summaryrefslogtreecommitdiff
diff options
context:
space:
mode:
-rw-r--r--.gitattributes3
-rw-r--r--38842-8.txt2228
-rw-r--r--38842-8.zipbin0 -> 50300 bytes
-rw-r--r--38842-h.zipbin0 -> 3177995 bytes
-rw-r--r--38842-h/38842-h.htm2351
-rw-r--r--38842-h/images/000large.pngbin0 -> 104355 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/000small.pngbin0 -> 24531 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/001.pngbin0 -> 8642 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/001a.pngbin0 -> 206775 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/002a.pngbin0 -> 32604 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/002b.pngbin0 -> 22454 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/002c.pngbin0 -> 50727 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/003.pngbin0 -> 246762 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/004a.pngbin0 -> 38886 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/004b.pngbin0 -> 17324 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/004c.pngbin0 -> 78296 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/005a.pngbin0 -> 35605 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/005b.pngbin0 -> 66165 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/005c.pngbin0 -> 37611 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/006a.pngbin0 -> 56075 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/006b.pngbin0 -> 54404 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/006c.pngbin0 -> 58213 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/007a.pngbin0 -> 27753 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/007b.pngbin0 -> 28780 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/007c.pngbin0 -> 32154 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/007d.pngbin0 -> 8976 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/007e.pngbin0 -> 55897 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/007f.pngbin0 -> 139494 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/008.pngbin0 -> 98074 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/009a.pngbin0 -> 15593 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/009b.pngbin0 -> 36089 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/009c.pngbin0 -> 8126 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/009d.pngbin0 -> 10456 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/009e.pngbin0 -> 33025 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/009f.pngbin0 -> 17552 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/010a.pngbin0 -> 85854 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/010b.pngbin0 -> 39901 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/011a.pngbin0 -> 67890 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/011b.pngbin0 -> 100382 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/012.pngbin0 -> 222387 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/013.pngbin0 -> 64873 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/014a.pngbin0 -> 13215 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/014b.pngbin0 -> 58446 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/014c.pngbin0 -> 122443 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/015a.pngbin0 -> 51829 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/015b.pngbin0 -> 26139 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/016a.pngbin0 -> 100650 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/016b.pngbin0 -> 113017 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/017large.pngbin0 -> 244440 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/017small.pngbin0 -> 53564 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/cover.jpgbin0 -> 86528 bytes
-rw-r--r--38842-h/images/supp01.pngbin0 -> 17454 bytes
-rw-r--r--LICENSE.txt11
-rw-r--r--README.md2
54 files changed, 4595 insertions, 0 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes
new file mode 100644
index 0000000..6833f05
--- /dev/null
+++ b/.gitattributes
@@ -0,0 +1,3 @@
+* text=auto
+*.txt text
+*.md text
diff --git a/38842-8.txt b/38842-8.txt
new file mode 100644
index 0000000..7aa97eb
--- /dev/null
+++ b/38842-8.txt
@@ -0,0 +1,2228 @@
+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: February 12, 2012 [EBook #38842]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+Ce numéro contient:
+lº LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre nº 9: L'HABIT VERT, de MM.
+Robert de Fiers et G.-A. de Caillavet;
+2° Quatre pages non brochées: LA SCULPTURE AU SALON DE 1913;
+3° UN SUPPLÉMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER de deux pages.
+
+L'ILLUSTRATION
+_Prix du Numéro: Un Franc._
+SAMEDI 31 MAI 1913
+_71e Année.--N° 3666._
+
+[Illustration: UN BRAVE PARMI LES BRAVES Achille Delannoy, patron du
+canot de sauvetage de Calais, décoré de la Légion d'honneur le 25 mai.
+_Voir l'article, page 503._]
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+LES JARDINS
+
+Il est fort à la mode en ce moment de se bouleverser des jardins. On ne
+parle que d'eux, des dangers qu'ils courent, de leur gloire, de leur
+beauté, de l'art qui doit régir leur composition. Ils obtiennent chaque
+jour des amis, des défenseurs et des apôtres nouveaux, et plus d'un
+citadin profane qui, en se couchant, ne se doutait pas de ce que c'était
+qu'une plate-bande, se réveille à la rosée du lendemain avec une âme
+jardinière.
+
+Bien que j'en éprouve une joie sans malice, je suis un peu étonné que
+l'on semble s'aviser seulement à cette heure des indispensables jardins,
+de leur importance et de leur nécessité. Comme, depuis que le monde est
+monde, ils couvrent sur la terre une bonne moitié du sol, si ce n'est
+plus, ils méritent aussi de tenir dans notre existence intellectuelle et
+sentimentale une place qui ne sera jamais trop grande. Ne sont-ils pas
+l'embellissement naturel d'une destinée au même degré que d'un site? Ils
+ont été faits et voulus pour accompagner un esprit et clore, sans
+l'emprisonner, un coeur, autant que pour agrémenter une maison ou
+entourer un château. C'est la ceinture végétale de notre nudité. Nous
+avons besoin de jardins pour nous promener dans les idées et dans les
+sentiments, et vivre loin d'eux est funeste à qui désire une bonne
+respiration morale. Aussi ai-je toujours été curieux, avant de faire la
+connaissance de quelqu'un, de savoir si, au moins, «son appartement
+intérieur» _donnait sur des jardins_, car c'est l'essentiel, la vraie
+vue qu'il convient de posséder pour goûter, dans sa plénitude, le charme
+pur et profond de la vie. Tout le monde n'a pas la chance ou le
+privilège d'ouvrir ses fenêtres sur des arbres et des gazons, mais tout
+le monde peut aimer les jardins, et grâce à cet amour, voir se dérouler
+des tapis d'un vert éternel, et se balancer une branche et neiger des
+roses...
+
+Si nous étions plus adroits et moins ingrats, si nous gardions bien le
+simple souvenir de tous les jardins qui nous ont passé par les yeux, qui
+ont une minute été toucher notre âme et que nous n'avons pas su retenir,
+quel vaste et délicieux domaine n'aurions-nous pas pour errer aux heures
+d'isolement?... car il va de soi qu'au figuré comme au réel, après le
+suprême et incomparable bonheur d'être deux dans la complicité du
+jardin, le plus doux est d'y être seul. Qui de vous, dites-moi, même
+jeune, et quel que soit son âge, n'a déjà en soi et derrière soi, tout
+un mémento de bosquets, de grandes allées, de petits chemins, de
+berceaux, d'ombrages tremblants et de vives fleurs? Qui de nous ne
+pourrait, s'il lui en venait le caprice, écrire «Mes jardins»,
+l'histoire de ses jardins dont il nous conterait qu'il fut le captif
+volontaire, le Silvio Pellico tendrement ravi?
+
+Premiers et vagues jardins de la trébuchante enfance, au milieu
+desquels, un jour, nous fûmes tout à coup révélés à nous-mêmes, où notre
+bout de nez plongé dans une fleur, nous avons soudain senti et respiré
+le parfum spécial de notre existence qui nous montait au front et se
+répandait en nous pour nous obséder toujours... Jardins de plus tard, où
+nous marchons et regardons alors sans le secours de personne, jardinet
+clos de murs croulants chez une vieille tante en province, carré de
+légumes et de pâquerettes, de gueules-de-loup et de pensées blanches qui
+me semblait une immensité à perte de vue... au delà de laquelle
+j'imaginais de merveilleux pays, qui était pour moi le vestibule fleuri
+de l'univers.
+
+Et puis ce sont les Tuileries à cerceaux et à ballons du commencement de
+ma jeunesse, les Tuileries dont je percevais déjà, sans l'approfondir ni
+pouvoir l'exprimer, l'altière et mélancolique grâce, la noblesse un peu
+triste. C 'est là que, pour la première fois, dans une langoureuse
+ivresse, vous m'avez arrêté, déesses de pierre, faunes engainés,
+graciles coureurs à tête ronde lancés en avant sur la pointe d'un orteil
+brisé, avec un pigeon sur le poignet dé votre bras tendu... C'est là que
+j'ai appris les vastes arbres centenaires qui superposent leurs rameaux
+pleins des murmures du passé, les fleurs qui font de beaux dessins, le
+jet d'eau royal, sceptre liquide qui secoue des pierreries dans l'air et
+asperge de diamants l'aile des oiseaux... et vous aussi chaises aux
+pailles arrachées, chaises rustiques à la Rousseau, groupées par
+endroits dans le creux ménagé au bas d'un gros tronc noir, pour y faire
+cuvette aux jours d'arrosage. Il y en avait toujours une de renversée, à
+l'écart, comme si elle s'était battue avec les autres et qu'elle n'eût
+pas été la plus forte. Elle me faisait penser à la Révolution et je n'ai
+jamais pu la regarder ainsi à terre sans me représenter un des Suisses
+du 10 août, étendu sur le dos dans le jardin, où des coups de fusil
+perdus font tomber des feuilles...
+
+... Retraites ombreuses du Luxembourg qui sentiez si bon les matins et
+les soirs du temps où j'aspirais l'odeur des premières convoitises...
+
+Et je n'ai pas parlé, avant, des chers jardins des maisons familiales,
+des jardins de vacances où l'on a joué dans une innocente ardeur avec
+d'adorables petites filles que l'on s'est souvenu plus tard d'avoir
+aimées, sans le savoir, dont les bras nus égratignés par les épines, et
+les cheveux flottants où restait une feuille morte, vous repassent
+devant la pensée, trente ans après, dans des allées où on ne court plus.
+
+C'était l'époque aussi des jardins de pensionnat où l'on se mettait si
+promptement en nage et où l'on buvait, en manches de chemise, à la
+pompe, l'eau la plus fraîche qui jamais vous coulera le long du cou,...
+des jardins de l'Abbaye où l'on avait une soeur «dans la classe bleue».
+
+Et puis on s'est lancé bientôt dans les routes qui vont loin... on a
+élargi ses promenades, on a pris des voitures et des trains, et on a
+successivement connu, les uns après les autres, les grands jardins
+réservés dont les noms vous terrassent quand on les prononce... Une
+fois, dix, vingt fois et plus, on a visité, sans jamais les connaître et
+les posséder complètement, ces villes de verdure, ces capitales de la
+flore, de la perspective et du point de vue, ces prises d'horizon, ces
+captations de lumière, d'ombre, d'espace et d'eau qui s'appellent avec
+tant de solennelle majesté Versailles, Saint-Cloud, Chantilly,
+Compiègne, Fontainebleau... on a vu les jardins de la Loire, ceux des
+ruines et ceux des châteaux, des anciennes terres princières... les
+jardins blasonnés qui paraissent, eux aussi, descendre des croisades, et
+dont les traditionnelles beautés de race, respectées et transmises,
+montrent des roideurs héraldiques, des ordonnances d'écusson. Chaque
+parterre est un _quartier_. Ah! les jardins, les jardins!... Que ce mot
+prononcé, traîné, lentement, un peu bas, d'une voix qui désire et
+soupire et qui prend le ton de la volupté, que ce mot suffit donc à
+propager en nous une indicible extase! Avez-vous pensé jamais au séjour
+affreux que serait la terre, inhabitable sans les jardins? Et sans eux
+que serait aussi tout ce qui vient du coeur? Que seraient l'amitié, la
+tendresse, l'amour...? l'amour dont ils sont le pays indiqué, le suave
+domaine et le bleu décor, la chambre à ciel ouvert? On ne peut faire un
+pas en dehors de soi sans trouver la petite porte battante ou la grille
+du jardin, sans entrer dans un jardin... Nous sommes entourés par les
+masses de verdures de ce mot touffu, magique et prodigieux.
+
+Si nous voulons aller du côté sentimental, aussi bien dans le passé que
+dans le présent, nous ne rencontrons que des souvenirs de jardin...
+C'est au jardin que nous avons été nous cacher et nous réfugier
+haletants, échappés de nous-mêmes, pour mener un jeu, rêver, écouter
+chanter notre âme par la voix du rossignol, dire tout haut des vers qui
+nous étourdissaient, et guetter une robe, cueillir une main, ou pleurer,
+le front sur un arbre auquel on racontait sa peine...
+
+Et, si nous voulons aller vers l'art, nous sommes tenus de passer à tout
+instant par des jardins... jardins de Breughel et de Léonard, de Cranach
+et du Poussin, jardins des Primitifs, qui ne perdent pas un pouce de la
+fenêtre où ils viennent si gentiment se serrer et s'encadrer, jardins
+des tableaux du grand siècle qui paraissent dessinés à la Vauban,
+jardins de Watteau, d'Hubert Robert et de Fragonard,... et combien
+d'autres!
+
+Irons-nous à l'histoire? Elle est pleine aussi de jardins... qui
+feraient un livre au titre embaumé... jardins de Cléopâtre et de
+Sémiramis... petits jardins et préaux fleuris des temps gothiques,
+jardins magnifiques et somptueux de la Renaissance, jardins de Philippe
+II et de François Ier, du cardinal d'Amboise et de Richelieu, de Louis
+XIV et du Régent, de Marie-Antoinette et de la du Barry... jardins
+d'Espagne, jardins d'Italie, jardins d'Orient... jardins mystiques de la
+foi, ceux des couvents, du cloître et du missel, des marges de
+l'antiphonaire... Et jardin sévère de Jésus-Christ... jardin sans fleurs
+des Oliviers...
+
+Les jardins sont partout... partout... Il faudrait plus d'un an pour les
+énumérer. Ils couvrent le passé, le présent, l'avenir... ce monde-ci et
+l'autre... Car sans oser rien préjuger du mystère futur... on peut dire
+avec certitude et sans se tromper, que le paradis _sera un jardin..._
+Plus beau que ceux d'en bas et les surpassant tous, il en rappellera
+cependant un peu, pour notre récompense, les humaines délices... Et si
+des fleurs insoupçonnées nous attendent aux divins bosquets, du moins
+celles de la terre, je le pense, ne seront pas oubliées. Il est
+impossible, sans sacrilège, d'admettre un paradis qui n'aurait pas de
+roses... La Vierge s'y plairait moins...
+
+Et nous y verrons aussi des cyprès, mille fois millénaires, en forme de
+clochers... et des jets d'eau montant toujours, toujours... et de grands
+papillons à tête d'archange, d'un bleu tout nouveau... bleu d'éternité.
+
+Henri Lavedan.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+UN BRAVE: LE PATRON DELANNOY
+
+La Société centrale de Sauvetage des naufragés tenait, dimanche dernier,
+dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, son assemblée générale, sous
+la présidence de M. Georges Pallain, gouverneur de la Banque de France,
+remplaçant M. l'amiral Duperré, légèrement indisposé. Le président de la
+République y était représenté par le lieutenant-colonel Aldebert, le
+ministre de la Marine par le vice-amiral de Jonquières.
+
+A cette émouvante fête annuelle, la fête de l'héroïsme, une assistance
+nombreuse se pressait, vibrante, frissonnante à chaque instant au récit
+des exploits que lui narrait d'une voix chaleureuse, dans un rapport
+impressionnant, M. Busson-Billault, ancien bâtonnier de l'ordre des
+avocats, administrateur de la Société.
+
+Le premier héros qu'il nomma est François-Achille Delannoy, patron du
+canot de sauvetage de Calais. Un vrai brave, on peut l'affirmer, sous
+une solide étoffe; une âme sans peur dans un corps d'athlète. Dans sa
+carrière de sauveteur, commencée voilà quarante-deux ans, il a arraché
+aux flots, à la mort, _cent quatre-vingt-seize_ personnes, des marins
+comme lui, des compatriotes quelquefois, des frères, et aussi des
+Anglais, des Norvégiens, des Italiens, des Eusses... Quelle nation du
+monde n'est pas redevable à ce vaillant d'avoir conservé quelqu'un de
+ses fils?
+
+En sa faveur, la Société centrale, depuis qu'elle le distingua, en 1871,
+a épuisé toutes les récompenses dont elle dispose. Elle a dû, cette
+année, recourir au gouvernement et solliciter de lui la consécration
+suprême. Elle eut la joie de l'obtenir: le président accrocha sur le
+chandail de laine bleue du marin, tout scintillant déjà de vingt-sept
+médailles et décorations diverses, et où les rubans mêlaient toutes les
+couleurs de l'arc-en-ciel, la croix de la Légion d'honneur. Delannoy
+reçut les larmes aux yeux la double accolade de M. Georges Pallain et de
+l'amiral de Jonquières. Un tonnerre de bravos roula sous l'immense
+plafond, et se prolongea longuement, jusqu'à l'instant où le nouveau
+chevalier rejoignit sa place et tomba dans les bras de sa fidèle
+compagne, en blanche coiffe boulonnaise, qui l'étreignait à plein coeur.
+
+Après Delannoy, ce furent dix, vingt autres, dont le plus jeune n'a pas
+quinze ans, et dont on ne sait lequel admirer le plus. Ce sont Riou,
+Jégou, Cloarec, rudes Bretons qui, à eux trois, dans la tempête du 30
+septembre, sauvèrent cinquante-six personnes; c'est Leprêtre, de
+Gravelines, qui pour avoir, par une nuit sinistre, sauvé avec ses
+camarades du bateau de sauvetage, huit hommes sur une barque en
+perdition--une épave, déjà--reçoit la médaille d'or de l'amiral de
+Jonquières; c'est Hougard, de la Turballe, c'est le capitaine Casanova,
+des Messageries Maritimes, qui, le 20 juin, sauve et recueille les _cinq
+cent trente-neuf_ marins et passagers du navire allemand _Queula_,--et
+voilà pourquoi le comte Perponcher représente sur l'estrade
+l'ambassadeur d'Allemagne. Car tous ces gens, Delannoy en tête, on l'a
+vu, sont, eux aussi, internationalistes, comme se proclamaient nombre de
+ceux qui, à la même heure, manifestaient en d'autres lieux contre la loi
+de trois ans, au nom des grands principes. Seulement, leur manière est
+différente, par bonheur.
+
+La cérémonie se termina par la présentation du «challenge de
+l'héroïsme», créé par notre confrère le _Matin_, dédié _Aux marins
+sauveteurs de France pour glorifier l'héroïsme français_. C'est un
+magnifique objet d'art, oeuvre des frères Falize, qui a été attribué,
+pour la première fois, aux marins de Saint-Guénolé-Kérity, Riou, Jégou,
+Cloarec et leurs camarades du bateau de sauvetage, et qui va orner, un
+an, le beau phare d'Eckmühl, à Penmarch.
+
+
+
+LE BOURGMESTRE LÉGIONNAIRE
+
+Le cas de ce bourgmestre allemand qui, il y a quelques semaines,
+s'engagea dans notre légion étrangère, a déjà fait couler beaucoup
+d'encre. Les journaux quotidiens ont raconté comment M. Paul Tromel,
+bourgmestre d'Usedom, après avoir assisté, le 28 mars dernier, à une
+séance du conseil d'arrondissement de Swinemunde, se rendit à Berlin,
+d'où il écrivit à son adjoint d'Usedom de vouloir bien se charger des
+affaires courantes. Puis, il quitta l'Allemagne et l'on perdit sa trace
+jusqu'au jour où l'on apprit que, sous le nom de Funze, M. Tromel avait
+contracté un engagement dans la légion étrangère. Là-dessus, les
+feuilles allemandes ne manquèrent point cette occasion de renouveler
+leurs coutumières attaques contre notre légion, et le cas de M. Tromel
+donna lieu aux plus fantaisistes versions.
+
+On affirmait, notamment, que le bourgmestre d'Usedom avait été «racolé»
+à Paris et dirigé sur la légion en même temps qu'un autre Allemand
+originaire de Tilsitt. Celui-ci se serait évadé à Marseille, mais Tromel
+n'aurait pas osé suivre cet exemple. Cependant, il aurait prié le
+déserteur d'agir pour lui en Allemagne. Et là-dessus, toute la presse
+pangermaniste de mener grand train.
+
+Or, il est résulté des premières informations précises reçues de Saïda,
+où tient actuellement garnison le soldat de 2e classe du 2e étranger
+Paul Tromel, que ce dernier, non seulement s'était engagé à la légion
+dans toute la lucidité de son esprit, mais encore qu'il assurait s'y
+trouver parfaitement bien et ne demandait qu'à continuer la vie qu'il
+s'y était faite. Ce qui était confirmé par une déclaration écrite dudit
+Paul Tromel, déclaration datée du 16 mai dernier, et dont nous
+reproduisons plus bas le fac-similé. Enfin, ces derniers jours, les
+journaux allemands voulaient bien annoncer eux-mêmes que l'adjoint
+d'Usedom venait de recevoir de Tromel une carte postale illustrée
+portant ces mots:
+
+_«Je vous adresse en signe de vie mes salutations. Je supporte très bien
+le service. Je pense souvent à vous. Mille choses pour vous et votre
+famille. De votre: Paul Tromel._
+
+Donc, il apparaît bien que l'incident est clos. Le nom du bourgmestre
+d'Usedom allonge simplement la liste de ceux de ses compatriotes qui ont
+voulu, comme lui, changer leur destinée et vivre, dans notre légion, la
+vie militaire française, dont, apparemment, on ne leur avait point dit
+que du mal.
+
+[Illustration: M, Paul Tromel, bourgmestre d'Usedom, soldat de 2e classe
+à la légion (2e rég. étranger).]
+
+
+
+A LA MÉMOIRE DE NOS SOLDATS
+INDIGÈNES D'ALGÉRIE.
+
+Sous les auspices du «Souvenir français», et grâce à l'heureuse
+initiative d'un officier du 4e tirailleurs, le capitaine Mennetrier, un
+monument vient d'être élevé, au cimetière musulman de Bône, à la mémoire
+des soldats indigènes morts au service de la France. C'est une blanche
+«Koubba» de style mauresque, décorée de faïences; à l'intérieur, se
+dresse un mausolée, dont la stèle porte une inscription en arabe rédigée
+par un «thaleb», suivant le rite coranique.
+
+[Illustration: Monument élevé, au cimetière musulman de Bône, à la
+mémoire des soldats indigènes morts pour la France.]
+
+Ce monument, conforme à la tradition musulmane, est le premier qui, sur
+la terre d'Afrique, soit consacré aux héros de notre armée algérienne
+tombés au champ d'honneur. L'hommage qui leur est ainsi officiellement
+rendu ne pouvait manquer de toucher les populations indigènes: aussi la
+cérémonie d'inauguration a-t-elle été pour elles l'occasion d'une
+manifestation de loyalisme, qu'elles ont tenu à rendre d'autant plus
+éclatante que, quelques jours auparavant, nos commissions de recrutement
+avaient procédé, dans la région même, aux opérations de la conscription.
+
+Devant la Koubba, de nombreux discours furent prononcés. Parlant au nom
+du «Souvenir français», M. Délaye indiqua qu' «au moment où nous faisons
+un plus large appel aux soldats indigènes de notre Afrique du Nord, il
+était nécessaire de montrer à nos sujets musulmans que la France se
+souvient et sait honorer la mémoire de tous ceux qui meurent pour elle».
+M. Bulliod, représentant la municipalité de Bône, évoqua, avant M.
+Laromer, président de la Société des «Vétérans de 1870-1871», les fastes
+glorieux de nos troupes algériennes. Puis M. Mardassi Brahim, notable
+musulman, dans une belle allocution patriotique, proposa à ses jeunes
+coreligionnaires l'exemple de Saïd ben Béchir, ce «turco» du 3e
+tirailleurs qui s'illustra à la défense de Bazeilles. Et, enfin, M.
+Chérif-Cheikh, conseiller municipal et président du comité du monument,
+fit noblement valoir que, si nos soldats indigènes sont, par eux-mêmes,
+courageux et prêts à tous les sacrifices, ils doivent aux officiers
+français qui les conduisent et qui leur apprennent à se battre de former
+une irrésistible élite.
+
+[Illustration: Autographe de la déclaration écrite et signée, à Saïda,
+le 16 mai dernier, par M. Paul Tromel.]
+
+[Illustration: LE MARIAGE DE LA FILLE DE GUILLAUME II.--Dîner de gala
+dans la Salle Blanche du château royal de Berlin. A gauche, de bas en
+haut: la princesse impériale (femme du kronprinz), le duc de Cumberland,
+la reine Marie d'Angleterre, l'empereur d'Allemagne, la duchesse de
+Cumberland (cachée par un valet), le prince impérial d'Allemagne; à
+droite, de bas en haut: la princesse Cécile Henri de Prusse, le roi
+d'Angleterre, l'impératrice d'Allemagne, le fiancé (prince Ernest de
+Cumberland), la fiancée (princesse Victoria-Louise), l'empereur de
+Russie, la grande-duchesse de Bade, etc.--_Dessin de J. MATANIA, envoyé
+spécial à Berlin du journal illustré anglais_, The Sphere.]
+
+Le mariage civil et religieux de la princesse Victoria-Louise, fille de
+l'empereur Guillaume II, avec le prince Ernest-Auguste de Cumberland,
+due de Brunswick-Lunebourg, fils du duo de Cumberland, chef de la maison
+dépossédée de Hanovre, a été célébré en grande pompe, le samedi 24 mai,
+au château royal de Berlin. Les souverains anglais et le tsar, venus
+exprès dans la capitale allemande, assistèrent aux diverses cérémonies
+en même temps que cinquante grands-ducs, grandes-duchesses et princes de
+maisons régnantes. Notre gravure donne une vision du fastueux dîner qui,
+dans la Salle Blanche du palais, réunit, le 22 mai au soir, ces hôtes
+augustes autour des jeunes fiancés dont l'union symbolisait la
+réconciliation des Guelfes et des Hohenzollern. On annonce, en effet,
+déjà, que, d'ici à peu de mois, le jeune prince Ernest-Auguste, le mari
+de la fille du kaiser, sera remis en possession de tous les droits de sa
+famille sur le duché de Brunswick qu'administre actuellement et
+provisoirement une régence.
+
+
+
+[Illustration: East river, les docks et le pont de Brooklyn.]
+
+NEW-YORK ENTREVU PAR UN BARBARE D'ORIENT
+
+Copyright by Pierre Loti, 1913.
+
+Samedi, 21 septembre 1912.
+
+Le jour se lève. L'hélice du paquebot qui m'amène a ralenti son
+tournoiement fébrile: évidemment nous arrivons, nous sommes devant
+New-York.
+
+Et, comme par un pressentiment qu'une grande chose extraordinaire va
+passer, j'ouvre la fenêtre de ma cabine. En effet, là-bas, en face, une
+sorte de colosse de Rhodes, une femme exaltée se dresse sur le ciel, le
+bras tendu dans un geste magnifique. Sans l'avoir jamais vue, je la
+reconnais, il va sans dire: la statue de la Liberté, qui veille à
+l'entrée de l'Hudson. Elle est haute comme une tour. Les pluies et les
+vents lui ont déjà donné la patine vert-de-gris des antiques déesses de
+l'Égypte. Sur un piédestal en pierres roses, aussi grand qu'une
+citadelle, elle surgit, pâlement verdâtre, dans le brouillard du matin
+et dans les fumées que le soleil dore. Elle est superbement symbolique
+et terrible. On dirait qu'elle fait à l'univers entier des signes
+d'appel; on dirait qu'elle crie: «Hurrah! C'est ici la porte! Hurrah!
+Entrez tous dans la fournaise! Jetez-vous tête baissée dans le gouffre
+des affaires, du bruit, de l'agitation et de l'or!»
+
+Et le voici qui s'ouvre devant nous, ce gouffre quasi infernal. Jadis,
+ce n'était que l'entrée d'une large rivière, entre des roseaux et des
+arbres. Aujourd'hui c'est quelque chose qui, pour mes yeux épris
+d'Orient et de lignes pures, tient du cauchemar, mais arrive quand même
+à une sorte de beauté tragique, par l'excès même de l'horreur. Mille
+tuyaux crachent des fumées noires ou des vapeurs en tourbillons blancs,
+qui se mêlent, qui s'enroulent, qui embrouillent l'horizon comme sous
+des sarabandes de nuages. Le long des deux rives, à perte de vue,
+s'alignent les docks couverts, qui sont de gigantesques carcasses toutes
+pareilles, en ferraille couleur de deuil. Partout des inscriptions
+accrocheuses s'étalent en lettres de dix mètres de haut, les unes
+blanches ou rouges sur les fonds noirs, les autres aériennes soutenues
+par des charpentes d'acier. On est assourdi par des sifflets stridents,
+des plaintes gémissantes de sirènes, des grondements de moteurs, des
+fracas d'usines. Et, au-dessus de tout cela que tant de fumées
+enveloppent, plus haut, plus haut, comme des géants poussés trop vite et
+trop efflanqués, des géants qui allongeraient démesurément le cou pour
+mieux voir, les gratte-ciel surgissent effarants et invraisemblables,
+les uns carrés, les autres pointus, les gratte-ciel à trente, quarante
+ou cinquante étages, surveillant ce pandémonium par leurs myriades de
+fenêtres...
+
+[Illustration: La statue de la Liberté.]
