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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3651, 15 Février 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3651, 15 Février 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: September 30, 2011 [EBook #37577]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3651, 15 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3651, 15 Février 1913
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+Ce numéro se compose de VINGT-QUATRE PAGES au lieu de seize et contient
+en supplément le 4e fascicule des SOUVENIRS D'ALGÉRIE (Récits de chasse
+et de guerre), du général Bruneau.
+
+[Illustration: L'ILLUSTRATION _Prix du Numéro: 75 Centimes._ SAMEDI 15
+FÉVRIER 1913 _71e Année.-N° 3651._]
+
+[Illustration: LE LIEUTENANT DE CHASSEURS ALPINS RAYMOND POINCARÉ Un
+souvenir de la dernière période d'instruction militaire du nouveau
+président de la République. _Photographie prise par le lieutenant
+Daudens, en octobre 1897. aux environs d'Annecy, et communiquée par le
+commandant de Chambonasé_]
+
+
+
+«LA PETITE ILLUSTRATION»
+
+Et le nouveau prix d'abonnement.
+
+_De nombreux abonnés nous ont écrit pour approuver la création de_ La
+Petite Illustration _hebdomadaire, et pour nous déclarer qu'ils
+acceptaient bien volontiers la légère augmentation du prix d'abonnement,
+qui en est la conséquence. Il ne nous sera pas possible de répondre à
+chacun d'eux. Qu'ils veuillent bien trouver ici nos remerciements._
+
+SUPPLÉMENTS D'ART
+
+_A côté d'éloges, qui sont pour nous le plus précieux encouragement,
+quelques-unes des lettres que nous avons reçues contiennent des
+observations dont nous nous ferons un devoir de tenir compte, dans la
+mesure où elles nous paraîtront répondre à un désir général de nos
+lecteurs._
+
+_C'est ainsi que nous comptons augmenter cette année le nombre de nos
+suppléments d'art (gravures hors texte et remmargées, en couleurs ou en
+taille-douce) qui avaient été un peu sacrifiés, en 1912, à la grande
+actualité. Nous multiplierons aussi le nombre des pages imprimées par
+les mêmes procédés (couleurs ou taille-douce) dans le corps même du
+journal._
+
+THÉÂTRE
+
+_Le prochain supplément de théâtre sera encore publié sous le titre de_
+L'Illustration Théâtrale, _avec le numéro du 22 février. Il contiendra:_
+
+_La Prise de Berg-op-Zoom, par_ SACHA GUITRY.
+
+_Puis paraîtra, dans le premier numéro de_ La Petite Illustration
+_(Série-Roman), la première partie du grand roman inédit de_ MARCEL
+PRÉVOST, _de l'Académie française:_
+
+_Les Anges Gardiens._
+
+_Les numéros de_ La Petite Illustration _(Série-Théâtre), qui
+alterneront ensuite avec ceux de la Série-Roman, contiendront:_
+
+_Alsace, par_ GASTON LEROUX ET LUCIEN CAMILLE; _Les Flambeaux, par_
+HENRY BATAILLE; _L'Homme qui assassina, par_ PIERRE FRONDAIE _(d'après
+le roman de Claude Farrère);_ _Les Eclaireuses, par_ MAURICE DONNAY, _de
+l'Académie française;_ _L'Habit vert, par_ ROBERT DE FLERS ET G.-A. DE
+CAILLAVET; _Servir et La Chienne du Roi, par_ HENRI LAVEDAN, _de
+l'Académie française;_ _L'Embuscade, par_ HENRY KISTEMAECKERS.
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+LA POPULARITÉ
+
+Dans quelques jours, la remise des pouvoirs présidentiels va être faite
+à M. Poincaré, avec un cérémonial qui sera en quelque sorte le baptême
+officiel de sa popularité toute jeune et déjà vigoureuse,--et ce
+tranquille événement donnera lieu, comme il est aisé de le prévoir, à
+d'innombrables manifestations de la particulière sympathie qu'éveille
+dans la masse--en dehors de tout point de vue politique--le nom seul du
+nouvel Élu.
+
+La popularité!... De quoi est composée cette grosse faveur du Destin qui
+se porte sur un homme, met en vedette matérielle et morale sa personne
+et tout ce qui s'y rattache? On ne sait. Y a-t-il une marche à suivre
+pour l'atteindre! Existe-t-il des moyens connus et sûrs de l'obtenir et
+de la conserver? Est-elle la réussite de combinaisons savantes, d'un
+travail mystérieux, d'une ligne de conduite difficile et secrète? Non.
+Elle se montre aussi capricieuse que la fortune, aussi aveugle que
+l'amour. La grandeur de la fonction, la, hauteur du poste et le rang du
+personnage ne suffisent pas toujours à l'attirer. Souvent même ils la
+repoussent et l'éloignent pour toujours. Nuls ne furent moins populaires
+que certains rois. Le diadème souverain ne garantit aucunement cette
+autre et lourde couronne d'une richesse un peu fruste, comme faite
+exprès pour être mise en public, et vue de loin, par les foules, pour
+leur tirer des regards, des cris et des acclamations, dans la poussière.
+
+Il est donc bien rare que la popularité choisisse pour les sacrer ceux
+qui se consument d'elle, qui en font la préoccupation, l'idée fixe et le
+but étroit de leur vie. Elle n'est un sommet que pour les hommes
+désintéressés qui ne se sont pas souciés d'en préméditer l'ascension,
+qui ont poursuivi paisiblement et dignement leur chemin dans la vallée
+du devoir, là où il passait. Les premiers, les âpres et cupides
+soupirants de ses faveurs, elle s'amuse d'eux, les lanterne, les regarde
+avec malice courir, lever les yeux, les bras, trébucher, tomber au
+moment où ils croient qu'ils la touchent, et elle les laisse finalement
+essoufflés et à jamais déçus. Ou bien alors, si elle accepte d'être
+attrapée par ces coureurs de l'orgueil, ce n'est que pour les perdre et
+les précipiter rapidement de plus haut. Tandis qu'au contraire, aussitôt
+bien disposée pour les seconds, les sages qui paraissent l'ignorer, elle
+prend leur direction en les suivant d'abord, les accompagne de côté, les
+escorte, tourne autour d'eux, et les conseille sans qu'ils sachent
+quelle voix amie leur parle tout bas. Prudemment, sans vaine fièvre,
+avec une habile lenteur, elle mène ainsi ses préférés jusqu'à la minute
+décisive où tout à coup, hâtant l'allure, et dépassant celui qu'elle
+guidait en arrière, elle lui révèle sa flatteuse et redoutable présence,
+sans se montrer à lui personnellement, car c'est une divinité
+singulière, invisible et impalpable qui n'existe que par ses
+manifestations d'une étonnante diversité. A peine a-t-elle fait son
+choix que l'homme investi de ce privilège entend, dès qu'il paraît,
+retentir des vivats. Il s'effraie, ne comprenant pas encore. «Quel est
+ce bruit? Où vont ces clameurs?» Et la voix mystérieuse lui chuchote: Ce
+bruit est pour toi. Ces cris poussés vont à toi--Ces chapeaux qui se
+lèvent?--Pour te saluer.--Ces sourires? ces baisers des femmes? ces
+fleurs des jeunes filles?--Pour toi aussi. Pour toi, cette allégresse
+générale qui, à, ton seul aspect, monte du coeur à la surface de tous
+les visages... et cette confiance épanouie... et ces regards, et tout ce
+que tu vois et tout ce que tu ne vois pas, est tout ce que tu sais et
+tout ce que tu ignores... ton image épinglée dans les chaumières, ton
+nom répété dans toute la France avec l'accent savoureux de chaque
+province, ton buste en plâtre, en pierre, en marbre,... enfin c'est moi
+qui te parle, moi la Popularité!... qui, à partir de cet instant,
+t'auréole et te transforme en t'accaparant. Pour tout ce que je te
+donne, en effet, je vais te prendre en entier. Tu ne t'appartiens plus,
+tu es à moi. Tout de ta personne, à présent, me revient de plein droit,
+tes traits, ton histoire, tes vieux parents, tes enfants, ta famille, ta
+maison, tes habits, tes serviteurs, tes chiens, tes goûts, tes manies...
+Tu n'as plus la permission d'avoir des secrets. De tout ce qui te touche
+je m'empare pour en faire des récits, des anecdotes, plaisantes et
+fausses, qui vont courir les gazettes et le monde. Je cite tes mots ou
+je les invente. Je te compose des sosies. Tu peux posséder dans ton
+passé une oeuvre longue et bonne, et de haut mérite, peu importe!
+N'aurais-tu rien fait que tu semblerais, en étant populaire, avoir fait
+quelque chose, quelque chose de grand par quoi tu m'as forcée. Aussi,
+comme tu vas être heureux en apercevant partout, sur les fronts, dans
+les prunelles des hommes, le gai reflet de tes désirs, de tes
+intentions, de ta bonne volonté, de tes fermes espoirs! Chaque inconnu,
+dans la foule, a l'air maintenant de te connaître et d'être ton ami. Le
+peuple te tutoie de loin. L'armée semble ton escorte naturelle. De te
+sentir aidé, deviné d'avance, et soulevé par le crédit universel, quelle
+belle joie, bientôt, n'éprouveras-tu pas? Tu boiras à longs traits la
+plus noble de toutes, celle de te savoir aimé, dans la plus confiante
+plénitude. Tu te diras... «Je protège et je rassure.» et la pesante
+servitude de ne plus jamais passer inaperçu te sera douce pourtant si tu
+penses qu'elle a pour cause cette étrange et instinctive cordialité du
+nombre qui ne s'abat jamais sur quelqu'un sans une raison sérieuse,
+apparente ou inexpliquée.»
+
+Et, cependant, malgré ses magnifiques bénéfices et l'ampleur de ses
+émotions, la popularité est terrible et presque funeste. Comment
+l'entretenir et la garder sans se compromettre, ni s'atteindre et se
+diminuer? Même si elle se maintient, elle ne peut grandir. Forcément,
+elle baisse dès qu'elle dure. Elle a un tel appétit que peu d'hommes
+sont capables de l'apaiser. Plus on lui accorde, plus elle demande et
+réclame. C'est une dévoratrice. Enfin, elle n'a ni réflexion, ni
+logique, ni équité. A propos de rien, sans fournir de raison, elle s'en
+va comme elle était venue, en un jour, laissant éperdus et isolés ceux
+qu'elle abandonne et qui demeurent inconsolables d'avoir perdu son
+esclavage. Rien de navrant et d'abattu comme l'homme autrefois populaire
+et dégringolé dans, l'oubli! C'est une épave. Il traîne et meurt d'avoir
+été l'idole, devant laquelle aujourd'hui l'on passe sans tourner la
+tête. Et il assiste au triomphe de son successeur sans être consolé par
+l'idée que lui aussi Connaîtra l'ingratitude et la désertion des masses
+humaines.
+
+Sans la prendre au tragique, aussi bien dans les, grâces qu'elle
+dispense que dans la disgrâce qu'elle inflige, j'ai idée que la
+popularité sera de la plus aimable clémence pour il. Poincaré, vers
+lequel elle s'est déjà jetée spontanément. Notre nouveau président a
+tout ce qu'il faut pour la maintenir avec gentillesse à sa place, et ne
+pas se laisser gêner par elle. Il ne lui permettra pas d'excessives
+familiarités. Il ni la laissera pas venir trop près, le coudoyer et
+regarder dans ses affaires, et, sans la rebuter, il n'aura pas non plus
+de faciles empressements à son égard. Elle aime assez d'ailleurs, au
+fond, qu'on lui fasse sentir çà et là les distances, et elle considère
+deux fois plus celui qui ne la courtise pas, dont l'accueil a le bon
+goût de ne pas étaler une satisfaction trop béate. On n'a de chance de
+la garder que par la bonne tenue de soi-même et l'exercice de la
+dignité. Question de tact et de mesure qui n'est qu'un jeu sans effort
+pour l'homme affable et fin, attentif et réfléchi, simple et de si
+parfaite distinction générale qu'est M. Poincaré. Il est grave et il
+sait sourire. Il a des yeux froids qui rayonnent d'intelligence et
+s'éclairent de bonté. C'est plus qu'il n'en faut pour faire avec la
+popularité un bon ménage, plus court que la plupart, des autres... Sept
+ans.
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+[Illustration: Cap. Chauvin. Lieut. Raymond. Poincaré. Ct de Chambonas.
+Le lieutenant Raymond Poincaré (alors vice-président de la Chambre des
+députés) et ses camarades du 1er bataillon territorial de chasseurs
+alpins pendant une halte dans les montagnes d'Annecy.--_Phot.
+communiquée par le commandant de Chambonas._]
+
+M. POINCARÉ, CHASSEUR ALPIN
+
+On a dit ici, au lendemain de l'élection de M. Raymond Poincaré à la
+présidence de la République, quel soldat modèle fut cet homme appliqué à
+tous ses devoirs. A quelques jours de là, M. Marcel Knecht, le président
+de la «Prolonge Blandan», association amicale des anciens soldats du 26e
+régiment d'infanterie, où le futur président fit son année de
+volontariat et qu'il quitta avec les galons de sergent, lui délivrait
+cette attestation: que «le bi-licencié fut un soldat modèle et un
+parfait gradé». Nous avons mentionné aussi que, son service terminé, M.
+Raymond Poincaré passa l'examen d'officier, et qu'il accomplit avec zèle
+les périodes d'exercice que lui imposait la règle. Il laissa à tous ceux
+qui furent alors ses camarades, ses compagnons d'armes, le meilleur et
+le plus durable souvenir.
+
+C'est ainsi que M. le commandant de Chambonas, qui connut M. Raymond
+Poincaré au 1er bataillon territorial de chasseurs alpins, où, en 1897,
+il faisait un stage comme lieutenant, s'empresse, avec une amabilité
+dont nous lui sommes reconnaissants, de nous communiquer les
+photographies qu'il conserve précieusement depuis cette époque.
+
+Le «lieutenant Poincaré» y figure en tenue de campagne: on manoeuvrait
+alors dans les montagnes des environs d'Annecy; on menait là, avec
+entrain, une rude et saine vie. A une étape, un des camarades--le
+lieutenant Daudens--prit ces clichés, que le nouveau chef de l'État ne
+reverra sans doute pas sans émotion.
+
+Dans la note qu'il nous donne pour accompagner et commenter ces
+documents, un parent de M. le commandant de Chambonas, M. le vicomte du
+Fresnel, nous rappelle qu'à cette époque M. Raymond Poincaré, qui avait
+déjà été deux fois ministre, était vice-président de la Chambre des
+députés (il le fut trois années de suite, de 1896 à 1898). A ce titre,
+il avait sa place marquée dans toutes les cérémonies officielles.
+
+Or, le hasard voulut qu'une grande réception eût lieu à l'Elysée, tandis
+qu'il accomplissait sa période d'instruction. Le premier mouvement du
+lieutenant Poincaré fut de sacrifier au devoir militaire le devoir de
+représentation. Mais le président Félix Faure insista pour l'avoir près
+de lui en ce soir de fête.
+
+M. Raymond Poincaré, par déférence, abandonna donc quatre jours le béret
+bleu pour venir à Paris. Seulement, sa période terminée, le bataillon
+territorial libéré, il tint à honneur de remplacer ce «temps perdu», et,
+pendant quatre jours supplémentaires, il demeura au 11e bataillon actif,
+qui administrait le 1er bataillon territorial. Combien de réservistes y
+mettent moins de zèle!
+
+«Ceux qui ont eu alors l'honneur de le voir à l'oeuvre, écrit M. le
+vicomte du Fresnel, ont pu apprécier sa haute intelligence, ses qualités
+de travailleur infatigable, toujours hanté du souci d'apprendre
+davantage de son métier, afin de pouvoir se rendre encore plus utile à
+son pays.»
+
+
+
+UNE CRISE POLITIQUE AU JAPON
+
+Une crise politique des plus graves sévit en ce moment au Japon où
+l'effervescence populaire est telle que, pendant trois jours, la foule,
+dans son ardeur à manifester contre le ministère Katsura, a soutenu de
+véritables combats avec la police et la troupe dans les rues de Tokio.
+
+[Illustration: Le prince Katsura.]
+
+Le cabinet Katsura avait succédé, sous la pression du parti militaire,
+au cabinet Saïonji, très populaire pour son programme d'économie
+générale et de dégrèvement fiscal. Peu soutenu par la cour, et ne
+pouvant réussir à remplacer son ministre de la Guerre qui venait de
+démissionner sur un refus de crédits nouveaux, le marquis Saïonji dut se
+retirer, bien qu'il eût la majorité dans les deux Chambres, et le prince
+Katsura, qui avait été déjà deux fois premier ministre, de 1901 à 1906
+et de 1908 à 1911, assuma la tâche ardue de concilier des intérêts en
+apparence inconciliables. Les événements nous montrent que l'éminent
+homme d'État n'y a pu réussir. La décision du gouvernement d'enlever les
+questions militaires à la compétence du Parlement nettement hostile, et
+dont, à deux reprises, furent prorogées les séances, a mis le comble à
+l'impopularité du ministère qui, sous la menace de toute une population
+ameutée, s'est résigné à abandonner le pouvoir.
+
+
+
+PLUS FORT QU'A KOEPENIK
+
+LA MOBILISATION DE STRASBOURG
+
+Il est une faculté que l'on a depuis trop longtemps déniée aux
+Allemands, voire aux pangermanistes: c'est le sens de l'humour. Deux
+hommes, du moins, deux héros--car on les a vite tenus pour tels en leur
+pays, étant donné les difficultés de l'entreprise--auront, à peu
+d'années d'intervalle, tenté à ce point de vue une sorte de
+réhabilitation de l'esprit national. Ces deux «humoristes», qui
+jouissent aujourd'hui d'une égale et légitime popularité dans toute
+l'Allemagne et jusque dans les pays voisins, sont le cordonnier Voigt
+(l'inoubliable capitaine de Koepenik) et le sous-officier réformé Wolter,
+dont les exploits, non moins joyeux et d'une ingénuité de moyens tout
+aussi remarquable, datent à peine d'hier.
+
+Vous paraîtrait-il agréable, histoire de rire un peu par ces temps
+vraiment trop maussades, de bouleverser l'un des plus vastes camps
+retranchés de l'Allemagne, d'amener un gros _Zeppelin_ sur les
+fortifications, d'envoyer, en tenue de parade, au polygone de la ville
+militaire, 16.000 hommes, 30 généraux et colonels, un gouverneur de
+forteresse et un général commandant de corps tandis que tous les
+monuments se pavoisent? La chose est presque trop facile.
+
+[Illustration: Le général von Egloffstein, gouverneur de Strasbourg.]
+
+[Illustration: Place Impériale à Strasbourg: la foule des immigrés
+attendant... le retour de l'empereur du polygone.]
+
+[Illustration: Le général von Fabeck, commandant le XVe corps.]
+
+Voici: vous passez au bureau de poste de votre quartier, où vous rédigez
+un télégramme à votre propre adresse. Ce télégramme ne porte qu'un seul
+mot: _oui_, par exemple. Une demi-heure plus tard, un télégraphiste se
+présente à votre domicile et vous remet la dépêche. Alors vous grattez
+l'adresse, l'origine du télégramme et le _oui_, sans toucher aux autres
+indications. Puis vous écrivez l'adresse du gouverneur de la place et
+vous ajoutez quelques lignes péremptoires ordonnant la mobilisation des
+troupes. Hardiment vous abusez du nom de l'empereur Guillaume et, coiffé
+d'une casquette de télégraphiste, une longue pèlerine jetée sur vos
+épaules, vous allez porter vous-même cette dépêche au lieutenant qui
+commande le poste central. Le lieutenant transmet le télégramme au
+bureau du gouverneur, et, cinq minutes après, la garnison est «alarmée»;
+la générale retentit; une rumeur de guerre emplit la ville! Des têtes
+ornent toutes les fenêtres et des foules loyalistes encombrent toutes
+les rues, cependant que, tranquillement, vous allez prendre un bonne
+chope et même beaucoup de bonnes chopes dans une brasserie recommandée
+en attendant que finisse--car tout a une fin--la plaisante aventure.
+
+Ainsi procéda, de point en point, il y a une dizaine de jours, l'ancien
+sous-officier d'administration d'artillerie Auguste Wolter, réformé
+depuis peu par l'autorité militaire, et qui, pour occuper ses loisirs et
+montrer aussi sans doute qu'il était encore bon à quelque chose,
+s'amusa, au lendemain du mardi gras, à mobiliser toute la garnison de
+Strasbourg-. Cela se passait le 5 février. Un homme--notre
+Wolter--portant la casquette à double galon rouge des agents des postes
+et télégraphes, pénétra au corps de garde de la place Kléber et remit au
+lieutenant de service une dépêche identique à celle dont nous donnons le
+fac-similé.
+
+[Illustration: _Au gouvernement général impérial, de Strasbourg
+(Alsace).--Toute la garnison doit être alarmée immédiatement par le
+poste central. J'arrive par automobile à midi au polygone des
+manoeuvres.--Guillaume Imperator Rex._ Télégramme--écrit au crayon bleu
+sur papier jaune--absolument identique à celui par lequel le
+mystificateur Wolter mobilisa la garnison de Strasbourg.]
+
+[Illustration: L'empereur à Koenigsberg, le jour où on l'attendait à
+Strasbourg.]
+
+Le lieutenant envoie le pli au général'gouverneur von Egloffstein, qui
+fait sauter le timbre. Une dépêche de Sa Majesté l'Empereur! Le général
+bondit. Comment! L'empereur est en route pour Strasbourg et l'on n'en
+savait rien! Heureusement que l'on a devant soi deux heures encore! Vite
+des ordres, des estafettes, le téléphone, le tambour, tous les tambours
+qui, dans toutes les casernes, dans toutes les rues, sur toutes les
+places, battent la générale. Ainsi, dans la ville, et tandis que les
+troupes munies des toiles de tente, de la gamelle et du manteau, se
+hâtent vers le polygone, on apprend que Sa Majesté arrivera à midi pour
+passer la revue de la garnison. La Post fait vite vendre, par ses
+hurleurs, une édition spéciale qu'on s'arrache. Majestueux et lourd,
+l'_Ersatz-Zeppelin_ sort, lui aussi, de la ville. Le statthalter est,
+dès 11 heures, sur le terrain de manoeuvre où arrive en coup de vent le
+prince Joachim, sorti de l'Université, et que reçoit le groupe doré des
+Excellences militaires avec le chef de police en grand gala. Tout est
+prêt. Les soldats sont alignés merveilleusement. Immobilité. Silence.
+Midi sonne!... Une heure sonne! Puis la demie, les trois quarts!... Deux
+heures, enfin!... L'empereur n'est pas là, toujours. Mais alors?... On
+se décide enfin à téléphoner à Berlin qui répond que «l'empereur est à
+Koenigsberg».
+
+Demi-tour. En avant, marche! pour rentrer au quartier. Toutes les
+troupes repartent du pied gauche qui ne se soucie plus de lancer le pas
+de parade.
+
+Et, pendant ce temps-là, l'impassible Auguste Wolter, qui venait de
+disposer pendant quatre heures d'horloge de tout un corps d'armée
+allemand, savourait tranquillement une excellente bière à la brasserie
+du Tigre au faubourg National. C'est là que le découvrit et l'arrêta,
+vers 4 heures de l'après-midi, un agent lancé sur ses traces. Et Wolter
+fut emmené un peu vivement à la présidence de la police où finit, pour
+lui, la petite fête dont on s'est beaucoup égayé à Strasbourg et dans
+maints autres lieux d'Allemagne. Mais, paraît-il, l'empereur Guillaume
+n'a pas été, cette fois, atteint par la contagion du sourire...
+
+ALBÉRIC CAHUET.
+
+
+
+[Illustration: Auguste Wolter, en uniforme de sous-officier
+d'administration d'artillerie.--Phot. E. Dietsch.]
+
+[Illustration: Dr Wilson. Lieut. Bowers. Capitaine Scott. Capitaine
+Oates.
+
+Le capitaine Scott et ses compagnons, au pied du mont Erebus, avant le
+départ vers le Pôle.--_Phot. Ponting. Copyright._]
+
+LA FIN TRAGIQUE D'UNE EXPÉDITION POLAIRE
+
+D'un jour à l'autre nous nous attendions à recevoir la nouvelle de
+l'heureuse arrivée en Nouvelle-Zélande de l'expédition polaire de Scott,
+et voici qu'au lieu d'un joyeux message le télégraphe nous annonce une
+catastrophe. Après avoir conquis, lui aussi, un mois après Amundsen, le
+Pôle Sud, le chef de l'expédition et ses quatre compagnons sont morts de
+faim et de froid sur la route du retour, au moment où ils allaient
+atteindre le salut.
+
+En janvier 1911, Scott s'établissait, avec douze compagnons, à la terre
+Victoria, sur les bords du _sound_ Mac Murdo, à quelques kilomètres du
+point où il avait passé deux ans au cours de sa première exploration en
+1901-1903, et tout près de celui d'où, en 1908, Shackleton était parti
+pour son mémorable raid. Le chef de la mission anglaise possédait donc
+le très grand avantage de connaître admirablement le terrain sur lequel
+il allait opérer; de plus, il n'avait point besoin de dépenser son temps
+et ses forces à chercher la meilleure route vers le Pôle, il lui
+suffisait de reprendre celle de Shackleton.
+
+Une fois la station d'hivernage construite et aménagée, Scott employa
+l'automne à installer des dépôts de vivres sur la Grande Barrière, cet
+énorme glacier, large de 800 kilomètres environ et long de 600, qui
+s'étend en avant des puissantes montagnes au milieu desquelles se trouve
+le Pôle. Trois caches de vivres furent ainsi aménagées, la plus
+méridionale sous le 79° 30' de latitude; alors que, pendant ce temps,
+Amundsen réussissait à établir son dépôt extrême à 278 kilomètres plus
+près du Pôle. De ce fait et de ce que leur base d'opérations se trouvait
+environ 110 kilomètres plus au sud, les Norvégiens possédaient un
+avantage marqué sur les Anglais.
+
+L'hiver s'écoula sans incident et, au début du printemps austral, le 2
+novembre 1911, Scott se mit en route vers le Pôle, à la tête d'un
+important convoi de dix traîneaux tirés par autant de poneys. Entre
+temps, deux traîneaux automobiles chargés de fourrages et
+d'approvisionnements avaient pris l'avance, tandis que des attelages de
+chiens suivaient avec des vivres de réserve. Par suite de réchauffement
+des moteurs dû au mauvais fonctionnement de l'appareil de
+refroidissement par l'air, les tracteurs durent être abandonnés par 80°
+30' de latitude. N'empêche qu'ils avaient fourni une traite de pas moins
+de 300 kilomètres sur le glacier, et singulièrement facilité les
+transports. Après cela, la marche sur la Grande Barrière continua très
+lente, sans cesse retardée par d'effroyables _blizzards_ et de très
+abondantes chutes de neige. Seulement le 10 décembre, trente-huit jours
+après avoir quitté ses quartiers d'hiver, la caravane arrivait à
+l'extrémité méridionale de cette immense nappe de glace, au pied de
+l'énorme massif qui défend l'approche du Pôle. Dès le lendemain, avec
+sept compagnons, Scott entamait l'ascension des montagnes par le glacier
+Beardmore, qu'avait suivi Shackleton trois ans auparavant. Les fourrages
+étant épuisés, les poneys survivants avaient été abattus avant le début
+de l'ascension. Dès lors, les Anglais devaient s'atteler eux-mêmes à
+leurs véhicules, tandis qu'au moment de l'attaque des montagnes Amundsen
+possédait une meute de plus de quarante bêtes vigoureuses. Au début, la
+marche fut très pénible; toujours la tempête et la neige; par suite, une
+piste exécrable. Plus haut, le terrain devient meilleur, et les
+explorateurs avancèrent bon train, couvrant de 24 à 36 kilomètres par
+étape. Le 3 janvier 1912, Scott arrivait au 87° 32' de latitude, soit à
+270 kilomètres du Pôle. Là, pour économiser les vivres, il renvoyait sur
+l'arrière trois de ses compagnons et continuait avec quatre hommes, le
+docteur Wilson, deux officiers, le capitaine Oates et le lieutenant
+Bowers, et un sous-officier, Evans. Quinze jours plus tard, le 18
+janvier, juste un mois et un jour après Amundsen, la petite caravane
+parvenait au Pôle où elle trouvait la tente et le document laissés par
+les Norvégiens comme preuves de leur passage. Pour ces braves, quelle
+cruelle déconvenue! Avoir peiné pendant des mois, et, au dernier moment,
+se voir enlever la victoire par un concurrent plus heureux! Le coup
+était rude, et qui sait, peut-être sa violence entama-t-elle la force de
+résistance des explorateurs et prépara-t-elle ainsi, dans une certaine
+mesure, la catastrophe finale.
+
+[Illustration: L'itinéraire du capitaine Scott et celui de Roald
+Amundsen.]
+
+Si l'ascension du glacier Beardmore avait été difficile, encore plus
+pénible fut la descente. Sans répit, la tempête et la neige, et toujours
+un froid très vif, 30° et 40° sous zéro, à une époque correspondant à la
+fin de juillet et au commencement d'août sous nos latitudes. Finalement,
+le 15 février, au prix d'efforts surhumains, on arrive à la fin du
+glacier Beardmore, au pied des montagnes. Là, le sous-officier Evans
+succombe aux fatigues et aux privations.
+
+Cependant, les grosses difficultés semblent vaincues. Du pied du glacier
+aux quartiers d'hiver du _sound_ Mac Murdo, il n'y a plus que 650
+kilomètres, et sur toute cette distance, c'est la plaine de là Grande
+Barrière. Mais l'adversité s'est acharnée sur la malheureuse expédition.
+La température devient excessive; dans la journée le thermomètre oscille
+autour de 35° sous zéro et, la nuit, tombe à 43°! Avec cela, constamment
+un vent debout qui rend le froid encore plus âpre, et, à chaque instant,
+des _blizzards_ et des chutes de neige. Dans de telles conditions,
+combien est épuisant le halage des traîneaux!
+
+En même temps, la lenteur des progrès oblige à la diminution des
+rations; il importe avant tout de garder une quantité de vivres
+suffisante pour atteindre le dépôt le plus méridional, l'_One Ton Camp_,
+la cache contenant une tonne de conserves. C'est ainsi que plus la lutte
+devient pénible, plus la force de résistance des voyageurs diminue.
+Après un mois de marche, Scott se trouve encore à plus de 250 kilomètres
+de la station.
+
+Sur ces entrefaites, le capitaine Oates, gravement «mordu» par la gelée
+aux pieds et aux mains, s'affaiblit de jour en jour; le malheureux se
+traîne plutôt qu'il ne marche. Malgré ses instantes prières, ses
+camarades refusent de l'abandonner, et, pour lui permettre de suivre,
+ralentissent leur allure, alors que chaque heure perdue diminue les
+chances de salut de la caravane entière.
+
+Le 16 mars, la petite troupe se trouve retenue sous la tente par la
+tempête, lorsque Oates, à toute extrémité, parvient à se lever dans un
+suprême effort: «Je sors, et resterai dehors quelque temps», dit-il.
+Comprenant sa résolution, ses compagnons s'efforcent de le retenir;
+leurs supplications demeurent inutiles... et ce vaillant disparaît pour
+toujours dans l'ouragan blanc. «Oates, écrit Scott, avait coupé lui-même
+le lien d'affection qui conduisait ses amis à la mort.»
+
+Après ce drame, les trois survivants lèvent immédiatement le camp et, en
+dépit de la tourmente, poursuivent leur marche désespérée. Encore un
+effort, le dépôt du 79° 30' n'est plus loin. Après cinq jours de
+fatigues surhumaines, ils vont toucher le but, lorsque, le 21 mars, à 20
+kilomètres de la précieuse «cache» de vivres, un nouveau _blizzard_,
+plus terrible que les autres, fond sur les infortunés voyageurs. Leurs
+caissons de vivres sont presque vides, et toujours l'ouragan fait rage.
+C'est ainsi que, lentement, ces héroïques pionniers succombent les uns
+après les autres, aux tortures de la faim et du froid, gardant, jusque
+dans l'agonie, la plus admirable sérénité. Scott et ses trois compagnons
+sont morts en héros de Plutarque.
+
+[Illustration: La veuve et l'enfant du capitaine Scott. Photographie
+prise avant le départ de Mrs Scott, qui s'est embarquée le 4 janvier
+dernier pour aller au-devant de son mari, en Nouvelle-Zélande, et qui a
+appris la fatale nouvelle à Honolulu.]
+
+[Le capitaine Scott, avant son départ.--_Phot. Russell and sons,
+Southsea._]
+
+Défaillant, le chef de l'expédition trouve encore la force de tenir un
+journal et d'adresser au peuple anglais un suprême message, admirable de
+simplicité et de grandeur d'âme:
+
+«Nous sommes faibles, écrit Scott, nous pouvons à peine tenir la plume.
+Pour ma part, je ne regrette pas d'avoir entrepris cette expédition;
+elle montre l'endurance dont sont capables les Anglais, leur esprit de
+solidarité, et prouve qu'aujourd'hui ils savent regarder la mort avec
+autant de courage que jadis.
