cela, imaginant sans doute qu'au lieu de leur +vétusté masure on leur donnerait un petit chalet plus moderne, plus +confortable que la demeure ancestrale si rudimentaire. Mais ils se +consolèrent vite. N'était-ce pas le bonheur quand même, que de pouvoir +sans encombre reprendre sa place au foyer et ses habitudes?... + +Les deux blocs latéraux sont donc pulvérisés. Le danger est-il +complètement, définitivement conjuré? Il est à craindre que non. + +Le bloc principal, de 7.000 mètres, subsiste. Les terrains qui le +supportent sont toujours aussi mauvais: c'est de la marne qui +s'attendrit et se délaie à la pluie... + +Il est vrai qu'on va le soutenir par un mur. Mais ce mur, dont la +construction présentera de grandes difficultés et nécessitera de fortes +dépenses, pourra-t-il présenter une résistance suffisante? Le terrain +sur lequel on aura à poser les fondations est-il assez solide? Quelle +épaisseur faudra-t-il lui donner pour qu'il puisse supporter la poussée +formidable du rocher? + +Les blocs non minés qu'on a voulu garder sur le sommet du rocher et du +côté de la montagne, pour faire contrepoids, sont tombés dans la +crevasse qui sépare le rocher de la montagne. Au lieu de soutenir la +«roche pourrie», ils vont la pousser vers l'avant. + +En outre, une partie de ce rocher qui, avant l'explosion, faisait corps +avec le noyau principal, s'est déplacée de quatre centimètres vers la +droite du côté nord et est descendue également de quatre centimètres, +ainsi qu'en font foi les «témoins» posés avant l'explosion et examinés +après. + +Tout cet été il n'y aura rien à craindre. Mais, l'hiver venu, avec les +pluies, ou bien encore au dégel...? + +On fera bien, pendant que la saison est favorable, de construire au plus +vite le mur de soutènement et d'y apporter tous les perfectionnements +possibles, dût-on y consacrer les 100.000 francs qu'on destinait à la +reconstruction du village. + +Mais n'eût-il pas été plus simple d'anéantir d'un seul coup tout le +rocher? + +C. D. + + + +Une représentation de _la Fiancée vendue_ de Smetana sur la vaste scène +en plein air du Théâtre national de Prague.--Phot. V. Jehticka. + +UN GIGANTESQUE THÉÂTRE DE LA NATURE + +Maintenant que le soleil s'est enfin décidé à rendre au mois de mai sa +splendeur traditionnelle, les théâtres de la nature ont commencé de +disposer leurs premiers décors. Les représentations en plein air se +généralisent de plus en plus et il faut signaler, cette année, la +gigantesque entreprise du Théâtre national de Prague, qui, dans un décor +naturel en amphithéâtre, dans la banlieue de la capitale de la Bohême, +peut mettre en scène, devant 20.000 spectateurs, une prodigieuse +figuration. Notre photographie a été prise lors de la première +représentation de _la Fiancée vendue_, l'opéra de Smetana, qui sera +interprétée par le même ensemble à Paris, au théâtre des Champs-Elysées. + + + +UNE FÊTE DES JARDINS OUVRIERS A BICÊTRE + +La Société dos Jardins ouvriers de Paris et de banlieue a été créée en +1904. Son but est de réunir les concours généreux qui lui permettent de +prendre en location ou en dépôt des terrains qu'elle attribue ensuite +moyennant une très faible rétribution à des ouvriers chargés de famille +et sous la seule obligation de bien cultiver leur petit lot de terre et +d'y construire une tonnelle-abri. + +Cette oeuvre si intéressante a eu des débuts difficiles. Procurer à +l'ouvrier ou à l'employé de Paris un coin de sol de 100 à 150 mètres +carrés paraît chose bien chimérique. La société débuta avec cinq jardins +à Levallois-Perret. Dix autres vinrent s'y ajouter en 1905, prélevés sur +un terrain de l'Assistance publique, boulevard Brune. A partir de 1906, +le développement de l'oeuvre fut plus rapide. A sa dernière assemblée +générale, le 2 février 1913, M. Robert Georges-Picot, le secrétaire +général, annonçait un total de 36 groupes représentant 1.420 jardins. On +n'a pas idée de ce qu'il a fallu d'efforts pour amener à la culture et à +la vie certains terrains de rebut. Les ouvriers ont littéralement pétri +et formé le sol. Mais aussi avec quelle joie ils vous montrent leurs +légumes, leurs fleurs et leurs plates-bandes. On peut affirmer que, sur +un terrain de 100 à 150 mètres, ils obtiennent, en moyenne, 80 francs de +légumes, sans compter un gain moral qui ne saurait s'apprécier en +argent. Car ces braves gens organisent entre eux des concours de +jardinage, des visites de jardins, des fêtes d'enfants, des mutualités +maternelles. Dimanche, ils se réunissaient joyeusement à Bicêtre où ils +avaient organisé la représentation en plein air d'une adaptation de la +légende de Geneviève de Brabant. On avait élevé une petite chèvre pour +tenir le rôle de la biche. Un aimable juge de paix avait rimé des vers. +Un artiste de l'Odéon, M. Dutertre, avait dirigé les répétitions qui +eurent lieu pendant deux mois, le soir, chez l'abbé Lemire. Les +jardiniers d'Arcueil avaient charrié pour leurs camarades de Bicêtre le +décor de feuillage, et un millier de spectateurs applaudirent avec +enthousiasme la grâce douloureuse de Geneviève et la noble allure du +comte de Brabant. + +[Illustration: L'abbé Lemire. LES THÉÂTRES DE MAI.--Une scène de +_Geneviève de Brabant_ représentés sur le Théâtre de verdure des Jardins +ouvriers, à Bicêtre.--_Phot. Gimpel,_] + +[Illustration: M. Paul Hervieu. M. PAUL HERVIEU EN ESPAGNE.--L'illustre +écrivain à la fête champêtre du «Rocio», près de Séville.--_Phot. +Serra._] + +M. Paul Hervieu vient de faire en Espagne un séjour de quelques +semaines, pendant lequel il a été l'objet des manifestations de +sympathie les plus flatteuses, pour lui-même et pour les lettres +françaises. Le maître de la tragédie moderne s'était rendu à Madrid pour +assister à la première représentation de _la Course du Flambeau_, +traduite par un excellent écrivain, M. Carlos de Battle, et interprétée +par une grande artiste, Mme Carmen Cabena: acclamé par les spectateurs +du théâtre de la Zarzuela, affablement reçu par le roi Alphonse XIII et +le ministre de l'Instruction publique, fêté par la société madrilène et +par ses confrères espagnols, il a vu son voyage se transformer en une +manière d'ambassade littéraire, qui, nous écrit notre correspondant M. +J. Causse, «a contribué à fortifier l'oeuvre accomplie, dans le même +temps, par les diplomates des deux côtés des Pyrénées». + +A ces attentions officielles se sont unies, pour charmer son séjour, les +impressions pittoresques qu'il a rapportées d'une excursion en +Andalousie. Près de Séville, M. Paul Hervieu et ses compagnons de +voyage, Mme la baronne de Pierrebourg--en littérature Claude Ferval et +le comte et la comtesse de Lauris, ont eu l'occasion d'assister à l'une +des fêtes les plus caractéristiques de l'Espagne. Le pèlerinage +champêtre de la vierge du «Rocio» (de la Rosée), dont le sanctuaire, +situé en plein bois, est chaque année, à cette époque, le rendez-vous de +nombreuses confréries. La famille du grand armateur M. Ramon Ibarra a +l'habitude de convier gracieusement, dans sa belle propriété de Lopaz, +les jeunes filles et les jeunes gens de l'aristocratie sévillane, qui, +vêtus du costume populaire andalou, vont attendre le passage des +pèlerins, venus à cheval ou'en charrettes décorées de fleurs... +L'éminent académicien, qui s'était mêlé à eux, n'a pas échappé à +l'objectif du photographe; et c'est ainsi qu'a pu être pris cet +instantané imprévu de l'auteur des _Tenailles_ et de _la Loi et +l'Homme_. + + + +[Illustration: LE DÉMAGOGUE M. Jean Jaurès au meeting du +Pré-Saint-Gervais.] + +LES «TROIS ANS» ET LE PARTI SOCIALISTE + +La mise à l'étude du projet de loi rétablissant le service militaire de +trois ans, la décision prise par le gouvernement, conscient de ses +responsabilités et soucieux de ses devoirs, de maintenir sous les +drapeaux la classe libérable à l'automne, tout cela, que la masse du +pays--et de l'armée--acceptait sagement, a produit parmi les partis +avancés une effervescence qui n'a rien d'ailleurs d'inattendu, et fourni +le prétexte de protestations, de propagandes qui ont eu, par malheur, +une regrettable répercussion dans certains régiments. + +Des manifestations, demeurées heureusement isolées, se sont produites, +la plus grave à Rodez, où un commencement de sédition fut arrêté, dès le +début, par l'attitude énergique, résolue, du commandant Angelby. + +Ces mouvements d'indiscipline ont été réprimés et punis sans faiblesse +comme sans retard. Des enquêtes, conduites notamment par le général Pau, +le général Goetschy ont rapidement établi les culpabilités et déterminé +les nécessaires sanctions. + +Mais, de prime abord, les renseignements recueillis par les enquêteurs +révélaient clairement que les vraies responsabilités remontaient plus +haut, et que les soldats insubordonnés, avec cette légèreté, cette +spontanéité qui caractérisent la jeunesse, n'avaient été que trop +dociles à des suggestions venues du dehors. + +«Nous ne sommes pas en présence d'une mutinerie militaire, aurait +déclaré en rentrant à Paris le général Pau, mais d'un mouvement +d'origine politique.» + +Les socialistes, les membres de la C. G. T. et autres anarchistes +allaient bien vite fournir eux-mêmes des arguments probants pour +justifier cette impression,-sans parler des faits précis qui allaient +être révélés par diverses opérations de police. + +Le dimanche 24 mai devait avoir lieu la traditionnelle manifestation au +«mur des Fédérés», au cimetière du Père-Lachaise. Les socialistes +décidaient brutalement d'en faire le prétexte d'une manifestation +hostile au maintien de la classe sous les drapeaux, hostile aux «trois +ans»,--pour tout dire, nettement antimilitariste. Le gouvernement ne le +pouvait permettre. Il décida d'interdire cette démonstration, et la +Chambre l'approuva. + +Cependant, respectueux du droit de réunion, il ne songea non plus à +empêcher les adversaires des mesures militaires de s'assembler, +dimanche, au Pré-Saint-Gervais, en un meeting de protestation. Il n'eut +pas à regretter cette tolérance. Tout se passa dans un ordre parfait. + +Le temps, d'abord, était radieux et chaud et incitait à la douceur. Une +foule, que les organisateurs ont évaluée à 120.000 personnes, mais qui +en comptait 30.000 à 35.000 suivant la préfecture de police, se rendit +par cette tiède journée au lieu indiqué par des affiches et les journaux +intransigeants. + +Des femmes, des enfants s'étaient mêlés aux manifestants. Des filets +bourrés de victuailles et de «litres» se voyaient dans les groupes, +derrière les drapeaux rouges ou noirs roulés dans leurs gaines. On +saucissonna sur l'herbe, et ce fut une partie de campagne autant qu'un +meeting. Après quoi, on se réunit autour des tribunes, pour y entendre, +tour à tour, les quatre-vingt-seize orateurs inscrits! Que d'éloquence +en une journée! + +Il y avait là tous les orateurs écoutés du parti,--ou plutôt des partis, +M. Jaurès en tête, qui ne fut ni le plus violent ni, partant, le plus +applaudi. Il y avait encore M. Vaillant, véhément toujours, malgré les +ans, M. Marcel Sembat, M. Albert Willm. Ils distribuaient la bonne +parole par petites tables, si l'on peut dire, du haut de sept tribunes, +sept camions dont le plus entouré était certes celui qu'ombrageait le +drapeau noir des communistes anarchistes. + +Aucun conflit, grâce aux mesures d'ordre habilement prévues par le +préfet de police, M. Hennion, ne troubla la réunion. + +Le lendemain, bien résolu à rechercher toutes les responsabilités dans +les regrettables incidents dont les casernes ont été le théâtre, le +gouvernement faisait procéder à une centaine de perquisitions, à +Paris--notamment à la Confédération Générale du Travail, et à la Bourse +du Travail--et en province, afin de rechercher les preuves des +excitations politiques. + +[Illustration: Le commandant Mongrand.--_Phot. Grémion._] + + + +L'ATTENTAT D'HANOÏ + +Dans une récente et importante interview publiée par notre confrère le +_Temps_, M. le gouverneur général Sarraut a tenu à déclarer que +l'attentat d'Hanoï, la bombe lancée le 26 avril dernier sur des +officiers français à la terrasse d'un café local, n'était pas «un crime +annamite» mais un crime extérieur à l'Indo-Chine, inspiré très +vraisemblablement par le prince exilé Cuong Dé et exécuté par «la pègre +internationale d'Asie». + +Les journaux quotidiens ont dit, en leur détail, les circonstances de +cet attentat qui causa une si grande émotion en France. Le samedi 26 +avril 1913, vers 7 h. 1/2 la bombe, éclatant au milieu des consommateurs +du café de Hanoï-Hôtel, blessait mortellement les commandants Mongrand +et Chapuis, de l'infanterie coloniale, et atteignait plus ou moins +grièvement douze autres Français et six indigènes. L'un des morts, le +commandant Mongrand, qui s'était particulièrement distingué au Soudan où +il avait été cité pour action d'éclat à la prise du repaire de Kentadji +sur le Niger, laisse une veuve et quatre enfants. Il achevait sa période +de séjour en Indo-Chine et, par décision du 24 avril, avait été affecté +au 4e colonial, à Toulon. + +L'une de nos gravures représente le lieu de l'attentat, la devanture du +café photographiée le lendemain du crime, avec son panneau défoncé et +ses vitres brisées Le sang des victimes a laissé des traces sur le sol +et sur l'une des tables. + +[Illustration: La terrasse du café de Hanoï-Hôtel après l'explosion de +la bombe.] + +Quelques jours avant cet événement, une autre bombe avait tué à Thaï +Binh un mandarin attaché à la cause française. Il n'est résulté de ces +attentats aucune panique parmi nos compatriotes. Dans la nuit qui a +suivi le meurtre des officiers, le gouverneur général, M. Sarraut, a +fait afficher une énergique proclamation. Les victimes ont été enterrées +le mardi 29 avril à 9 heures du matin. Tout Hanoï et beaucoup de +Français de l'intérieur y assistaient. Devant la chapelle de l'hôpital +militaire, alors que l'on venait de placer les deux cercueils sur des +prolonges d'artillerie, le gouverneur général de l'Indo-Chine, M. Albert +Sarraut, a prononcé un discours ému, promettant le châtiment exemplaire +des meurtriers et de leurs complices. Ce discours se termina par le cri +de «Vive la France!» qui, malgré la tristesse de l'heure, fut très +applaudi. + +[Illustration: Les obsèques des victimes de l'attentat d'Hanoï: le +discours de M. Sarraut, gouverneur général de l'Indo-Chine, devant la +chapelle de l'hôpital militaire.] + + + +CE QU'IL FAUT VOIR + +LE PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER + +C'est entendu. Paris s'étend, Paris «coule» vers l'ouest. Il avait, au +temps de Mme de Sévigné, son centre mondain place Royale et dans le +Marais; sous Louis-Philippe, entre le Cirque d'hiver et les Variétés; +plus tard, entre les Tuileries et Tortoni. Les hommes de cette +génération-ci ont amené le centre de Paris sur les boulevards, entre +l'Opéra et la Madeleine. Ce sera demain les Champs-Elysées et l'Étoile, +et, dans trente ans, Bagatelle, quand il n'y aura plus de +fortifications. Les expositions de peinture et les marchands de tableaux +suivront le mouvement; ils l'ont déjà suivi (nous le remarquions ici +dernièrement); mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait en ce moment dans +l'un des moins occidentaux et des plus vieux quartiers de Paris, un +Salon de peinture qu'il faut voir. C'est le Salon des artistes du 4e +arrondissement. Il a même, ce Salon, le privilège d'une situation +unique; il est installé pour un mois dans la cour d'un des plus +pittoresques et vénérables monuments de Paris: à l'Hôtel de Sens. + +Cet hôtel avait été construit, à la fin du quinzième siècle pour les +archevêques de Sens, sous l'autorité desquels était placé--et demeura +placé jusqu'en 1622--l'évêché de Paris. Il eut, durant cette période, +des hôtes illustres: Louis de Bourbon, Louis de Guise cardinal de +Lorraine, la reine Margot, et, avant elle, Nostradamus! La renommée du +prophète provençal s'était propagée jusqu'à Paris, et Henri II avait +fait prier Nostradamus de venir à la cour. Il y vint. Le roi ordonna +qu'il fût logé chez le cardinal de Sens. Cela se passait au mois d'août +1556. Nostradamus fut même retenu à l'hôtel de Sens par un petit +accident que, quoique astrologue, il n'avait point prévu. Un accès de +goutte le cloua douze jours dans sa chambre, en attendant les succès de +prophète qu'il allait remporter à la cour quelques jours après! Mais le +vieil hôtel lui-même allait connaître d'étranges mésaventures. Abandonné +par les archevêques de Sens, il allait être successivement le dépôt des +coches de Bourgogne; puis une confiturerie, puis une verrerie... Et le +voilà qui se relève tout doucement de cette déchéance. Il est, depuis +quelques mois, la propriété de la Ville de Paris, qui se propose +d'installer là une partie de ses collections. Quelque temps s'écoulera +encore avant que soient commencés les travaux que cet aménagement +nécessite; et la Société d'artistes du 4e arrondissement a eu la très +bonne idée de mettre à profit ce délai en demandant à la Ville de lui +ouvrir, pour un mois, la maison où Nostradamus eut la goutte, et devant +la porte de laquelle la reine Margot fit, le 6 avril 1606, trancher la +tête à un gentilhomme dont elle avait eu, comme femme, à se plaindre. +L'Exposition n'occupe du vieil hôtel que la cour intérieure, qu'on a +plafonnée d'un vélum, et sablée avec soin. Au fond de la cour, une porte +basse ouverte sur l'étroit et tortueux escalier noir qui mène aux +souterrains; à côté, surélevée de quelques marches, une petite chambre +où un mobilier gothique--oeuvre de quelque exposant tapissier de +l'arrondissement--a pour cadre une très belle cheminée «du temps», et +les poutres vermoulues d'un plafond qu'aucune restauration n'a profané +encore. + +Et plus de trois cents oeuvres sont exposées ici. Les sujets de la +plupart d'entre elles sont empruntés à l'arrondissement lui-même, à son +histoire, à ses paysages. Et gentiment, le long de ces murs, amateurs et +professionnels fraternisent. Saluons parmi ceux-ci: Franck Bail, Belot, +Emile Bernard, Max Blondat, Delahogue, Druard, J.-J. Dufour, E. Fraisse, +Garcia-Ramon, Grouiller, Lalauze, E. Lequeux, Pannemaker, A. Boulard, +Emile Renard... Il est évident que d'une exposition située entre la rue +François-Miron et le pont des Célestins--ou, plus exactement, à l'angle +de la rue du Figuier et de l'ancienne rue de la Mortellerie--ces +excellents artistes n'avaient nul profit ni surcroît de gloire à +espérer... Simplement, ils ont «marché» avec les camarades, pour +l'honneur de l'arrondissement. C'est très bien. C'est d'autant mieux +qu'ils fourniront aux curieux qui leur feront visite une occasion de +connaître ce coin délicieux du vieux Paris où l'on ne va pas assez. Le +carrefour où s'érige l'Hôtel de Sens est à quelques pas de la Seine. Il +fait face à l'île Saint-Louis, ce petit morceau de ville qui est, à lui +seul, une relique. Autour de la vieille maison, c'est la rue des Lions, +la rue des Jardins, les rues Saint-Paul, Beautreillis, du Petit-Musc; +des façades d'hôtels seigneuriaux endormis dans la paix de petites rues +de province. Ayez dans la poche le 4e fascicule de l'ouvrage où le +marquis de Rochegude a décrit en vingt brochures (une par +arrondissement) les rues de Paris, et conté l'histoire des maisons; et +promenez-vous... Ce ne sera pas du temps perdu. + + * + * * + +Mais que, tout de même, le Paris d'autrefois ne vous fasse pas trop +oublier celui d'à présent. N'oubliez pas les Ballets russes. Guettez +l'ouverture, aux Champs-Elysées, d'un certain Cinéma-Théâtre où l'on dit +qu'il sera indispensable aux gens du monde de se montrer de temps en +temps. (Acceptons-en l'augure! Ce n'est pas le directeur de l'entreprise +qui s'en offensera.) + +Et puis, retournez à Bagatelle pour y voir, à partir de lundi, +l'exposition annoncée par la manufacture de Sèvres, et qui sera composée +de figurines, de bibelots ayant trait aux jardins et aux fleurs. Sèvres +se modernise, se rajeunit sans cesse. Sèvres _invente_. Il faut qu'on +sache cela. Les étrangers nous entendent dire assez de mal de nos +industries d'État pour qu'il nous soit très agréable de leur en pouvoir +dire du bien de temps en temps. J'ajoute que de notre Manufacture de +Sèvres on ne parle plus guère, depuis des mois, que pour louer ses +oeuvres et rendre hommage aux admirables efforts des hommes qui la +dirigent. Sa participation d'hier à l'Exposition de Turin, celle +d'aujourd'hui à l'Exposition de Gand sont des victoires auxquelles on ne +saurait être indifférent chez nous. + +... Et puis, enfin, n'allons pas oublier que c'est lundi prochain, 2 +juin, que sera déclarée à l'Opéra-Comique la naissance du dernier enfant +de Gustave Charpentier: un petit garçon appelé _Julien_ et que tout +Paris acclame, avant même que le bruit de son premier vagissement soit +venu à nos oreilles. + +Il y a vraiment des nouveau-nés qui ont de la chance. + +UN PARISIEN. + + + +AGENDA (31 mai--7 juin 1913) + +EXAMENS ET CONCOURS.--Le 7 juin, clôture des inscriptions du concours +pour le recrutement des dames employées aux postes et télégraphes. + +EXPOSITIONS ARTISTIQUES.--Grand Palais (Champs-Elysées): Salon de la +Société des artistes français; Salon de la Société nationale des +Beaux-Arts.--Petit Palais: exposition de David et ses élèves.--Ancien +hôtel de Sagan (23, rue de Constantine): objets d'art du Moyen Age et de +la Renaissance au profit de la Croix-Rouge française.--Hôtel de Sens +(rue du Figuier): les Artistes du 4e.--A Bagatelle (bois de Boulogne): +exposition de l'Art du jardin.--Hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau (29, +rue de Sévigné): promenades et jardins de Paris, seizième, dix-septième, +dix-huitième siècles.--Cercle de la Librairie (117, boulevard +Saint-Germain): Palais-Salon.--Galerie Devambez (43, boulevard +Malesherbes): la petite ville de province. + +LES ROSATI.--Le 8 juin, à Fontenay-aux-Roses, pèlerinage annuel des +Rosati; les honneurs de la Rose seront faits à M. Francis Picavet, +secrétaire au Collège de France, et à M. Le Sidaner, peintre. + +FÊTES DE BIENFAISANCE.--Le 1er juin, au parc de Gennevilliers, fête de +bienfaisance, donnée par l'Aéronautique-Club de France. Départ de 10 +ballons montés.--Le Ier juin, au théâtre des Champs-Elysées, +représentation de gala au bénéfice de la Société de charité maternelle +de Paris; le 6 juin, au même théâtre, représentation au profit du +monument Jules Renard.--Le 7 juin, à la Porte-Saint-Martin, +représentation de retraite de M. Frédéric Achard. + +CONCERTS.--Le 5 juin, à la salle de Géographie (184, boulevard +Saint-Germain), à 4 heures: concert donné par M. Edouard Risler.--Le 6 +juin, salle des Agriculteurs (8, rue d'Athènes), à 9 heures du soir: +concert donné par M. Henri Gilles, avec le concours de Mme Emma Eames, +et de M. Emilio de Gogoza. Mme Eames ne s'est pas fait entendre depuis +plusieurs années à Paris, et M. Emilio de Gogoza y chantera pour la +première fois. + +SPORTS.--_Courses de chevaux_: le 31 mai, Enghien; le Ier juin, +Longchamp; le 2, Saint-Cloud; le 3, Saint-Ouen; le 4, le Tremblay; Epsom +(Derby); le 5, Longchamp; le 6, Maisons-Laffitte; Epsom (the Oaks); le +7, Auteuil.--_Aviation_: le 1er juin, à l'aérodrome de Port-Aviation, à +Juvisy: match Garros-Audemars.--_Boxe_: au Nouveau-Cirque (rue +Saint-Honoré): championnats du monde de lutte de combat; le 31 mai, à 9 +heures du soir, à la salle des Ingénieurs civils (rue Blanche): assaut +annuel de la salle Conte; le 1er juin, à l'Exposition universelle de +Gand: match Carpentier-Bombardier-Wells.