+
+Ah! on vient me réclamer ma «feuille d'entrée», un questionnaire que
+chacun doit remplir avant d'être admis à poser le pied sur le sol
+d'Amérique. Moi qui avais oublié! En hâte je griffonne mes réponses. Un
+peu stupéfiantes, les questions: «Etes-vous anarchiste? Etes-vous
+polygame? N'êtes-vous pas idiot? N'avez-vous jamais donné de signes
+d'aliénation mentale? Possédez-vous plus de cinquante dollars de
+patrimoine? Combien de condamnations avez-vous subies? etc..» De telles
+précautions témoignent du juste souci qu'ont les Américains de ne pas
+admettre chez eux les hôtes «non désirables» (undesirables),--et nous
+devrions bien en faire autant à Tunis, pour les émigrants que nous
+envoie chaque jour l'Italie.--C'est égal, ce formulaire suranné est un
+peu naïf, car si l'on était idiot ou maboul, il est probable qu'on n'en
+conviendrait pas, surtout par écrit.
+
+ *
+ * *
+
+[Illustration: Les toits de New-York.]
+
+[Illustration: Les passerelles du Métropolitain.]
+
+Deux ou trois heures plus tard, après d'interminables formalités de
+douane et des batailles sur les docks contre des journalistes armés de
+kodaks, je me trouve enfin au centre de New-York, confortablement
+installé et très haut perché dans un hôtel à je ne sais combien
+d'étages, où fonctionnent de prodigieux ascenseurs. Je domine de mes
+fenêtres la plupart des bâtisses d'alentour, où tout est rouge, d'un
+rouge sombre tirant sur le chocolat. Murs de briques rouges. Toits en
+terrasses, sans tuiles bien entendu, mais couverts de je ne sais quel
+«imperméable» peint en rouge,--et ce sont des promenoirs pour les
+habitants, leurs chiens et leurs chats; des messieurs en bras de chemise
+(car il fait très chaud, une chaleur mouillée de Gulf-Stream) y lisent
+les journaux à dix pages, des ménagères y battent leurs tapis ou bien y
+font sécher leurs lessives. Au-dessus des toits, un peu partout,
+s'élancent des charpentes en fer pour soutenir en plein ciel les grandes
+lettres des affiches-réclames, ou bien pour élever, comme à bout de
+bras, les énormes tonneaux peints en rouge qui contiennent les
+provisions d'eau en cas d'incendie. Trop de choses en l'air, vraiment,
+trop de ferrailles, trop d'écritures zigzaguant sur les nuages. Et çà et
+là, auprès ou au loin, des gratte-ciel se dressent isolés--sortes de
+maisons-asperges, pourrait-on dire--qui font mine d'épier avec
+indiscrétion tout ce qui se passe alentour. D'en bas m'arrive un
+continuel vacarme; en plus des autos comme à Paris, c'est le
+Métropolitain qui fonctionne sur de bruyantes passerelles en fer, à
+hauteur de premier ou de deuxième étage; sans trêve, les trains se
+poursuivent ou se croisent. Et il y en a d'autres en dessous, qu'on
+entend rouler comme des ouragans dans les profondeurs du sol. C'est la
+ville de la trépidation et de la vitesse! Regardés de mes hautes
+fenêtres, les passants me semblent tout écrasés et courtauds. Les
+femmes, avec la mode actuelle, disparaissent sous leur chapeau trop
+large, ressemblent à un disque où des plumets s'agitent. Et, au milieu
+de ces gens empressés qui cheminent le long des trottoirs, de tous
+petits êtres décrivent des courbes folles: des «enfants à roulettes»
+qui, déjà pris d'une frénésie d'aller vite, font du skating éperdument
+sur l'asphalte.
+
+Quatre heures, le moment où j'avais fait dire à des journalistes que je
+les recevrais. Et il m'en arrive un, puis deux, puis dix, puis vingt,
+puis trente!... Tous ont l'abord courtois et cordial, et bien volontiers
+je leur tends la main. Mais où donc les mettre? Mon salon n'a plus assez
+de chaises; qu'on ouvre ma chambre à coucher, on en fera asseoir sur mon
+lit; pour les occuper, qu'on leur offre des cigarettes!
+
+Et je suis sur le banc des accusés, au milieu de tout ce monde. Un seul
+parle français et traduit aux autres mes paroles ahuries, qui sont
+aussitôt notées sur des carnets. «Qu'est-ce qu'il a dit? Qu'est-ce qu'il
+a dit?» Je n'aurais jamais cru que mes réparties, généralement ineptes,
+pourraient être si précieuses.
+
+--«Mon cher maître, voulez-vous d'abord nous exposer ce que vous pensez
+des femmes américaines.»
+
+--«Moi! Mais rien encore: je n'ai pas eu le temps de sortir, je n'en ai
+vu qu'une seule, une femme de chambre rencontrée dans l'ascenseur, et
+c'était une négresse!»
+
+--«Bien. Écrivez: M. Pierre Loti diffère son jugement et demande à
+réfléchir.»
+
+A l'instant même, en voici deux qui font leur entrée, deux Américaines,
+demoiselles journalistes, le kodak au cran de sûreté. Elles ont l'air
+intelligent, éveillé, gracieux et d'ailleurs très comme il faut. Je les
+fais asseoir à mes côtés; l'une d'elles s'excuse d'être encore en tenue
+de voyage: c'est qu'elle arrive à peine du Congo, où elle était allée
+chasser le rhinocéros... Et l'interrogatoire continue. La littérature,
+l'hygiène, la politique, la religion et l'économie sociale, tout y
+passe. Quelle haute idée ont-ils donc de mon omnicompétence, pour
+enregistrer avec tant de soin mes plates réponses:
+
+--«Mon cher maître, êtes-vous d'avis que la convention de Genève
+autorisera l'emploi des aéroplanes militaires? Mon cher maître,
+êtes-vous partisan de la castration pour les assassins, qu'un de nos
+philanthropes vient de proposer?»
+
+Les deux gentilles misses parlent français. Leurs questions
+particulières s'entre-croisent avec celles de l'interprète général. Et
+bientôt c'est le plus étourdissant des coq-à-l'âne, où se heurtent la
+réélection de M. Fallières, les suffragettes, la castration des
+assassins, la représentation proportionnelle et les randonnées du
+rhinocéros. Que va-t-il sortir de ce tohu-bohu, et quel effet d'ensemble
+cela donnera-t-il, en imprimé, dans les journaux de cette nuit?...
+
+Mais j'avais pensé que ce serait assommant, et au contraire! C'est
+d'ailleurs si nouveau pour moi, qui, en France, ne reçois jamais un
+reporter, c'est si imprévu, si drôle, et ils ont si bonne grâce, que
+vraiment je m'amuse. Quand ils sont tous partis, les grandes lettres que
+j'aperçois par mes fenêtres, les grandes lettres dans le ciel,
+commencent à éclairer le brumeux et lourd crépuscule, chaque inscription
+prenant feu d'un seul coup, l'une en rouge, l'autre en bleu, l'autre en
+vert; ce sont des réclames lumineuses et clignotantes; New-York en est
+couvert et on m'a bien recommandé d'aller le soir admirer dans les rues
+cette féerie quotidienne.
+
+[Illustration: Broadway.]
+
+[Illustration: Foule du samedi, à 5 heures de l'après-midi.]
+
+[Illustration: New-York le soir, vu de Brooklyn.]
+
+[Illustration: Un gigantesque panneau-réclame: course de chars romains
+surmontant une maison.]
+
+A neuf heures donc, je descends me mêler à la foule, sur les larges
+trottoirs de Broadway. Malgré les costumes parisiens des femmes, malgré
+les «complets» et les horribles «melons» pareils aux nôtres, ce n'est
+pas la foule de Paris; les allures ont je ne sais quoi de plus décidé,
+de plus volontaire, de plus excentrique aussi. Et quel méli-mélo de
+toutes les races! On reconnaît au passage des Japonais, des Chinois
+tondus à l'européenne, des Grecs, des Levantins, des Scandinaves aux
+cheveux pâles.--Quelqu'un du pays me disait ce soir: «New-York n'est pas
+encore tout à fait l'Amérique, il n'en est plutôt que le seuil, où
+s'arrêtent d'abord en débarquant les foules disparates qui nous viennent
+d'Europe. A la seconde génération, quand tous ces gens se sont mêlés,
+croisés, nous voyons naître alors de vrais Américains qui ont une
+cohésion parfaite et l'amour de leur patrie nouvelle, vérifiant la
+devise «_e pluribus unum_». Ceux-là se fixent plus volontiers dans nos
+villes de l'intérieur, où il faut aller pour se sentir vraiment aux
+Etats-Unis, et voir la race entreprenante et forte, rajeunie comme un
+arbre taillé, qui résulte du mariage de toutes ces énergies.»--Beaucoup
+de femmes élégantes, sur les trottoirs de Broadway, et beaucoup de très
+belles, du moins quand elles ne sont pas crûment éclaboussées par de
+blêmes soleils électriques leur donnant des teints de cadavres; mais
+trop de négresses, en vérité; à chaque instant, sous quelque grand
+chapeau garni de roses, passe une figure toute noire. Les opulentes
+boutiques, les étalages derrière d'immenses glaces, sont comme le long
+de nos boulevards. Mais l'électricité qui ruisselle ici, qui règne en
+souveraine, est mille fois plus agressive que chez nous; il semble que
+tout vibre et crépite sous l'influence de ces courants innombrables,
+dispensateurs de la force et de la lumière; on est comme électrisé
+soi-même et un peu frémissant. Mon Dieu, que de bruit dans Broadway!
+Presque sans trêve, il faut se résoudre à entendre courir en vertige
+au-dessus de sa tête, sur les vibrantes passerelles de ferraille, des
+files de wagons-monstres, bondés de monde et étincelants de feux. En
+revenant d'ici, Paris va me sembler une bonne vieille petite ville
+arriérée et calme, aux maisonnettes basses; d'ailleurs aucune de ses
+illuminations du 14 juillet n'approche des fantasmagories qui, les soirs
+quelconques, se jouent à New-York. Partout des lumières multicolores,
+qui changent et scintillent, formant et déformant des lettres; elles
+dégringolent en cascade du haut en bas des maisons, ou traversent les
+voies comme des banderoles tendues. Mais c'est en l'air surtout qu'il
+faut regarder--malgré le fracas souterrain des trains express qui vous
+feraient baisser instinctivement les yeux vers le sol--c'est en l'air,
+au faîte des extravagantes bâtisses, au-dessus des toits; là sont les
+réclames lumineuses, qui remuent par des trucs nouveaux, les visions qui
+dansent. Un marchand de je ne sais quoi a surmonté sa boutique d'une
+course de chars romains où l'on voit des chevaux gigantesques agiter
+avec frénésie leurs pattes de feu. Un marchand de parapluies a érigé une
+bonne femme qui gesticule avec son ombrelle ouverte. Un marchand de
+mercerie exhibe un énorme chat, tout en feu jaune, qui dévide un peloton
+de feu rouge et s'entortille avec le fil. Un marchand de brosses à
+dents, le plus cocasse de tous, fait gigoter dans le ciel un diablotin
+qui roule des prunelles de feu vert, en brandissant de chaque main une
+brosse de 10 mètres de long... Vite, vite, les apparitions se dessinent,
+se démènent, s'effacent, reviennent, vite, si vite que le regard se
+trouble à les suivre. Et de temps à autre, au bout d'un gratte-ciel non
+éclairé, qui montait invisible dans l'atmosphère de brume et de fumée,
+quelque affiche géante, que l'on dirait suspendue comme une
+constellation, éclate en feu rouge, vous martèle un nom dans l'esprit,
+et se hâte de s'éteindre. Tout cela, pour ma mentalité d'Oriental, est
+déroulant et même un peu diabolique; mais c'est si drôle et en même
+temps si ingénieux, que je m'amuse et presque j'admire...
+
+Dimanche, 22 septembre.
+
+Ce que je vais raconter de ma première nuit de New-York fera sourire les
+Américains; aussi bien est-ce dans ce but que je l'écris. Dans un livre
+du merveilleux Rudyard Kipling, je me rappelle avoir lu les épouvantas
+du sauvage Mowgli la première fois qu'il coucha dans une cabane close:
+l'impression de sentir un _toit_ au-dessus de sa tête lui devint bientôt
+si intolérable, qu'il fut obligé d'aller s'étendre dehors à la belle
+étoile. Eh! bien, j'ai presque subi cette nuit une petite angoisse
+analogue,--et c'étaient les gratte-ciel, c'étaient les grandes
+lettres-réclames au-dessus de moi, c'étaient les grands tonneaux rouges
+montés sur leurs échasses de fonte; trop de choses en l'air, vraiment,
+pas assez de calme là-haut. Et puis, ces six millions d'êtres humains
+tassés alentour, ce foisonnement de monde, cette _superposition_ à
+outrance oppressaient mon sommeil. Oh! les gratte-ciel, déformés et
+allongés en rêve! Un en particulier (celui du trust des caoutchoucs, si
+je ne m'abuse), un qui surgit là très proche, un tout en marbre qui doit
+être d'un poids à faire frémir! Il m'écrasait comme une surcharge, et
+parfois quelque hallucination me le montrait incliné et croulant...
+
+[Illustration: Des gratte-ciel.]
+
+[Illustration: Un coin de Central Park.]
+
+C'est dimanche aujourd'hui; le matin se lève dans une brume lourde et
+moite; il fera une des chaudes journées de cette saison automnale qu'on
+appelle ici «_l'été indien_». Sur New-York pèse la torpeur des
+dimanches anglais et, dans les avenues, les voitures électriques ont
+consenti une trêve d'agitation. Rien à faire, les théâtres chôment et
+demain seulement je pourrai commencer à suivre les répétitions du drame
+qui m'a amené en Amérique. Mais dans le voisinage, tout près, il y a
+Central Park, que j'aperçois par ma fenêtre, avec ses arbres déjà
+effeuillés; j'irai donc là, chercher un peu d'air et de paix.
+
+Central Park est comme un bois de Boulogne ouvert en pleine ville, avec
+des allées pour les cavaliers, des allées pour les autos, d'immenses
+prairies pour le football, et des recoins presque solitaires pour les
+idylles.
+
+[Illustration: Un promeneur et un écureuil dans Central Park.]
+
+Les feuillages sont les mêmes qu'en France, mais flétris par un plus
+précoce automne, après un été plus brûlant. Çà et là des blocs de
+rochers noirs se lèvent, comme s'ils avaient crevé les pelouses, et
+c'est le sol même de New-York qui reparaît à nu, ce sol dur et homogène
+qui a favorisé la hardiesse des maisons à trente ou quarante étages,
+écrasantes de lourdeur. Le parc est tellement grand que parfois on se
+croirait en pleine campagne, si toujours un ou deux gratte-ciel dans le
+lointain n'élevaient au-dessus de la cime des arbres leurs têtes
+indiscrètes, semblables à des maisons chimériques du pays de Gulliver...
+Les gens élégants doivent avoir fui la ville, car je ne rencontre
+aujourd'hui que des petits bourgeois endimanchés, des «enfants à
+roulettes», d'austères vieilles misses à lorgnon qui doivent être des
+institutrices. Et solitairement je vais m'asseoir au bord d'une allée.
+
+A peine suis-je là qu'un bruit très léger me fait tourner la tête. A
+côté de moi, sur mon banc, un amour de petit écureuil gris vient de
+bondir, et il me regarde en faisant le beau, debout sur son
+arrière-train, relevant sa belle queue de chat angora... Oh! en voici un
+second, plus hardi encore» qui saute sur mes genoux! J'en aperçois aussi
+qui courent sur l'herbe ou qui jouent dans les branches.--Et c'est une
+des choses gracieuses et touchantes de New-York, cette tribu de petits
+êtres libres qui a pris possession de Central Park et que tout le monde
+protège; on leur bâtit des maisonnettes de poupée sur les arbres, les
+promeneurs leur apportent des bonbons et des graines qu'ils viennent
+manger à la main; rien ne les effraie plus, ni le galop des cavaliers,
+ni le bruit de ces «enfants à roulettes», aussi gentils et effrontés
+qu'eux-mêmes, qui font du skating sur l'asphalte de tous les sentiers.
+
+Le déclin du jour amène pour moi d'intolérables mélancolies dans ce parc
+d'automne, au milieu de cet humble petit monde du dimanche, qui est si
+hétéroclite et qui m'est si inconnu; au-dessus des bosquets d'ombre, les
+lointains gratte-ciel, rougis à la pointe par le soleil couchant, me
+donnent une impression d'exil que je n'avais jamais éprouvée, même en
+plein désert; les écureuils gris, par précaution contre les chats qui
+vont bientôt rôder, remontent dans leurs maisonnettes suspendues; le
+crépuscule commence à m'étreindre, et j'ai envie de m'enfuir vers les
+rues plus animées où je coudoierai plus de monde. Je ne sais si déjà je
+m'américanise, mais je sens ce soir qu'il me faut du mouvement et du
+bruit.
+
+[Illustration: L'armée du Salut.]
+
+Dans les quartiers qui entourent le parc, toutes ces hautes maisons, que
+de richesses elles étalent et quel luxe dominateur! C'est presque trop;
+la proportion, la mesure manquent un peu. Les entrées où veillent des
+mulâtres galonnés, sont de marbre ou de porphyre, avec des colonnades
+grecques, byzantines ou gothiques, avec de lourdes et somptueuses
+grilles en bronze ou en fer forgé qui feraient honneur à nos
+cathédrales. Et tout cela vient de surgir presque en un jour! C'est
+humiliant en vérité pour notre vieille Europe qui a mis des siècles à
+bâtir ses villes célèbres et n'a jamais eu assez d'or pour faire aussi
+beau. Mais, à tant de luxe, quelque chose manque, quelque chose que l'on
+ne définit pas, et qui est peut-être tout simplement l'âme d'un passé...
+
+ *
+ * *
+
+Neuf heures, et nuit brumeuse. Quand je suis accoudé à ma haute fenêtre,
+avant de redescendre me plonger dans la fantasmagorie des rues, une
+sérénade tout à fait burlesque éclate sans préambule, en bas, sur un
+trottoir de Broadway. Des voix d'hommes hurlent ensemble une sorte de
+cantiques de guerre, accompagné à l'unisson par des trombones et des
+cors de chasse. Qu'est-ce que c'est que ce charivari, mon Dieu?--Ah!
+l'armée du Salut! Un bataillon qui est venu se poster là pour tâcher de
+sauver au passage les égarés du dimanche soir s'acheminant vers les
+bouges de l'alcool. Eh! bien, après la première minute de stupeur et de
+sourire, on oublie le ridicule de cela pour céder à une impression
+plutôt grave. Dans cette ville où trépident nuit et jour les
+transactions et les affaires, il y a donc place encore pour le vieux
+rêve religieux qui berça les hommes pendant des siècles. Ce rêve, il est
+vrai, a pris une forme délirante, tapageuse, effrénée, ici où tout est
+neuf et excessif; mais on le sent là, bien vivant quand même, derrière
+cette musique de maison de fous. Et on ne sourit plus.
+
+Copyright. Droits réservés.
+
+PIERRE LOTI.
+
+--_A suivre_.--
+
+[Illustration: Écureuil.]
+
+
+
+[Illustration: Au Bois, le matin: les jolies rencontres du photographe.]
+
+[Illustration: MAI PARISIEN.--Robes et chapeaux printaniers: la mode vue
+aux dernières réunions de Longchamp.--_Phot. de Givenchy et Agié._]
+
+C'est toujours au Bois, le matin, et, l'après-midi, aux Courses, qu'il
+faut aller chercher les visions très diverses de luxe et de grâce
+féminine dont le mois de mai parisien compose son attrait particulier.
+Les hasards d'une promenade dans les allées du Bois ont favorisé le
+photographe; il en a rapporté trois instantanés qui, par bonne fortune,
+forment des tableautins de genre achevés. Et il a pu surprendre, aux
+réunions de Longchamp, toutes les variétés des élégances printanières,
+encore timides et hésitantes jusqu'au dernier meeting où elles
+s'affirmèrent sans réserve. Les images que nous avons rapprochées ici,
+et celle de la double page qui suit, donneront un aperçu des modes de
+cette saison, que marque le triomphe incontesté du petit chapeau
+empanaché, abondant en aigrettes et en paradis, et paré de capricieuses
+«fantaisies».
+
+[Illustration: ÉLÉGANCES DE LONGCHAMP: LA FOLIE DES AIGRETTES ET DES
+PARADIS]
+
+
+
+[Illustration: Le village de Tormery, vu du sommet de la roche
+menaçante.]
+
+L'EXPLOSION DU ROCHER DE TORMERY
+
+Un des événements de la semaine dernière a été cette explosion du rocher
+de Tormery dont on parlait depuis si longtemps. Il faisait partie
+obligée des curiosités que devait visiter le touriste, venu passer
+quelques jours à Aix-les-Bains ou dans la contrée. On vous conduisait
+jusqu'à la gare de Chignin et l'on vous montrait le rocher.
+
+--Voilà la «Roche Pourrie», disait le guide, et au-dessous le village de
+Tormery qu'elle écrasera un de ces jours.
+
+Et, de fait, il y avait lieu de redouter un cataclysme, car cette énorme
+masse, de 9.000 mètres cubes, semblait suspendue au-dessus des soixante
+et quelques maisons habitées par les braves cultivateurs savoyards. Un
+premier avertissement avait été donné le 14 août 1903. A 7 heures du
+soir, deux blocs de 400 mètres environ s'étaient détachés de la «Roche
+Pourrie», comme l'avaient baptisée les paysans, à cause de sa
+désagrégation lente, mais progressive. Ces blocs, par bonheur, étaient
+tombés dans la plaine et n'avaient atteint personne. Ils s'étaient
+contentés d'écraser deux celliers inoccupés, dont, après la chute, il
+n'était plus resté trace.
+
+Allait-il donc, dans un temps plus ou moins long, en être de même du
+village? C'était certain, c'était fatal, si l'on ne prenait au plus vite
+les mesures nécessaires.
+
+[Illustration: Les échafaudages dressés pour le percement des 237 trous
+de mine.]
+
+L'administration des ponts et chaussées intervint. Elle fit sceller, en
+travers des crevasses, des barres de fer qui permettraient de constater
+le moindre déplacement du rocher. C'était un palliatif momentané et
+insuffisant, parce que le rocher qui repose sur un sol marneux pouvait
+un jour s'abattre d'un seul coup sur Tormery sans avoir bougé
+auparavant.
+
+[Illustration: Vue en plan.]
+
+Des démarches nouvelles furent faites de la part des autorités locales,
+maire, conseil municipal, conseil d'arrondissement, conseil général,
+préfet... Les ingénieurs des ponts et chaussées examinèrent sous toutes
+ses faces la «Roche Pourrie» et finirent par tomber d'accord sur ce
+point qu'il fallait la détruire.
+
+Le bloc B (après l'explosion qui a détruit, à droite et à gauche, les
+parties condamnées de la masse rocheuse) est tombé en arrière,
+entraînant des fragments de la partie supérieure, et s'est coincé en A
+dans la crevasse; la partie C de la roche centrale restée en surplomb
+s'est déplacée de 4 centimètres en bas et vers sa droite.
+
+[Illustration: Vue en coupe (suivant d e sur la vue en plan).]
+
+Mais comment? On ne pouvait pas, bien entendu, faire écrouler le rocher
+sur le village: c'eût été provoquer la catastrophe qu'on voulait éviter.
+Par les moyens ordinaires, c'est-à-dire par des coups de mine
+successifs, on aurait envoyé au loin d'énormes quartiers de roc qui
+auraient broyé tout ce qui se serait trouvé sur leur passage. Il fallait
+au contraire anéantir le rocher, le réduire en parcelles inoffensives,
+et pour cela provoquer, en des points très nombreux et très rapprochés,
+autant d'explosions absolument simultanées. Mais, même en employant
+l'électricité, on ne voyait pas bien la possibilité d'y arriver...
+d'autant plus qu'il fallait éviter tout «ratage», c'est-à-dire toute
+mine n'ayant pas fait explosion et demeurant par suite très dangereuse.
+
+On s'adressa--il y a un an de cela--à la maison Davey, Bickford, Smith
+et Cie, de Rouen, déjà bien connue par son cordeau Bickford qui sert
+dans les mines--et aussi dans les attentats anarchistes--à faire
+exploser un engin, utile ou criminel. Il ne s'agissait pas cette fois du
+cordeau Bickford ordinaire, comme l'ont dit presque tous les journaux,
+mais bien d'un nouveau cordeau détonant au trinitrotoluène, pour lequel
+la maison a pris un brevet spécial et qui détone avec une vitesse de
+6.000 mètres à la seconde, alors que le cordeau ordinaire brûle à raison
+d'un mètre en 90 secondes et ne peut pas exploser.
+
+La vitesse de détonation du nouveau cordeau permet de faire partir
+ensemble un nombre incalculable de mines avec une seule amorce
+électrique mise au moment même où l'on veut produire l'explosion.
+
+Le cordeau est en contact avec toutes les cartouches, car il va au fond
+de chaque trou. Il oblige toutes les cartouches à partir. Plus
+d'accidents consécutifs aux culots, d'explosifs,--terme consacré pour
+désigner l'explosif non parti. En outre, pendant le chargement,
+l'absence d'amorce supprime tout danger.
+
+C'est avec ce cordeau qu'on a exécuté des travaux très difficiles et
+très délicats, comme le déblaiement du tunnel d'Ypres, situé au milieu
+de riches propriétés qu'une secousse trop forte eût pu détériorer, ceux
+de Briddlington (Yorkshire), de Port-de-Bouc, de
+Saint-Jean-de-Maurienne, etc.
+
+La maison Davey, Bickford et Cie envoya un jeune ingénieur, M. Georges
+Dienne, qui examina le rocher. Après une visite minutieuse, il fut
+d'avis qu'on pouvait, sans le moindre danger pour le village, réduire en
+poussière les 9.000 mètres cubes.
+
+Mais M. Reulos, ingénieur des ponts et chaussées, estima que c'était
+exagéré. A son avis, il suffisait d'enlever deux blocs qui se trouvaient
+à droite et à gauche du bloc central et qui, à eux deux, cubaient 2.000
+mètres. Le reste ne serait plus dangereux. On consoliderait le bloc de
+7.000 mètres restant, au moyen d'un mur de soutènement.
+
+N'ayant à s'occuper que de l'exécution des ordres reçus, M. Georges
+Dienne s'inclina. Il prit ses mesures. Ce fut une besogne longue et
+difficile que de percer les 237 trous de mine sur les flancs de ces deux
+blocs. On en jugera par les photographies prises pendant la préparation.
+
+Ces trous de mine furent chargés avec de la dynamite gomme à 92% de
+nitroglycérine. Certains de ces trous dépassaient quatre mètres et demi
+de profondeur et étaient chargés de six kilos de dynamite.
+
+La longueur totale de cordeau détonant, partant de chaque trou pour se
+raccorder au point où fut placée, à la dernière minute, l'amorce
+électrique qui provoqua la détonation générale, était de 1.500 mètres.
+
+[Illustration.]
+
+[Illustration: Le chargement à la dynamite des trous de mine et la pose
+des cordeaux détonants.]
+
+[Illustration: L'explosion. Près de la cabane, sur le flanc de la
+montagne, à gauche, se tenait, avec ses aides, l'ingénieur chargé de
+déterminer la déflagration; on voit, aux bords de la dentelure de flamme
+et de fumée, que la roche éclatée est projetée dans l'espace en
+cailloutis minuscules.]
+
+Bien que M. Dienne répondît de tout et affirmât que les maisons de
+Tormery ne ressentiraient même pas une secousse, l'administration crut
+devoir prendre des mesures exceptionnelles de prudence. On donna ordre
+d'évacuer le village et ce fut un spectacle attristant de voir les
+paysans abandonner leurs maisons avec leurs femmes et leurs enfants,
+traînant après eux leurs bestiaux, emportant leurs objets les plus
+précieux, leurs instruments agricoles, etc. Mercredi matin, le maire de
+Chignin, commune d'où dépend Tormery, vint avec les gendarmes et les
+gardes forestiers visiter les maisons une à une pour s'assurer que
+personne n'y était resté.
+
+La nouvelle de cette explosion avait attiré beaucoup de curieux. Il en
+était venu d'Aix-les-Bains, de Chambéry, de Grenoble, de Lyon, de
+Genève. La compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée avait organisé des
+trains spéciaux et la petite gare de Chignin ne s'était jamais trouvée à
+pareille fête. Pour contenir la foule, on avait dû faire venir une
+compagnie de chasseurs alpins. Il fallait à tout prix empêcher les
+curieux d'être victimes de leur imprudence et de recevoir sur la tête un
+des blocs de roches qu'allait infailliblement lancer en l'air
+l'explosion, absolument comme un volcan en éruption.
+
+Quant au village on en avait fait le sacrifice. Il allait,
+vraisemblablement, être enseveli sous les décombres, comme Pompéi et
+Herculanum sous la lave du Vésuve. Le conseil général avait voté une
+somme de 100.000 francs pour indemniser les habitants, obligés de se
+reconstruire un asile un peu plus loin dans la vallée.