+
+» Nous avons couru des risques; nous savions d'avance que nous les
+courrions.
+
+» Les choses ont tourné contre nous, nous ne devons pas nous plaindre,
+mais nous incliner devant la décision de la Providence, décidés à faire
+de notre mieux jusqu'à la fin.
+
+» Si, dans cette entreprise, nous avons volontairement donné nos vies,
+c'est pour l'honneur de notre pays. J'adresse donc un appel à mes
+compatriotes, et les prie de veiller à ce que ceux dont nous étions les
+soutiens dans la vie ne soient pas abandonnés.»
+
+Dès les premiers jours de mars, l'escouade demeurée aux quartiers
+d'hiver s'était portée en avant au secours du chef de l'expédition.
+Malheureusement, le mauvais temps paralysa ses mouvements. Ce fut
+seulement six mois plus tard, en octobre dernier, au début du printemps
+austral, que les recherches purent être reprises; elles aboutirent à la
+découverte des cadavres des héroïques explorateurs et des carnets
+racontant leur effroyable agonie.
+
+La catastrophe est due principalement à des conditions météorologiques
+adverses et au mauvais état de la neige qui en a été la conséquence.
+Alors que sur la Grande Barrière, Amundsen n'a point éprouvé de grosses
+tempêtes et n'a essuyé que deux tourmentes dans les montagnes, Scott a
+été pour ainsi dire constamment enveloppé par des _blizzards_.
+Shackleton, lui aussi, fut assailli par de fréquents ouragans et
+rencontra de vastes espaces recouverts de neige molle. De plus, les
+nombreuses séries d'observations faites dans le _sound Mac_, Murdo par
+les trois expéditions anglaises qui y ont hiverné montrent la fréquence
+des ouragans dans cette région. Il est donc évident que la route
+anglaise vers le Pôle Sud, c'est-à-dire la partie occidentale de la
+Grande-Barrière située au pied des hautes montagnes de la terre
+Victoria, forme une sorte de trou du vent, au fond duquel tombent
+d'abondantes masses de neige. Au contraire, plus à l'est, au large de
+cette chaîne, la partie médiane de la Grande Barrière, qui a été
+parcourue par les Norvégiens, est une zone de calme relatif. De plus,
+les autorités en matière d'exploration polaire, Nansen, Shackleton,
+attribuent l'affaiblissement progressif de la caravane au scorbut. La
+terrible maladie avait visité l'expédition avant le départ pour le Pôle;
+un des membres de l'escouade du sud avait même été atteint. Il est donc
+permis de penser que, pendant la marche vers le Pôle, l'alimentation
+exclusive en conserves, jointe aux fatigues de la route, a déterminé une
+nouvelle éclosion traîtresse de la redoutable affection, dont les lents
+progrès ont mis les vaillants explorateurs hors d'état de résister aux
+intempéries et aux privations.
+
+D'autre part, une des causes du désastre doit être cherchée dans
+l'absence d'animaux de trait au moment de l'assaut final. Tandis que des
+meutes bien entraînées enlevaient rapidement les traîneaux d'Amundsen,
+les Anglais durent haler à bras les leurs dans la pénible escalade des
+montagnes. Enfin, Scott et ses compagnons n'avaient point cette maîtrise
+du ski que possèdent les Norvégiens habitués dès l'enfance à l'emploi de
+ce patin. De là, la lenteur des étapes, qui a conduit à la mort ces
+héroïques explorateurs.
+
+CHARLES RABOT.
+
+
+
+[Illustration: Le château présidentiel et l'école militaire de
+Chapultepec, près de Mexico. Le château est la résidence habituelle du
+président Madero; les élèves de l'école militaire sont, selon les uns, à
+la tête de l'insurrection,--selon les autres, de la résistance.]
+
+LA GUERRE CIVILE AU MEXIQUE
+
+M. Madero, qui, il y a bientôt deux ans, contraignait par la force M.
+Porfirio Diaz à abandonner le pouvoir, et que la révolution victorieuse
+portait alors à la présidence des États-Unis du Mexique, vient à son
+tour d'éprouver les hasards d'une sédition militaire, dirigée, cette
+fois, contre lui. Dimanche dernier, les partisans du général Félix Diaz,
+neveu de l'ancien président, entraînaient presque toutes les troupes de
+la garnison et, avec ce concours, délivraient leur chef, emprisonné
+depuis l'insuccès de sa précédente tentative insurrectionnelle. Après un
+violent combat entre les troupes fédérales et les rebelles, ceux-ci
+s'emparaient de l'arsenal, et le général Félix Diaz se proclamait
+lui-même président de la République.
+
+[Illustration: Le président Madero.--_Phot. comm. par M. Adossidès_]
+
+[Illustration: Le général Félix Diaz.--_Phot. comm. par M. Humblot._]
+
+En un pays où les questions de personnes sont seules en jeu, ce ne sont
+point des raisons politiques qu'il faut chercher à un tel mouvement.
+Depuis longtemps déjà, M. Madero avait à lutter contre les menées de
+nombreux adversaires. «Dès ses débuts, nous écrit M. N. C. Adossidès,
+qui est fort averti des origines de la crise actuelle pour avoir
+récemment séjourné au Mexique, le nouveau président fut l'objet de
+critiques acerbes; on alla jusqu'à affirmer qu'il s'était fait
+rembourser les frais occasionnés par la révolution. A vrai dire, les
+mécontents, ses anciens amis pour la plupart, se plaignaient surtout de
+n'avoir pas reçu un prix suffisant de leurs services, et si l'on voit
+aujourd'hui certains généraux, ses partisans d'autrefois, faire cause
+commune avec Félix Diaz, c'est que Madero dut résister énergiquement à
+leurs exigences exorbitantes.
+
+» Pasqual Orozco et Zapata devinrent ainsi ses ennemis acharnés. Leur
+aide lui avait été indispensable pour conquérir le pouvoir, car,
+véritables chefs de bandes, ils avaient à leur disposition des hordes
+vite excitées par l'appât de riches butins. Le succès de Madero assuré,
+ils l'accusèrent de ne point tenir ses promesses, et reprirent les armes
+contre lui.
+
+» Déconsidérés, sans prestige, ils n'étaient pourtant pas les plus à
+craindre. Un autre adversaire, beaucoup plus redoutable à cause de
+l'estime qui s'attachait à son nom, se mit bientôt sur les rangs: le
+général Félix Diaz, très populaire dans l'armée, réussit, au mois
+d'octobre dernier, avec quelques centaines d'hommes, à s'emparer de
+Vera-Cruz. Arrêté peu de jours après, il fut condamné à mort par la cour
+martiale; mais l'opinion publique intervint en sa faveur, et Madero
+commua sa peine en celle des travaux forcés.»
+
+Le général Diaz paraît avoir rencontré, à Mexico, de vives résistances.
+Les troupes fidèles ont livré aux mutins de nombreux engagements, et
+l'on annonce que M. Madero, demeuré maître du palais national, organise
+la lutte, tandis que, d'après certaines informations, Mme Madero
+résiderait toujours au château de Chapultepec, à quelques kilomètres de
+la capitale.
+
+
+
+PRUSSE ET HANOVRE
+
+Le 10 février, à Carlsruhe, au cours d'un bal au château grand-ducal de
+Bade, l'empereur Guillaume a officiellement annoncé les fiançailles de
+la princesse Victoria-Louise de Prusse et du prince Ernest-Auguste de
+Cumberland, petit-fils du roi de Hanovre et héritier présomptif--depuis
+la mort de son frère aîné le prince Georges--du grand-duché de
+Brunswick. L'événement est d'importance; les fiançailles scellent en
+effet la réconciliation des maisons de Prusse et de Hanovre de même que
+le mariage de l'empereur Guillaume avec une princesse de
+Schleswig-Holstein mit fin à une autre vieille querelle. On ne croit
+point que le duc de Cumberland, père du fiancé, puisse renoncer lui-même
+officiellement à ses droits sur le Hanovre; mais sans doute
+abdiquera-t-il en faveur de son fils, ce qui permettrait de résoudre la
+question de la souveraineté du Brunswick, actuellement administré par
+une régence qui doit cesser lorsque les Cumberland, héritiers du
+grand-duché, auront renoncé à leurs prétentions sur le Hanovre.
+
+La princesse Victoria-Louise a vingt ans. Elle est blonde, fine,
+spirituelle, vive, et, par ses saillies espiègles, met beaucoup
+d'animation jeune à la cour de Potsdam. Le prince Ernest-Auguste, âgé de
+vingt-cinq ans, est un officier bavarois de belle allure.
+
+[Illustration: Le prince Ernest-Auguste de Cumberland. _Phot. Hutzel._]
+
+[Illustration: Une fiancée en uniforme des hussards de la Mort: la
+princesse Victoria-Louise de Prusse.]
+
+[Illustration: LA «MARISMA».--Auprès d'une hutte de berger, M. Henri
+Lagatu, professeur de chimie à Montpellier, chargé de l'expertise, et
+son guide. _Photographie de M. Louis Bertrand, communiquée par M. H. del
+Camino, principal propriétaire de la Marisma._]
+
+
+
+LES MARAIS DU GUADALQUIVIR
+
+_Notre correspondant de Madrid nous écrit:_
+
+Une rapide excursion vient de me faire connaître la région des marais du
+Guadalquivir dont la concession au «Crédit foncier du Sud de l'Espagne»
+est l'objet d'une enquête judiciaire, prélude, à en croire certaines
+informations, d'un scandale analogue à l'affaire Rochette, où seraient
+compromis 5 millions et impliquées de hautes personnalités espagnoles et
+françaises.
+
+Ces marécages ne sont pas ceux que les touristes qui descendent en
+bateau le Guadalquivir de Séville à Sanlucar de Barrameda peuvent
+apercevoir, s'étendant à perte de vue sur leurs deux rives et servant de
+pacages aux troupeaux de taureaux de course. Les terrains désignés dans
+le dossier sous le nom de «Marisma Gallega d'Aznalcazar» et de «Lago de
+Almonte», sont situés à l'ouest du bras droit du Guadalquivir, dit
+«Brazo de la Torre», non navigable sauf pour de petites embarcations.
+
+Occupant, depuis Coria del Rio jusqu'à l'embouchure, l'emplacement
+probable de l'ancien estuaire du fleuve, ces terrains d'alluvion,
+abondants en silice, se présentent tantôt sous l'aspect d'un sol
+pulvérulent et grisâtre, tantôt couverts d'herbes aquatiques et
+semblables à des rizières ou aux pampas américaines. Ils sont parsemés
+de trous appelés «ojos» (yeux), sources insondables, dissimulées sous
+des couches de mousse, mais que le bétail de ces parages a l'instinct
+d'éviter, et traversés par tout un réseau de canaux («canos» ou
+«canadas»), les uns d'eau courante, les autres aveuglés. On y trouve
+enfin quelques «lueios», sortes de lagunes où séjournent le plus
+longtemps les eaux. Du côté de la mer, le long du rivage, les marais
+sont bordés par de vastes dunes de sable, et, du côté de la terre, par
+d'immenses forêts de pins, d'eucalyptus, de chênes et de palmiers nains,
+réparties en plusieurs grandes propriétés, notamment celle de la
+comtesse de Paris à Villamanrique, sa résidence, la chasse royale du
+«Coto del Rey», et surtout le «Coto de Doña Alla», fameux par
+l'abondance et la variété de sa faune presque unique en Europe, où
+l'on chasse encore le sanglier à l'épieu, comme au moyen âge, et où l'on
+a pu même acclimater des chameaux, amenés des Canaries. Les marais
+eux-mêmes sont d'ailleurs abondants en gibier d'eau.
+
+[Illustration: Vue du Carlo Travieso. Dans le fond passe au grand trot
+une troupe de chameaux qu'il a été impossible d'approcher. _Phot. Louis
+Bertrand, communiquée par M. H. del Camino._]
+
+[Illustration: Carte des marais du Guadalquivir.]
+
+Cette vaste étendue se divise en plusieurs parties: la «marisma
+d'Aznalcazar», qui commence près du bourg de ce nom, à l'est de
+Villamanrique, et couvre 25.000 hectares; la «marisma Gallega», d'une
+superficie de 15.000 hectares, comprise entre le «Brazo de la Torre» et
+le «Caño Travieso», et la «marisma de Hinojos», voisine du «Lago de
+Almonte», bande de terrain argileux et assez ferme, qui n'est couverte
+d'eau qu'en hiver.
+
+Pour mettre cette contrée en exploitation agricole, il faudrait, au
+moyen du drainage des canaux, l'assécher, et en même temps débarrasser
+la terre du sel dont elle est imprégnée: ces opérations exigeraient
+évidemment de longs et coûteux travaux. Plusieurs tentatives ont déjà
+été faites en ce sens; leur histoire, fort intéressante pour
+l'intelligence de l'affaire Péquignot, vaut d'être brièvement contée.
+
+C'est en 1876 que la première concession pour l'assèchement des marais
+d'Aznalcazar, qui appartiennent, pour la plus grande part, à M. Hilario
+del Camino, de Séville, fut faite en faveur de MM. Moréno Benitez et
+Iscar moyennant une caution de 10.000 pesetas et un délai de dix ans
+pour achever les travaux et douze ans pour livrer le terrain à la
+culture. Mais rien de sérieux ne fut exécute, et M. Iscar chercha, en
+1897, à revendre, pour 50.000 pesetas seulement, sa concession à M.
+Hilario del Camino, qui n'en offrit que 2.000 pesetas,--ce qui donne une
+idée de la valeur de ce titre dont Péquignot a tiré depuis 5 millions!
+Entre temps, plusieurs ingénieurs étrangers ou espagnols étaient venus
+opérer des relevés sur le terrain, et l'affaire avait été successivement
+étudiée par une «Compagnie péninsulaire» domiciliée à Madrid, par M.
+Sundheim, propriétaire de mines à Huelva, et plusieurs autres, sans
+qu'aucun y donnât suite. La concession primitive Benitez-Iscar semblait
+donc légalement périmée, lorsqu'un décret royal du ministère des Travaux
+publics, en date du 12 juillet 1910, la renouvela en faveur d'un M.
+Fernando Cazana; puis un autre décret du 19 juin 1911 transféra cette
+concession (en même temps que celle du lac d'Almonte, adjugé en 1910
+aussi à un M. Zapata) à MM. Caraux et Louis Renaut, le premier la cédant
+au second. Enfin, un troisième décret, en date du 10 mars 1912,
+attribuait cette même concession à M. Paul Péquignot (qui apparaît alors
+pour la première fois et ne s'est jamais rendu personnellement aux
+«marismas»), comme conseiller-délégué du «Crédit foncier du Sud de
+l'Espagne».
+
+Depuis, on n'avait rien su de l'affaire à Séville, jusqu'à l'arrivée, en
+vertu d'un mandat judiciaire, de M. Henri Lagatu, professeur de chimie à
+l'École nationale d'Agriculture de Montpellier, commissionné comme
+expert agronome pour l'analyse des terrains. Il y séjourna, il y a un
+mois, plus de vingt jours, en compagnie de M. Louis Bertrand, agent du
+consulat français.
+
+Les résultats des investigations de M. Lagatu appartiennent encore au
+secret de l'instruction; mais nous croyons savoir que, d'accord avec les
+autres personnalités compétentes, il admet la possibilité de
+l'assèchement et de l'exploitation agricole des «marismas» à force de
+temps et d'argent. Seulement, quelles qu'en soient les difficultés
+matérielles, l'entreprise ne serait possible que si les concessionnaires
+étaient ou devenaient vraiment les possesseurs du terrain. Tel n'était
+point précisément le cas.
+
+Il semble en outre singulier que, tandis que les décrets de concessions
+se succédaient, la Direction des Travaux publics de la province de
+Séville déclare ne posséder aucun dossier à ce sujet. Mais c'est à
+l'instruction qu'il appartient d'élucider toutes ces anomalies et le
+rôle des diverses personnalités impliquées dans cette affaire, qui vient
+de motiver la démission de l'ambassadeur d'Espagne à Paris, M. Pérez
+Caballero.
+
+J. C.
+
+
+
+[Illustration: Déjeuner à la pagode du Nuage de Jade vert (Pi Yunn
+Sseu): à gauche, vêtu de bleu, le bonze de la pagode.]
+
+UN MOIS A PÉKIN
+
+IV.--EN EXCURSION: LA «PAGODE DU NUAGE DE JADE VERT»
+
+Les buts d'excursions aux environs de Pékin sont nombreux et
+intéressants. Je ne vous parlerai pas de celle au tombeau des Ming et à
+la grande muraille, qui est classique; je n'ai pas pu la faire, empêché
+que j'étais par tous mes rendez-vous. Mais nous en avons fait une,
+délicieuse, au temple de Pi Yunn Sseu (Pagode du Nuage de Jade vert)
+près du Parc de Chasse, en compagnie de l'aimable M. Bouillard, qui
+s'était chargé de l'organisation et du ravitaillement.
+
+Partis de Pékin en auto vers 2 heures, nous sommes arrivés trois quarts
+d'heure après devant le Palais d'Été où nous avons trouvé des ânes et
+des chevaux qui nous ont amenés, vers 5 h. 1/2, au Temple, situé au pied
+des premières collines de l'Est.
+
+Là, dans un décor saisissant, se dresse le plus admirable monument qu'on
+puisse imaginer. C'est, dans un amphithéâtre naturel d'une grande
+allure, une succession de portiques, de ponts, de cours, de terrasses,
+d'escaliers, de pagodes, de pavillons qui escaladent la pente, assez
+forte, de la colline et conduisent au sommet d'une tour bouddhique,
+sorte d'autel grandiose, érigeant ses pylônes à multiples étages et ses
+bas-reliefs de pur art hindou dans un ciel resplendissant. Des
+polychromies peintes aux portiques en bois, on passe aux arcs de
+triomphe en céramique, puis on arrive peu à peu aux marbres hâlés et
+imprégnés de soleil, patines à plaisir et ciselés comme des
+orfèvreries... C'est une merveille.
+
+Ces morceaux d'architecture bouddhique ne sont pas rares à Pékin et dans
+ses alentours. C'est, m'a dit M. Bouillard, à l'empereur Tien Long,
+souverain lettré, artiste et très éclectique, qu'on doit l'introduction,
+en Chine, d'une certaine quantité de dogmes de la religion hindoue et,
+par suite, de monuments inspirés des traditions bouddhiques. Ce
+souverain fit même venir à Pi Yunn Sseu des architectes et des artistes
+de l'Inde pour exécuter cette partie de la construction, qui se trouve
+enchâssée dans le temple chinois comme un diamant dans du jade.
+
+Tien Long devrait être adopté comme patron par les calligraphes. Un
+autographe de lui était--et est encore--considéré par les Chinois comme
+un chef-d'oeuvre. Les temples les plus célèbres et les plus admirés sont
+ceux auxquels, par faveur spéciale, il a fait don d'une page de son
+écriture qui, soigneusement et fidèlement reproduite dans ses moindres
+détails, a été gravée sur une stèle de marbre blanc, dressée à la place
+d'honneur, sous un pavillon spécial. Les Chinois, grands admirateurs de
+l'art graphique, prennent, dans tous les endroits où il s'en trouve, de
+nombreux calques et empreintes de ces caractères impériaux. Toutefois,
+leur respect de l'écriture ne va pas jusqu'à leur faire oublier celui de
+la saleté, et presque toutes ces inscriptions demeurent badigeonnées du
+noir de fumée qui a servi à les décalquer et qu'on ne se donne pas la
+peine de laver une fois l'opération terminée.
+
+Ces gens sont tout en contradictions.
+
+La plupart des gardiens laissent froidement opérer sous leurs yeux les
+profanations les plus honteuses. Du reste, ce ne sont pas précisément
+des gardiens: ce sont des hommes quelconques, qui habitent là dedans,
+tout simplement, on ne sait en vertu de quel droit; personne ne les
+paie, ils ne dépendent de personne et vivent uniquement des pourboires
+des visiteurs.
+
+On pourrait leur confier la Joconde, si on la retrouve.
+
+La partie artistique de notre excursion était agrémentée d'un service de
+subsistances qui ne laissait rien à désirer et qui avait bien son
+charme, croyez-moi. Les boys de M. Bouillard, sous la conduite du
+cuisinier, étaient partis avant nous, emportant un matériel complet de
+couchage, des ustensiles de cuisine, d'abondantes provisions de bouche,
+la vaisselle et les valises.
+
+A l'entrée du temple, un vieux bonze nous a accueillis aimablement. Les
+boys avaient installé nos lits dans les diverses chambres de la pagode
+et servi des rafraîchissements dans une des cours ombragées et fleuries,
+près d'une source au réjouissant murmure, dans laquelle étaient
+plongées, jusqu'au goulot, de nombreuses bouteilles aux formes variées.
+
+Jusqu'au soir nous visitâmes la pagode dans tous ses détails, ne nous
+lassant pas d'admirer et de nous émerveiller.
+
+Après un succulent dîner et une agréable soirée de causerie, nous fûmes
+nous coucher. Chacun de nos lits, qui avaient été dressés sur des
+estrades, au fond des chambres entre deux brûle-parfums de bronze
+entourés d'inscriptions, avait l'air d'attendre quelque bouddha souriant
+et pansu, comme celui qui, bienveillant, au milieu des décombres, siège
+à l'entrée du temple.
+
+[Illustration: Les rizières de la banlieue de Pékin, vues de la Fontaine
+de Jade.]
+
+Au dehors, les clochettes pendues aux corniches retroussées se mirent à
+linter discrètement dans la nuit au gré des bouffées de brise, et je
+m'endormis du sommeil du juste.
+
+Le lendemain, promenade au Parc de Chasse et visite des ruines d'une
+lamaserie thibétaine, autre fantaisie de Tien Long. Il faudrait la plume
+évocatrice de Loti pour vous dire le charme et la grandeur de ces lieux,
+l'étrangeté des grands pins blancs aux troncs tourmentés, qu'on croirait
+enduits d'une couche d'argent, et au feuillage en bronze patiné.
+
+Il y a des arbres partout, dans ces temples; ils ont l'air de faire
+partie de l'architecture. Les beaux artistes qui créèrent ces merveilles
+ont certainement tenu compte de leur présence lorsqu'ils combinèrent
+leurs plans, et ils ont bâti en les respectant et en les utilisant comme
+accessoires décoratifs. Certains d'entre eux, plusieurs fois
+centenaires, sont d'une forme et d'une couleur inimaginables.
+
+En vérité, je vous le dis, la Chine est un admirable pays.
+
+A la suite d'un déjeuner finement arrosé, nous fîmes nos adieux au bonze
+qui était venu, sans façon, boire avec nous le petit verre de cognac de
+l'amitié et fumer la cigarette de paix. Il va sans dire que le pourboire
+traditionnel ne fut pas oublié. De nouveau, sur nos ânes ou nos chevaux,
+nous suivîmes la route aux dalles disjointes et usées, nous éloignant à
+regret de cette émouvante oeuvre d'art.
+
+Sur le chemin du retour se trouve, près du Palais d'Été, une autre belle
+chose--la Fontaine de Jade--qui mériterait toute une littérature. De là
+on découvre l'immense Pékin dans toute sa plate étendue, avec, au
+premier plan, en avant du Palais d'Été, une succession de rizières
+inondées dont les digues forment comme un réseau de cloisonné.
+
+LE PORTRAIT DE YUAN CHI KAI
+
+16 juin.
+
+La patience est une vertu chinoise, il faut le croire, et la mienne fut
+soumise ici à une longue épreuve. Non pas que j'aie été le moins du
+monde victime du mauvais vouloir des hauts personnages dont je voulais
+faire de rapides portraits. Au contraire, dès mes premières démarches,
+ils m'ont fait répondre que ce serait avec plaisir, mais qu'ils étaient
+très occupés et qu'il fallait attendre.
+
+J'ai tellement attendu que j'ai eu un moment de désespérance; mais,
+grâce à l'infatigable obligeance du général Munthe, à qui notre
+ministre, M. de Margerie, avait bien voulu demander de m'obtenir les
+audiences que je sollicitais, j'ai, enfin, été reçu par le président de
+la République chinoise.
+
+Le nouveau Ouaï Ou Pou (ministère des Affaires étrangères), résidence
+actuelle de Yuan Chi Kaï, est un vaste bâtiment en briques grises, tout
+neuf, tout américain, d'architecture vaguement palatiale, d'un style
+yankee assez prétentieux, genre gratte-ciel, moins les étages. On y
+accède par une étroite ruelle tout encombrée de soldats et où les
+pousse-pousse eux-mêmes ont peine à se croiser. Comme c'est une
+construction à l'européenne--à l'américaine, veux-je dire--l'entrée ne
+comporte pas le fameux pan de mur ornementé qui, devant tous les yamen,
+tous les temples et même les maisons particulières (quand il y a de la
+place), empêche les mauvais esprits de pénétrer; mais on l'a remplacé, à
+l'intérieur, dans la cour, par un monumental paravent de bois, très
+moderne lui aussi, qui leur barre fort bien la route ou, en tout cas,
+les oblige à faire un détour qui brise leur élan.
+
+Yuan Chi Kaï m'a reçu dans son vaste cabinet où rien, vraiment, ne
+rappelle la Chine; pas un meuble, pas un objet d'art qui ne soient
+modernes; c'est confortable et cossu. Le Président, venu très
+courtoisement au-devant de moi jusqu'à la porte, me tend la main à
+l'européenne et me souhaite la bienvenue par l'intermédiaire du général
+Munthe. C'est un homme d'une soixantaine d'années, semble-t-il, au torse
+puissant et aux jambes courtes; les mains sont petites et fines. Il est
+vêtu du nouvel uniforme chinois en toile kaki, avec des boutons dorés,
+des broderies au collet, des pattes d'épaulettes à étoiles et des
+aiguillettes. De courtes bottes molles complètent cette tenue d'une
+irréprochable correction mais dont la sobriété me fait penser--avec quel
+regret!--aux anciens atours abolis. Son Excellence devait avoir grande
+allure, en robe de mandarin...
+
+[Illustration: Entrée de l'ancien Ouaï Ou Pou (ministère des Affaires
+étrangères).]
+
+[Illustration: Yuan Chi Kaï, président de la République chinoise.
+_Dessin d'après nature de L. Sabattier, sur lequel le Président a apposé
+sa signature._]
+
+L'air bienveillant et affable de mon modèle, son sourire infiniment bon,
+me semblent justifier tout le bien que m'en a déjà dit le général Munthe
+qui n'en parle qu'avec le plus affectueux respect, vantant
+chaleureusement sa bonté et sa fidélité envers ses amis.
+
+Je crois pourtant qu'il vaut mieux ne pas être de ses ennemis; mais,
+n'ayant eu ni le temps ni les éléments nécessaires pour me faire sur lui
+une opinion définitive, je m'en tiens à celle du général Munthe.
+
+Après quelques phrases de politesse, le Président s'est assis à son
+bureau et, sur ma demande, a continué à s'occuper des affaires
+courantes, examinant des papiers, prenant des notes, donnant des
+signatures. Celle qui orne mon croquis est de sa propre main, bien
+entendu, et c'est, m'a dit ensuite son secrétaire, une faveur qu'il ne
+prodigue pas. Quant à mon dessin, tout en étant assez ressemblant, il
+n'est pas fameux, je suis le premier à le reconnaître; mais, je peux
+bien le dire sans lui manquer de respect, le Président a très mal posé.
+Je ne pouvais pourtant pas me permettre de rappeler à l'ordre un tel
+chef d'État.
+
+L'exemple parti de si haut n'a pas tardé à être suivi, et, après le
+président de la République, le président du Conseil, la plupart des
+ministres, vice-ministres et secrétaires, m'ont, à l'envi, accordé
+quelques moments de pose; si bien que, maintenant, je ne sais plus où
+donner de la tête.
+
+Beaucoup de physionomies intéressantes, parmi ces hommes politiques de
+la nouvelle Chine, les unes fines, les autres énergiques, des
+malicieuses, des bonasses, toutes énigmatiques. Les Chinois sont si loin
+de nous!
+
+QUELQUES HOMMES D'ÉTAT
+
+Le président du Conseil, Tong Shoa Yi, qui parle admirablement
+l'anglais, m'a paru être remarquablement intelligent.
+
+C'est une curieuse figure que la sienne: la proéminence de l'arcade
+sourcilière sous la fuite du front, la minceur de la bouche sous la
+moustache émondée, la pesanteur du regard derrière les lunettes,
+composent un ensemble d'une austérité un peu inquiétante. La parole est
+sobre et précise; la voix grave n'a rien des tonalités aiguës
+particulières aux Chinois. Tong Shoa Yi a étudié en Amérique, où il a
+longtemps séjourné, et d'où il paraît avoir rapporté, en même temps que
+l'accent du pays, un esprit pratique et des idées modernes bien
+arrêtées.
+
+Il avait revêtu, pour poser, un veston en flanelle blanche de coupe
+assez analogue à celle de la vareuse de nos marsouins: col droit et deux
+rangs de boitons; pantalon européen, naturellement. Comme il me
+demandait mon avis sur ce complet qui, dans son idée, est destiné à
+devenir le vêtement national, sorte d'uniforme civil, je lui ai répondu
+qu'il avait l'air très confortable et très commode et que, si on
+l'adoptait, il ne fallait pas manquer de prescrire, comme on fait en
+France pour nos soldats, de boutonner à droite la première quinzaine et
+à gauche la seconde, pour éviter d'user toujours le même côté. Quand on
+fait une loi somptuaire, il faut la faire complète.
+
+[Illustration: Le nouveau Ouaï Ou Pou.]
+
+[Illustration: PI YUNN SSEU (LA PAGODE DU NUAGE DE JADE VERT).--Le
+portique de marbre.
+
+_Aquarelle de L. Sabattier._]
+
+[Illustration: Le secrétaire général de la présidence de la République,
+Liang Che Yi.]
+
+Une chose qui m'a fait beaucoup de peine c'est de voir, sur tous les
+bureaux présidentiels ou ministériels, des porte-plume et de l'encre. O
+progrès!
+
+Où est le bel encrier chinois dans lequel on voit les lettrés des
+peintures anciennes délayer leur encre avec une attention et un soin si
+touchants? Où est le beau bâton d'encre de Chine, avec ses ornements et
+ses devises ou ses pièces de vers moulées en beaux caractères anciens ou
+modernes? J'en ai un splendide, qui porte en lettres dorées ces mots:
+«Puissé-je vous servir encore dans dix mille ans!»
+
+Le tout est remplacé, maintenant, par une boîte en cuivre, ronde ou
+carrée, contenant une pâte noire toute préparée qui doit être fabriquée
+et vendue en gros par les Japonais, ces Allemands de l'Extrême-Orient.
+
+On dirait une boîte à cirage.
+
+Je sais bien, c'est plus commode, plus vite fait, mais puisque le temps
+ne compte pas, en Chine...
+
+Ces détails semblent indiquer un état d'esprit alarmant au point de vue
+du pittoresque et une tendance à réformer moins les moeurs ou les
+institutions que les choses. Il est plus facile de frapper l'oeil que
+l'esprit. Si les tailleurs et les architectes s'en mêlent, il ne restera
+bientôt plus rien de beau à voir à Pékin.
+
+Tsaï Ting Kan, secrétaire particulier de Yuan Chi Kaï, est bien le
+Chinois le plus aimablement accueillant que j'aie encore rencontré. Il
+est fin, spirituel et de bonne humeur, avec de la malice plein la face.
+Il parle, lui aussi, très bien l'anglais, et, en causant avec lui, on
+finit par avoir l'impression que le costume national, qu'il a conservé,
+est un déguisement; d'autant plus que, sous sa longue lévite bleue, il
+porte un pantalon de drap et des bottines à boutons. Mon admiration pour
+la Chine et mon enthousiasme pour son art lui ont causé un visible
+plaisir et, lorsqu'il a su ma passion pour les caractères chinois, il
+m'a offert le plus délicat témoignage de sympathie sous la forme d'une
+collection de pinceaux à écrire que je considère comme un très précieux
+cadeau.
+
+[Illustration: Le ministre des Finances, Hsiun Si Ling.]
+
+[Illustration: Le ministre de l'Intérieur, Tchao Ping Tiunn.]
+
+[Illustration: Le secrétaire particulier de Yuan Chi Kaï.]
+
+[Illustration: Le président du Conseil, Tong Shoa Yi.]
+
+_Les cinq personnages ont apposé sur les croquis originaux de L.
+Sabattier leur signature autographe des deux derniers en écriture latine
+en même temps qu'en écriture chinoise._
+
+[Illustration: Une partie peu visitée du Palais d'Été.]
+
+Liang Che Yi, secrétaire général de la présidence, m'a reçu d'un air
+fort enjoué et n'a cessé de rire pendant toute la séance, en bavardant
+avec le général Munthe qui, fidèlement, me sert d'introducteur et
+d'interprète auprès de Leurs Excellences. Celui-là ne parlant que le
+chinois, je suis forcé de le juger sur l'apparence, ce qui fait un peu
+partie de mon métier; et quelques vers de la fable du _Souriceau_ me
+viennent à la mémoire:
+
+ _L'un, doux, bénin et gracieux,_
+ .............................................