--_Lawn-tennis_: à partir du 7 +juin, sur les terrains du Stade français, à Saint-Cloud: championnat du +monde de tennis.--_Aviron_: le Ier juin, à Juvisy, coupe des nations; la +Société des Régates rouennaises organise pour le 8 juin des régates +nationales à l'aviron.--_Cyclisme_: le 8 juin, Paris-Bruxelles. + + + +LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS + +L'HOMME EN ROSE + +L' «Homme en rose» n'existe plus. Vainement ce très grand artiste, ce +fastueux poète de la lumière: Albert Besnard, est allé chercher dans +l'Inde le prince des féeries hindoues, vêtu de mousselines couleur +d'aurore et piquées d'or, le rajah des légendes qui vit une existence de +songe dans les murailles ajourées de ses palais. Les souverains de +l'Asie anglaise portent aujourd'hui des vestons en laine de Manchester, +jouent au golf et se font blanchir à Londres. L'homme en rose n'existe +plus; mais les décors de son ancienne puissance sont toujours debout, +avec leurs immuables temples, leurs dieux farouches, et les foules +affamées et fanatisées qui continuent leur agitation délirante dans la +lumière pourpre de 1'«Inde couleur de sang». + +Déjà, lorsque, dans notre numéro de Noël de 1911, nous eûmes la joie de +reproduire quelques-unes des plus belles pages d'album et des études +rapportées par Albert Besnard de son voyage, notre confrère Pierre +Mille, l'un des meilleurs écrivains chroniqueurs et critiques de ce +temps, sut admirablement dire à notre public ce que fut cette visite du +somptueux artiste aux Indes. Cette terre de symboles vieux comme le +monde, Albert Besnard la parcourut presque dans tous les sens, promenant +ses extases de panthéiste dans le Ceylan bouddhique dont il vit les +temples d'Anouradhapoura assiégés de fidèles, à Kandy, à Madura, à +Trichinopoli où des cloches chrétiennes sonnent sur les foules hindoues, +à Tanjore, à Pondichéry, l'Inde française où les hommes sont plus beaux, +plus altiers, à Hydérabad on fête et en folie, à Calcutta, aux bords du +Gange, à Delhi, à Jeypour, à Bombay, enfin. La vie est une fête!... +s'écriait l'artiste, marchant dans le soleil. La vie, surtout pour lui, +était une illumination. Et c'est de la rutilante couleur qu'il a fixée +en ses notes de route (1) en même temps qu'en ses pages d'album. +L'écrivain ne s'y sépare pas du peintre. Il traduit tout en visions +plutôt qu'en pensées. «Je suis de ceux qui n'apprennent que par les +yeux!» écrit-il. Et c'est pour nos yeux surtout qu'il rend sensibles les +scènes vues: ainsi cette femme qui, enveloppée d'un pagne de soie orange +tissé d'argent, allonge sur le sol ses bras très purs, cerclés d'or; +ainsi cet adolescent vêtu de rose, conduisant par les degrés d'un temple +un éléphant énorme «qui descend et grandit jusqu'à abolir les piliers, +la voûte»; ainsi cet autre éléphant «obèse, cheminant du pas pressé et +pourtant mesuré d'un vieil employé allant à ses affaires». L'image fixée +par la plume est exacte et chante clair et gai comme le croquis, au +pinceau, de l'album. Les visions, parfois, vous brûlent. + +«Tout à l'heure, sur un pont hors de la ville, j'ai vu passer trois +femmes vêtues de rouge. Sous un ciel presque blanc, le sol flambait, ce +sol de l'Inde, rose comme la flamme ou rouge comme le sang... Sur la +tête, ces créatures portaient une cargaison de vases de terre cuite. +Elles marchaient très vite, du pas souple des figures antiques, avec un +léger bond du corps en avant qui leur donnaient l'air de voler. Elles +marchaient très vite, comme des fantômes ignés au travers d'un brasier.» + +Albert Besnard écrit comme il peint. Il y a dans son encrier toute la +magie flamboyante de sa palette. + +ALBÉRIC CAHUET. + + + +L'ARMÉE TOUJOURS PRÊTE + +M. Joseph Reinach vient de réunir en volume (2) les études qu'il a +consacrées aux questions militaires au cours de sa carrière politique, +longue de plus de trente ans. Vice-président de la commission de l'armée +à la Chambre, il a pris une part active à tous les débats concernant la +défense nationale, depuis la discussion de la loi de 1909 sur +l'artillerie, dont il fut le rapporteur, jusqu'à celle qui occupe +aujourd'hui le Parlement. Cette oeuvre se signale par son harmonie, son +unité; on y voit comment un esprit net et pratique, affranchi de toute +considération étrangère, est conduit logiquement, après avoir accepté le +service de deux ans, à envisager comme une nécessité le retour à celui +de trois ans, d'abord pour la cavalerie, puis pour toutes les armes. +L'augmentation du personnel de l'artillerie, que l'auteur vota il y a +quatre ans, a contribué, avec l'abaissement de la natalité, à vider les +unités actives; il fallait donc, pour parer à ce danger, soit réduire le +nombre de nos corps d'armée, soit prolonger la présence des hommes sous +les drapeaux. M. J. Reinach, n'ayant pas demandé, il y a six mois, dans +son discours sur la loi des cadres, qu'on changeât l'organisation de nos +grandes unités, était fatalement amené à réclamer le service général de +trois ans. Le projet, assurant la fixité des effectifs, qu'il a élaboré +avec M. de Montebello, a été adopté par le gouvernement; grâce à lui, +nous verrons demain l'armée _toujours prête_, malgré les armements +formidables de nos voisins. R. K. + +[Note 1: Que publia le _Figaro_ et qui viennent d'être réunies sous ce +titre: _l'Homme en rose_, en un volume de la bibliothèque Charpentier, +Fasquelle, édit.. 3 fr. 50.] + +[Note 2: _L'Armée toujours prête._ Édition Berger-Levrault, 3 fr. 50.] + +Voir dans _La Petite Illustration_ le compte rendu du _Journal d'une +femme de cinquante ans_, souvenirs de la marquise de La Tour du +Pin-Gouvernet, et des autres livres nouveaux. + + + +L'EXPOSITION D'HORTICULTURE + +L'exposition d'horticulture vient de finir. Il semble permis d'affirmer, +sans paradoxe, que, grâce au mauvais temps des premières semaines de +mai, les parterres de roses eurent une splendeur exceptionnelle. Le +soleil est souvent le grand ennemi des exposants: beaucoup de fleurs +s'épanouissent avant l'heure officielle; celles que des soins spéciaux +réussissent à retarder se fanent à peine écloses. Le froid humide dont +nos jardins ont tant souffert pendant quelques semaines, avant les +grandes chaleurs de la fin du mois, avait été mis habilement à profit +par nos horticulteurs, et si quelques coloris manquaient d'intensité, la +fraîcheur des nuances présentait la séduction de la tonalité anglaise. + +On a surtout admiré la rose nouvelle, _Madame Edouard Herriot_, qui fit +sensation à l'exposition internationale d'horticulture de Londres où +elle obtint la coupe d'or du _Daily Mail_. + +Il est assez malaisé de définir exactement la nuance de cette rose +magnifique qui vient s'ajouter à la série des roses cuivrées obtenues +par M. Pernet-Ducher, de Lyon. Pour le rédacteur du _Gardener's +Chronicle_, «la couleur reste évasive. La teinte rose des fleurs +épanouies est très charmante, les boutons sont d'une riche couleur +orange-cerise foncé». + +Le _Gardener's Magazine_ voit les boutons «de couleur orange-vermillon +riche ou orange terre cuite; les fleurs entièrement ouvertes sont rose +foncé fortement teinté de saumon orange». + +_The Horticultural advertiser_ trouve la couleur «grandiose, d'un riche +cuivre rougeâtre avec des teintes saumon et abricot». Enfin, l'obtenteur +s'exprime ainsi: «Fleur de grandeur et de duplicature moyennes, d'un +superbe coloris rouge corail nuancé de jaune et de rose de Carthane, +passant au rouge crevette». + +Ces diverses définitions m'ont paru fort discutables, la dernière +surtout. Cependant, après avoir gémi de mon impuissance à trouver le mot +juste, j'ai regardé du corail et j'ai constaté que la définition de M. +Pernet-Ducher est la plus exacte. La nuance de _Madame Edouard Herriot_ +correspond à un corail spécial, un peu orangé, très différent du corail +rouge ou du corail rose que nous avons généralement dans l'oeil. + +A cette rose remarquable, le jury a attribué la coupe de l'Hay, offerte +par M. Gravereaux. + +Une autre nouveauté, _Juliet_, pourrait s'appeler _Caméléon_. Cuivrée le +matin, rose à midi, violâtre le soir, cette rose, d'une jolie forme, +passe par divers tons en conservant une fraîcheur de nuance très rare +chez des fleurs aussi capricieuses. + +Les rosiers sarmenteux de M. Nonin, plus beaux que jamais, formaient un +ensemble décoratif d'une richesse et d'une légèreté déconcertantes. +_Source d'or_ apporte dans cette famille une jolie couleur jaune, assez +marquée, que l'on ne possédait pas encore; _Excelsa_, plus cramoisie que +_Crimson Rambler_, est moins resplendissante. Dans les polyantha nains, +signalons _Georges Elger_, blanc à coeur jaune. + +A côté des roses, on voyait les traditionnels gloxinias, les fulgurants +bégonias, et toute la série des fleurs connues, parmi lesquelles M. +Cayeux faisait revivre la _Clarkia elegans_, délicieuse papilionacée de +couleur orangée, à laquelle on ne saurait comparer l'antique et terne +_Clarkia pulchella_. + + * + * * + +Il y eut aussi un concours de bouquets réservé aux femmes du monde. La +plupart des concurrentes surent, en peu de temps, garnir agréablement +les vases mis à leur disposition; mais ce furent de simples ébauches. + +On ne saurait, paraît-il, demander davantage aux «amateurs». Jusqu'ici, +on pensait que, pour faire un bouquet, il suffit d'avoir des fleurs et +tant soit peu de goût. La noble dame, dissimulée sous le pseudonyme de +Clairoix, nous apprend dans _l'Art du bouquet_ (Laveur) qu'il est encore +nécessaire de connaître les théories des Japonais, maîtres incontestés +en la matière; pour guider notre ignorance, elle formule, d'après +Sin-Kiou-Shin, philosophe de l'antiquité, quelques styles en honneur au +pays de Mme Chrysanthème. + +Etudions les principes subtils du Shin no Hana, du Rikkwa, du Sangi, du +Shitsu, du Zi, et nous saurons disposer en gerbes élégantes, voire +savantes et expressives, les plantes et les fleurs que nous traitions +naguère avec trop de désinvolture. + +«Des silhouettes et des taches», telle est l'idée maîtresse dans la +décoration florale au Japon. Ajoutez à cela la beauté de nos fleurs, et, +n'en déplaise à l'auteur de ce petit livre joliment conçu, la grâce +maniérée ou la fantaisie d'une femme de goût, et vous aurez un bouquet +parfait. + +L'auteur nous donne de précieuses indications sur l'art d'adapter la +forme et la couleur des vases à la forme et à la couleur des branches, +fleuries ou non. Voici quelques exemples cueillis au hasard: + +Iris mauves, feuillages d'érable negundo blanc, deux feuilles de fougère +mâle; + +Un pavot rouge pourpre, quelques branches de cytises jaunes, une ou deux +branches d'iris mauve pâle en bouton; vase de cristal assez bas; + +Une pivoine en arbre, rose vif; une branche d'érable japonais pourpre, +une petite branche souple de cornouiller vert à fleurs blanches; + +Dans un grand cornet de Delft bleu, un mélange de lilas de Perse de +nuance très délicate et d'épine-vinette pourpre à fleurs jaunes; + +Dans un vase petit, en poterie verte commune: deux grappes de sorbier, +quatre ou cinq scabieuses pourpres violettes; + +Dans un vase en faïence, bleu et blanc: quelques branches de saule. + +De judicieuses remarques sur l'harmonie des couleurs, quelques recettes +pour conserver les fleurs coupées, ajoutent à l'intérêt pratique d'un +ouvrage fort habilement illustré et que les femmes élégantes, ayant des +loisirs, des fleurs et des arbres, auront plaisir à consulter. + +F. HONORÉ. + + + +LE DRAME DE MADRID + +Une lugubre affaire, encore incomplètement éclaircie, et qui rappelle, +par sa mystérieuse horreur, les contes les plus angoissants d'Edgar Poe, +passionne en ce moment Madrid, où son sinistre héros, le capitaine +Manuel Sanchez Lopez, chef du personnel à l'École de guerre, était fort +connu. + +Le 24 avril dernier, on constatait la disparition d'un joueur de +profession, nommé Rafaël Garcia Jalon, et, deux jours après, on +apprenait qu'une jeune fille avait tenté de toucher à la caisse de son +cercle un jeton de 5.000 pesetas que Jalon y avait pris, en recommandant +de ne le changer qu'à lui-même. Une rapide enquête permit d'établir que +cette jeune fille était Marie-Louise Sanchez; elle fut aussitôt arrêtée, +puis relâchée, devant ses dénégations et celles de son père. Sur ces +entrefaites, une perquisition, opérée au domicile du capitaine, à +l'École de guerre, amena la découverte, dans les égouts, de lambeaux de +chair humaine. Au cours des recherches, on remarqua, au fond d'une +chambre de débarras de l'appartement, une cloison qui semblait +nouvellement replâtrée; quelques coups de pioche mirent à jour une +cachette où gisaient des os brisés, des vêtements que l'on reconnut pour +être ceux de Jalon, et les instruments ayant servi à dépecer le cadavre. +Ces funèbres débris furent portés dans la cour du manège attenant. + +En même temps qu'on appréhendait Sanchez et sa fille, on jetait en +prison un caporal et trois soldats, convaincus de complicité. Depuis, +Marie-Louise Sanchez a avoué le crime et accusé formellement son père, à +qui l'enquête impute d'autres forfaits plus anciens, et qui, malgré des +charges accablantes, continue à protester de son innocence. + + + +DOCUMENTS et INFORMATIONS + +LA T. S. F. ENTRE PARIS ET WASHINGTON. + +Une note du commandant Ferrié, présentée à l'Académie des sciences nous +apprend que le poste de T. S. F. de la tour Eiffel a «causé» plusieurs +fois avec le poste de Washington. Ce dernier possède une antenne en +nappe portée par un mât de 200 mètres de hauteur et deux mâts de 150 +mètres; il utilise une force d'environ 90 chevaux. Le poste de Paris +dispose de 80 chevaux. + +La distance à vol d'oiseau entre les deux stations dépasse 6.000 +kilomètres. Or, les postes étrangers qui disposent d'une puissance +double ou triple ne sont guère entendus, de façon normale, qu'à une +distance d'à peu près 4.000 kilomètres. + +Remarquons que ces conversations ont été échangées de façon assez +suivie. Elles seront reprises, dès qu'on aura arrêté le programme des +observations astronomiques à faire sur les deux continents pour +déterminer au moyen de la T. S. F. (par la méthode des coïncidences que +nous avons jadis expliquée), la différence de longitude entre Paris et +Washington. + +Ce record magnifique prouve, une fois de plus et de façon péremptoire, +la supériorité, systématiquement contestée, du poste de la tour Eiffel; +il permet de supputer les résultats que l'on obtiendra le jour où le +poste disposera d'une force plus grande, si le Parlement se décide à +voter les crédits nécessaires pour l'établissement du réseau +intercolonial. Le projet sommeille depuis un an dans les cartons de la +commission du budget à la grande joie, sans doute, du ministre des +Postes et Télégraphes de la Grande-Bretagne qui, récemment, s'exprimait +ainsi devant la Chambre des Communes: + +«Le premier occupant en télégraphie sans fil sera le maître du trafic, +il convient donc de se hâter afin d'établir de grandes stations de +télégraphie sans fil dans toutes les colonies anglaises, avant que les +colonies françaises en soient munies.» + +UN DEUIL DE L'AVIATION FRANÇAISE EN COCHINCHINE. + +De Saïgon, où la mort de l'aviateur Georges Verminck, tombé, le 7 avril, +à Mytho, au cours d'un périlleux atterrissage on vol «piqué», a été +vivement déplorée, nous arrive aujourd'hui l'écho de l'impression +profonde causée, dans la colonie française, comme dans les milieux +indigènes, par cette fin tragique. + +Les belles randonnées qu'il avait exécutées pendant un séjour de deux +mois, notamment de Saïgon à Pnompenh, de Saïgon au cap Saint-Jacques, et +de Saïgon à Bienhoa, avaient rendu Georges Verminck unanimement +sympathique, et l'on peut dire, populaire en Cochinchine, où il +assurait, avec son frère Charles et son camarade Marc Pourpe, le +prestige de l'aviation française: aussi ses funérailles, auxquelles +assistèrent de nombreux Annamites, eurent-elles un caractère de grande +solennité. «Elles furent célébrées à la cathédrale de Saïgon, nous écrit +un témoin attristé de la cérémonie, M. Richard, en présence d'une foule +considérable. Après l'absoute, que Mgr Mossard avait tenu à donner, le +cortège, précédé par la musique du 11e régiment d'infanterie coloniale, +se dirigea vers le cimetière, où plusieurs discours furent prononcés. + +Mais le témoignage le plus touchant du deuil ressenti dans la population +indigène nous est apporté par une pièce de vers annamite, commençant +ainsi: «Verminck, malheureux Verminck! En quelques minutes, dix ans +d'efforts sont anéantis. Richesse, honneurs, existence même, tout +t'abandonne sans espoir! Lorsqu'ils contemplent les nuages, les hommes +de Cochinchine te regrettent. Lorsqu'ils entendent le vent, les hommes +d'Europe te pleurent!» Et cette émouvante lamentation, ce thrène à la +manière antique, qui n'est pas dépourvu de valeur littéraire, se termine +par ces deux vers: «O ciel, pourquoi anéantir ainsi un héros? Le fer, la +pierre même s'irritent de ce malheur immérité.» + +LE CLOÎTRE DE SAINT-MICHEL DE CUXA. + +Nous avons signalé, dans notre numéro du 17 mai dernier, la vente à un +sculpteur américain, M. Gray-Barnard, du cloître de Saint-Michel de Cuxa +(Pyrénées-Orientales), menacé d'exil. Depuis la publication de notre +article, le sort de ces vieilles et vénérables pierres a subi de +nombreuses vicissitudes, dont nous informe M. J.-R. de Brousse. + +L'acquéreur, M. Gray-Barnard, est allé trouver M. Léon Bérard, +sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, et lui a dit qu'il abandonnait +son achat, et faisait don du cloître à la France. Mais, aussitôt cette +nouvelle répandue dans la presse méridionale, il est revenu sur sa +décision. Puis, changeant à nouveau d'avis, et reprenant son généreux +projet, il a avisé M. Bérard «qu'il offrait le cloître à la ville de +Prades, à condition que les dépenses par lui engagées pour l'enlèvement +dudit cloître lui soient remboursées.» + +UNE HORLOGE INATTENDUE. + +La ville de Hameln, située dans la province de Hanovre, au confluent de +la Hamel et de la Weser, est célèbre par la légende du charmeur de rats +dont la maison constitue la principale curiosité de l'endroit. On y +fabrique des étoffes de soie, de laine et de coton, on y pêche des +saumons. + +[Illustration: Cadeau offert par la ville de Hameln à la princesse +Victoria-Louise.] + +Les habitants de l'industrieuse cité, désireux d'offrir à la fille du +kaiser un cadeau de mariage original, ont imaginé un modèle de pendule +qu'on dirait conçu par le vieux Silène pour honorer Bacchus. Nos +lecteurs sauront apprécier à sa valeur ce chef-d'oeuvre de l'horlogerie +allemande où le goût germanique s'épanouit avec une ampleur vraiment +«kolossale». + +[Illustration: Dans la cour du manège de l'École supérieure de guerre, à +Madrid, la police examine les ossements de la victime du capitaine +Sanchez Lopez, extraits de la cachette (qu'on voit au coin supérieur +gauche) où l'assassin les avait emmurés.--_Phot, Alfonso_.] + +[Illustration: Dîner offert par le prince de Liéven, chef d'état-major +de la marine impériale russe, et par la princesse de Liéven au +vice-amiral Le Bris, chef d'état-major de la marine française, et aux +officiers du croiseur-école _Jeanne-d'Arc_.--_Phot. Bulla._] + +LA MARINE FRANÇAISE EN RUSSIE + +Le vice-amiral Le Bris, chef d'état-major général de la marine, vient de +se rendre à Saint-Pétersbourg. C'est une de ces visites grâce auxquelles +les chefs de l'armée russe et de l'armée française, depuis la signature, +en 1892, de la convention militaire qui unit les deux pays, demeurent en +contact effectif et se mettent d'accord sur les mesures à adopter en vue +de telles ou telles éventualités. Le dernier voyage de ce genre fut +celui qu'effectua, l'an dernier, l'amiral prince de Liéven, chef +d'état-major de la marine impériale, et qui eut pour principal résultat +la signature d'une convention navale franco-russe. + +Le vice-amiral Le Bris a trouvé à Saint-Pétersbourg, dans tous les +cercles officiels, l'accueil le plus cordial, comme déraison. +L'empereur, à peine de retour de Berlin, où il avait assisté au mariage +de la princesse Victoria-Louise, donnait aussitôt audience au chef +d'état-major général de la marine française et aux officiers qui +l'accompagnaient, ainsi qu'au capitaine de vaisseau Grasset, commandant +du croiseur école _Jeanne-d'Arc_, en ce moment à Cronstadt, et les +comblait de distinctions. En leur honneur, des réceptions superbes ont +été organisées, notamment à l'ambassade de France, où M. Delcassé avait +invité avec eux le président du Conseil, M. Kokovtzov, les ministres des +Affaires étrangères, de la Guerre, de la Marine, chez le prince de +Liéven, où les officiers français purent apprécier la toute gracieuse +hospitalité de la princesse de Liéven; enfin, un déjeuner d'adieu, +extrêmement brillant, a été donné, mercredi, à bord de la +_Jeanne-d'Arc_. + + + +LES THÉÂTRES + +_Marie-Magdeleine_, la belle oeuvre de M. Maurice Maeterlinck, +représentée pour la première fois à Nice en mars dernier, et que nous +allons publier dans un de nos prochains numéros, vient de retrouver, sur +la scène du Châtelet, le grand succès qui l'accueillit naguère. Son +action, ramassée et vivante, se développe en trois actes pour lesquels +M. Maxime Dethomas a composé des décors dont la sobriété somptueuse +s'accorde à merveille au style incisif et coloré de l'oeuvre. C'est +l'aventure de Marie de Magdala, courtisane, que la curiosité porta sur +les pas du Nazaréen et qui ne s'en détacha plus. Cette oeuvre, d'une +haute tenue littéraire, est d'une grande vérité humaine. Le paganisme et +la chrétienté y opposent leurs philosophies différentes. Et quelle +atmosphère troublée et troublante! Le mystère s'y renforce de réalisme. +La résurrection de Lazare, si puissamment matérialisée, est un des +moments les plus pathétiques de ce drame émouvant. Mme Georgette +Leblanc-Maeterlinck, aux belles lignes souples et sinueuses, a +magnifiquement incarné Marie-Magdeleine sous ses deux aspects, d'abord +celui de la courtisane vaniteuse, cruelle et lascive, puis celui de la +pécheresse repentie, si touchante d'humilité et de résignation. + +Il y a près d'un siècle que Chateaubriand écrivit le _Moïse_ dont +l'Odéon vient d'offrir en spectacle à ses abonnés la tardive «première +représentation». Le sujet de cette tragédie est assez simple: un fils +d'Aaron s'est épris d'une Amalécite; l'étrangère le pousse à renier le +Dieu d'Israël; mais Moïse, chargé des tables de la Loi, redescend +opportunément du Sinaï pour empêcher l'abjuration. Le public a manifesté +plus de respect que d'enthousiasme pour cette oeuvre haute, froide, +claire, d'inspiration apparemment racinienne et d'une humanité sans +doute un peu conventionnelle. La forme en est supérieure au fond. Elle +abonde en beaux vers sonores que de dévoués artistes ont fait applaudir. + +[Illustration: Mme Georgette Leblanc-Maeterlinck au second et au +troisième acte de _Marie-Magdeleine_. _Phot. Gerschel._] + + + +_Ce numéro est complété par quatre pages non brochées: LA SCULPTURE AU +SALON._ + + + +MON VOISIN DE TABLE D'HOTE, par Henriot. + + + + + + + + +End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 *** + +***** This file should be named 38842-8.txt or 38842-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/8/8/4/38842/ + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. Special