+
+Mercredi matin, la foule était là, haletante. On se montrait, en face de
+Tormery, le Granier, cette muraille de 2.000 mètres qui maintient la
+montagne. On se racontait qu'en 1428 une partie de cette montagne
+s'était écroulée, engloutissant vingt-trois localités, dont une ville de
+5.000 habitants, nommée Saint-André, et sur l'emplacement de laquelle se
+trouve actuellement le lac du même nom. On se disait qu'aujourd'hui
+encore, dans la clarté des matins, on peut apercevoir sous les eaux du
+lac, au fond, tout au fond, la pointe du clocher de Saint-André, comme
+dans la baie de Soulac, en Saintonge, on aperçoit à temps calme la ville
+engloutie par la mer.
+
+Dix heures... M. Georges Dienne, après une rapide inspection, réunit ses
+cordeaux et pose le détonateur. On avertit la foule que l'explosion va
+avoir lieu.
+
+Dix heures trente-cinq... une faible flamme, un crépitement, suivi d'un
+bruit semblable à celui des grêlons qui tombent. Ce sont les petits
+fragments du roc qui dégringolent de chaque côté, pas plus gros que les
+graviers qu'on jette dans les allées des parcs... Le village est intact.
+
+--C'est ça l'explosion! s'écrie-t-on dans la foule.
+
+Et, il faut l'avouer à la honte de l'espèce humaine, il y a un immense
+désappointement. On se figurait voir une lueur colossale, des jets de
+feu gigantesques, des blocs énormes projetés à des hauteurs
+incommensurables et retombant sur les toitures du village qu'ils
+auraient broyées comme des fétus de paille... Ce n'était vraiment pas la
+peine de venir de si loin.
+
+[Illustration: Après l'opération: blocs de roche tombés dans la fissure
+derrière la masse centrale de roc restant en porte à faux.]
+
+Si, c'était la peine, parce qu'on a vu la puissance de la science
+actuelle, luttant contre les forces de la nature.
+
+Parmi les habitants aussi, il y en eut quelques-uns qui furent déçus.
+Ils savaient qu'il y avait 100.000 francs destinés à payer les dégâts et
+ils avaient escompté cela, imaginant sans doute qu'au lieu de leur
+vétusté masure on leur donnerait un petit chalet plus moderne, plus
+confortable que la demeure ancestrale si rudimentaire. Mais ils se
+consolèrent vite. N'était-ce pas le bonheur quand même, que de pouvoir
+sans encombre reprendre sa place au foyer et ses habitudes?...
+
+Les deux blocs latéraux sont donc pulvérisés. Le danger est-il
+complètement, définitivement conjuré? Il est à craindre que non.
+
+Le bloc principal, de 7.000 mètres, subsiste. Les terrains qui le
+supportent sont toujours aussi mauvais: c'est de la marne qui
+s'attendrit et se délaie à la pluie...
+
+Il est vrai qu'on va le soutenir par un mur. Mais ce mur, dont la
+construction présentera de grandes difficultés et nécessitera de fortes
+dépenses, pourra-t-il présenter une résistance suffisante? Le terrain
+sur lequel on aura à poser les fondations est-il assez solide? Quelle
+épaisseur faudra-t-il lui donner pour qu'il puisse supporter la poussée
+formidable du rocher?
+
+Les blocs non minés qu'on a voulu garder sur le sommet du rocher et du
+côté de la montagne, pour faire contrepoids, sont tombés dans la
+crevasse qui sépare le rocher de la montagne. Au lieu de soutenir la
+«roche pourrie», ils vont la pousser vers l'avant.
+
+En outre, une partie de ce rocher qui, avant l'explosion, faisait corps
+avec le noyau principal, s'est déplacée de quatre centimètres vers la
+droite du côté nord et est descendue également de quatre centimètres,
+ainsi qu'en font foi les «témoins» posés avant l'explosion et examinés
+après.
+
+Tout cet été il n'y aura rien à craindre. Mais, l'hiver venu, avec les
+pluies, ou bien encore au dégel...?
+
+On fera bien, pendant que la saison est favorable, de construire au plus
+vite le mur de soutènement et d'y apporter tous les perfectionnements
+possibles, dût-on y consacrer les 100.000 francs qu'on destinait à la
+reconstruction du village.
+
+Mais n'eût-il pas été plus simple d'anéantir d'un seul coup tout le
+rocher?
+
+C. D.
+
+
+
+Une représentation de _la Fiancée vendue_ de Smetana sur la vaste scène
+en plein air du Théâtre national de Prague.--Phot. V. Jehticka.
+
+UN GIGANTESQUE THÉÂTRE DE LA NATURE
+
+Maintenant que le soleil s'est enfin décidé à rendre au mois de mai sa
+splendeur traditionnelle, les théâtres de la nature ont commencé de
+disposer leurs premiers décors. Les représentations en plein air se
+généralisent de plus en plus et il faut signaler, cette année, la
+gigantesque entreprise du Théâtre national de Prague, qui, dans un décor
+naturel en amphithéâtre, dans la banlieue de la capitale de la Bohême,
+peut mettre en scène, devant 20.000 spectateurs, une prodigieuse
+figuration. Notre photographie a été prise lors de la première
+représentation de _la Fiancée vendue_, l'opéra de Smetana, qui sera
+interprétée par le même ensemble à Paris, au théâtre des Champs-Elysées.
+
+
+
+UNE FÊTE DES JARDINS OUVRIERS A BICÊTRE
+
+La Société dos Jardins ouvriers de Paris et de banlieue a été créée en
+1904. Son but est de réunir les concours généreux qui lui permettent de
+prendre en location ou en dépôt des terrains qu'elle attribue ensuite
+moyennant une très faible rétribution à des ouvriers chargés de famille
+et sous la seule obligation de bien cultiver leur petit lot de terre et
+d'y construire une tonnelle-abri.
+
+Cette oeuvre si intéressante a eu des débuts difficiles. Procurer à
+l'ouvrier ou à l'employé de Paris un coin de sol de 100 à 150 mètres
+carrés paraît chose bien chimérique. La société débuta avec cinq jardins
+à Levallois-Perret. Dix autres vinrent s'y ajouter en 1905, prélevés sur
+un terrain de l'Assistance publique, boulevard Brune. A partir de 1906,
+le développement de l'oeuvre fut plus rapide. A sa dernière assemblée
+générale, le 2 février 1913, M. Robert Georges-Picot, le secrétaire
+général, annonçait un total de 36 groupes représentant 1.420 jardins. On
+n'a pas idée de ce qu'il a fallu d'efforts pour amener à la culture et à
+la vie certains terrains de rebut. Les ouvriers ont littéralement pétri
+et formé le sol. Mais aussi avec quelle joie ils vous montrent leurs
+légumes, leurs fleurs et leurs plates-bandes. On peut affirmer que, sur
+un terrain de 100 à 150 mètres, ils obtiennent, en moyenne, 80 francs de
+légumes, sans compter un gain moral qui ne saurait s'apprécier en
+argent. Car ces braves gens organisent entre eux des concours de
+jardinage, des visites de jardins, des fêtes d'enfants, des mutualités
+maternelles. Dimanche, ils se réunissaient joyeusement à Bicêtre où ils
+avaient organisé la représentation en plein air d'une adaptation de la
+légende de Geneviève de Brabant. On avait élevé une petite chèvre pour
+tenir le rôle de la biche. Un aimable juge de paix avait rimé des vers.
+Un artiste de l'Odéon, M. Dutertre, avait dirigé les répétitions qui
+eurent lieu pendant deux mois, le soir, chez l'abbé Lemire. Les
+jardiniers d'Arcueil avaient charrié pour leurs camarades de Bicêtre le
+décor de feuillage, et un millier de spectateurs applaudirent avec
+enthousiasme la grâce douloureuse de Geneviève et la noble allure du
+comte de Brabant.
+
+[Illustration: L'abbé Lemire. LES THÉÂTRES DE MAI.--Une scène de
+_Geneviève de Brabant_ représentés sur le Théâtre de verdure des Jardins
+ouvriers, à Bicêtre.--_Phot. Gimpel,_]
+
+[Illustration: M. Paul Hervieu. M. PAUL HERVIEU EN ESPAGNE.--L'illustre
+écrivain à la fête champêtre du «Rocio», près de Séville.--_Phot.
+Serra._]
+
+M. Paul Hervieu vient de faire en Espagne un séjour de quelques
+semaines, pendant lequel il a été l'objet des manifestations de
+sympathie les plus flatteuses, pour lui-même et pour les lettres
+françaises. Le maître de la tragédie moderne s'était rendu à Madrid pour
+assister à la première représentation de _la Course du Flambeau_,
+traduite par un excellent écrivain, M. Carlos de Battle, et interprétée
+par une grande artiste, Mme Carmen Cabena: acclamé par les spectateurs
+du théâtre de la Zarzuela, affablement reçu par le roi Alphonse XIII et
+le ministre de l'Instruction publique, fêté par la société madrilène et
+par ses confrères espagnols, il a vu son voyage se transformer en une
+manière d'ambassade littéraire, qui, nous écrit notre correspondant M.
+J. Causse, «a contribué à fortifier l'oeuvre accomplie, dans le même
+temps, par les diplomates des deux côtés des Pyrénées».
+
+A ces attentions officielles se sont unies, pour charmer son séjour, les
+impressions pittoresques qu'il a rapportées d'une excursion en
+Andalousie. Près de Séville, M. Paul Hervieu et ses compagnons de
+voyage, Mme la baronne de Pierrebourg--en littérature Claude Ferval et
+le comte et la comtesse de Lauris, ont eu l'occasion d'assister à l'une
+des fêtes les plus caractéristiques de l'Espagne. Le pèlerinage
+champêtre de la vierge du «Rocio» (de la Rosée), dont le sanctuaire,
+situé en plein bois, est chaque année, à cette époque, le rendez-vous de
+nombreuses confréries. La famille du grand armateur M. Ramon Ibarra a
+l'habitude de convier gracieusement, dans sa belle propriété de Lopaz,
+les jeunes filles et les jeunes gens de l'aristocratie sévillane, qui,
+vêtus du costume populaire andalou, vont attendre le passage des
+pèlerins, venus à cheval ou'en charrettes décorées de fleurs...
+L'éminent académicien, qui s'était mêlé à eux, n'a pas échappé à
+l'objectif du photographe; et c'est ainsi qu'a pu être pris cet
+instantané imprévu de l'auteur des _Tenailles_ et de _la Loi et
+l'Homme_.
+
+
+
+[Illustration: LE DÉMAGOGUE M. Jean Jaurès au meeting du
+Pré-Saint-Gervais.]
+
+LES «TROIS ANS» ET LE PARTI SOCIALISTE
+
+La mise à l'étude du projet de loi rétablissant le service militaire de
+trois ans, la décision prise par le gouvernement, conscient de ses
+responsabilités et soucieux de ses devoirs, de maintenir sous les
+drapeaux la classe libérable à l'automne, tout cela, que la masse du
+pays--et de l'armée--acceptait sagement, a produit parmi les partis
+avancés une effervescence qui n'a rien d'ailleurs d'inattendu, et fourni
+le prétexte de protestations, de propagandes qui ont eu, par malheur,
+une regrettable répercussion dans certains régiments.
+
+Des manifestations, demeurées heureusement isolées, se sont produites,
+la plus grave à Rodez, où un commencement de sédition fut arrêté, dès le
+début, par l'attitude énergique, résolue, du commandant Angelby.
+
+Ces mouvements d'indiscipline ont été réprimés et punis sans faiblesse
+comme sans retard. Des enquêtes, conduites notamment par le général Pau,
+le général Goetschy ont rapidement établi les culpabilités et déterminé
+les nécessaires sanctions.
+
+Mais, de prime abord, les renseignements recueillis par les enquêteurs
+révélaient clairement que les vraies responsabilités remontaient plus
+haut, et que les soldats insubordonnés, avec cette légèreté, cette
+spontanéité qui caractérisent la jeunesse, n'avaient été que trop
+dociles à des suggestions venues du dehors.
+
+«Nous ne sommes pas en présence d'une mutinerie militaire, aurait
+déclaré en rentrant à Paris le général Pau, mais d'un mouvement
+d'origine politique.»
+
+Les socialistes, les membres de la C. G. T. et autres anarchistes
+allaient bien vite fournir eux-mêmes des arguments probants pour
+justifier cette impression,-sans parler des faits précis qui allaient
+être révélés par diverses opérations de police.
+
+Le dimanche 24 mai devait avoir lieu la traditionnelle manifestation au
+«mur des Fédérés», au cimetière du Père-Lachaise. Les socialistes
+décidaient brutalement d'en faire le prétexte d'une manifestation
+hostile au maintien de la classe sous les drapeaux, hostile aux «trois
+ans»,--pour tout dire, nettement antimilitariste. Le gouvernement ne le
+pouvait permettre. Il décida d'interdire cette démonstration, et la
+Chambre l'approuva.
+
+Cependant, respectueux du droit de réunion, il ne songea non plus à
+empêcher les adversaires des mesures militaires de s'assembler,
+dimanche, au Pré-Saint-Gervais, en un meeting de protestation. Il n'eut
+pas à regretter cette tolérance. Tout se passa dans un ordre parfait.
+
+Le temps, d'abord, était radieux et chaud et incitait à la douceur. Une
+foule, que les organisateurs ont évaluée à 120.000 personnes, mais qui
+en comptait 30.000 à 35.000 suivant la préfecture de police, se rendit
+par cette tiède journée au lieu indiqué par des affiches et les journaux
+intransigeants.
+
+Des femmes, des enfants s'étaient mêlés aux manifestants. Des filets
+bourrés de victuailles et de «litres» se voyaient dans les groupes,
+derrière les drapeaux rouges ou noirs roulés dans leurs gaines. On
+saucissonna sur l'herbe, et ce fut une partie de campagne autant qu'un
+meeting. Après quoi, on se réunit autour des tribunes, pour y entendre,
+tour à tour, les quatre-vingt-seize orateurs inscrits! Que d'éloquence
+en une journée!
+
+Il y avait là tous les orateurs écoutés du parti,--ou plutôt des partis,
+M. Jaurès en tête, qui ne fut ni le plus violent ni, partant, le plus
+applaudi. Il y avait encore M. Vaillant, véhément toujours, malgré les
+ans, M. Marcel Sembat, M. Albert Willm. Ils distribuaient la bonne
+parole par petites tables, si l'on peut dire, du haut de sept tribunes,
+sept camions dont le plus entouré était certes celui qu'ombrageait le
+drapeau noir des communistes anarchistes.
+
+Aucun conflit, grâce aux mesures d'ordre habilement prévues par le
+préfet de police, M. Hennion, ne troubla la réunion.
+
+Le lendemain, bien résolu à rechercher toutes les responsabilités dans
+les regrettables incidents dont les casernes ont été le théâtre, le
+gouvernement faisait procéder à une centaine de perquisitions, à
+Paris--notamment à la Confédération Générale du Travail, et à la Bourse
+du Travail--et en province, afin de rechercher les preuves des
+excitations politiques.
+
+[Illustration: Le commandant Mongrand.--_Phot. Grémion._]
+
+
+
+L'ATTENTAT D'HANOÏ
+
+Dans une récente et importante interview publiée par notre confrère le
+_Temps_, M. le gouverneur général Sarraut a tenu à déclarer que
+l'attentat d'Hanoï, la bombe lancée le 26 avril dernier sur des
+officiers français à la terrasse d'un café local, n'était pas «un crime
+annamite» mais un crime extérieur à l'Indo-Chine, inspiré très
+vraisemblablement par le prince exilé Cuong Dé et exécuté par «la pègre
+internationale d'Asie».
+
+Les journaux quotidiens ont dit, en leur détail, les circonstances de
+cet attentat qui causa une si grande émotion en France. Le samedi 26
+avril 1913, vers 7 h. 1/2 la bombe, éclatant au milieu des consommateurs
+du café de Hanoï-Hôtel, blessait mortellement les commandants Mongrand
+et Chapuis, de l'infanterie coloniale, et atteignait plus ou moins
+grièvement douze autres Français et six indigènes. L'un des morts, le
+commandant Mongrand, qui s'était particulièrement distingué au Soudan où
+il avait été cité pour action d'éclat à la prise du repaire de Kentadji
+sur le Niger, laisse une veuve et quatre enfants. Il achevait sa période
+de séjour en Indo-Chine et, par décision du 24 avril, avait été affecté
+au 4e colonial, à Toulon.
+
+L'une de nos gravures représente le lieu de l'attentat, la devanture du
+café photographiée le lendemain du crime, avec son panneau défoncé et
+ses vitres brisées Le sang des victimes a laissé des traces sur le sol
+et sur l'une des tables.
+
+[Illustration: La terrasse du café de Hanoï-Hôtel après l'explosion de
+la bombe.]
+
+Quelques jours avant cet événement, une autre bombe avait tué à Thaï
+Binh un mandarin attaché à la cause française. Il n'est résulté de ces
+attentats aucune panique parmi nos compatriotes. Dans la nuit qui a
+suivi le meurtre des officiers, le gouverneur général, M. Sarraut, a
+fait afficher une énergique proclamation. Les victimes ont été enterrées
+le mardi 29 avril à 9 heures du matin. Tout Hanoï et beaucoup de
+Français de l'intérieur y assistaient. Devant la chapelle de l'hôpital
+militaire, alors que l'on venait de placer les deux cercueils sur des
+prolonges d'artillerie, le gouverneur général de l'Indo-Chine, M. Albert
+Sarraut, a prononcé un discours ému, promettant le châtiment exemplaire
+des meurtriers et de leurs complices. Ce discours se termina par le cri
+de «Vive la France!» qui, malgré la tristesse de l'heure, fut très
+applaudi.
+
+[Illustration: Les obsèques des victimes de l'attentat d'Hanoï: le
+discours de M. Sarraut, gouverneur général de l'Indo-Chine, devant la
+chapelle de l'hôpital militaire.]
+
+
+
+CE QU'IL FAUT VOIR
+
+LE PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER
+
+C'est entendu. Paris s'étend, Paris «coule» vers l'ouest. Il avait, au
+temps de Mme de Sévigné, son centre mondain place Royale et dans le
+Marais; sous Louis-Philippe, entre le Cirque d'hiver et les Variétés;
+plus tard, entre les Tuileries et Tortoni. Les hommes de cette
+génération-ci ont amené le centre de Paris sur les boulevards, entre
+l'Opéra et la Madeleine. Ce sera demain les Champs-Elysées et l'Étoile,
+et, dans trente ans, Bagatelle, quand il n'y aura plus de
+fortifications. Les expositions de peinture et les marchands de tableaux
+suivront le mouvement; ils l'ont déjà suivi (nous le remarquions ici
+dernièrement); mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait en ce moment dans
+l'un des moins occidentaux et des plus vieux quartiers de Paris, un
+Salon de peinture qu'il faut voir. C'est le Salon des artistes du 4e
+arrondissement. Il a même, ce Salon, le privilège d'une situation
+unique; il est installé pour un mois dans la cour d'un des plus
+pittoresques et vénérables monuments de Paris: à l'Hôtel de Sens.
+
+Cet hôtel avait été construit, à la fin du quinzième siècle pour les
+archevêques de Sens, sous l'autorité desquels était placé--et demeura
+placé jusqu'en 1622--l'évêché de Paris. Il eut, durant cette période,
+des hôtes illustres: Louis de Bourbon, Louis de Guise cardinal de
+Lorraine, la reine Margot, et, avant elle, Nostradamus! La renommée du
+prophète provençal s'était propagée jusqu'à Paris, et Henri II avait
+fait prier Nostradamus de venir à la cour. Il y vint. Le roi ordonna
+qu'il fût logé chez le cardinal de Sens. Cela se passait au mois d'août
+1556. Nostradamus fut même retenu à l'hôtel de Sens par un petit
+accident que, quoique astrologue, il n'avait point prévu. Un accès de
+goutte le cloua douze jours dans sa chambre, en attendant les succès de
+prophète qu'il allait remporter à la cour quelques jours après! Mais le
+vieil hôtel lui-même allait connaître d'étranges mésaventures. Abandonné
+par les archevêques de Sens, il allait être successivement le dépôt des
+coches de Bourgogne; puis une confiturerie, puis une verrerie... Et le
+voilà qui se relève tout doucement de cette déchéance. Il est, depuis
+quelques mois, la propriété de la Ville de Paris, qui se propose
+d'installer là une partie de ses collections. Quelque temps s'écoulera
+encore avant que soient commencés les travaux que cet aménagement
+nécessite; et la Société d'artistes du 4e arrondissement a eu la très
+bonne idée de mettre à profit ce délai en demandant à la Ville de lui
+ouvrir, pour un mois, la maison où Nostradamus eut la goutte, et devant
+la porte de laquelle la reine Margot fit, le 6 avril 1606, trancher la
+tête à un gentilhomme dont elle avait eu, comme femme, à se plaindre.
+L'Exposition n'occupe du vieil hôtel que la cour intérieure, qu'on a
+plafonnée d'un vélum, et sablée avec soin. Au fond de la cour, une porte
+basse ouverte sur l'étroit et tortueux escalier noir qui mène aux
+souterrains; à côté, surélevée de quelques marches, une petite chambre
+où un mobilier gothique--oeuvre de quelque exposant tapissier de
+l'arrondissement--a pour cadre une très belle cheminée «du temps», et
+les poutres vermoulues d'un plafond qu'aucune restauration n'a profané
+encore.
+
+Et plus de trois cents oeuvres sont exposées ici. Les sujets de la
+plupart d'entre elles sont empruntés à l'arrondissement lui-même, à son
+histoire, à ses paysages. Et gentiment, le long de ces murs, amateurs et
+professionnels fraternisent. Saluons parmi ceux-ci: Franck Bail, Belot,
+Emile Bernard, Max Blondat, Delahogue, Druard, J.-J. Dufour, E. Fraisse,
+Garcia-Ramon, Grouiller, Lalauze, E. Lequeux, Pannemaker, A. Boulard,
+Emile Renard... Il est évident que d'une exposition située entre la rue
+François-Miron et le pont des Célestins--ou, plus exactement, à l'angle
+de la rue du Figuier et de l'ancienne rue de la Mortellerie--ces
+excellents artistes n'avaient nul profit ni surcroît de gloire à
+espérer... Simplement, ils ont «marché» avec les camarades, pour
+l'honneur de l'arrondissement. C'est très bien. C'est d'autant mieux
+qu'ils fourniront aux curieux qui leur feront visite une occasion de
+connaître ce coin délicieux du vieux Paris où l'on ne va pas assez. Le
+carrefour où s'érige l'Hôtel de Sens est à quelques pas de la Seine. Il
+fait face à l'île Saint-Louis, ce petit morceau de ville qui est, à lui
+seul, une relique. Autour de la vieille maison, c'est la rue des Lions,
+la rue des Jardins, les rues Saint-Paul, Beautreillis, du Petit-Musc;
+des façades d'hôtels seigneuriaux endormis dans la paix de petites rues
+de province. Ayez dans la poche le 4e fascicule de l'ouvrage où le
+marquis de Rochegude a décrit en vingt brochures (une par
+arrondissement) les rues de Paris, et conté l'histoire des maisons; et
+promenez-vous... Ce ne sera pas du temps perdu.
+
+ *
+ * *
+
+Mais que, tout de même, le Paris d'autrefois ne vous fasse pas trop
+oublier celui d'à présent. N'oubliez pas les Ballets russes. Guettez
+l'ouverture, aux Champs-Elysées, d'un certain Cinéma-Théâtre où l'on dit
+qu'il sera indispensable aux gens du monde de se montrer de temps en
+temps. (Acceptons-en l'augure! Ce n'est pas le directeur de l'entreprise
+qui s'en offensera.)
+
+Et puis, retournez à Bagatelle pour y voir, à partir de lundi,
+l'exposition annoncée par la manufacture de Sèvres, et qui sera composée
+de figurines, de bibelots ayant trait aux jardins et aux fleurs. Sèvres
+se modernise, se rajeunit sans cesse. Sèvres _invente_. Il faut qu'on
+sache cela. Les étrangers nous entendent dire assez de mal de nos
+industries d'État pour qu'il nous soit très agréable de leur en pouvoir
+dire du bien de temps en temps. J'ajoute que de notre Manufacture de
+Sèvres on ne parle plus guère, depuis des mois, que pour louer ses
+oeuvres et rendre hommage aux admirables efforts des hommes qui la
+dirigent. Sa participation d'hier à l'Exposition de Turin, celle
+d'aujourd'hui à l'Exposition de Gand sont des victoires auxquelles on ne
+saurait être indifférent chez nous.
+
+... Et puis, enfin, n'allons pas oublier que c'est lundi prochain, 2
+juin, que sera déclarée à l'Opéra-Comique la naissance du dernier enfant
+de Gustave Charpentier: un petit garçon appelé _Julien_ et que tout
+Paris acclame, avant même que le bruit de son premier vagissement soit
+venu à nos oreilles.
+
+Il y a vraiment des nouveau-nés qui ont de la chance.
+
+UN PARISIEN.
+
+
+
+AGENDA (31 mai--7 juin 1913)
+
+EXAMENS ET CONCOURS.--Le 7 juin, clôture des inscriptions du concours
+pour le recrutement des dames employées aux postes et télégraphes.
+
+EXPOSITIONS ARTISTIQUES.--Grand Palais (Champs-Elysées): Salon de la
+Société des artistes français; Salon de la Société nationale des
+Beaux-Arts.--Petit Palais: exposition de David et ses élèves.--Ancien
+hôtel de Sagan (23, rue de Constantine): objets d'art du Moyen Age et de
+la Renaissance au profit de la Croix-Rouge française.--Hôtel de Sens
+(rue du Figuier): les Artistes du 4e.--A Bagatelle (bois de Boulogne):
+exposition de l'Art du jardin.--Hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau (29,
+rue de Sévigné): promenades et jardins de Paris, seizième, dix-septième,
+dix-huitième siècles.--Cercle de la Librairie (117, boulevard
+Saint-Germain): Palais-Salon.--Galerie Devambez (43, boulevard
+Malesherbes): la petite ville de province.
+
+LES ROSATI.--Le 8 juin, à Fontenay-aux-Roses, pèlerinage annuel des
+Rosati; les honneurs de la Rose seront faits à M. Francis Picavet,
+secrétaire au Collège de France, et à M. Le Sidaner, peintre.
+
+FÊTES DE BIENFAISANCE.--Le 1er juin, au parc de Gennevilliers, fête de
+bienfaisance, donnée par l'Aéronautique-Club de France. Départ de 10
+ballons montés.--Le Ier juin, au théâtre des Champs-Elysées,
+représentation de gala au bénéfice de la Société de charité maternelle
+de Paris; le 6 juin, au même théâtre, représentation au profit du
+monument Jules Renard.--Le 7 juin, à la Porte-Saint-Martin,
+représentation de retraite de M. Frédéric Achard.
+
+CONCERTS.--Le 5 juin, à la salle de Géographie (184, boulevard
+Saint-Germain), à 4 heures: concert donné par M. Edouard Risler.--Le 6
+juin, salle des Agriculteurs (8, rue d'Athènes), à 9 heures du soir:
+concert donné par M. Henri Gilles, avec le concours de Mme Emma Eames,
+et de M. Emilio de Gogoza. Mme Eames ne s'est pas fait entendre depuis
+plusieurs années à Paris, et M. Emilio de Gogoza y chantera pour la
+première fois.
+
+SPORTS.--_Courses de chevaux_: le 31 mai, Enghien; le Ier juin,
+Longchamp; le 2, Saint-Cloud; le 3, Saint-Ouen; le 4, le Tremblay; Epsom
+(Derby); le 5, Longchamp; le 6, Maisons-Laffitte; Epsom (the Oaks); le
+7, Auteuil.--_Aviation_: le 1er juin, à l'aérodrome de Port-Aviation, à
+Juvisy: match Garros-Audemars.--_Boxe_: au Nouveau-Cirque (rue
+Saint-Honoré): championnats du monde de lutte de combat; le 31 mai, à 9
+heures du soir, à la salle des Ingénieurs civils (rue Blanche): assaut
+annuel de la salle Conte; le 1er juin, à l'Exposition universelle de
+Gand: match Carpentier-Bombardier-Wells.--_Lawn-tennis_: à partir du 7
+juin, sur les terrains du Stade français, à Saint-Cloud: championnat du
+monde de tennis.--_Aviron_: le Ier juin, à Juvisy, coupe des nations; la
+Société des Régates rouennaises organise pour le 8 juin des régates
+nationales à l'aviron.--_Cyclisme_: le 8 juin, Paris-Bruxelles.
+
+
+
+LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS
+
+L'HOMME EN ROSE
+
+L' «Homme en rose» n'existe plus. Vainement ce très grand artiste, ce
+fastueux poète de la lumière: Albert Besnard, est allé chercher dans
+l'Inde le prince des féeries hindoues, vêtu de mousselines couleur
+d'aurore et piquées d'or, le rajah des légendes qui vit une existence de
+songe dans les murailles ajourées de ses palais. Les souverains de
+l'Asie anglaise portent aujourd'hui des vestons en laine de Manchester,
+jouent au golf et se font blanchir à Londres. L'homme en rose n'existe
+plus; mais les décors de son ancienne puissance sont toujours debout,
+avec leurs immuables temples, leurs dieux farouches, et les foules
+affamées et fanatisées qui continuent leur agitation délirante dans la
+lumière pourpre de 1'«Inde couleur de sang».