+ _Un modeste regard et, pourtant, l'oeil luisant._
+
+Le ministre des Finances, Hsiun Si Ling, a, comme vous pouvez en juger,
+une figure des plus caractéristiques. Ses yeux si chinois et son nez si
+busqué font plutôt mauvais ménage, et sa coupe de cheveux ne se tient
+pas avec sa moustache et sa barbiche clairsemées, qui conservent un air
+ancien régime très marqué.
+
+[Illustration: Un clocheton d'angle du Palais d'Été.]
+
+La demi-heure qu'il a bien voulu me consacrer restera dans mon souvenir
+comme une des plus chaudes de mon existence: le thermomètre marquait, ce
+jour-là, 42° à l'ombre. Pendant que je dessinais, le ministre,
+doucement, s'éventait. Il finit par s'apercevoir que j'avais très chaud
+et, obligeamment, me fit proposer par son secrétaire, qui parle
+français, d'ôter mon veston que j'avais gardé.
+
+Tchao Ping Tiunn, ministre de l'Intérieur, me fait l'effet d'un pondéré;
+l'oeil est franc et la figure claire. L'écriture robuste dénote un
+caractère ferme et sérieux. Il doit être énergique et droit.
+
+Tout ce que je vous raconte là, ce sont, naturellement, des impressions
+personnelles. La plupart de ces personnages sont encore assez inconnus,
+au moins des résidants européens. Ils n'ont, jusqu'à présent, rien
+produit de sensationnel qui puisse permettre de porter sur eux un
+jugement motivé (1).
+
+Il semble qu'ils attendent quelque chose. Il y a du malaise et de
+l'inquiétude dans l'air.
+
+On parle de plus en plus de troubles, d'effervescence, de révoltes des
+soldats.
+
+[Note 1: Depuis qu'ont été dessinés les portraits reproduits ci-contre,
+la situation de certains des modèles s'est modifiée assez profondément.
+C'est ainsi que Tong Shoa Yi, descendu du pouvoir, n'est plus qu'un
+simple citoyen. Tsaï Thig Kan, promu conseiller de la présidence, a été
+chargé de conduire les difficiles négociations en vue de la
+réconciliation du Nord et du Sud, violemment brouillés au lendemain de
+la révolution. Hsiun Si Ling n'est plus ministre, mais préside la
+commission d'étude des réformes financières. Enfin Tchao ring Tiunn est
+actuellement président du Conseil.]
+
+PALAIS D'ÉTÉ, PALAIS D'HIVER
+
+18 juin.
+
+J'avoue que le Palais d'Été ne m'a pas enthousiasmé outre mesure; si ce
+n'était sa partie ancienne, très belle en son délabrement, et où les
+guides ne veulent jamais mener les visiteurs, pour avoir plus vite fini,
+j'en serais revenu assez désillusionné.
+
+Dans cette partie ancienne que nous avons tenu à visiter, sur les
+conseils du commandant Vaudescal, en compagnie de M. O'Neil et de sa
+charmante femme, il y a quelques coins vraiment dignes d'admiration et,
+entre autres, une certaine petite pagode à étages qui est une pure
+merveille de forme et de couleur. Pour ce morceau et un autre, qu'on
+appelle le pagodon de bronze, je donnerais tout le reste, sauf,
+peut-être, le lac qui, dans son ensemble, est très beau, malgré qu'il
+soit gâté par la fameuse Jonque de marbre. Cette banale et laide
+curiosité pour touristes est, justement, ce qu'il y a de plus connu; le
+contraire m'aurait étonné.
+
+La petite pagode à étages est encore à peu près intacte, mais le pagodon
+de bronze a reçu, en 1900, la visite de quelques amateurs de
+chefs-d'oeuvre pas cher: une de ses portes, bijou de ciselure, fait,
+paraît-il, le plus bel ornement des salons de je ne sais plus quel
+établissement de crédit, tandis qu'une fenêtre a été adoptée par un
+amateur éclairé. Vous savez que, à la même époque, l'un des merveilleux
+équatoriaux de l'observatoire de Pékin est parti en Prusse où il est
+demeuré. Son frère, après avoir fait, lui, un petit voyage en France,
+est revenu s'installer sur son piédestal comme si de rien n'était.
+
+La seule chose qui pourrait donner à ces sortes d'opérations un semblant
+d'excuse, c'est l'incroyable indifférence des Chinois à l'égard de leurs
+richesses artistiques. Cette indifférence, je me hâte de le dire, ne
+peut être reprochée qu'aux fonctionnaires, car il y a encore en Chine de
+nombreux et fervents admirateurs des oeuvres d'art du pays. Il n'en est
+pas moins pénible de penser que ces beautés sont destinées à
+disparaître, soit par cambriolage, soit par suite d'incurie.
+
+[Illustration: La pagode à étages, au Palais d'Été.]
+
+[Illustration: Pavillon d'angle et fossé de l'enceinte du Palais
+d'Hiver.]
+
+Il est vrai que celles qui sont cambriolées ne sont pas perdues pour
+tout le monde.
+
+Le Palais d'Hiver, au centre de Pékin, forme, à lui seul, une ville
+fortifiée dans l'enceinte, déjà formidable, de la capitale. Depuis mon
+arrivée, ses interminables murs rouges, tuiles de jaune, impénétrable et
+exaspérante barrière par-dessus laquelle on aperçoit les vastes toitures
+aux teintes d'or, ses portes, farouchement closes et gardées, ses
+fossés, dont les eaux dormantes disparaissent sous les lotus, ses
+pavillons d'angle si beaux de proportions et de tonalité, exerçaient sur
+moi tout l'attrait de l'interdit et du mystérieux. Mon désir de voir
+était arrivé à l'état aigu lorsque l'autorisation d'entrer me fut,
+enfin, accordée,-toujours grâce à la grande obligeance de notre
+ministre, M. de Margerie.
+
+Ce ne fut pas sans émotion que je pénétrai dans ce palais qui sert,
+maintenant, de prison au jeune empereur, otage des révolutionnaires.
+
+La Ville Impériale proprement dite est située au centre du Palais
+d'Hiver et entourée, elle aussi, d'une muraille qu'il ne m'a pas été
+possible de franchir. Du haut de la Montagne de Charbon, le délégué du
+Ouaï Ou Pou chargé de nous piloter nous a montré les pavillons de
+l'empereur, de l'impératrice, les divers bâtiments, les temples et tout
+ce qui constitue la ville interdite. A toutes nos questions sur le jeune
+empereur, nous reçûmes des réponses vagues. «Pauvre gosse!», dit à un
+certain moment l'un de nous.-«Il n'est pas pauvre! reprit vivement un
+des personnages officiels, il touche 300.000 taëls par mois.»
+
+Evidemment...
+
+Nous visitâmes donc des cours, des pavillons, des couloirs, précédés et
+suivis d'eunuques grassouillets et écoutant distraitement les
+explications de notre guide, qui s'exprimait en fort bon français. C'est
+vraiment mieux ici qu'au Palais d'Été. Il y a des morceaux d'une rare
+élégance; les détails sont plus soignés et l'ensemble est moins délabré;
+c'est habité et les choses semblent s'en ressentir.
+
+On nous a promenés en jonque sur les lacs couverts de lotus qui,
+malheureusement, ne fleuriront que dans un mois. Les bateliers qui nous
+attendaient, la longue perche au poing, ne manquaient pas d'allure, et
+les jonques, portant, l'une les invités et l'autre les eunuques, nous
+ont amenés à un débarcadère assez amusant, près du pont en S qui conduit
+au pied du Pé Ta, la «bouteille de Pippermint», comme l'appellent nos
+marsouins, qu'on aperçoit de tous les coins de Pékin.
+
+La garde qui nous avait rendu les honneurs à notre arrivée nous a, de
+nouveau, présenté les armes à la sortie, car nous étions des visiteurs
+officiels; puis, comme il était près de 2 heures, nous sommes allés
+déjeuner, comme de simples citoyens.
+
+L. Sabattier
+
+--_A suivre._--
+
+[Illustration: Départ pour la promenade en jonque sur les lacs du Palais
+d'Hiver.]
+
+
+
+LA BANDE ANARCHISTE AUX ASSISES
+
+_Suite des croquis d'audience de PAUL RENOUARD_.
+
+Dieudonné, formellement accusé par le garçon de recettes Caby, l'adjure
+de reconnaître qu'il a pu se tromper.
+
+Les dépositions des premiers des deux cents témoins ont succédé aux
+interrogatoires. L'un de ces témoignages, le plus attendu, promettait
+d'être sensationnel. On ne fut point déçu.
+
+--Faites entrer M. Caby! ordonne le président.
+
+Un homme, rapidement, s'avance à la barre où tous les regards le
+suivent. C'est la victime de la rue Ordener. La silhouette est maigre,
+nerveuse, avec des épaules étroites et une allure saccadée. Le visage
+osseux, blême, parcheminé, avec un grand front chauve, est celui d'un
+convalescent encore bien fragile. Caby, on vient de nous le rappeler à
+l'instant, a eu un poumon troué par une balle. Une autre balle s'est
+logée dans la région de la nuque d'où on n'a pu la retirer. Longtemps on
+a désespéré de sauver ce malheureux, «foudroyé»--selon son
+expression--à bout portant, et qui, gisant à terre, perdant son sang à
+flots, fit de suprêmes héroïques efforts pour retenir de ses mains
+raidies le dépôt qui lui avait été confié. Mais, enfin, le miracle s'est
+réalisé tout de même, et la victime, revenue de si loin, apporte
+aujourd'hui son témoignage décisif...
+
+Le silence, dans la vaste salle, est absolu. Les coeurs battent un peu
+plus fort. Une émotion anime les physionomies impassibles des jurés. Les
+stagiaires sont graves. Les journalistes n'écrivent plus. Les vingt
+accusés, soudainement très attentifs, ont des regards fixes, Dieudonné
+est très pâle.
+
+--Racontez à messieurs les jurés comment s'est produite l'agression dont
+vous avez été victime.
+
+Et Caby raconte, simplement, succinctement, d'une voix précise, sans
+timbre... Nous voyons maintenant ce visage dans la pleine lumière qui
+descend des fenêtres. Les traits, en relief, avec la moustache raide et
+tombante qui barre le profil, sont décidés, énergiques, et contrastent
+avec la faiblesse physique que l'on devine encore chez ce ressuscité.
+
+[Illustration: La mère de Dieudonné à la barre des témoins.]
+
+--Reconnaîtriez-vous votre agresseur?
+
+Caby fait face aux accusés et, sans hésitation, le bras tendu vers
+Dieudonné, déclare:
+
+--Le voici!
+
+Et c'est un long frisson dans la salle.
+
+--Vous savez, insiste le président, que votre déposition peut faire
+tomber la tête de cet homme.
+
+--C'est lui, je le jure.
+
+Alors, Dieudonné se lève. Il va sans doute crier son innocence. Non
+point, il cherche à l'expliquer. Il parle longuement, sans élan, sans
+désespoir, avec des phrases préparées. Ah! comme l'on voudrait être
+véritablement ému à ce moment et recevoir, tandis que cet homme se
+débat, le choc qui atteint le coeur. Mais non, ce n'est pas cela. Et,
+tandis que Dieudonné se rassoit, nous entendons ces mots de Caby qui
+sonnent terriblement plus vrais:
+
+--Et moi je jure sur la tête de ma petite fille que cet homme est bien
+mon agresseur!
+
+Ce fut la scène la plus impressionnante, jusqu'ici, de ces interminables
+débats, au cours desquels aussi, cependant, il y eut une minute
+d'infinie pitié lorsque la mère de Dieudonné, une pauvre vieille
+douloureuse, vint défendre son fils que malheureusement, continuent à
+reconnaître des témoins précis et redoutables.
+
+[Illustration: Le garçon de recettes Caby désigne Dieudonné comme son
+assassin.]
+
+[Illustration: Dieudonné, accusé d'être le principal auteur de
+l'attentat de la rue Ordener, et son avocat, Me de Moro-Giafferi.]
+
+
+
+[Illustration: Le camp des spahis après l'occupation de la casbah
+d'Anflous. Mêlé aux soldats, l'envoyé spécial de _l'Agence Havas_, M.
+Georges Guérard.]
+
+LA PRISE DE LA CASBAH D'ANFLOUS
+
+Les premières nouvelles qu'on avait reçues de la prise de la casbah
+d'Anflous, et que nous avons résumées dans notre numéro du 1er février,
+ont été complétées par des comptes rendus--un, notamment, du
+correspondant de _l'Agence Havas_, M. Georges Guérard, auteur des
+photographies reproduites ici, auquel nous allons faire de larges
+emprunts--qui donnent à ce beau fait d'armes tout son caractère: c'est
+l'une des opérations les plus rudes et les plus méritoires que nos
+soldats aient accomplies au Maroc. Une de celles, aussi, dont on puisse
+espérer les conséquences les plus efficaces pour le développement de
+notre influence.
+
+Il fallut un assaut de deux jours pour enlever cette forteresse, dont
+nous avons dit la situation admirable, au point de vue défensif; un
+combat qui remplit les journées des 24 et 25 janvier.
+
+Il faut dire, pour faire mieux comprendre les difficultés de la tâche
+imposée à nos troupes, que l'ennemi--soit que l'expérience acquise sur
+d'autres champs lui ait profité, soit qu'il se trouvât dans ses rangs un
+certain nombre des askris rebelles de Fez, dressés par nos instructeurs,
+et renvoyés dans leurs tribus à la suite de la révolte de l'an
+dernier--manoeuvrait tout à fait à l'européenne, en utilisant
+admirablement le terrain qui le protégeait.
+
+[Illustration: Le général Brulard à la casbah.]
+
+La harka d'Anflous avait attaqué dans la nuit du 23 au 24 le camp
+français. L'alerte déjà avait été chaude: un lieutenant de spahis et
+deux conducteurs avaient été blessés; la propre tente du général
+d'Esperey avait été trouée de balles.
+
+[Illustration: Les alpins dans la cour d'entrée de la casbah. Sous un
+appentis, la cage de fer dans laquelle le caïd Anflous enfermait ses
+ennemis captifs _Photographies G. Guérard._]
+
+Au matin, quand les nôtres se remirent en marche, les Marocains se
+défendirent pied à pied dans chacun des villages fortifiés qui gardaient
+la route, se repliant méthodiquement vers la zaouïa de Sidi Lhassen ou
+El Hassan, centre important que le général Brulard s'était donné comme
+objectif.
+
+Le terrain, et c'est ainsi dans toute cette contrée hérissée de rocs,
+broussailleuse, boisée même, un peu, était horriblement difficile. Il
+était, par surcroît, fort habilement aménagé pour la lutte: en plus des
+fortins dont il est semé, l'ennemi y avait établi des tranchées à
+l'épreuve des obus à balle. Le général Brulard n'eut pas trop de toutes
+les ressources dont il disposait. Tandis que l'artillerie faisait son
+oeuvre, que le tabor des troupes auxiliaires et les tirailleurs
+chargeaient à la baïonnette pour maintenir les Marocains sur la gauche
+de la zaouïa, un mouvement tournant des tirailleurs et des zouaves prit
+à revers la position tant disputée: à 2 heures après midi, nous en
+étions maîtres; mais, jusqu'à la nuit, les nôtres, installés sur le
+terrain conquis, furent en butte à une fusillade ininterrompue.
+
+De nombreux cadavres marocains étaient demeurés sur la place; les
+tranchées étaient ensanglantées. L'ennemi devait avoir éprouvé des
+pertes considérables. Nous avions seulement huit tués et soixante
+blessés.
+
+Le 25, à 6 heures du matin, laissant les blessés et les convois à la
+garde d'une compagnie d'alpins, d'une de tirailleurs et d'une section de
+75, le général Brulard se remettait en marche sur le dar Anflous.
+
+Le terrain sur lequel on allait opérer était encore, dit notre confrère
+de l'_Havas_, historiographe de cette marche magnifique, «plus âpre que
+celui où s'était déroulé le combat du 24 janvier. Des gorges profondes
+séparent les croupes rocheuses et boisées des crêtes montagneuses qui
+s'étendent parallèlement».
+
+L'ennemi, escomptant que nous allions nous engager dans ces gorges,
+avait tout préparé pour nous y bloquer et nous écraser. Le général
+Brulard n'est pas si naïf! Il manoeuvra pour s'emparer des hauteurs de
+droite, mais en trompant tout d'abord ses adversaires par une manoeuvre
+de cavalerie qui consistait à faire croire que sa colonne allait suivre
+le ravin: les cavaliers purent se rendre compte à quel point les
+précautions, de ce côté, étaient prises!
+
+Alors ils gagnèrent, méthodiquement, sous la protection de l'artillerie,
+les premiers contreforts de la chaîne de droite, bientôt suivis de la
+colonne entière débusquant tout ce qui s'offrait à sa marche. A 9 heures
+on était sur la crête, «après une série de combats durant lesquels la
+fusillade, les hurlements des Marocains et le fracas de la canonnade,
+faisaient littéralement trembler la montagne».
+
+[Illustration: Destruction de la forteresse d'un grand caïd marocain. La
+colonne Brulard fait sauter à la mélinite la casbah d'Anflous: explosion
+des deux tours de l'Est.--_Phot. G. Guérard._]
+
+On tenait maintenant les hauteurs dominant la casbah, située dans une
+petite vallée.
+
+Il restait à parcourir 6 kilomètres, sur un sol couvert de rocs éboulés.
+On le fit presque sans à-coups, en manoeuvrant avec un admirable
+sang-froid.
+
+Vers 10 heures, le feu des Marocains commençait à diminuer d'intensité.
+Ils lâchaient pied. L'artillerie acheva leur déroute. Une heure après, on
+arrivait en vue de la casbah, très imposante d'ensemble, repaire
+jusque-là inviolé «contre lequel s'étaient brisées toutes les mehallas
+envoyées par les sultans successifs au cours des règnes précédents».
+
+On occupa cette bastille si chèrement conquise,--nous avons dit que
+nous avions en tout, pour l'ensemble de l'expédition, treize tués et
+soixante-douze blessés. Les blessés furent installés dans la partie que
+naguère habitait le harem, au fond d'un verdoyant jardin, et nos soldats
+s'amusèrent beaucoup d'une cage de fer, abandonnée dans la cour, qui
+avait dû contenir maints captifs.
+
+Et puis, le lendemain, avant de quitter les lieux, on procéda à
+l'opération qui, de temps immémorial, a consacré les victoires: on
+démantela la forteresse,--exactement, à la mélinite on fit sauter ses
+tours et on entama ses murailles, ce qui est une difficile besogne, dans
+ces constructions de béton dont le temps a fait de véritables
+monolithes.
+
+
+
+[Illustration: Le grand industriel Guéret. Le comte Tcherkof. Une grande
+dame russe. Sergine Guéret. De Limeuil.
+
+(M. de Féraudy). (M. Ravet). (Mlle Robinne). (Mlle Berthe Cerny). (M. H.
+Mayer).]
+
+[Illustration: Un contremaître (M. Croué). Guéret (M. de Féraudy).]
+
+DEUX EFFETS D'AURORE SE LEVANT SUR UNE FÊTE ET SUR UN SINISTRE, A LA
+COTE D'AZUR.
+
+Scènes du premier et du dernier acte de l'_Embuscade_, de M. Henry
+Kistemaeckers, à la Comédie-Française. _Décors de M. Bailly et de MM.
+Jenselme, Gillard et Guérard.--Photographies A. Bert.--Voir l'article,
+page 142._
+
+LA CONFESSION DE LA DU BARRY (Mme JANE HADING) DANS SON CACHOT DE
+SAINTE-PÉLAGIE
+
+Une scène de _la Chienne du Roi_, l'acte de M. Henri Lavedan, applaudi
+avec Servir au Théâtre Sarah-Bernhardt (direction Guitry).
+
+Dessin de J. SIMONT.
+
+Il y avait déjà un contraste piquant à nous montrer une des femmes qui
+personnifient le mieux la joie et la frivolité, le luxe et la volupté de
+la fin du dix-huitième siècle, dans le décor sinistre et répugnant d'une
+prison, à nous faire voir cette amie de roi--du roi qui fut le
+Bien-Aimé--rudoyée par des valets de bourreau, mais M. Henri Lavedan,
+dans cette pièce, qui précède _Servir_ au Théâtre Sarah-Bernhardt, que
+dirige actuellement M. Lucien Guitry, ne s'est pas arrêté à cet effet
+purement extérieur et, pour ainsi dire, de premier plan; il est allé
+beaucoup plus loin, beaucoup plus haut et il s'est plu à nous montrer, à
+extérioriser de la façon la plus ingénieusement dramatique le contraste
+de l'âme et de la chair, le conflit de l'esprit et de la matière.
+
+Un prêtre, déguisé en délégué du Comité de Salut public, vient, en
+effet, voir la courtisane incarcérée; il lui offre de la faire évader de
+sa geôle, c'est-à-dire de la sauver de l'échafaud; mais il dispose d'un
+moyen de secours qui ne peut servir qu'une fois et pour une seule
+personne.--Qu'on sauve donc la reine! s'écrie spontanément la du Barry.
+Mais la reine refuse la liberté sans ses enfants. La du Barry
+n'acceptera pourtant pas de bénéficier seule d'une si insigne faveur et
+elle se condamne à rester sous les verrous; elle recevra du moins
+l'absolution que lui offre le prêtre; pour la recueillir elle
+s'agenouille et, tandis que, de l'autre côté de la porte, à travers la
+grille du judas, quelques sans-culottes, rouges voyous, l'injurient,
+sans d'ailleurs se douter, heureusement, de l'acte qu'elle accomplit,
+tandis qu'ils la criblent de sarcasmes, elle se confesse.
+
+Mais, à mesure que s'écoule l'heure qui eût pu favoriser sa fuite, que
+s'abat, sur la prisonnière, plus irrémédiablement, l'ombre du couperet,
+elle s'effraie, elle s'épouvante; elle ressent, d'avance, toutes les
+angoisses de l'exécution prochaine, toutes les affres de la mort; sa
+volonté reste ferme et volontaire, mais sa chair accoutumée aux
+caresses, aux adorations, tremble et se hérisse; elle hurle, elle se
+tord... C'est la trouvaille d'un grand écrivain dramatique. On a
+applaudi longuement et chaleureusement cet acte émotionnant et ses deux
+remarquables interprètes, Mme Jane Hading et M. André Calmettes.
+
+
+
+LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS
+
+_Un livre posthume_
+
+C'est avec une mélancolique piété qu'on lira le volume édité d'hier
+(_Dernières Pensées_, Flammarion), où se trouvent recueillis des
+articles, des conférences, comme les derniers actes de cette royauté
+intellectuelle qu'exerçait Henri Poincaré. L'allocution finale,
+intitulée «Pour l'union morale», il l'avait prononcée trois semaines
+avant sa mort.
+
+Ce volume, d'ailleurs, paru sous la même couverture qu'avaient illustrée
+_la Science et l'Hypothèse, la Valeur de la science_, contient surtout
+des aperçus de détails, quelques discussions de théories récentes en
+physique, mais, au point de vue général et quant à la philosophie,
+Poincaré s'y montre rigoureusement fidèle à la doctrine qui, depuis une
+dizaine d'années, avait fait de lui l'un des initiateurs de ce temps.
+
+L'originalité d'Henri Poincaré, en effet, fut de philosopher, non pas en
+philosophe, mais en savant. A propos d'Émile Boutroux, récemment nous
+avons dit un mot de la préoccupation qui, après l'événement éblouissant
+de la science, fut celle de tous les penseurs, depuis Emmanuel Kant
+jusqu'à Henri Bergson: il s'agissait de déterminer la valeur de cette
+science et de la concilier avec tout ce qu'elle semblait d'abord
+repousser, la liberté, la foi, le sentiment du devoir et la morale. Les
+philosophes cherchaient à résoudre la difficulté à leur manière, en
+proposant des métaphysiques, c'est-à-dire en s'appliquant à déterminer
+la nature même des choses dont la science ne traduirait qu'un aspect
+fragmentaire. Henri Poincaré, au contraire, ne fut jamais un philosophe
+de profession, mais seulement un savant prodigieux, prodigieux à la fois
+par la force de son esprit et par l'étendue de son domaine, géomètre,
+astronome, physicien, quasi-chimiste et biologiste, et assurément
+psychologue. A l'époque d'une extrême division du travail, scientifique,
+il y eut en lui quelque chose de l'universalité d'un génie de la
+Renaissance. Il en avait aussi les dons artistiques, la chaleur d'âme.
+Il voyait dans la science une beauté, un objet d'amour. Il parle avec
+lyrisme et attendrissement des jouissances intellectuelles du
+mathématicien et il célèbre l'astronomie, mère de toutes les sciences et
+source de toutes les vérités, en un langage qui rappelle Pascal. On
+conçoit donc que, abordant à son tour le problème des philosophes sur
+«la valeur de la science», il se soit proposé d'y utiliser surtout son
+universelle compétence et son autorité unique. Il entreprit de
+réfléchir, non point sur la nature inconnue des choses, mais sur son
+propre ouvrage et s'interrogea lui-même sur ce qu'il avait fait. Très
+exactement, son objet fut, en faisant le tour des sciences où il avait
+excellé, d'examiner les données fondamentales ou les principes les plus
+relevés et de déterminer quelle en est au juste, dans la science même,
+la signification. Et c'est ainsi que, tout naturellement, par la seule
+analyse des admirables résultats qu'il avait acquis, il est arrivé à une
+conception si modeste de la science et qui fit tant de bruit.
+
+Avant lui, en effet, si discutée déjà qu'eût été la valeur de la
+science, il y avait au moins les mathématiques pour lesquelles nous
+faisions exception. Elles nous dépassent tellement, pour l'ordinaire,
+que nous avions pris une bonne fois le parti de nous en remettre à leur
+réputation d'exactitude. Il était entendu, depuis Pythagore, qu'on les
+mettait à part dans le savoir; quand tout s'écroulerait, nous garderions
+à Euclide notre foi. Or, Poincaré nous a montré que cette foi était
+justement celle du charbonnier. Ce géomètre a comme découronné la
+géométrie. Il y a sciences exactes et sciences exactes, affirme-t-il,
+et, la relativité des sciences exactes, voilà, précisément, ce que l'on
+peut appeler la philosophie de Poincaré.
+
+Il est impossible d'en esquisser seulement ici la démonstration dont on
+retrouvera, dans ces _Dernières Pensées_ d'aujourd'hui, quelques-uns des
+points essentiels: sa méthode a toujours et partout consisté à analyser
+les notions les plus hautes et les plus simples, et démontrer, par
+exemple, l'incapacité où nous sommes de mesurer exactement le temps,
+l'existence d'un espace beaucoup plus général que notre espace à trois
+dimensions, le caractère approximatif et provisoire de toutes les lois
+et hypothèses physiques; il aboutit par là à une sorte d'opportunisme
+scientifique, ce que nous appelons vérité, étant seulement une
+commodité, une attitude qui apparaît à notre esprit comme la plus
+heureuse pour résumer actuellement tous les faits de l'expérience. Tel
+est, à la lettre, le sens de la définition célèbre: les axiomes
+géométriques et, avec eux, toutes les lois de la physique sont des
+conventions.
+
+Il faudrait bien se garder d'ailleurs de mal interpréter cette
+définition. Si, au terme d'une carrière aussi féconde et aussi belle, le
+grand savant n'avait eu à nous proposer qu'un aveu de scepticisme et de
+découragement, ce serait à désespérer de l'esprit humain. A l'égard de
+la science, au contraire, qui fut sa gloire, Poincaré garde autant de
+foi que d'amour. Il a seulement voulu la dépouiller de toute rigidité et
+de toute intransigeance: il voit en elle une chose humaine, vivante,
+soumise à la loi de la vie et au progrès de l'humanité, toujours en
+travail, jamais achevée, docile toujours au contrôle et à la leçon des
+faits nouveaux. Il ne craint pas non plus qu'elle dessèche les coeurs ni
+ne s'oppose jamais à la morale. Elle est au contraire créatrice d'idéal,
+inspiratrice de sincérité, de désintéressement, d'union entre les
+esprits et les coeurs; les savants sont les plus nobles esprits et il
+n'y a de redoutable que la demi-science. Dans le beau livre
+d'aujourd'hui, ce sont justement ces pensées confiantes et sereines qui
+sont les dernières. Elles iront au coeur de tous.
+
+_Voyages._
+
+Ce ne sont point des voyages d'exploration en des terres inconnues que
+nous conte M. René Bazin dans son nouveau livre (_Nord-Sud_,
+Calmann-Lévy). Les itinéraires suivis par l'éminent romancier en
+Amérique, au Canada, en Angleterre, en Corse et même parmi les glaces du
+Spitzberg, sont des voies très connues du tourisme; mais il importe peu
+puisque, par la richesse de son esprit si divers, par son observation
+amusée ou pénétrante, par son art souple et fin si habile à mettre la
+vie des anecdotes dans les intérieurs et les paysages reconstitués en
+chaudes couleurs, M. René Bazin semble nous promener sur des routes
+neuves, en des sociétés méconnues, parmi des merveilles ignorées. Après
+avoir goûté l'enchantement de ses visions de la forêt de Vizzavona, du
+golfe de Porto, de toute la Corse en automne, nombre de lecteurs
+éprouveront le désir passionné de s'en aller rêver dans cette île d'or
+où leur seront réservées toutes les émotions d'un voyage en Sicile. Et
+c'est avec un grand charme aussi qu'ils visiteront la haute société
+anglaise, dans les homes aristocratiques des comtés verdoyants où les
+gens de notre race trouvent des «amis solides et reposants, prodigues
+d'attentions muettes, intimidés par leur propre coeur jusqu'à prendre le
+ton de l'humour pour exprimer leurs sentiments les plus profonds, exacts
+dans leur politesse, juges équitables de la noblesse d'un acte et du bon
+droit d'un homme, excepté quand l'intérêt du pays ou seulement son
+orgueil est en jeu!»
+
+_Romans._
+
+Il est des lieux où souffle l'esprit... «La Lorraine possède un de ces
+lieux inspirés. C'est la colline de Sion-Vaudémont, faible éminence sur
+une terre, la plus usée de France, sorte d'autel dressé au milieu du
+plateau qui va des falaises champenoises jusqu'à la chaîne des Vosges.
+Elle porte sur l'une de ses pointes le clocher d'un pèlerinage à Marie,
+et sur l'autre la dernière tour du château d'où s'est envolé jusqu'à
+Vienne l'alérion de Lorraine-Habsbourg...» Il y a plus d'un demi-siècle,
+trois prêtres, les trois frères Baillard, Léopold, Quirin et François,
+vinrent évangéliser et bâtir sur _la Colline inspirée_. Leurs oeuvres
+bientôt rayonnèrent comme leur foi, et tout le pays d'outre-Rhin et
+Meuse fut un moment sous l'influence de Léopold Baillard, le chef
+spirituel. Auprès d'eux s'empressent des femmes--sont-ce des paysannes,
+sont-ce des religieuses?--qui les aident et que la légende ne respecte
+pas plus que les nonnes du moyen âge. Il s'est toujours joué un drame
+autour des lieux inspirés. «Ils nous perdent ou nous sauvent, selon
+qu'ayant écouté leur appel nous le traduisons par un conseil de révolte
+ou d'acceptation.» Le mysticisme violent, l'élan exaspéré des frères
+Baillard vers le ciel devaient, inévitablement, sur la colline divine et
+folle, les amener à s'affranchir de toute règle au moment même où cet
+ébranlement de leur esprit et de tout leur être exigeait la discipline
+la plus sévère. Et nous assistons à un délire grandiose de nouveaux
+fondateurs d'église en lutte avec l'évêque, avec le pape, avec toute
+l'Église ordonnée, dans son dogme et dans sa hiérarchie. On ne saurait
+analyser l'action ni dire avec suffisamment d'art le détail de ce livre
+admirable de M. Maurice Barrés, de cette oeuvre flamboyante que vient
+d'achever de publier la _Revue hebdomadaire_ et que nous présentent
+actuellement les éditeurs Emile-Paul en un volume de librairie. C'est
+mieux que beau. C'est parfois, c'est souvent, sublime. Les idées se
+pressent, se heurtent, tourbillonnent dans la fièvre lumineuse de ce
+livre qui contient à lui seul toute l'âme de l'oeuvre de Maurice Barrés,
+avec toute la poésie profonde de la tradition lorraine. Il faut suivre
+la lutte opiniâtre, courageuse et rude, inégale d'abord, trop
+complètement victorieuse ensuite, d'un jeune missionnaire, le père
+Aubry, que le chef du diocèse a envoyé à Sion-Vaudémont pour reconquérir
+sur les frères Baillard, devenus des «pontifes d'adoration», la colline
+inspirée. Et il faut assister, aux dernières pages, à la fin de
+l'illuminé Léopold, revenu au pays, après un long exil, pour y exhaler
+son dernier souffle de saint des nouveaux jours, réconcilié, tout de
+même, avec l'Église une et disciplinée. Car il ne fut point un
+démoniaque. «Il a été plus près de Dieu que nous», avoue même le père
+Aubry. Erreur et vérité à la fois. Problème qui se traduit par cette
+double interrogation: «Qu'est-ce qu'un enthousiasme qui demeure une
+fantaisie individuelle? Qu'est-ce qu'un ordre qu'aucun enthousiasme ne
+vient plus animer?»