rules, +set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to +copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to +protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project +Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you +charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you +do not charge anything for copies of this eBook, complying with the +rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose +such as creation of derivative works, reports, performances and +research. They may be modified and printed and given away--you may do +practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License (available with this file or online at +http://gutenberg.org/license). + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all +the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy +all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. +If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project +Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the +terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or +entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. + +1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be +used on or associated in any way with an electronic work by people who +agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few +things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works +even without complying with the full terms of this agreement. See +paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project +Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement +and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic +works. See paragraph 1.E below. + +1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" +or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project +Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the +collection are in the public domain in the United States. If an +individual work is in the public domain in the United States and you are +located in the United States, we do not claim a right to prevent you from +copying, distributing, performing, displaying or creating derivative +works based on the work as long as all references to Project Gutenberg +are removed. Of course, we hope that you will support the Project +Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by +freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of +this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with +the work. You can easily comply with the terms of this agreement by +keeping this work in the same format with its attached full Project +Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. + +1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern +what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in +a constant state of change. If you are outside the United States, check +the laws of your country in addition to the terms of this agreement +before downloading, copying, displaying, performing, distributing or +creating derivative works based on this work or any other Project +Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning +the copyright status of any work in any country outside the United +States. + +1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: + +1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate +access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently +whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the +phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project +Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, +copied or distributed: + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + +1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived +from the public domain (does not contain a notice indicating that it is +posted with permission of the copyright holder), the work can be copied +and distributed to anyone in the United States without paying any fees +or charges. If you are redistributing or providing access to a work +with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the +work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 +through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the +Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or +1.E.9. + +1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted +with the permission of the copyright holder, your use and distribution +must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional +terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked +to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the +permission of the copyright holder found at the beginning of this work. + +1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm +License terms from this work, or any files containing a part of this +work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. + +1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this +electronic work, or any part of this electronic work, without +prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with +active links or immediate access to the full terms of the Project +Gutenberg-tm License. + +1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, +compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any +word processing or hypertext form. However, if you provide access to or +distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than +"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version +posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), +you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a +copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon +request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other +form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm +License as specified in paragraph 1.E.1. + +1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, +performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works +unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. + +1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing +access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided +that + +- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from + the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method + you already use to calculate your applicable taxes. The fee is + owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he + has agreed to donate royalties under this paragraph to the + Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments + must be paid within 60 days following each date on which you + prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax + returns. Royalty payments should be clearly marked as such and + sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the + address specified in Section 4, "Information about donations to + the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." + +- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies + you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he + does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm + License. You must require such a user to return or + destroy all copies of the works possessed in a physical medium + and discontinue all use of and all access to other copies of + Project Gutenberg-tm works. + +- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any + money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the + electronic work is discovered and reported to you within 90 days + of receipt of the work. + +- You comply with all other terms of this agreement for free + distribution of Project Gutenberg-tm works. + +1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm +electronic work or group of works on different terms than are set +forth in this agreement, you must obtain permission in writing from +both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael +Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the +Foundation as set forth in Section 3 below. + +1.F. + +1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable +effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread +public domain works in creating the Project Gutenberg-tm +collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic +works, and the medium on which they may be stored, may contain +"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or +corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual +property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a +computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by +your equipment. + +1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right +of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project +Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project +Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all +liability to you for damages, costs and expenses, including legal +fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT +LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE +PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE +TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE +LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR +INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH +DAMAGE. + +1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a +defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can +receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a +written explanation to the person you received the work from. If you +received the work on a physical medium, you must return the medium with +your written explanation. The person or entity that provided you with +the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a +refund. If you received the work electronically, the person or entity +providing it to you may choose to give you a second opportunity to +receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy +is also defective, you may demand a refund in writing without further +opportunities to fix the problem. + +1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth +in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER +WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO +WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. + +1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied +warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. +If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the +law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be +interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by +the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any +provision of this agreement shall not void the remaining provisions. + +1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the +trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone +providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance +with this agreement, and any volunteers associated with the production, +promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, +harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, +that arise directly or indirectly from any of the following which you do +or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm +work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any +Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. + + +Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm + +Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of +electronic works in formats readable by the widest variety of computers +including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. To +SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any +particular state visit http://pglaf.org + +While we cannot and do not solicit contributions from states where we +have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition +against accepting unsolicited donations from donors in such states who +approach us with offers to donate. + +International donations are gratefully accepted, but we cannot make +any statements concerning tax treatment of donations received from +outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. + +Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation +methods and addresses. Donations are accepted in a number of other +ways including checks, online payments and credit card donations. +To donate, please visit: http://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/38842-8.zip b/38842-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..70c4629 --- /dev/null +++ b/38842-8.zip diff --git a/38842-h.zip b/38842-h.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..903de32 --- /dev/null +++ b/38842-h.zip diff --git a/38842-h/38842-h.htm b/38842-h/38842-h.htm new file mode 100644 index 0000000..760ec3a --- /dev/null +++ b/38842-h/38842-h.htm @@ -0,0 +1,2351 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN"> +<html> +<head> + <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=ISO-8859-1"> + <title>The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913 by Various</title> + +<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg"> + +<style type="text/css"> + + +body {margin-left: 10%; margin-right: 10%} + +h1,h2,h3,h4,h5,h6 {text-align: center;} +p {text-align: justify} +blockquote {text-align: justify} + +hr {width: 50%; text-align: center} +hr.full {width: 100%} +hr.short {width: 10%; text-align: center} + +.note {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.footnote {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.side {padding-left: 10px; font-weight: bold; font-size: 75%; + float: right; margin-left: 10px; border-left: thin dashed; width: 80px; text-indent: 0px; font-style: italic; text-align: left} + +.sc {font-variant: small-caps} +.lef {float: left} +.mid {text-align: center} +.rig {float: right} +.sml {font-size: 10pt} +.overl {font-size: 10pt; text-decoration: overline; text-align: center} +.cont {width: 650px} +.somm {float: left; width: 300px; font-size: 10pt; padding: 1em} +.suppl {color: #5A5047; background-color: #EEE2CA } + + +span.pagenum {font-size: 70%; left: 91%; right: 1%; position: absolute} +span.linenum {font-size: 70%; right: 91%; left: 1%; position: absolute} + +.poem {margin-bottom: 1em; margin-left: 10%; margin-right: 10%; + text-align: left} +.poem .stanza {margin: 1em 0em} +.poem .stanza.i {margin: 1em 0em; font-style: italic;} +.poem p {padding-left: 3em; margin: 0px; text-indent: -3em} +.poem p.i2 {margin-left: 1em} +.poem p.i4 {margin-left: 2em} +.poem p.i6 {margin-left: 3em} +.poem p.i8 {margin-left: 4em} +.poem p.i10 {margin-left: 5em} +.poem p.i12 {margin-left: 6em} +.poem p.i14 {margin-left: 7em} +.poem p.i16 {margin-left: 8em} +.poem p.i18 {margin-left: 9em} +.poem p.i20 {margin-left: 10em} +.poem p.i30 {margin-left: 15em} + + + +</style> +</head> +<body> + + +<pre> + +Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913 + +Author: Various + +Release Date: February 12, 2012 [EBook #38842] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 *** + + + + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + + + + + +</pre> + + + + +<br><br> + +<div class="cont"> + + + + + +<p>L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p> + +<div class="sml"> +<p>Ce numéro contient:<br> + +lº LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre nº 9: <span class="sc">L'Habit vert</span>, de MM. +Robert de Fiers et G.-A. de Caillavet;<br> + +2° Quatre pages non brochées: <span class="sc">La Sculpture au Salon de 1913</span>;<br> + +3° <span class="sc">Un Supplément économique et financier</span> de deux pages.</p> +</div> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>UN BRAVE PARMI LES BRAVES Achille Delannoy, patron du +canot de sauvetage de Calais, décoré de la Légion d'honneur le 25 mai.</b> +<i>Voir l'article, page 503.</i></p> +<br><br> + +<h3>COURRIER DE PARIS</h3> + +<h4>LES JARDINS</h4> + +<p>Il est fort à la mode en ce moment de se bouleverser des jardins. On ne +parle que d'eux, des dangers qu'ils courent, de leur gloire, de leur +beauté, de l'art qui doit régir leur composition. Ils obtiennent chaque +jour des amis, des défenseurs et des apôtres nouveaux, et plus d'un +citadin profane qui, en se couchant, ne se doutait pas de ce que c'était +qu'une plate-bande, se réveille à la rosée du lendemain avec une âme +jardinière.</p> + +<p>Bien que j'en éprouve une joie sans malice, je suis un peu étonné que +l'on semble s'aviser seulement à cette heure des indispensables jardins, +de leur importance et de leur nécessité. Comme, depuis que le monde est +monde, ils couvrent sur la terre une bonne moitié du sol, si ce n'est +plus, ils méritent aussi de tenir dans notre existence intellectuelle et +sentimentale une place qui ne sera jamais trop grande. Ne sont-ils pas +l'embellissement naturel d'une destinée au même degré que d'un site? Ils +ont été faits et voulus pour accompagner un esprit et clore, sans +l'emprisonner, un coeur, autant que pour agrémenter une maison ou +entourer un château. C'est la ceinture végétale de notre nudité. Nous +avons besoin de jardins pour nous promener dans les idées et dans les +sentiments, et vivre loin d'eux est funeste à qui désire une bonne +respiration morale. Aussi ai-je toujours été curieux, avant de faire la +connaissance de quelqu'un, de savoir si, au moins, «son appartement +intérieur» <i>donnait sur des jardins</i>, car c'est l'essentiel, la vraie +vue qu'il convient de posséder pour goûter, dans sa plénitude, le charme +pur et profond de la vie. Tout le monde n'a pas la chance ou le +privilège d'ouvrir ses fenêtres sur des arbres et des gazons, mais tout +le monde peut aimer les jardins, et grâce à cet amour, voir se dérouler +des tapis d'un vert éternel, et se balancer une branche et neiger des +roses...</p> + +<p>Si nous étions plus adroits et moins ingrats, si nous gardions bien le +simple souvenir de tous les jardins qui nous ont passé par les yeux, qui +ont une minute été toucher notre âme et que nous n'avons pas su retenir, +quel vaste et délicieux domaine n'aurions-nous pas pour errer aux heures +d'isolement?... car il va de soi qu'au figuré comme au réel, après le +suprême et incomparable bonheur d'être deux dans la complicité du +jardin, le plus doux est d'y être seul. Qui de vous, dites-moi, même +jeune, et quel que soit son âge, n'a déjà en soi et derrière soi, tout +un mémento de bosquets, de grandes allées, de petits chemins, de +berceaux, d'ombrages tremblants et de vives fleurs? Qui de nous ne +pourrait, s'il lui en venait le caprice, écrire «Mes jardins», +l'histoire de ses jardins dont il nous conterait qu'il fut le captif +volontaire, le Silvio Pellico tendrement ravi?</p> + +<p>Premiers et vagues jardins de la trébuchante enfance, au milieu +desquels, un jour, nous fûmes tout à coup révélés à nous-mêmes, où notre +bout de nez plongé dans une fleur, nous avons soudain senti et respiré +le parfum spécial de notre existence qui nous montait au front et se +répandait en nous pour nous obséder toujours... Jardins de plus tard, où +nous marchons et regardons alors sans le secours de personne, jardinet +clos de murs croulants chez une vieille tante en province, carré de +légumes et de pâquerettes, de gueules-de-loup et de pensées blanches qui +me semblait une immensité à perte de vue... au delà de laquelle +j'imaginais de merveilleux pays, qui était pour moi le vestibule fleuri +de l'univers.</p> + +<p>Et puis ce sont les Tuileries à cerceaux et à ballons du commencement de +ma jeunesse, les Tuileries dont je percevais déjà, sans l'approfondir ni +pouvoir l'exprimer, l'altière et mélancolique grâce, la noblesse un peu +triste. C 'est là que, pour la première fois, dans une langoureuse +ivresse, vous m'avez arrêté, déesses de pierre, faunes engainés, +graciles coureurs à tête ronde lancés en avant sur la pointe d'un orteil +brisé, avec un pigeon sur le poignet dé votre bras tendu... C'est là que +j'ai appris les vastes arbres centenaires qui superposent leurs rameaux +pleins des murmures du passé, les fleurs qui font de beaux dessins, le +jet d'eau royal, sceptre liquide qui secoue des pierreries dans l'air et +asperge de diamants l'aile des oiseaux... et vous aussi chaises aux +pailles arrachées, chaises rustiques à la Rousseau, groupées par +endroits dans le creux ménagé au bas d'un gros tronc noir, pour y faire +cuvette aux jours d'arrosage. Il y en avait toujours une de renversée, à +l'écart, comme si elle s'était battue avec les autres et qu'elle n'eût +pas été la plus forte. Elle me faisait penser à la Révolution et je n'ai +jamais pu la regarder ainsi à terre sans me représenter un des Suisses +du 10 août, étendu sur le dos dans le jardin, où des coups de fusil +perdus font tomber des feuilles...</p> + +<p>... Retraites ombreuses du Luxembourg qui sentiez si bon les matins et +les soirs du temps où j'aspirais l'odeur des premières convoitises...</p> + +<p>Et je n'ai pas parlé, avant, des chers jardins des maisons familiales, +des jardins de vacances où l'on a joué dans une innocente ardeur avec +d'adorables petites filles que l'on s'est souvenu plus tard d'avoir +aimées, sans le savoir, dont les bras nus égratignés par les épines, et +les cheveux flottants où restait une feuille morte, vous repassent +devant la pensée, trente ans après, dans des allées où on ne court plus.</p> + +<p>C'était l'époque aussi des jardins de pensionnat où l'on se mettait si +promptement en nage et où l'on buvait, en manches de chemise, à la +pompe, l'eau la plus fraîche qui jamais vous coulera le long du cou,... +des jardins de l'Abbaye où l'on avait une soeur «dans la classe bleue».</p> + +<p>Et puis on s'est lancé bientôt dans les routes qui vont loin... on a +élargi ses promenades, on a pris des voitures et des trains, et on a +successivement connu, les uns après les autres, les grands jardins +réservés dont les noms vous terrassent quand on les prononce... Une +fois, dix, vingt fois et plus, on a visité, sans jamais les connaître et +les posséder complètement, ces villes de verdure, ces capitales de la +flore, de la perspective et du point de vue, ces prises d'horizon, ces +captations de lumière, d'ombre, d'espace et d'eau qui s'appellent avec +tant de solennelle majesté Versailles, Saint-Cloud, Chantilly, +Compiègne, Fontainebleau... on a vu les jardins de la Loire, ceux des +ruines et ceux des châteaux, des anciennes terres princières... les +jardins blasonnés qui paraissent, eux aussi, descendre des croisades, et +dont les traditionnelles beautés de race, respectées et transmises, +montrent des roideurs héraldiques, des ordonnances d'écusson. Chaque +parterre est un <i>quartier</i>. Ah! les jardins, les jardins!... Que ce mot +prononcé, traîné, lentement, un peu bas, d'une voix qui désire et +soupire et qui prend le ton de la volupté, que ce mot suffit donc à +propager en nous une indicible extase! Avez-vous pensé jamais au séjour +affreux que serait la terre, inhabitable sans les jardins? Et sans eux +que serait aussi tout ce qui vient du coeur? Que seraient l'amitié, la +tendresse, l'amour...? l'amour dont ils sont le pays indiqué, le suave +domaine et le bleu décor, la chambre à ciel ouvert? On ne peut faire un +pas en dehors de soi sans trouver la petite porte battante ou la grille +du jardin, sans entrer dans un jardin... Nous sommes entourés par les +masses de verdures de ce mot touffu, magique et prodigieux.</p> + +<p>Si nous voulons aller du côté sentimental, aussi bien dans le passé que +dans le présent, nous ne rencontrons que des souvenirs de jardin... +C'est au jardin que nous avons été nous cacher et nous réfugier +haletants, échappés de nous-mêmes, pour mener un jeu, rêver, écouter +chanter notre âme par la voix du rossignol, dire tout haut des vers qui +nous étourdissaient, et guetter une robe, cueillir une main, ou pleurer, +le front sur un arbre auquel on racontait sa peine...