+
+Déjà, lorsque, dans notre numéro de Noël de 1911, nous eûmes la joie de
+reproduire quelques-unes des plus belles pages d'album et des études
+rapportées par Albert Besnard de son voyage, notre confrère Pierre
+Mille, l'un des meilleurs écrivains chroniqueurs et critiques de ce
+temps, sut admirablement dire à notre public ce que fut cette visite du
+somptueux artiste aux Indes. Cette terre de symboles vieux comme le
+monde, Albert Besnard la parcourut presque dans tous les sens, promenant
+ses extases de panthéiste dans le Ceylan bouddhique dont il vit les
+temples d'Anouradhapoura assiégés de fidèles, à Kandy, à Madura, à
+Trichinopoli où des cloches chrétiennes sonnent sur les foules hindoues,
+à Tanjore, à Pondichéry, l'Inde française où les hommes sont plus beaux,
+plus altiers, à Hydérabad on fête et en folie, à Calcutta, aux bords du
+Gange, à Delhi, à Jeypour, à Bombay, enfin. La vie est une fête!...
+s'écriait l'artiste, marchant dans le soleil. La vie, surtout pour lui,
+était une illumination. Et c'est de la rutilante couleur qu'il a fixée
+en ses notes de route (1) en même temps qu'en ses pages d'album.
+L'écrivain ne s'y sépare pas du peintre. Il traduit tout en visions
+plutôt qu'en pensées. «Je suis de ceux qui n'apprennent que par les
+yeux!» écrit-il. Et c'est pour nos yeux surtout qu'il rend sensibles les
+scènes vues: ainsi cette femme qui, enveloppée d'un pagne de soie orange
+tissé d'argent, allonge sur le sol ses bras très purs, cerclés d'or;
+ainsi cet adolescent vêtu de rose, conduisant par les degrés d'un temple
+un éléphant énorme «qui descend et grandit jusqu'à abolir les piliers,
+la voûte»; ainsi cet autre éléphant «obèse, cheminant du pas pressé et
+pourtant mesuré d'un vieil employé allant à ses affaires». L'image fixée
+par la plume est exacte et chante clair et gai comme le croquis, au
+pinceau, de l'album. Les visions, parfois, vous brûlent.
+
+«Tout à l'heure, sur un pont hors de la ville, j'ai vu passer trois
+femmes vêtues de rouge. Sous un ciel presque blanc, le sol flambait, ce
+sol de l'Inde, rose comme la flamme ou rouge comme le sang... Sur la
+tête, ces créatures portaient une cargaison de vases de terre cuite.
+Elles marchaient très vite, du pas souple des figures antiques, avec un
+léger bond du corps en avant qui leur donnaient l'air de voler. Elles
+marchaient très vite, comme des fantômes ignés au travers d'un brasier.»
+
+Albert Besnard écrit comme il peint. Il y a dans son encrier toute la
+magie flamboyante de sa palette.
+
+ALBÉRIC CAHUET.
+
+
+
+L'ARMÉE TOUJOURS PRÊTE
+
+M. Joseph Reinach vient de réunir en volume (2) les études qu'il a
+consacrées aux questions militaires au cours de sa carrière politique,
+longue de plus de trente ans. Vice-président de la commission de l'armée
+à la Chambre, il a pris une part active à tous les débats concernant la
+défense nationale, depuis la discussion de la loi de 1909 sur
+l'artillerie, dont il fut le rapporteur, jusqu'à celle qui occupe
+aujourd'hui le Parlement. Cette oeuvre se signale par son harmonie, son
+unité; on y voit comment un esprit net et pratique, affranchi de toute
+considération étrangère, est conduit logiquement, après avoir accepté le
+service de deux ans, à envisager comme une nécessité le retour à celui
+de trois ans, d'abord pour la cavalerie, puis pour toutes les armes.
+L'augmentation du personnel de l'artillerie, que l'auteur vota il y a
+quatre ans, a contribué, avec l'abaissement de la natalité, à vider les
+unités actives; il fallait donc, pour parer à ce danger, soit réduire le
+nombre de nos corps d'armée, soit prolonger la présence des hommes sous
+les drapeaux. M. J. Reinach, n'ayant pas demandé, il y a six mois, dans
+son discours sur la loi des cadres, qu'on changeât l'organisation de nos
+grandes unités, était fatalement amené à réclamer le service général de
+trois ans. Le projet, assurant la fixité des effectifs, qu'il a élaboré
+avec M. de Montebello, a été adopté par le gouvernement; grâce à lui,
+nous verrons demain l'armée _toujours prête_, malgré les armements
+formidables de nos voisins. R. K.
+
+[Note 1: Que publia le _Figaro_ et qui viennent d'être réunies sous ce
+titre: _l'Homme en rose_, en un volume de la bibliothèque Charpentier,
+Fasquelle, édit.. 3 fr. 50.]
+
+[Note 2: _L'Armée toujours prête._ Édition Berger-Levrault, 3 fr. 50.]
+
+Voir dans _La Petite Illustration_ le compte rendu du _Journal d'une
+femme de cinquante ans_, souvenirs de la marquise de La Tour du
+Pin-Gouvernet, et des autres livres nouveaux.
+
+
+
+L'EXPOSITION D'HORTICULTURE
+
+L'exposition d'horticulture vient de finir. Il semble permis d'affirmer,
+sans paradoxe, que, grâce au mauvais temps des premières semaines de
+mai, les parterres de roses eurent une splendeur exceptionnelle. Le
+soleil est souvent le grand ennemi des exposants: beaucoup de fleurs
+s'épanouissent avant l'heure officielle; celles que des soins spéciaux
+réussissent à retarder se fanent à peine écloses. Le froid humide dont
+nos jardins ont tant souffert pendant quelques semaines, avant les
+grandes chaleurs de la fin du mois, avait été mis habilement à profit
+par nos horticulteurs, et si quelques coloris manquaient d'intensité, la
+fraîcheur des nuances présentait la séduction de la tonalité anglaise.
+
+On a surtout admiré la rose nouvelle, _Madame Edouard Herriot_, qui fit
+sensation à l'exposition internationale d'horticulture de Londres où
+elle obtint la coupe d'or du _Daily Mail_.
+
+Il est assez malaisé de définir exactement la nuance de cette rose
+magnifique qui vient s'ajouter à la série des roses cuivrées obtenues
+par M. Pernet-Ducher, de Lyon. Pour le rédacteur du _Gardener's
+Chronicle_, «la couleur reste évasive. La teinte rose des fleurs
+épanouies est très charmante, les boutons sont d'une riche couleur
+orange-cerise foncé».
+
+Le _Gardener's Magazine_ voit les boutons «de couleur orange-vermillon
+riche ou orange terre cuite; les fleurs entièrement ouvertes sont rose
+foncé fortement teinté de saumon orange».
+
+_The Horticultural advertiser_ trouve la couleur «grandiose, d'un riche
+cuivre rougeâtre avec des teintes saumon et abricot». Enfin, l'obtenteur
+s'exprime ainsi: «Fleur de grandeur et de duplicature moyennes, d'un
+superbe coloris rouge corail nuancé de jaune et de rose de Carthane,
+passant au rouge crevette».
+
+Ces diverses définitions m'ont paru fort discutables, la dernière
+surtout. Cependant, après avoir gémi de mon impuissance à trouver le mot
+juste, j'ai regardé du corail et j'ai constaté que la définition de M.
+Pernet-Ducher est la plus exacte. La nuance de _Madame Edouard Herriot_
+correspond à un corail spécial, un peu orangé, très différent du corail
+rouge ou du corail rose que nous avons généralement dans l'oeil.
+
+A cette rose remarquable, le jury a attribué la coupe de l'Hay, offerte
+par M. Gravereaux.
+
+Une autre nouveauté, _Juliet_, pourrait s'appeler _Caméléon_. Cuivrée le
+matin, rose à midi, violâtre le soir, cette rose, d'une jolie forme,
+passe par divers tons en conservant une fraîcheur de nuance très rare
+chez des fleurs aussi capricieuses.
+
+Les rosiers sarmenteux de M. Nonin, plus beaux que jamais, formaient un
+ensemble décoratif d'une richesse et d'une légèreté déconcertantes.
+_Source d'or_ apporte dans cette famille une jolie couleur jaune, assez
+marquée, que l'on ne possédait pas encore; _Excelsa_, plus cramoisie que
+_Crimson Rambler_, est moins resplendissante. Dans les polyantha nains,
+signalons _Georges Elger_, blanc à coeur jaune.
+
+A côté des roses, on voyait les traditionnels gloxinias, les fulgurants
+bégonias, et toute la série des fleurs connues, parmi lesquelles M.
+Cayeux faisait revivre la _Clarkia elegans_, délicieuse papilionacée de
+couleur orangée, à laquelle on ne saurait comparer l'antique et terne
+_Clarkia pulchella_.
+
+ *
+ * *
+
+Il y eut aussi un concours de bouquets réservé aux femmes du monde. La
+plupart des concurrentes surent, en peu de temps, garnir agréablement
+les vases mis à leur disposition; mais ce furent de simples ébauches.
+
+On ne saurait, paraît-il, demander davantage aux «amateurs». Jusqu'ici,
+on pensait que, pour faire un bouquet, il suffit d'avoir des fleurs et
+tant soit peu de goût. La noble dame, dissimulée sous le pseudonyme de
+Clairoix, nous apprend dans _l'Art du bouquet_ (Laveur) qu'il est encore
+nécessaire de connaître les théories des Japonais, maîtres incontestés
+en la matière; pour guider notre ignorance, elle formule, d'après
+Sin-Kiou-Shin, philosophe de l'antiquité, quelques styles en honneur au
+pays de Mme Chrysanthème.
+
+Etudions les principes subtils du Shin no Hana, du Rikkwa, du Sangi, du
+Shitsu, du Zi, et nous saurons disposer en gerbes élégantes, voire
+savantes et expressives, les plantes et les fleurs que nous traitions
+naguère avec trop de désinvolture.
+
+«Des silhouettes et des taches», telle est l'idée maîtresse dans la
+décoration florale au Japon. Ajoutez à cela la beauté de nos fleurs, et,
+n'en déplaise à l'auteur de ce petit livre joliment conçu, la grâce
+maniérée ou la fantaisie d'une femme de goût, et vous aurez un bouquet
+parfait.
+
+L'auteur nous donne de précieuses indications sur l'art d'adapter la
+forme et la couleur des vases à la forme et à la couleur des branches,
+fleuries ou non. Voici quelques exemples cueillis au hasard:
+
+Iris mauves, feuillages d'érable negundo blanc, deux feuilles de fougère
+mâle;
+
+Un pavot rouge pourpre, quelques branches de cytises jaunes, une ou deux
+branches d'iris mauve pâle en bouton; vase de cristal assez bas;
+
+Une pivoine en arbre, rose vif; une branche d'érable japonais pourpre,
+une petite branche souple de cornouiller vert à fleurs blanches;
+
+Dans un grand cornet de Delft bleu, un mélange de lilas de Perse de
+nuance très délicate et d'épine-vinette pourpre à fleurs jaunes;
+
+Dans un vase petit, en poterie verte commune: deux grappes de sorbier,
+quatre ou cinq scabieuses pourpres violettes;
+
+Dans un vase en faïence, bleu et blanc: quelques branches de saule.
+
+De judicieuses remarques sur l'harmonie des couleurs, quelques recettes
+pour conserver les fleurs coupées, ajoutent à l'intérêt pratique d'un
+ouvrage fort habilement illustré et que les femmes élégantes, ayant des
+loisirs, des fleurs et des arbres, auront plaisir à consulter.
+
+F. HONORÉ.
+
+
+
+LE DRAME DE MADRID
+
+Une lugubre affaire, encore incomplètement éclaircie, et qui rappelle,
+par sa mystérieuse horreur, les contes les plus angoissants d'Edgar Poe,
+passionne en ce moment Madrid, où son sinistre héros, le capitaine
+Manuel Sanchez Lopez, chef du personnel à l'École de guerre, était fort
+connu.
+
+Le 24 avril dernier, on constatait la disparition d'un joueur de
+profession, nommé Rafaël Garcia Jalon, et, deux jours après, on
+apprenait qu'une jeune fille avait tenté de toucher à la caisse de son
+cercle un jeton de 5.000 pesetas que Jalon y avait pris, en recommandant
+de ne le changer qu'à lui-même. Une rapide enquête permit d'établir que
+cette jeune fille était Marie-Louise Sanchez; elle fut aussitôt arrêtée,
+puis relâchée, devant ses dénégations et celles de son père. Sur ces
+entrefaites, une perquisition, opérée au domicile du capitaine, à
+l'École de guerre, amena la découverte, dans les égouts, de lambeaux de
+chair humaine. Au cours des recherches, on remarqua, au fond d'une
+chambre de débarras de l'appartement, une cloison qui semblait
+nouvellement replâtrée; quelques coups de pioche mirent à jour une
+cachette où gisaient des os brisés, des vêtements que l'on reconnut pour
+être ceux de Jalon, et les instruments ayant servi à dépecer le cadavre.
+Ces funèbres débris furent portés dans la cour du manège attenant.
+
+En même temps qu'on appréhendait Sanchez et sa fille, on jetait en
+prison un caporal et trois soldats, convaincus de complicité. Depuis,
+Marie-Louise Sanchez a avoué le crime et accusé formellement son père, à
+qui l'enquête impute d'autres forfaits plus anciens, et qui, malgré des
+charges accablantes, continue à protester de son innocence.
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+LA T. S. F. ENTRE PARIS ET WASHINGTON.
+
+Une note du commandant Ferrié, présentée à l'Académie des sciences nous
+apprend que le poste de T. S. F. de la tour Eiffel a «causé» plusieurs
+fois avec le poste de Washington. Ce dernier possède une antenne en
+nappe portée par un mât de 200 mètres de hauteur et deux mâts de 150
+mètres; il utilise une force d'environ 90 chevaux. Le poste de Paris
+dispose de 80 chevaux.
+
+La distance à vol d'oiseau entre les deux stations dépasse 6.000
+kilomètres. Or, les postes étrangers qui disposent d'une puissance
+double ou triple ne sont guère entendus, de façon normale, qu'à une
+distance d'à peu près 4.000 kilomètres.
+
+Remarquons que ces conversations ont été échangées de façon assez
+suivie. Elles seront reprises, dès qu'on aura arrêté le programme des
+observations astronomiques à faire sur les deux continents pour
+déterminer au moyen de la T. S. F. (par la méthode des coïncidences que
+nous avons jadis expliquée), la différence de longitude entre Paris et
+Washington.
+
+Ce record magnifique prouve, une fois de plus et de façon péremptoire,
+la supériorité, systématiquement contestée, du poste de la tour Eiffel;
+il permet de supputer les résultats que l'on obtiendra le jour où le
+poste disposera d'une force plus grande, si le Parlement se décide à
+voter les crédits nécessaires pour l'établissement du réseau
+intercolonial. Le projet sommeille depuis un an dans les cartons de la
+commission du budget à la grande joie, sans doute, du ministre des
+Postes et Télégraphes de la Grande-Bretagne qui, récemment, s'exprimait
+ainsi devant la Chambre des Communes:
+
+«Le premier occupant en télégraphie sans fil sera le maître du trafic,
+il convient donc de se hâter afin d'établir de grandes stations de
+télégraphie sans fil dans toutes les colonies anglaises, avant que les
+colonies françaises en soient munies.»
+
+UN DEUIL DE L'AVIATION FRANÇAISE EN COCHINCHINE.
+
+De Saïgon, où la mort de l'aviateur Georges Verminck, tombé, le 7 avril,
+à Mytho, au cours d'un périlleux atterrissage on vol «piqué», a été
+vivement déplorée, nous arrive aujourd'hui l'écho de l'impression
+profonde causée, dans la colonie française, comme dans les milieux
+indigènes, par cette fin tragique.
+
+Les belles randonnées qu'il avait exécutées pendant un séjour de deux
+mois, notamment de Saïgon à Pnompenh, de Saïgon au cap Saint-Jacques, et
+de Saïgon à Bienhoa, avaient rendu Georges Verminck unanimement
+sympathique, et l'on peut dire, populaire en Cochinchine, où il
+assurait, avec son frère Charles et son camarade Marc Pourpe, le
+prestige de l'aviation française: aussi ses funérailles, auxquelles
+assistèrent de nombreux Annamites, eurent-elles un caractère de grande
+solennité. «Elles furent célébrées à la cathédrale de Saïgon, nous écrit
+un témoin attristé de la cérémonie, M. Richard, en présence d'une foule
+considérable. Après l'absoute, que Mgr Mossard avait tenu à donner, le
+cortège, précédé par la musique du 11e régiment d'infanterie coloniale,
+se dirigea vers le cimetière, où plusieurs discours furent prononcés.
+
+Mais le témoignage le plus touchant du deuil ressenti dans la population
+indigène nous est apporté par une pièce de vers annamite, commençant
+ainsi: «Verminck, malheureux Verminck! En quelques minutes, dix ans
+d'efforts sont anéantis. Richesse, honneurs, existence même, tout
+t'abandonne sans espoir! Lorsqu'ils contemplent les nuages, les hommes
+de Cochinchine te regrettent. Lorsqu'ils entendent le vent, les hommes
+d'Europe te pleurent!» Et cette émouvante lamentation, ce thrène à la
+manière antique, qui n'est pas dépourvu de valeur littéraire, se termine
+par ces deux vers: «O ciel, pourquoi anéantir ainsi un héros? Le fer, la
+pierre même s'irritent de ce malheur immérité.»
+
+LE CLOÎTRE DE SAINT-MICHEL DE CUXA.
+
+Nous avons signalé, dans notre numéro du 17 mai dernier, la vente à un
+sculpteur américain, M. Gray-Barnard, du cloître de Saint-Michel de Cuxa
+(Pyrénées-Orientales), menacé d'exil. Depuis la publication de notre
+article, le sort de ces vieilles et vénérables pierres a subi de
+nombreuses vicissitudes, dont nous informe M. J.-R. de Brousse.
+
+L'acquéreur, M. Gray-Barnard, est allé trouver M. Léon Bérard,
+sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, et lui a dit qu'il abandonnait
+son achat, et faisait don du cloître à la France. Mais, aussitôt cette
+nouvelle répandue dans la presse méridionale, il est revenu sur sa
+décision. Puis, changeant à nouveau d'avis, et reprenant son généreux
+projet, il a avisé M. Bérard «qu'il offrait le cloître à la ville de
+Prades, à condition que les dépenses par lui engagées pour l'enlèvement
+dudit cloître lui soient remboursées.»
+
+UNE HORLOGE INATTENDUE.
+
+La ville de Hameln, située dans la province de Hanovre, au confluent de
+la Hamel et de la Weser, est célèbre par la légende du charmeur de rats
+dont la maison constitue la principale curiosité de l'endroit. On y
+fabrique des étoffes de soie, de laine et de coton, on y pêche des
+saumons.
+
+[Illustration: Cadeau offert par la ville de Hameln à la princesse
+Victoria-Louise.]
+
+Les habitants de l'industrieuse cité, désireux d'offrir à la fille du
+kaiser un cadeau de mariage original, ont imaginé un modèle de pendule
+qu'on dirait conçu par le vieux Silène pour honorer Bacchus. Nos
+lecteurs sauront apprécier à sa valeur ce chef-d'oeuvre de l'horlogerie
+allemande où le goût germanique s'épanouit avec une ampleur vraiment
+«kolossale».
+
+[Illustration: Dans la cour du manège de l'École supérieure de guerre, à
+Madrid, la police examine les ossements de la victime du capitaine
+Sanchez Lopez, extraits de la cachette (qu'on voit au coin supérieur
+gauche) où l'assassin les avait emmurés.--_Phot, Alfonso_.]
+
+[Illustration: Dîner offert par le prince de Liéven, chef d'état-major
+de la marine impériale russe, et par la princesse de Liéven au
+vice-amiral Le Bris, chef d'état-major de la marine française, et aux
+officiers du croiseur-école _Jeanne-d'Arc_.--_Phot. Bulla._]
+
+LA MARINE FRANÇAISE EN RUSSIE
+
+Le vice-amiral Le Bris, chef d'état-major général de la marine, vient de
+se rendre à Saint-Pétersbourg. C'est une de ces visites grâce auxquelles
+les chefs de l'armée russe et de l'armée française, depuis la signature,
+en 1892, de la convention militaire qui unit les deux pays, demeurent en
+contact effectif et se mettent d'accord sur les mesures à adopter en vue
+de telles ou telles éventualités. Le dernier voyage de ce genre fut
+celui qu'effectua, l'an dernier, l'amiral prince de Liéven, chef
+d'état-major de la marine impériale, et qui eut pour principal résultat
+la signature d'une convention navale franco-russe.
+
+Le vice-amiral Le Bris a trouvé à Saint-Pétersbourg, dans tous les
+cercles officiels, l'accueil le plus cordial, comme déraison.
+L'empereur, à peine de retour de Berlin, où il avait assisté au mariage
+de la princesse Victoria-Louise, donnait aussitôt audience au chef
+d'état-major général de la marine française et aux officiers qui
+l'accompagnaient, ainsi qu'au capitaine de vaisseau Grasset, commandant
+du croiseur école _Jeanne-d'Arc_, en ce moment à Cronstadt, et les
+comblait de distinctions. En leur honneur, des réceptions superbes ont
+été organisées, notamment à l'ambassade de France, où M. Delcassé avait
+invité avec eux le président du Conseil, M. Kokovtzov, les ministres des
+Affaires étrangères, de la Guerre, de la Marine, chez le prince de
+Liéven, où les officiers français purent apprécier la toute gracieuse
+hospitalité de la princesse de Liéven; enfin, un déjeuner d'adieu,
+extrêmement brillant, a été donné, mercredi, à bord de la
+_Jeanne-d'Arc_.
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+_Marie-Magdeleine_, la belle oeuvre de M. Maurice Maeterlinck,
+représentée pour la première fois à Nice en mars dernier, et que nous
+allons publier dans un de nos prochains numéros, vient de retrouver, sur
+la scène du Châtelet, le grand succès qui l'accueillit naguère. Son
+action, ramassée et vivante, se développe en trois actes pour lesquels
+M. Maxime Dethomas a composé des décors dont la sobriété somptueuse
+s'accorde à merveille au style incisif et coloré de l'oeuvre. C'est
+l'aventure de Marie de Magdala, courtisane, que la curiosité porta sur
+les pas du Nazaréen et qui ne s'en détacha plus. Cette oeuvre, d'une
+haute tenue littéraire, est d'une grande vérité humaine. Le paganisme et
+la chrétienté y opposent leurs philosophies différentes. Et quelle
+atmosphère troublée et troublante! Le mystère s'y renforce de réalisme.
+La résurrection de Lazare, si puissamment matérialisée, est un des
+moments les plus pathétiques de ce drame émouvant. Mme Georgette
+Leblanc-Maeterlinck, aux belles lignes souples et sinueuses, a
+magnifiquement incarné Marie-Magdeleine sous ses deux aspects, d'abord
+celui de la courtisane vaniteuse, cruelle et lascive, puis celui de la
+pécheresse repentie, si touchante d'humilité et de résignation.
+
+Il y a près d'un siècle que Chateaubriand écrivit le _Moïse_ dont
+l'Odéon vient d'offrir en spectacle à ses abonnés la tardive «première
+représentation». Le sujet de cette tragédie est assez simple: un fils
+d'Aaron s'est épris d'une Amalécite; l'étrangère le pousse à renier le
+Dieu d'Israël; mais Moïse, chargé des tables de la Loi, redescend
+opportunément du Sinaï pour empêcher l'abjuration. Le public a manifesté
+plus de respect que d'enthousiasme pour cette oeuvre haute, froide,
+claire, d'inspiration apparemment racinienne et d'une humanité sans
+doute un peu conventionnelle. La forme en est supérieure au fond. Elle
+abonde en beaux vers sonores que de dévoués artistes ont fait applaudir.
+
+[Illustration: Mme Georgette Leblanc-Maeterlinck au second et au
+troisième acte de _Marie-Magdeleine_. _Phot. Gerschel._]
+
+
+
+_Ce numéro est complété par quatre pages non brochées: LA SCULPTURE AU
+SALON._
+
+
+
+MON VOISIN DE TABLE D'HOTE, par Henriot.
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 ***
+
+***** This file should be named 38842-8.txt or 38842-8.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/8/8/4/38842/
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/38842-8.zip b/38842-8.zip
new file mode 100644
index 0000000..70c4629
--- /dev/null
+++ b/38842-8.zip
Binary files differ
diff --git a/38842-h.zip b/38842-h.zip
new file mode 100644
index 0000000..903de32
--- /dev/null
+++ b/38842-h.zip
Binary files differ
diff --git a/38842-h/38842-h.htm b/38842-h/38842-h.htm
new file mode 100644
index 0000000..760ec3a
--- /dev/null
+++ b/38842-h/38842-h.htm
@@ -0,0 +1,2351 @@
+<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN">
+<html>
+<head>
+ <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=ISO-8859-1">
+ <title>The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913 by Various</title>
+
+<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg">
+
+<style type="text/css">
+
+
+body {margin-left: 10%; margin-right: 10%}
+
+h1,h2,h3,h4,h5,h6 {text-align: center;}
+p {text-align: justify}
+blockquote {text-align: justify}
+
+hr {width: 50%; text-align: center}
+hr.full {width: 100%}
+hr.short {width: 10%; text-align: center}
+
+.note {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%}
+.footnote {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%}
+.side {padding-left: 10px; font-weight: bold; font-size: 75%;
+ float: right; margin-left: 10px; border-left: thin dashed; width: 80px; text-indent: 0px; font-style: italic; text-align: left}
+
+.sc {font-variant: small-caps}
+.lef {float: left}
+.mid {text-align: center}
+.rig {float: right}
+.sml {font-size: 10pt}
+.overl {font-size: 10pt; text-decoration: overline; text-align: center}
+.cont {width: 650px}
+.somm {float: left; width: 300px; font-size: 10pt; padding: 1em}
+.suppl {color: #5A5047; background-color: #EEE2CA }
+
+
+span.pagenum {font-size: 70%; left: 91%; right: 1%; position: absolute}
+span.linenum {font-size: 70%; right: 91%; left: 1%; position: absolute}
+
+.poem {margin-bottom: 1em; margin-left: 10%; margin-right: 10%;
+ text-align: left}
+.poem .stanza {margin: 1em 0em}
+.poem .stanza.i {margin: 1em 0em; font-style: italic;}
+.poem p {padding-left: 3em; margin: 0px; text-indent: -3em}
+.poem p.i2 {margin-left: 1em}
+.poem p.i4 {margin-left: 2em}
+.poem p.i6 {margin-left: 3em}
+.poem p.i8 {margin-left: 4em}
+.poem p.i10 {margin-left: 5em}
+.poem p.i12 {margin-left: 6em}
+.poem p.i14 {margin-left: 7em}
+.poem p.i16 {margin-left: 8em}
+.poem p.i18 {margin-left: 9em}
+.poem p.i20 {margin-left: 10em}
+.poem p.i30 {margin-left: 15em}
+
+
+
+</style>
+</head>
+<body>
+
+
+<pre>
+
+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: February 12, 2012 [EBook #38842]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+<p>L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<div class="sml">
+<p>Ce numéro contient:<br>
+
+lº LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre nº 9: <span class="sc">L'Habit vert</span>, de MM.