+
+_La Colline inspirée_ est un roman--passionné et tragique--de l'âme. Les
+romans du coeur et de la chair vont nous faire descendre des sommets,
+des autels aériens où vient de s'exhaler l'angoisse humaine. Voici,
+cependant, vraiment noble par sa douleur et sa pitié, le livre de M.
+Lucien Victor-Meunier: _l'Assomption de Madame Brossard_ (Fasquelle);
+voici, riche de belles peintures flamandes, le roman de M. Henri
+Davignon: _Un Belge_ (pion); voici, _Suzanne Leclasnier_ (Grasset), par
+M. Pierre Maudru, un jeune écrivain vibrant, hardi, dont les libres et
+violentes audaces nous rappellent un peu la manière de M. Léon Daudet,
+jadis, quand il écrivait _Suzanne_; voici _le Royaume du Printemps_ ou
+le roman d'une jeune mariée (Ed. Miasol), des confessions d'une candeur
+téméraire, transcrites par Mme Gabriel le Ré val; voici _Celle qui
+manqua_ (Grasset), de Mlle Marie-Anna Hullet, dont les psychologies nous
+paraissent un peu ingénues encore mais dont la plume est alerte et
+personnelle déjà et qui aura peut-être du talent.--M. Jean Marsal
+(_Djelal_, lib. H. Champion), M. Paul-Louis Garnier (_Visages voilés_,
+Ollendorff) et surtout Mme Demetra Vaka (_Haremlik_, Ed. Plon), nous
+racontent des histoires turques.--Mme Alberich-Chabrol (_la liaison des
+Dames_, Ollendorff) nous présente un tableau, vivement brossé, du monde
+des étudiantes modernes.--M. Georges Pioch témoigne d'une assez agréable
+fantaisie philosophique dans _les Dieux chez nous_ (Ollendorff).--Avec
+sa cinglante bonne humeur, Gyp nous dit, selon son imagination, _le
+Grand Coup_ (Flammarion), la conspiration victorieuse, qui doit changer
+de place et de rang les gens et les idées.--M. Valentin Mandelstamm
+confie le soin d'éclaircir la tragique et ténébreuse _Affaire du Grand
+Théâtre_ (p. Lafitte) à un auteur dramatique-détective, d'une espèce
+assez inédite et fort intéressante.--Enfin, citons: _Tendres Canailles_
+(Ollendorff), par M. André Salmon; _les Confessions d'un condamné_,
+publiées par Julien Hawthorne et Diek le _Galopeur_, par H.-B. Marriott
+(traduction Albert Savine, éd. Stock), _Cyprien Galissart, lauréat du
+Conservatoire_ (Fontemoing), par M. Georges Beaume.
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+_Servir_, la pièce de M. Henri Lavedan à propos de laquelle la première
+page de notre précédent numéro montrait, sous les traits de M. Lucien
+Guitry, tout ce qu'il y a d'élevé, de farouche et de résolu chez un vrai
+soldat, chez un officier français de bonne race,--_Servir_ a été acclamé
+au Théâtre Sarah-Bernhardt par un public irrésistiblement entraîné par
+la puissance éloquente de M. Henri Lavedan et de son grand interprète.
+Ce drame met en présence, et aux prises, un père et un fils: deux
+officiers de notre armée qui ont sur le devoir militaire des idées
+diamétralement opposées,--d'où sa violence poignante. C'est un conflit
+d'une grandeur tragique, soutenu dans une prose d'allure cornélienne et
+qui dépasse de beaucoup la commune mesure des drames auxquels nous
+sommes habitués. M. Lucien Guitrv y est entouré de M. Capellani, de Mme
+Gilda Darthy, de MM. Mosnier, Decoeur, qui se montrent dignes d'un tel
+artiste.
+
+Servir est précédé d'un acte du même auteur, _la Chienne du Roi_, à
+laquelle nous consacrons une gravure, page 141.
+
+A la Comédie-Française, la pièce en quatre actes de M. Henry
+Kistemaeckers, _l'Embuscade_, a été représentée parmi les
+applaudissements d'une salle tour à tour subjuguée et charmée. Nous
+reproduisons page 140, deux scènes de son premier et de son dernier
+acte.
+
+Devant la mer bleue, dans le parfum des orangers, à la lueur de
+lanternes balancées dans les branches comme d'énormes fruits vermeils,
+aux sons alanguis, énervants d'une musique apportée par bouffées des
+salons de la villa toute proche: c'est une fête nocturne sur la Côte
+d'Azur, c'est une nuit qui s'écoule dans une atmosphère de luxe et de
+joie... Telle est, en effet, l'impression que donnent le cadre et les
+premières scènes de cette pièce. Et puis voici, dans les mêmes parages,
+l'aspect sinistre d'un lieu de travail, âpre et dur, où semble avoir
+passé quelque cyclone; c'est un atelier de métallurgie éventré, dévasté
+par l'explosion d'une mine, avec ses poulies déchiquetées, ses arbres de
+transmission brisés, tordus, ses énormes machines-outils démembrées; et
+par la brèche ouverte sur un horizon de collines douces et de mer
+paisible, ourlée d'écume, on voit l'aurore apparaître et le soleil
+lentement monter dans le ciel qui s'embrase. Car la nature impassible
+accomplit sans interruption son oeuvre et il n'est pas jusqu'aux ruines
+accumulées par la main de l'homme qui ne rayonnent de sa lumière. Le
+contraste est saisissant entre ce premier et ce dernier décor, entre ce
+premier et ce dernier acte; mais de l'un à l'autre se déroulent les
+ingénieuses et pathétiques péripéties d'une action nombreuse,
+tumultueuse, abondante en force et en sensibilité. On peut prédire à
+cette belle oeuvre un long succès. L'interprétation en est tout à fait
+supérieure avec Mme Berthe Cerny et M. de Féraudy, avec un des plus
+jeunes comédiens de la Maison, M. Georges Le Roy, avec Mlles Bovy et
+Robinne.
+
+Au petit Théâtre-Impérial, curieux spectacle composé d'une série de
+pièces: _Ernestine est enragée_, de MM. André de Lorde et Georges
+Montignac;_ la Lettre_, pantomime du peintre Willette, avec musique
+d'Ed. Artaud; _la Maladresse_, de MM. Georges Docquois et Henri
+Duvernois; _Soyons Parisiens_, de MM. Maurice Desvallières et Gaston
+Derys.
+
+Enfin, à l'Olympia, opérette-revue de M. André Barde, musique de M.
+Cuvillier, _la Reine s'amuse_, dont l'attraction principale est une
+reconstitution du Bal des Quat'z-arts.
+
+
+
+UN MAITRE DU VAUDEVILLE
+
+Un auteur dramatique qui connut de grands succès, M. Grenet-Dancourt,
+vient de mourir, à l'âge de cinquante-quatre ans, subitement emporté par
+une attaque d'angine de poitrine.
+
+Pour beaucoup, son nom restera attaché à un vaudeville célèbre, dont la
+fortune fut éclatante, _Trois femmes pour un mari_, écrit avec M.
+Valabrègue. Sa franche gaieté, la verve savoureuse, abondante, qui y
+était répandue, l'ingéniosité des situations, valurent à cette pièce une
+renommée à laquelle atteignent bien rarement les ouvrages de ce genre.
+Et ce sont ces mêmes qualités qui assurèrent constamment à
+Grenet-Dancourt la sympathie du public.
+
+Il avait commencé par être acteur; après s'être fait applaudir à
+l'Odéon, il présenta, en 1881, sur la scène qui avait vu ses débuts de
+comédien, un petit acte, _Rival pour rire_. Sa réussite le mit en goût,
+et dès lors, renonçant à interpréter les pièces des autres, il en
+produisit à son tour, seul ou en collaboration, dans tous les théâtres
+où l'on jouait ce qu'on appelait alors, d'un nom bien déprécié
+aujourd'hui, le vaudeville.
+
+Grenet-Dancourt s'était également fait connaître par des monologues et
+des saynètes que Coquelin cadet avait rendus populaires. Il était,
+depuis 1904, chevalier de la Légion d'honneur.
+
+[Illustration: Le traîneau à hélice de M. Bertrand de Lesseps, gagnant
+le concours international de traîneaux automobiles à
+Saint-Pétersbourg.--_Phot. Bulla._]
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+UN CONCOURS DE TRAÎNEAUX AUTOMOBILES.
+
+Le concours de traîneaux automobiles à hélice qui vient d'avoir lieu à
+Saint-Pétersbourg, devant une commission instituée par le ministre de la
+Guerre, a été l'occasion d'une nouvelle victoire pour l'industrie
+française.
+
+La première place, est, en effet, revenue au traîneau de M. Bertrand de
+Lesseps. Ce véhicule, propulsé par une hélice aérienne qu'actionne un
+moteur de 30 chevaux, a réalisé une vitesse de 60 kilomètres à l'heure,
+en évoluant avec une grande facilité.
+
+Le résultat est d'autant plus honorable qu'un des concurrents pilotait
+un traîneau muni d'une énorme hélice à quatre pôles et d'un moteur de 50
+chevaux. Cet appareil, sur lequel on comptait beaucoup, a paru peu
+pratique. Il a, d'ailleurs, dès le début de l'épreuve, causé un accident
+assez grave: son hélice s'est brisée en tranchant le bras d'un
+spectateur.
+
+LA FOUDRE ET LES EAUX SOUTERRAINES.
+
+Dans une relation d'un cas de foudre globulaire présentée à l'Académie
+des sciences par M. Violle au nom de M. G. de La Villemontée, il est
+noté très expressément que cette foudre globulaire se manifesta
+au-dessus d'un bassin alimenté par une nappe d'eau souterraine. Ce fait
+vient à l'appui d'une opinion d'après laquelle la foudre éclate le plus
+souvent au-dessus des cours ou nappes d'eau souterraine. Comme il est
+dit dans les instructions sur les paratonnerres de l'Académie des
+sciences, la foudre évite plutôt les sols arides reposant sur des
+rochers ou sables secs, sauf s'il a plu récemment. Mais si, sous ces
+rochers et sables, il y a des gisements métalliques ou des gisements
+d'eau, c'est tout autre chose. La foudre y tombe volontiers.
+
+Ainsi, on sait 'qu'à Bagnères-de-Bigorre la foudre est attirée par les
+gisements de magnétite: les arbres qui surmontent ceux-ci, et qui
+pourtant ne sont pas sur une crête, sont constamment foudroyés.
+
+D'autre part, non loin du col de Somport, le docteur Pedro Farreras a
+relevé trois points qui sont particulièrement frappés par la foudre. Or,
+à chacun de ces trois points, il y a ou bien une source, ou bien un
+cours d'eau souterrain. En réalité, la foudre est une bonne indication
+de points d'eau, et si on la voit souvent frapper une même localité, un
+même groupe d'arbres, c'est que sous le sol il y a de l'eau qui le rend
+particulièrement conducteur.
+
+NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES ICEBERGS.
+
+A la suite de la catastrophe du _Titanic_, le professeur Barnes fut
+chargé par le gouvernement canadien d'observer les icebergs qui dérivent
+devant les côtes du Labrador. On vient de publier les résultats de cette
+campagne au cours de laquelle ont été faites des constatations curieuses.
+La fusion de l'iceberg, due à l'élévation de température de la mer,
+augmente encore légèrement la température des eaux de surface, par suite
+des deux courants qu'elle détermine: au-dessous de l'iceberg, un courant
+vertical descendant d'eau refroidie; autour de la montagne de glace, un
+courant centripète amenant l'eau de mer voisine pour remplacer l'eau du
+courant précédent.
+
+Dans le voisinage de l'iceberg, l'eau de ce deuxième courant est plus
+chaude que la mer environnante; l'iceberg provoque donc sa propre
+destruction, et sa fusion s'opère presque exclusivement par les faces
+immergées.
+
+Quant à l'action refroidissante propre de l'iceberg, elle est toujours
+extrêmement faible, et elle cesse de se faire sentir à quelques mètres.
+
+M. Barnes ajoute que la glace des icebergs emprisonne toujours de
+grandes quantités d'air dissous et d'air libre à l'état de très fines
+bulles, donnant lien à une effervescence quand on fait fondre cette
+glace dans l'eau tiède. Cet air libre est quelquefois à une pression
+suffisante pour expliquer les explosions d'icebergs que l'on observe
+fréquemment.
+
+UN TRAIN ACTIONNÉ PAR DES ACCUMULATEURS.
+
+On vient de mettre à l'essai aux États-Unis le premier train de chemin
+de fer actionné par des batteries d'accumulateurs. Ce train, qui se
+compose de trois voitures portant chacune quatre moteurs et une batterie
+d'accumulateurs, est destiné au réseau des chemins de fer de Cuba. Il a
+circulé entre New-York et Long-Beach, soit sur une distance de 40
+kilomètres; le trajet a été accompli en 57 minutes à l'aller et en 53
+minutes au retour.
+
+On a consommé environ 2,5 kilowatts par kilomètre. En supposant que le
+courant revienne à 5 centimes le kilowatt, le transport de 150 voyageurs
+sur un parcours (aller et retour) de 80 kilomètres revient à une dizaine
+de francs.
+
+LE POIDS DU CERVEAU, LA TAILLE
+ET L'INTELLIGENCE
+
+_Dans sa nouvelle pièce_, les Éclaireuses, qui obtient le plus éclatant
+succès au Théâtre Marigny, M. Maurice Donnay effleure avec son esprit
+coutumier une question de haute biologie. La scène finale du premier
+acte rende tout entière sur la valeur respective du cerveau dans les
+deux sexes. Le mari, très averti, oppose à sa femme l'opinion du docteur
+Dubois, savant hollandais surtout connu pour avoir découvert le_
+Pithecanthropus._
+
+_M. Dagnan-Bouveret, fils du grand peintre, nous adresse sur cette
+question une note amusante, en dépit de sa précision technique.--note
+particulièrement agréable à lire pour le beau sexe qui ne pourra,
+désormais, s'offusquer de se voir, comme il arrive parfois, attribuer
+«une cervelle d'oiseau»:_
+
+Bien souvent la fantaisie des poètes s'est plu à faire abstraction des
+cadres rigides qu'imposent à la réalité l'espace et le temps. Nul
+peut-être plus que Swift, dans ses voyages de Gulliver, n'a tiré un
+heureux parti de ces fictions qui ne changent les dimensions des êtres
+et des choses que pour peindre avec plus d'ironie les moeurs et les
+ridicules des hommes. Parfois la nature même semble justifier ces
+fantaisies en nous présentant des géants si grands et surtout des nains
+si petits qu'il semble, que l'imagination ne soit guère allée au delà du
+réel et n'ait pas dépassé les limites du possible. Mais la biologie nous
+a montré que l'évolution des espèces est limitée dans le sens de la
+grandeur aussi bien que, dans celui de la petitesse do la taille.
+
+L'accroissement de la taille a une limite relativement simple et
+d'ordre; purement mécanique. Tandis que le poids s'accroît comme le cube
+de la taille, la force des muscles s'accroît comme leur section
+transversale, ce qui correspond au carré de la taille.
+
+Beaucoup plus complexe est la limite de la diminution de la taille.
+
+Cuvier avait admis la proportionnalité pure et simple entre le poids du
+corps et celui du cerveau. Il estimait que _le poids relatif_ de ce
+dernier correspond au degré d'intelligence. Cette loi se vérifie quand
+on compare entre elles de larges divisions du règne animal, telles que
+les classes des vertébrés; le poids du cerveau représente pour l'homme
+1/45 de celui du corps; 1/98 pour le, chevreuil; 1/392 pour le cygne;
+1/4300 pour le requin, etc. Mais on aboutit aux résultats les plus
+paradoxaux si on compare les animaux d'une même classe ou d'une même
+espèce. Ainsi, la souris a une proportion d'encéphale égale, à celle de
+l'homme; le ouistiti a une proportion beaucoup plus élevée (1/25),
+dépassée encore par certains petits oiseaux tels que la mésange et le
+roitelet (1/20).
+
+En présence de ces faits, la loi de Cuvier a dû être abandonnée et on a
+cherché une autre relation entre le poids du corps, le poids de
+l'encéphale et la mesure de l'intelligence. Les travaux de Brandt et de
+Sneil avaient établi que l'activité générale de l'organisme, mesurée par
+les combustions vitales, est proportionnelle à la surface et non au
+poids du corps. Dubois, le savant hollandais qui découvrit à Java le
+_Pithecanthropus_, s'est alors demandé si l'on n'obtiendrait pas une
+formule satisfaisante en comparant le poids de l'encéphale non pas à la
+masse du corps, mais à sa surface. Or, la surface du corps d'un animal
+est proportionnelle au carré (ou puissance 2) de sa longueur, et son
+poids au cube de cette longueur; par conséquent, la surface est
+proportionnelle à la puissance 2/3 ou 0,66 du poids et la longueur à la
+puissance 1/3 de ce poids.
+
+Partant de cette hypothèse, et considérant des espèces appartenant à une
+même; famille (mais appartenant toutes à la classe des mammifères),
+Dubois s'est efforcé de la vérifier empiriquement. Pour des familles
+très différentes, il a obtenu des valeurs très voisines, dont la
+moyenne, _l'exposant_ de relation est 0,56, c'est-à-dire un peu plus
+faible que celle donnée par la théorie (0,66). Dès lors, on peut dire
+que le poids de l'encéphale est, chez les mammifères, égal au poids
+multiplié par 0,56 et par une constante, variable suivant les familles
+considérées, que Dubois appelle le coefficient de céphalisation.
+
+L'influence de la taille de l'animal sur le poids de son encéphale se
+trouve ainsi éliminée, et le coefficient de céphalisation représente
+bien, comme l'a exprimé M. Lapicque, «la valeur cherchée, laquelle doit
+diminuer ou grandir avec la complexité de la vie de relation, la
+souplesse surtout de cette vie de relation, et la possibilité de son
+ajustement à des conditions de plus en plus délicates; c'est-à-dire avec
+l'intelligence des animaux appréciée objectivement.»
+
+Avec ce coefficient de céphalisation, on obtient un classement
+satisfaisant. L'homme vient nettement en tête avec un coefficient égal à
+2,8, d'après Dubois; 2,73 pour l'homme et 2,72 pour la femme, d'après
+les calculs de M. Lapicque. Bien au-dessous viennent les singes
+supérieurs, les anthropoïdes, orangs ou gibbons, 0,76 à 0,70; puis les
+singes inférieurs, tels que les ouistitis, 0,48; enfin, les autres
+mammifères, 0,45 à 0,30.
+
+Toujours, fait capital, les grandes et les petites espèces d'une même
+famille, quelle que soit la différence de leur poids, sont rapprochées
+par leur coefficient de céphalisation.
+
+Il résulte de cette loi qu'entre des espèces animales qui diffèrent
+seulement par la taille, le poids de l'encéphale varie beaucoup moins
+vite que le poids du corps. Si, par exemple, dans une même famille, nous
+considérons deux représentants d'espèces de taille différente, l'un
+ayant un poids triple de celui de l'autre, le poids de l'encéphale du
+plus gros sera non pas triple, mais double; de celui du poids du plus
+petit. Par conséquent, les petits animaux ont une bien plus forte
+proportion d'encéphale que les grands.
+
+Cette proportion à laquelle nous avons vu qu'on ne pouvait attacher la
+signification que lui attribuait Cuvier paraît avoir un sens très net:
+elle marquerait une limite à l'évolution des espèces dans le sens de la
+diminution de la taille. La tête, en effet, ne saurait être démesurément
+lourde par rapport au corps: il semble qu'elle ne puisse dépasser un
+dixième ou un huitième du poids total du corps. Or, la tête comprend non
+seulement l'encéphale, mais encore la boîte crânienne, le massif facial,
+les mâchoires, les appareils des sens. Un oiseau peut donc se permettre
+au maximum un quinzième de son poids total comme encéphale; un mammifère
+au maximum un vingt-cinquième.
+
+En ce qui concerne l'espèce humaine, M. Lapicque a calculé que, la plus
+petite race possible «ayant un cerveau fonctionnellement égal au nôtre,
+aurait un pouls d'environ 15 kilogrammes». Nous voilà bien loin encore
+des Lilliputiens de Swift qui, avec leur taille de 6 pouces pèseraient
+moins de 100 grammes!
+
+
+
+[Illustration: Une belle oeuvre architecturale du XVIIe siècle entourée
+de bâtiments de ferme: le portail d'honneur du château de Brécy, dans le
+Calvados.--_Phot. Ch. Foulard._]
+
+UN CHATEAU DE MANSARD
+
+«Mlle Rachel Boyer, de la Comédie-Française, vient de se rendre
+acquéreur du château de Brécy, dans le Calvados, à 22 kilomètres de
+Caen.» Rencontrée en quelque coin de journal, au détour d'une colonne,
+la brève nouvelle se glisse dans l'esprit tout discrètement, sans
+tapage; et l'on a, tout d'abord, un sourire pour féliciter,
+intérieurement, l'heureuse artiste, en songeant _in petto_ qu'il s'agit
+sans doute d'une jolie gentilhommière normande environnée de grasses
+prairies... Et l'on ne s'arrêterait qu'un instant, si l'information
+n'ajoutait: «Le château de Brécy est un ancien édifice du dix-septième
+siècle, bâti par Mansard.» Voilà de quoi éveiller la curiosité de tous
+ceux qui s'intéressent au sort de nos vieilles demeures de France.
+
+Celle-ci était, avec les ans, tombée en un fâcheux état d'abandon.
+Quelles vicissitudes avait-elle subies, depuis que l'illustre Mansard,
+celui de Choisy et de Maisons-Laffitte, l'avait fait construire pour un
+de ses parents, lequel devait trouver fort agréable d'avoir pareil
+architecte dans sa famille. Les archives locales établiraient cette
+histoire, qui est celle de tant d'autres monuments, mal préservés de la
+double injure des hommes et du temps. Les pierres ont leur grandeur et
+leur décadence: Brécy, livré à un propriétaire qui en ignorait la valeur
+artistique, connaissait la mauvaise fortune. Une métairie s'était
+installée dans le charmant domaine. Et, tout à côté du portail d'entrée,
+chef-d'oeuvre de grâce et de noblesse, des bâtiments de ferme montraient
+leurs toits de chaume.
+
+Un jour, comme une voiture fourragère, traînée par quatre robustes
+chevaux de trait, franchissait, au risque de l'abîmer, le précieux
+portail, réservé jadis à de plus légers équipages, le hasard voulut
+qu'une automobile passât par là. Le plaisir de la vitesse n'empêche
+point les touristes avisés de regarder autour d'eux: au spectacle
+imprévu de cette charrette devant laquelle s'ouvraient des vantaux
+sculptés, une voyageuse s'étonna: comment une résidence dont la façade
+avait si imposant aspect s'était-elle transformée en habitation
+rustique? D'autres surprises l'attendaient à la visite du domaine. Le
+château, de sages proportions, était du style le plus pur, et un beau
+jardin à la française l'entourait, coupé de terrasses aux escaliers de
+pierre moussue, aux élégantes balustrades. Partout on retrouvait la
+marque d'un génie harmonieux et souple, savant à plaire, ami de la
+mesure et de l'ordre: entre des travaux plus importants, Mansard avait
+dû s'amuser à créer cette délicieuse «folie»...
+
+C'est ainsi que, pendant une halte d'automobile, Mlle Rachel Boyer
+«découvrit», si l'on peut dire, le château de Brécy; elle parvint, non
+sans des efforts obstinés, à déterminer son propriétaire, qui en
+négligeait l'entretien, à le lui céder. Et il faut se réjouir de voir
+désormais sauvée cette petite terre où le goût français a fleuri, il y a
+plus de deux siècles. La «brocante», dont si souvent on signale les
+méfaits, n'a pu s'emparer du portail de Brécy, comme elle avait tenté de
+ravir celui de l'ancien évêché d'Alan. Le château sera restauré avec
+piété: n'est-il pas de bon exemple que l'initiative privée supplée
+parfois, quand il s'agit de la conservation d'une oeuvre d'art, à
+l'État, protecteur officiel--mais si occupé--de nos beautés
+monumentales?
+
+
+
+[Illustration: Le nouveau gouverneur du Liban, S. E. Ohannès pacha
+Coumoudjian, faisant son entrée à Beyrouth (assis à sa gauche, un grand
+personnage du Liban, S. E. Habib pacha). _Phot. Stefane Faulikevitch._]
+
+LE GOUVERNEUR DU LIBAN
+
+_Un correspondant de Beyrouth, M. François Houri, nous écrit:_ Grâce à
+l'intervention de la France, la Porte a enfin décidé, depuis quelques
+semaines, d'accorder les réformes demandées pour le Liban et de nommer
+en même temps son nouveau gouverneur, S. Exe. Ohannès pacha Coumoudjian,
+sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères de l'empire. Ohannès
+pacha est âgé de cinquante-trois ans. Il est Arménien catholique et
+appartient à une des plus grandes familles de Constantinople.
+
+Sa nomination, qui a reçu la sanction des ambassadeurs des six grandes
+puissances protectrices du règlement du Liban (France, Angleterre,
+Russie, Autriche-Hongrie, Allemagne et Italie), a été surtout
+interprétée, ici, comme un succès de la politique française.
+
+A peine débarqué à Beyrouth, où il a eu une réception des plus
+solennelles et des plus enthousiastes--les Libanais étaient venus en
+nombre et de tous côtés saluer le nouveau gouverneur--il a fait appeler
+un des plus grands personnages du Liban et le chef le plus puissant
+après le patriarche maronite, S. Exe. Habib pacha El Saad, pour le
+consulter et le prier d'accepter la présidence du conseil administratif.
+Habib pacha est maronite; il appartient à cette grande famille Saad El
+Houri dont Volney et Lamartine parlent avec enthousiasme et dont un des
+membres, l'arrière-grand-père de Habib pacha, fut nommé consul de France
+dans le Levant, de par une charte de Louis XVI. Il s'appelait cheik
+Grandour El Saad.
+
+Le gouverneur, qui ne connaissait pas du tout Habib pacha, s'est
+inspiré, dit-on, des recommandations de l'ambassade de France à
+Constantinople, en l'ayant, sitôt débarqué, fait appeler et nommer à la
+présidence du Conseil. Cette nomination a réjoui tous les Libanais à
+quelque rite ou religion qu'ils appartiennent. Aussi le Liban, pour
+fêter l'avènement d'une nouvelle ère de progrès et de prospérité qu'il
+espère des nouveaux gouvernants, a-t-il fait des illuminations superbes
+et a-t-il exprimé sa joie, suivant la tradition, par des fusillades
+nourries.
+
+
+
+[Illustration: LES RAYONS V, par Henriot.]
+
+
+
+_JEUX ET PROBLÈMES_
+
+_Voir les solutions au prochain numéro._
+
+LE DAMIER
+
+N° 3775.--_Problème_, par Ph. L.
+
+Noirs (14 P. 1 D.).
+
+Blancs (12 P. 1 D.).
+
+Les Blancs jouent et gagnent.
+
+
+LES DOMINOS
+
+N° 3776.--_Dominos._
+
+Compléter le carré ci-dessous avec les 28 dominos, de manière qu'en
+additionnant les points des 8 colonnes verticales, des 8 rangées
+horizontales et des 2 grandes diagonales, on obtienne toujours le même
+total: 21 points.
+
+Nota.--Six vides symétriques se trouvent dans la figure.
+
+
+JEUX D'ESPRIT
+
+N° 3777.--_Logogriphe_, par Auguste Capdeville (Béziers).
+
+ O maîtresse d'Alcibiade,
+ Reine des beautés en pléiade,
+ Montre devant l'obscur devin,
+ Ame céleste, corps divin.
+
+ Sauf A, dans le coquet parterre
+ D'un poétique presbytère,
+ Allons cueillir la chaste fleur
+ Ayant la neige pour couleur.
+
+ Sauf I, c'est le canapé rose.
+ Là le joufflu Flémard repose,
+ Morgué!
+ Eternellement fatigué.
+
+ Sauf A, je deviens soit l'emblème
+ Sacré de la candeur suprême,
+ Soit le calice virginal
+ De l'aube au front matutinal.
+
+ Sauf I, sur le divan d'Estelle
+ Où la somnolence s'attelle,
+ Vrai Ganymède, je m'assieds.
+ --Trois pieds.
+
+ La déprimante lassitude,
+ La paresseuse quiétude!
+ Sauf I,
+ De l'activité le défi.
+
+ Je chante la sieste molle.
+ Or, l'enivrant parfum s'envole
+ Afin d'embaumer Josépha,
+ Sauf A.
+
+ Comme bonne philosophie
+ Le moelleux sopha de Sophie,
+ Quand, sauf I, l'on est fatigué,
+ Morgué!
+
+ Maintenant, hélas! plus d'oeillade,
+ Car l'amante d'Alcibiade
+ Dort, sans amour et sans rancoeur,
+ Lasse d'esprit... _lasse de coeur!_
+
+
+ N° 3778.--Mots décroissants, par Ernestine B.
+
+ Ce qui veut des médicaments
+ Calmants.
+ Un droit pour lequel le beau sexe
+ Se vexe.
+ Pour les semaines de loisir
+ Plaisir.
+ Fureur qui doit rendre ton verbe
+ Acerbe.
+ Son que fit entendre ta voix
+ Cent fois.
+ Et l'extrémité d'une tête
+ De bête.
+
+C. CHAPLOT.
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 3651, 15 Février
+1913, by Various
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
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+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
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+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
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+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
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+ gbnewby@pglaf.org
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+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
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+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
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+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
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+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
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+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
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+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
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+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
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+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
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+
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+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3651, 15 Février 1913, by Various
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
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+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+Title: L'Illustration, No. 3651, 15 Février 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: September 30, 2011 [EBook #37577]
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+Language: French
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+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3651, 15 ***
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+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+<p>L'Illustration, No. 3651, 15 Février 1913</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<div class="sml">
+<p>Ce numéro se compose de <span class="sc">vingt-quatre pages</span> au lieu de seize et contient
+en supplément le 4e fascicule des <span class="sc">Souvenirs d'Algérie</span> (Récits de chasse
+et de guerre), du général Bruneau.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>LE LIEUTENANT DE CHASSEURS ALPINS RAYMOND POINCARÉ<br>Un
+souvenir de la dernière période d'instruction militaire du nouveau
+président de la République.</b><br> <i>Photographie prise par le lieutenant
+Daudens, en octobre 1897. aux environs d'Annecy, et communiquée par le
+commandant de Chambonasé</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>«LA PETITE ILLUSTRATION»</h3>
+
+<p class="mid"><b>et le nouveau prix d'abonnement</b></p>
+
+<p><i>De nombreux abonnés nous ont écrit pour approuver la création de</i> La
+Petite Illustration <i>hebdomadaire, et pour nous déclarer qu'ils
+acceptaient bien volontiers la légère augmentation du prix d'abonnement,
+qui en est la conséquence. Il ne nous sera pas possible de répondre à
+chacun d'eux. Qu'ils veuillent bien trouver ici nos remerciements.</i></p>
+
+<h4>SUPPLÉMENTS D'ART</h4>
+
+<p><i>A côté d'éloges, qui sont pour nous le plus précieux encouragement,
+quelques-unes des lettres que nous avons reçues contiennent des
+observations dont nous nous ferons un devoir de tenir compte, dans la
+mesure où elles nous paraîtront répondre à un désir général de nos
+lecteurs.</i></p>
+
+<p><i>C'est ainsi que nous comptons augmenter cette année le nombre de nos
+suppléments d'art (gravures hors texte et remmargées, en couleurs ou en
+taille-douce) qui avaient été un peu sacrifiés, en 1912, à la grande
+actualité. Nous multiplierons aussi le nombre des pages imprimées par
+les mêmes procédés (couleurs ou taille-douce) dans le corps même du
+journal.</i></p>
+
+<h4>THÉÂTRE</h4>
+
+<p><i>Le prochain supplément de théâtre sera encore publié sous le titre de
+L'Illustration Théâtrale, avec le numéro du 22 février. Il contiendra:</i></p>
+
+<p><i><b>La Prise de Berg-op-Zoom,</b> par</i> <span class="sc">Sacha Guitry.</span></p>
+
+<p><i>Puis paraîtra, dans le premier numéro de</i> La Petite Illustration
+<i>(Série-Roman), la première partie du grand roman inédit de</i> <span class="sc">Marcel
+Prévost</span>, <i>de l'Académie française:</i></p>
+
+<p><i><b>Les Anges Gardiens.</b></i></p>
+
+<p><i>Les numéros de</i> La Petite Illustration <i>(Série-Théâtre), qui
+alterneront ensuite avec ceux de la Série-Roman, contiendront:</i></p>
+
+<p><i><b>Alsace</b>, par</i> <span class="sc">Gaston Leroux et Lucien Camille</span>;<br>
+<i><b>Les Flambeaux</b>, par</i><span class="sc">Henry Bataille</span>;<br>
+ <i><b>L'Homme qui assassina</b>, par</i> <span class="sc">Pierre Frondaie</span> <i>(d'après
+le roman de Claude Farrère);</i><br>
+<i><b>Les Eclaireuses</b>, par</i> <span class="sc">Maurice Donnay</span>, <i>de
+l'Académie française;</i><br>
+<i><b>L'Habit vert</b>, par</i> <span class="sc">Robert de Flers et G.-A. de
+Caillavet</span>;<br>
+<i><b>Servir</b> et <b>La Chienne du Roi</b>, par</i> <span class="sc">Henri Lavedan</span>, <i>de
+l'Académie française;</i><br>br
+<i><b>L'Embuscade</b>, par</i> <span class="sc">Henry Kistemaeckers</span>.</p>
+<br><br>
+
+
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>LA POPULARITÉ</h4>
+
+<p>Dans quelques jours, la remise des pouvoirs présidentiels va être faite
+à M. Poincaré, avec un cérémonial qui sera en quelque sorte le baptême
+officiel de sa popularité toute jeune et déjà vigoureuse,--et ce
+tranquille événement donnera lieu, comme il est aisé de le prévoir, à
+d'innombrables manifestations de la particulière sympathie qu'éveille
+dans la masse--en dehors de tout point de vue politique--le nom seul du
+nouvel Élu.</p>
+
+<p>La popularité!... De quoi est composée cette grosse faveur du Destin qui
+se porte sur un homme, met en vedette matérielle et morale sa personne
+et tout ce qui s'y rattache? On ne sait. Y a-t-il une marche à suivre
+pour l'atteindre! Existe-t-il des moyens connus et sûrs de l'obtenir et
+de la conserver? Est-elle la réussite de combinaisons savantes, d'un
+travail mystérieux, d'une ligne de conduite difficile et secrète? Non.