</p> + +<p>Et, si nous voulons aller vers l'art, nous sommes tenus de passer à tout +instant par des jardins... jardins de Breughel et de Léonard, de Cranach +et du Poussin, jardins des Primitifs, qui ne perdent pas un pouce de la +fenêtre où ils viennent si gentiment se serrer et s'encadrer, jardins +des tableaux du grand siècle qui paraissent dessinés à la Vauban, +jardins de Watteau, d'Hubert Robert et de Fragonard,... et combien +d'autres!</p> + +<p>Irons-nous à l'histoire? Elle est pleine aussi de jardins... qui +feraient un livre au titre embaumé... jardins de Cléopâtre et de +Sémiramis... petits jardins et préaux fleuris des temps gothiques, +jardins magnifiques et somptueux de la Renaissance, jardins de Philippe +II et de François Ier, du cardinal d'Amboise et de Richelieu, de Louis +XIV et du Régent, de Marie-Antoinette et de la du Barry... jardins +d'Espagne, jardins d'Italie, jardins d'Orient... jardins mystiques de la +foi, ceux des couvents, du cloître et du missel, des marges de +l'antiphonaire... Et jardin sévère de Jésus-Christ... jardin sans fleurs +des Oliviers...</p> + +<p>Les jardins sont partout... partout... Il faudrait plus d'un an pour les +énumérer. Ils couvrent le passé, le présent, l'avenir... ce monde-ci et +l'autre... Car sans oser rien préjuger du mystère futur... on peut dire +avec certitude et sans se tromper, que le paradis <i>sera un jardin...</i> +Plus beau que ceux d'en bas et les surpassant tous, il en rappellera +cependant un peu, pour notre récompense, les humaines délices... Et si +des fleurs insoupçonnées nous attendent aux divins bosquets, du moins +celles de la terre, je le pense, ne seront pas oubliées. Il est +impossible, sans sacrilège, d'admettre un paradis qui n'aurait pas de +roses... La Vierge s'y plairait moins...</p> + +<p>Et nous y verrons aussi des cyprès, mille fois millénaires, en forme de +clochers... et des jets d'eau montant toujours, toujours... et de grands +papillons à tête d'archange, d'un bleu tout nouveau... bleu d'éternité.<br> + +<span class="sc"><span class="rig">Henri Lavedan.</span></span></p> + +<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br> + +<h3>UN BRAVE: LE PATRON DELANNOY</h3> + +<p>La Société centrale de Sauvetage des naufragés tenait, dimanche dernier, +dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, son assemblée générale, sous +la présidence de M. Georges Pallain, gouverneur de la Banque de France, +remplaçant M. l'amiral Duperré, légèrement indisposé. Le président de la +République y était représenté par le lieutenant-colonel Aldebert, le +ministre de la Marine par le vice-amiral de Jonquières.</p> + +<p>A cette émouvante fête annuelle, la fête de l'héroïsme, une assistance +nombreuse se pressait, vibrante, frissonnante à chaque instant au récit +des exploits que lui narrait d'une voix chaleureuse, dans un rapport +impressionnant, M. Busson-Billault, ancien bâtonnier de l'ordre des +avocats, administrateur de la Société.</p> + +<p>Le premier héros qu'il nomma est François-Achille Delannoy, patron du +canot de sauvetage de Calais. Un vrai brave, on peut l'affirmer, sous +une solide étoffe; une âme sans peur dans un corps d'athlète. Dans sa +carrière de sauveteur, commencée voilà quarante-deux ans, il a arraché +aux flots, à la mort, <i>cent quatre-vingt-seize</i> personnes, des marins +comme lui, des compatriotes quelquefois, des frères, et aussi des +Anglais, des Norvégiens, des Italiens, des Eusses... Quelle nation du +monde n'est pas redevable à ce vaillant d'avoir conservé quelqu'un de +ses fils?</p> + +<p>En sa faveur, la Société centrale, depuis qu'elle le distingua, en 1871, +a épuisé toutes les récompenses dont elle dispose. Elle a dû, cette +année, recourir au gouvernement et solliciter de lui la consécration +suprême. Elle eut la joie de l'obtenir: le président accrocha sur le +chandail de laine bleue du marin, tout scintillant déjà de vingt-sept +médailles et décorations diverses, et où les rubans mêlaient toutes les +couleurs de l'arc-en-ciel, la croix de la Légion d'honneur. Delannoy +reçut les larmes aux yeux la double accolade de M. Georges Pallain et de +l'amiral de Jonquières. Un tonnerre de bravos roula sous l'immense +plafond, et se prolongea longuement, jusqu'à l'instant où le nouveau +chevalier rejoignit sa place et tomba dans les bras de sa fidèle +compagne, en blanche coiffe boulonnaise, qui l'étreignait à plein coeur.</p> + +<p>Après Delannoy, ce furent dix, vingt autres, dont le plus jeune n'a pas +quinze ans, et dont on ne sait lequel admirer le plus. Ce sont Riou, +Jégou, Cloarec, rudes Bretons qui, à eux trois, dans la tempête du 30 +septembre, sauvèrent cinquante-six personnes; c'est Leprêtre, de +Gravelines, qui pour avoir, par une nuit sinistre, sauvé avec ses +camarades du bateau de sauvetage, huit hommes sur une barque en +perdition--une épave, déjà--reçoit la médaille d'or de l'amiral de +Jonquières; c'est Hougard, de la Turballe, c'est le capitaine Casanova, +des Messageries Maritimes, qui, le 20 juin, sauve et recueille les <i>cinq +cent trente-neuf</i> marins et passagers du navire allemand <i>Queula</i>,--et +voilà pourquoi le comte Perponcher représente sur l'estrade +l'ambassadeur d'Allemagne. Car tous ces gens, Delannoy en tête, on l'a +vu, sont, eux aussi, internationalistes, comme se proclamaient nombre de +ceux qui, à la même heure, manifestaient en d'autres lieux contre la loi +de trois ans, au nom des grands principes. Seulement, leur manière est +différente, par bonheur.</p> + +<p>La cérémonie se termina par la présentation du «challenge de +l'héroïsme», créé par notre confrère le <i>Matin</i>, dédié <i>Aux marins +sauveteurs de France pour glorifier l'héroïsme français</i>. C'est un +magnifique objet d'art, oeuvre des frères Falize, qui a été attribué, +pour la première fois, aux marins de Saint-Guénolé-Kérity, Riou, Jégou, +Cloarec et leurs camarades du bateau de sauvetage, et qui va orner, un +an, le beau phare d'Eckmühl, à Penmarch.</p> +<br><br> + +<h3>LE BOURGMESTRE LÉGIONNAIRE</h3> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b> + M. Paul Tromel, bourgmestre<br> + d'Usedom, soldat de 2e classe<br> + à la légion (2e rég. étranger).</b></p> + +<p>Le cas de ce bourgmestre allemand qui, il y a quelques semaines, +s'engagea dans notre légion étrangère, a déjà fait couler beaucoup +d'encre. Les journaux quotidiens ont raconté comment M. Paul Tromel, +bourgmestre d'Usedom, après avoir assisté, le 28 mars dernier, à une +séance du conseil d'arrondissement de Swinemunde, se rendit à Berlin, +d'où il écrivit à son adjoint d'Usedom de vouloir bien se charger des +affaires courantes. Puis, il quitta l'Allemagne et l'on perdit sa trace +jusqu'au jour où l'on apprit que, sous le nom de Funze, M. Tromel avait +contracté un engagement dans la légion étrangère. Là-dessus, les +feuilles allemandes ne manquèrent point cette occasion de renouveler +leurs coutumières attaques contre notre légion, et le cas de M. Tromel +donna lieu aux plus fantaisistes versions.</p> + +<p>On affirmait, notamment, que le bourgmestre d'Usedom avait été «racolé» +à Paris et dirigé sur la légion en même temps qu'un autre Allemand +originaire de Tilsitt. Celui-ci se serait évadé à Marseille, mais Tromel +n'aurait pas osé suivre cet exemple. Cependant, il aurait prié le +déserteur d'agir pour lui en Allemagne. Et là-dessus, toute la presse +pangermaniste de mener grand train.</p> + +<p>Or, il est résulté des premières informations précises reçues de Saïda, +où tient actuellement garnison le soldat de 2e classe du 2e étranger +Paul Tromel, que ce dernier, non seulement s'était engagé à la légion +dans toute la lucidité de son esprit, mais encore qu'il assurait s'y +trouver parfaitement bien et ne demandait qu'à continuer la vie qu'il +s'y était faite. Ce qui était confirmé par une déclaration écrite dudit +Paul Tromel, déclaration datée du 16 mai dernier, et dont nous +reproduisons plus bas le fac-similé. Enfin, ces derniers jours, les +journaux allemands voulaient bien annoncer eux-mêmes que l'adjoint +d'Usedom venait de recevoir de Tromel une carte postale illustrée +portant ces mots:</p> + +<p><i>«Je vous adresse en signe de vie mes salutations. Je supporte très bien +le service. Je pense souvent à vous. Mille choses pour vous et votre +famille. De votre: Paul Tromel.</i></p> + +<p>Donc, il apparaît bien que l'incident est clos. Le nom du bourgmestre +d'Usedom allonge simplement la liste de ceux de ses compatriotes qui ont +voulu, comme lui, changer leur destinée et vivre, dans notre légion, la +vie militaire française, dont, apparemment, on ne leur avait point dit +que du mal.</p> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002c.png"><br><b> +Autographe de la déclaration écrite et signée,<br> +à Saïda, le 16 mai dernier, par M. Paul Tromel.</b></p> + +<br><br> + +<h3>A LA MÉMOIRE DE NOS SOLDATS</h3> + +<h4>INDIGÈNES D'ALGÉRIE</h4> + +<p>Sous les auspices du «Souvenir français», et grâce à l'heureuse +initiative d'un officier du 4e tirailleurs, le capitaine Mennetrier, un +monument vient d'être élevé, au cimetière musulman de Bône, à la mémoire +des soldats indigènes morts au service de la France. C'est une blanche +«Koubba» de style mauresque, décorée de faïences; à l'intérieur, se +dresse un mausolée, dont la stèle porte une inscription en arabe rédigée +par un «thaleb», suivant le rite coranique.</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b> + Monument élevé, au cimetière<br> + musulman de Bône, à la mémoire<br> + des soldats indigènes morts<br> + pour la France.</b></p> + +<p>Ce monument, conforme à la tradition musulmane, est le premier qui, sur +la terre d'Afrique, soit consacré aux héros de notre armée algérienne +tombés au champ d'honneur. L'hommage qui leur est ainsi officiellement +rendu ne pouvait manquer de toucher les populations indigènes: aussi la +cérémonie d'inauguration a-t-elle été pour elles l'occasion d'une +manifestation de loyalisme, qu'elles ont tenu à rendre d'autant plus +éclatante que, quelques jours auparavant, nos commissions de recrutement +avaient procédé, dans la région même, aux opérations de la conscription.</p> + +<p>Devant la Koubba, de nombreux discours furent prononcés. Parlant au nom +du «Souvenir français», M. Délaye indiqua qu' «au moment où nous faisons +un plus large appel aux soldats indigènes de notre Afrique du Nord, il +était nécessaire de montrer à nos sujets musulmans que la France se +souvient et sait honorer la mémoire de tous ceux qui meurent pour elle». +M. Bulliod, représentant la municipalité de Bône, évoqua, avant M. +Laromer, président de la Société des «Vétérans de 1870-1871», les fastes +glorieux de nos troupes algériennes. Puis M. Mardassi Brahim, notable +musulman, dans une belle allocution patriotique, proposa à ses jeunes +coreligionnaires l'exemple de Saïd ben Béchir, ce «turco» du 3e +tirailleurs qui s'illustra à la défense de Bazeilles. Et, enfin, M. +Chérif-Cheikh, conseiller municipal et président du comité du monument, +fit noblement valoir que, si nos soldats indigènes sont, par eux-mêmes, +courageux et prêts à tous les sacrifices, ils doivent aux officiers +français qui les conduisent et qui leur apprennent à se battre de former +une irrésistible élite.</p> +<br><br> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br><b>LE MARIAGE DE LA FILLE DE GUILLAUME II.--Dîner de gala +dans la Salle Blanche du château royal de Berlin.<br> A gauche, de bas en +haut: la princesse impériale (femme du kronprinz), le duc de Cumberland, +la reine Marie d'Angleterre, l'empereur d'Allemagne, la duchesse de +Cumberland (cachée par un valet), le prince impérial d'Allemagne; à +droite, de bas en haut: la princesse Cécile Henri de Prusse, le roi +d'Angleterre, l'impératrice d'Allemagne, le fiancé (prince Ernest de +Cumberland), la fiancée (princesse Victoria-Louise), l'empereur de +Russie, la grande-duchesse de Bade, etc.</b><br>--<i>Dessin de J. MATANIA, envoyé +spécial à Berlin du journal illustré anglais</i>, The Sphere.</p> + +<p>Le mariage civil et religieux de la princesse Victoria-Louise, fille de +l'empereur Guillaume II, avec le prince Ernest-Auguste de Cumberland, +due de Brunswick-Lunebourg, fils du duo de Cumberland, chef de la maison +dépossédée de Hanovre, a été célébré en grande pompe, le samedi 24 mai, +au château royal de Berlin. Les souverains anglais et le tsar, venus +exprès dans la capitale allemande, assistèrent aux diverses cérémonies +en même temps que cinquante grands-ducs, grandes-duchesses et princes de +maisons régnantes. Notre gravure donne une vision du fastueux dîner qui, +dans la Salle Blanche du palais, réunit, le 22 mai au soir, ces hôtes +augustes autour des jeunes fiancés dont l'union symbolisait la +réconciliation des Guelfes et des Hohenzollern. On annonce, en effet, +déjà, que, d'ici à peu de mois, le jeune prince Ernest-Auguste, le mari +de la fille du kaiser, sera remis en possession de tous les droits de sa +famille sur le duché de Brunswick qu'administre actuellement et +provisoirement une régence.</p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>East river, les docks et le pont de Brooklyn.</b></p> + +<h3>NEW-YORK ENTREVU PAR UN BARBARE D'ORIENT</h3> + +<p class="mid">Copyright by Pierre Loti, 1913.</p> + +<p>Samedi, 21 septembre 1912.</p> + +<p>Le jour se lève. L'hélice du paquebot qui m'amène a ralenti son +tournoiement fébrile: évidemment nous arrivons, nous sommes devant +New-York.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b> La statue de la Liberté.</b></p> + +<p>Et, comme par un pressentiment qu'une grande chose extraordinaire va +passer, j'ouvre la fenêtre de ma cabine. En effet, là-bas, en face, une +sorte de colosse de Rhodes, une femme exaltée se dresse sur le ciel, le +bras tendu dans un geste magnifique. Sans l'avoir jamais vue, je la +reconnais, il va sans dire: la statue de la Liberté, qui veille à +l'entrée de l'Hudson. Elle est haute comme une tour. Les pluies et les +vents lui ont déjà donné la patine vert-de-gris des antiques déesses de +l'Égypte. Sur un piédestal en pierres roses, aussi grand qu'une +citadelle, elle surgit, pâlement verdâtre, dans le brouillard du matin +et dans les fumées que le soleil dore. Elle est superbement symbolique +et terrible. On dirait qu'elle fait à l'univers entier des signes +d'appel; on dirait qu'elle crie: «Hurrah! C'est ici la porte! Hurrah! +Entrez tous dans la fournaise! Jetez-vous tête baissée dans le gouffre +des affaires, du bruit, de l'agitation et de l'or!»</p> + +<p>Et le voici qui s'ouvre devant nous, ce gouffre quasi infernal. Jadis, +ce n'était que l'entrée d'une large rivière, entre des roseaux et des +arbres. Aujourd'hui c'est quelque chose qui, pour mes yeux épris +d'Orient et de lignes pures, tient du cauchemar, mais arrive quand même +à une sorte de beauté tragique, par l'excès même de l'horreur. Mille +<span class="rig"><img alt="" src="images/004c.png"><br><b> Les toits de New-York.</b></span> +tuyaux crachent des fumées noires ou des vapeurs en tourbillons blancs, +qui se mêlent, qui s'enroulent, qui embrouillent l'horizon comme sous +des sarabandes de nuages. Le long des deux rives, à perte de vue, +s'alignent les docks couverts, qui sont de gigantesques carcasses toutes +pareilles, en ferraille couleur de deuil. Partout des inscriptions +accrocheuses s'étalent en lettres de dix mètres de haut, les unes +blanches ou rouges sur les fonds noirs, les autres aériennes soutenues +par des charpentes d'acier. On est assourdi par des sifflets stridents, +des plaintes gémissantes de sirènes, des grondements de moteurs, des +fracas d'usines. Et, au-dessus de tout cela que tant de fumées +enveloppent, plus haut, plus haut, comme des géants poussés trop vite et +trop efflanqués, des géants qui allongeraient démesurément le cou pour +mieux voir, les gratte-ciel surgissent effarants et invraisemblables, +les uns carrés, les autres pointus, les gratte-ciel à trente, quarante +ou cinquante étages, surveillant ce pandémonium par leurs myriades de +fenêtres...</p> + + + +<p>Ah! on vient me réclamer ma «feuille d'entrée», un questionnaire que +chacun doit remplir avant d'être admis à poser le pied sur le sol +d'Amérique. Moi qui avais oublié! En hâte je griffonne mes réponses. Un +peu stupéfiantes, les questions: «Etes-vous anarchiste? Etes-vous +polygame? N'êtes-vous pas idiot? N'avez-vous jamais donné de signes +d'aliénation mentale? Possédez-vous plus de cinquante dollars de +patrimoine? Combien de condamnations avez-vous subies? etc..» De telles +précautions témoignent du juste souci qu'ont les Américains de ne pas +admettre chez eux les hôtes «non désirables» (undesirables),--et nous +devrions bien en faire autant à Tunis, pour les émigrants que nous +envoie chaque jour l'Italie.--C'est égal, ce formulaire suranné est un +peu naïf, car si l'on était idiot ou maboul, il est probable qu'on n'en +conviendrait pas, surtout par écrit.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Les passerelles du Métropolitain.</b></p> + +<p>Deux ou trois heures plus tard, après d'interminables formalités de +douane et des batailles sur les docks contre des journalistes armés de +kodaks, je me trouve enfin au centre de New-York, confortablement +installé et très haut perché dans un hôtel à je ne sais combien +d'étages, où fonctionnent de prodigieux ascenseurs. Je domine de mes +fenêtres la plupart des bâtisses d'alentour, où tout est rouge, d'un +rouge sombre tirant sur le chocolat. Murs de briques rouges. Toits en +terrasses, sans tuiles bien entendu, mais couverts de je ne sais quel +«imperméable» peint en rouge,--et ce sont des promenoirs pour les +habitants, leurs chiens et leurs chats; des messieurs en bras de chemise +(car il fait très chaud, une chaleur mouillée de Gulf-Stream) y lisent +les journaux à dix pages, des ménagères y battent leurs tapis ou bien y +font sécher leurs lessives. Au-dessus des toits, un peu partout, +s'élancent des charpentes en fer pour soutenir en plein ciel les grandes +lettres des affiches-réclames, ou bien pour élever, comme à bout de +bras, les énormes tonneaux peints en rouge qui contiennent les +provisions d'eau en cas d'incendie. Trop de choses en l'air, vraiment, +trop de ferrailles, trop d'écritures zigzaguant sur les nuages. Et çà et +là, auprès ou au loin, des gratte-ciel se dressent isolés--sortes de +maisons-asperges, pourrait-on dire--qui font mine d'épier avec +indiscrétion tout ce qui se passe alentour. D'en bas m'arrive un +continuel vacarme; en plus des autos comme à Paris, c'est le +Métropolitain qui fonctionne sur de bruyantes passerelles en fer, à +hauteur de premier ou de deuxième étage; sans trêve, les trains se +poursuivent ou se croisent. Et il y en a d'autres en dessous, qu'on +entend rouler comme des ouragans dans les profondeurs du sol. C'est la +ville de la trépidation et de la vitesse! Regardés de mes hautes +fenêtres, les passants me semblent tout écrasés et courtauds. Les +femmes, avec la mode actuelle, disparaissent sous leur chapeau trop +large, ressemblent à un disque où des plumets s'agitent. Et, au milieu +de ces gens empressés qui cheminent le long des trottoirs, de tous +petits êtres décrivent des courbes folles: des «enfants à roulettes» +qui, déjà pris d'une frénésie d'aller vite, font du skating éperdument +sur l'asphalte.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>Broadway.</b></p> + +<p>Quatre heures, le moment où j'avais fait dire à des journalistes que je +les recevrais. Et il m'en arrive un, puis deux, puis dix, puis vingt, +puis trente!... Tous ont l'abord courtois et cordial, et bien volontiers +je leur tends la main. Mais où donc les mettre? Mon salon n'a plus assez +de chaises; qu'on ouvre ma chambre à coucher, on en fera asseoir sur mon +lit; pour les occuper, qu'on leur offre des cigarettes!</p> + +<p>Et je suis sur le banc des accusés, au milieu de tout ce monde. Un seul +parle français et traduit aux autres mes paroles ahuries, qui sont +aussitôt notées sur des carnets. «Qu'est-ce qu'il a dit? Qu'est-ce qu'il +a dit?» Je n'aurais jamais cru que mes réparties, généralement ineptes, +pourraient être si précieuses.</p> + +<p>--«Mon cher maître, voulez-vous d'abord nous exposer ce que vous pensez +des femmes américaines.»</p> + +<p>--«Moi! Mais rien encore: je n'ai pas eu le temps de sortir, je n'en ai +vu qu'une seule, une femme de chambre rencontrée dans l'ascenseur, et +c'était une négresse!»</p> + +<p>--«Bien. Écrivez: M. Pierre Loti diffère son jugement et demande à +réfléchir.»</p> + +<p>A l'instant même, en voici deux qui font leur entrée, deux Américaines, +demoiselles journalistes, le kodak au cran de sûreté. Elles ont l'air +intelligent, éveillé, gracieux et d'ailleurs très comme il faut. Je les +fais asseoir à mes côtés; l'une d'elles s'excuse d'être encore en tenue +de voyage: c'est qu'elle arrive à peine du Congo, où elle était allée +chasser le rhinocéros... Et l'interrogatoire continue. La littérature, +l'hygiène, la politique, la religion et l'économie sociale, tout y +passe. Quelle haute idée ont-ils donc de mon omnicompétence, pour +enregistrer avec tant de soin mes plates réponses:</p> + +<p>--«Mon cher maître, êtes-vous d'avis que la convention de Genève +autorisera l'emploi des aéroplanes militaires? Mon cher maître, +êtes-vous partisan de la castration pour les assassins, qu'un de nos +philanthropes vient de proposer?»</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/005c.png"><br><b> Foule du samedi, à 5 heures de l'après-midi.</b></p> + +<p>Les deux gentilles misses parlent français. Leurs questions +particulières s'entre-croisent avec celles de l'interprète général. Et +bientôt c'est le plus étourdissant des coq-à-l'âne, où se heurtent la +réélection de M. Fallières, les suffragettes, la castration des +assassins, la représentation proportionnelle et les randonnées du +rhinocéros. Que va-t-il sortir de ce tohu-bohu, et quel effet d'ensemble +cela donnera-t-il, en imprimé, dans les journaux de cette nuit?...</p> + +<p>Mais j'avais pensé que ce serait assommant, et au contraire! C'est +d'ailleurs si nouveau pour moi, qui, en France, ne reçois jamais un +reporter, c'est si imprévu, si drôle, et ils ont si bonne grâce, que +vraiment je m'amuse. Quand ils sont tous partis, les grandes lettres que +j'aperçois par mes fenêtres, les grandes lettres dans le ciel, +commencent à éclairer le brumeux et lourd crépuscule, chaque inscription +prenant feu d'un seul coup, l'une en rouge, l'autre en bleu, l'autre en +vert; ce sont des réclames lumineuses et clignotantes; New-York en est +couvert et on m'a bien recommandé d'aller le soir admirer dans les rues +cette féerie quotidienne.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>New-York le soir, vu de Brooklyn.</b></p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/006b.png"><br><b> + Un gigantesque panneau-réclame: course de chars<br> + romains surmontant une maison.</b></p> + +<p>A neuf heures donc, je descends me mêler à la foule, sur les larges +trottoirs de Broadway. Malgré les costumes parisiens des femmes, malgré +les «complets» et les horribles «melons» pareils aux nôtres, ce n'est +pas la foule de Paris; les allures ont je ne sais quoi de plus décidé, +de plus volontaire, de plus excentrique aussi. Et quel méli-mélo de +toutes les races! On reconnaît au passage des Japonais, des Chinois +tondus à l'européenne, des Grecs, des Levantins, des Scandinaves aux +cheveux pâles.