+Robert de Fiers et G.-A. de Caillavet;<br>
+
+2° Quatre pages non brochées: <span class="sc">La Sculpture au Salon de 1913</span>;<br>
+
+3° <span class="sc">Un Supplément économique et financier</span> de deux pages.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>UN BRAVE PARMI LES BRAVES Achille Delannoy, patron du
+canot de sauvetage de Calais, décoré de la Légion d'honneur le 25 mai.</b>
+<i>Voir l'article, page 503.</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>LES JARDINS</h4>
+
+<p>Il est fort à la mode en ce moment de se bouleverser des jardins. On ne
+parle que d'eux, des dangers qu'ils courent, de leur gloire, de leur
+beauté, de l'art qui doit régir leur composition. Ils obtiennent chaque
+jour des amis, des défenseurs et des apôtres nouveaux, et plus d'un
+citadin profane qui, en se couchant, ne se doutait pas de ce que c'était
+qu'une plate-bande, se réveille à la rosée du lendemain avec une âme
+jardinière.</p>
+
+<p>Bien que j'en éprouve une joie sans malice, je suis un peu étonné que
+l'on semble s'aviser seulement à cette heure des indispensables jardins,
+de leur importance et de leur nécessité. Comme, depuis que le monde est
+monde, ils couvrent sur la terre une bonne moitié du sol, si ce n'est
+plus, ils méritent aussi de tenir dans notre existence intellectuelle et
+sentimentale une place qui ne sera jamais trop grande. Ne sont-ils pas
+l'embellissement naturel d'une destinée au même degré que d'un site? Ils
+ont été faits et voulus pour accompagner un esprit et clore, sans
+l'emprisonner, un coeur, autant que pour agrémenter une maison ou
+entourer un château. C'est la ceinture végétale de notre nudité. Nous
+avons besoin de jardins pour nous promener dans les idées et dans les
+sentiments, et vivre loin d'eux est funeste à qui désire une bonne
+respiration morale. Aussi ai-je toujours été curieux, avant de faire la
+connaissance de quelqu'un, de savoir si, au moins, «son appartement
+intérieur» <i>donnait sur des jardins</i>, car c'est l'essentiel, la vraie
+vue qu'il convient de posséder pour goûter, dans sa plénitude, le charme
+pur et profond de la vie. Tout le monde n'a pas la chance ou le
+privilège d'ouvrir ses fenêtres sur des arbres et des gazons, mais tout
+le monde peut aimer les jardins, et grâce à cet amour, voir se dérouler
+des tapis d'un vert éternel, et se balancer une branche et neiger des
+roses...</p>
+
+<p>Si nous étions plus adroits et moins ingrats, si nous gardions bien le
+simple souvenir de tous les jardins qui nous ont passé par les yeux, qui
+ont une minute été toucher notre âme et que nous n'avons pas su retenir,
+quel vaste et délicieux domaine n'aurions-nous pas pour errer aux heures
+d'isolement?... car il va de soi qu'au figuré comme au réel, après le
+suprême et incomparable bonheur d'être deux dans la complicité du
+jardin, le plus doux est d'y être seul. Qui de vous, dites-moi, même
+jeune, et quel que soit son âge, n'a déjà en soi et derrière soi, tout
+un mémento de bosquets, de grandes allées, de petits chemins, de
+berceaux, d'ombrages tremblants et de vives fleurs? Qui de nous ne
+pourrait, s'il lui en venait le caprice, écrire «Mes jardins»,
+l'histoire de ses jardins dont il nous conterait qu'il fut le captif
+volontaire, le Silvio Pellico tendrement ravi?</p>
+
+<p>Premiers et vagues jardins de la trébuchante enfance, au milieu
+desquels, un jour, nous fûmes tout à coup révélés à nous-mêmes, où notre
+bout de nez plongé dans une fleur, nous avons soudain senti et respiré
+le parfum spécial de notre existence qui nous montait au front et se
+répandait en nous pour nous obséder toujours... Jardins de plus tard, où
+nous marchons et regardons alors sans le secours de personne, jardinet
+clos de murs croulants chez une vieille tante en province, carré de
+légumes et de pâquerettes, de gueules-de-loup et de pensées blanches qui
+me semblait une immensité à perte de vue... au delà de laquelle
+j'imaginais de merveilleux pays, qui était pour moi le vestibule fleuri
+de l'univers.</p>
+
+<p>Et puis ce sont les Tuileries à cerceaux et à ballons du commencement de
+ma jeunesse, les Tuileries dont je percevais déjà, sans l'approfondir ni
+pouvoir l'exprimer, l'altière et mélancolique grâce, la noblesse un peu
+triste. C 'est là que, pour la première fois, dans une langoureuse
+ivresse, vous m'avez arrêté, déesses de pierre, faunes engainés,
+graciles coureurs à tête ronde lancés en avant sur la pointe d'un orteil
+brisé, avec un pigeon sur le poignet dé votre bras tendu... C'est là que
+j'ai appris les vastes arbres centenaires qui superposent leurs rameaux
+pleins des murmures du passé, les fleurs qui font de beaux dessins, le
+jet d'eau royal, sceptre liquide qui secoue des pierreries dans l'air et
+asperge de diamants l'aile des oiseaux... et vous aussi chaises aux
+pailles arrachées, chaises rustiques à la Rousseau, groupées par
+endroits dans le creux ménagé au bas d'un gros tronc noir, pour y faire
+cuvette aux jours d'arrosage. Il y en avait toujours une de renversée, à
+l'écart, comme si elle s'était battue avec les autres et qu'elle n'eût
+pas été la plus forte. Elle me faisait penser à la Révolution et je n'ai
+jamais pu la regarder ainsi à terre sans me représenter un des Suisses
+du 10 août, étendu sur le dos dans le jardin, où des coups de fusil
+perdus font tomber des feuilles...</p>
+
+<p>... Retraites ombreuses du Luxembourg qui sentiez si bon les matins et
+les soirs du temps où j'aspirais l'odeur des premières convoitises...</p>
+
+<p>Et je n'ai pas parlé, avant, des chers jardins des maisons familiales,
+des jardins de vacances où l'on a joué dans une innocente ardeur avec
+d'adorables petites filles que l'on s'est souvenu plus tard d'avoir
+aimées, sans le savoir, dont les bras nus égratignés par les épines, et
+les cheveux flottants où restait une feuille morte, vous repassent
+devant la pensée, trente ans après, dans des allées où on ne court plus.</p>
+
+<p>C'était l'époque aussi des jardins de pensionnat où l'on se mettait si
+promptement en nage et où l'on buvait, en manches de chemise, à la
+pompe, l'eau la plus fraîche qui jamais vous coulera le long du cou,...
+des jardins de l'Abbaye où l'on avait une soeur «dans la classe bleue».</p>
+
+<p>Et puis on s'est lancé bientôt dans les routes qui vont loin... on a
+élargi ses promenades, on a pris des voitures et des trains, et on a
+successivement connu, les uns après les autres, les grands jardins
+réservés dont les noms vous terrassent quand on les prononce... Une
+fois, dix, vingt fois et plus, on a visité, sans jamais les connaître et
+les posséder complètement, ces villes de verdure, ces capitales de la
+flore, de la perspective et du point de vue, ces prises d'horizon, ces
+captations de lumière, d'ombre, d'espace et d'eau qui s'appellent avec
+tant de solennelle majesté Versailles, Saint-Cloud, Chantilly,
+Compiègne, Fontainebleau... on a vu les jardins de la Loire, ceux des
+ruines et ceux des châteaux, des anciennes terres princières... les
+jardins blasonnés qui paraissent, eux aussi, descendre des croisades, et
+dont les traditionnelles beautés de race, respectées et transmises,
+montrent des roideurs héraldiques, des ordonnances d'écusson. Chaque
+parterre est un <i>quartier</i>. Ah! les jardins, les jardins!... Que ce mot
+prononcé, traîné, lentement, un peu bas, d'une voix qui désire et
+soupire et qui prend le ton de la volupté, que ce mot suffit donc à
+propager en nous une indicible extase! Avez-vous pensé jamais au séjour
+affreux que serait la terre, inhabitable sans les jardins? Et sans eux
+que serait aussi tout ce qui vient du coeur? Que seraient l'amitié, la
+tendresse, l'amour...? l'amour dont ils sont le pays indiqué, le suave
+domaine et le bleu décor, la chambre à ciel ouvert? On ne peut faire un
+pas en dehors de soi sans trouver la petite porte battante ou la grille
+du jardin, sans entrer dans un jardin... Nous sommes entourés par les
+masses de verdures de ce mot touffu, magique et prodigieux.</p>
+
+<p>Si nous voulons aller du côté sentimental, aussi bien dans le passé que
+dans le présent, nous ne rencontrons que des souvenirs de jardin...
+C'est au jardin que nous avons été nous cacher et nous réfugier
+haletants, échappés de nous-mêmes, pour mener un jeu, rêver, écouter
+chanter notre âme par la voix du rossignol, dire tout haut des vers qui
+nous étourdissaient, et guetter une robe, cueillir une main, ou pleurer,
+le front sur un arbre auquel on racontait sa peine...</p>
+
+<p>Et, si nous voulons aller vers l'art, nous sommes tenus de passer à tout
+instant par des jardins... jardins de Breughel et de Léonard, de Cranach
+et du Poussin, jardins des Primitifs, qui ne perdent pas un pouce de la
+fenêtre où ils viennent si gentiment se serrer et s'encadrer, jardins
+des tableaux du grand siècle qui paraissent dessinés à la Vauban,
+jardins de Watteau, d'Hubert Robert et de Fragonard,... et combien
+d'autres!</p>
+
+<p>Irons-nous à l'histoire? Elle est pleine aussi de jardins... qui
+feraient un livre au titre embaumé... jardins de Cléopâtre et de
+Sémiramis... petits jardins et préaux fleuris des temps gothiques,
+jardins magnifiques et somptueux de la Renaissance, jardins de Philippe
+II et de François Ier, du cardinal d'Amboise et de Richelieu, de Louis
+XIV et du Régent, de Marie-Antoinette et de la du Barry... jardins
+d'Espagne, jardins d'Italie, jardins d'Orient... jardins mystiques de la
+foi, ceux des couvents, du cloître et du missel, des marges de
+l'antiphonaire... Et jardin sévère de Jésus-Christ... jardin sans fleurs
+des Oliviers...</p>
+
+<p>Les jardins sont partout... partout... Il faudrait plus d'un an pour les
+énumérer. Ils couvrent le passé, le présent, l'avenir... ce monde-ci et
+l'autre... Car sans oser rien préjuger du mystère futur... on peut dire
+avec certitude et sans se tromper, que le paradis <i>sera un jardin...</i>
+Plus beau que ceux d'en bas et les surpassant tous, il en rappellera
+cependant un peu, pour notre récompense, les humaines délices... Et si
+des fleurs insoupçonnées nous attendent aux divins bosquets, du moins
+celles de la terre, je le pense, ne seront pas oubliées. Il est
+impossible, sans sacrilège, d'admettre un paradis qui n'aurait pas de
+roses... La Vierge s'y plairait moins...</p>
+
+<p>Et nous y verrons aussi des cyprès, mille fois millénaires, en forme de
+clochers... et des jets d'eau montant toujours, toujours... et de grands
+papillons à tête d'archange, d'un bleu tout nouveau... bleu d'éternité.<br>
+
+<span class="sc"><span class="rig">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<h3>UN BRAVE: LE PATRON DELANNOY</h3>
+
+<p>La Société centrale de Sauvetage des naufragés tenait, dimanche dernier,
+dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, son assemblée générale, sous
+la présidence de M. Georges Pallain, gouverneur de la Banque de France,
+remplaçant M. l'amiral Duperré, légèrement indisposé. Le président de la
+République y était représenté par le lieutenant-colonel Aldebert, le
+ministre de la Marine par le vice-amiral de Jonquières.</p>
+
+<p>A cette émouvante fête annuelle, la fête de l'héroïsme, une assistance
+nombreuse se pressait, vibrante, frissonnante à chaque instant au récit
+des exploits que lui narrait d'une voix chaleureuse, dans un rapport
+impressionnant, M. Busson-Billault, ancien bâtonnier de l'ordre des
+avocats, administrateur de la Société.</p>
+
+<p>Le premier héros qu'il nomma est François-Achille Delannoy, patron du
+canot de sauvetage de Calais. Un vrai brave, on peut l'affirmer, sous
+une solide étoffe; une âme sans peur dans un corps d'athlète. Dans sa
+carrière de sauveteur, commencée voilà quarante-deux ans, il a arraché
+aux flots, à la mort, <i>cent quatre-vingt-seize</i> personnes, des marins
+comme lui, des compatriotes quelquefois, des frères, et aussi des
+Anglais, des Norvégiens, des Italiens, des Eusses... Quelle nation du
+monde n'est pas redevable à ce vaillant d'avoir conservé quelqu'un de
+ses fils?</p>
+
+<p>En sa faveur, la Société centrale, depuis qu'elle le distingua, en 1871,
+a épuisé toutes les récompenses dont elle dispose. Elle a dû, cette
+année, recourir au gouvernement et solliciter de lui la consécration
+suprême. Elle eut la joie de l'obtenir: le président accrocha sur le
+chandail de laine bleue du marin, tout scintillant déjà de vingt-sept
+médailles et décorations diverses, et où les rubans mêlaient toutes les
+couleurs de l'arc-en-ciel, la croix de la Légion d'honneur. Delannoy
+reçut les larmes aux yeux la double accolade de M. Georges Pallain et de
+l'amiral de Jonquières. Un tonnerre de bravos roula sous l'immense
+plafond, et se prolongea longuement, jusqu'à l'instant où le nouveau
+chevalier rejoignit sa place et tomba dans les bras de sa fidèle
+compagne, en blanche coiffe boulonnaise, qui l'étreignait à plein coeur.</p>
+
+<p>Après Delannoy, ce furent dix, vingt autres, dont le plus jeune n'a pas
+quinze ans, et dont on ne sait lequel admirer le plus. Ce sont Riou,
+Jégou, Cloarec, rudes Bretons qui, à eux trois, dans la tempête du 30
+septembre, sauvèrent cinquante-six personnes; c'est Leprêtre, de
+Gravelines, qui pour avoir, par une nuit sinistre, sauvé avec ses
+camarades du bateau de sauvetage, huit hommes sur une barque en
+perdition--une épave, déjà--reçoit la médaille d'or de l'amiral de
+Jonquières; c'est Hougard, de la Turballe, c'est le capitaine Casanova,
+des Messageries Maritimes, qui, le 20 juin, sauve et recueille les <i>cinq
+cent trente-neuf</i> marins et passagers du navire allemand <i>Queula</i>,--et
+voilà pourquoi le comte Perponcher représente sur l'estrade
+l'ambassadeur d'Allemagne. Car tous ces gens, Delannoy en tête, on l'a
+vu, sont, eux aussi, internationalistes, comme se proclamaient nombre de
+ceux qui, à la même heure, manifestaient en d'autres lieux contre la loi
+de trois ans, au nom des grands principes. Seulement, leur manière est
+différente, par bonheur.</p>
+
+<p>La cérémonie se termina par la présentation du «challenge de
+l'héroïsme», créé par notre confrère le <i>Matin</i>, dédié <i>Aux marins
+sauveteurs de France pour glorifier l'héroïsme français</i>. C'est un
+magnifique objet d'art, oeuvre des frères Falize, qui a été attribué,
+pour la première fois, aux marins de Saint-Guénolé-Kérity, Riou, Jégou,
+Cloarec et leurs camarades du bateau de sauvetage, et qui va orner, un
+an, le beau phare d'Eckmühl, à Penmarch.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LE BOURGMESTRE LÉGIONNAIRE</h3>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. Paul Tromel, bourgmestre<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;d'Usedom, soldat de 2e classe<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;à la légion (2e rég. étranger).</b></p>
+
+<p>Le cas de ce bourgmestre allemand qui, il y a quelques semaines,
+s'engagea dans notre légion étrangère, a déjà fait couler beaucoup
+d'encre. Les journaux quotidiens ont raconté comment M. Paul Tromel,
+bourgmestre d'Usedom, après avoir assisté, le 28 mars dernier, à une
+séance du conseil d'arrondissement de Swinemunde, se rendit à Berlin,
+d'où il écrivit à son adjoint d'Usedom de vouloir bien se charger des
+affaires courantes. Puis, il quitta l'Allemagne et l'on perdit sa trace
+jusqu'au jour où l'on apprit que, sous le nom de Funze, M. Tromel avait
+contracté un engagement dans la légion étrangère. Là-dessus, les
+feuilles allemandes ne manquèrent point cette occasion de renouveler
+leurs coutumières attaques contre notre légion, et le cas de M. Tromel
+donna lieu aux plus fantaisistes versions.</p>
+
+<p>On affirmait, notamment, que le bourgmestre d'Usedom avait été «racolé»
+à Paris et dirigé sur la légion en même temps qu'un autre Allemand
+originaire de Tilsitt. Celui-ci se serait évadé à Marseille, mais Tromel
+n'aurait pas osé suivre cet exemple. Cependant, il aurait prié le
+déserteur d'agir pour lui en Allemagne. Et là-dessus, toute la presse
+pangermaniste de mener grand train.</p>
+
+<p>Or, il est résulté des premières informations précises reçues de Saïda,
+où tient actuellement garnison le soldat de 2e classe du 2e étranger
+Paul Tromel, que ce dernier, non seulement s'était engagé à la légion
+dans toute la lucidité de son esprit, mais encore qu'il assurait s'y
+trouver parfaitement bien et ne demandait qu'à continuer la vie qu'il
+s'y était faite. Ce qui était confirmé par une déclaration écrite dudit
+Paul Tromel, déclaration datée du 16 mai dernier, et dont nous
+reproduisons plus bas le fac-similé. Enfin, ces derniers jours, les
+journaux allemands voulaient bien annoncer eux-mêmes que l'adjoint
+d'Usedom venait de recevoir de Tromel une carte postale illustrée
+portant ces mots:</p>
+
+<p><i>«Je vous adresse en signe de vie mes salutations. Je supporte très bien
+le service. Je pense souvent à vous. Mille choses pour vous et votre
+famille. De votre: Paul Tromel.</i></p>
+
+<p>Donc, il apparaît bien que l'incident est clos. Le nom du bourgmestre
+d'Usedom allonge simplement la liste de ceux de ses compatriotes qui ont
+voulu, comme lui, changer leur destinée et vivre, dans notre légion, la
+vie militaire française, dont, apparemment, on ne leur avait point dit
+que du mal.</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002c.png"><br><b>
+Autographe de la déclaration écrite et signée,<br>
+à Saïda, le 16 mai dernier, par M. Paul Tromel.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<h3>A LA MÉMOIRE DE NOS SOLDATS</h3>
+
+<h4>INDIGÈNES D'ALGÉRIE</h4>
+
+<p>Sous les auspices du «Souvenir français», et grâce à l'heureuse
+initiative d'un officier du 4e tirailleurs, le capitaine Mennetrier, un
+monument vient d'être élevé, au cimetière musulman de Bône, à la mémoire
+des soldats indigènes morts au service de la France. C'est une blanche
+«Koubba» de style mauresque, décorée de faïences; à l'intérieur, se
+dresse un mausolée, dont la stèle porte une inscription en arabe rédigée
+par un «thaleb», suivant le rite coranique.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Monument élevé, au cimetière<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;musulman de Bône, à la mémoire<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;des soldats indigènes morts<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;pour la France.</b></p>
+
+<p>Ce monument, conforme à la tradition musulmane, est le premier qui, sur
+la terre d'Afrique, soit consacré aux héros de notre armée algérienne
+tombés au champ d'honneur. L'hommage qui leur est ainsi officiellement
+rendu ne pouvait manquer de toucher les populations indigènes: aussi la
+cérémonie d'inauguration a-t-elle été pour elles l'occasion d'une
+manifestation de loyalisme, qu'elles ont tenu à rendre d'autant plus
+éclatante que, quelques jours auparavant, nos commissions de recrutement
+avaient procédé, dans la région même, aux opérations de la conscription.</p>
+
+<p>Devant la Koubba, de nombreux discours furent prononcés. Parlant au nom
+du «Souvenir français», M. Délaye indiqua qu' «au moment où nous faisons
+un plus large appel aux soldats indigènes de notre Afrique du Nord, il
+était nécessaire de montrer à nos sujets musulmans que la France se
+souvient et sait honorer la mémoire de tous ceux qui meurent pour elle».
+M. Bulliod, représentant la municipalité de Bône, évoqua, avant M.
+Laromer, président de la Société des «Vétérans de 1870-1871», les fastes
+glorieux de nos troupes algériennes. Puis M. Mardassi Brahim, notable
+musulman, dans une belle allocution patriotique, proposa à ses jeunes
+coreligionnaires l'exemple de Saïd ben Béchir, ce «turco» du 3e
+tirailleurs qui s'illustra à la défense de Bazeilles. Et, enfin, M.
+Chérif-Cheikh, conseiller municipal et président du comité du monument,
+fit noblement valoir que, si nos soldats indigènes sont, par eux-mêmes,
+courageux et prêts à tous les sacrifices, ils doivent aux officiers
+français qui les conduisent et qui leur apprennent à se battre de former
+une irrésistible élite.</p>
+<br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br><b>LE MARIAGE DE LA FILLE DE GUILLAUME II.--Dîner de gala
+dans la Salle Blanche du château royal de Berlin.<br> A gauche, de bas en
+haut: la princesse impériale (femme du kronprinz), le duc de Cumberland,
+la reine Marie d'Angleterre, l'empereur d'Allemagne, la duchesse de
+Cumberland (cachée par un valet), le prince impérial d'Allemagne; à
+droite, de bas en haut: la princesse Cécile Henri de Prusse, le roi
+d'Angleterre, l'impératrice d'Allemagne, le fiancé (prince Ernest de
+Cumberland), la fiancée (princesse Victoria-Louise), l'empereur de
+Russie, la grande-duchesse de Bade, etc.</b><br>--<i>Dessin de J. MATANIA, envoyé
+spécial à Berlin du journal illustré anglais</i>, The Sphere.</p>
+
+<p>Le mariage civil et religieux de la princesse Victoria-Louise, fille de
+l'empereur Guillaume II, avec le prince Ernest-Auguste de Cumberland,
+due de Brunswick-Lunebourg, fils du duo de Cumberland, chef de la maison
+dépossédée de Hanovre, a été célébré en grande pompe, le samedi 24 mai,
+au château royal de Berlin. Les souverains anglais et le tsar, venus
+exprès dans la capitale allemande, assistèrent aux diverses cérémonies
+en même temps que cinquante grands-ducs, grandes-duchesses et princes de
+maisons régnantes. Notre gravure donne une vision du fastueux dîner qui,
+dans la Salle Blanche du palais, réunit, le 22 mai au soir, ces hôtes
+augustes autour des jeunes fiancés dont l'union symbolisait la
+réconciliation des Guelfes et des Hohenzollern. On annonce, en effet,
+déjà, que, d'ici à peu de mois, le jeune prince Ernest-Auguste, le mari
+de la fille du kaiser, sera remis en possession de tous les droits de sa
+famille sur le duché de Brunswick qu'administre actuellement et
+provisoirement une régence.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>East river, les docks et le pont de Brooklyn.</b></p>
+
+<h3>NEW-YORK ENTREVU PAR UN BARBARE D'ORIENT</h3>
+
+<p class="mid">Copyright by Pierre Loti, 1913.</p>
+
+<p>Samedi, 21 septembre 1912.</p>
+
+<p>Le jour se lève. L'hélice du paquebot qui m'amène a ralenti son
+tournoiement fébrile: évidemment nous arrivons, nous sommes devant
+New-York.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;La statue de la Liberté.</b></p>
+
+<p>Et, comme par un pressentiment qu'une grande chose extraordinaire va
+passer, j'ouvre la fenêtre de ma cabine. En effet, là-bas, en face, une
+sorte de colosse de Rhodes, une femme exaltée se dresse sur le ciel, le
+bras tendu dans un geste magnifique. Sans l'avoir jamais vue, je la
+reconnais, il va sans dire: la statue de la Liberté, qui veille à
+l'entrée de l'Hudson. Elle est haute comme une tour. Les pluies et les
+vents lui ont déjà donné la patine vert-de-gris des antiques déesses de
+l'Égypte. Sur un piédestal en pierres roses, aussi grand qu'une
+citadelle, elle surgit, pâlement verdâtre, dans le brouillard du matin
+et dans les fumées que le soleil dore. Elle est superbement symbolique
+et terrible. On dirait qu'elle fait à l'univers entier des signes
+d'appel; on dirait qu'elle crie: «Hurrah! C'est ici la porte! Hurrah!
+Entrez tous dans la fournaise! Jetez-vous tête baissée dans le gouffre
+des affaires, du bruit, de l'agitation et de l'or!»</p>
+
+<p>Et le voici qui s'ouvre devant nous, ce gouffre quasi infernal. Jadis,
+ce n'était que l'entrée d'une large rivière, entre des roseaux et des
+arbres. Aujourd'hui c'est quelque chose qui, pour mes yeux épris
+d'Orient et de lignes pures, tient du cauchemar, mais arrive quand même
+à une sorte de beauté tragique, par l'excès même de l'horreur. Mille
+<span class="rig"><img alt="" src="images/004c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Les toits de New-York.</b></span>
+tuyaux crachent des fumées noires ou des vapeurs en tourbillons blancs,
+qui se mêlent, qui s'enroulent, qui embrouillent l'horizon comme sous
+des sarabandes de nuages. Le long des deux rives, à perte de vue,
+s'alignent les docks couverts, qui sont de gigantesques carcasses toutes
+pareilles, en ferraille couleur de deuil. Partout des inscriptions
+accrocheuses s'étalent en lettres de dix mètres de haut, les unes
+blanches ou rouges sur les fonds noirs, les autres aériennes soutenues
+par des charpentes d'acier. On est assourdi par des sifflets stridents,
+des plaintes gémissantes de sirènes, des grondements de moteurs, des
+fracas d'usines. Et, au-dessus de tout cela que tant de fumées
+enveloppent, plus haut, plus haut, comme des géants poussés trop vite et
+trop efflanqués, des géants qui allongeraient démesurément le cou pour
+mieux voir, les gratte-ciel surgissent effarants et invraisemblables,
+les uns carrés, les autres pointus, les gratte-ciel à trente, quarante
+ou cinquante étages, surveillant ce pandémonium par leurs myriades de
+fenêtres...</p>
+
+
+
+<p>Ah! on vient me réclamer ma «feuille d'entrée», un questionnaire que
+chacun doit remplir avant d'être admis à poser le pied sur le sol
+d'Amérique. Moi qui avais oublié! En hâte je griffonne mes réponses. Un
+peu stupéfiantes, les questions: «Etes-vous anarchiste? Etes-vous
+polygame? N'êtes-vous pas idiot? N'avez-vous jamais donné de signes
+d'aliénation mentale? Possédez-vous plus de cinquante dollars de
+patrimoine? Combien de condamnations avez-vous subies? etc..» De telles
+précautions témoignent du juste souci qu'ont les Américains de ne pas
+admettre chez eux les hôtes «non désirables» (undesirables),--et nous
+devrions bien en faire autant à Tunis, pour les émigrants que nous
+envoie chaque jour l'Italie.--C'est égal, ce formulaire suranné est un
+peu naïf, car si l'on était idiot ou maboul, il est probable qu'on n'en
+conviendrait pas, surtout par écrit.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Les passerelles du Métropolitain.</b></p>
+
+<p>Deux ou trois heures plus tard, après d'interminables formalités de
+douane et des batailles sur les docks contre des journalistes armés de
+kodaks, je me trouve enfin au centre de New-York, confortablement
+installé et très haut perché dans un hôtel à je ne sais combien
+d'étages, où fonctionnent de prodigieux ascenseurs. Je domine de mes
+fenêtres la plupart des bâtisses d'alentour, où tout est rouge, d'un
+rouge sombre tirant sur le chocolat. Murs de briques rouges. Toits en
+terrasses, sans tuiles bien entendu, mais couverts de je ne sais quel
+«imperméable» peint en rouge,--et ce sont des promenoirs pour les
+habitants, leurs chiens et leurs chats; des messieurs en bras de chemise
+(car il fait très chaud, une chaleur mouillée de Gulf-Stream) y lisent
+les journaux à dix pages, des ménagères y battent leurs tapis ou bien y
+font sécher leurs lessives. Au-dessus des toits, un peu partout,
+s'élancent des charpentes en fer pour soutenir en plein ciel les grandes
+lettres des affiches-réclames, ou bien pour élever, comme à bout de
+bras, les énormes tonneaux peints en rouge qui contiennent les
+provisions d'eau en cas d'incendie. Trop de choses en l'air, vraiment,
+trop de ferrailles, trop d'écritures zigzaguant sur les nuages. Et çà et
+là, auprès ou au loin, des gratte-ciel se dressent isolés--sortes de
+maisons-asperges, pourrait-on dire--qui font mine d'épier avec
+indiscrétion tout ce qui se passe alentour. D'en bas m'arrive un
+continuel vacarme; en plus des autos comme à Paris, c'est le
+Métropolitain qui fonctionne sur de bruyantes passerelles en fer, à
+hauteur de premier ou de deuxième étage; sans trêve, les trains se
+poursuivent ou se croisent. Et il y en a d'autres en dessous, qu'on
+entend rouler comme des ouragans dans les profondeurs du sol. C'est la
+ville de la trépidation et de la vitesse! Regardés de mes hautes
+fenêtres, les passants me semblent tout écrasés et courtauds. Les
+femmes, avec la mode actuelle, disparaissent sous leur chapeau trop
+large, ressemblent à un disque où des plumets s'agitent. Et, au milieu
+de ces gens empressés qui cheminent le long des trottoirs, de tous
+petits êtres décrivent des courbes folles: des «enfants à roulettes»
+qui, déjà pris d'une frénésie d'aller vite, font du skating éperdument
+sur l'asphalte.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>Broadway.</b></p>
+
+<p>Quatre heures, le moment où j'avais fait dire à des journalistes que je
+les recevrais. Et il m'en arrive un, puis deux, puis dix, puis vingt,
+puis trente!... Tous ont l'abord courtois et cordial, et bien volontiers
+je leur tends la main. Mais où donc les mettre? Mon salon n'a plus assez
+de chaises; qu'on ouvre ma chambre à coucher, on en fera asseoir sur mon
+lit; pour les occuper, qu'on leur offre des cigarettes!</p>
+
+<p>Et je suis sur le banc des accusés, au milieu de tout ce monde. Un seul
+parle français et traduit aux autres mes paroles ahuries, qui sont
+aussitôt notées sur des carnets. «Qu'est-ce qu'il a dit? Qu'est-ce qu'il
+a dit?» Je n'aurais jamais cru que mes réparties, généralement ineptes,
+pourraient être si précieuses.</p>
+
+<p>--«Mon cher maître, voulez-vous d'abord nous exposer ce que vous pensez
+des femmes américaines.»</p>
+
+<p>--«Moi! Mais rien encore: je n'ai pas eu le temps de sortir, je n'en ai
+vu qu'une seule, une femme de chambre rencontrée dans l'ascenseur, et
+c'était une négresse!»</p>
+
+<p>--«Bien. Écrivez: M. Pierre Loti diffère son jugement et demande à
+réfléchir.»</p>
+
+<p>A l'instant même, en voici deux qui font leur entrée, deux Américaines,
+demoiselles journalistes, le kodak au cran de sûreté. Elles ont l'air
+intelligent, éveillé, gracieux et d'ailleurs très comme il faut. Je les
+fais asseoir à mes côtés; l'une d'elles s'excuse d'être encore en tenue
+de voyage: c'est qu'elle arrive à peine du Congo, où elle était allée
+chasser le rhinocéros... Et l'interrogatoire continue. La littérature,
+l'hygiène, la politique, la religion et l'économie sociale, tout y
+passe. Quelle haute idée ont-ils donc de mon omnicompétence, pour
+enregistrer avec tant de soin mes plates réponses:</p>
+
+<p>--«Mon cher maître, êtes-vous d'avis que la convention de Genève
+autorisera l'emploi des aéroplanes militaires? Mon cher maître,
+êtes-vous partisan de la castration pour les assassins, qu'un de nos
+philanthropes vient de proposer?»</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/005c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Foule du samedi, à 5 heures de l'après-midi.</b></p>
+
+<p>Les deux gentilles misses parlent français. Leurs questions
+particulières s'entre-croisent avec celles de l'interprète général. Et
+bientôt c'est le plus étourdissant des coq-à-l'âne, où se heurtent la
+réélection de M. Fallières, les suffragettes, la castration des
+assassins, la représentation proportionnelle et les randonnées du
+rhinocéros. Que va-t-il sortir de ce tohu-bohu, et quel effet d'ensemble
+cela donnera-t-il, en imprimé, dans les journaux de cette nuit?...</p>
+
+<p>Mais j'avais pensé que ce serait assommant, et au contraire! C'est
+d'ailleurs si nouveau pour moi, qui, en France, ne reçois jamais un
+reporter, c'est si imprévu, si drôle, et ils ont si bonne grâce, que
+vraiment je m'amuse. Quand ils sont tous partis, les grandes lettres que
+j'aperçois par mes fenêtres, les grandes lettres dans le ciel,
+commencent à éclairer le brumeux et lourd crépuscule, chaque inscription
+prenant feu d'un seul coup, l'une en rouge, l'autre en bleu, l'autre en
+vert; ce sont des réclames lumineuses et clignotantes; New-York en est
+couvert et on m'a bien recommandé d'aller le soir admirer dans les rues
+cette féerie quotidienne.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>New-York le soir, vu de Brooklyn.</b></p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/006b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Un gigantesque panneau-réclame: course de chars<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;romains surmontant une maison.</b></p>
+
+<p>A neuf heures donc, je descends me mêler à la foule, sur les larges
+trottoirs de Broadway. Malgré les costumes parisiens des femmes, malgré
+les «complets» et les horribles «melons» pareils aux nôtres, ce n'est
+pas la foule de Paris; les allures ont je ne sais quoi de plus décidé,
+de plus volontaire, de plus excentrique aussi. Et quel méli-mélo de
+toutes les races! On reconnaît au passage des Japonais, des Chinois
+tondus à l'européenne, des Grecs, des Levantins, des Scandinaves aux
+cheveux pâles.--Quelqu'un du pays me disait ce soir: «New-York n'est pas
+encore tout à fait l'Amérique, il n'en est plutôt que le seuil, où
+s'arrêtent d'abord en débarquant les foules disparates qui nous viennent
+d'Europe. A la seconde génération, quand tous ces gens se sont mêlés,
+croisés, nous voyons naître alors de vrais Américains qui ont une
+cohésion parfaite et l'amour de leur patrie nouvelle, vérifiant la
+devise «<i>e pluribus unum</i>». Ceux-là se fixent plus volontiers dans nos
+villes de l'intérieur, où il faut aller pour se sentir vraiment aux
+Etats-Unis, et voir la race entreprenante et forte, rajeunie comme un
+arbre taillé, qui résulte du mariage de toutes ces énergies.»--Beaucoup
+de femmes élégantes, sur les trottoirs de Broadway, et beaucoup de très
+belles, du moins quand elles ne sont pas crûment éclaboussées par de
+<span class="lef"><img alt="" src="images/006c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Des gratte-ciel.</b></span>
+
+blêmes soleils électriques leur donnant des teints de cadavres; mais
+trop de négresses, en vérité; à chaque instant, sous quelque grand
+chapeau garni de roses, passe une figure toute noire. Les opulentes
+boutiques, les étalages derrière d'immenses glaces, sont comme le long
+de nos boulevards. Mais l'électricité qui ruisselle ici, qui règne en
+souveraine, est mille fois plus agressive que chez nous; il semble que
+tout vibre et crépite sous l'influence de ces courants innombrables,
+dispensateurs de la force et de la lumière; on est comme électrisé
+soi-même et un peu frémissant. Mon Dieu, que de bruit dans Broadway!