+Elle se montre aussi capricieuse que la fortune, aussi aveugle que
+l'amour. La grandeur de la fonction, la, hauteur du poste et le rang du
+personnage ne suffisent pas toujours à l'attirer. Souvent même ils la
+repoussent et l'éloignent pour toujours. Nuls ne furent moins populaires
+que certains rois. Le diadème souverain ne garantit aucunement cette
+autre et lourde couronne d'une richesse un peu fruste, comme faite
+exprès pour être mise en public, et vue de loin, par les foules, pour
+leur tirer des regards, des cris et des acclamations, dans la poussière.</p>
+
+<p>Il est donc bien rare que la popularité choisisse pour les sacrer ceux
+qui se consument d'elle, qui en font la préoccupation, l'idée fixe et le
+but étroit de leur vie. Elle n'est un sommet que pour les hommes
+désintéressés qui ne se sont pas souciés d'en préméditer l'ascension,
+qui ont poursuivi paisiblement et dignement leur chemin dans la vallée
+du devoir, là où il passait. Les premiers, les âpres et cupides
+soupirants de ses faveurs, elle s'amuse d'eux, les lanterne, les regarde
+avec malice courir, lever les yeux, les bras, trébucher, tomber au
+moment où ils croient qu'ils la touchent, et elle les laisse finalement
+essoufflés et à jamais déçus. Ou bien alors, si elle accepte d'être
+attrapée par ces coureurs de l'orgueil, ce n'est que pour les perdre et
+les précipiter rapidement de plus haut. Tandis qu'au contraire, aussitôt
+bien disposée pour les seconds, les sages qui paraissent l'ignorer, elle
+prend leur direction en les suivant d'abord, les accompagne de côté, les
+escorte, tourne autour d'eux, et les conseille sans qu'ils sachent
+quelle voix amie leur parle tout bas. Prudemment, sans vaine fièvre,
+avec une habile lenteur, elle mène ainsi ses préférés jusqu'à la minute
+décisive où tout à coup, hâtant l'allure, et dépassant celui qu'elle
+guidait en arrière, elle lui révèle sa flatteuse et redoutable présence,
+sans se montrer à lui personnellement, car c'est une divinité
+singulière, invisible et impalpable qui n'existe que par ses
+manifestations d'une étonnante diversité. A peine a-t-elle fait son
+choix que l'homme investi de ce privilège entend, dès qu'il paraît,
+retentir des vivats. Il s'effraie, ne comprenant pas encore. «Quel est
+ce bruit? Où vont ces clameurs?» Et la voix mystérieuse lui chuchote: Ce
+bruit est pour toi. Ces cris poussés vont à toi--Ces chapeaux qui se
+lèvent?--Pour te saluer.--Ces sourires? ces baisers des femmes? ces
+fleurs des jeunes filles?--Pour toi aussi. Pour toi, cette allégresse
+générale qui, à, ton seul aspect, monte du coeur à la surface de tous
+les visages... et cette confiance épanouie... et ces regards, et tout ce
+que tu vois et tout ce que tu ne vois pas, est tout ce que tu sais et
+tout ce que tu ignores... ton image épinglée dans les chaumières, ton
+nom répété dans toute la France avec l'accent savoureux de chaque
+province, ton buste en plâtre, en pierre, en marbre,... enfin c'est moi
+qui te parle, moi la Popularité!... qui, à partir de cet instant,
+t'auréole et te transforme en t'accaparant. Pour tout ce que je te
+donne, en effet, je vais te prendre en entier. Tu ne t'appartiens plus,
+tu es à moi. Tout de ta personne, à présent, me revient de plein droit,
+tes traits, ton histoire, tes vieux parents, tes enfants, ta famille, ta
+maison, tes habits, tes serviteurs, tes chiens, tes goûts, tes manies...
+Tu n'as plus la permission d'avoir des secrets. De tout ce qui te touche
+je m'empare pour en faire des récits, des anecdotes, plaisantes et
+fausses, qui vont courir les gazettes et le monde. Je cite tes mots ou
+je les invente. Je te compose des sosies. Tu peux posséder dans ton
+passé une oeuvre longue et bonne, et de haut mérite, peu importe!
+N'aurais-tu rien fait que tu semblerais, en étant populaire, avoir fait
+quelque chose, quelque chose de grand par quoi tu m'as forcée. Aussi,
+comme tu vas être heureux en apercevant partout, sur les fronts, dans
+les prunelles des hommes, le gai reflet de tes désirs, de tes
+intentions, de ta bonne volonté, de tes fermes espoirs! Chaque inconnu,
+dans la foule, a l'air maintenant de te connaître et d'être ton ami. Le
+peuple te tutoie de loin. L'armée semble ton escorte naturelle. De te
+sentir aidé, deviné d'avance, et soulevé par le crédit universel, quelle
+belle joie, bientôt, n'éprouveras-tu pas? Tu boiras à longs traits la
+plus noble de toutes, celle de te savoir aimé, dans la plus confiante
+plénitude. Tu te diras... «Je protège et je rassure.» et la pesante
+servitude de ne plus jamais passer inaperçu te sera douce pourtant si tu
+penses qu'elle a pour cause cette étrange et instinctive cordialité du
+nombre qui ne s'abat jamais sur quelqu'un sans une raison sérieuse,
+apparente ou inexpliquée.»</p>
+
+<p>Et, cependant, malgré ses magnifiques bénéfices et l'ampleur de ses
+émotions, la popularité est terrible et presque funeste. Comment
+l'entretenir et la garder sans se compromettre, ni s'atteindre et se
+diminuer? Même si elle se maintient, elle ne peut grandir. Forcément,
+elle baisse dès qu'elle dure. Elle a un tel appétit que peu d'hommes
+sont capables de l'apaiser. Plus on lui accorde, plus elle demande et
+réclame. C'est une dévoratrice. Enfin, elle n'a ni réflexion, ni
+logique, ni équité. A propos de rien, sans fournir de raison, elle s'en
+va comme elle était venue, en un jour, laissant éperdus et isolés ceux
+qu'elle abandonne et qui demeurent inconsolables d'avoir perdu son
+esclavage. Rien de navrant et d'abattu comme l'homme autrefois populaire
+et dégringolé dans, l'oubli! C'est une épave. Il traîne et meurt d'avoir
+été l'idole, devant laquelle aujourd'hui l'on passe sans tourner la
+tête. Et il assiste au triomphe de son successeur sans être consolé par
+l'idée que lui aussi Connaîtra l'ingratitude et la désertion des masses
+humaines.</p>
+
+<p>Sans la prendre au tragique, aussi bien dans les, grâces qu'elle
+dispense que dans la disgrâce qu'elle inflige, j'ai idée que la
+popularité sera de la plus aimable clémence pour il. Poincaré, vers
+lequel elle s'est déjà jetée spontanément. Notre nouveau président a
+tout ce qu'il faut pour la maintenir avec gentillesse à sa place, et ne
+pas se laisser gêner par elle. Il ne lui permettra pas d'excessives
+familiarités. Il ni la laissera pas venir trop près, le coudoyer et
+regarder dans ses affaires, et, sans la rebuter, il n'aura pas non plus
+de faciles empressements à son égard. Elle aime assez d'ailleurs, au
+fond, qu'on lui fasse sentir çà et là les distances, et elle considère
+deux fois plus celui qui ne la courtise pas, dont l'accueil a le bon
+goût de ne pas étaler une satisfaction trop béate. On n'a de chance de
+la garder que par la bonne tenue de soi-même et l'exercice de la
+dignité. Question de tact et de mesure qui n'est qu'un jeu sans effort
+pour l'homme affable et fin, attentif et réfléchi, simple et de si
+parfaite distinction générale qu'est M. Poincaré. Il est grave et il
+sait sourire. Il a des yeux froids qui rayonnent d'intelligence et
+s'éclairent de bonté. C'est plus qu'il n'en faut pour faire avec la
+popularité un bon ménage, plus court que la plupart, des autres... Sept
+ans.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br>
+<span class="sml">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Cap. Chauvin. Lieut. Raymond. Poincaré.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Ct de Chambonas.</span><br>
+<b>Le lieutenant Raymond Poincaré (alors vice-président de la Chambre des
+députés) et ses camarades du 1er bataillon territorial de chasseurs
+alpins pendant une halte dans les montagnes d'Annecy.</b>--<i>Phot.
+communiquée par le commandant de Chambonas.</i></p>
+
+<h3>M. POINCARÉ, CHASSEUR ALPIN</h3>
+
+<p>On a dit ici, au lendemain de l'élection de M. Raymond Poincaré à la
+présidence de la République, quel soldat modèle fut cet homme appliqué à
+tous ses devoirs. A quelques jours de là, M. Marcel Knecht, le président
+de la «Prolonge Blandan», association amicale des anciens soldats du 26e
+régiment d'infanterie, où le futur président fit son année de
+volontariat et qu'il quitta avec les galons de sergent, lui délivrait
+cette attestation: que «le bi-licencié fut un soldat modèle et un
+parfait gradé». Nous avons mentionné aussi que, son service terminé, M.
+Raymond Poincaré passa l'examen d'officier, et qu'il accomplit avec zèle
+les périodes d'exercice que lui imposait la règle. Il laissa à tous ceux
+qui furent alors ses camarades, ses compagnons d'armes, le meilleur et
+le plus durable souvenir.</p>
+
+<p>C'est ainsi que M. le commandant de Chambonas, qui connut M. Raymond
+Poincaré au 1er bataillon territorial de chasseurs alpins, où, en 1897,
+il faisait un stage comme lieutenant, s'empresse, avec une amabilité
+dont nous lui sommes reconnaissants, de nous communiquer les
+photographies qu'il conserve précieusement depuis cette époque.</p>
+
+<p>Le «lieutenant Poincaré» y figure en tenue de campagne: on manoeuvrait
+alors dans les montagnes des environs d'Annecy; on menait là, avec
+entrain, une rude et saine vie. A une étape, un des camarades --le
+lieutenant Daudens--prit ces clichés, que le nouveau chef de l'État ne
+reverra sans doute pas sans émotion.</p>
+
+<p>Dans la note qu'il nous donne pour accompagner et commenter ces
+documents, un parent de M. le commandant de Chambonas, M. le vicomte du
+Fresnel, nous rappelle qu'à cette époque M. Raymond Poincaré, qui avait
+déjà été deux fois ministre, était vice-président de la Chambre des
+députés (il le fut trois années de suite, de 1896 à 1898). A ce titre,
+il avait sa place marquée dans toutes les cérémonies officielles.</p>
+
+<p>Or, le hasard voulut qu'une grande réception eût lieu à l'Elysée, tandis
+qu'il accomplissait sa période d'instruction. Le premier mouvement du
+lieutenant Poincaré fut de sacrifier au devoir militaire le devoir de
+représentation. Mais le président Félix Faure insista pour l'avoir près
+de lui en ce soir de fête.</p>
+
+<p>M. Raymond Poincaré, par déférence, abandonna donc quatre jours le béret
+bleu pour venir à Paris. Seulement, sa période terminée, le bataillon
+territorial libéré, il tint à honneur de remplacer ce «temps perdu», et,
+pendant quatre jours supplémentaires, il demeura au 11e bataillon actif,
+qui administrait le 1er bataillon territorial. Combien de réservistes y
+mettent moins de zèle!</p>
+
+<p>«Ceux qui ont eu alors l'honneur de le voir à l'oeuvre, écrit M. le
+vicomte du Fresnel, ont pu apprécier sa haute intelligence, ses qualités
+de travailleur infatigable, toujours hanté du souci d'apprendre
+davantage de son métier, afin de pouvoir se rendre encore plus utile à
+son pays.»</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>UNE CRISE POLITIQUE AU JAPON</h3>
+
+<p>Une crise politique des plus graves sévit en ce moment au Japon où
+l'effervescence populaire est telle que, pendant trois jours, la foule,
+dans son ardeur à manifester contre le ministère Katsura, a soutenu de
+véritables combats avec la police et la troupe dans les rues de Tokio.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le prince Katsura.</b></p>
+
+<p>Le cabinet Katsura avait succédé, sous la pression du parti militaire,
+au cabinet Saïonji, très populaire pour son programme d'économie
+générale et de dégrèvement fiscal. Peu soutenu par la cour, et ne
+pouvant réussir à remplacer son ministre de la Guerre qui venait de
+démissionner sur un refus de crédits nouveaux, le marquis Saïonji dut se
+retirer, bien qu'il eût la majorité dans les deux Chambres, et le prince
+Katsura, qui avait été déjà deux fois premier ministre, de 1901 à 1906
+et de 1908 à 1911, assuma la tâche ardue de concilier des intérêts en
+apparence inconciliables. Les événements nous montrent que l'éminent
+homme d'État n'y a pu réussir. La décision du gouvernement d'enlever les
+questions militaires à la compétence du Parlement nettement hostile, et
+dont, à deux reprises, furent prorogées les séances, a mis le comble à
+l'impopularité du ministère qui, sous la menace de toute une population
+ameutée, s'est résigné à abandonner le pouvoir.</p>
+<br><br>
+
+<h3>PLUS FORT QU'A KOEPENIK</h3>
+
+<h4>LA MOBILISATION DE STRASBOURG</h4>
+
+<p>Il est une faculté que l'on a depuis trop longtemps déniée aux
+Allemands, voire aux pangermanistes: c'est le sens de l'humour. Deux
+hommes, du moins, deux héros--car on les a vite tenus pour tels en leur
+pays, étant donné les difficultés de l'entreprise--auront, à peu
+d'années d'intervalle, tenté à ce point de vue une sorte de
+réhabilitation de l'esprit national. Ces deux «humoristes», qui
+jouissent aujourd'hui d'une égale et légitime popularité dans toute
+l'Allemagne et jusque dans les pays voisins, sont le cordonnier Voigt
+(l'inoubliable capitaine de Koepenik) et le sous-officier réformé Wolter,
+dont les exploits, non moins joyeux et d'une ingénuité de moyens tout
+aussi remarquable, datent à peine d'hier.</p>
+
+<p>Vous paraîtrait-il agréable, histoire de rire un peu par ces temps
+vraiment trop maussades, de bouleverser l'un des plus vastes camps
+retranchés de l'Allemagne, d'amener un gros <i>Zeppelin</i> sur les
+fortifications, d'envoyer, en tenue de parade, au polygone de la ville
+militaire, 16.000 hommes, 30 généraux et colonels, un gouverneur de
+forteresse et un général commandant de corps tandis que tous les
+monuments se pavoisent? La chose est presque trop facile.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003a.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="8" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 20%; text-align: center;">
+<b>Le général von Egloffstein, gouverneur de Strasbourg.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 60%; text-align: center;">
+<b>Place Impériale à Strasbourg: la foule des immigrés
+attendant... le retour de l'empereur du polygone.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 20%; text-align: center;">
+<b>Le général von Fabeck, commandant le XVe corps.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<p>Voici: vous passez au bureau de poste de votre quartier, où vous rédigez
+un télégramme à votre propre adresse. Ce télégramme ne porte qu'un seul
+mot: <i>oui</i>, par exemple. Une demi-heure plus tard, un télégraphiste se
+présente à votre domicile et vous remet la dépêche. Alors vous grattez
+l'adresse, l'origine du télégramme et le <i>oui</i>, sans toucher aux autres
+indications. Puis vous écrivez l'adresse du gouverneur de la place et
+vous ajoutez quelques lignes péremptoires ordonnant la mobilisation des
+troupes. Hardiment vous abusez du nom de l'empereur Guillaume et, coiffé
+d'une casquette de télégraphiste, une longue pèlerine jetée sur vos
+épaules, vous allez porter vous-même cette dépêche au lieutenant qui
+commande le poste central. Le lieutenant transmet le télégramme au
+bureau du gouverneur, et, cinq minutes après, la garnison est «alarmée»;
+la générale retentit; une rumeur de guerre emplit la ville! Des têtes
+ornent toutes les fenêtres et des foules loyalistes encombrent toutes
+les rues, cependant que, tranquillement, vous allez prendre un bonne
+chope et même beaucoup de bonnes chopes dans une brasserie recommandée
+en attendant que finisse--car tout a une fin--la plaisante aventure.</p>
+
+<p>Ainsi procéda, de point en point, il y a une dizaine de jours, l'ancien
+sous-officier d'administration d'artillerie Auguste Wolter, réformé
+depuis peu par l'autorité militaire, et qui, pour occuper ses loisirs et
+montrer aussi sans doute qu'il était encore bon à quelque chose,
+s'amusa, au lendemain du mardi gras, à mobiliser toute la garnison de
+Strasbourg-. Cela se passait le 5 février. Un homme--notre
+Wolter--portant la casquette à double galon rouge des agents des postes
+et télégraphes, pénétra au corps de garde de la place Kléber et remit au
+lieutenant de service une dépêche identique à celle dont nous donnons le
+fac-similé.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003c.png"><br><b><i>Au gouvernement général impérial, de Strasbourg
+(Alsace).<br>--Toute la garnison doit être alarmée immédiatement par le
+poste central. J'arrive par automobile à midi au polygone des
+manoeuvres.--Guillaume Imperator Rex.</i><br> Télégramme--écrit au crayon bleu
+sur papier jaune--absolument identique à celui par lequel le
+mystificateur Wolter mobilisa la garnison de Strasbourg.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>L'empereur à Koenigsberg, le jour où on l'attendait à
+Strasbourg.</b></p>
+
+<p>Le lieutenant envoie le pli au général'gouverneur von Egloffstein, qui
+fait sauter le timbre. Une dépêche de Sa Majesté l'Empereur! Le général
+bondit. Comment! L'empereur est en route pour Strasbourg et l'on n'en
+savait rien! Heureusement que l'on a devant soi deux heures encore! Vite
+des ordres, des estafettes, le téléphone, le tambour, tous les tambours
+qui, dans toutes les casernes, dans toutes les rues, sur toutes les
+places, battent la générale. Ainsi, dans la ville, et tandis que les
+troupes munies des toiles de tente, de la gamelle et du manteau, se
+hâtent vers le polygone, on apprend que Sa Majesté arrivera à midi pour
+
+<span class="rig"><img alt="" src="images/003d.png"><br><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Auguste Wolter, en uniforme de sous-officier<br>
+&nbsp;&nbsp;d'administration d'artillerie.</b>--Phot. E. Dietsch.</span>
+
+passer la revue de la garnison. La Post fait vite vendre, par ses
+hurleurs, une édition spéciale qu'on s'arrache. Majestueux et lourd,
+l'<i>Ersatz-Zeppelin</i> sort, lui aussi, de la ville. Le statthalter est,
+dès 11 heures, sur le terrain de manoeuvre où arrive en coup de vent le
+prince Joachim, sorti de l'Université, et que reçoit le groupe doré des
+Excellences militaires avec le chef de police en grand gala. Tout est
+prêt. Les soldats sont alignés merveilleusement. Immobilité. Silence.
+Midi sonne!... Une heure sonne! Puis la demie, les trois quarts!... Deux
+heures, enfin!... L'empereur n'est pas là, toujours. Mais alors?... On
+se décide enfin à téléphoner à Berlin qui répond que «l'empereur est à
+Koenigsberg».</p>
+
+<p>Demi-tour. En avant, marche! pour rentrer au quartier. Toutes les
+troupes repartent du pied gauche qui ne se soucie plus de lancer le pas
+de parade.</p>
+
+<p>Et, pendant ce temps-là, l'impassible Auguste Wolter, qui venait de
+disposer pendant quatre heures d'horloge de tout un corps d'armée
+allemand, savourait tranquillement une excellente bière à la brasserie
+du Tigre au faubourg National. C'est là que le découvrit et l'arrêta,
+vers 4 heures de l'après-midi, un agent lancé sur ses traces. Et Wolter
+fut emmené un peu vivement à la présidence de la police où finit, pour
+lui, la petite fête dont on s'est beaucoup égayé à Strasbourg et dans
+maints autres lieux d'Allemagne. Mais, paraît-il, l'empereur Guillaume
+n'a pas été, cette fois, atteint par la contagion du sourire...<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Albéric Cahuet.</span></span></p><br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><span class="sml">
+Dr Wilson.
+Lieut. Bowers.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Capitaine Scott.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Capitaine Oates.</span><br>
+
+<b>Le capitaine Scott et ses compagnons, au pied du mont Erebus, avant le
+départ vers le Pôle.</b><br>--<i>Phot. Ponting. Copyright.</i></p>
+
+<h3>LA FIN TRAGIQUE D'UNE EXPÉDITION POLAIRE</h3>
+
+<p>D'un jour à l'autre nous nous attendions à recevoir la nouvelle de
+l'heureuse arrivée en Nouvelle-Zélande de l'expédition polaire de Scott,
+et voici qu'au lieu d'un joyeux message le télégraphe nous annonce une
+catastrophe. Après avoir conquis, lui aussi, un mois après Amundsen, le
+Pôle Sud, le chef de l'expédition et ses quatre compagnons sont morts de
+faim et de froid sur la route du retour, au moment où ils allaient
+atteindre le salut.</p>
+
+<p>En janvier 1911, Scott s'établissait, avec douze compagnons, à la terre
+Victoria, sur les bords du <i>sound</i> Mac Murdo, à quelques kilomètres du
+point où il avait passé deux ans au cours de sa première exploration en
+1901-1903, et tout près de celui d'où, en 1908, Shackleton était parti
+pour son mémorable raid. Le chef de la mission anglaise possédait donc
+le très grand avantage de connaître admirablement le terrain sur lequel
+il allait opérer; de plus, il n'avait point besoin de dépenser son temps
+et ses forces à chercher la meilleure route vers le Pôle, il lui
+suffisait de reprendre celle de Shackleton.</p>
+
+<p>Une fois la station d'hivernage construite et aménagée, Scott employa
+l'automne à installer des dépôts de vivres sur la Grande Barrière, cet
+énorme glacier, large de 800 kilomètres environ et long de 600, qui
+s'étend en avant des puissantes montagnes au milieu desquelles se trouve
+le Pôle. Trois caches de vivres furent ainsi aménagées, la plus
+méridionale sous le 79° 30' de latitude; alors que, pendant ce temps,
+Amundsen réussissait à établir son dépôt extrême à 278 kilomètres plus
+près du Pôle. De ce fait et de ce que leur base d'opérations se trouvait
+environ 110 kilomètres plus au sud, les Norvégiens possédaient un
+avantage marqué sur les Anglais.</p>
+
+<p>L'hiver s'écoula sans incident et, au début du printemps austral, le 2
+novembre 1911, Scott se mit en route vers le Pôle, à la tête d'un
+important convoi de dix traîneaux tirés par autant de poneys. Entre
+temps, deux traîneaux automobiles chargés de fourrages et
+d'approvisionnements avaient pris l'avance, tandis que des attelages de
+chiens suivaient avec des vivres de réserve. Par suite de réchauffement
+des moteurs dû au mauvais fonctionnement de l'appareil de
+refroidissement par l'air, les tracteurs durent être abandonnés par 80°
+30' de latitude. N'empêche qu'ils avaient fourni une traite de pas moins
+de 300 kilomètres sur le glacier, et singulièrement facilité les
+transports. Après cela, la marche sur la Grande Barrière continua très
+lente, sans cesse retardée par d'effroyables <i>blizzards</i> et de très
+abondantes chutes de neige. Seulement le 10 décembre, trente-huit jours
+après avoir quitté ses quartiers d'hiver, la caravane arrivait à
+l'extrémité méridionale de cette immense nappe de glace, au pied de
+l'énorme massif qui défend l'approche du Pôle. Dès le lendemain, avec
+sept compagnons, Scott entamait l'ascension des montagnes par le glacier
+Beardmore, qu'avait suivi Shackleton trois ans auparavant. Les fourrages
+étant épuisés, les poneys survivants avaient été abattus avant le début
+de l'ascension. Dès lors, les Anglais devaient s'atteler eux-mêmes à
+leurs véhicules, tandis qu'au moment de l'attaque des montagnes Amundsen
+possédait une meute de plus de quarante bêtes vigoureuses. Au début, la
+marche fut très pénible; toujours la tempête et la neige; par suite, une
+piste exécrable. Plus haut, le terrain devient meilleur, et les
+explorateurs avancèrent bon train, couvrant de 24 à 36 kilomètres par
+étape. Le 3 janvier 1912, Scott arrivait au 87° 32' de latitude, soit à
+270 kilomètres du Pôle. Là, pour économiser les vivres, il renvoyait sur
+l'arrière trois de ses compagnons et continuait avec quatre hommes, le
+docteur Wilson, deux officiers, le capitaine Oates et le lieutenant
+Bowers, et un sous-officier, Evans. Quinze jours plus tard, le 18
+janvier, juste un mois et un jour après Amundsen, la petite caravane
+parvenait au Pôle où elle trouvait la tente et le document laissés par
+les Norvégiens comme preuves de leur passage. Pour ces braves, quelle
+cruelle déconvenue! Avoir peiné pendant des mois, et, au dernier moment,
+se voir enlever la victoire par un concurrent plus heureux! Le coup
+était rude, et qui sait, peut-être sa violence entama-t-elle la force de
+résistance des explorateurs et prépara-t-elle ainsi, dans une certaine
+mesure, la catastrophe finale.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>L'itinéraire du capitaine Scott et celui de Roald
+Amundsen.</b></p>
+
+<p>Si l'ascension du glacier Beardmore avait été difficile, encore plus
+pénible fut la descente. Sans répit, la tempête et la neige, et toujours
+un froid très vif, 30° et 40° sous zéro, à une époque correspondant à la
+fin de juillet et au commencement d'août sous nos latitudes. Finalement,
+le 15 février, au prix d'efforts surhumains, on arrive à la fin du
+glacier Beardmore, au pied des montagnes. Là, le sous-officier Evans
+succombe aux fatigues et aux privations.</p>
+
+<p>Cependant, les grosses difficultés semblent vaincues. Du pied du glacier
+aux quartiers d'hiver du <i>sound</i> Mac Murdo, il n'y a plus que 650
+kilomètres, et sur toute cette distance, c'est la plaine de là Grande
+Barrière. Mais l'adversité s'est acharnée sur la malheureuse expédition.
+La température devient excessive; dans la journée le thermomètre oscille
+autour de 35° sous zéro et, la nuit, tombe à 43°! Avec cela, constamment
+un vent debout qui rend le froid encore plus âpre, et, à chaque instant,
+des <i>blizzards</i> et des chutes de neige. Dans de telles conditions,
+combien est épuisant le halage des traîneaux!</p>
+
+<p>En même temps, la lenteur des progrès oblige à la diminution des
+rations; il importe avant tout de garder une quantité de vivres
+suffisante pour atteindre le dépôt le plus méridional, l'<i>One Ton Camp</i>,
+la cache contenant une tonne de conserves. C'est ainsi que plus la lutte
+devient pénible, plus la force de résistance des voyageurs diminue.
+Après un mois de marche, Scott se trouve encore à plus de 250 kilomètres
+de la station.</p>
+
+<p>Sur ces entrefaites, le capitaine Oates, gravement «mordu» par la gelée
+aux pieds et aux mains, s'affaiblit de jour en jour; le malheureux se
+traîne plutôt qu'il ne marche. Malgré ses instantes prières, ses
+camarades refusent de l'abandonner, et, pour lui permettre de suivre,
+ralentissent leur allure, alors que chaque heure perdue diminue les
+chances de salut de la caravane entière.</p>
+
+<p>Le 16 mars, la petite troupe se trouve retenue sous la tente par la
+tempête, lorsque Oates, à toute extrémité, parvient à se lever dans un
+suprême effort: «Je sors, et resterai dehors quelque temps», dit-il.
+Comprenant sa résolution, ses compagnons s'efforcent de le retenir;
+leurs supplications demeurent inutiles... et ce vaillant disparaît pour
+toujours dans l'ouragan blanc. «Oates, écrit Scott, avait coupé lui-même
+le lien d'affection qui conduisait ses amis à la mort.»</p>
+
+<p>Après ce drame, les trois survivants lèvent immédiatement le camp et, en
+dépit de la tourmente, poursuivent leur marche désespérée. Encore un
+effort, le dépôt du 79° 30' n'est plus loin. Après cinq jours de
+fatigues surhumaines, ils vont toucher le but, lorsque, le 21 mars, à 20
+kilomètres de la précieuse «cache» de vivres, un nouveau <i>blizzard</i>,
+plus terrible que les autres, fond sur les infortunés voyageurs. Leurs
+caissons de vivres sont presque vides, et toujours l'ouragan fait rage.
+C'est ainsi que, lentement, ces héroïques pionniers succombent les uns
+après les autres, aux tortures de la faim et du froid, gardant, jusque
+dans l'agonie, la plus admirable sérénité. Scott et ses trois compagnons
+sont morts en héros de Plutarque.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/005a.png"><br><b>La veuve et l'enfant du capitaine Scott. Photographie
+prise avant le départ de Mrs Scott, qui s'est embarquée le 4 janvier
+dernier pour aller au-devant de son mari, en Nouvelle-Zélande, et qui a
+appris la fatale nouvelle à Honolulu.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/005b.png"><br><b>Le capitaine Scott, avant son départ.</b>--<i>Phot. Russell and sons,
+Southsea.</i><br><br>
+<p>Défaillant, le chef de l'expédition trouve encore la force de tenir un
+journal et d'adresser au peuple anglais un suprême message, admirable de
+simplicité et de grandeur d'âme:</p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+
+
+
+<p>«Nous sommes faibles, écrit Scott, nous pouvons à peine tenir la plume.
+Pour ma part, je ne regrette pas d'avoir entrepris cette expédition;
+elle montre l'endurance dont sont capables les Anglais, leur esprit de
+solidarité, et prouve qu'aujourd'hui ils savent regarder la mort avec
+autant de courage que jadis.</p>
+
+<p>» Nous avons couru des risques; nous savions d'avance que nous les
+courrions.</p>
+
+<p>» Les choses ont tourné contre nous, nous ne devons pas nous plaindre,
+mais nous incliner devant la décision de la Providence, décidés à faire
+de notre mieux jusqu'à la fin.</p>
+
+<p>» Si, dans cette entreprise, nous avons volontairement donné nos vies,
+c'est pour l'honneur de notre pays. J'adresse donc un appel à mes
+compatriotes, et les prie de veiller à ce que ceux dont nous étions les
+soutiens dans la vie ne soient pas abandonnés.»</p>
+
+<p>Dès les premiers jours de mars, l'escouade demeurée aux quartiers
+d'hiver s'était portée en avant au secours du chef de l'expédition.
+Malheureusement, le mauvais temps paralysa ses mouvements. Ce fut
+seulement six mois plus tard, en octobre dernier, au début du printemps
+austral, que les recherches purent être reprises; elles aboutirent à la
+découverte des cadavres des héroïques explorateurs et des carnets
+racontant leur effroyable agonie.</p>
+
+<p>La catastrophe est due principalement à des conditions météorologiques
+adverses et au mauvais état de la neige qui en a été la conséquence.
+Alors que. sur la Grande Barrière, Amundsen n'a point éprouvé de grosses
+tempêtes et n'a essuyé que deux tourmentes dans les montagnes, Scott a
+été pour ainsi dire constamment enveloppé par des <i>blizzards</i>.