--Quelqu'un du pays me disait ce soir: «New-York n'est pas +encore tout à fait l'Amérique, il n'en est plutôt que le seuil, où +s'arrêtent d'abord en débarquant les foules disparates qui nous viennent +d'Europe. A la seconde génération, quand tous ces gens se sont mêlés, +croisés, nous voyons naître alors de vrais Américains qui ont une +cohésion parfaite et l'amour de leur patrie nouvelle, vérifiant la +devise «<i>e pluribus unum</i>». Ceux-là se fixent plus volontiers dans nos +villes de l'intérieur, où il faut aller pour se sentir vraiment aux +Etats-Unis, et voir la race entreprenante et forte, rajeunie comme un +arbre taillé, qui résulte du mariage de toutes ces énergies.»--Beaucoup +de femmes élégantes, sur les trottoirs de Broadway, et beaucoup de très +belles, du moins quand elles ne sont pas crûment éclaboussées par de +<span class="lef"><img alt="" src="images/006c.png"><br><b> + Des gratte-ciel.</b></span> + +blêmes soleils électriques leur donnant des teints de cadavres; mais +trop de négresses, en vérité; à chaque instant, sous quelque grand +chapeau garni de roses, passe une figure toute noire. Les opulentes +boutiques, les étalages derrière d'immenses glaces, sont comme le long +de nos boulevards. Mais l'électricité qui ruisselle ici, qui règne en +souveraine, est mille fois plus agressive que chez nous; il semble que +tout vibre et crépite sous l'influence de ces courants innombrables, +dispensateurs de la force et de la lumière; on est comme électrisé +soi-même et un peu frémissant. Mon Dieu, que de bruit dans Broadway! +Presque sans trêve, il faut se résoudre à entendre courir en vertige +au-dessus de sa tête, sur les vibrantes passerelles de ferraille, des +files de wagons-monstres, bondés de monde et étincelants de feux. En +revenant d'ici, Paris va me sembler une bonne vieille petite ville +arriérée et calme, aux maisonnettes basses; d'ailleurs aucune de ses +illuminations du 14 juillet n'approche des fantasmagories qui, les soirs +quelconques, se jouent à New-York. Partout des lumières multicolores, +qui changent et scintillent, formant et déformant des lettres; elles +dégringolent en cascade du haut en bas des maisons, ou traversent les +voies comme des banderoles tendues. Mais c'est en l'air surtout qu'il +faut regarder--malgré le fracas souterrain des trains express qui vous +feraient baisser instinctivement les yeux vers le sol--c'est en l'air, +au faîte des extravagantes bâtisses, au-dessus des toits; là sont les +réclames lumineuses, qui remuent par des trucs nouveaux, les visions qui +dansent. Un marchand de je ne sais quoi a surmonté sa boutique d'une +course de chars romains où l'on voit des chevaux gigantesques agiter +avec frénésie leurs pattes de feu. Un marchand de parapluies a érigé une +bonne femme qui gesticule avec son ombrelle ouverte. Un marchand de +mercerie exhibe un énorme chat, tout en feu jaune, qui dévide un peloton +de feu rouge et s'entortille avec le fil. Un marchand de brosses à +dents, le plus cocasse de tous, fait gigoter dans le ciel un diablotin +qui roule des prunelles de feu vert, en brandissant de chaque main une +brosse de 10 mètres de long... Vite, vite, les apparitions se dessinent, +se démènent, s'effacent, reviennent, vite, si vite que le regard se +trouble à les suivre. Et de temps à autre, au bout d'un gratte-ciel non +éclairé, qui montait invisible dans l'atmosphère de brume et de fumée, +quelque affiche géante, que l'on dirait suspendue comme une +constellation, éclate en feu rouge, vous martèle un nom dans l'esprit, +et se hâte de s'éteindre. Tout cela, pour ma mentalité d'Oriental, est +déroulant et même un peu diabolique; mais c'est si drôle et en même +temps si ingénieux, que je m'amuse et presque j'admire...</p> + +<p>Dimanche, 22 septembre.</p> + +<p>Ce que je vais raconter de ma première nuit de New-York fera sourire les +Américains; aussi bien est-ce dans ce but que je l'écris. Dans un livre +du merveilleux Rudyard Kipling, je me rappelle avoir lu les épouvantas +du sauvage Mowgli la première fois qu'il coucha dans une cabane close: +l'impression de sentir un <i>toit</i> au-dessus de sa tête lui devint bientôt +si intolérable, qu'il fut obligé d'aller s'étendre dehors à la belle +étoile. Eh! bien, j'ai presque subi cette nuit une petite angoisse +analogue,--et c'étaient les gratte-ciel, c'étaient les grandes +lettres-réclames au-dessus de moi, c'étaient les grands tonneaux rouges +montés sur leurs échasses de fonte; trop de choses en l'air, vraiment, +pas assez de calme là-haut. Et puis, ces six millions d'êtres humains +tassés alentour, ce foisonnement de monde, cette <i>superposition</i> à +outrance oppressaient mon sommeil. Oh! les gratte-ciel, déformés et +allongés en rêve! Un en particulier (celui du trust des caoutchoucs, si +je ne m'abuse), un qui surgit là très proche, un tout en marbre qui doit +être d'un poids à faire frémir! Il m'écrasait comme une surcharge, et +parfois quelque hallucination me le montrait incliné et croulant...</p> + + + +<p class="rig"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b> Un coin de Central Park.</b></p> + +<p>C'est dimanche aujourd'hui; le matin se lève dans une brume lourde et +moite; il fera une des chaudes journées de cette saison automnale qu'on +appelle ici «<i>l'été indien</i>». Sur New-York pèse la torpeur des +dimanches anglais et, dans les avenues, les voitures électriques ont +consenti une trêve d'agitation. Rien à faire, les théâtres chôment et +demain seulement je pourrai commencer à suivre les répétitions du drame +qui m'a amené en Amérique. Mais dans le voisinage, tout près, il y a +Central Park, que j'aperçois par ma fenêtre, avec ses arbres déjà +effeuillés; j'irai donc là, chercher un peu d'air et de paix.</p> + +<p>Central Park est comme un bois de Boulogne ouvert en pleine ville, avec +des allées pour les cavaliers, des allées pour les autos, d'immenses +prairies pour le football, et des recoins presque solitaires pour les +idylles.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>Un promeneur et un écureuil dans Central Park.</b></p> + +<p>Les feuillages sont les mêmes qu'en France, mais flétris par un plus +précoce automne, après un été plus brûlant. Çà et là des blocs de +rochers noirs se lèvent, comme s'ils avaient crevé les pelouses, et +c'est le sol même de New-York qui reparaît à nu, ce sol dur et homogène +qui a favorisé la hardiesse des maisons à trente ou quarante étages, +écrasantes de lourdeur. Le parc est tellement grand que parfois on se +croirait en pleine campagne, si toujours un ou deux gratte-ciel dans le +lointain n'élevaient au-dessus de la cime des arbres leurs têtes +indiscrètes, semblables à des maisons chimériques du pays de Gulliver... +Les gens élégants doivent avoir fui la ville, car je ne rencontre +aujourd'hui que des petits bourgeois endimanchés, des «enfants à +roulettes», d'austères vieilles misses à lorgnon qui doivent être des +institutrices. Et solitairement je vais m'asseoir au bord d'une allée.</p> + +<p>A peine suis-je là qu'un bruit très léger me fait tourner la tête. A +côté de moi, sur mon banc, un amour de petit écureuil gris vient de +bondir, et il me regarde en faisant le beau, debout sur son +arrière-train, relevant sa belle queue de chat angora... Oh! en voici un +second, plus hardi encore» qui saute sur mes genoux! J'en aperçois aussi +qui courent sur l'herbe ou qui jouent dans les branches.--Et c'est une +des choses gracieuses et touchantes de New-York, cette tribu de petits +êtres libres qui a pris possession de Central Park et que tout le monde +protège; on leur bâtit des maisonnettes de poupée sur les arbres, les +promeneurs leur apportent des bonbons et des graines qu'ils viennent +manger à la main; rien ne les effraie plus, ni le galop des cavaliers, +ni le bruit de ces «enfants à roulettes», aussi gentils et effrontés +qu'eux-mêmes, qui font du skating sur l'asphalte de tous les sentiers.</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/007c.png"><br><b> L'armée du Salut.</b></p> + +<p>Le déclin du jour amène pour moi d'intolérables mélancolies dans ce parc +d'automne, au milieu de cet humble petit monde du dimanche, qui est si +hétéroclite et qui m'est si inconnu; au-dessus des bosquets d'ombre, les +lointains gratte-ciel, rougis à la pointe par le soleil couchant, me +donnent une impression d'exil que je n'avais jamais éprouvée, même en +plein désert; les écureuils gris, par précaution contre les chats qui +vont bientôt rôder, remontent dans leurs maisonnettes suspendues; le +crépuscule commence à m'étreindre, et j'ai envie de m'enfuir vers les +rues plus animées où je coudoierai plus de monde. Je ne sais si déjà je +m'américanise, mais je sens ce soir qu'il me faut du mouvement et du +bruit.</p> + + + +<p>Dans les quartiers qui entourent le parc, toutes ces hautes maisons, que +de richesses elles étalent et quel luxe dominateur! C'est presque trop; +la proportion, la mesure manquent un peu. Les entrées où veillent des +mulâtres galonnés, sont de marbre ou de porphyre, avec des colonnades +grecques, byzantines ou gothiques, avec de lourdes et somptueuses +grilles en bronze ou en fer forgé qui feraient honneur à nos +cathédrales. Et tout cela vient de surgir presque en un jour! C'est +humiliant en vérité pour notre vieille Europe qui a mis des siècles à +bâtir ses villes célèbres et n'a jamais eu assez d'or pour faire aussi +beau. Mais, à tant de luxe, quelque chose manque, quelque chose que l'on +ne définit pas, et qui est peut-être tout simplement l'âme d'un passé...</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Neuf heures, et nuit brumeuse. Quand je suis accoudé à ma haute fenêtre, +avant de redescendre me plonger dans la fantasmagorie des rues, une +sérénade tout à fait burlesque éclate sans préambule, en bas, sur un +trottoir de Broadway. Des voix d'hommes hurlent ensemble une sorte de +cantiques de guerre, accompagné à l'unisson par des trombones et des +cors de chasse. Qu'est-ce que c'est que ce charivari, mon Dieu?--Ah! +l'armée du Salut! Un bataillon qui est venu se poster là pour tâcher de +sauver au passage les égarés du dimanche soir s'acheminant vers les +bouges de l'alcool. Eh! bien, après la première minute de stupeur et de +sourire, on oublie le ridicule de cela pour céder à une impression +plutôt grave. Dans cette ville où trépident nuit et jour les +transactions et les affaires, il y a donc place encore pour le vieux +rêve religieux qui berça les hommes pendant des siècles. Ce rêve, il est +vrai, a pris une forme délirante, tapageuse, effrénée, ici où tout est +neuf et excessif; mais on le sent là, bien vivant quand même, derrière +cette musique de maison de fous. Et on ne sourit plus.</p> + +<p>Copyright. Droits réservés.</p> + +<p>PIERRE LOTI.</p> + +<p>--<i>A suivre</i>.--</p> + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007d.png"><br></p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007e.png"><br><b>Au Bois, le matin: les jolies rencontres du photographe.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007f.png"><br><b>MAI PARISIEN.--Robes et chapeaux printaniers: la mode vue +aux dernières réunions de Longchamp.--<i>Phot. de Givenchy et Agié.</i></b></p> + +<p>C'est toujours au Bois, le matin, et, l'après-midi, aux Courses, qu'il +faut aller chercher les visions très diverses de luxe et de grâce +féminine dont le mois de mai parisien compose son attrait particulier. +Les hasards d'une promenade dans les allées du Bois ont favorisé le +photographe; il en a rapporté trois instantanés qui, par bonne fortune, +forment des tableautins de genre achevés. Et il a pu surprendre, aux +réunions de Longchamp, toutes les variétés des élégances printanières, +encore timides et hésitantes jusqu'au dernier meeting où elles +s'affirmèrent sans réserve. Les images que nous avons rapprochées ici, +et celle de la double page qui suit, donneront un aperçu des modes de +cette saison, que marque le triomphe incontesté du petit chapeau +empanaché, abondant en aigrettes et en paradis, et paré de capricieuses +«fantaisies».</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>ÉLÉGANCES DE LONGCHAMP: LA FOLIE DES AIGRETTES ET DES +PARADIS</b></p> +<br><br> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/009a.png"><br><b> + Le village de Tormery,<br> + vu du sommet de la roche<br> + menaçante.</b></p> + +<h3>L'EXPLOSION DU ROCHER DE TORMERY</h3> + +<p>Un des événements de la semaine dernière a été cette explosion du rocher +de Tormery dont on parlait depuis si longtemps. Il faisait partie +obligée des curiosités que devait visiter le touriste, venu passer +quelques jours à Aix-les-Bains ou dans la contrée. On vous conduisait +jusqu'à la gare de Chignin et l'on vous montrait le rocher.</p> + +<p>--Voilà la «Roche Pourrie», disait le guide, et au-dessous le village de +Tormery qu'elle écrasera un de ces jours.</p> + +<p>Et, de fait, il y avait lieu de redouter un cataclysme, car cette énorme +masse, de 9.000 mètres cubes, semblait suspendue au-dessus des soixante +et quelques maisons habitées par les braves cultivateurs savoyards. Un +premier avertissement avait été donné le 14 août 1903. A 7 heures du +soir, deux blocs de 400 mètres environ s'étaient détachés de la «Roche +Pourrie», comme l'avaient baptisée les paysans, à cause de sa +désagrégation lente, mais progressive. Ces blocs, par bonheur, étaient +tombés dans la plaine et n'avaient atteint personne. Ils s'étaient +contentés d'écraser deux celliers inoccupés, dont, après la chute, il +n'était plus resté trace.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/009b.png"><br><b> +Les échafaudages dressés pour le<br> +percement des 237 trous de mine.</b></p> + +<p>Allait-il donc, dans un temps plus ou moins long, en être de même du +village? C'était certain, c'était fatal, si l'on ne prenait au plus vite +les mesures nécessaires.</p> + +<p>L'administration des ponts et chaussées intervint. Elle fit sceller, en +travers des crevasses, des barres de fer qui permettraient de constater +le moindre déplacement du rocher. C'était un palliatif momentané et +insuffisant, parce que le rocher qui repose sur un sol marneux pouvait +un jour s'abattre d'un seul coup sur Tormery sans avoir bougé +auparavant.</p> + + +<p>Des démarches nouvelles furent faites de la part des autorités locales, +maire, conseil municipal, conseil d'arrondissement, conseil général, +préfet... Les ingénieurs des ponts et chaussées examinèrent sous toutes +ses faces la «Roche Pourrie» et finirent par tomber d'accord sur ce +point qu'il fallait la détruire.</p> + +<p>Le bloc B (après l'explosion qui a détruit, à droite et à gauche, les +parties condamnées de la masse rocheuse) est tombé en arrière, +entraînant des fragments de la partie supérieure, et s'est coincé en A +dans la crevasse; la partie C de la roche centrale restée en surplomb +s'est déplacée de 4 centimètres en bas et vers sa droite.</p> + + +<p class="rig"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b> Vue en plan.</b><br> + +<img alt="" src="images/009d.png"><br><b> + Vue en coupe (suivant d e<br> + sur la vue en plan).</b></p> + +<p>Mais comment? On ne pouvait pas, bien entendu, faire écrouler le rocher +sur le village: c'eût été provoquer la catastrophe qu'on voulait éviter. +Par les moyens ordinaires, c'est-à-dire par des coups de mine +successifs, on aurait envoyé au loin d'énormes quartiers de roc qui +auraient broyé tout ce qui se serait trouvé sur leur passage. Il fallait +au contraire anéantir le rocher, le réduire en parcelles inoffensives, +et pour cela provoquer, en des points très nombreux et très rapprochés, +autant d'explosions absolument simultanées. Mais, même en employant +l'électricité, on ne voyait pas bien la possibilité d'y arriver... +d'autant plus qu'il fallait éviter tout «ratage», c'est-à-dire toute +mine n'ayant pas fait explosion et demeurant par suite très dangereuse.</p> + +<p>On s'adressa--il y a un an de cela--à la maison Davey, Bickford, Smith +et Cie, de Rouen, déjà bien connue par son cordeau Bickford qui sert +dans les mines--et aussi dans les attentats anarchistes --à faire +exploser un engin, utile ou criminel. Il ne s'agissait pas cette fois du +cordeau Bickford ordinaire, comme l'ont dit presque tous les journaux, +mais bien d'un nouveau cordeau détonant au trinitrotoluène, pour lequel +la maison a pris un brevet spécial et qui détone avec une vitesse de +6.000 mètres à la seconde, alors que le cordeau ordinaire brûle à raison +d'un mètre en 90 secondes et ne peut pas exploser.</p> + +<p>La vitesse de détonation du nouveau cordeau permet de faire partir +ensemble un nombre incalculable de mines avec une seule amorce +électrique mise au moment même où l'on veut produire l'explosion.</p> + +<p>Le cordeau est en contact avec toutes les cartouches, car il va au fond +de chaque trou. Il oblige toutes les cartouches à partir. Plus +d'accidents consécutifs aux culots, d'explosifs,--terme consacré pour +désigner l'explosif non parti. En outre, pendant le chargement, +l'absence d'amorce supprime tout danger.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/009e.png"><br> +<br> +<img alt="" src="images/009f.png"><br><b> +Le chargement à la dynamite des<br> + trous de mine et la pose des<br> + cordeaux détonants.</b></p> + +<p>C'est avec ce cordeau qu'on a exécuté des travaux très difficiles et +très délicats, comme le déblaiement du tunnel d'Ypres, situé au milieu +de riches propriétés qu'une secousse trop forte eût pu détériorer, ceux +de Briddlington (Yorkshire), de Port-de-Bouc, de +Saint-Jean-de-Maurienne, etc.</p> + +<p>La maison Davey, Bickford et Cie envoya un jeune ingénieur, M. Georges +Dienne, qui examina le rocher. Après une visite minutieuse, il fut +d'avis qu'on pouvait, sans le moindre danger pour le village, réduire en +poussière les 9.000 mètres cubes.</p> + +<p>Mais M. Reulos, ingénieur des ponts et chaussées, estima que c'était +exagéré. A son avis, il suffisait d'enlever deux blocs qui se trouvaient +à droite et à gauche du bloc central et qui, à eux deux, cubaient 2.000 +mètres. Le reste ne serait plus dangereux. On consoliderait le bloc de +7.000 mètres restant, au moyen d'un mur de soutènement.</p> + +<p>N'ayant à s'occuper que de l'exécution des ordres reçus, M. Georges +Dienne s'inclina. Il prit ses mesures. Ce fut une besogne longue et +difficile que de percer les 237 trous de mine sur les flancs de ces deux +blocs. On en jugera par les photographies prises pendant la préparation.</p> + +<p>Ces trous de mine furent chargés avec de la dynamite gomme à 92% de +nitroglycérine. Certains de ces trous dépassaient quatre mètres et demi +de profondeur et étaient chargés de six kilos de dynamite.</p> + +<p>La longueur totale de cordeau détonant, partant de chaque trou pour se +raccorder au point où fut placée, à la dernière minute, l'amorce +électrique qui provoqua la détonation générale, était de 1.500 mètres.</p> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/010a.png"><br><b>L'explosion.<br> Près de la cabane, sur le flanc de la +montagne, à gauche, se tenait, avec ses aides, l'ingénieur chargé de +déterminer la déflagration; on voit, aux bords de la dentelure de flamme +et de fumée, que la roche éclatée est projetée dans l'espace en +cailloutis minuscules.</b></p> + +<p>Bien que M. Dienne répondît de tout et affirmât que les maisons de +Tormery ne ressentiraient même pas une secousse, l'administration crut +devoir prendre des mesures exceptionnelles de prudence. On donna ordre +d'évacuer le village et ce fut un spectacle attristant de voir les +paysans abandonner leurs maisons avec leurs femmes et leurs enfants, +traînant après eux leurs bestiaux, emportant leurs objets les plus +précieux, leurs instruments agricoles, etc. Mercredi matin, le maire de +Chignin, commune d'où dépend Tormery, vint avec les gendarmes et les +gardes forestiers visiter les maisons une à une pour s'assurer que +personne n'y était resté.</p> + +<p>La nouvelle de cette explosion avait attiré beaucoup de curieux. Il en +était venu d'Aix-les-Bains, de Chambéry, de Grenoble, de Lyon, de +Genève. La compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée avait organisé des +trains spéciaux et la petite gare de Chignin ne s'était jamais trouvée à +pareille fête. Pour contenir la foule, on avait dû faire venir une +compagnie de chasseurs alpins. Il fallait à tout prix empêcher les +curieux d'être victimes de leur imprudence et de recevoir sur la tête un +des blocs de roches qu'allait infailliblement lancer en l'air +l'explosion, absolument comme un volcan en éruption.</p> + +<p>Quant au village on en avait fait le sacrifice. Il allait, +vraisemblablement, être enseveli sous les décombres, comme Pompéi et +Herculanum sous la lave du Vésuve. Le conseil général avait voté une +somme de 100.000 francs pour indemniser les habitants, obligés de se +reconstruire un asile un peu plus loin dans la vallée.</p> + +<p>Mercredi matin, la foule était là, haletante. On se montrait, en face de +Tormery, le Granier, cette muraille de 2.000 mètres qui maintient la +montagne. On se racontait qu'en 1428 une partie de cette montagne +s'était écroulée, engloutissant vingt-trois localités, dont une ville de +5.000 habitants, nommée Saint-André, et sur l'emplacement de laquelle se +trouve actuellement le lac du même nom. On se disait qu'aujourd'hui +encore, dans la clarté des matins, on peut apercevoir sous les eaux du +lac, au fond, tout au fond, la pointe du clocher de Saint-André, comme +dans la baie de Soulac, en Saintonge, on aperçoit à temps calme la ville +engloutie par la mer.</p> + +<p>Dix heures... M. Georges Dienne, après une rapide inspection, réunit ses +cordeaux et pose le détonateur. On avertit la foule que l'explosion va +avoir lieu.</p> + +<p>Dix heures trente-cinq... une faible flamme, un crépitement, suivi d'un +bruit semblable à celui des grêlons qui tombent. Ce sont les petits +fragments du roc qui dégringolent de chaque côté, pas plus gros que les +graviers qu'on jette dans les allées des parcs... Le village est intact.</p> + +<p>--C'est ça l'explosion! s'écrie-t-on dans la foule.</p> + +<p>Et, il faut l'avouer à la honte de l'espèce humaine, il y a un immense +désappointement. On se figurait voir une lueur colossale, des jets de +feu gigantesques, des blocs énormes projetés à des hauteurs +incommensurables et retombant sur les toitures du village qu'ils +auraient broyées comme des fétus de paille... Ce n'était vraiment pas la +peine de venir de si loin.</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/010b.png"><br><b> + Après l'opération: blocs de roche<br> + tombés dans la fissure derrière la<br> + masse centrale de roc restant en<br> + porte à faux.</b></p> + +<p>Si, c'était la peine, parce qu'on a vu la puissance de la science +actuelle, luttant contre les forces de la nature.</p> + +<p>Parmi les habitants aussi, il y en eut quelques-uns qui furent déçus. +Ils savaient qu'il y avait 100.000 francs destinés à payer les dégâts et +ils avaient escompté cela, imaginant sans doute qu'au lieu de leur +vétusté masure on leur donnerait un petit chalet plus moderne, plus +confortable que la demeure ancestrale si rudimentaire. Mais ils se +consolèrent vite. N'était-ce pas le bonheur quand même, que de pouvoir +sans encombre reprendre sa place au foyer et ses habitudes?...