+Presque sans trêve, il faut se résoudre à entendre courir en vertige
+au-dessus de sa tête, sur les vibrantes passerelles de ferraille, des
+files de wagons-monstres, bondés de monde et étincelants de feux. En
+revenant d'ici, Paris va me sembler une bonne vieille petite ville
+arriérée et calme, aux maisonnettes basses; d'ailleurs aucune de ses
+illuminations du 14 juillet n'approche des fantasmagories qui, les soirs
+quelconques, se jouent à New-York. Partout des lumières multicolores,
+qui changent et scintillent, formant et déformant des lettres; elles
+dégringolent en cascade du haut en bas des maisons, ou traversent les
+voies comme des banderoles tendues. Mais c'est en l'air surtout qu'il
+faut regarder--malgré le fracas souterrain des trains express qui vous
+feraient baisser instinctivement les yeux vers le sol--c'est en l'air,
+au faîte des extravagantes bâtisses, au-dessus des toits; là sont les
+réclames lumineuses, qui remuent par des trucs nouveaux, les visions qui
+dansent. Un marchand de je ne sais quoi a surmonté sa boutique d'une
+course de chars romains où l'on voit des chevaux gigantesques agiter
+avec frénésie leurs pattes de feu. Un marchand de parapluies a érigé une
+bonne femme qui gesticule avec son ombrelle ouverte. Un marchand de
+mercerie exhibe un énorme chat, tout en feu jaune, qui dévide un peloton
+de feu rouge et s'entortille avec le fil. Un marchand de brosses à
+dents, le plus cocasse de tous, fait gigoter dans le ciel un diablotin
+qui roule des prunelles de feu vert, en brandissant de chaque main une
+brosse de 10 mètres de long... Vite, vite, les apparitions se dessinent,
+se démènent, s'effacent, reviennent, vite, si vite que le regard se
+trouble à les suivre. Et de temps à autre, au bout d'un gratte-ciel non
+éclairé, qui montait invisible dans l'atmosphère de brume et de fumée,
+quelque affiche géante, que l'on dirait suspendue comme une
+constellation, éclate en feu rouge, vous martèle un nom dans l'esprit,
+et se hâte de s'éteindre. Tout cela, pour ma mentalité d'Oriental, est
+déroulant et même un peu diabolique; mais c'est si drôle et en même
+temps si ingénieux, que je m'amuse et presque j'admire...</p>
+
+<p>Dimanche, 22 septembre.</p>
+
+<p>Ce que je vais raconter de ma première nuit de New-York fera sourire les
+Américains; aussi bien est-ce dans ce but que je l'écris. Dans un livre
+du merveilleux Rudyard Kipling, je me rappelle avoir lu les épouvantas
+du sauvage Mowgli la première fois qu'il coucha dans une cabane close:
+l'impression de sentir un <i>toit</i> au-dessus de sa tête lui devint bientôt
+si intolérable, qu'il fut obligé d'aller s'étendre dehors à la belle
+étoile. Eh! bien, j'ai presque subi cette nuit une petite angoisse
+analogue,--et c'étaient les gratte-ciel, c'étaient les grandes
+lettres-réclames au-dessus de moi, c'étaient les grands tonneaux rouges
+montés sur leurs échasses de fonte; trop de choses en l'air, vraiment,
+pas assez de calme là-haut. Et puis, ces six millions d'êtres humains
+tassés alentour, ce foisonnement de monde, cette <i>superposition</i> à
+outrance oppressaient mon sommeil. Oh! les gratte-ciel, déformés et
+allongés en rêve! Un en particulier (celui du trust des caoutchoucs, si
+je ne m'abuse), un qui surgit là très proche, un tout en marbre qui doit
+être d'un poids à faire frémir! Il m'écrasait comme une surcharge, et
+parfois quelque hallucination me le montrait incliné et croulant...</p>
+
+
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Un coin de Central Park.</b></p>
+
+<p>C'est dimanche aujourd'hui; le matin se lève dans une brume lourde et
+moite; il fera une des chaudes journées de cette saison automnale qu'on
+appelle ici «<i>l'été indien</i>». Sur New-York pèse la torpeur des
+dimanches anglais et, dans les avenues, les voitures électriques ont
+consenti une trêve d'agitation. Rien à faire, les théâtres chôment et
+demain seulement je pourrai commencer à suivre les répétitions du drame
+qui m'a amené en Amérique. Mais dans le voisinage, tout près, il y a
+Central Park, que j'aperçois par ma fenêtre, avec ses arbres déjà
+effeuillés; j'irai donc là, chercher un peu d'air et de paix.</p>
+
+<p>Central Park est comme un bois de Boulogne ouvert en pleine ville, avec
+des allées pour les cavaliers, des allées pour les autos, d'immenses
+prairies pour le football, et des recoins presque solitaires pour les
+idylles.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>Un promeneur et un écureuil dans Central Park.</b></p>
+
+<p>Les feuillages sont les mêmes qu'en France, mais flétris par un plus
+précoce automne, après un été plus brûlant. Çà et là des blocs de
+rochers noirs se lèvent, comme s'ils avaient crevé les pelouses, et
+c'est le sol même de New-York qui reparaît à nu, ce sol dur et homogène
+qui a favorisé la hardiesse des maisons à trente ou quarante étages,
+écrasantes de lourdeur. Le parc est tellement grand que parfois on se
+croirait en pleine campagne, si toujours un ou deux gratte-ciel dans le
+lointain n'élevaient au-dessus de la cime des arbres leurs têtes
+indiscrètes, semblables à des maisons chimériques du pays de Gulliver...
+Les gens élégants doivent avoir fui la ville, car je ne rencontre
+aujourd'hui que des petits bourgeois endimanchés, des «enfants à
+roulettes», d'austères vieilles misses à lorgnon qui doivent être des
+institutrices. Et solitairement je vais m'asseoir au bord d'une allée.</p>
+
+<p>A peine suis-je là qu'un bruit très léger me fait tourner la tête. A
+côté de moi, sur mon banc, un amour de petit écureuil gris vient de
+bondir, et il me regarde en faisant le beau, debout sur son
+arrière-train, relevant sa belle queue de chat angora... Oh! en voici un
+second, plus hardi encore» qui saute sur mes genoux! J'en aperçois aussi
+qui courent sur l'herbe ou qui jouent dans les branches.--Et c'est une
+des choses gracieuses et touchantes de New-York, cette tribu de petits
+êtres libres qui a pris possession de Central Park et que tout le monde
+protège; on leur bâtit des maisonnettes de poupée sur les arbres, les
+promeneurs leur apportent des bonbons et des graines qu'ils viennent
+manger à la main; rien ne les effraie plus, ni le galop des cavaliers,
+ni le bruit de ces «enfants à roulettes», aussi gentils et effrontés
+qu'eux-mêmes, qui font du skating sur l'asphalte de tous les sentiers.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/007c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;L'armée du Salut.</b></p>
+
+<p>Le déclin du jour amène pour moi d'intolérables mélancolies dans ce parc
+d'automne, au milieu de cet humble petit monde du dimanche, qui est si
+hétéroclite et qui m'est si inconnu; au-dessus des bosquets d'ombre, les
+lointains gratte-ciel, rougis à la pointe par le soleil couchant, me
+donnent une impression d'exil que je n'avais jamais éprouvée, même en
+plein désert; les écureuils gris, par précaution contre les chats qui
+vont bientôt rôder, remontent dans leurs maisonnettes suspendues; le
+crépuscule commence à m'étreindre, et j'ai envie de m'enfuir vers les
+rues plus animées où je coudoierai plus de monde. Je ne sais si déjà je
+m'américanise, mais je sens ce soir qu'il me faut du mouvement et du
+bruit.</p>
+
+
+
+<p>Dans les quartiers qui entourent le parc, toutes ces hautes maisons, que
+de richesses elles étalent et quel luxe dominateur! C'est presque trop;
+la proportion, la mesure manquent un peu. Les entrées où veillent des
+mulâtres galonnés, sont de marbre ou de porphyre, avec des colonnades
+grecques, byzantines ou gothiques, avec de lourdes et somptueuses
+grilles en bronze ou en fer forgé qui feraient honneur à nos
+cathédrales. Et tout cela vient de surgir presque en un jour! C'est
+humiliant en vérité pour notre vieille Europe qui a mis des siècles à
+bâtir ses villes célèbres et n'a jamais eu assez d'or pour faire aussi
+beau. Mais, à tant de luxe, quelque chose manque, quelque chose que l'on
+ne définit pas, et qui est peut-être tout simplement l'âme d'un passé...</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Neuf heures, et nuit brumeuse. Quand je suis accoudé à ma haute fenêtre,
+avant de redescendre me plonger dans la fantasmagorie des rues, une
+sérénade tout à fait burlesque éclate sans préambule, en bas, sur un
+trottoir de Broadway. Des voix d'hommes hurlent ensemble une sorte de
+cantiques de guerre, accompagné à l'unisson par des trombones et des
+cors de chasse. Qu'est-ce que c'est que ce charivari, mon Dieu?--Ah!
+l'armée du Salut! Un bataillon qui est venu se poster là pour tâcher de
+sauver au passage les égarés du dimanche soir s'acheminant vers les
+bouges de l'alcool. Eh! bien, après la première minute de stupeur et de
+sourire, on oublie le ridicule de cela pour céder à une impression
+plutôt grave. Dans cette ville où trépident nuit et jour les
+transactions et les affaires, il y a donc place encore pour le vieux
+rêve religieux qui berça les hommes pendant des siècles. Ce rêve, il est
+vrai, a pris une forme délirante, tapageuse, effrénée, ici où tout est
+neuf et excessif; mais on le sent là, bien vivant quand même, derrière
+cette musique de maison de fous. Et on ne sourit plus.</p>
+
+<p>Copyright. Droits réservés.</p>
+
+<p>PIERRE LOTI.</p>
+
+<p>--<i>A suivre</i>.--</p>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007d.png"><br></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007e.png"><br><b>Au Bois, le matin: les jolies rencontres du photographe.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007f.png"><br><b>MAI PARISIEN.--Robes et chapeaux printaniers: la mode vue
+aux dernières réunions de Longchamp.--<i>Phot. de Givenchy et Agié.</i></b></p>
+
+<p>C'est toujours au Bois, le matin, et, l'après-midi, aux Courses, qu'il
+faut aller chercher les visions très diverses de luxe et de grâce
+féminine dont le mois de mai parisien compose son attrait particulier.
+Les hasards d'une promenade dans les allées du Bois ont favorisé le
+photographe; il en a rapporté trois instantanés qui, par bonne fortune,
+forment des tableautins de genre achevés. Et il a pu surprendre, aux
+réunions de Longchamp, toutes les variétés des élégances printanières,
+encore timides et hésitantes jusqu'au dernier meeting où elles
+s'affirmèrent sans réserve. Les images que nous avons rapprochées ici,
+et celle de la double page qui suit, donneront un aperçu des modes de
+cette saison, que marque le triomphe incontesté du petit chapeau
+empanaché, abondant en aigrettes et en paradis, et paré de capricieuses
+«fantaisies».</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>ÉLÉGANCES DE LONGCHAMP: LA FOLIE DES AIGRETTES ET DES
+PARADIS</b></p>
+<br><br>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/009a.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le village de Tormery,<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;vu du sommet de la roche<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;menaçante.</b></p>
+
+<h3>L'EXPLOSION DU ROCHER DE TORMERY</h3>
+
+<p>Un des événements de la semaine dernière a été cette explosion du rocher
+de Tormery dont on parlait depuis si longtemps. Il faisait partie
+obligée des curiosités que devait visiter le touriste, venu passer
+quelques jours à Aix-les-Bains ou dans la contrée. On vous conduisait
+jusqu'à la gare de Chignin et l'on vous montrait le rocher.</p>
+
+<p>--Voilà la «Roche Pourrie», disait le guide, et au-dessous le village de
+Tormery qu'elle écrasera un de ces jours.</p>
+
+<p>Et, de fait, il y avait lieu de redouter un cataclysme, car cette énorme
+masse, de 9.000 mètres cubes, semblait suspendue au-dessus des soixante
+et quelques maisons habitées par les braves cultivateurs savoyards. Un
+premier avertissement avait été donné le 14 août 1903. A 7 heures du
+soir, deux blocs de 400 mètres environ s'étaient détachés de la «Roche
+Pourrie», comme l'avaient baptisée les paysans, à cause de sa
+désagrégation lente, mais progressive. Ces blocs, par bonheur, étaient
+tombés dans la plaine et n'avaient atteint personne. Ils s'étaient
+contentés d'écraser deux celliers inoccupés, dont, après la chute, il
+n'était plus resté trace.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/009b.png"><br><b>
+Les échafaudages dressés pour le<br>
+percement des 237 trous de mine.</b></p>
+
+<p>Allait-il donc, dans un temps plus ou moins long, en être de même du
+village? C'était certain, c'était fatal, si l'on ne prenait au plus vite
+les mesures nécessaires.</p>
+
+<p>L'administration des ponts et chaussées intervint. Elle fit sceller, en
+travers des crevasses, des barres de fer qui permettraient de constater
+le moindre déplacement du rocher. C'était un palliatif momentané et
+insuffisant, parce que le rocher qui repose sur un sol marneux pouvait
+un jour s'abattre d'un seul coup sur Tormery sans avoir bougé
+auparavant.</p>
+
+
+<p>Des démarches nouvelles furent faites de la part des autorités locales,
+maire, conseil municipal, conseil d'arrondissement, conseil général,
+préfet... Les ingénieurs des ponts et chaussées examinèrent sous toutes
+ses faces la «Roche Pourrie» et finirent par tomber d'accord sur ce
+point qu'il fallait la détruire.</p>
+
+<p>Le bloc B (après l'explosion qui a détruit, à droite et à gauche, les
+parties condamnées de la masse rocheuse) est tombé en arrière,
+entraînant des fragments de la partie supérieure, et s'est coincé en A
+dans la crevasse; la partie C de la roche centrale restée en surplomb
+s'est déplacée de 4 centimètres en bas et vers sa droite.</p>
+
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Vue en plan.</b><br>
+
+<img alt="" src="images/009d.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Vue en coupe (suivant d e<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;sur la vue en plan).</b></p>
+
+<p>Mais comment? On ne pouvait pas, bien entendu, faire écrouler le rocher
+sur le village: c'eût été provoquer la catastrophe qu'on voulait éviter.
+Par les moyens ordinaires, c'est-à-dire par des coups de mine
+successifs, on aurait envoyé au loin d'énormes quartiers de roc qui
+auraient broyé tout ce qui se serait trouvé sur leur passage. Il fallait
+au contraire anéantir le rocher, le réduire en parcelles inoffensives,
+et pour cela provoquer, en des points très nombreux et très rapprochés,
+autant d'explosions absolument simultanées. Mais, même en employant
+l'électricité, on ne voyait pas bien la possibilité d'y arriver...
+d'autant plus qu'il fallait éviter tout «ratage», c'est-à-dire toute
+mine n'ayant pas fait explosion et demeurant par suite très dangereuse.</p>
+
+<p>On s'adressa--il y a un an de cela--à la maison Davey, Bickford, Smith
+et Cie, de Rouen, déjà bien connue par son cordeau Bickford qui sert
+dans les mines--et aussi dans les attentats anarchistes --à faire
+exploser un engin, utile ou criminel. Il ne s'agissait pas cette fois du
+cordeau Bickford ordinaire, comme l'ont dit presque tous les journaux,
+mais bien d'un nouveau cordeau détonant au trinitrotoluène, pour lequel
+la maison a pris un brevet spécial et qui détone avec une vitesse de
+6.000 mètres à la seconde, alors que le cordeau ordinaire brûle à raison
+d'un mètre en 90 secondes et ne peut pas exploser.</p>
+
+<p>La vitesse de détonation du nouveau cordeau permet de faire partir
+ensemble un nombre incalculable de mines avec une seule amorce
+électrique mise au moment même où l'on veut produire l'explosion.</p>
+
+<p>Le cordeau est en contact avec toutes les cartouches, car il va au fond
+de chaque trou. Il oblige toutes les cartouches à partir. Plus
+d'accidents consécutifs aux culots, d'explosifs,--terme consacré pour
+désigner l'explosif non parti. En outre, pendant le chargement,
+l'absence d'amorce supprime tout danger.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/009e.png"><br>
+<br>
+<img alt="" src="images/009f.png"><br><b>
+Le chargement à la dynamite des<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;trous de mine et la pose des<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;cordeaux détonants.</b></p>
+
+<p>C'est avec ce cordeau qu'on a exécuté des travaux très difficiles et
+très délicats, comme le déblaiement du tunnel d'Ypres, situé au milieu
+de riches propriétés qu'une secousse trop forte eût pu détériorer, ceux
+de Briddlington (Yorkshire), de Port-de-Bouc, de
+Saint-Jean-de-Maurienne, etc.</p>
+
+<p>La maison Davey, Bickford et Cie envoya un jeune ingénieur, M. Georges
+Dienne, qui examina le rocher. Après une visite minutieuse, il fut
+d'avis qu'on pouvait, sans le moindre danger pour le village, réduire en
+poussière les 9.000 mètres cubes.</p>
+
+<p>Mais M. Reulos, ingénieur des ponts et chaussées, estima que c'était
+exagéré. A son avis, il suffisait d'enlever deux blocs qui se trouvaient
+à droite et à gauche du bloc central et qui, à eux deux, cubaient 2.000
+mètres. Le reste ne serait plus dangereux. On consoliderait le bloc de
+7.000 mètres restant, au moyen d'un mur de soutènement.</p>
+
+<p>N'ayant à s'occuper que de l'exécution des ordres reçus, M. Georges
+Dienne s'inclina. Il prit ses mesures. Ce fut une besogne longue et
+difficile que de percer les 237 trous de mine sur les flancs de ces deux
+blocs. On en jugera par les photographies prises pendant la préparation.</p>
+
+<p>Ces trous de mine furent chargés avec de la dynamite gomme à 92% de
+nitroglycérine. Certains de ces trous dépassaient quatre mètres et demi
+de profondeur et étaient chargés de six kilos de dynamite.</p>
+
+<p>La longueur totale de cordeau détonant, partant de chaque trou pour se
+raccorder au point où fut placée, à la dernière minute, l'amorce
+électrique qui provoqua la détonation générale, était de 1.500 mètres.</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010a.png"><br><b>L'explosion.<br> Près de la cabane, sur le flanc de la
+montagne, à gauche, se tenait, avec ses aides, l'ingénieur chargé de
+déterminer la déflagration; on voit, aux bords de la dentelure de flamme
+et de fumée, que la roche éclatée est projetée dans l'espace en
+cailloutis minuscules.</b></p>
+
+<p>Bien que M. Dienne répondît de tout et affirmât que les maisons de
+Tormery ne ressentiraient même pas une secousse, l'administration crut
+devoir prendre des mesures exceptionnelles de prudence. On donna ordre
+d'évacuer le village et ce fut un spectacle attristant de voir les
+paysans abandonner leurs maisons avec leurs femmes et leurs enfants,
+traînant après eux leurs bestiaux, emportant leurs objets les plus
+précieux, leurs instruments agricoles, etc. Mercredi matin, le maire de
+Chignin, commune d'où dépend Tormery, vint avec les gendarmes et les
+gardes forestiers visiter les maisons une à une pour s'assurer que
+personne n'y était resté.</p>
+
+<p>La nouvelle de cette explosion avait attiré beaucoup de curieux. Il en
+était venu d'Aix-les-Bains, de Chambéry, de Grenoble, de Lyon, de
+Genève. La compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée avait organisé des
+trains spéciaux et la petite gare de Chignin ne s'était jamais trouvée à
+pareille fête. Pour contenir la foule, on avait dû faire venir une
+compagnie de chasseurs alpins. Il fallait à tout prix empêcher les
+curieux d'être victimes de leur imprudence et de recevoir sur la tête un
+des blocs de roches qu'allait infailliblement lancer en l'air
+l'explosion, absolument comme un volcan en éruption.</p>
+
+<p>Quant au village on en avait fait le sacrifice. Il allait,
+vraisemblablement, être enseveli sous les décombres, comme Pompéi et
+Herculanum sous la lave du Vésuve. Le conseil général avait voté une
+somme de 100.000 francs pour indemniser les habitants, obligés de se
+reconstruire un asile un peu plus loin dans la vallée.</p>
+
+<p>Mercredi matin, la foule était là, haletante. On se montrait, en face de
+Tormery, le Granier, cette muraille de 2.000 mètres qui maintient la
+montagne. On se racontait qu'en 1428 une partie de cette montagne
+s'était écroulée, engloutissant vingt-trois localités, dont une ville de
+5.000 habitants, nommée Saint-André, et sur l'emplacement de laquelle se
+trouve actuellement le lac du même nom. On se disait qu'aujourd'hui
+encore, dans la clarté des matins, on peut apercevoir sous les eaux du
+lac, au fond, tout au fond, la pointe du clocher de Saint-André, comme
+dans la baie de Soulac, en Saintonge, on aperçoit à temps calme la ville
+engloutie par la mer.</p>
+
+<p>Dix heures... M. Georges Dienne, après une rapide inspection, réunit ses
+cordeaux et pose le détonateur. On avertit la foule que l'explosion va
+avoir lieu.</p>
+
+<p>Dix heures trente-cinq... une faible flamme, un crépitement, suivi d'un
+bruit semblable à celui des grêlons qui tombent. Ce sont les petits
+fragments du roc qui dégringolent de chaque côté, pas plus gros que les
+graviers qu'on jette dans les allées des parcs... Le village est intact.</p>
+
+<p>--C'est ça l'explosion! s'écrie-t-on dans la foule.</p>
+
+<p>Et, il faut l'avouer à la honte de l'espèce humaine, il y a un immense
+désappointement. On se figurait voir une lueur colossale, des jets de
+feu gigantesques, des blocs énormes projetés à des hauteurs
+incommensurables et retombant sur les toitures du village qu'ils
+auraient broyées comme des fétus de paille... Ce n'était vraiment pas la
+peine de venir de si loin.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/010b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Après l'opération: blocs de roche<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;tombés dans la fissure derrière la<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;masse centrale de roc restant en<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;porte à faux.</b></p>
+
+<p>Si, c'était la peine, parce qu'on a vu la puissance de la science
+actuelle, luttant contre les forces de la nature.</p>
+
+<p>Parmi les habitants aussi, il y en eut quelques-uns qui furent déçus.