+Shackleton, lui aussi, fut assailli par de fréquents ouragans et
+rencontra de vastes espaces recouverts de neige molle. De plus, les
+nombreuses séries d'observations faites dans le <i>sound Mac</i>, Murdo par
+les trois expéditions anglaises qui y ont hiverné montrent la fréquence
+des ouragans dans cette région. Il est donc évident que la route
+anglaise vers le Pôle Sud, c'est-à-dire la partie occidentale de la
+Grande-Barrière située au pied des hautes montagnes de la terre
+Victoria, forme une sorte de trou du vent, au fond duquel tombent
+d'abondantes masses de neige. Au contraire, plus à l'est, au large de
+cette chaîne, la partie médiane de la Grande Barrière, qui a été
+parcourue par les Norvégiens, est une zone de calme relatif. De plus,
+les autorités en matière d'exploration polaire, Nansen, Shackleton,
+attribuent l'affaiblissement progressif de la caravane au scorbut. La
+terrible maladie avait visité l'expédition avant le départ pour le Pôle;
+un des membres de l'escouade du sud avait même été atteint. Il est donc
+permis de penser que, pendant la marche vers le Pôle, l'alimentation
+exclusive en conserves, jointe aux fatigues de la route, a déterminé une
+nouvelle éclosion traîtresse de la redoutable affection, dont les lents
+progrès ont mis les vaillants explorateurs hors d'état de résister aux
+intempéries et aux privations.</p>
+
+<p>D'autre part, une des causes du désastre doit être cherchée dans
+l'absence d'animaux de trait au moment de l'assaut final. Tandis que des
+meutes bien entraînées enlevaient rapidement les traîneaux d'Amundsen,
+les Anglais durent haler à bras les leurs dans la pénible escalade des
+montagnes. Enfin, Scott et ses compagnons n'avaient point cette maîtrise
+du ski que possèdent les Norvégiens habitués dès l'enfance à l'emploi de
+ce patin. De là, la lenteur des étapes, qui a conduit à la mort ces
+héroïques explorateurs.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Charles Rabot.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>Le château présidentiel et l'école militaire de
+Chapultepec, près de Mexico. Le château est la résidence habituelle du
+président Madero; les élèves de l'école militaire sont, selon les uns, à
+la tête de l'insurrection,--selon les autres, de la résistance.</b></p>
+
+<h3>LA GUERRE CIVILE AU MEXIQUE</h3>
+
+<p>M. Madero, qui, il y a bientôt deux ans, contraignait par la force M.
+Porfirio Diaz à abandonner le pouvoir, et que la révolution victorieuse
+portait alors à la présidence des États-Unis du Mexique, vient à son
+tour d'éprouver les hasards d'une sédition militaire, dirigée, cette
+fois, contre lui. Dimanche dernier, les partisans du général Félix Diaz,
+neveu de l'ancien président, entraînaient presque toutes les troupes de
+la garnison et, avec ce concours, délivraient leur chef, emprisonné
+depuis l'insuccès de sa précédente tentative insurrectionnelle. Après un
+violent combat entre les troupes fédérales et les rebelles, ceux-ci
+s'emparaient de l'arsenal, et le général Félix Diaz se proclamait
+lui-même président de la République.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/006b.png"><br><b>Le président Madero.<br></b>--<i>Phot. comm. par M. Adossidès</i>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/006c.png"><br><b>Le général Félix Diaz.</b><br>--<i>Phot. comm. par M. Humblot.</i>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>En un pays où les questions de personnes sont seules en jeu, ce ne sont
+point des raisons politiques qu'il faut chercher à un tel mouvement.
+Depuis longtemps déjà, M. Madero avait à lutter contre les menées de
+nombreux adversaires. «Dès ses débuts, nous écrit M. N. C. Adossidès,
+qui est fort averti des origines de la crise actuelle pour avoir
+récemment séjourné au Mexique, le nouveau président fut l'objet de
+critiques acerbes; on alla jusqu'à affirmer qu'il s'était fait
+rembourser les frais occasionnés par la révolution. A vrai dire, les
+mécontents, ses anciens amis pour la plupart, se plaignaient surtout de
+n'avoir pas reçu un prix suffisant de leurs services, et si l'on voit
+aujourd'hui certains généraux, ses partisans d'autrefois, faire cause
+commune avec Félix Diaz, c'est que Madero dut résister énergiquement à
+leurs exigences exorbitantes.</p>
+
+<p>» Pasqual Orozco et Zapata devinrent ainsi ses ennemis acharnés. Leur
+aide lui avait été indispensable pour conquérir le pouvoir, car,
+véritables chefs de bandes, ils avaient à leur disposition des hordes
+vite excitées par l'appât de riches butins. Le succès de Madero assuré,
+ils l'accusèrent de ne point tenir ses promesses, et reprirent les armes
+contre lui.</p>
+
+<p>» Déconsidérés, sans prestige, ils n'étaient pourtant pas les plus à
+craindre. Un autre adversaire, beaucoup plus redoutable à cause de
+l'estime qui s'attachait à son nom, se mit bientôt sur les rangs: le
+général Félix Diaz, très populaire dans l'armée, réussit, au mois
+d'octobre dernier, avec quelques centaines d'hommes, à s'emparer de
+Vera-Cruz. Arrêté peu de jours après, il fut condamné à mort par la cour
+martiale; mais l'opinion publique intervint en sa faveur, et Madero
+commua sa peine en celle des travaux forcés.»</p>
+
+<p>Le général Diaz paraît avoir rencontré, à Mexico, de vives résistances.
+Les troupes fidèles ont livré aux mutins de nombreux engagements, et
+l'on annonce que M. Madero, demeuré maître du palais national, organise
+la lutte, tandis que, d'après certaines informations, Mme Madero
+résiderait toujours au château de Chapultepec, à quelques kilomètres de
+la capitale.</p><br><br>
+
+<h3>PRUSSE ET HANOVRE</h3>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p>Le 10 février, à Carlsruhe, au cours d'un bal au château grand-ducal de
+Bade, l'empereur Guillaume a officiellement annoncé les fiançailles de
+la princesse Victoria-Louise de Prusse et du prince Ernest-Auguste de
+Cumberland, petit-fils du roi de Hanovre et héritier présomptif--depuis
+la mort de son frère aîné le prince Georges--du grand-duché de
+Brunswick. L'événement est d'importance; les fiançailles scellent en
+effet la réconciliation des maisons de Prusse et de Hanovre de même que le </p>
+<img alt="" src="images/006d.png"><br><b>Le prince Ernest-Auguste de Cumberland.</b> <i>Phot. Hutzel.</i>
+
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/006e.png"><br><b>Une fiancée en uniforme des hussards de la Mort: la
+princesse Victoria-Louise de Prusse.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+<p>mariage de l'empereur Guillaume avec une princesse de
+Schleswig-Holstein mit fin à une autre vieille querelle. On ne croit
+point que le duc de Cumberland, père du fiancé, puisse renoncer lui-même
+officiellement à ses droits sur le Hanovre; mais sans doute
+abdiquera-t-il en faveur de son fils, ce qui permettrait de résoudre la
+question de la souveraineté du Brunswick, actuellement administré par
+une régence qui doit cesser lorsque les Cumberland, héritiers du
+grand-duché, auront renoncé à leurs prétentions sur le Hanovre.</p>
+
+<p>La princesse Victoria-Louise a vingt ans. Elle est blonde, fine,
+spirituelle, vive, et, par ses saillies espiègles, met beaucoup
+d'animation jeune à la cour de Potsdam. Le prince Ernest-Auguste, âgé de
+vingt-cinq ans, est un officier bavarois de belle allure.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>LA «MARISMA».<br>--Auprès d'une hutte de berger, M. Henri
+Lagatu, professeur<br> de chimie à Montpellier, chargé de l'expertise, et
+son guide.</b><br> <i>Photographie de M. Louis Bertrand, communiquée par M. H. del
+Camino,<br> principal propriétaire de la Marisma.</i></p>
+
+<h3>LES MARAIS DU GUADALQUIVIR</h3>
+
+<p class="mid"><i>Notre correspondant de Madrid nous écrit:</i></p>
+
+<p>Une rapide excursion vient de me faire connaître la région des marais du
+Guadalquivir dont la concession au «Crédit foncier du Sud de l'Espagne»
+est l'objet d'une enquête judiciaire, prélude, à en croire certaines
+informations, d'un scandale analogue à l'affaire Rochette, où seraient
+compromis 5 millions et impliquées de hautes personnalités espagnoles et
+françaises.</p>
+
+<p>Ces marécages ne sont pas ceux que les touristes qui descendent en
+bateau le Guadalquivir de Séville à Sanlucar de Barrameda peuvent
+apercevoir, s'étendant à perte de vue sur leurs deux rives et servant de
+pacages aux troupeaux de taureaux de course. Les terrains désignés dans
+le dossier sous le nom de «Marisma Gallega d'Aznalcazar» et de «Lago de
+Almonte», sont situés à l'ouest du bras droit du Guadalquivir, dit
+«Brazo de la Torre», non navigable sauf pour de petites embarcations.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>Vue du Carlo Travieso. Dans le fond passe au grand trot<br>
+une troupe de chameaux qu'il a été impossible d'approcher.</b><br> <i>Phot. Louis
+Bertrand, communiquée par M. H. del Camino.</i>]</p>
+
+<p>Occupant, depuis Coria del Rio jusqu'à l'embouchure, l'emplacement
+probable de l'ancien estuaire du fleuve, ces terrains d'alluvion,
+abondants en silice, se présentent tantôt sous l'aspect d'un sol
+pulvérulent et grisâtre, tantôt couverts d'herbes aquatiques et
+semblables à des rizières ou aux pampas américaines. Ils sont parsemés
+de trous appelés «ojos» (yeux), sources insondables, dissimulées sous
+des couches de mousse, mais que le bétail de ces parages a l'instinct
+d'éviter, et traversés par tout un réseau de canaux («canos» ou
+«canadas»), les uns d'eau courante, les autres aveuglés. On y trouve
+enfin quelques «lueios», sortes de lagunes où séjournent le plus
+longtemps les eaux. Du côté de la mer, le long du rivage, les marais
+sont bordés par de vastes dunes de sable, et, du côté de la terre, par
+d'immenses forêts de pins, d'eucalyptus, de chênes et de palmiers nains,
+réparties en plusieurs grandes propriétés, notamment celle de la
+comtesse de Paris à Villamanrique, sa résidence, la chasse royale du
+«Coto del Rey», et surtout le «Coto de Doña Alla», fameux par
+l'abondance et la variété de sa faune presque unique en Europe, où
+l'on chasse encore le sanglier à l'épieu, comme au moyen âge, et où l'on
+a pu même acclimater des chameaux, amenés des Canaries. Les marais
+eux-mêmes sont d'ailleurs abondants en gibier d'eau.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/007c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Carte des marais du Guadalquivir.</b></p>
+
+<p>Cette vaste étendue se divise en plusieurs parties: la «marisma
+d'Aznalcazar», qui commence près du bourg de ce nom, à l'est de
+Villamanrique, et couvre 25.000 hectares; la «marisma Gallega», d'une
+superficie de 15.000 hectares, comprise entre le «Brazo de la Torre» et
+le «Caño Travieso», et la «marisma de Hinojos», voisine du «Lago de
+Almonte», bande de terrain argileux et assez ferme, qui n'est couverte
+d'eau qu'en hiver.</p>
+
+<p>Pour mettre cette contrée en exploitation agricole, il faudrait, au
+moyen du drainage des canaux, l'assécher, et en même temps débarrasser
+la terre du sel dont elle est imprégnée: ces opérations exigeraient
+évidemment de longs et coûteux travaux. Plusieurs tentatives ont déjà
+été faites en ce sens; leur histoire, fort intéressante pour
+l'intelligence de l'affaire Péquignot, vaut d'être brièvement contée.</p>
+
+<p>C'est en 1876 que la première concession pour l'assèchement des marais
+d'Aznalcazar, qui appartiennent, pour la plus grande part, à M. Hilario
+del Camino, de Séville, fut faite en faveur de MM. Moréno Benitez et
+Iscar moyennant une caution de 10.000 pesetas et un délai de dix ans
+pour achever les travaux et douze ans pour livrer le terrain à la
+culture. Mais rien de sérieux ne fut exécute, et M. Iscar chercha, en
+1897, à revendre, pour 50.000 pesetas seulement, sa concession à M.
+Hilario del Camino, qui n'en offrit que 2.000 pesetas,--ce qui donne une
+idée de la valeur de ce titre dont Péquignot a tiré depuis 5 millions!
+Entre temps, plusieurs ingénieurs étrangers ou espagnols étaient venus
+opérer des relevés sur le terrain, et l'affaire avait été successivement
+étudiée par une «Compagnie péninsulaire» domiciliée à Madrid, par M.
+Sundheim, propriétaire de mines à Huelva, et plusieurs autres, sans
+qu'aucun y donnât suite. La concession primitive Benitez-Iscar semblait
+donc légalement périmée, lorsqu'un décret royal du ministère des Travaux
+publics, en date du 12 juillet 1910, la renouvela en faveur d'un M.
+Fernando Cazana; puis un autre décret du 19 juin 1911 transféra cette
+concession (en même temps que celle du lac d'Almonte, adjugé en 1910
+aussi à un M. Zapata) à MM. Caraux et Louis Renaut, le premier la cédant
+au second. Enfin, un troisième décret, en date du 10 mars 1912,
+attribuait cette même concession à M. Paul Péquignot (qui apparaît alors
+pour la première fois et ne s'est jamais rendu personnellement aux
+«marismas»), comme conseiller-délégué du «Crédit foncier du Sud de
+l'Espagne».</p>
+
+<p>Depuis, on n'avait rien su de l'affaire à Séville, jusqu'à l'arrivée, en
+vertu d'un mandat judiciaire, de M. Henri Lagatu, professeur de chimie à
+l'École nationale d'Agriculture de Montpellier, commissionné comme
+expert agronome pour l'analyse des terrains. Il y séjourna, il y a un
+mois, plus de vingt jours, en compagnie de M. Louis Bertrand, agent du
+consulat français.</p>
+
+<p>Les résultats des investigations de M. Lagatu appartiennent encore au
+secret de l'instruction; mais nous croyons savoir que, d'accord avec les
+autres personnalités compétentes, il admet la possibilité de
+l'assèchement et de l'exploitation agricole des «marismas» à force de
+temps et d'argent. Seulement, quelles qu'en soient les difficultés
+matérielles, l'entreprise ne serait possible que si les concessionnaires
+étaient ou devenaient vraiment les possesseurs du terrain. Tel n'était
+point précisément le cas.</p>
+
+<p>Il semble en outre singulier que, tandis que les décrets de concessions
+se succédaient, la Direction des Travaux publics de la province de
+Séville déclare ne posséder aucun dossier à ce sujet. Mais c'est à
+l'instruction qu'il appartient d'élucider toutes ces anomalies et le
+rôle des diverses personnalités impliquées dans cette affaire, qui vient
+de motiver la démission de l'ambassadeur d'Espagne à Paris, M. Pérez
+Caballero.<br>
+
+<span class="rig">J. C.</span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008a.png"><br><b>Déjeuner à la pagode du Nuage de Jade vert<br> (Pi Yunn
+Sseu): à gauche, vêtu de bleu, le bonze de la pagode.</b></p>
+
+<h2>UN MOIS A PÉKIN</h2>
+
+<h4>IV.--EN EXCURSION: LA «PAGODE DU NUAGE DE JADE VERT»</h4>
+
+<p>Les buts d'excursions aux environs de Pékin sont nombreux et
+intéressants. Je ne vous parlerai pas de celle au tombeau des Ming et à
+la grande muraille, qui est classique; je n'ai pas pu la faire, empêché
+que j'étais par tous mes rendez-vous. Mais nous en avons fait une,
+délicieuse, au temple de Pi Yunn Sseu (Pagode du Nuage de Jade vert)
+près du Parc de Chasse, en compagnie de l'aimable M. Bouillard, qui
+s'était chargé de l'organisation et du ravitaillement.</p>
+
+<p>Partis de Pékin en auto vers 2 heures, nous sommes arrivés trois quarts
+d'heure après devant le Palais d'Été où nous avons trouvé des ânes et
+des chevaux qui nous ont amenés, vers 5 h. 1/2, au Temple, situé au pied
+des premières collines de l'Est.</p>
+
+<p>Là, dans un décor saisissant, se dresse le plus admirable monument qu'on
+puisse imaginer. C'est, dans un amphithéâtre naturel d'une grande
+allure, une succession de portiques, de ponts, de cours, de terrasses,
+d'escaliers, de pagodes, de pavillons qui escaladent la pente, assez
+forte, de la colline et conduisent au sommet d'une tour bouddhique,
+sorte d'autel grandiose, érigeant ses pylônes à multiples étages et ses
+bas-reliefs de pur art hindou dans un ciel resplendissant. Des
+polychromies peintes aux portiques en bois, on passe aux arcs de
+triomphe en céramique, puis on arrive peu à peu aux marbres hâlés et
+imprégnés de soleil, patines à plaisir et ciselés comme des
+orfèvreries... C'est une merveille.</p>
+
+<p>Ces morceaux d'architecture bouddhique ne sont pas rares à Pékin et dans
+ses alentours. C'est, m'a dit M. Bouillard, à l'empereur Tien Long,
+souverain lettré, artiste et très éclectique, qu'on doit l'introduction,
+en Chine, d'une certaine quantité de dogmes de la religion hindoue et,
+par suite, de monuments inspirés des traditions bouddhiques. Ce
+souverain fit même venir à Pi Yunn Sseu des architectes et des artistes
+de l'Inde pour exécuter cette partie de la construction, qui se trouve
+enchâssée dans le temple chinois comme un diamant dans du jade.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/008b.png"></p>
+
+<p>Tien Long devrait être adopté comme patron par les calligraphes. Un
+autographe de lui était--et est encore--considéré par les Chinois comme
+un chef-d'oeuvre. Les temples les plus célèbres et les plus admirés sont
+ceux auxquels, par faveur spéciale, il a fait don d'une page de son
+écriture qui, soigneusement et fidèlement reproduite dans ses moindres
+détails, a été gravée sur une stèle de marbre blanc, dressée à la place
+d'honneur, sous un pavillon spécial. Les Chinois, grands admirateurs de
+l'art graphique, prennent, dans tous les endroits où il s'en trouve, de
+nombreux calques et empreintes de ces caractères impériaux. Toutefois,
+leur respect de l'écriture ne va pas jusqu'à leur faire oublier celui de
+la saleté, et presque toutes ces inscriptions demeurent badigeonnées du
+noir de fumée qui a servi à les décalquer et qu'on ne se donne pas la
+peine de laver une fois l'opération terminée.</p>
+
+<p>Ces gens sont tout en contradictions.</p>
+
+<p>La plupart des gardiens laissent froidement opérer sous leurs yeux les
+profanations les plus honteuses. Du reste, ce ne sont pas précisément
+des gardiens: ce sont des hommes quelconques, qui habitent là dedans,
+tout simplement, on ne sait en vertu de quel droit; personne ne les
+paie, ils ne dépendent de personne et vivent uniquement des pourboires
+des visiteurs.</p>
+
+<p>On pourrait leur confier la Joconde, si on la retrouve.</p>
+
+<p>La partie artistique de notre excursion était agrémentée d'un service de
+subsistances qui ne laissait rien à désirer et qui avait bien son
+charme, croyez-moi. Les boys de M. Bouillard, sous la conduite du
+cuisinier, étaient partis avant nous, emportant un matériel complet de
+couchage, des ustensiles de cuisine, d'abondantes provisions de bouche,
+la vaisselle et les valises.</p>
+
+<p>A l'entrée du temple, un vieux bonze nous a accueillis aimablement. Les
+boys avaient installé nos lits dans les diverses chambres de la pagode
+et servi des rafraîchissements dans une des cours ombragées et fleuries,
+près d'une source au réjouissant murmure, dans laquelle étaient
+plongées, jusqu'au goulot, de nombreuses bouteilles aux formes variées.</p>
+
+<p>Jusqu'au soir nous visitâmes la pagode dans tous ses détails, ne nous
+lassant pas d'admirer et de nous émerveiller.</p>
+
+<p>Après un succulent dîner et une agréable soirée de causerie, nous fûmes
+nous coucher. Chacun de nos lits, qui avaient été dressés sur des
+estrades, au fond des chambres entre deux brûle-parfums de bronze
+entourés d'inscriptions, avait l'air d'attendre quelque bouddha souriant
+et pansu, comme celui qui, bienveillant, au milieu des décombres, siège
+à l'entrée du temple.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"><br><b>Les rizières de la banlieue de Pékin, vues de la Fontaine
+de Jade.</b></p>
+
+<p>Au dehors, les clochettes pendues aux corniches retroussées se mirent à
+linter discrètement dans la nuit au gré des bouffées de brise, et je
+m'endormis du sommeil du juste.</p>
+
+<p>Le lendemain, promenade au Parc de Chasse et visite des ruines d'une
+lamaserie thibétaine, autre fantaisie de Tien Long. Il faudrait la plume
+évocatrice de Loti pour vous dire le charme et la grandeur de ces lieux,
+l'étrangeté des grands pins blancs aux troncs tourmentés, qu'on croirait
+enduits d'une couche d'argent, et au feuillage en bronze patiné.</p>
+
+<p>Il y a des arbres partout, dans ces temples; ils ont l'air de faire
+partie de l'architecture. Les beaux artistes qui créèrent ces merveilles
+ont certainement tenu compte de leur présence lorsqu'ils combinèrent
+leurs plans, et ils ont bâti en les respectant et en les utilisant comme
+accessoires décoratifs. Certains d'entre eux, plusieurs fois
+centenaires, sont d'une forme et d'une couleur inimaginables.</p>
+
+<p>En vérité, je vous le dis, la Chine est un admirable pays.</p>
+
+<p>A la suite d'un déjeuner finement arrosé, nous fîmes nos adieux au bonze
+qui était venu, sans façon, boire avec nous le petit verre de cognac de
+l'amitié et fumer la cigarette de paix. Il va sans dire que le pourboire
+traditionnel ne fut pas oublié. De nouveau, sur nos ânes ou nos chevaux,
+nous suivîmes la route aux dalles disjointes et usées, nous éloignant à
+regret de cette émouvante oeuvre d'art.</p>
+
+<p>Sur le chemin du retour se trouve, près du Palais d'Été, une autre belle
+chose --la Fontaine de Jade--qui mériterait toute une littérature. De là
+on découvre l'immense Pékin dans toute sa plate étendue, avec, au
+premier plan, en avant du Palais d'Été, une succession de rizières
+inondées dont les digues forment comme un réseau de cloisonné.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009b.png"><br><b>Entrée de l'ancien Ouaï Ou Pou (ministère des Affaires
+étrangères).</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010a.png"><br><b>Yuan Chi Kaï, président de la République chinoise.</b><br>
+<i>Dessin d'après nature de L. Sabattier, sur lequel le Président a apposé
+sa signature.</i></p>
+
+<h4>LE PORTRAIT DE YUAN CHI KAI</h4>
+
+<p class="rig">16 juin.</p><br><br>
+
+<p>La patience est une vertu chinoise, il faut le croire, et la mienne fut
+soumise ici à une longue épreuve. Non pas que j'aie été le moins du
+monde victime du mauvais vouloir des hauts personnages dont je voulais
+faire de rapides portraits. Au contraire, dès mes premières démarches,
+ils m'ont fait répondre que ce serait avec plaisir, mais qu'ils étaient
+très occupés et qu'il fallait attendre.</p>
+
+<p>J'ai tellement attendu que j'ai eu un moment de désespérance; mais,
+grâce à l'infatigable obligeance du général Munthe, à qui notre
+ministre, M. de Margerie, avait bien voulu demander de m'obtenir les
+audiences que je sollicitais, j'ai, enfin, été reçu par le président de
+la République chinoise.</p>
+
+<p>Le nouveau Ouaï Ou Pou (ministère des Affaires étrangères), résidence
+actuelle de Yuan Chi Kaï, est un vaste bâtiment en briques grises, tout
+neuf. tout américain, d'architecture vaguement palatiale, d'un style
+yankee assez prétentieux, genre gratte-ciel, moins les étages. On y
+accède par une étroite ruelle tout encombrée de soldats et où les
+pousse-pousse eux-mêmes ont peine à se croiser. Comme c'est une
+construction à l'européenne--à l'américaine, veux-je dire--l'entrée ne
+comporte pas le fameux pan de mur ornementé qui, devant tous les yamen,
+tous les temples et même les maisons particulières (quand il y a de la
+place), empêche les mauvais esprits de pénétrer; mais on l'a remplacé, à
+l'intérieur, dans la cour, par un monumental paravent de bois, très
+moderne lui aussi, qui leur barre fort bien la route ou, en tout cas,
+les oblige à faire un détour qui brise leur élan.</p>
+
+
+
+<p>Yuan Chi Kaï m'a reçu dans son vaste cabinet où rien, vraiment, ne
+rappelle la Chine; pas un meuble, pas un objet d'art qui ne soient
+modernes; c'est confortable et cossu. Le Président, venu très
+courtoisement au-devant de moi jusqu'à la porte, me tend la main à
+l'européenne et me souhaite la bienvenue par l'intermédiaire du général
+Munthe. C'est un homme d'une soixantaine d'années, semble-t-il, au torse
+puissant et aux jambes courtes; les mains sont petites et fines. Il est
+vêtu du nouvel uniforme chinois en toile kaki, avec des boutons dorés,
+des broderies au collet, des pattes d'épaulettes à étoiles et des
+aiguillettes. De courtes bottes molles complètent cette tenue d'une
+irréprochable correction mais dont la sobriété me fait penser--avec quel
+regret!--aux anciens atours abolis. Son Excellence devait avoir grande
+allure, en robe de mandarin...</p>
+
+<p>L'air bienveillant et affable de mon modèle, son sourire infiniment bon,
+me semblent justifier tout le bien que m'en a déjà dit le général Munthe
+qui n'en parle qu'avec le plus affectueux respect, vantant
+chaleureusement sa bonté et sa fidélité envers ses amis.</p>
+
+<p>Je crois pourtant qu'il vaut mieux ne pas être de ses ennemis; mais,
+n'ayant eu ni le temps ni les éléments nécessaires pour me faire sur lui
+une opinion définitive, je m'en tiens à celle du général Munthe.</p>
+
+<p>Après quelques phrases de politesse, le Président s'est assis à son
+bureau et, sur ma demande, a continué à s'occuper des affaires
+courantes, examinant des papiers, prenant des notes, donnant des
+signatures. Celle qui orne mon croquis est de sa propre main, bien
+entendu, et c'est, m'a dit ensuite son secrétaire, une faveur qu'il ne
+prodigue pas. Quant à mon dessin, tout en étant assez ressemblant, il
+n'est pas fameux, je suis le premier à le reconnaître; mais, je peux
+bien le dire sans lui manquer de respect, le Président a très mal posé.
+Je ne pouvais pourtant pas me permettre de rappeler à l'ordre un tel
+chef d'État.</p>
+
+<p>L'exemple parti de si haut n'a pas tardé à être suivi, et, après le
+président de la République, le président du Conseil, la plupart des
+ministres, vice-ministres et secrétaires, m'ont, à l'envi, accordé
+quelques moments de pose; si bien que, maintenant, je ne sais plus où
+donner de la tête.</p>
+
+<p>Beaucoup de physionomies intéressantes, parmi ces hommes politiques de
+la nouvelle Chine, les unes fines, les autres énergiques, des
+malicieuses, des bonasses, toutes énigmatiques. Les Chinois sont si loin
+de nous!</p>
+
+<h4>QUELQUES HOMMES D'ÉTAT</h4>
+
+<p>Le président du Conseil, Tong Shoa Yi, qui parle admirablement
+l'anglais, m'a paru être remarquablement intelligent.</p>
+
+<p>C'est une curieuse figure que la sienne: la proéminence de l'arcade
+sourcilière sous la fuite du front, la minceur de la bouche sous la
+moustache émondée, la pesanteur du regard derrière les lunettes,
+composent un ensemble d'une austérité un peu inquiétante. La parole est
+sobre et précise; la voix grave n'a rien des tonalités aiguës
+particulières aux Chinois. Tong Shoa Yi a étudié en Amérique, où il a
+longtemps séjourné, et d'où il paraît avoir rapporté, en même temps que
+l'accent du pays, un esprit pratique et des idées modernes bien
+arrêtées.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010b.png"><br><b>Le nouveau Ouaï Ou Pou.</b></p>
+
+<p>Il avait revêtu, pour poser, un veston en flanelle blanche de coupe
+assez analogue à celle de la vareuse de nos marsouins: col droit et deux
+rangs de boitons; pantalon européen, naturellement. Comme il me
+demandait mon avis sur ce complet qui, dans son idée, est destiné à
+devenir le vêtement national, sorte d'uniforme civil, je lui ai répondu
+qu'il avait l'air très confortable et très commode et que, si on
+l'adoptait, il ne fallait pas manquer de prescrire, comme on fait en
+France pour nos soldats, de boutonner à droite la première quinzaine et
+à gauche la seconde, pour éviter d'user toujours le même côté. Quand on
+fait une loi somptuaire, il faut la faire complète.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011.png"><br><b>PI YUNN SSEU (LA PAGODE DU NUAGE DE JADE VERT).--Le
+portique de marbre.</b><br>
+<i>Aquarelle de L. Sabattier.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012a.png"><br><b>Le secrétaire général de la présidence de la République,
+Liang Che Yi.</b></p>
+
+<p>Une chose qui m'a fait beaucoup de peine c'est de voir, sur tous les
+bureaux présidentiels ou ministériels, des porte-plume et de l'encre. O
+progrès!</p>
+
+<p>Où est le bel encrier chinois dans lequel on voit les lettrés des
+peintures anciennes délayer leur encre avec une attention et un soin si
+touchants? Où est le beau bâton d'encre de Chine, avec ses ornements et
+ses devises ou ses pièces de vers moulées en beaux caractères anciens ou
+modernes? J'en ai un splendide, qui porte en lettres dorées ces mots:
+«Puissé-je vous servir encore dans dix mille ans!»</p>
+
+<p>Le tout est remplacé, maintenant, par une boîte en cuivre, ronde ou
+carrée, contenant une pâte noire toute préparée qui doit être fabriquée
+et vendue en gros par les Japonais, ces Allemands de l'Extrême-Orient.</p>
+
+<p>On dirait une boîte à cirage.</p>
+
+<p>Je sais bien, c'est plus commode, plus vite fait, mais puisque le temps
+ne compte pas, en Chine...</p>
+
+<p>Ces détails semblent indiquer un état d'esprit alarmant au point de vue
+du pittoresque et une tendance à réformer moins les moeurs ou les
+institutions que les choses. Il est plus facile de frapper l'oeil que
+l'esprit. Si les tailleurs et les architectes s'en mêlent, il ne restera
+bientôt plus rien de beau à voir à Pékin.</p>
+
+<p>Tsaï Ting Kan, secrétaire particulier de Yuan Chi Kaï, est bien le
+Chinois le plus aimablement accueillant que j'aie encore rencontré. Il
+est fin, spirituel et de bonne humeur, avec de la malice plein la face.
+Il parle, lui aussi, très bien l'anglais, et, en causant avec lui, on
+finit par avoir l'impression que le costume national, qu'il a conservé,
+est un déguisement; d'autant plus que, sous sa longue lévite bleue, il
+porte un pantalon de drap et des bottines à boutons. Mon admiration pour
+la Chine et mon enthousiasme pour son art lui ont causé un visible
+plaisir et, lorsqu'il a su ma passion pour les caractères chinois, il
+m'a offert le plus délicat témoignage de sympathie sous la forme d'une
+collection de pinceaux à écrire que je considère comme un très précieux
+cadeau.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/012b.png"><br><b>Le ministre des Finances, Hsiun Si Ling.</b>
+<img alt="" src="images/012d.png"><br><b>Le secrétaire particulier de Yuan Chi Kaï.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/012c.png"><br><b>Le ministre de l'Intérieur, Tchao Ping Tiunn.</b><br><br>
+<img alt="" src="images/012e.png"><br><b>Le président du Conseil, Tong Shoa Yi.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p><i>Les cinq personnages ont apposé sur les croquis originaux de L.
+Sabattier leur signature autographe des deux derniers en écriture latine
+en même temps qu'en écriture chinoise.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"><br><b>Une partie peu visitée du Palais d'Été.</b></p>
+
+<p>Liang Che Yi, secrétaire général de la présidence, m'a reçu d'un air
+fort enjoué et n'a cessé de rire pendant toute la séance, en bavardant
+avec le général Munthe qui, fidèlement, me sert d'introducteur et
+d'interprète auprès de Leurs Excellences. Celui-là ne parlant que le
+chinois, je suis forcé de le juger sur l'apparence, ce qui fait un peu
+partie de mon métier; et quelques vers de la fable du <i>Souriceau</i> me
+viennent à la mémoire:</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> <i>L'un, doux, bénin et gracieux,</i></p>
+<p class="i14"> .........................................................................</p>
+<p class="i14"> <i>Un modeste regard et, pourtant, l'oeil luisant.</i></p>
+</div></div>
+
+<p>Le ministre des Finances, Hsiun Si Ling, a, comme vous pouvez en juger,
+une figure des plus caractéristiques. Ses yeux si chinois et son nez si
+busqué font plutôt mauvais ménage, et sa coupe de cheveux ne se tient
+pas avec sa moustache et sa barbiche clairsemées, qui conservent un air
+ancien régime très marqué.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/013b.png"><br><b>
+Un clocheton d'angle du Palais d'Été.</b></p>
+
+<p>La demi-heure qu'il a bien voulu me consacrer restera dans mon souvenir
+comme une des plus chaudes de mon existence: le thermomètre marquait, ce
+jour-là, 42° à l'ombre. Pendant que je dessinais, le ministre,
+doucement, s'éventait. Il finit par s'apercevoir que j'avais très chaud
+et, obligeamment, me fit proposer par son secrétaire, qui parle
+français, d'ôter mon veston que j'avais gardé.</p>
+
+<p>Tchao Ping Tiunn, ministre de l'Intérieur, me fait l'effet d'un pondéré;
+l'oeil est franc et la figure claire. L'écriture robuste dénote un
+caractère ferme et sérieux. Il doit être énergique et droit.</p>
+
+<p>Tout ce que je vous raconte là, ce sont, naturellement, des impressions
+personnelles. La plupart de ces personnages sont encore assez inconnus,
+au moins des résidants européens. Ils n'ont, jusqu'à présent, rien
+produit de sensationnel qui puisse permettre de porter sur eux un
+jugement motivé (1).</p>
+
+<p>Il semble qu'ils attendent quelque chose. Il y a du malaise et de
+l'inquiétude dans l'air.</p>
+
+<p>On parle de plus en plus de troubles, d'effervescence, de révoltes des
+soldats.</p>
+
+<blockquote>Note 1: Depuis qu'ont été dessinés les portraits reproduits ci-contre,
+la situation de certains des modèles s'est modifiée assez profondément.