</p> + +<p>Les deux blocs latéraux sont donc pulvérisés. Le danger est-il +complètement, définitivement conjuré? Il est à craindre que non.</p> + +<p>Le bloc principal, de 7.000 mètres, subsiste. Les terrains qui le +supportent sont toujours aussi mauvais: c'est de la marne qui +s'attendrit et se délaie à la pluie...</p> + +<p>Il est vrai qu'on va le soutenir par un mur. Mais ce mur, dont la +construction présentera de grandes difficultés et nécessitera de fortes +dépenses, pourra-t-il présenter une résistance suffisante? Le terrain +sur lequel on aura à poser les fondations est-il assez solide? Quelle +épaisseur faudra-t-il lui donner pour qu'il puisse supporter la poussée +formidable du rocher?</p> + +<p>Les blocs non minés qu'on a voulu garder sur le sommet du rocher et du +côté de la montagne, pour faire contrepoids, sont tombés dans la +crevasse qui sépare le rocher de la montagne. Au lieu de soutenir la +«roche pourrie», ils vont la pousser vers l'avant.</p> + +<p>En outre, une partie de ce rocher qui, avant l'explosion, faisait corps +avec le noyau principal, s'est déplacée de quatre centimètres vers la +droite du côté nord et est descendue également de quatre centimètres, +ainsi qu'en font foi les «témoins» posés avant l'explosion et examinés +après.</p> + +<p>Tout cet été il n'y aura rien à craindre. Mais, l'hiver venu, avec les +pluies, ou bien encore au dégel...?</p> + +<p>On fera bien, pendant que la saison est favorable, de construire au plus +vite le mur de soutènement et d'y apporter tous les perfectionnements +possibles, dût-on y consacrer les 100.000 francs qu'on destinait à la +reconstruction du village.</p> + +<p>Mais n'eût-il pas été plus simple d'anéantir d'un seul coup tout le +rocher?<br> + +<span class="rig">C. D.</span></p><br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/011a.png"><br><b>Une représentation de <i>la Fiancée vendue</i> de Smetana sur la vaste scène<br> +en plein air du Théâtre national de Prague.</b>--Phot. V. Jehticka.</p> + +<h3>UN GIGANTESQUE THÉÂTRE DE LA NATURE</h3> + +<p>Maintenant que le soleil s'est enfin décidé à rendre au mois de mai sa +splendeur traditionnelle, les théâtres de la nature ont commencé de +disposer leurs premiers décors. Les représentations en plein air se +généralisent de plus en plus et il faut signaler, cette année, la +gigantesque entreprise du Théâtre national de Prague, qui, dans un décor +naturel en amphithéâtre, dans la banlieue de la capitale de la Bohême, +peut mettre en scène, devant 20.000 spectateurs, une prodigieuse +figuration. Notre photographie a été prise lors de la première +représentation de <i>la Fiancée vendue</i>, l'opéra de Smetana, qui sera +interprétée par le même ensemble à Paris, au théâtre des Champs-Elysées.</p> + +<h3>UNE FÊTE DES JARDINS OUVRIERS A BICÊTRE</h3> + +<p>La Société dos Jardins ouvriers de Paris et de banlieue a été créée en +1904. Son but est de réunir les concours généreux qui lui permettent de +prendre en location ou en dépôt des terrains qu'elle attribue ensuite +moyennant une très faible rétribution à des ouvriers chargés de famille +et sous la seule obligation de bien cultiver leur petit lot de terre et +d'y construire une tonnelle-abri.</p> + +<p>Cette oeuvre si intéressante a eu des débuts difficiles. Procurer à +l'ouvrier ou à l'employé de Paris un coin de sol de 100 à 150 mètres +carrés paraît chose bien chimérique. La société débuta avec cinq jardins +à Levallois-Perret. Dix autres vinrent s'y ajouter en 1905, prélevés sur +un terrain de l'Assistance publique, boulevard Brune. A partir de 1906, +le développement de l'oeuvre fut plus rapide. A sa dernière assemblée +générale, le 2 février 1913, M. Robert Georges-Picot, le secrétaire +général, annonçait un total de 36 groupes représentant 1.420 jardins. On +n'a pas idée de ce qu'il a fallu d'efforts pour amener à la culture et à +la vie certains terrains de rebut. Les ouvriers ont littéralement pétri +et formé le sol. Mais aussi avec quelle joie ils vous montrent leurs +légumes, leurs fleurs et leurs plates-bandes. On peut affirmer que, sur +un terrain de 100 à 150 mètres, ils obtiennent, en moyenne, 80 francs de +légumes, sans compter un gain moral qui ne saurait s'apprécier en +argent. Car ces braves gens organisent entre eux des concours de +jardinage, des visites de jardins, des fêtes d'enfants, des mutualités +maternelles. Dimanche, ils se réunissaient joyeusement à Bicêtre où ils +avaient organisé la représentation en plein air d'une adaptation de la +légende de Geneviève de Brabant. On avait élevé une petite chèvre pour +tenir le rôle de la biche. Un aimable juge de paix avait rimé des vers. +Un artiste de l'Odéon, M. Dutertre, avait dirigé les répétitions qui +eurent lieu pendant deux mois, le soir, chez l'abbé Lemire. Les +jardiniers d'Arcueil avaient charrié pour leurs camarades de Bicêtre le +décor de feuillage, et un millier de spectateurs applaudirent avec +enthousiasme la grâce douloureuse de Geneviève et la noble allure du +comte de Brabant.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/011b.png"><br> L'abbé Lemire.<br><b>LES THÉÂTRES DE MAI.--Une scène de +<i>Geneviève de Brabant</i> <br> représentés sur le Théâtre de verdure des Jardins +ouvriers, à Bicêtre.</b>--<i>Phot. Gimpel,</i></p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/012.png"><br><b>M. Paul Hervieu. M. PAUL HERVIEU EN ESPAGNE.--L'illustre<br> +écrivain à la fête champêtre du «Rocio», près de Séville.</b>--<i>Phot. +Serra.</i></p> + +<p>M. Paul Hervieu vient de faire en Espagne un séjour de quelques +semaines, pendant lequel il a été l'objet des manifestations de +sympathie les plus flatteuses, pour lui-même et pour les lettres +françaises. Le maître de la tragédie moderne s'était rendu à Madrid pour +assister à la première représentation de <i>la Course du Flambeau</i>, +traduite par un excellent écrivain, M. Carlos de Battle, et interprétée +par une grande artiste, Mme Carmen Cabena: acclamé par les spectateurs +du théâtre de la Zarzuela, affablement reçu par le roi Alphonse XIII et +le ministre de l'Instruction publique, fêté par la société madrilène et +par ses confrères espagnols, il a vu son voyage se transformer en une +manière d'ambassade littéraire, qui, nous écrit notre correspondant M. +J. Causse, «a contribué à fortifier l'oeuvre accomplie, dans le même +temps, par les diplomates des deux côtés des Pyrénées».</p> + +<p>A ces attentions officielles se sont unies, pour charmer son séjour, les +impressions pittoresques qu'il a rapportées d'une excursion en +Andalousie. Près de Séville, M. Paul Hervieu et ses compagnons de +voyage, Mme la baronne de Pierrebourg--en littérature Claude Ferval et +le comte et la comtesse de Lauris, ont eu l'occasion d'assister à l'une +des fêtes les plus caractéristiques de l'Espagne. Le pèlerinage +champêtre de la vierge du «Rocio» (de la Rosée), dont le sanctuaire, +situé en plein bois, est chaque année, à cette époque, le rendez-vous de +nombreuses confréries. La famille du grand armateur M. Ramon Ibarra a +l'habitude de convier gracieusement, dans sa belle propriété de Lopaz, +les jeunes filles et les jeunes gens de l'aristocratie sévillane, qui, +vêtus du costume populaire andalou, vont attendre le passage des +pèlerins, venus à cheval ou'en charrettes décorées de fleurs... +L'éminent académicien, qui s'était mêlé à eux, n'a pas échappé à +l'objectif du photographe; et c'est ainsi qu'a pu être pris cet +instantané imprévu de l'auteur des <i>Tenailles</i> et de <i>la Loi et +l'Homme</i>.</p> +<br><br> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/013.png"><br><b> +LE DÉMAGOGUE M. Jean Jaurès au meeting<br> + du Pré-Saint-Gervais.</b></p> + +<h3>LES «TROIS ANS» ET LE PARTI SOCIALISTE</h3> + +<p>La mise à l'étude du projet de loi rétablissant le service militaire de +trois ans, la décision prise par le gouvernement, conscient de ses +responsabilités et soucieux de ses devoirs, de maintenir sous les +drapeaux la classe libérable à l'automne, tout cela, que la masse du +pays--et de l'armée--acceptait sagement, a produit parmi les partis +avancés une effervescence qui n'a rien d'ailleurs d'inattendu, et fourni +le prétexte de protestations, de propagandes qui ont eu, par malheur, +une regrettable répercussion dans certains régiments.</p> + +<p>Des manifestations, demeurées heureusement isolées, se sont produites, +la plus grave à Rodez, où un commencement de sédition fut arrêté, dès le +début, par l'attitude énergique, résolue, du commandant Angelby.</p> + +<p>Ces mouvements d'indiscipline ont été réprimés et punis sans faiblesse +comme sans retard. Des enquêtes, conduites notamment par le général Pau, +le général Goetschy ont rapidement établi les culpabilités et déterminé +les nécessaires sanctions.</p> + +<p>Mais, de prime abord, les renseignements recueillis par les enquêteurs +révélaient clairement que les vraies responsabilités remontaient plus +haut, et que les soldats insubordonnés, avec cette légèreté, cette +spontanéité qui caractérisent la jeunesse, n'avaient été que trop +dociles à des suggestions venues du dehors.</p> + +<p>«Nous ne sommes pas en présence d'une mutinerie militaire, aurait +déclaré en rentrant à Paris le général Pau, mais d'un mouvement +d'origine politique.»</p> + +<p>Les socialistes, les membres de la C. G. T. et autres anarchistes +allaient bien vite fournir eux-mêmes des arguments probants pour +justifier cette impression,-sans parler des faits précis qui allaient +être révélés par diverses opérations de police.</p> + +<p>Le dimanche 24 mai devait avoir lieu la traditionnelle manifestation au +«mur des Fédérés», au cimetière du Père-Lachaise. Les socialistes +décidaient brutalement d'en faire le prétexte d'une manifestation +hostile au maintien de la classe sous les drapeaux, hostile aux «trois +ans»,--pour tout dire, nettement antimilitariste. Le gouvernement ne le +pouvait permettre. Il décida d'interdire cette démonstration, et la +Chambre l'approuva.</p> + +<p>Cependant, respectueux du droit de réunion, il ne songea non plus à +empêcher les adversaires des mesures militaires de s'assembler, +dimanche, au Pré-Saint-Gervais, en un meeting de protestation. Il n'eut +pas à regretter cette tolérance. Tout se passa dans un ordre parfait.</p> + +<p>Le temps, d'abord, était radieux et chaud et incitait à la douceur. Une +foule, que les organisateurs ont évaluée à 120.000 personnes, mais qui +en comptait 30.000 à 35.000 suivant la préfecture de police, se rendit +par cette tiède journée au lieu indiqué par des affiches et les journaux +intransigeants.</p> + +<p>Des femmes, des enfants s'étaient mêlés aux manifestants. Des filets +bourrés de victuailles et de «litres» se voyaient dans les groupes, +derrière les drapeaux rouges ou noirs roulés dans leurs gaines. On +saucissonna sur l'herbe, et ce fut une partie de campagne autant qu'un +meeting. Après quoi, on se réunit autour des tribunes, pour y entendre, +tour à tour, les quatre-vingt-seize orateurs inscrits! Que d'éloquence +en une journée!</p> + +<p>Il y avait là tous les orateurs écoutés du parti,--ou plutôt des partis, +M. Jaurès en tête, qui ne fut ni le plus violent ni, partant, le plus +applaudi. Il y avait encore M. Vaillant, véhément toujours, malgré les +ans, M. Marcel Sembat, M. Albert Willm. Ils distribuaient la bonne +parole par petites tables, si l'on peut dire, du haut de sept tribunes, +sept camions dont le plus entouré était certes celui qu'ombrageait le +drapeau noir des communistes anarchistes.</p> + +<p>Aucun conflit, grâce aux mesures d'ordre habilement prévues par le +préfet de police, M. Hennion, ne troubla la réunion.</p> + +<p>Le lendemain, bien résolu à rechercher toutes les responsabilités dans +les regrettables incidents dont les casernes ont été le théâtre, le +gouvernement faisait procéder à une centaine de perquisitions, à +Paris--notamment à la Confédération Générale du Travail, et à la Bourse +du Travail--et en province, afin de rechercher les preuves des +excitations politiques.</p><br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/014a.png"><br><b>Le commandant Mongrand.</b><br>--<i>Phot. Grémion.</i></p> + +<h3>L'ATTENTAT D'HANOÏ</h3> + +<p>Dans une récente et importante interview publiée par notre confrère le +<i>Temps</i>, M. le gouverneur général Sarraut a tenu à déclarer que +l'attentat d'Hanoï, la bombe lancée le 26 avril dernier sur des +officiers français à la terrasse d'un café local, n'était pas «un crime +annamite» mais un crime extérieur à l'Indo-Chine, inspiré très +vraisemblablement par le prince exilé Cuong Dé et exécuté par «la pègre +internationale d'Asie».</p> + +<p>Les journaux quotidiens ont dit, en leur détail, les circonstances de +cet attentat qui causa une si grande émotion en France. Le samedi 26 +avril 1913, vers 7 h. 1/2 la bombe, éclatant au milieu des consommateurs +du café de Hanoï-Hôtel, blessait mortellement les commandants Mongrand +et Chapuis, de l'infanterie coloniale, et atteignait plus ou moins +grièvement douze autres Français et six indigènes. L'un des morts, le +commandant Mongrand, qui s'était particulièrement distingué au Soudan où +il avait été cité pour action d'éclat à la prise du repaire de Kentadji +sur le Niger, laisse une veuve et quatre enfants. Il achevait sa période +de séjour en Indo-Chine et, par décision du 24 avril, avait été affecté +au 4e colonial, à Toulon.</p> + +<p>L'une de nos gravures représente le lieu de l'attentat, la devanture du +café photographiée le lendemain du crime, avec son panneau défoncé et +ses vitres brisées Le sang des victimes a laissé des traces sur le sol +et sur l'une des tables.</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/014b.png"><br><b> + La terrasse du café de Hanoï-Hôtel après l'explosion de<br> + la bombe.</b></p> + +<p>Quelques jours avant cet événement, une autre bombe avait tué à Thaï +Binh un mandarin attaché à la cause française. Il n'est résulté de ces +attentats aucune panique parmi nos compatriotes. Dans la nuit qui a +suivi le meurtre des officiers, le gouverneur général, M. Sarraut, a +fait afficher une énergique proclamation. Les victimes ont été enterrées +le mardi 29 avril à 9 heures du matin. Tout Hanoï et beaucoup de +Français de l'intérieur y assistaient. Devant la chapelle de l'hôpital +militaire, alors que l'on venait de placer les deux cercueils sur des +prolonges d'artillerie, le gouverneur général de l'Indo-Chine, M. Albert +Sarraut, a prononcé un discours ému, promettant le châtiment exemplaire +des meurtriers et de leurs complices. Ce discours se termina par le cri +de «Vive la France!» qui, malgré la tristesse de l'heure, fut très +applaudi.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/014c.png"><br><b> +Les obsèques des victimes de l'attentat d'Hanoï: le discours<br> +de M. Sarraut, gouverneur général de l'Indo-Chine, devant la<br> +chapelle de l'hôpital militaire.</b></p> +<br><br> + +<h3>CE QU'IL FAUT VOIR</h3> + +<h4>LE PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER</h4> + +<p>C'est entendu. Paris s'étend, Paris «coule» vers l'ouest. Il avait, au +temps de Mme de Sévigné, son centre mondain place Royale et dans le +Marais; sous Louis-Philippe, entre le Cirque d'hiver et les Variétés; +plus tard, entre les Tuileries et Tortoni. Les hommes de cette +génération-ci ont amené le centre de Paris sur les boulevards, entre +l'Opéra et la Madeleine. Ce sera demain les Champs-Elysées et l'Étoile, +et, dans trente ans, Bagatelle, quand il n'y aura plus de +fortifications. Les expositions de peinture et les marchands de tableaux +suivront le mouvement; ils l'ont déjà suivi (nous le remarquions ici +dernièrement); mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait en ce moment dans +l'un des moins occidentaux et des plus vieux quartiers de Paris, un +Salon de peinture qu'il faut voir. C'est le Salon des artistes du 4e +arrondissement. Il a même, ce Salon, le privilège d'une situation +unique; il est installé pour un mois dans la cour d'un des plus +pittoresques et vénérables monuments de Paris: à l'Hôtel de Sens.</p> + +<p>Cet hôtel avait été construit, à la fin du quinzième siècle pour les +archevêques de Sens, sous l'autorité desquels était placé--et demeura +placé jusqu'en 1622--l'évêché de Paris. Il eut, durant cette période, +des hôtes illustres: Louis de Bourbon, Louis de Guise cardinal de +Lorraine, la reine Margot, et, avant elle, Nostradamus! La renommée du +prophète provençal s'était propagée jusqu'à Paris, et Henri II avait +fait prier Nostradamus de venir à la cour. Il y vint. Le roi ordonna +qu'il fût logé chez le cardinal de Sens. Cela se passait au mois d'août +1556. Nostradamus fut même retenu à l'hôtel de Sens par un petit +accident que, quoique astrologue, il n'avait point prévu. Un accès de +goutte le cloua douze jours dans sa chambre, en attendant les succès de +prophète qu'il allait remporter à la cour quelques jours après! Mais le +vieil hôtel lui-même allait connaître d'étranges mésaventures. Abandonné +par les archevêques de Sens, il allait être successivement le dépôt des +coches de Bourgogne; puis une confiturerie, puis une verrerie... Et le +voilà qui se relève tout doucement de cette déchéance. Il est, depuis +quelques mois, la propriété de la Ville de Paris, qui se propose +d'installer là une partie de ses collections. Quelque temps s'écoulera +encore avant que soient commencés les travaux que cet aménagement +nécessite; et la Société d'artistes du 4e arrondissement a eu la très +bonne idée de mettre à profit ce délai en demandant à la Ville de lui +ouvrir, pour un mois, la maison où Nostradamus eut la goutte, et devant +la porte de laquelle la reine Margot fit, le 6 avril 1606, trancher la +tête à un gentilhomme dont elle avait eu, comme femme, à se plaindre. +L'Exposition n'occupe du vieil hôtel que la cour intérieure, qu'on a +plafonnée d'un vélum, et sablée avec soin. Au fond de la cour, une porte +basse ouverte sur l'étroit et tortueux escalier noir qui mène aux +souterrains; à côté, surélevée de quelques marches, une petite chambre +où un mobilier gothique --oeuvre de quelque exposant tapissier de +l'arrondissement--a pour cadre une très belle cheminée «du temps», et +les poutres vermoulues d'un plafond qu'aucune restauration n'a profané +encore.</p> + +<p>Et plus de trois cents oeuvres sont exposées ici. Les sujets de la +plupart d'entre elles sont empruntés à l'arrondissement lui-même, à son +histoire, à ses paysages. Et gentiment, le long de ces murs, amateurs et +professionnels fraternisent. Saluons parmi ceux-ci: Franck Bail, Belot, +Emile Bernard, Max Blondat, Delahogue, Druard, J.-J. Dufour, E. Fraisse, +Garcia-Ramon, Grouiller, Lalauze, E. Lequeux, Pannemaker, A. Boulard, +Emile Renard... Il est évident que d'une exposition située entre la rue +François-Miron et le pont des Célestins--ou, plus exactement, à l'angle +de la rue du Figuier et de l'ancienne rue de la Mortellerie--ces +excellents artistes n'avaient nul profit ni surcroît de gloire à +espérer... Simplement, ils ont «marché» avec les camarades, pour +l'honneur de l'arrondissement. C'est très bien. C'est d'autant mieux +qu'ils fourniront aux curieux qui leur feront visite une occasion de +connaître ce coin délicieux du vieux Paris où l'on ne va pas assez. Le +carrefour où s'érige l'Hôtel de Sens est à quelques pas de la Seine. Il +fait face à l'île Saint-Louis, ce petit morceau de ville qui est, à lui +seul, une relique. Autour de la vieille maison, c'est la rue des Lions, +la rue des Jardins, les rues Saint-Paul, Beautreillis, du Petit-Musc; +des façades d'hôtels seigneuriaux endormis dans la paix de petites rues +de province. Ayez dans la poche le 4e fascicule de l'ouvrage où le +marquis de Rochegude a décrit en vingt brochures (une par +arrondissement) les rues de Paris, et conté l'histoire des maisons; et +promenez-vous... Ce ne sera pas du temps perdu.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Mais que, tout de même, le Paris d'autrefois ne vous fasse pas trop +oublier celui d'à présent. N'oubliez pas les Ballets russes. Guettez +l'ouverture, aux Champs-Elysées, d'un certain Cinéma-Théâtre où l'on dit +qu'il sera indispensable aux gens du monde de se montrer de temps en +temps. (Acceptons-en l'augure! Ce n'est pas le directeur de l'entreprise +qui s'en offensera.)</p> + +<p>Et puis, retournez à Bagatelle pour y voir, à partir de lundi, +l'exposition annoncée par la manufacture de Sèvres, et qui sera composée +de figurines, de bibelots ayant trait aux jardins et aux fleurs. Sèvres +se modernise, se rajeunit sans cesse. Sèvres <i>invente</i>. Il faut qu'on +sache cela. Les étrangers nous entendent dire assez de mal de nos +industries d'État pour qu'il nous soit très agréable de leur en pouvoir +dire du bien de temps en temps. J'ajoute que de notre Manufacture de +Sèvres on ne parle plus guère, depuis des mois, que pour louer ses +oeuvres et rendre hommage aux admirables efforts des hommes qui la +dirigent. Sa participation d'hier à l'Exposition de Turin, celle +d'aujourd'hui à l'Exposition de Gand sont des victoires auxquelles on ne +saurait être indifférent chez nous.</p> + +<p>... Et puis, enfin, n'allons pas oublier que c'est lundi prochain, 2 +juin, que sera déclarée à l'Opéra-Comique la naissance du dernier enfant +de Gustave Charpentier: un petit garçon appelé <i>Julien</i> et que tout +Paris acclame, avant même que le bruit de son premier vagissement soit +venu à nos oreilles.</p> + +<p>Il y a vraiment des nouveau-nés qui ont de la chance.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Un Parisien.</span></span></p> +<br><br> + +<h3>AGENDA (31 mai--7 juin 1913)</h3> + +<p><span class="sc">Examens et concours</span>.--Le 7 juin, clôture des inscriptions du concours +pour le recrutement des dames employées aux postes et télégraphes.</p> + +<p><span class="sc">Expositions artistiques</span>.--Grand Palais (Champs-Elysées): Salon de la +Société des artistes français; Salon de la Société nationale des +Beaux-Arts.--Petit Palais: exposition de David et ses élèves.--Ancien +hôtel de Sagan (23, rue de Constantine): objets d'art du Moyen Age et de +la Renaissance au profit de la Croix-Rouge française.--Hôtel de Sens +(rue du Figuier): les Artistes du 4e.--A Bagatelle (bois de Boulogne): +exposition de l'Art du jardin.--Hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau (29, +rue de Sévigné): promenades et jardins de Paris, seizième, dix-septième, +dix-huitième siècles.--Cercle de la Librairie (117, boulevard +Saint-Germain): Palais-Salon.--Galerie Devambez (43, boulevard +Malesherbes): la petite ville de province.</p> + +<p><span class="sc">Les Rosati</span>.--Le 8 juin, à Fontenay-aux-Roses, pèlerinage annuel des +Rosati; les honneurs de la Rose seront faits à M. Francis Picavet, +secrétaire au Collège de France, et à M. Le Sidaner, peintre.</p> + +<p><span class="sc">Fêtes de bienfaisance.</span>--Le 1er juin, au parc de Gennevilliers, fête de +bienfaisance, donnée par l'Aéronautique-Club de France. Départ de 10 +ballons montés.--Le Ier juin, au théâtre des Champs-Elysées, +représentation de gala au bénéfice de la Société de charité maternelle +de Paris; le 6 juin, au même théâtre, représentation au profit du +monument Jules Renard.--Le 7 juin, à la Porte-Saint-Martin, +représentation de retraite de M. Frédéric Achard.</p> + +<p><span class="sc">Concerts</span>.--Le 5 juin, à la salle de Géographie (184, boulevard +Saint-Germain), à 4 heures: concert donné par M. Edouard Risler.