+Ils savaient qu'il y avait 100.000 francs destinés à payer les dégâts et
+ils avaient escompté cela, imaginant sans doute qu'au lieu de leur
+vétusté masure on leur donnerait un petit chalet plus moderne, plus
+confortable que la demeure ancestrale si rudimentaire. Mais ils se
+consolèrent vite. N'était-ce pas le bonheur quand même, que de pouvoir
+sans encombre reprendre sa place au foyer et ses habitudes?...</p>
+
+<p>Les deux blocs latéraux sont donc pulvérisés. Le danger est-il
+complètement, définitivement conjuré? Il est à craindre que non.</p>
+
+<p>Le bloc principal, de 7.000 mètres, subsiste. Les terrains qui le
+supportent sont toujours aussi mauvais: c'est de la marne qui
+s'attendrit et se délaie à la pluie...</p>
+
+<p>Il est vrai qu'on va le soutenir par un mur. Mais ce mur, dont la
+construction présentera de grandes difficultés et nécessitera de fortes
+dépenses, pourra-t-il présenter une résistance suffisante? Le terrain
+sur lequel on aura à poser les fondations est-il assez solide? Quelle
+épaisseur faudra-t-il lui donner pour qu'il puisse supporter la poussée
+formidable du rocher?</p>
+
+<p>Les blocs non minés qu'on a voulu garder sur le sommet du rocher et du
+côté de la montagne, pour faire contrepoids, sont tombés dans la
+crevasse qui sépare le rocher de la montagne. Au lieu de soutenir la
+«roche pourrie», ils vont la pousser vers l'avant.</p>
+
+<p>En outre, une partie de ce rocher qui, avant l'explosion, faisait corps
+avec le noyau principal, s'est déplacée de quatre centimètres vers la
+droite du côté nord et est descendue également de quatre centimètres,
+ainsi qu'en font foi les «témoins» posés avant l'explosion et examinés
+après.</p>
+
+<p>Tout cet été il n'y aura rien à craindre. Mais, l'hiver venu, avec les
+pluies, ou bien encore au dégel...?</p>
+
+<p>On fera bien, pendant que la saison est favorable, de construire au plus
+vite le mur de soutènement et d'y apporter tous les perfectionnements
+possibles, dût-on y consacrer les 100.000 francs qu'on destinait à la
+reconstruction du village.</p>
+
+<p>Mais n'eût-il pas été plus simple d'anéantir d'un seul coup tout le
+rocher?<br>
+
+<span class="rig">C. D.</span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011a.png"><br><b>Une représentation de <i>la Fiancée vendue</i> de Smetana sur la vaste scène<br>
+en plein air du Théâtre national de Prague.</b>--Phot. V. Jehticka.</p>
+
+<h3>UN GIGANTESQUE THÉÂTRE DE LA NATURE</h3>
+
+<p>Maintenant que le soleil s'est enfin décidé à rendre au mois de mai sa
+splendeur traditionnelle, les théâtres de la nature ont commencé de
+disposer leurs premiers décors. Les représentations en plein air se
+généralisent de plus en plus et il faut signaler, cette année, la
+gigantesque entreprise du Théâtre national de Prague, qui, dans un décor
+naturel en amphithéâtre, dans la banlieue de la capitale de la Bohême,
+peut mettre en scène, devant 20.000 spectateurs, une prodigieuse
+figuration. Notre photographie a été prise lors de la première
+représentation de <i>la Fiancée vendue</i>, l'opéra de Smetana, qui sera
+interprétée par le même ensemble à Paris, au théâtre des Champs-Elysées.</p>
+
+<h3>UNE FÊTE DES JARDINS OUVRIERS A BICÊTRE</h3>
+
+<p>La Société dos Jardins ouvriers de Paris et de banlieue a été créée en
+1904. Son but est de réunir les concours généreux qui lui permettent de
+prendre en location ou en dépôt des terrains qu'elle attribue ensuite
+moyennant une très faible rétribution à des ouvriers chargés de famille
+et sous la seule obligation de bien cultiver leur petit lot de terre et
+d'y construire une tonnelle-abri.</p>
+
+<p>Cette oeuvre si intéressante a eu des débuts difficiles. Procurer à
+l'ouvrier ou à l'employé de Paris un coin de sol de 100 à 150 mètres
+carrés paraît chose bien chimérique. La société débuta avec cinq jardins
+à Levallois-Perret. Dix autres vinrent s'y ajouter en 1905, prélevés sur
+un terrain de l'Assistance publique, boulevard Brune. A partir de 1906,
+le développement de l'oeuvre fut plus rapide. A sa dernière assemblée
+générale, le 2 février 1913, M. Robert Georges-Picot, le secrétaire
+général, annonçait un total de 36 groupes représentant 1.420 jardins. On
+n'a pas idée de ce qu'il a fallu d'efforts pour amener à la culture et à
+la vie certains terrains de rebut. Les ouvriers ont littéralement pétri
+et formé le sol. Mais aussi avec quelle joie ils vous montrent leurs
+légumes, leurs fleurs et leurs plates-bandes. On peut affirmer que, sur
+un terrain de 100 à 150 mètres, ils obtiennent, en moyenne, 80 francs de
+légumes, sans compter un gain moral qui ne saurait s'apprécier en
+argent. Car ces braves gens organisent entre eux des concours de
+jardinage, des visites de jardins, des fêtes d'enfants, des mutualités
+maternelles. Dimanche, ils se réunissaient joyeusement à Bicêtre où ils
+avaient organisé la représentation en plein air d'une adaptation de la
+légende de Geneviève de Brabant. On avait élevé une petite chèvre pour
+tenir le rôle de la biche. Un aimable juge de paix avait rimé des vers.
+Un artiste de l'Odéon, M. Dutertre, avait dirigé les répétitions qui
+eurent lieu pendant deux mois, le soir, chez l'abbé Lemire. Les
+jardiniers d'Arcueil avaient charrié pour leurs camarades de Bicêtre le
+décor de feuillage, et un millier de spectateurs applaudirent avec
+enthousiasme la grâce douloureuse de Geneviève et la noble allure du
+comte de Brabant.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011b.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;L'abbé Lemire.<br><b>LES THÉÂTRES DE MAI.--Une scène de
+<i>Geneviève de Brabant</i> <br> représentés sur le Théâtre de verdure des Jardins
+ouvriers, à Bicêtre.</b>--<i>Phot. Gimpel,</i></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012.png"><br><b>M. Paul Hervieu. M. PAUL HERVIEU EN ESPAGNE.--L'illustre<br>
+écrivain à la fête champêtre du «Rocio», près de Séville.</b>--<i>Phot.
+Serra.</i></p>
+
+<p>M. Paul Hervieu vient de faire en Espagne un séjour de quelques
+semaines, pendant lequel il a été l'objet des manifestations de
+sympathie les plus flatteuses, pour lui-même et pour les lettres
+françaises. Le maître de la tragédie moderne s'était rendu à Madrid pour
+assister à la première représentation de <i>la Course du Flambeau</i>,
+traduite par un excellent écrivain, M. Carlos de Battle, et interprétée
+par une grande artiste, Mme Carmen Cabena: acclamé par les spectateurs
+du théâtre de la Zarzuela, affablement reçu par le roi Alphonse XIII et
+le ministre de l'Instruction publique, fêté par la société madrilène et
+par ses confrères espagnols, il a vu son voyage se transformer en une
+manière d'ambassade littéraire, qui, nous écrit notre correspondant M.
+J. Causse, «a contribué à fortifier l'oeuvre accomplie, dans le même
+temps, par les diplomates des deux côtés des Pyrénées».</p>
+
+<p>A ces attentions officielles se sont unies, pour charmer son séjour, les
+impressions pittoresques qu'il a rapportées d'une excursion en
+Andalousie. Près de Séville, M. Paul Hervieu et ses compagnons de
+voyage, Mme la baronne de Pierrebourg--en littérature Claude Ferval et
+le comte et la comtesse de Lauris, ont eu l'occasion d'assister à l'une
+des fêtes les plus caractéristiques de l'Espagne. Le pèlerinage
+champêtre de la vierge du «Rocio» (de la Rosée), dont le sanctuaire,
+situé en plein bois, est chaque année, à cette époque, le rendez-vous de
+nombreuses confréries. La famille du grand armateur M. Ramon Ibarra a
+l'habitude de convier gracieusement, dans sa belle propriété de Lopaz,
+les jeunes filles et les jeunes gens de l'aristocratie sévillane, qui,
+vêtus du costume populaire andalou, vont attendre le passage des
+pèlerins, venus à cheval ou'en charrettes décorées de fleurs...
+L'éminent académicien, qui s'était mêlé à eux, n'a pas échappé à
+l'objectif du photographe; et c'est ainsi qu'a pu être pris cet
+instantané imprévu de l'auteur des <i>Tenailles</i> et de <i>la Loi et
+l'Homme</i>.</p>
+<br><br>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/013.png"><br><b>
+LE DÉMAGOGUE M. Jean Jaurès au meeting<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;du Pré-Saint-Gervais.</b></p>
+
+<h3>LES «TROIS ANS» ET LE PARTI SOCIALISTE</h3>
+
+<p>La mise à l'étude du projet de loi rétablissant le service militaire de
+trois ans, la décision prise par le gouvernement, conscient de ses
+responsabilités et soucieux de ses devoirs, de maintenir sous les
+drapeaux la classe libérable à l'automne, tout cela, que la masse du
+pays--et de l'armée--acceptait sagement, a produit parmi les partis
+avancés une effervescence qui n'a rien d'ailleurs d'inattendu, et fourni
+le prétexte de protestations, de propagandes qui ont eu, par malheur,
+une regrettable répercussion dans certains régiments.</p>
+
+<p>Des manifestations, demeurées heureusement isolées, se sont produites,
+la plus grave à Rodez, où un commencement de sédition fut arrêté, dès le
+début, par l'attitude énergique, résolue, du commandant Angelby.</p>
+
+<p>Ces mouvements d'indiscipline ont été réprimés et punis sans faiblesse
+comme sans retard. Des enquêtes, conduites notamment par le général Pau,
+le général Goetschy ont rapidement établi les culpabilités et déterminé
+les nécessaires sanctions.</p>
+
+<p>Mais, de prime abord, les renseignements recueillis par les enquêteurs
+révélaient clairement que les vraies responsabilités remontaient plus
+haut, et que les soldats insubordonnés, avec cette légèreté, cette
+spontanéité qui caractérisent la jeunesse, n'avaient été que trop
+dociles à des suggestions venues du dehors.</p>
+
+<p>«Nous ne sommes pas en présence d'une mutinerie militaire, aurait
+déclaré en rentrant à Paris le général Pau, mais d'un mouvement
+d'origine politique.»</p>
+
+<p>Les socialistes, les membres de la C. G. T. et autres anarchistes
+allaient bien vite fournir eux-mêmes des arguments probants pour
+justifier cette impression,-sans parler des faits précis qui allaient
+être révélés par diverses opérations de police.</p>
+
+<p>Le dimanche 24 mai devait avoir lieu la traditionnelle manifestation au
+«mur des Fédérés», au cimetière du Père-Lachaise. Les socialistes
+décidaient brutalement d'en faire le prétexte d'une manifestation
+hostile au maintien de la classe sous les drapeaux, hostile aux «trois
+ans»,--pour tout dire, nettement antimilitariste. Le gouvernement ne le
+pouvait permettre. Il décida d'interdire cette démonstration, et la
+Chambre l'approuva.</p>
+
+<p>Cependant, respectueux du droit de réunion, il ne songea non plus à
+empêcher les adversaires des mesures militaires de s'assembler,
+dimanche, au Pré-Saint-Gervais, en un meeting de protestation. Il n'eut
+pas à regretter cette tolérance. Tout se passa dans un ordre parfait.</p>
+
+<p>Le temps, d'abord, était radieux et chaud et incitait à la douceur. Une
+foule, que les organisateurs ont évaluée à 120.000 personnes, mais qui
+en comptait 30.000 à 35.000 suivant la préfecture de police, se rendit
+par cette tiède journée au lieu indiqué par des affiches et les journaux
+intransigeants.</p>
+
+<p>Des femmes, des enfants s'étaient mêlés aux manifestants. Des filets
+bourrés de victuailles et de «litres» se voyaient dans les groupes,
+derrière les drapeaux rouges ou noirs roulés dans leurs gaines. On
+saucissonna sur l'herbe, et ce fut une partie de campagne autant qu'un
+meeting. Après quoi, on se réunit autour des tribunes, pour y entendre,
+tour à tour, les quatre-vingt-seize orateurs inscrits! Que d'éloquence
+en une journée!</p>
+
+<p>Il y avait là tous les orateurs écoutés du parti,--ou plutôt des partis,
+M. Jaurès en tête, qui ne fut ni le plus violent ni, partant, le plus
+applaudi. Il y avait encore M. Vaillant, véhément toujours, malgré les
+ans, M. Marcel Sembat, M. Albert Willm. Ils distribuaient la bonne
+parole par petites tables, si l'on peut dire, du haut de sept tribunes,
+sept camions dont le plus entouré était certes celui qu'ombrageait le
+drapeau noir des communistes anarchistes.</p>
+
+<p>Aucun conflit, grâce aux mesures d'ordre habilement prévues par le
+préfet de police, M. Hennion, ne troubla la réunion.</p>
+
+<p>Le lendemain, bien résolu à rechercher toutes les responsabilités dans
+les regrettables incidents dont les casernes ont été le théâtre, le
+gouvernement faisait procéder à une centaine de perquisitions, à
+Paris--notamment à la Confédération Générale du Travail, et à la Bourse
+du Travail--et en province, afin de rechercher les preuves des
+excitations politiques.</p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014a.png"><br><b>Le commandant Mongrand.</b><br>--<i>Phot. Grémion.</i></p>
+
+<h3>L'ATTENTAT D'HANOÏ</h3>
+
+<p>Dans une récente et importante interview publiée par notre confrère le
+<i>Temps</i>, M. le gouverneur général Sarraut a tenu à déclarer que
+l'attentat d'Hanoï, la bombe lancée le 26 avril dernier sur des
+officiers français à la terrasse d'un café local, n'était pas «un crime
+annamite» mais un crime extérieur à l'Indo-Chine, inspiré très
+vraisemblablement par le prince exilé Cuong Dé et exécuté par «la pègre
+internationale d'Asie».</p>
+
+<p>Les journaux quotidiens ont dit, en leur détail, les circonstances de
+cet attentat qui causa une si grande émotion en France. Le samedi 26
+avril 1913, vers 7 h. 1/2 la bombe, éclatant au milieu des consommateurs
+du café de Hanoï-Hôtel, blessait mortellement les commandants Mongrand
+et Chapuis, de l'infanterie coloniale, et atteignait plus ou moins
+grièvement douze autres Français et six indigènes. L'un des morts, le
+commandant Mongrand, qui s'était particulièrement distingué au Soudan où
+il avait été cité pour action d'éclat à la prise du repaire de Kentadji
+sur le Niger, laisse une veuve et quatre enfants. Il achevait sa période
+de séjour en Indo-Chine et, par décision du 24 avril, avait été affecté
+au 4e colonial, à Toulon.</p>
+
+<p>L'une de nos gravures représente le lieu de l'attentat, la devanture du
+café photographiée le lendemain du crime, avec son panneau défoncé et
+ses vitres brisées Le sang des victimes a laissé des traces sur le sol
+et sur l'une des tables.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/014b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;La terrasse du café de Hanoï-Hôtel après l'explosion de<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;la bombe.</b></p>
+
+<p>Quelques jours avant cet événement, une autre bombe avait tué à Thaï
+Binh un mandarin attaché à la cause française. Il n'est résulté de ces
+attentats aucune panique parmi nos compatriotes. Dans la nuit qui a
+suivi le meurtre des officiers, le gouverneur général, M. Sarraut, a
+fait afficher une énergique proclamation. Les victimes ont été enterrées
+le mardi 29 avril à 9 heures du matin. Tout Hanoï et beaucoup de
+Français de l'intérieur y assistaient. Devant la chapelle de l'hôpital
+militaire, alors que l'on venait de placer les deux cercueils sur des
+prolonges d'artillerie, le gouverneur général de l'Indo-Chine, M. Albert
+Sarraut, a prononcé un discours ému, promettant le châtiment exemplaire
+des meurtriers et de leurs complices. Ce discours se termina par le cri
+de «Vive la France!» qui, malgré la tristesse de l'heure, fut très
+applaudi.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014c.png"><br><b>
+Les obsèques des victimes de l'attentat d'Hanoï: le discours<br>
+de M. Sarraut, gouverneur général de l'Indo-Chine, devant la<br>
+chapelle de l'hôpital militaire.</b></p>
+<br><br>
+
+<h3>CE QU'IL FAUT VOIR</h3>
+
+<h4>LE PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER</h4>
+
+<p>C'est entendu. Paris s'étend, Paris «coule» vers l'ouest. Il avait, au
+temps de Mme de Sévigné, son centre mondain place Royale et dans le
+Marais; sous Louis-Philippe, entre le Cirque d'hiver et les Variétés;
+plus tard, entre les Tuileries et Tortoni. Les hommes de cette
+génération-ci ont amené le centre de Paris sur les boulevards, entre
+l'Opéra et la Madeleine. Ce sera demain les Champs-Elysées et l'Étoile,
+et, dans trente ans, Bagatelle, quand il n'y aura plus de
+fortifications. Les expositions de peinture et les marchands de tableaux
+suivront le mouvement; ils l'ont déjà suivi (nous le remarquions ici
+dernièrement); mais cela n'empêche pas qu'il n'y ait en ce moment dans
+l'un des moins occidentaux et des plus vieux quartiers de Paris, un
+Salon de peinture qu'il faut voir. C'est le Salon des artistes du 4e
+arrondissement. Il a même, ce Salon, le privilège d'une situation
+unique; il est installé pour un mois dans la cour d'un des plus
+pittoresques et vénérables monuments de Paris: à l'Hôtel de Sens.</p>
+
+<p>Cet hôtel avait été construit, à la fin du quinzième siècle pour les
+archevêques de Sens, sous l'autorité desquels était placé--et demeura
+placé jusqu'en 1622--l'évêché de Paris. Il eut, durant cette période,
+des hôtes illustres: Louis de Bourbon, Louis de Guise cardinal de
+Lorraine, la reine Margot, et, avant elle, Nostradamus! La renommée du
+prophète provençal s'était propagée jusqu'à Paris, et Henri II avait
+fait prier Nostradamus de venir à la cour. Il y vint. Le roi ordonna
+qu'il fût logé chez le cardinal de Sens. Cela se passait au mois d'août
+1556. Nostradamus fut même retenu à l'hôtel de Sens par un petit
+accident que, quoique astrologue, il n'avait point prévu. Un accès de
+goutte le cloua douze jours dans sa chambre, en attendant les succès de
+prophète qu'il allait remporter à la cour quelques jours après! Mais le
+vieil hôtel lui-même allait connaître d'étranges mésaventures. Abandonné
+par les archevêques de Sens, il allait être successivement le dépôt des
+coches de Bourgogne; puis une confiturerie, puis une verrerie... Et le
+voilà qui se relève tout doucement de cette déchéance. Il est, depuis
+quelques mois, la propriété de la Ville de Paris, qui se propose
+d'installer là une partie de ses collections. Quelque temps s'écoulera
+encore avant que soient commencés les travaux que cet aménagement
+nécessite; et la Société d'artistes du 4e arrondissement a eu la très
+bonne idée de mettre à profit ce délai en demandant à la Ville de lui
+ouvrir, pour un mois, la maison où Nostradamus eut la goutte, et devant
+la porte de laquelle la reine Margot fit, le 6 avril 1606, trancher la
+tête à un gentilhomme dont elle avait eu, comme femme, à se plaindre.
+L'Exposition n'occupe du vieil hôtel que la cour intérieure, qu'on a
+plafonnée d'un vélum, et sablée avec soin. Au fond de la cour, une porte
+basse ouverte sur l'étroit et tortueux escalier noir qui mène aux
+souterrains; à côté, surélevée de quelques marches, une petite chambre
+où un mobilier gothique --oeuvre de quelque exposant tapissier de
+l'arrondissement--a pour cadre une très belle cheminée «du temps», et
+les poutres vermoulues d'un plafond qu'aucune restauration n'a profané
+encore.</p>
+
+<p>Et plus de trois cents oeuvres sont exposées ici. Les sujets de la
+plupart d'entre elles sont empruntés à l'arrondissement lui-même, à son
+histoire, à ses paysages. Et gentiment, le long de ces murs, amateurs et
+professionnels fraternisent. Saluons parmi ceux-ci: Franck Bail, Belot,
+Emile Bernard, Max Blondat, Delahogue, Druard, J.-J. Dufour, E. Fraisse,
+Garcia-Ramon, Grouiller, Lalauze, E. Lequeux, Pannemaker, A. Boulard,
+Emile Renard... Il est évident que d'une exposition située entre la rue
+François-Miron et le pont des Célestins--ou, plus exactement, à l'angle
+de la rue du Figuier et de l'ancienne rue de la Mortellerie--ces
+excellents artistes n'avaient nul profit ni surcroît de gloire à
+espérer... Simplement, ils ont «marché» avec les camarades, pour
+l'honneur de l'arrondissement. C'est très bien. C'est d'autant mieux
+qu'ils fourniront aux curieux qui leur feront visite une occasion de
+connaître ce coin délicieux du vieux Paris où l'on ne va pas assez. Le
+carrefour où s'érige l'Hôtel de Sens est à quelques pas de la Seine. Il
+fait face à l'île Saint-Louis, ce petit morceau de ville qui est, à lui
+seul, une relique. Autour de la vieille maison, c'est la rue des Lions,
+la rue des Jardins, les rues Saint-Paul, Beautreillis, du Petit-Musc;
+des façades d'hôtels seigneuriaux endormis dans la paix de petites rues
+de province. Ayez dans la poche le 4e fascicule de l'ouvrage où le
+marquis de Rochegude a décrit en vingt brochures (une par
+arrondissement) les rues de Paris, et conté l'histoire des maisons; et
+promenez-vous... Ce ne sera pas du temps perdu.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Mais que, tout de même, le Paris d'autrefois ne vous fasse pas trop
+oublier celui d'à présent. N'oubliez pas les Ballets russes. Guettez
+l'ouverture, aux Champs-Elysées, d'un certain Cinéma-Théâtre où l'on dit
+qu'il sera indispensable aux gens du monde de se montrer de temps en
+temps. (Acceptons-en l'augure! Ce n'est pas le directeur de l'entreprise
+qui s'en offensera.)</p>
+
+<p>Et puis, retournez à Bagatelle pour y voir, à partir de lundi,
+l'exposition annoncée par la manufacture de Sèvres, et qui sera composée
+de figurines, de bibelots ayant trait aux jardins et aux fleurs. Sèvres
+se modernise, se rajeunit sans cesse. Sèvres <i>invente</i>. Il faut qu'on
+sache cela. Les étrangers nous entendent dire assez de mal de nos
+industries d'État pour qu'il nous soit très agréable de leur en pouvoir
+dire du bien de temps en temps. J'ajoute que de notre Manufacture de
+Sèvres on ne parle plus guère, depuis des mois, que pour louer ses
+oeuvres et rendre hommage aux admirables efforts des hommes qui la
+dirigent. Sa participation d'hier à l'Exposition de Turin, celle
+d'aujourd'hui à l'Exposition de Gand sont des victoires auxquelles on ne
+saurait être indifférent chez nous.</p>
+
+<p>... Et puis, enfin, n'allons pas oublier que c'est lundi prochain, 2
+juin, que sera déclarée à l'Opéra-Comique la naissance du dernier enfant
+de Gustave Charpentier: un petit garçon appelé <i>Julien</i> et que tout
+Paris acclame, avant même que le bruit de son premier vagissement soit
+venu à nos oreilles.</p>
+
+<p>Il y a vraiment des nouveau-nés qui ont de la chance.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Un Parisien.</span></span></p>
+<br><br>
+
+<h3>AGENDA (31 mai--7 juin 1913)</h3>
+
+<p><span class="sc">Examens et concours</span>.--Le 7 juin, clôture des inscriptions du concours
+pour le recrutement des dames employées aux postes et télégraphes.</p>
+
+<p><span class="sc">Expositions artistiques</span>.--Grand Palais (Champs-Elysées): Salon de la
+Société des artistes français; Salon de la Société nationale des
+Beaux-Arts.--Petit Palais: exposition de David et ses élèves.--Ancien
+hôtel de Sagan (23, rue de Constantine): objets d'art du Moyen Age et de
+la Renaissance au profit de la Croix-Rouge française.--Hôtel de Sens
+(rue du Figuier): les Artistes du 4e.--A Bagatelle (bois de Boulogne):
+exposition de l'Art du jardin.--Hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau (29,
+rue de Sévigné): promenades et jardins de Paris, seizième, dix-septième,
+dix-huitième siècles.--Cercle de la Librairie (117, boulevard
+Saint-Germain): Palais-Salon.--Galerie Devambez (43, boulevard
+Malesherbes): la petite ville de province.</p>
+
+<p><span class="sc">Les Rosati</span>.--Le 8 juin, à Fontenay-aux-Roses, pèlerinage annuel des
+Rosati; les honneurs de la Rose seront faits à M. Francis Picavet,
+secrétaire au Collège de France, et à M. Le Sidaner, peintre.</p>
+
+<p><span class="sc">Fêtes de bienfaisance.</span>--Le 1er juin, au parc de Gennevilliers, fête de
+bienfaisance, donnée par l'Aéronautique-Club de France. Départ de 10
+ballons montés.--Le Ier juin, au théâtre des Champs-Elysées,
+représentation de gala au bénéfice de la Société de charité maternelle
+de Paris; le 6 juin, au même théâtre, représentation au profit du
+monument Jules Renard.--Le 7 juin, à la Porte-Saint-Martin,
+représentation de retraite de M. Frédéric Achard.</p>
+
+<p><span class="sc">Concerts</span>.--Le 5 juin, à la salle de Géographie (184, boulevard
+Saint-Germain), à 4 heures: concert donné par M. Edouard Risler.--Le 6
+juin, salle des Agriculteurs (8, rue d'Athènes), à 9 heures du soir:
+concert donné par M. Henri Gilles, avec le concours de Mme Emma Eames,
+et de M. Emilio de Gogoza. Mme Eames ne s'est pas fait entendre depuis
+plusieurs années à Paris, et M. Emilio de Gogoza y chantera pour la
+première fois.</p>
+
+<p><span class="sc">Sports</span>.--<i>Courses de chevaux</i>: le 31 mai, Enghien; le Ier juin,
+Longchamp; le 2, Saint-Cloud; le 3, Saint-Ouen; le 4, le Tremblay; Epsom
+(Derby); le 5, Longchamp; le 6, Maisons-Laffitte; Epsom (the Oaks); le
+7, Auteuil.--<i>Aviation</i>: le 1er juin, à l'aérodrome de Port-Aviation, à
+Juvisy: match Garros-Audemars.--<i>Boxe</i>: au Nouveau-Cirque (rue
+Saint-Honoré): championnats du monde de lutte de combat; le 31 mai, à 9
+heures du soir, à la salle des Ingénieurs civils (rue Blanche): assaut
+annuel de la salle Conte; le 1er juin, à l'Exposition universelle de
+Gand: match Carpentier-Bombardier-Wells.--<i>Lawn-tennis</i>: à partir du 7
+juin, sur les terrains du Stade français, à Saint-Cloud: championnat du
+monde de tennis.--<i>Aviron</i>: le Ier juin, à Juvisy, coupe des nations; la
+Société des Régates rouennaises organise pour le 8 juin des régates
+nationales à l'aviron.--<i>Cyclisme</i>: le 8 juin, Paris-Bruxelles.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES LIVRES &amp; LES ÉCRIVAINS</h3>
+
+<p class="mid"><span class="sc">l'homme en rose</span></p>
+
+<p>L' «Homme en rose» n'existe plus. Vainement ce très grand artiste, ce
+fastueux poète de la lumière: Albert Besnard, est allé chercher dans
+l'Inde le prince des féeries hindoues, vêtu de mousselines couleur
+d'aurore et piquées d'or, le rajah des légendes qui vit une existence de
+songe dans les murailles ajourées de ses palais. Les souverains de
+l'Asie anglaise portent aujourd'hui des vestons en laine de Manchester,
+jouent au golf et se font blanchir à Londres. L'homme en rose n'existe
+plus; mais les décors de son ancienne puissance sont toujours debout,
+avec leurs immuables temples, leurs dieux farouches, et les foules
+affamées et fanatisées qui continuent leur agitation délirante dans la
+lumière pourpre de 1'«Inde couleur de sang».</p>
+
+<p>Déjà, lorsque, dans notre numéro de Noël de 1911, nous eûmes la joie de
+reproduire quelques-unes des plus belles pages d'album et des études
+rapportées par Albert Besnard de son voyage, notre confrère Pierre
+Mille, l'un des meilleurs écrivains chroniqueurs et critiques de ce
+temps, sut admirablement dire à notre public ce que fut cette visite du
+somptueux artiste aux Indes. Cette terre de symboles vieux comme le
+monde, Albert Besnard la parcourut presque dans tous les sens, promenant
+ses extases de panthéiste dans le Ceylan bouddhique dont il vit les
+temples d'Anouradhapoura assiégés de fidèles, à Kandy, à Madura, à
+Trichinopoli où des cloches chrétiennes sonnent sur les foules hindoues,
+à Tanjore, à Pondichéry, l'Inde française où les hommes sont plus beaux,
+plus altiers, à Hydérabad on fête et en folie, à Calcutta, aux bords du
+Gange, à Delhi, à Jeypour, à Bombay, enfin. La vie est une fête!...
+s'écriait l'artiste, marchant dans le soleil. La vie, surtout pour lui,
+était une illumination. Et c'est de la rutilante couleur qu'il a fixée
+en ses notes de route (1) en même temps qu'en ses pages d'album.