+C'est ainsi que Tong Shoa Yi, descendu du pouvoir, n'est plus qu'un
+simple citoyen. Tsaï Thig Kan, promu conseiller de la présidence, a été
+chargé de conduire les difficiles négociations en vue de la
+réconciliation du Nord et du Sud, violemment brouillés au lendemain de
+la révolution. Hsiun Si Ling n'est plus ministre, mais préside la
+commission d'étude des réformes financières. Enfin Tchao ring Tiunn est
+actuellement président du Conseil.</blockquote>
+
+<p class="mid"><span class="sc">palais d'été, palais d'hiver</span></p>
+
+<p class="rig">18 juin.</p><br><br>
+
+<p>J'avoue que le Palais d'Été ne m'a pas enthousiasmé outre mesure; si ce
+n'était sa partie ancienne, très belle en son délabrement, et où les
+guides ne veulent jamais mener les visiteurs, pour avoir plus vite fini,
+j'en serais revenu assez désillusionné.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/013c.png"><br>
+<b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;La pagode à étages, au Palais d'Été.</b></p>
+
+<p>Dans cette partie ancienne que nous avons tenu à visiter, sur les
+conseils du commandant Vaudescal, en compagnie de M. O'Neil et de sa
+charmante femme, il y a quelques coins vraiment dignes d'admiration et,
+entre autres, une certaine petite pagode à étages qui est une pure
+merveille de forme et de couleur. Pour ce morceau et un autre, qu'on
+appelle le pagodon de bronze, je donnerais tout le reste, sauf,
+peut-être, le lac qui, dans son ensemble, est très beau, malgré qu'il
+soit gâté par la fameuse Jonque de marbre. Cette banale et laide
+curiosité pour touristes est, justement, ce qu'il y a de plus connu; le
+contraire m'aurait étonné.</p>
+
+<p>La petite pagode à étages est encore à peu près intacte, mais le pagodon
+de bronze a reçu, en 1900, la visite de quelques amateurs de
+chefs-d'oeuvre pas cher: une de ses portes, bijou de ciselure, fait,
+paraît-il, le plus bel ornement des salons de je ne sais plus quel
+établissement de crédit, tandis qu'une fenêtre a été adoptée par un
+amateur éclairé. Vous savez que, à la même époque, l'un des merveilleux
+équatoriaux de l'observatoire de Pékin est parti en Prusse où il est
+demeuré. Son frère, après avoir fait, lui, un petit voyage en France,
+est revenu s'installer sur son piédestal comme si de rien n'était.</p>
+
+<p>La seule chose qui pourrait donner à ces sortes d'opérations un semblant
+d'excuse, c'est l'incroyable indifférence des Chinois à l'égard de leurs
+richesses artistiques. Cette indifférence, je me hâte de le dire, ne
+peut être reprochée qu'aux fonctionnaires, car il y a encore en Chine de
+nombreux et fervents admirateurs des oeuvres d'art du pays. Il n'en est
+pas moins pénible de penser que ces beautés sont destinées à
+disparaître, soit par cambriolage, soit par suite d'incurie.</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014a.png"><br><b>Pavillon d'angle et fossé de l'enceinte du Palais
+d'Hiver.</b></p>
+
+<p>Il est vrai que celles qui sont cambriolées ne sont pas perdues pour
+tout le monde.</p>
+
+<p>Le Palais d'Hiver, au centre de Pékin, forme, à lui seul, une ville
+fortifiée dans l'enceinte, déjà formidable, de la capitale. Depuis mon
+arrivée, ses interminables murs rouges, tuiles de jaune, impénétrable et
+exaspérante barrière par-dessus laquelle on aperçoit les vastes toitures
+aux teintes d'or, ses portes, farouchement closes et gardées, ses
+fossés, dont les eaux dormantes disparaissent sous les lotus, ses
+pavillons d'angle si beaux de proportions et de tonalité, exerçaient sur
+moi tout l'attrait de l'interdit et du mystérieux. Mon désir de voir
+était arrivé à l'état aigu lorsque l'autorisation d'entrer me fut,
+enfin, accordée,-toujours grâce à la grande obligeance de notre
+ministre, M. de Margerie.</p>
+
+<p>Ce ne fut pas sans émotion que je pénétrai dans ce palais qui sert,
+maintenant, de prison au jeune empereur, otage des révolutionnaires.</p>
+
+<p>La Ville Impériale proprement dite est située au centre du Palais
+d'Hiver et entourée, elle aussi, d'une muraille qu'il ne m'a pas été
+possible de franchir. Du haut de la Montagne de Charbon, le délégué du
+Ouaï Ou Pou chargé de nous piloter nous a montré les pavillons de
+l'empereur, de l'impératrice, les divers bâtiments, les temples et tout
+ce qui constitue la ville interdite. A toutes nos questions sur le jeune
+empereur, nous reçûmes des réponses vagues. «Pauvre gosse!», dit à un
+certain moment l'un de nous.-«Il n'est pas pauvre! reprit vivement un
+des personnages officiels, il touche 300.000 taëls par mois.»</p>
+
+<p>Evidemment...</p>
+
+<p>Nous visitâmes donc des cours, des pavillons, des couloirs, précédés et
+suivis d'eunuques grassouillets et écoutant distraitement les
+explications de notre guide, qui s'exprimait en fort bon français. C'est
+vraiment mieux ici qu'au Palais d'Été. Il y a des morceaux d'une rare
+élégance; les détails sont plus soignés et l'ensemble est moins délabré;
+c'est habité et les choses semblent s'en ressentir.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014b.png"><br><b>Départ pour la promenade en jonque sur les lacs du Palais
+d'Hiver.</b></p>
+
+<p>On nous a promenés en jonque sur les lacs couverts de lotus qui,
+malheureusement, ne fleuriront que dans un mois. Les bateliers qui nous
+attendaient, la longue perche au poing, ne manquaient pas d'allure, et
+les jonques, portant, l'une les invités et l'autre les eunuques, nous
+ont amenés à un débarcadère assez amusant, près du pont en S qui conduit
+au pied du Pé Ta, la «bouteille de Pippermint», comme l'appellent nos
+marsouins, qu'on aperçoit de tous les coins de Pékin.</p>
+
+<p>La garde qui nous avait rendu les honneurs à notre arrivée nous a, de
+nouveau, présenté les armes à la sortie, car nous étions des visiteurs
+officiels; puis, comme il était près de 2 heures, nous sommes allés
+déjeuner, comme de simples citoyens.<br>
+
+<span class="rig">L. Sabattier</span><br>--<i>A suivre.</i>--</p><br><br>
+
+
+
+<h3>LA BANDE ANARCHISTE AUX ASSISES</h3>
+
+<p class="mid"><i>Suite des croquis d'audience de <span class="sc">Paul Renouard</span></i>.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>Dieudonné, formellement accusé par le garçon de recettes Caby, l'adjure
+de reconnaître qu'il a pu se tromper.</b></p>
+
+<p>Les dépositions des premiers des deux cents témoins ont succédé aux
+interrogatoires. L'un de ces témoignages, le plus attendu, promettait
+d'être sensationnel. On ne fut point déçu.</p>
+
+<p>--Faites entrer M. Caby! ordonne le président.</p>
+
+<p>Un homme, rapidement, s'avance à la barre où tous les regards le
+suivent. C'est la victime de la rue Ordener. La silhouette est maigre,
+nerveuse, avec des épaules étroites et une allure saccadée. Le visage
+osseux, blême, parcheminé, avec un grand front chauve, est celui d'un
+convalescent encore bien fragile. Caby, on vient de nous le rappeler à
+l'instant, a eu un poumon troué par une balle. Une autre balle s'est
+logée dans la région de la nuque d'où on n'a pu la retirer. Longtemps on
+a désespéré de sauver ce malheureux, «foudroyé» --selon son
+expression--à bout portant, et qui, gisant à terre, perdant son sang à
+flots, fit de suprêmes héroïques efforts pour retenir de ses mains
+raidies le dépôt qui lui avait été confié. Mais, enfin, le miracle s'est
+réalisé tout de même, et la victime, revenue de si loin, apporte
+aujourd'hui son témoignage décisif...</p>
+
+<p>Le silence, dans la vaste salle, est absolu. Les coeurs battent un peu
+plus fort. Une émotion anime les physionomies impassibles des jurés. Les
+stagiaires sont graves. Les journalistes n'écrivent plus. Les vingt
+accusés, soudainement très attentifs, ont des regards fixes, Dieudonné
+est très pâle.</p>
+
+<p>--Racontez à messieurs les jurés comment s'est produite l'agression dont
+vous avez été victime.</p>
+
+<p>Et Caby raconte, simplement, succinctement, d'une voix précise, sans
+timbre... Nous voyons maintenant ce visage dans la pleine lumière qui
+descend des fenêtres. Les traits, en relief, avec la moustache raide et
+tombante qui barre le profil, sont décidés, énergiques, et contrastent
+avec la faiblesse physique que l'on devine encore chez ce ressuscité.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;La mère de Dieudonné à<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;la barre des témoins.</b></p>
+
+<p>--Reconnaîtriez-vous votre agresseur?</p>
+
+<p>Caby fait face aux accusés et, sans hésitation, le bras tendu vers
+Dieudonné, déclare:</p>
+
+<p>--Le voici!</p>
+
+<p>Et c'est un long frisson dans la salle.</p>
+
+<p>--Vous savez, insiste le président, que votre déposition peut faire
+tomber la tête de cet homme.</p>
+
+<p>--C'est lui, je le jure.</p>
+
+<p>Alors, Dieudonné se lève. Il va sans doute crier son innocence. Non
+point, il cherche à l'expliquer. Il parle longuement, sans élan, sans
+désespoir, avec des phrases préparées. Ah! comme l'on voudrait être
+véritablement ému à ce moment et recevoir, tandis que cet homme se
+débat, le choc qui atteint le coeur. Mais non, ce n'est pas cela. Et,
+tandis que Dieudonné se rassoit, nous entendons ces mots de Caby qui
+sonnent terriblement plus vrais:</p>
+
+<p>--Et moi je jure sur la tête de ma petite fille que cet homme est bien
+mon agresseur!</p>
+
+<p>Ce fut la scène la plus impressionnante, jusqu'ici, de ces interminables
+débats, au cours desquels aussi, cependant, il y eut une minute
+d'infinie pitié lorsque la mère de Dieudonné, une pauvre vieille
+douloureuse, vint défendre son fils que. malheureusement, continuent à
+reconnaître des témoins précis et redoutables.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015c.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 35%; text-align: center;">
+<b>Le garçon de recettes Caby désigne Dieudonné comme son
+assassin.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 65%; text-align: center;">
+<b>Dieudonné, accusé d'être le principal auteur de<br>
+l'attentat de la rue Ordener, et son avocat, Me de Moro-Giafferi.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Le camp des spahis après l'occupation de la casbah
+d'Anflous.</b><br>
+ Mêlé aux soldats, l'envoyé spécial de <i>l'Agence Havas</i>, M.
+Georges Guérard.</p>
+
+<h3>LA PRISE DE LA CASBAH D'ANFLOUS</h3>
+
+<p>Les premières nouvelles qu'on avait reçues de la prise de la casbah
+d'Anflous, et que nous avons résumées dans notre numéro du 1er février,
+ont été complétées par des comptes rendus--un, notamment, du
+correspondant de <i>l'Agence Havas</i>, M. Georges Guérard, auteur des
+photographies reproduites ici, auquel nous allons faire de larges
+emprunts--qui donnent à ce beau fait d'armes tout son caractère: c'est
+l'une des opérations les plus rudes et les plus méritoires que nos
+soldats aient accomplies au Maroc. Une de celles, aussi, dont on puisse
+espérer les conséquences les plus efficaces pour le développement de
+notre influence.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le général Brulard à la casbah.</b></p>
+
+<p>Il fallut un assaut de deux jours pour enlever cette forteresse, dont
+nous avons dit la situation admirable, au point de vue défensif; un
+combat qui remplit les journées des 24 et 25 janvier.</p>
+
+<p>Il faut dire, pour faire mieux comprendre les difficultés de la tâche
+imposée à nos troupes, que l'ennemi--soit que l'expérience acquise sur
+d'autres champs lui ait profité, soit qu'il se trouvât dans ses rangs un
+certain nombre des askris rebelles de Fez, dressés par nos instructeurs,
+et renvoyés dans leurs tribus à la suite de la révolte de l'an
+dernier--manoeuvrait tout à fait à l'européenne, en utilisant
+admirablement le terrain qui le protégeait.</p>
+
+
+
+<p>La harka d'Anflous avait attaqué dans la nuit du 23 au 24 le camp
+français. L'alerte déjà avait été chaude: un lieutenant de spahis et
+deux conducteurs avaient été blessés; la propre tente du général
+d'Esperey avait été trouée de balles.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/016b.png"><br><b>
+Les alpins dans la cour d'entrée de la casbah. Sous un<br>
+appentis, la cage de fer dans laquelle le caïd Anflous<br>
+enfermait sesennemis captifs <i>Photographies G. Guérard.</i></b></p>
+
+<p>Au matin, quand les nôtres se remirent en marche, les Marocains se
+défendirent pied à pied dans chacun des villages fortifiés qui gardaient
+la route, se repliant méthodiquement vers la zaouïa de Sidi Lhassen ou
+El Hassan, centre important que le général Brulard s'était donné comme
+objectif.</p>
+
+<p>Le terrain, et c'est ainsi dans toute cette contrée hérissée de rocs,
+broussailleuse, boisée même, un peu, était horriblement difficile. Il
+était, par surcroît, fort habilement aménagé pour la lutte: en plus des
+fortins dont il est semé, l'ennemi y avait établi des tranchées à
+l'épreuve des obus à balle. Le général Brulard n'eut pas trop de toutes
+les ressources dont il disposait. Tandis que l'artillerie faisait son
+oeuvre, que le tabor des troupes auxiliaires et les tirailleurs
+chargeaient à la baïonnette pour maintenir les Marocains sur la gauche
+de la zaouïa, un mouvement tournant des tirailleurs et des zouaves prit
+à revers la position tant disputée: à 2 heures après midi, nous en
+étions maîtres; mais, jusqu'à la nuit, les nôtres, installés sur le
+terrain conquis, furent en butte à une fusillade ininterrompue.</p>
+
+<p>De nombreux cadavres marocains étaient demeurés sur la place; les
+tranchées étaient ensanglantées. L'ennemi devait avoir éprouvé des
+pertes considérables. Nous avions seulement huit tués et soixante
+blessés.</p>
+
+<p>Le 25, à 6 heures du matin, laissant les blessés et les convois à la
+garde d'une compagnie d'alpins, d'une de tirailleurs et d'une section de
+75, le général Brulard se remettait en marche sur le dar Anflous.</p>
+
+<p>Le terrain sur lequel on allait opérer était encore, dit notre confrère
+de l'<i>Havas</i>, historiographe de cette marche magnifique, «plus âpre que
+celui où s'était déroulé le combat du 24 janvier. Des gorges profondes
+séparent les croupes rocheuses et boisées des crêtes montagneuses qui
+s'étendent parallèlement».</p>
+
+<p>L'ennemi, escomptant que nous allions nous engager dans ces gorges,
+avait tout préparé pour nous y bloquer et nous écraser. Le général
+Brulard n'est pas si naïf! Il manoeuvra pour s'emparer des hauteurs de
+droite, mais en trompant tout d'abord ses adversaires par une manoeuvre
+de cavalerie qui consistait à faire croire que sa colonne allait suivre
+le ravin: les cavaliers purent se rendre compte à quel point les
+précautions, de ce côté, étaient prises!</p>
+
+<p>Alors ils gagnèrent, méthodiquement, sous la protection de l'artillerie,
+les premiers contreforts de la chaîne de droite, bientôt suivis de la
+colonne entière débusquant tout ce qui s'offrait à sa marche. A 9 heures
+on était sur la crête, «après une série de combats durant lesquels la
+fusillade, les hurlements des Marocains et le fracas de la canonnade,
+faisaient littéralement trembler la montagne».</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017.png"><br><b>
+Destruction de la forteresse d'un grand caïd marocain.<br>
+La colonne Brulard fait sauter à la mélinite la casbah d'Anflous:<br>
+explosion des deux tours de l'Est.</b>--<i>Phot. G. Guérard.</i></p>
+
+<p>On tenait maintenant les hauteurs dominant la casbah, située dans une
+petite vallée.</p>
+
+<p>Il restait à parcourir 6 kilomètres, sur un sol couvert de rocs éboulés.
+On le fit presque sans à-coups, en manoeuvrant avec un admirable
+sang-froid.</p>
+
+<p>Vers 10 heures, le feu des Marocains commençait à diminuer d'intensité.
+Ils lâchaient pied. L'artillerie acheva leur déroute. Une heure après, on
+arrivait en vue de la casbah, très imposante d'ensemble, repaire
+jusque-là inviolé «contre lequel s'étaient brisées toutes les mehallas
+envoyées par les sultans successifs au cours des règnes précédents».</p>
+
+<p>On occupa cette bastille si chèrement conquise, --nous avons dit que
+nous avions en tout, pour l'ensemble de l'expédition, treize tués et
+soixante-douze blessés. Les blessés furent installés dans la partie que
+naguère habitait le harem, au fond d'un verdoyant jardin, et nos soldats
+s'amusèrent beaucoup d'une cage de fer, abandonnée dans la cour, qui
+avait dû contenir maints captifs.</p>
+
+<p>Et puis, le lendemain, avant de quitter les lieux, on procéda à
+l'opération qui, de temps immémorial, a consacré les victoires: on
+démantela la forteresse, --exactement, à la mélinite on fit sauter ses
+tours et on entama ses murailles, ce qui est une difficile besogne, dans
+ces constructions de béton dont le temps a fait de véritables
+monolithes.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018a.png"><br>
+<span class="sml">Le grand industriel Guéret. Le comte Tcherkof. Une grande dame russe. Sergine Guéret. De Limeuil.<br>
+(M. de Féraudy).&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (M. Ravet). &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(Mlle Robinne). (Mlle Berthe Cerny). (M. H.
+Mayer).</span></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018b.png"><br>
+Un contremaître (M. Croué). &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Guéret (M. de Féraudy).</p>
+
+<h3>DEUX EFFETS D'AURORE SE LEVANT SUR UNE FÊTE ET SUR UN SINISTRE, A LA
+COTE D'AZUR.</h3>
+
+<p><b>Scènes du premier et du dernier acte de l'<i>Embuscade</i>, de M. Henry
+Kistemaeckers, à la Comédie-Française. Décors de M. Bailly et de MM.
+Jenselme, Gillard et Guérard.</b><br><i>--Photographies A. Bert.--Voir l'article,
+page 142.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/019.png"><br><b>LA CONFESSION DE LA DU BARRY (Mme JANE HADING) DANS SON CACHOT DE
+SAINTE-PÉLAGIE<br>
+Une scène de <i>la Chienne du Roi</i>, l'acte de M. Henri Lavedan, applaudi
+avec Servir au Théâtre Sarah-Bernhardt (direction Guitry).</b><br>
+
+Dessin de J. SIMONT.</p>
+
+<p>Il y avait déjà un contraste piquant à nous montrer une des femmes qui
+personnifient le mieux la joie et la frivolité, le luxe et la volupté de
+la fin du dix-huitième siècle, dans le décor sinistre et répugnant d'une
+prison, à nous faire voir cette amie de roi--du roi qui fut le
+Bien-Aimé--rudoyée par des valets de bourreau, mais M. Henri Lavedan,
+dans cette pièce, qui précède <i>Servir</i> au Théâtre Sarah-Bernhardt, que
+dirige actuellement M. Lucien Guitry, ne s'est pas arrêté à cet effet
+purement extérieur et, pour ainsi dire, de premier plan; il est allé
+beaucoup plus loin, beaucoup plus haut et il s'est plu à nous montrer, à
+extérioriser de la façon la plus ingénieusement dramatique le contraste
+de l'âme et de la chair, le conflit de l'esprit et de la matière.</p>
+
+<p>Un prêtre, déguisé en délégué du Comité de Salut public, vient, en
+effet, voir la courtisane incarcérée; il lui offre de la faire évader de
+sa geôle, c'est-à-dire de la sauver de l'échafaud; mais il dispose d'un
+moyen de secours qui ne peut servir qu'une fois et pour une seule
+personne.--Qu'on sauve donc la reine! s'écrie spontanément la du Barry.
+Mais la reine refuse la liberté sans ses enfants. La du Barry
+n'acceptera pourtant pas de bénéficier seule d'une si insigne faveur et
+elle se condamne à rester sous les verrous; elle recevra du moins
+l'absolution que lui offre le prêtre; pour la recueillir elle
+s'agenouille et, tandis que, de l'autre côté de la porte, à travers la
+grille du judas, quelques sans-culottes, rouges voyous, l'injurient,
+sans d'ailleurs se douter, heureusement, de l'acte qu'elle accomplit,
+tandis qu'ils la criblent de sarcasmes, elle se confesse.</p>
+
+<p>Mais, à mesure que s'écoule l'heure qui eût pu favoriser sa fuite, que
+s'abat, sur la prisonnière, plus irrémédiablement, l'ombre du couperet,
+elle s'effraie, elle s'épouvante; elle ressent, d'avance, toutes les
+angoisses de l'exécution prochaine, toutes les affres de la mort; sa
+volonté reste ferme et volontaire, mais sa chair accoutumée aux
+caresses, aux adorations, tremble et se hérisse; elle hurle, elle se
+tord... C'est la trouvaille d'un grand écrivain dramatique. On a
+applaudi longuement et chaleureusement cet acte émotionnant et ses deux
+remarquables interprètes, Mme Jane Hading et M. André Calmettes.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES LIVRES &amp; LES ÉCRIVAINS</h3>
+
+<p class="rig"><i>Un livre posthume</i></p><br><br>
+
+<p>C'est avec une mélancolique piété qu'on lira le volume édité d'hier
+(<i>Dernières Pensées</i>, Flammarion), où se trouvent recueillis des
+articles, des conférences, comme les derniers actes de cette royauté
+intellectuelle qu'exerçait Henri Poincaré. L'allocution finale,
+intitulée «Pour l'union morale», il l'avait prononcée trois semaines
+avant sa mort.</p>
+
+<p>Ce volume, d'ailleurs, paru sous la même couverture qu'avaient illustrée
+<i>la Science et l'Hypothèse, la Valeur de la science</i>, contient surtout
+des aperçus de détails, quelques discussions de théories récentes en
+physique, mais, au point de vue général et quant à la philosophie,
+Poincaré s'y montre rigoureusement fidèle à la doctrine qui, depuis une
+dizaine d'années, avait fait de lui l'un des initiateurs de ce temps.</p>
+
+<p>L'originalité d'Henri Poincaré, en effet, fut de philosopher, non pas en
+philosophe, mais en savant. A propos d'Émile Boutroux, récemment nous
+avons dit un mot de la préoccupation qui, après l'événement éblouissant
+de la science, fut celle de tous les penseurs, depuis Emmanuel Kant
+jusqu'à Henri Bergson: il s'agissait de déterminer la valeur de cette
+science et de la concilier avec tout ce qu'elle semblait d'abord
+repousser, la liberté, la foi, le sentiment du devoir et la morale. Les
+philosophes cherchaient à résoudre la difficulté à leur manière, en
+proposant des métaphysiques, c'est-à-dire en s'appliquant à déterminer
+la nature même des choses dont la science ne traduirait qu'un aspect
+fragmentaire. Henri Poincaré, au contraire, ne fut jamais un philosophe
+de profession, mais seulement un savant prodigieux, prodigieux à la fois
+par la force de son esprit et par l'étendue de son domaine, géomètre,
+astronome, physicien, quasi-chimiste et biologiste, et assurément
+psychologue. A l'époque d'une extrême division du travail, scientifique,
+il y eut en lui quelque chose de l'universalité d'un génie de la
+Renaissance. Il en avait aussi les dons artistiques, la chaleur d'âme.
+Il voyait dans la science une beauté, un objet d'amour. Il parle avec
+lyrisme et attendrissement des jouissances intellectuelles du
+mathématicien et il célèbre l'astronomie, mère de toutes les sciences et
+source de toutes les vérités, en un langage qui rappelle Pascal. On
+conçoit donc que, abordant à son tour le problème des philosophes sur
+«la valeur de la science», il se soit proposé d'y utiliser surtout son
+universelle compétence et son autorité unique. Il entreprit de
+réfléchir, non point sur la nature inconnue des choses, mais sur son
+propre ouvrage et s'interrogea lui-même sur ce qu'il avait fait. Très
+exactement, son objet fut, en faisant le tour des sciences où il avait
+excellé, d'examiner les données fondamentales ou les principes les plus
+relevés et de déterminer quelle en est au juste, dans la science même,
+la signification. Et c'est ainsi que, tout naturellement, par la seule
+analyse des admirables résultats qu'il avait acquis, il est arrivé à une
+conception si modeste de la science et qui fit tant de bruit.</p>
+
+<p>Avant lui, en effet, si discutée déjà qu'eût été la valeur de la
+science, il y avait au moins les mathématiques pour lesquelles nous
+faisions exception. Elles nous dépassent tellement, pour l'ordinaire,
+que nous avions pris une bonne fois le parti de nous en remettre à leur
+réputation d'exactitude. Il était entendu, depuis Pythagore, qu'on les
+mettait à part dans le savoir; quand tout s'écroulerait, nous garderions
+à Euclide notre foi. Or, Poincaré nous a montré que cette foi était
+justement celle du charbonnier. Ce géomètre a comme découronné la
+géométrie. Il y a sciences exactes et sciences exactes, affirme-t-il,
+et, la relativité des sciences exactes, voilà, précisément, ce que l'on
+peut appeler la philosophie de Poincaré.</p>
+
+<p>Il est impossible d'en esquisser seulement ici la démonstration dont on
+retrouvera, dans ces <i>Dernières Pensées</i> d'aujourd'hui, quelques-uns des
+points essentiels: sa méthode a toujours et partout consisté à analyser
+les notions les plus hautes et les plus simples, et démontrer, par
+exemple, l'incapacité où nous sommes de mesurer exactement le temps,
+l'existence d'un espace beaucoup plus général que notre espace à trois
+dimensions, le caractère approximatif et provisoire de toutes les lois
+et hypothèses physiques; il aboutit par là à une sorte d'opportunisme
+scientifique, ce que nous appelons vérité, étant seulement une
+commodité, une attitude qui apparaît à notre esprit comme la plus
+heureuse pour résumer actuellement tous les faits de l'expérience. Tel
+est, à la lettre, le sens de la définition célèbre: les axiomes
+géométriques et, avec eux, toutes les lois de la physique sont des
+conventions.</p>
+
+<p>Il faudrait bien se garder d'ailleurs de mal interpréter cette
+définition. Si, au terme d'une carrière aussi féconde et aussi belle, le
+grand savant n'avait eu à nous proposer qu'un aveu de scepticisme et de
+découragement, ce serait à désespérer de l'esprit humain. A l'égard de
+la science, au contraire, qui fut sa gloire, Poincaré garde autant de
+foi que d'amour. Il a seulement voulu la dépouiller de toute rigidité et
+de toute intransigeance: il voit en elle une chose humaine, vivante,
+soumise à la loi de la vie et au progrès de l'humanité, toujours en
+travail, jamais achevée, docile toujours au contrôle et à la leçon des
+faits nouveaux. Il ne craint pas non plus qu'elle dessèche les coeurs ni
+ne s'oppose jamais à la morale. Elle est au contraire créatrice d'idéal,
+inspiratrice de sincérité, de désintéressement, d'union entre les
+esprits et les coeurs; les savants sont les plus nobles esprits et il
+n'y a de redoutable que la demi-science. Dans le beau livre
+d'aujourd'hui, ce sont justement ces pensées confiantes et sereines qui
+sont les dernières. Elles iront au coeur de tous.</p>
+
+<p class="rig"><i>Voyages.</i></p><br><br>
+
+<p>Ce ne sont point des voyages d'exploration en des terres inconnues que
+nous conte M. René Bazin dans son nouveau livre (<i>Nord-Sud</i>,
+Calmann-Lévy). Les itinéraires suivis par l'éminent romancier en
+Amérique, au Canada, en Angleterre, en Corse et même parmi les glaces du
+Spitzberg, sont des voies très connues du tourisme; mais il importe peu
+puisque, par la richesse de son esprit si divers, par son observation
+amusée ou pénétrante, par son art souple et fin si habile à mettre la
+vie des anecdotes dans les intérieurs et les paysages reconstitués en
+chaudes couleurs, M. René Bazin semble nous promener sur des routes
+neuves, en des sociétés méconnues, parmi des merveilles ignorées. Après
+avoir goûté l'enchantement de ses visions de la forêt de Vizzavona, du
+golfe de Porto, de toute la Corse en automne, nombre de lecteurs
+éprouveront le désir passionné de s'en aller rêver dans cette île d'or
+où leur seront réservées toutes les émotions d'un voyage en Sicile. Et
+c'est avec un grand charme aussi qu'ils visiteront la haute société
+anglaise, dans les homes aristocratiques des comtés verdoyants où les
+gens de notre race trouvent des «amis solides et reposants, prodigues
+d'attentions muettes, intimidés par leur propre coeur jusqu'à prendre le
+ton de l'humour pour exprimer leurs sentiments les plus profonds, exacts
+dans leur politesse, juges équitables de la noblesse d'un acte et du bon
+droit d'un homme, excepté quand l'intérêt du pays ou seulement son
+orgueil est en jeu!»</p>
+
+<p class="rig"><i>Romans.</i></p><br><br>
+
+<p>Il est des lieux où souffle l'esprit... «La Lorraine possède un de ces
+lieux inspirés. C'est la colline de Sion-Vaudémont, faible éminence sur
+une terre, la plus usée de France, sorte d'autel dressé au milieu du
+plateau qui va des falaises champenoises jusqu'à la chaîne des Vosges.
+Elle porte sur l'une de ses pointes le clocher d'un pèlerinage à Marie,
+et sur l'autre la dernière tour du château d'où s'est envolé jusqu'à
+Vienne l'alérion de Lorraine-Habsbourg...» Il y a plus d'un demi-siècle,
+trois prêtres, les trois frères Baillard, Léopold, Quirin et François,
+vinrent évangéliser et bâtir sur <i>la Colline inspirée</i>. Leurs oeuvres
+bientôt rayonnèrent comme leur foi, et tout le pays d'outre-Rhin et
+Meuse fut un moment sous l'influence de Léopold Baillard, le chef
+spirituel. Auprès d'eux s'empressent des femmes--sont-ce des paysannes,
+sont-ce des religieuses?--qui les aident et que la légende ne respecte
+pas plus que les nonnes du moyen âge. Il s'est toujours joué un drame
+autour des lieux inspirés. «Ils nous perdent ou nous sauvent, selon
+qu'ayant écouté leur appel nous le traduisons par un conseil de révolte
+ou d'acceptation.» Le mysticisme violent, l'élan exaspéré des frères
+Baillard vers le ciel devaient, inévitablement, sur la colline divine et
+folle, les amener à s'affranchir de toute règle au moment même où cet
+ébranlement de leur esprit et de tout leur être exigeait la discipline
+la plus sévère. Et nous assistons à un délire grandiose de nouveaux
+fondateurs d'église en lutte avec l'évêque, avec le pape, avec toute
+l'Église ordonnée, dans son dogme et dans sa hiérarchie. On ne saurait
+analyser l'action ni dire avec suffisamment d'art le détail de ce livre
+admirable de M. Maurice Barrés, de cette oeuvre flamboyante que vient
+d'achever de publier la <i>Revue hebdomadaire</i> et que nous présentent
+actuellement les éditeurs Emile-Paul en un volume de librairie. C'est
+mieux que beau. C'est parfois, c'est souvent, sublime. Les idées se
+pressent, se heurtent, tourbillonnent dans la fièvre lumineuse de ce
+livre qui contient à lui seul toute l'âme de l'oeuvre de Maurice Barrés,
+avec toute la poésie profonde de la tradition lorraine. Il faut suivre
+la lutte opiniâtre, courageuse et rude, inégale d'abord, trop
+complètement victorieuse ensuite, d'un jeune missionnaire, le père
+Aubry, que le chef du diocèse a envoyé à Sion-Vaudémont pour reconquérir
+sur les frères Baillard, devenus des «pontifes d'adoration», la colline
+inspirée. Et il faut assister, aux dernières pages, à la fin de
+l'illuminé Léopold, revenu au pays, après un long exil, pour y exhaler
+son dernier souffle de saint des nouveaux jours, réconcilié, tout de
+même, avec l'Église une et disciplinée. Car il ne fut point un
+démoniaque. «Il a été plus près de Dieu que nous», avoue même le père
+Aubry. Erreur et vérité à la fois. Problème qui se traduit par cette
+double interrogation: «Qu'est-ce qu'un enthousiasme qui demeure une
+fantaisie individuelle? Qu'est-ce qu'un ordre qu'aucun enthousiasme ne
+vient plus animer?»</p>
+
+<p><i>La Colline inspirée</i> est un roman--passionné et tragique--de l'âme. Les
+romans du coeur et de la chair vont nous faire descendre des sommets,
+des autels aériens où vient de s'exhaler l'angoisse humaine. Voici,
+cependant, vraiment noble par sa douleur et sa pitié, le livre de M.