--Le 6 +juin, salle des Agriculteurs (8, rue d'Athènes), à 9 heures du soir: +concert donné par M. Henri Gilles, avec le concours de Mme Emma Eames, +et de M. Emilio de Gogoza. Mme Eames ne s'est pas fait entendre depuis +plusieurs années à Paris, et M. Emilio de Gogoza y chantera pour la +première fois.</p> + +<p><span class="sc">Sports</span>.--<i>Courses de chevaux</i>: le 31 mai, Enghien; le Ier juin, +Longchamp; le 2, Saint-Cloud; le 3, Saint-Ouen; le 4, le Tremblay; Epsom +(Derby); le 5, Longchamp; le 6, Maisons-Laffitte; Epsom (the Oaks); le +7, Auteuil.--<i>Aviation</i>: le 1er juin, à l'aérodrome de Port-Aviation, à +Juvisy: match Garros-Audemars.--<i>Boxe</i>: au Nouveau-Cirque (rue +Saint-Honoré): championnats du monde de lutte de combat; le 31 mai, à 9 +heures du soir, à la salle des Ingénieurs civils (rue Blanche): assaut +annuel de la salle Conte; le 1er juin, à l'Exposition universelle de +Gand: match Carpentier-Bombardier-Wells.--<i>Lawn-tennis</i>: à partir du 7 +juin, sur les terrains du Stade français, à Saint-Cloud: championnat du +monde de tennis.--<i>Aviron</i>: le Ier juin, à Juvisy, coupe des nations; la +Société des Régates rouennaises organise pour le 8 juin des régates +nationales à l'aviron.--<i>Cyclisme</i>: le 8 juin, Paris-Bruxelles.</p> + +<br><br> + +<h3>LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS</h3> + +<p class="mid"><span class="sc">l'homme en rose</span></p> + +<p>L' «Homme en rose» n'existe plus. Vainement ce très grand artiste, ce +fastueux poète de la lumière: Albert Besnard, est allé chercher dans +l'Inde le prince des féeries hindoues, vêtu de mousselines couleur +d'aurore et piquées d'or, le rajah des légendes qui vit une existence de +songe dans les murailles ajourées de ses palais. Les souverains de +l'Asie anglaise portent aujourd'hui des vestons en laine de Manchester, +jouent au golf et se font blanchir à Londres. L'homme en rose n'existe +plus; mais les décors de son ancienne puissance sont toujours debout, +avec leurs immuables temples, leurs dieux farouches, et les foules +affamées et fanatisées qui continuent leur agitation délirante dans la +lumière pourpre de 1'«Inde couleur de sang».</p> + +<p>Déjà, lorsque, dans notre numéro de Noël de 1911, nous eûmes la joie de +reproduire quelques-unes des plus belles pages d'album et des études +rapportées par Albert Besnard de son voyage, notre confrère Pierre +Mille, l'un des meilleurs écrivains chroniqueurs et critiques de ce +temps, sut admirablement dire à notre public ce que fut cette visite du +somptueux artiste aux Indes. Cette terre de symboles vieux comme le +monde, Albert Besnard la parcourut presque dans tous les sens, promenant +ses extases de panthéiste dans le Ceylan bouddhique dont il vit les +temples d'Anouradhapoura assiégés de fidèles, à Kandy, à Madura, à +Trichinopoli où des cloches chrétiennes sonnent sur les foules hindoues, +à Tanjore, à Pondichéry, l'Inde française où les hommes sont plus beaux, +plus altiers, à Hydérabad on fête et en folie, à Calcutta, aux bords du +Gange, à Delhi, à Jeypour, à Bombay, enfin. La vie est une fête!... +s'écriait l'artiste, marchant dans le soleil. La vie, surtout pour lui, +était une illumination. Et c'est de la rutilante couleur qu'il a fixée +en ses notes de route (1) en même temps qu'en ses pages d'album. +L'écrivain ne s'y sépare pas du peintre. Il traduit tout en visions +plutôt qu'en pensées. «Je suis de ceux qui n'apprennent que par les +yeux!» écrit-il. Et c'est pour nos yeux surtout qu'il rend sensibles les +scènes vues: ainsi cette femme qui, enveloppée d'un pagne de soie orange +tissé d'argent, allonge sur le sol ses bras très purs, cerclés d'or; +ainsi cet adolescent vêtu de rose, conduisant par les degrés d'un temple +un éléphant énorme «qui descend et grandit jusqu'à abolir les piliers, +la voûte»; ainsi cet autre éléphant «obèse, cheminant du pas pressé et +pourtant mesuré d'un vieil employé allant à ses affaires». L'image fixée +par la plume est exacte et chante clair et gai comme le croquis, au +pinceau, de l'album. Les visions, parfois, vous brûlent.</p> + +<blockquote>Note 1: Que publia le <i>Figaro</i> et qui viennent d'être réunies sous ce +titre: <i>l'Homme en rose</i>, en un volume de la bibliothèque Charpentier, +Fasquelle, édit.. 3 fr. 50.</blockquote> + +<p>«Tout à l'heure, sur un pont hors de la ville, j'ai vu passer trois +femmes vêtues de rouge. Sous un ciel presque blanc, le sol flambait, ce +sol de l'Inde, rose comme la flamme ou rouge comme le sang... Sur la +tête, ces créatures portaient une cargaison de vases de terre cuite. +Elles marchaient très vite, du pas souple des figures antiques, avec un +léger bond du corps en avant qui leur donnaient l'air de voler. Elles +marchaient très vite, comme des fantômes ignés au travers d'un brasier.»</p> + +<p>Albert Besnard écrit comme il peint. Il y a dans son encrier toute la +magie flamboyante de sa palette.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Albéric Cahuet.</span></span></p> +<br><br> + +<p class="mid"><span class="sc">l'armée toujours prête</span></p> + +<p>M. Joseph Reinach vient de réunir en volume (2) les études qu'il a +consacrées aux questions militaires au cours de sa carrière politique, +longue de plus de trente ans. Vice-président de la commission de l'armée +à la Chambre, il a pris une part active à tous les débats concernant la +défense nationale, depuis la discussion de la loi de 1909 sur +l'artillerie, dont il fut le rapporteur, jusqu'à celle qui occupe +aujourd'hui le Parlement. Cette oeuvre se signale par son harmonie, son +unité; on y voit comment un esprit net et pratique, affranchi de toute +considération étrangère, est conduit logiquement, après avoir accepté le +service de deux ans, à envisager comme une nécessité le retour à celui +de trois ans, d'abord pour la cavalerie, puis pour toutes les armes. +L'augmentation du personnel de l'artillerie, que l'auteur vota il y a +quatre ans, a contribué, avec l'abaissement de la natalité, à vider les +unités actives; il fallait donc, pour parer à ce danger, soit réduire le +nombre de nos corps d'armée, soit prolonger la présence des hommes sous +les drapeaux. M. J. Reinach, n'ayant pas demandé, il y a six mois, dans +son discours sur la loi des cadres, qu'on changeât l'organisation de nos +grandes unités, était fatalement amené à réclamer le service général de +trois ans. Le projet, assurant la fixité des effectifs, qu'il a élaboré +avec M. de Montebello, a été adopté par le gouvernement; grâce à lui, +nous verrons demain l'armée <i>toujours prête</i>, malgré les armements +formidables de nos voisins. R. K.</p> + +<blockquote>Note 2: <i>L'Armée toujours prête.</i> Édition Berger-Levrault, 3 fr. 50.</blockquote> + +<p>Voir dans <i>La Petite Illustration</i> le compte rendu du <i>Journal d'une +femme de cinquante ans</i>, souvenirs de la marquise de La Tour du +Pin-Gouvernet, et des autres livres nouveaux.</p> +<br><br> + +<h3>L'EXPOSITION D'HORTICULTURE</h3> + +<p>L'exposition d'horticulture vient de finir. Il semble permis d'affirmer, +sans paradoxe, que, grâce au mauvais temps des premières semaines de +mai, les parterres de roses eurent une splendeur exceptionnelle. Le +soleil est souvent le grand ennemi des exposants: beaucoup de fleurs +s'épanouissent avant l'heure officielle; celles que des soins spéciaux +réussissent à retarder se fanent à peine écloses. Le froid humide dont +nos jardins ont tant souffert pendant quelques semaines, avant les +grandes chaleurs de la fin du mois, avait été mis habilement à profit +par nos horticulteurs, et si quelques coloris manquaient d'intensité, la +fraîcheur des nuances présentait la séduction de la tonalité anglaise.</p> + +<p>On a surtout admiré la rose nouvelle, <i>Madame Edouard Herriot</i>, qui fit +sensation à l'exposition internationale d'horticulture de Londres où +elle obtint la coupe d'or du <i>Daily Mail</i>.</p> + +<p>Il est assez malaisé de définir exactement la nuance de cette rose +magnifique qui vient s'ajouter à la série des roses cuivrées obtenues +par M. Pernet-Ducher, de Lyon. Pour le rédacteur du <i>Gardener's +Chronicle</i>, «la couleur reste évasive. La teinte rose des fleurs +épanouies est très charmante, les boutons sont d'une riche couleur +orange-cerise foncé».</p> + +<p>Le <i>Gardener's Magazine</i> voit les boutons «de couleur orange-vermillon +riche ou orange terre cuite; les fleurs entièrement ouvertes sont rose +foncé fortement teinté de saumon orange».</p> + +<p><i>The Horticultural advertiser</i> trouve la couleur «grandiose, d'un riche +cuivre rougeâtre avec des teintes saumon et abricot». Enfin, l'obtenteur +s'exprime ainsi: «Fleur de grandeur et de duplicature moyennes, d'un +superbe coloris rouge corail nuancé de jaune et de rose de Carthane, +passant au rouge crevette».</p> + +<p>Ces diverses définitions m'ont paru fort discutables, la dernière +surtout. Cependant, après avoir gémi de mon impuissance à trouver le mot +juste, j'ai regardé du corail et j'ai constaté que la définition de M. +Pernet-Ducher est la plus exacte. La nuance de <i>Madame Edouard Herriot</i> +correspond à un corail spécial, un peu orangé, très différent du corail +rouge ou du corail rose que nous avons généralement dans l'oeil.</p> + +<p>A cette rose remarquable, le jury a attribué la coupe de l'Hay, offerte +par M. Gravereaux.</p> + +<p>Une autre nouveauté, <i>Juliet</i>, pourrait s'appeler <i>Caméléon</i>. Cuivrée le +matin, rose à midi, violâtre le soir, cette rose, d'une jolie forme, +passe par divers tons en conservant une fraîcheur de nuance très rare +chez des fleurs aussi capricieuses.</p> + +<p>Les rosiers sarmenteux de M. Nonin, plus beaux que jamais, formaient un +ensemble décoratif d'une richesse et d'une légèreté déconcertantes. +<i>Source d'or</i> apporte dans cette famille une jolie couleur jaune, assez +marquée, que l'on ne possédait pas encore; <i>Excelsa</i>, plus cramoisie que +<i>Crimson Rambler</i>, est moins resplendissante. Dans les polyantha nains, +signalons <i>Georges Elger</i>, blanc à coeur jaune.</p> + +<p>A côté des roses, on voyait les traditionnels gloxinias, les fulgurants +bégonias, et toute la série des fleurs connues, parmi lesquelles M. +Cayeux faisait revivre la <i>Clarkia elegans</i>, délicieuse papilionacée de +couleur orangée, à laquelle on ne saurait comparer l'antique et terne +<i>Clarkia pulchella</i>.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Il y eut aussi un concours de bouquets réservé aux femmes du monde. La +plupart des concurrentes surent, en peu de temps, garnir agréablement +les vases mis à leur disposition; mais ce furent de simples ébauches.</p> + +<p>On ne saurait, paraît-il, demander davantage aux «amateurs». Jusqu'ici, +on pensait que, pour faire un bouquet, il suffit d'avoir des fleurs et +tant soit peu de goût. La noble dame, dissimulée sous le pseudonyme de +Clairoix, nous apprend dans <i>l'Art du bouquet</i> (Laveur) qu'il est encore +nécessaire de connaître les théories des Japonais, maîtres incontestés +en la matière; pour guider notre ignorance, elle formule, d'après +Sin-Kiou-Shin, philosophe de l'antiquité, quelques styles en honneur au +pays de Mme Chrysanthème.</p> + +<p>Etudions les principes subtils du Shin no Hana, du Rikkwa, du Sangi, du +Shitsu, du Zi, et nous saurons disposer en gerbes élégantes, voire +savantes et expressives, les plantes et les fleurs que nous traitions +naguère avec trop de désinvolture.</p> + +<p>«Des silhouettes et des taches», telle est l'idée maîtresse dans la +décoration florale au Japon. Ajoutez à cela la beauté de nos fleurs, et, +n'en déplaise à l'auteur de ce petit livre joliment conçu, la grâce +maniérée ou la fantaisie d'une femme de goût, et vous aurez un bouquet +parfait.</p> + +<p>L'auteur nous donne de précieuses indications sur l'art d'adapter la +forme et la couleur des vases à la forme et à la couleur des branches, +fleuries ou non. Voici quelques exemples cueillis au hasard:</p> + +<p>Iris mauves, feuillages d'érable negundo blanc, deux feuilles de fougère +mâle;</p> + +<p>Un pavot rouge pourpre, quelques branches de cytises jaunes, une ou deux +branches d'iris mauve pâle en bouton; vase de cristal assez bas;</p> + +<p>Une pivoine en arbre, rose vif; une branche d'érable japonais pourpre, +une petite branche souple de cornouiller vert à fleurs blanches;</p> + +<p>Dans un grand cornet de Delft bleu, un mélange de lilas de Perse de +nuance très délicate et d'épine-vinette pourpre à fleurs jaunes;</p> + +<p>Dans un vase petit, en poterie verte commune: deux grappes de sorbier, +quatre ou cinq scabieuses pourpres violettes;</p> + +<p>Dans un vase en faïence, bleu et blanc: quelques branches de saule.</p> + +<p>De judicieuses remarques sur l'harmonie des couleurs, quelques recettes +pour conserver les fleurs coupées, ajoutent à l'intérêt pratique d'un +ouvrage fort habilement illustré et que les femmes élégantes, ayant des +loisirs, des fleurs et des arbres, auront plaisir à consulter.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">F. Honoré.</span></span></p> +<br><br> + +<h3>LE DRAME DE MADRID</h3> + +<p>Une lugubre affaire, encore incomplètement éclaircie, et qui rappelle, +par sa mystérieuse horreur, les contes les plus angoissants d'Edgar Poe, +passionne en ce moment Madrid, où son sinistre héros, le capitaine +Manuel Sanchez Lopez, chef du personnel à l'École de guerre, était fort +connu.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b> +Dans la cour du manège de l'École supérieure de guerre, à<br> +Madrid, la police examine les ossements de la victime du capitaine<br> +Sanchez Lopez, extraits de la cachette (qu'on voit au coin supérieur<br> +gauche) où l'assassin les avait emmurés.</b>--<i>Phot, Alfonso</i>.</p> + +<p>Le 24 avril dernier, on constatait la disparition d'un joueur de +profession, nommé Rafaël Garcia Jalon, et, deux jours après, on +apprenait qu'une jeune fille avait tenté de toucher à la caisse de son +cercle un jeton de 5.000 pesetas que Jalon y avait pris, en recommandant +de ne le changer qu'à lui-même. Une rapide enquête permit d'établir que +cette jeune fille était Marie-Louise Sanchez; elle fut aussitôt arrêtée, +puis relâchée, devant ses dénégations et celles de son père. Sur ces +entrefaites, une perquisition, opérée au domicile du capitaine, à +l'École de guerre, amena la découverte, dans les égouts, de lambeaux de +chair humaine. Au cours des recherches, on remarqua, au fond d'une +chambre de débarras de l'appartement, une cloison qui semblait +nouvellement replâtrée; quelques coups de pioche mirent à jour une +cachette où gisaient des os brisés, des vêtements que l'on reconnut pour +être ceux de Jalon, et les instruments ayant servi à dépecer le cadavre. +Ces funèbres débris furent portés dans la cour du manège attenant.</p> + +<p>En même temps qu'on appréhendait Sanchez et sa fille, on jetait en +prison un caporal et trois soldats, convaincus de complicité. Depuis, +Marie-Louise Sanchez a avoué le crime et accusé formellement son père, à +qui l'enquête impute d'autres forfaits plus anciens, et qui, malgré des +charges accablantes, continue à protester de son innocence.</p> + +<br><br> + +<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3> + +<p class="rig"><span class="sc">La T. S. F. entre Paris et Washington.</span></p><br><br> + +<p>Une note du commandant Ferrié, présentée à l'Académie des sciences nous +apprend que le poste de T. S. F. de la tour Eiffel a «causé» plusieurs +fois avec le poste de Washington. Ce dernier possède une antenne en +nappe portée par un mât de 200 mètres de hauteur et deux mâts de 150 +mètres; il utilise une force d'environ 90 chevaux. Le poste de Paris +dispose de 80 chevaux.</p> + +<p>La distance à vol d'oiseau entre les deux stations dépasse 6.000 +kilomètres. Or, les postes étrangers qui disposent d'une puissance +double ou triple ne sont guère entendus, de façon normale, qu'à une +distance d'à peu près 4.000 kilomètres.</p> + +<p>Remarquons que ces conversations ont été échangées de façon assez +suivie. Elles seront reprises, dès qu'on aura arrêté le programme des +observations astronomiques à faire sur les deux continents pour +déterminer au moyen de la T. S. F. (par la méthode des coïncidences que +nous avons jadis expliquée), la différence de longitude entre Paris et +Washington.</p> + +<p>Ce record magnifique prouve, une fois de plus et de façon péremptoire, +la supériorité, systématiquement contestée, du poste de la tour Eiffel; +il permet de supputer les résultats que l'on obtiendra le jour où le +poste disposera d'une force plus grande, si le Parlement se décide à +voter les crédits nécessaires pour l'établissement du réseau +intercolonial. Le projet sommeille depuis un an dans les cartons de la +commission du budget à la grande joie, sans doute, du ministre des +Postes et Télégraphes de la Grande-Bretagne qui, récemment, s'exprimait +ainsi devant la Chambre des Communes:</p> + +<p>«Le premier occupant en télégraphie sans fil sera le maître du trafic, +il convient donc de se hâter afin d'établir de grandes stations de +télégraphie sans fil dans toutes les colonies anglaises, avant que les +colonies françaises en soient munies.»</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Un deuil de l'aviation française en cochinchine.</span></p><br><br> + +<p>De Saïgon, où la mort de l'aviateur Georges Verminck, tombé, le 7 avril, +à Mytho, au cours d'un périlleux atterrissage on vol «piqué», a été +vivement déplorée, nous arrive aujourd'hui l'écho de l'impression +profonde causée, dans la colonie française, comme dans les milieux +indigènes, par cette fin tragique.</p> + +<p>Les belles randonnées qu'il avait exécutées pendant un séjour de deux +mois, notamment de Saïgon à Pnompenh, de Saïgon au cap Saint-Jacques, et +de Saïgon à Bienhoa, avaient rendu Georges Verminck unanimement +sympathique, et l'on peut dire, populaire en Cochinchine, où il +assurait, avec son frère Charles et son camarade Marc Pourpe, le +prestige de l'aviation française: aussi ses funérailles, auxquelles +assistèrent de nombreux Annamites, eurent-elles un caractère de grande +solennité. «Elles furent célébrées à la cathédrale de Saïgon, nous écrit +un témoin attristé de la cérémonie, M. Richard, en présence d'une foule +considérable. Après l'absoute, que Mgr Mossard avait tenu à donner, le +cortège, précédé par la musique du 11e régiment d'infanterie coloniale, +se dirigea vers le cimetière, où plusieurs discours furent prononcés.</p> + +<p>Mais le témoignage le plus touchant du deuil ressenti dans la population +indigène nous est apporté par une pièce de vers annamite, commençant +ainsi: «Verminck, malheureux Verminck! En quelques minutes, dix ans +d'efforts sont anéantis. Richesse, honneurs, existence même, tout +t'abandonne sans espoir! Lorsqu'ils contemplent les nuages, les hommes +de Cochinchine te regrettent. Lorsqu'ils entendent le vent, les hommes +d'Europe te pleurent!» Et cette émouvante lamentation, ce thrène à la +manière antique, qui n'est pas dépourvu de valeur littéraire, se termine +par ces deux vers: «O ciel, pourquoi anéantir ainsi un héros? Le fer, la +pierre même s'irritent de ce malheur immérité.»</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Le cloître de Saint-Michel de Cuxa.</span></p><br><br> + +<p>Nous avons signalé, dans notre numéro du 17 mai dernier, la vente à un +sculpteur américain, M. Gray-Barnard, du cloître de Saint-Michel de Cuxa +(Pyrénées-Orientales), menacé d'exil. Depuis la publication de notre +article, le sort de ces vieilles et vénérables pierres a subi de +nombreuses vicissitudes, dont nous informe M. J.-R. de Brousse.</p> + +<p>L'acquéreur, M. Gray-Barnard, est allé trouver M. Léon Bérard, +sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, et lui a dit qu'il abandonnait +son achat, et faisait don du cloître à la France. Mais, aussitôt cette +nouvelle répandue dans la presse méridionale, il est revenu sur sa +décision. Puis, changeant à nouveau d'avis, et reprenant son généreux +projet, il a avisé M. Bérard «qu'il offrait le cloître à la ville de +Prades, à condition que les dépenses par lui engagées pour l'enlèvement +dudit cloître lui soient remboursées.»</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Une horloge inattendue.</span></p><br><br> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b> +Cadeau offert par la ville de<br> + Hameln à la princesse<br> + Victoria-Louise.</b></p> + +<p>La ville de Hameln, située dans la province de Hanovre, au confluent de +la Hamel et de la Weser, est célèbre par la légende du charmeur de rats +dont la maison constitue la principale curiosité de l'endroit. On y +fabrique des étoffes de soie, de laine et de coton, on y pêche des +saumons.</p> + +<p>Les habitants de l'industrieuse cité, désireux d'offrir à la fille du +kaiser un cadeau de mariage original, ont imaginé un modèle de pendule +qu'on dirait conçu par le vieux Silène pour honorer Bacchus. Nos +lecteurs sauront apprécier à sa valeur ce chef-d'oeuvre de l'horlogerie +allemande où le goût germanique s'épanouit avec une ampleur vraiment +«kolossale».</p> + + + + + +<h3>LA MARINE FRANÇAISE EN RUSSIE</h3> + +<p>Le vice-amiral Le Bris, chef d'état-major général de la marine, vient de +se rendre à Saint-Pétersbourg. C'est une de ces visites grâce auxquelles +les chefs de l'armée russe et de l'armée française, depuis la signature, +en 1892, de la convention militaire qui unit les deux pays, demeurent en +contact effectif et se mettent d'accord sur les mesures à adopter en vue +de telles ou telles éventualités. Le dernier voyage de ce genre fut +celui qu'effectua, l'an dernier, l'amiral prince de Liéven, chef +d'état-major de la marine impériale, et qui eut pour principal résultat +la signature d'une convention navale franco-russe.</p> + +<p>Le vice-amiral Le Bris a trouvé à Saint-Pétersbourg, dans tous les +cercles officiels, l'accueil le plus cordial, comme déraison. +L'empereur, à peine de retour de Berlin, où il avait assisté au mariage +de la princesse Victoria-Louise, donnait aussitôt audience au chef +d'état-major général de la marine française et aux officiers qui +l'accompagnaient, ainsi qu'au capitaine de vaisseau Grasset, commandant +du croiseur école <i>Jeanne-d'Arc</i>, en ce moment à Cronstadt, et les +comblait de distinctions. En leur honneur, des réceptions superbes ont +été organisées, notamment à l'ambassade de France, où M. Delcassé avait +invité avec eux le président du Conseil, M. Kokovtzov, les ministres des +Affaires étrangères, de la Guerre, de la Marine, chez le prince de +Liéven, où les officiers français purent apprécier la toute gracieuse +hospitalité de la princesse de Liéven; enfin, un déjeuner d'adieu, +extrêmement brillant, a été donné, mercredi, à bord de la +<i>Jeanne-d'Arc</i>.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Dîner offert par le prince de Liéven, chef d'état-major +de la marine impériale russe, et par la princesse de Liéven au +vice-amiral Le Bris, chef d'état-major de la marine française, et aux +officiers du croiseur-école</b> <i>Jeanne-d'Arc</i>.--<i>Phot. Bulla.