+L'écrivain ne s'y sépare pas du peintre. Il traduit tout en visions
+plutôt qu'en pensées. «Je suis de ceux qui n'apprennent que par les
+yeux!» écrit-il. Et c'est pour nos yeux surtout qu'il rend sensibles les
+scènes vues: ainsi cette femme qui, enveloppée d'un pagne de soie orange
+tissé d'argent, allonge sur le sol ses bras très purs, cerclés d'or;
+ainsi cet adolescent vêtu de rose, conduisant par les degrés d'un temple
+un éléphant énorme «qui descend et grandit jusqu'à abolir les piliers,
+la voûte»; ainsi cet autre éléphant «obèse, cheminant du pas pressé et
+pourtant mesuré d'un vieil employé allant à ses affaires». L'image fixée
+par la plume est exacte et chante clair et gai comme le croquis, au
+pinceau, de l'album. Les visions, parfois, vous brûlent.</p>
+
+<blockquote>Note 1: Que publia le <i>Figaro</i> et qui viennent d'être réunies sous ce
+titre: <i>l'Homme en rose</i>, en un volume de la bibliothèque Charpentier,
+Fasquelle, édit.. 3 fr. 50.</blockquote>
+
+<p>«Tout à l'heure, sur un pont hors de la ville, j'ai vu passer trois
+femmes vêtues de rouge. Sous un ciel presque blanc, le sol flambait, ce
+sol de l'Inde, rose comme la flamme ou rouge comme le sang... Sur la
+tête, ces créatures portaient une cargaison de vases de terre cuite.
+Elles marchaient très vite, du pas souple des figures antiques, avec un
+léger bond du corps en avant qui leur donnaient l'air de voler. Elles
+marchaient très vite, comme des fantômes ignés au travers d'un brasier.»</p>
+
+<p>Albert Besnard écrit comme il peint. Il y a dans son encrier toute la
+magie flamboyante de sa palette.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Albéric Cahuet.</span></span></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><span class="sc">l'armée toujours prête</span></p>
+
+<p>M. Joseph Reinach vient de réunir en volume (2) les études qu'il a
+consacrées aux questions militaires au cours de sa carrière politique,
+longue de plus de trente ans. Vice-président de la commission de l'armée
+à la Chambre, il a pris une part active à tous les débats concernant la
+défense nationale, depuis la discussion de la loi de 1909 sur
+l'artillerie, dont il fut le rapporteur, jusqu'à celle qui occupe
+aujourd'hui le Parlement. Cette oeuvre se signale par son harmonie, son
+unité; on y voit comment un esprit net et pratique, affranchi de toute
+considération étrangère, est conduit logiquement, après avoir accepté le
+service de deux ans, à envisager comme une nécessité le retour à celui
+de trois ans, d'abord pour la cavalerie, puis pour toutes les armes.
+L'augmentation du personnel de l'artillerie, que l'auteur vota il y a
+quatre ans, a contribué, avec l'abaissement de la natalité, à vider les
+unités actives; il fallait donc, pour parer à ce danger, soit réduire le
+nombre de nos corps d'armée, soit prolonger la présence des hommes sous
+les drapeaux. M. J. Reinach, n'ayant pas demandé, il y a six mois, dans
+son discours sur la loi des cadres, qu'on changeât l'organisation de nos
+grandes unités, était fatalement amené à réclamer le service général de
+trois ans. Le projet, assurant la fixité des effectifs, qu'il a élaboré
+avec M. de Montebello, a été adopté par le gouvernement; grâce à lui,
+nous verrons demain l'armée <i>toujours prête</i>, malgré les armements
+formidables de nos voisins. R. K.</p>
+
+<blockquote>Note 2: <i>L'Armée toujours prête.</i> Édition Berger-Levrault, 3 fr. 50.</blockquote>
+
+<p>Voir dans <i>La Petite Illustration</i> le compte rendu du <i>Journal d'une
+femme de cinquante ans</i>, souvenirs de la marquise de La Tour du
+Pin-Gouvernet, et des autres livres nouveaux.</p>
+<br><br>
+
+<h3>L'EXPOSITION D'HORTICULTURE</h3>
+
+<p>L'exposition d'horticulture vient de finir. Il semble permis d'affirmer,
+sans paradoxe, que, grâce au mauvais temps des premières semaines de
+mai, les parterres de roses eurent une splendeur exceptionnelle. Le
+soleil est souvent le grand ennemi des exposants: beaucoup de fleurs
+s'épanouissent avant l'heure officielle; celles que des soins spéciaux
+réussissent à retarder se fanent à peine écloses. Le froid humide dont
+nos jardins ont tant souffert pendant quelques semaines, avant les
+grandes chaleurs de la fin du mois, avait été mis habilement à profit
+par nos horticulteurs, et si quelques coloris manquaient d'intensité, la
+fraîcheur des nuances présentait la séduction de la tonalité anglaise.</p>
+
+<p>On a surtout admiré la rose nouvelle, <i>Madame Edouard Herriot</i>, qui fit
+sensation à l'exposition internationale d'horticulture de Londres où
+elle obtint la coupe d'or du <i>Daily Mail</i>.</p>
+
+<p>Il est assez malaisé de définir exactement la nuance de cette rose
+magnifique qui vient s'ajouter à la série des roses cuivrées obtenues
+par M. Pernet-Ducher, de Lyon. Pour le rédacteur du <i>Gardener's
+Chronicle</i>, «la couleur reste évasive. La teinte rose des fleurs
+épanouies est très charmante, les boutons sont d'une riche couleur
+orange-cerise foncé».</p>
+
+<p>Le <i>Gardener's Magazine</i> voit les boutons «de couleur orange-vermillon
+riche ou orange terre cuite; les fleurs entièrement ouvertes sont rose
+foncé fortement teinté de saumon orange».</p>
+
+<p><i>The Horticultural advertiser</i> trouve la couleur «grandiose, d'un riche
+cuivre rougeâtre avec des teintes saumon et abricot». Enfin, l'obtenteur
+s'exprime ainsi: «Fleur de grandeur et de duplicature moyennes, d'un
+superbe coloris rouge corail nuancé de jaune et de rose de Carthane,
+passant au rouge crevette».</p>
+
+<p>Ces diverses définitions m'ont paru fort discutables, la dernière
+surtout. Cependant, après avoir gémi de mon impuissance à trouver le mot
+juste, j'ai regardé du corail et j'ai constaté que la définition de M.
+Pernet-Ducher est la plus exacte. La nuance de <i>Madame Edouard Herriot</i>
+correspond à un corail spécial, un peu orangé, très différent du corail
+rouge ou du corail rose que nous avons généralement dans l'oeil.</p>
+
+<p>A cette rose remarquable, le jury a attribué la coupe de l'Hay, offerte
+par M. Gravereaux.</p>
+
+<p>Une autre nouveauté, <i>Juliet</i>, pourrait s'appeler <i>Caméléon</i>. Cuivrée le
+matin, rose à midi, violâtre le soir, cette rose, d'une jolie forme,
+passe par divers tons en conservant une fraîcheur de nuance très rare
+chez des fleurs aussi capricieuses.</p>
+
+<p>Les rosiers sarmenteux de M. Nonin, plus beaux que jamais, formaient un
+ensemble décoratif d'une richesse et d'une légèreté déconcertantes.
+<i>Source d'or</i> apporte dans cette famille une jolie couleur jaune, assez
+marquée, que l'on ne possédait pas encore; <i>Excelsa</i>, plus cramoisie que
+<i>Crimson Rambler</i>, est moins resplendissante. Dans les polyantha nains,
+signalons <i>Georges Elger</i>, blanc à coeur jaune.</p>
+
+<p>A côté des roses, on voyait les traditionnels gloxinias, les fulgurants
+bégonias, et toute la série des fleurs connues, parmi lesquelles M.
+Cayeux faisait revivre la <i>Clarkia elegans</i>, délicieuse papilionacée de
+couleur orangée, à laquelle on ne saurait comparer l'antique et terne
+<i>Clarkia pulchella</i>.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Il y eut aussi un concours de bouquets réservé aux femmes du monde. La
+plupart des concurrentes surent, en peu de temps, garnir agréablement
+les vases mis à leur disposition; mais ce furent de simples ébauches.</p>
+
+<p>On ne saurait, paraît-il, demander davantage aux «amateurs». Jusqu'ici,
+on pensait que, pour faire un bouquet, il suffit d'avoir des fleurs et
+tant soit peu de goût. La noble dame, dissimulée sous le pseudonyme de
+Clairoix, nous apprend dans <i>l'Art du bouquet</i> (Laveur) qu'il est encore
+nécessaire de connaître les théories des Japonais, maîtres incontestés
+en la matière; pour guider notre ignorance, elle formule, d'après
+Sin-Kiou-Shin, philosophe de l'antiquité, quelques styles en honneur au
+pays de Mme Chrysanthème.</p>
+
+<p>Etudions les principes subtils du Shin no Hana, du Rikkwa, du Sangi, du
+Shitsu, du Zi, et nous saurons disposer en gerbes élégantes, voire
+savantes et expressives, les plantes et les fleurs que nous traitions
+naguère avec trop de désinvolture.</p>
+
+<p>«Des silhouettes et des taches», telle est l'idée maîtresse dans la
+décoration florale au Japon. Ajoutez à cela la beauté de nos fleurs, et,
+n'en déplaise à l'auteur de ce petit livre joliment conçu, la grâce
+maniérée ou la fantaisie d'une femme de goût, et vous aurez un bouquet
+parfait.</p>
+
+<p>L'auteur nous donne de précieuses indications sur l'art d'adapter la
+forme et la couleur des vases à la forme et à la couleur des branches,
+fleuries ou non. Voici quelques exemples cueillis au hasard:</p>
+
+<p>Iris mauves, feuillages d'érable negundo blanc, deux feuilles de fougère
+mâle;</p>
+
+<p>Un pavot rouge pourpre, quelques branches de cytises jaunes, une ou deux
+branches d'iris mauve pâle en bouton; vase de cristal assez bas;</p>
+
+<p>Une pivoine en arbre, rose vif; une branche d'érable japonais pourpre,
+une petite branche souple de cornouiller vert à fleurs blanches;</p>
+
+<p>Dans un grand cornet de Delft bleu, un mélange de lilas de Perse de
+nuance très délicate et d'épine-vinette pourpre à fleurs jaunes;</p>
+
+<p>Dans un vase petit, en poterie verte commune: deux grappes de sorbier,
+quatre ou cinq scabieuses pourpres violettes;</p>
+
+<p>Dans un vase en faïence, bleu et blanc: quelques branches de saule.</p>
+
+<p>De judicieuses remarques sur l'harmonie des couleurs, quelques recettes
+pour conserver les fleurs coupées, ajoutent à l'intérêt pratique d'un
+ouvrage fort habilement illustré et que les femmes élégantes, ayant des
+loisirs, des fleurs et des arbres, auront plaisir à consulter.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">F. Honoré.</span></span></p>
+<br><br>
+
+<h3>LE DRAME DE MADRID</h3>
+
+<p>Une lugubre affaire, encore incomplètement éclaircie, et qui rappelle,
+par sa mystérieuse horreur, les contes les plus angoissants d'Edgar Poe,
+passionne en ce moment Madrid, où son sinistre héros, le capitaine
+Manuel Sanchez Lopez, chef du personnel à l'École de guerre, était fort
+connu.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>
+Dans la cour du manège de l'École supérieure de guerre, à<br>
+Madrid, la police examine les ossements de la victime du capitaine<br>
+Sanchez Lopez, extraits de la cachette (qu'on voit au coin supérieur<br>
+gauche) où l'assassin les avait emmurés.</b>--<i>Phot, Alfonso</i>.</p>
+
+<p>Le 24 avril dernier, on constatait la disparition d'un joueur de
+profession, nommé Rafaël Garcia Jalon, et, deux jours après, on
+apprenait qu'une jeune fille avait tenté de toucher à la caisse de son
+cercle un jeton de 5.000 pesetas que Jalon y avait pris, en recommandant
+de ne le changer qu'à lui-même. Une rapide enquête permit d'établir que
+cette jeune fille était Marie-Louise Sanchez; elle fut aussitôt arrêtée,
+puis relâchée, devant ses dénégations et celles de son père. Sur ces
+entrefaites, une perquisition, opérée au domicile du capitaine, à
+l'École de guerre, amena la découverte, dans les égouts, de lambeaux de
+chair humaine. Au cours des recherches, on remarqua, au fond d'une
+chambre de débarras de l'appartement, une cloison qui semblait
+nouvellement replâtrée; quelques coups de pioche mirent à jour une
+cachette où gisaient des os brisés, des vêtements que l'on reconnut pour
+être ceux de Jalon, et les instruments ayant servi à dépecer le cadavre.
+Ces funèbres débris furent portés dans la cour du manège attenant.</p>
+
+<p>En même temps qu'on appréhendait Sanchez et sa fille, on jetait en
+prison un caporal et trois soldats, convaincus de complicité. Depuis,
+Marie-Louise Sanchez a avoué le crime et accusé formellement son père, à
+qui l'enquête impute d'autres forfaits plus anciens, et qui, malgré des
+charges accablantes, continue à protester de son innocence.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La T. S. F. entre Paris et Washington.</span></p><br><br>
+
+<p>Une note du commandant Ferrié, présentée à l'Académie des sciences nous
+apprend que le poste de T. S. F. de la tour Eiffel a «causé» plusieurs
+fois avec le poste de Washington. Ce dernier possède une antenne en
+nappe portée par un mât de 200 mètres de hauteur et deux mâts de 150
+mètres; il utilise une force d'environ 90 chevaux. Le poste de Paris
+dispose de 80 chevaux.</p>
+
+<p>La distance à vol d'oiseau entre les deux stations dépasse 6.000
+kilomètres. Or, les postes étrangers qui disposent d'une puissance
+double ou triple ne sont guère entendus, de façon normale, qu'à une
+distance d'à peu près 4.000 kilomètres.</p>
+
+<p>Remarquons que ces conversations ont été échangées de façon assez
+suivie. Elles seront reprises, dès qu'on aura arrêté le programme des
+observations astronomiques à faire sur les deux continents pour
+déterminer au moyen de la T. S. F. (par la méthode des coïncidences que
+nous avons jadis expliquée), la différence de longitude entre Paris et
+Washington.</p>
+
+<p>Ce record magnifique prouve, une fois de plus et de façon péremptoire,
+la supériorité, systématiquement contestée, du poste de la tour Eiffel;
+il permet de supputer les résultats que l'on obtiendra le jour où le
+poste disposera d'une force plus grande, si le Parlement se décide à
+voter les crédits nécessaires pour l'établissement du réseau
+intercolonial. Le projet sommeille depuis un an dans les cartons de la
+commission du budget à la grande joie, sans doute, du ministre des
+Postes et Télégraphes de la Grande-Bretagne qui, récemment, s'exprimait
+ainsi devant la Chambre des Communes:</p>
+
+<p>«Le premier occupant en télégraphie sans fil sera le maître du trafic,
+il convient donc de se hâter afin d'établir de grandes stations de
+télégraphie sans fil dans toutes les colonies anglaises, avant que les
+colonies françaises en soient munies.»</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Un deuil de l'aviation française en cochinchine.</span></p><br><br>
+
+<p>De Saïgon, où la mort de l'aviateur Georges Verminck, tombé, le 7 avril,
+à Mytho, au cours d'un périlleux atterrissage on vol «piqué», a été
+vivement déplorée, nous arrive aujourd'hui l'écho de l'impression
+profonde causée, dans la colonie française, comme dans les milieux
+indigènes, par cette fin tragique.</p>
+
+<p>Les belles randonnées qu'il avait exécutées pendant un séjour de deux
+mois, notamment de Saïgon à Pnompenh, de Saïgon au cap Saint-Jacques, et
+de Saïgon à Bienhoa, avaient rendu Georges Verminck unanimement
+sympathique, et l'on peut dire, populaire en Cochinchine, où il
+assurait, avec son frère Charles et son camarade Marc Pourpe, le
+prestige de l'aviation française: aussi ses funérailles, auxquelles
+assistèrent de nombreux Annamites, eurent-elles un caractère de grande
+solennité. «Elles furent célébrées à la cathédrale de Saïgon, nous écrit
+un témoin attristé de la cérémonie, M. Richard, en présence d'une foule
+considérable. Après l'absoute, que Mgr Mossard avait tenu à donner, le
+cortège, précédé par la musique du 11e régiment d'infanterie coloniale,
+se dirigea vers le cimetière, où plusieurs discours furent prononcés.</p>
+
+<p>Mais le témoignage le plus touchant du deuil ressenti dans la population
+indigène nous est apporté par une pièce de vers annamite, commençant
+ainsi: «Verminck, malheureux Verminck! En quelques minutes, dix ans
+d'efforts sont anéantis. Richesse, honneurs, existence même, tout
+t'abandonne sans espoir! Lorsqu'ils contemplent les nuages, les hommes
+de Cochinchine te regrettent. Lorsqu'ils entendent le vent, les hommes
+d'Europe te pleurent!» Et cette émouvante lamentation, ce thrène à la
+manière antique, qui n'est pas dépourvu de valeur littéraire, se termine
+par ces deux vers: «O ciel, pourquoi anéantir ainsi un héros? Le fer, la
+pierre même s'irritent de ce malheur immérité.»</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Le cloître de Saint-Michel de Cuxa.</span></p><br><br>
+
+<p>Nous avons signalé, dans notre numéro du 17 mai dernier, la vente à un
+sculpteur américain, M. Gray-Barnard, du cloître de Saint-Michel de Cuxa
+(Pyrénées-Orientales), menacé d'exil. Depuis la publication de notre
+article, le sort de ces vieilles et vénérables pierres a subi de
+nombreuses vicissitudes, dont nous informe M. J.-R. de Brousse.</p>
+
+<p>L'acquéreur, M. Gray-Barnard, est allé trouver M. Léon Bérard,
+sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, et lui a dit qu'il abandonnait
+son achat, et faisait don du cloître à la France. Mais, aussitôt cette
+nouvelle répandue dans la presse méridionale, il est revenu sur sa
+décision. Puis, changeant à nouveau d'avis, et reprenant son généreux
+projet, il a avisé M. Bérard «qu'il offrait le cloître à la ville de
+Prades, à condition que les dépenses par lui engagées pour l'enlèvement
+dudit cloître lui soient remboursées.»</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Une horloge inattendue.</span></p><br><br>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>
+Cadeau offert par la ville de<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Hameln à la princesse<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Victoria-Louise.</b></p>
+
+<p>La ville de Hameln, située dans la province de Hanovre, au confluent de
+la Hamel et de la Weser, est célèbre par la légende du charmeur de rats
+dont la maison constitue la principale curiosité de l'endroit. On y
+fabrique des étoffes de soie, de laine et de coton, on y pêche des
+saumons.</p>
+
+<p>Les habitants de l'industrieuse cité, désireux d'offrir à la fille du
+kaiser un cadeau de mariage original, ont imaginé un modèle de pendule
+qu'on dirait conçu par le vieux Silène pour honorer Bacchus. Nos
+lecteurs sauront apprécier à sa valeur ce chef-d'oeuvre de l'horlogerie
+allemande où le goût germanique s'épanouit avec une ampleur vraiment
+«kolossale».</p>
+
+
+
+
+
+<h3>LA MARINE FRANÇAISE EN RUSSIE</h3>
+
+<p>Le vice-amiral Le Bris, chef d'état-major général de la marine, vient de
+se rendre à Saint-Pétersbourg. C'est une de ces visites grâce auxquelles
+les chefs de l'armée russe et de l'armée française, depuis la signature,
+en 1892, de la convention militaire qui unit les deux pays, demeurent en
+contact effectif et se mettent d'accord sur les mesures à adopter en vue
+de telles ou telles éventualités. Le dernier voyage de ce genre fut
+celui qu'effectua, l'an dernier, l'amiral prince de Liéven, chef
+d'état-major de la marine impériale, et qui eut pour principal résultat
+la signature d'une convention navale franco-russe.</p>
+
+<p>Le vice-amiral Le Bris a trouvé à Saint-Pétersbourg, dans tous les
+cercles officiels, l'accueil le plus cordial, comme déraison.
+L'empereur, à peine de retour de Berlin, où il avait assisté au mariage
+de la princesse Victoria-Louise, donnait aussitôt audience au chef
+d'état-major général de la marine française et aux officiers qui
+l'accompagnaient, ainsi qu'au capitaine de vaisseau Grasset, commandant
+du croiseur école <i>Jeanne-d'Arc</i>, en ce moment à Cronstadt, et les
+comblait de distinctions. En leur honneur, des réceptions superbes ont
+été organisées, notamment à l'ambassade de France, où M. Delcassé avait
+invité avec eux le président du Conseil, M. Kokovtzov, les ministres des
+Affaires étrangères, de la Guerre, de la Marine, chez le prince de
+Liéven, où les officiers français purent apprécier la toute gracieuse
+hospitalité de la princesse de Liéven; enfin, un déjeuner d'adieu,
+extrêmement brillant, a été donné, mercredi, à bord de la
+<i>Jeanne-d'Arc</i>.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Dîner offert par le prince de Liéven, chef d'état-major
+de la marine impériale russe, et par la princesse de Liéven au
+vice-amiral Le Bris, chef d'état-major de la marine française, et aux
+officiers du croiseur-école</b> <i>Jeanne-d'Arc</i>.--<i>Phot. Bulla.</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+<p><i>Marie-Magdeleine</i>, la belle oeuvre de M. Maurice Maeterlinck,
+représentée pour la première fois à Nice en mars dernier, et que nous
+allons publier dans un de nos prochains numéros, vient de retrouver, sur
+la scène du Châtelet, le grand succès qui l'accueillit naguère. Son
+action, ramassée et vivante, se développe en trois actes pour lesquels
+M. Maxime Dethomas a composé des décors dont la sobriété somptueuse
+s'accorde à merveille au style incisif et coloré de l'oeuvre. C'est
+l'aventure de Marie de Magdala, courtisane, que la curiosité porta sur
+les pas du Nazaréen et qui ne s'en détacha plus. Cette oeuvre, d'une
+haute tenue littéraire, est d'une grande vérité humaine. Le paganisme et
+la chrétienté y opposent leurs philosophies différentes. Et quelle
+atmosphère troublée et troublante! Le mystère s'y renforce de réalisme.
+La résurrection de Lazare, si puissamment matérialisée, est un des
+moments les plus pathétiques de ce drame émouvant. Mme Georgette
+Leblanc-Maeterlinck, aux belles lignes souples et sinueuses, a
+magnifiquement incarné Marie-Magdeleine sous ses deux aspects, d'abord
+celui de la courtisane vaniteuse, cruelle et lascive, puis celui de la
+pécheresse repentie, si touchante d'humilité et de résignation.</p>
+
+<p>Il y a près d'un siècle que Chateaubriand écrivit le <i>Moïse</i> dont
+l'Odéon vient d'offrir en spectacle à ses abonnés la tardive «première
+représentation». Le sujet de cette tragédie est assez simple: un fils
+d'Aaron s'est épris d'une Amalécite; l'étrangère le pousse à renier le
+Dieu d'Israël; mais Moïse, chargé des tables de la Loi, redescend
+opportunément du Sinaï pour empêcher l'abjuration. Le public a manifesté
+plus de respect que d'enthousiasme pour cette oeuvre haute, froide,
+claire, d'inspiration apparemment racinienne et d'une humanité sans
+doute un peu conventionnelle. La forme en est supérieure au fond. Elle
+abonde en beaux vers sonores que de dévoués artistes ont fait applaudir.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016b.png"><br><b>
+Mme Georgette Leblanc-Maeterlinck au second et au<br>
+troisième acte de <i>Marie-Magdeleine</i></b>. <i>Phot. Gerschel.</i></p>
+<br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017small.png"><br><a href="images/017large.png">(Agrandissement)</a></p>
+<br><br>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp01.png"><br>
+Note du transcripteur: Les suppléments<br> mentionnés en titre ne nous ont pas été fournis
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3666, 31 Mai 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3666, 31 ***
+
+***** This file should be named 38842-h.htm or 38842-h.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/8/8/4/38842/
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
+</body>
+</html>
+
diff --git a/38842-h/images/000large.png b/38842-h/images/000large.png
new file mode 100644
index 0000000..4afdbcf
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/000large.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/000small.png b/38842-h/images/000small.png
new file mode 100644
index 0000000..41e7716
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/000small.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/001.png b/38842-h/images/001.png
new file mode 100644
index 0000000..2b6cd43
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/001.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/001a.png b/38842-h/images/001a.png
new file mode 100644
index 0000000..3fdb66f
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/001a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/002a.png b/38842-h/images/002a.png
new file mode 100644
index 0000000..9c28d1e
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/002a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/002b.png b/38842-h/images/002b.png
new file mode 100644
index 0000000..2765370
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/002b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/002c.png b/38842-h/images/002c.png
new file mode 100644
index 0000000..b0ae248
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/002c.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/003.png b/38842-h/images/003.png
new file mode 100644
index 0000000..4d6444b
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/003.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/004a.png b/38842-h/images/004a.png
new file mode 100644
index 0000000..03c8727
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/004a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/004b.png b/38842-h/images/004b.png
new file mode 100644
index 0000000..03023b8
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/004b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/004c.png b/38842-h/images/004c.png
new file mode 100644
index 0000000..cbcfa7f
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/004c.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/005a.png b/38842-h/images/005a.png
new file mode 100644
index 0000000..78bdf92
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/005a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/005b.png b/38842-h/images/005b.png
new file mode 100644
index 0000000..aa02ec9
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/005b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/005c.png b/38842-h/images/005c.png
new file mode 100644
index 0000000..1e02788
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/005c.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/006a.png b/38842-h/images/006a.png
new file mode 100644
index 0000000..f753c8c
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/006a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/006b.png b/38842-h/images/006b.png
new file mode 100644
index 0000000..145b826
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/006b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/006c.png b/38842-h/images/006c.png
new file mode 100644
index 0000000..881ce6d
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/006c.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/007a.png b/38842-h/images/007a.png
new file mode 100644
index 0000000..330f76e
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/007a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/007b.png b/38842-h/images/007b.png
new file mode 100644
index 0000000..5b3d7f9
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/007b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/007c.png b/38842-h/images/007c.png
new file mode 100644
index 0000000..7e55c87
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/007c.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/007d.png b/38842-h/images/007d.png
new file mode 100644
index 0000000..5953109
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/007d.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/007e.png b/38842-h/images/007e.png
new file mode 100644
index 0000000..49d3eab
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/007e.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/007f.png b/38842-h/images/007f.png
new file mode 100644
index 0000000..68c5924
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/007f.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/008.png b/38842-h/images/008.png
new file mode 100644
index 0000000..3352792
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/008.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/009a.png b/38842-h/images/009a.png
new file mode 100644
index 0000000..72b0d03
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/009a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/009b.png b/38842-h/images/009b.png
new file mode 100644
index 0000000..55ede76
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/009b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/009c.png b/38842-h/images/009c.png
new file mode 100644
index 0000000..2375e56
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/009c.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/009d.png b/38842-h/images/009d.png
new file mode 100644
index 0000000..3534375
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/009d.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/009e.png b/38842-h/images/009e.png
new file mode 100644
index 0000000..0884e5f
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/009e.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/009f.png b/38842-h/images/009f.png
new file mode 100644
index 0000000..246240b
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/009f.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/010a.png b/38842-h/images/010a.png
new file mode 100644
index 0000000..1161a3d
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/010a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/010b.png b/38842-h/images/010b.png
new file mode 100644
index 0000000..1bc67a7
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/010b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/011a.png b/38842-h/images/011a.png
new file mode 100644
index 0000000..7cb5c7e
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/011a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/011b.png b/38842-h/images/011b.png
new file mode 100644
index 0000000..041fc78
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/011b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/012.png b/38842-h/images/012.png
new file mode 100644
index 0000000..e186365
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/012.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/013.png b/38842-h/images/013.png
new file mode 100644
index 0000000..ee1f946
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/013.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/014a.png b/38842-h/images/014a.png
new file mode 100644
index 0000000..94469f3
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/014a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/014b.png b/38842-h/images/014b.png
new file mode 100644
index 0000000..d7984e0
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/014b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/014c.png b/38842-h/images/014c.png
new file mode 100644
index 0000000..6b9391e
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/014c.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/015a.png b/38842-h/images/015a.png
new file mode 100644
index 0000000..0d02c6f
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/015a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/015b.png b/38842-h/images/015b.png
new file mode 100644
index 0000000..2e9e454
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/015b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/016a.png b/38842-h/images/016a.png
new file mode 100644
index 0000000..a56ce9a
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/016a.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/016b.png b/38842-h/images/016b.png
new file mode 100644
index 0000000..e7ac63b
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/016b.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/017large.png b/38842-h/images/017large.png
new file mode 100644
index 0000000..3b09559
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/017large.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/017small.png b/38842-h/images/017small.png
new file mode 100644
index 0000000..4e3f76a
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/017small.png
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/cover.jpg b/38842-h/images/cover.jpg
new file mode 100644
index 0000000..3a93431
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/cover.jpg
Binary files differ
diff --git a/38842-h/images/supp01.png b/38842-h/images/supp01.png
new file mode 100644
index 0000000..8329fa3
--- /dev/null
+++ b/38842-h/images/supp01.png
Binary files differ
diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt
new file mode 100644
index 0000000..6312041
--- /dev/null
+++ b/LICENSE.txt
@@ -0,0 +1,11 @@
+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
diff --git a/README.md b/README.md
new file mode 100644
index 0000000..9956bc8
--- /dev/null
+++ b/README.md
@@ -0,0 +1,2 @@
+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #38842 (https://www.gutenberg.org/ebooks/38842)