</i></p> +<br><br> + +<h3>LES THÉÂTRES</h3> + +<p><i>Marie-Magdeleine</i>, la belle oeuvre de M. Maurice Maeterlinck, +représentée pour la première fois à Nice en mars dernier, et que nous +allons publier dans un de nos prochains numéros, vient de retrouver, sur +la scène du Châtelet, le grand succès qui l'accueillit naguère. Son +action, ramassée et vivante, se développe en trois actes pour lesquels +M. Maxime Dethomas a composé des décors dont la sobriété somptueuse +s'accorde à merveille au style incisif et coloré de l'oeuvre. C'est +l'aventure de Marie de Magdala, courtisane, que la curiosité porta sur +les pas du Nazaréen et qui ne s'en détacha plus. Cette oeuvre, d'une +haute tenue littéraire, est d'une grande vérité humaine. Le paganisme et +la chrétienté y opposent leurs philosophies différentes. Et quelle +atmosphère troublée et troublante! Le mystère s'y renforce de réalisme. +La résurrection de Lazare, si puissamment matérialisée, est un des +moments les plus pathétiques de ce drame émouvant. Mme Georgette +Leblanc-Maeterlinck, aux belles lignes souples et sinueuses, a +magnifiquement incarné Marie-Magdeleine sous ses deux aspects, d'abord +celui de la courtisane vaniteuse, cruelle et lascive, puis celui de la +pécheresse repentie, si touchante d'humilité et de résignation.</p> + +<p>Il y a près d'un siècle que Chateaubriand écrivit le <i>Moïse</i> dont +l'Odéon vient d'offrir en spectacle à ses abonnés la tardive «première +représentation». Le sujet de cette tragédie est assez simple: un fils +d'Aaron s'est épris d'une Amalécite; l'étrangère le pousse à renier le +Dieu d'Israël; mais Moïse, chargé des tables de la Loi, redescend +opportunément du Sinaï pour empêcher l'abjuration. Le public a manifesté +plus de respect que d'enthousiasme pour cette oeuvre haute, froide, +claire, d'inspiration apparemment racinienne et d'une humanité sans +doute un peu conventionnelle. La forme en est supérieure au fond. Elle +abonde en beaux vers sonores que de dévoués artistes ont fait applaudir.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016b.png"><br><b> +Mme Georgette Leblanc-Maeterlinck au second et au<br> +troisième acte de <i>Marie-Magdeleine</i></b>. <i>Phot. Gerschel.</i></p> +<br><br> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/017small.png"><br><a href="images/017large.png">(Agrandissement)</a></p> +<br><br> + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/supp01.png"><br> +Note du transcripteur: Les suppléments<br> mentionnés en titre ne nous ont pas été fournis + + +<br><br> +</div> + + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 *** + +***** This file should be named 38842-h.htm or 38842-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/8/8/4/38842/ + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. Special rules, +set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to +copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to +protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project +Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you +charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you +do not charge anything for copies of this eBook, complying with the +rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose +such as creation of derivative works, reports, performances and +research. They may be modified and printed and given away--you may do +practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License (available with this file or online at +http://gutenberg.org/license). + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all +the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy +all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. +If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project +Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the +terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or +entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. + +1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be +used on or associated in any way with an electronic work by people who +agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few +things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works +even without complying with the full terms of this agreement. See +paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project +Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement +and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic +works. See paragraph 1.E below. + +1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" +or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project +Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the +collection are in the public domain in the United States. If an +individual work is in the public domain in the United States and you are +located in the United States, we do not claim a right to prevent you from +copying, distributing, performing, displaying or creating derivative +works based on the work as long as all references to Project Gutenberg +are removed. Of course, we hope that you will support the Project +Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by +freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of +this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with +the work. You can easily comply with the terms of this agreement by +keeping this work in the same format with its attached full Project +Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. + +1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern +what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in +a constant state of change. If you are outside the United States, check +the laws of your country in addition to the terms of this agreement +before downloading, copying, displaying, performing, distributing or +creating derivative works based on this work or any other Project +Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning +the copyright status of any work in any country outside the United +States. + +1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: + +1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate +access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently +whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the +phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project +Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, +copied or distributed: + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + +1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived +from the public domain (does not contain a notice indicating that it is +posted with permission of the copyright holder), the work can be copied +and distributed to anyone in the United States without paying any fees +or charges. If you are redistributing or providing access to a work +with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the +work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 +through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the +Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or +1.E.9. + +1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted +with the permission of the copyright holder, your use and distribution +must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional +terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked +to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the +permission of the copyright holder found at the beginning of this work. + +1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm +License terms from this work, or any files containing a part of this +work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. + +1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this +electronic work, or any part of this electronic work, without +prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with +active links or immediate access to the full terms of the Project +Gutenberg-tm License. + +1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, +compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any +word processing or hypertext form. However, if you provide access to or +distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than +"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version +posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), +you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a +copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon +request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other +form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm +License as specified in paragraph 1.E.1. + +1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, +performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works +unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. + +1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing +access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided +that + +- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from + the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method + you already use to calculate your applicable taxes. The fee is + owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he + has agreed to donate royalties under this paragraph to the + Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments + must be paid within 60 days following each date on which you + prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax + returns. Royalty payments should be clearly marked as such and + sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the + address specified in Section 4, "Information about donations to + the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." + +- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies + you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he + does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm + License. You must require such a user to return or + destroy all copies of the works possessed in a physical medium + and discontinue all use of and all access to other copies of + Project Gutenberg-tm works. + +- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any + money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the + electronic work is discovered and reported to you within 90 days + of receipt of the work. + +- You comply with all other terms of this agreement for free + distribution of Project Gutenberg-tm works. + +1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm +electronic work or group of works on different terms than are set +forth in this agreement, you must obtain permission in writing from +both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael +Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the +Foundation as set forth in Section 3 below. + +1.F. + +1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable +effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread +public domain works in creating the Project Gutenberg-tm +collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic +works, and the medium on which they may be stored, may contain +"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or +corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual +property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a +computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by +your equipment. + +1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right +of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project +Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project +Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all +liability to you for damages, costs and expenses, including legal +fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT +LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE +PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE +TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE +LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR +INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH +DAMAGE. + +1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a +defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can +receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a +written explanation to the person you received the work from. If you +received the work on a physical medium, you must return the medium with +your written explanation. The person or entity that provided you with +the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a +refund. If you received the work electronically, the person or entity +providing it to you may choose to give you a second opportunity to +receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy +is also defective, you may demand a refund in writing without further +opportunities to fix the problem. + +1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth +in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER +WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO +WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. + +1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied +warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. +If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the +law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be +interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by +the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any +provision of this agreement shall not void the remaining provisions. + +1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the +trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone +providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance +with this agreement, and any volunteers associated with the production, +promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, +harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, +that arise directly or indirectly from any of the following which you do +or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm +work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any +Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. + + +Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm + +Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of +electronic works in formats readable by the widest variety of computers +including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. To +SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any +particular state visit http://pglaf.org + +While we cannot and do not solicit contributions from states where we +have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition +against accepting unsolicited donations from donors in such states who +approach us with offers to donate. + +International donations are gratefully accepted, but we cannot make +any statements concerning tax treatment of donations received from +outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. + +Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation +methods and addresses. Donations are accepted in a number of other +ways including checks, online payments and credit card donations. +To donate, please visit: http://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + +</pre> + +</body> +</html> + diff --git a/38842-h/images/000large.png b/38842-h/images/000large.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..4afdbcf --- /dev/null +++ b/38842-h/images/000large.png diff --git a/38842-h/images/000small.png b/38842-h/images/000small.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..41e7716 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/000small.png diff --git a/38842-h/images/001.png b/38842-h/images/001.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..2b6cd43 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/001.png diff --git a/38842-h/images/001a.png b/38842-h/images/001a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..3fdb66f --- /dev/null +++ b/38842-h/images/001a.png diff --git a/38842-h/images/002a.png b/38842-h/images/002a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..9c28d1e --- /dev/null +++ b/38842-h/images/002a.png diff --git a/38842-h/images/002b.png b/38842-h/images/002b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..2765370 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/002b.png diff --git a/38842-h/images/002c.png b/38842-h/images/002c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..b0ae248 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/002c.png diff --git a/38842-h/images/003.png b/38842-h/images/003.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..4d6444b --- /dev/null +++ b/38842-h/images/003.png diff --git a/38842-h/images/004a.png b/38842-h/images/004a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..03c8727 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/004a.png diff --git a/38842-h/images/004b.png b/38842-h/images/004b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..03023b8 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/004b.png diff --git a/38842-h/images/004c.png b/38842-h/images/004c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..cbcfa7f --- /dev/null +++ b/38842-h/images/004c.png diff --git a/38842-h/images/005a.png b/38842-h/images/005a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..78bdf92 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/005a.png diff --git a/38842-h/images/005b.png b/38842-h/images/005b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..aa02ec9 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/005b.png diff --git a/38842-h/images/005c.png b/38842-h/images/005c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..1e02788 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/005c.png diff --git a/38842-h/images/006a.png b/38842-h/images/006a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..f753c8c --- /dev/null +++ b/38842-h/images/006a.png diff --git a/38842-h/images/006b.png b/38842-h/images/006b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..145b826 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/006b.png diff --git a/38842-h/images/006c.png b/38842-h/images/006c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..881ce6d --- /dev/null +++ b/38842-h/images/006c.png diff --git a/38842-h/images/007a.png b/38842-h/images/007a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..330f76e --- /dev/null +++ b/38842-h/images/007a.png diff --git a/38842-h/images/007b.png b/38842-h/images/007b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5b3d7f9 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/007b.png diff --git a/38842-h/images/007c.png b/38842-h/images/007c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..7e55c87 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/007c.png diff --git a/38842-h/images/007d.png b/38842-h/images/007d.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5953109 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/007d.png diff --git a/38842-h/images/007e.png b/38842-h/images/007e.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..49d3eab --- /dev/null +++ b/38842-h/images/007e.png diff --git a/38842-h/images/007f.png b/38842-h/images/007f.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..68c5924 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/007f.png diff --git a/38842-h/images/008.png b/38842-h/images/008.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..3352792 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/008.png diff --git a/38842-h/images/009a.png b/38842-h/images/009a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..72b0d03 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/009a.png diff --git a/38842-h/images/009b.png b/38842-h/images/009b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..55ede76 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/009b.png diff --git a/38842-h/images/009c.png b/38842-h/images/009c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..2375e56 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/009c.png diff --git a/38842-h/images/009d.png b/38842-h/images/009d.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..3534375 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/009d.png diff --git a/38842-h/images/009e.png b/38842-h/images/009e.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..0884e5f --- /dev/null +++ b/38842-h/images/009e.png diff --git a/38842-h/images/009f.png b/38842-h/images/009f.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..246240b --- /dev/null +++ b/38842-h/images/009f.png diff --git a/38842-h/images/010a.png b/38842-h/images/010a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..1161a3d --- /dev/null +++ b/38842-h/images/010a.png diff --git a/38842-h/images/010b.png b/38842-h/images/010b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..1bc67a7 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/010b.png diff --git a/38842-h/images/011a.png b/38842-h/images/011a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..7cb5c7e --- /dev/null +++ b/38842-h/images/011a.png diff --git a/38842-h/images/011b.png b/38842-h/images/011b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..041fc78 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/011b.png diff --git a/38842-h/images/012.png b/38842-h/images/012.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..e186365 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/012.png diff --git a/38842-h/images/013.png b/38842-h/images/013.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..ee1f946 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/013.png diff --git a/38842-h/images/014a.png b/38842-h/images/014a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..94469f3 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/014a.png diff --git a/38842-h/images/014b.png b/38842-h/images/014b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..d7984e0 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/014b.png diff --git a/38842-h/images/014c.png b/38842-h/images/014c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..6b9391e --- /dev/null +++ b/38842-h/images/014c.png diff --git a/38842-h/images/015a.png b/38842-h/images/015a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..0d02c6f --- /dev/null +++ b/38842-h/images/015a.png diff --git a/38842-h/images/015b.png b/38842-h/images/015b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..2e9e454 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/015b.png diff --git a/38842-h/images/016a.png b/38842-h/images/016a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..a56ce9a --- /dev/null +++ b/38842-h/images/016a.png diff --git a/38842-h/images/016b.png b/38842-h/images/016b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..e7ac63b --- /dev/null +++ b/38842-h/images/016b.png diff --git a/38842-h/images/017large.png b/38842-h/images/017large.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..3b09559 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/017large.png diff --git a/38842-h/images/017small.png b/38842-h/images/017small.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..4e3f76a --- /dev/null +++ b/38842-h/images/017small.png diff --git a/38842-h/images/cover.jpg b/38842-h/images/cover.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..3a93431 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/cover.jpg diff --git a/38842-h/images/supp01.png b/38842-h/images/supp01.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..8329fa3 --- /dev/null +++ b/38842-h/images/supp01.png diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize +this eBook outside of the United States should confirm copyright +status under the laws that apply to them. diff --git a/README.md b/README.md new file mode 100644 index 0000000..9956bc8 --- /dev/null +++ b/README.md @@ -0,0 +1,2 @@ +Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for +eBook #38842 (https://www.gutenberg.org/ebooks/38842) |