+Lucien Victor-Meunier: <i>l'Assomption de Madame Brossard</i> (Fasquelle);
+voici, riche de belles peintures flamandes, le roman de M. Henri
+Davignon: <i>Un Belge</i> (pion); voici, <i>Suzanne Leclasnier</i> (Grasset), par
+M. Pierre Maudru, un jeune écrivain vibrant, hardi, dont les libres et
+violentes audaces nous rappellent un peu la manière de M. Léon Daudet,
+jadis, quand il écrivait <i>Suzanne</i>; voici <i>le Royaume du Printemps</i> ou
+le roman d'une jeune mariée (Ed. Miasol), des confessions d'une candeur
+téméraire, transcrites par Mme Gabriel le Ré val; voici <i>Celle qui
+manqua</i> (Grasset), de Mlle Marie-Anna Hullet, dont les psychologies nous
+paraissent un peu ingénues encore mais dont la plume est alerte et
+personnelle déjà et qui aura peut-être du talent.--M. Jean Marsal
+(<i>Djelal</i>, lib. H. Champion), M. Paul-Louis Garnier (<i>Visages voilés</i>,
+Ollendorff) et surtout Mme Demetra Vaka (<i>Haremlik</i>, Ed. Plon), nous
+racontent des histoires turques. --Mme Alberich-Chabrol (<i>la liaison des
+Dames</i>, Ollendorff) nous présente un tableau, vivement brossé, du monde
+des étudiantes modernes.--M. Georges Pioch témoigne d'une assez agréable
+fantaisie philosophique dans <i>les Dieux chez nous</i> (Ollendorff).--Avec
+sa cinglante bonne humeur, Gyp nous dit, selon son imagination, <i>le
+Grand Coup</i> (Flammarion), la conspiration victorieuse, qui doit changer
+de place et de rang les gens et les idées.--M. Valentin Mandelstamm
+confie le soin d'éclaircir la tragique et ténébreuse <i>Affaire du Grand
+Théâtre</i> (p. Lafitte) à un auteur dramatique-détective, d'une espèce
+assez inédite et fort intéressante.--Enfin, citons: <i>Tendres Canailles</i>
+(Ollendorff), par M. André Salmon; <i>les Confessions d'un condamné</i>,
+publiées par Julien Hawthorne et Diek le <i>Galopeur</i>, par H.-B. Marriott
+(traduction Albert Savine, éd. Stock), <i>Cyprien Galissart, lauréat du
+Conservatoire</i> (Fontemoing), par M. Georges Beaume.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+<p><i>Servir</i>, la pièce de M. Henri Lavedan à propos de laquelle la première
+page de notre précédent numéro montrait, sous les traits de M. Lucien
+Guitry, tout ce qu'il y a d'élevé, de farouche et de résolu chez un vrai
+soldat, chez un officier français de bonne race,--<i>Servir</i> a été acclamé
+au Théâtre Sarah-Bernhardt par un public irrésistiblement entraîné par
+la puissance éloquente de M. Henri Lavedan et de son grand interprète.
+Ce drame met en présence, et aux prises, un père et un fils: deux
+officiers de notre armée qui ont sur le devoir militaire des idées
+diamétralement opposées,--d'où sa violence poignante. C'est un conflit
+d'une grandeur tragique, soutenu dans une prose d'allure cornélienne et
+qui dépasse de beaucoup la commune mesure des drames auxquels nous
+sommes habitués. M. Lucien Guitrv y est entouré de M. Capellani, de Mme
+Gilda Darthy, de MM. Mosnier, Decoeur, qui se montrent dignes d'un tel
+artiste.</p>
+
+<p>Servir est précédé d'un acte du même auteur, <i>la Chienne du Roi</i>, à
+laquelle nous consacrons une gravure, page 141.</p>
+
+<p>A la Comédie-Française, la pièce en quatre actes de M. Henry
+Kistemaeckers. <i>l'Embuscade</i>, a été représentée parmi les
+applaudissements d'une salle tour à tour subjuguée et charmée. Nous
+reproduisons page 140, deux scènes de son premier et de son dernier
+acte.</p>
+
+<p>Devant la mer bleue, dans le parfum des orangers, à la lueur de
+lanternes balancées dans les branches comme d'énormes fruits vermeils,
+aux sons alanguis, énervants d'une musique apportée par bouffées des
+salons de la villa toute proche: c'est une fête nocturne sur la Côte
+d'Azur, c'est une nuit qui s'écoule dans une atmosphère de luxe et de
+joie... Telle est, en effet, l'impression que donnent le cadre et les
+premières scènes de cette pièce. Et puis voici, dans les mêmes parages,
+l'aspect sinistre d'un lieu de travail, âpre et dur, où semble avoir
+passé quelque cyclone; c'est un atelier de métallurgie éventré, dévasté
+par l'explosion d'une mine, avec ses poulies déchiquetées, ses arbres de
+transmission brisés, tordus, ses énormes machines-outils démembrées; et
+par la brèche ouverte sur un horizon de collines douces et de mer
+paisible, ourlée d'écume, on voit l'aurore apparaître et le soleil
+lentement monter dans le ciel qui s'embrase. Car la nature impassible
+accomplit sans interruption son oeuvre et il n'est pas jusqu'aux ruines
+accumulées par la main de l'homme qui ne rayonnent de sa lumière. Le
+contraste est saisissant entre ce premier et ce dernier décor, entre ce
+premier et ce dernier acte; mais de l'un à l'autre se déroulent les
+ingénieuses et pathétiques péripéties d'une action nombreuse,
+tumultueuse, abondante en force et en sensibilité. On peut prédire à
+cette belle oeuvre un long succès. L'interprétation en est tout à fait
+supérieure avec Mme Berthe Cerny et M. de Féraudy, avec un des plus
+jeunes comédiens de la Maison, M. Georges Le Roy, avec Mlles Bovy et
+Robinne.</p>
+
+<p>Au petit Théâtre-Impérial, curieux spectacle composé d'une série de
+pièces: <i>Ernestine est enragée</i>, de MM. André de Lorde et Georges
+Montignac; <i>la Lettre</i>, pantomime du peintre Willette, avec musique
+d'Ed. Artaud; <i>la Maladresse</i>, de MM. Georges Docquois et Henri
+Duvernois; <i>Soyons Parisiens</i>, de MM. Maurice Desvallières et Gaston
+Derys.</p>
+
+<p>Enfin, à l'Olympia, opérette-revue de M. André Barde, musique de M.
+Cuvillier, <i>la Reine s'amuse</i>, dont l'attraction principale est une
+reconstitution du Bal des Quat'z-arts.</p>
+<br><br>
+
+<h3>UN MAITRE DU VAUDEVILLE</h3>
+
+<p>Un auteur dramatique qui connut de grands succès, M. Grenet-Dancourt,
+vient de mourir, à l'âge de cinquante-quatre ans, subitement emporté par
+une attaque d'angine de poitrine.</p>
+
+<p>Pour beaucoup, son nom restera attaché à un vaudeville célèbre, dont la
+fortune fut éclatante, <i>Trois femmes pour un mari</i>, écrit avec M.
+Valabrègue. Sa franche gaieté, la verve savoureuse, abondante, qui y
+était répandue, l'ingéniosité des situations, valurent à cette pièce une
+renommée à laquelle atteignent bien rarement les ouvrages de ce genre.
+Et ce sont ces mêmes qualités qui assurèrent constamment à
+Grenet-Dancourt la sympathie du public.</p>
+
+<p>Il avait commencé par être acteur; après s'être fait applaudir à
+l'Odéon, il présenta, en 1881, sur la scène qui avait vu ses débuts de
+comédien, un petit acte, <i>Rival pour rire</i>. Sa réussite le mit en goût,
+et dès lors, renonçant à interpréter les pièces des autres, il en
+produisit à son tour, seul ou en collaboration, dans tous les théâtres
+où l'on jouait ce qu'on appelait alors, d'un nom bien déprécié
+aujourd'hui, le vaudeville.</p>
+
+<p>Grenet-Dancourt s'était également fait connaître par des monologues et
+des saynètes que Coquelin cadet avait rendus populaires. Il était,
+depuis 1904, chevalier de la Légion d'honneur.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/020.png"><br><b>Le traîneau à hélice de M. Bertrand de Lesseps, gagnant<br>
+le concours international de traîneaux automobiles à
+Saint-Pétersbourg.</b>--<i>Phot. Bulla.</i></p>
+
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Un concours de traîneaux automobiles.</span></p><br><br>
+
+<p>Le concours de traîneaux automobiles à hélice qui vient d'avoir lieu à
+Saint-Pétersbourg, devant une commission instituée par le ministre de la
+Guerre, a été l'occasion d'une nouvelle victoire pour l'industrie
+française.</p>
+
+<p>La première place, est, en effet, revenue au traîneau de M. Bertrand de
+Lesseps. Ce véhicule, propulsé par une hélice aérienne qu'actionne un
+moteur de 30 chevaux, a réalisé une vitesse de 60 kilomètres à l'heure,
+en évoluant avec une grande facilité.</p>
+
+<p>Le résultat est d'autant plus honorable qu'un des concurrents pilotait
+un traîneau muni d'une énorme hélice à quatre pôles et d'un moteur de 50
+chevaux. Cet appareil, sur lequel on comptait beaucoup, a paru peu
+pratique. Il a, d'ailleurs, dès le début de l'épreuve, causé un accident
+assez grave: son hélice s'est brisée en tranchant le bras d'un
+spectateur.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La foudre et les eaux souterraines.</span></p><br><br>
+
+<p>Dans une relation d'un cas de foudre globulaire présentée à l'Académie
+des sciences par M. Violle au nom de M. G. de La Villemontée, il est
+noté très expressément que cette foudre globulaire se manifesta
+au-dessus d'un bassin alimenté par une nappe d'eau souterraine. Ce fait
+vient à l'appui d'une opinion d'après laquelle la foudre éclate le plus
+souvent au-dessus des cours ou nappes d'eau souterraine. Comme il est
+dit dans les instructions sur les paratonnerres de l'Académie des
+sciences, la foudre évite plutôt les sols arides reposant sur des
+rochers ou sables secs, sauf s'il a plu récemment. Mais si, sous ces
+rochers et sables, il y a des gisements métalliques ou des gisements
+d'eau, c'est tout autre chose. La foudre y tombe volontiers.</p>
+
+<p>Ainsi, on sait 'qu'à Bagnères-de-Bigorre la foudre est attirée par les
+gisements de magnétite: les arbres qui surmontent ceux-ci, et qui
+pourtant ne sont pas sur une crête, sont constamment foudroyés.</p>
+
+<p>D'autre part, non loin du col de Somport, le docteur Pedro Farreras a
+relevé trois points qui sont particulièrement frappés par la foudre. Or,
+à chacun de ces trois points, il y a ou bien une source, ou bien un
+cours d'eau souterrain. En réalité, la foudre est une bonne indication
+de points d'eau, et si on la voit souvent frapper une même localité, un
+même groupe d'arbres, c'est que sous le sol il y a de l'eau qui le rend
+particulièrement conducteur.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Nouvelles observations sur les icebergs.</span></p><br><br>
+
+<p>A la suite de la catastrophe du
+<i>Titanic</i>, le professeur Barnes fut chargé par le gouvernement canadien
+d'observer les icebergs qui dérivent devant les côtes du Labrador. On
+vient de publier les résultats de cette campagne au cours de laquelle
+ont été faites des constatations curieuses. La fusion de l'iceberg, due
+à l'élévation de température de la mer, augmente encore légèrement la
+température des eaux de surface, par suite des deux courants qu'elle
+détermine: au-dessous de l'iceberg, un courant vertical descendant d'eau
+refroidie; autour de la montagne de glace, un courant centripète amenant
+l'eau de mer voisine pour remplacer l'eau du courant précédent.</p>
+
+<p>Dans le voisinage de l'iceberg, l'eau de ce deuxième courant est plus
+chaude que la mer environnante; l'iceberg provoque donc sa propre
+destruction, et sa fusion s'opère presque exclusivement par les faces
+immergées.</p>
+
+<p>Quant à l'action refroidissante propre de l'iceberg, elle est toujours
+extrêmement faible, et elle cesse de se faire sentir à quelques mètres.</p>
+
+<p>M. Barnes ajoute que la glace des icebergs emprisonne toujours de
+grandes quantités d'air dissous et d'air libre à l'état de très fines
+bulles, donnant lien à une effervescence quand on fait fondre cette
+glace dans l'eau tiède. Cet air libre est quelquefois à une pression
+suffisante pour expliquer les explosions d'icebergs que l'on observe
+fréquemment.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Un train actionné par des accumulateurs.</span></p><br><br>
+
+<p>On vient de mettre à l'essai aux États-Unis le premier train de chemin
+de fer actionné par des batteries d'accumulateurs. Ce train, qui se
+compose de trois voitures portant chacune quatre moteurs et une batterie
+d'accumulateurs, est destiné au réseau des chemins de fer de Cuba. Il a
+circulé entre New-York et Long-Beach, soit sur une distance de 40
+kilomètres; le trajet a été accompli en 57 minutes à l'aller et en 53
+minutes au retour.</p>
+
+<p>On a consommé environ 2,5 kilowatts par kilomètre. En supposant que le
+courant revienne à 5 centimes le kilowatt, le transport de 150 voyageurs
+sur un parcours (aller et retour) de 80 kilomètres revient à une dizaine
+de francs.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LE POIDS DU CERVEAU, LA TAILLE
+ET L'INTELLIGENCE</h3>
+
+<p><i>Dans sa nouvelle pièce</i>, les Éclaireuses, qui obtient le plus éclatant
+succès au Théâtre Marigny, M. Maurice Donnay effleure avec son esprit
+coutumier une question de haute biologie. La scène finale du premier
+acte rende tout entière sur la valeur respective du cerveau dans les
+deux sexes. Le mari, très averti, oppose à sa femme l'opinion du docteur
+Dubois, savant hollandais surtout connu pour avoir découvert le
+<i>Pithecanthropus.</i></p>
+
+<p><i>M. Dagnan-Bouveret, fils du grand peintre, nous adresse sur cette
+question une note amusante, en dépit de sa précision technique.--note
+particulièrement agréable à lire pour le beau sexe qui ne pourra,
+désormais, s'offusquer de se voir, comme il arrive parfois, attribuer
+«une cervelle d'oiseau»:</i></p>
+
+<p>Bien souvent la fantaisie des poètes s'est plu à faire abstraction des
+cadres rigides qu'imposent à la réalité l'espace et le temps. Nul
+peut-être plus que Swift, dans ses voyages de Gulliver, n'a tiré un
+heureux parti de ces fictions qui ne changent les dimensions des êtres
+et des choses que pour peindre avec plus d'ironie les moeurs et les
+ridicules des hommes. Parfois la nature même semble justifier ces
+fantaisies en nous présentant des géants si grands et surtout des nains
+si petits qu'il semble, que l'imagination ne soit guère allée au delà du
+réel et n'ait pas dépassé les limites du possible. Mais la biologie nous
+a montré que l'évolution des espèces est limitée dans le sens de la
+grandeur aussi bien que, dans celui de la petitesse do la taille.</p>
+
+<p>L'accroissement de la taille a une limite relativement simple et
+d'ordre; purement mécanique. Tandis que le poids s'accroît comme le cube
+de la taille, la force des muscles s'accroît comme leur section
+transversale, ce qui correspond au carré de la taille.</p>
+
+<p>Beaucoup plus complexe est la limite de la diminution de la taille.</p>
+
+<p>Cuvier avait admis la proportionnalité pure et simple entre le poids du
+corps et celui du cerveau. Il estimait que <i>le poids relatif</i> de ce
+dernier correspond au degré d'intelligence. Cette loi se vérifie quand
+on compare entre elles de larges divisions du règne animal, telles que
+les classes des vertébrés; le poids du cerveau représente pour l'homme
+1/45 de celui du corps; 1/98 pour le, chevreuil; 1/392 pour le cygne;
+1/4300 pour le requin, etc. Mais on aboutit aux résultats les plus
+paradoxaux si on compare les animaux d'une même classe ou d'une même
+espèce. Ainsi, la souris a une proportion d'encéphale égale, à celle de
+l'homme; le ouistiti a une proportion beaucoup plus élevée (1/25),
+dépassée encore par certains petits oiseaux tels que la mésange et le
+roitelet (1/20).</p>
+
+<p>En présence de ces faits, la loi de Cuvier a dû être abandonnée et on a
+cherché une. autre relation entre le poids du corps, le poids de
+l'encéphale et la mesure de l'intelligence. Les travaux de Brandt et de
+Sneil avaient établi que l'activité générale de l'organisme, mesurée par
+les combustions vitales, est proportionnelle à la surface et non au
+poids du corps. Dubois, le savant hollandais qui découvrit à Java le
+<i>Pithecanthropus</i>, s'est alors demandé si l'on n'obtiendrait pas une
+formule satisfaisante en comparant le poids de l'encéphale non pas à la
+masse du corps, mais à sa surface. Or, la surface du corps d'un animal
+est proportionnelle au carré (ou puissance 2) de sa longueur, et son
+poids au cube de cette longueur; par conséquent, la surface est
+proportionnelle à la puissance 2/3 ou 0,66 du poids et la longueur à la
+puissance 1/3 de ce poids.</p>
+
+<p>Partant de cette hypothèse, et considérant des espèces appartenant à une
+même; famille (mais appartenant toutes à la classe des mammifères),
+Dubois s'est efforcé de la vérifier empiriquement. Pour des familles
+très différentes, il a obtenu des valeurs très voisines, dont la
+moyenne, <i>l'exposant</i> de relation est 0,56, c'est-à-dire un peu plus
+faible que celle donnée par la théorie (0,66). Dès lors, on peut dire
+que le poids de l'encéphale est, chez les mammifères, égal au poids
+multiplié par 0,56 et par une constante, variable suivant les familles
+considérées, que Dubois appelle le coefficient de céphalisation.</p>
+
+<p>L'influence de la taille de l'animal sur le poids de son encéphale se
+trouve ainsi éliminée, et le coefficient de céphalisation représente
+bien, comme l'a exprimé M. Lapicque, «la valeur cherchée, laquelle doit
+diminuer ou grandir avec la complexité de la vie de relation, la
+souplesse surtout de cette vie de relation, et la possibilité de son
+ajustement à des conditions de plus en plus délicates; c'est-à-dire avec
+l'intelligence des animaux appréciée objectivement.»</p>
+
+<p>Avec ce coefficient de céphalisation, on obtient un classement
+satisfaisant. L'homme vient nettement en tête avec un coefficient égal à
+2,8, d'après Dubois; 2,73 pour l'homme et 2,72 pour la femme, d'après
+les calculs de M. Lapicque. Bien au-dessous viennent les singes
+supérieurs, les anthropoïdes, orangs ou gibbons, 0,76 à 0,70; puis les
+singes inférieurs, tels que les ouistitis, 0,48; enfin, les autres
+mammifères, 0,45 à 0,30.</p>
+
+<p>Toujours, fait capital, les grandes et les petites espèces d'une même
+famille, quelle que soit la différence de leur poids, sont rapprochées
+par leur coefficient de céphalisation.</p>
+
+<p>Il résulte de cette loi qu'entre des espèces animales qui diffèrent
+seulement par la taille, le poids de l'encéphale varie beaucoup moins
+vite que le poids du corps. Si, par exemple, dans une même famille, nous
+considérons deux représentants d'espèces de taille différente, l'un
+ayant un poids triple de celui de l'autre, le poids de l'encéphale du
+plus gros sera non pas triple, mais double; de celui du poids du plus
+petit. Par conséquent, les petits animaux ont une bien plus forte
+proportion d'encéphale que les grands.</p>
+
+<p>Cette proportion à laquelle nous avons vu qu'on ne pouvait attacher la
+signification que lui attribuait Cuvier paraît avoir un sens très net:
+elle marquerait une limite à l'évolution des espèces dans le sens de la
+diminution de la taille. La tête, en effet, ne saurait être démesurément
+lourde par rapport au corps: il semble qu'elle ne puisse dépasser un
+dixième ou un huitième du poids total du corps. Or, la tête comprend non
+seulement l'encéphale, mais encore la boîte crânienne, le massif facial,
+les mâchoires, les appareils des sens. Un oiseau peut donc se permettre
+au maximum un quinzième de son poids total comme encéphale; un mammifère
+au maximum un vingt-cinquième.</p>
+
+<p>En ce qui concerne l'espèce humaine, M. Lapicque a calculé que, la plus
+petite race possible «ayant un cerveau fonctionnellement égal au nôtre,
+aurait un pouls d'environ 15 kilogrammes». Nous voilà bien loin encore
+des Lilliputiens de Swift qui, avec leur taille de 6 pouces pèseraient
+moins de 100 grammes!</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/021a.png"><br><b>Une belle oeuvre architecturale du XVIIe siècle entourée<br>
+de bâtiments de ferme: le portail d'honneur du château de Brécy, dans le
+Calvados.</b><br>--<i>Phot. Ch. Foulard.</i></p>
+
+<h3>UN CHATEAU DE MANSARD</h3>
+
+<p>«Mlle Rachel Boyer, de la Comédie-Française, vient de se rendre
+acquéreur du château de Brécy, dans le Calvados, à 22 kilomètres de
+Caen.» Rencontrée en quelque coin de journal, au détour d'une colonne,
+la brève nouvelle se glisse dans l'esprit tout discrètement, sans
+tapage; et l'on a, tout d'abord, un sourire pour féliciter,
+intérieurement, l'heureuse artiste, en songeant <i>in petto</i> qu'il s'agit
+sans doute d'une jolie gentilhommière normande environnée de grasses
+prairies... Et l'on ne s'arrêterait qu'un instant, si l'information
+n'ajoutait: «Le château de Brécy est un ancien édifice du dix-septième
+siècle, bâti par Mansard.» Voilà de quoi éveiller la curiosité de tous
+ceux qui s'intéressent au sort de nos vieilles demeures de France.</p>
+
+<p>Celle-ci était, avec les ans, tombée en un fâcheux état d'abandon.
+Quelles vicissitudes avait-elle subies, depuis que l'illustre Mansard,
+celui de Choisy et de Maisons-Laffitte, l'avait fait construire pour un
+de ses parents, lequel devait trouver fort agréable d'avoir pareil
+architecte dans sa famille. Les archives locales établiraient cette
+histoire, qui est celle de tant d'autres monuments, mal préservés de la
+double injure des hommes et du temps. Les pierres ont leur grandeur et
+leur décadence: Brécy, livré à un propriétaire qui en ignorait la valeur
+artistique, connaissait la mauvaise fortune. Une métairie s'était
+installée dans le charmant domaine. Et, tout à côté du portail d'entrée,
+chef-d'oeuvre de grâce et de noblesse, des bâtiments de ferme montraient
+leurs toits de chaume.</p>
+
+<p>Un jour, comme une voiture fourragère, traînée par quatre robustes
+chevaux de trait, franchissait, au risque de l'abîmer, le précieux
+portail, réservé jadis à de plus légers équipages, le hasard voulut
+qu'une automobile passât par là. Le plaisir de la vitesse n'empêche
+point les touristes avisés de regarder autour d'eux: au spectacle
+imprévu de cette charrette devant laquelle s'ouvraient des vantaux
+sculptés, une voyageuse s'étonna: comment une résidence dont la façade
+avait si imposant aspect s'était-elle transformée en habitation
+rustique? D'autres surprises l'attendaient à la visite du domaine. Le
+château, de sages proportions, était du style le plus pur, et un beau
+jardin à la française l'entourait, coupé de terrasses aux escaliers de
+pierre moussue, aux élégantes balustrades. Partout on retrouvait la
+marque d'un génie harmonieux et souple, savant à plaire, ami de la
+mesure et de l'ordre: entre des travaux plus importants, Mansard avait
+dû s'amuser à créer cette délicieuse «folie»...</p>
+
+<p>C'est ainsi que, pendant une halte d'automobile, Mlle Rachel Boyer
+«découvrit», si l'on peut dire, le château de Brécy; elle parvint, non
+sans des efforts obstinés, à déterminer son propriétaire, qui en
+négligeait l'entretien, à le lui céder. Et il faut se réjouir de voir
+désormais sauvée cette petite terre où le goût français a fleuri, il y a
+plus de deux siècles. La «brocante», dont si souvent on signale les
+méfaits, n'a pu s'emparer du portail de Brécy, comme elle avait tenté de
+ravir celui de l'ancien évêché d'Alan. Le château sera restauré avec
+piété: n'est-il pas de bon exemple que l'initiative privée supplée
+parfois, quand il s'agit de la conservation d'une oeuvre d'art, à
+l'État, protecteur officiel--mais si occupé--de nos beautés
+monumentales?</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/021b.png"><br><b>Le nouveau gouverneur du Liban, S. E. Ohannès pacha<br>
+Coumoudjian, faisant son entrée à Beyrouth (assis à sa gauche,<br> un grand
+personnage du Liban, S. E. Habib pacha).</b><br><i>Phot. Stefane Faulikevitch.</i>]</p>
+
+<h3>LE GOUVERNEUR DU LIBAN</h3>
+
+<p><i>Un correspondant de Beyrouth, M. François Houri, nous écrit:</i> Grâce à
+l'intervention de la France, la Porte a enfin décidé, depuis quelques
+semaines, d'accorder les réformes demandées pour le Liban et de nommer
+en même temps son nouveau gouverneur, S. Exe. Ohannès pacha Coumoudjian,
+sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères de l'empire. Ohannès
+pacha est âgé de cinquante-trois ans. Il est Arménien catholique et
+appartient à une des plus grandes familles de Constantinople.</p>
+
+<p>Sa nomination, qui a reçu la sanction des ambassadeurs des six grandes
+puissances protectrices du règlement du Liban (France, Angleterre,
+Russie, Autriche-Hongrie, Allemagne et Italie), a été surtout
+interprétée, ici, comme un succès de la politique française.</p>
+
+<p>A peine débarqué à Beyrouth, où il a eu une réception des plus
+solennelles et des plus enthousiastes--les Libanais étaient venus en
+nombre et de tous côtés saluer le nouveau gouverneur--il a fait appeler
+un des plus grands personnages du Liban et le chef le plus puissant
+après le patriarche maronite, S. Exe. Habib pacha El Saad, pour le
+consulter et le prier d'accepter la présidence du conseil administratif.
+Habib pacha est maronite; il appartient à cette grande famille Saad El
+Houri dont Volney et Lamartine parlent avec enthousiasme et dont un des
+membres, l'arrière-grand-père de Habib pacha, fut nommé consul de France
+dans le Levant, de par une charte de Louis XVI. Il s'appelait cheik
+Grandour El Saad.</p>
+
+<p>Le gouverneur, qui ne connaissait pas du tout Habib pacha, s'est
+inspiré, dit-on, des recommandations de l'ambassade de France à
+Constantinople, en l'ayant, sitôt débarqué, fait appeler et nommer à la
+présidence du Conseil. Cette nomination a réjoui tous les Libanais à
+quelque rite ou religion qu'ils appartiennent. Aussi le Liban, pour
+fêter l'avènement d'une nouvelle ère de progrès et de prospérité qu'il
+espère des nouveaux gouvernants, a-t-il fait des illuminations superbes
+et a-t-il exprimé sa joie, suivant la tradition, par des fusillades
+nourries.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/022small.png"><br><a href="images/022large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<br><br>
+
+<h3><i>JEUX ET PROBLÈMES</i></h3>
+
+<p class="mid"><i>Voir les solutions au prochain numéro.</i></p>
+<br>
+<h4>LE DAMIER</h4>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/023a.png"></p>
+
+<p class="mid">N° 3775.--<i>Problème</i>, par Ph. L.</p>
+
+<p class="mid">Noirs (14 P. 1 D.).</p>
+
+<p class="mid">Blancs (12 P. 1 D.).</p>
+
+<p class="mid">Les Blancs jouent et gagnent.</p>
+
+<br>
+<h4>LES DOMINOS</h4>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/023b.png"></p>
+
+<p class="mid">N° 3776.--<i>Dominos.</i></p>
+
+<p>Compléter le carré ci-dessous avec les 28 dominos, de manière qu'en
+additionnant les points des 8 colonnes verticales, des 8 rangées
+horizontales et des 2 grandes diagonales, on obtienne toujours le même
+total: 21 points.</p>
+
+<p>Nota.--Six vides symétriques se trouvent dans la figure.</p>
+<br>
+<h4>JEUX D'ESPRIT</h4>
+
+<p class="mid">N° 3777.--<i>Logogriphe</i>, par Auguste Capdeville (Béziers).</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i18"> O maîtresse d'Alcibiade,</p>
+<p class="i18"> Reine des beautés en pléiade,</p>
+<p class="i18"> Montre devant l'obscur devin,</p>
+<p class="i18"> Ame céleste, corps divin.</p>
+<br>
+<p class="i18"> Sauf A, dans le coquet parterre</p>
+<p class="i18"> D'un poétique presbytère,</p>
+<p class="i18"> Allons cueillir la chaste fleur</p>
+<p class="i18"> Ayant la neige pour couleur.</p>
+<br>
+<p class="i18"> Sauf I, c'est le canapé rose.</p>
+<p class="i18"> Là le joufflu Flémard repose,</p>
+<p class="i18"> Morgué!</p>
+<p class="i18"> Eternellement fatigué.</p>
+<br>
+<p class="i18"> Sauf A, je deviens soit l'emblème</p>
+<p class="i18"> Sacré de la candeur suprême,</p>
+<p class="i18"> Soit le calice virginal</p>
+<p class="i18"> De l'aube au front matutinal.</p>
+<br>
+<p class="i18"> Sauf I, sur le divan d'Estelle</p>
+<p class="i18"> Où la somnolence s'attelle,</p>
+<p class="i18"> Vrai Ganymède, je m'assieds.</p>
+<p class="i18"> --Trois pieds.</p>
+<br>
+<p class="i18"> La déprimante lassitude,</p>
+<p class="i18"> La paresseuse quiétude!</p>
+<p class="i18"> Sauf I,</p>
+<p class="i18"> De l'activité le défi.</p>
+<br>
+<p class="i18"> Je chante la sieste molle.</p>
+<p class="i18"> Or, l'enivrant parfum s'envole</p>
+<p class="i18"> Afin d'embaumer Josépha,</p>
+<p class="i18"> Sauf A.</p>
+<br>
+<p class="i18"> Comme bonne philosophie</p>
+<p class="i18"> Le moelleux sopha de Sophie,</p>
+<p class="i18"> Quand, sauf I, l'on est fatigué,</p>
+<p class="i18"> Morgué!</p>
+<br>
+<p class="i18"> Maintenant, hélas! plus d'oeillade,</p>
+<p class="i18"> Car l'amante d'Alcibiade</p>
+<p class="i18"> Dort, sans amour et sans rancoeur,</p>
+<p class="i18"> Lasse d'esprit... <i>lasse de coeur!</i></p>
+<br><br>
+<p class="mid"> N° 3778.--Mots décroissants, par Ernestine B.</p>
+<br>
+<p class="i18"> Ce qui veut des médicaments</p>
+<p class="i20"> Calmants.</p>
+<p class="i18"> Un droit pour lequel le beau sexe</p>
+<p class="i18"> Se vexe.</p>
+<p class="i18"> Pour les semaines de loisir</p>
+<p class="i18"> Plaisir.</p>
+<p class="i18"> Fureur qui doit rendre ton verbe</p>
+<p class="i18"> Acerbe.</p>
+<p class="i18"> Son que fit entendre ta voix</p>
+<p class="i18"> Cent fois.</p>
+<p class="i18"> Et l'extrémité d'une tête</p>
+<p class="i18"> De bête.</p>
+</div></div>
+
+<p>C. CHAPLOT.</p>
+<br><br>
+
+[Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre ne nous ont pas été fournis.]
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 3651, 15 Février
+1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3651, 15 ***
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
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+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
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+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
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Binary files differ
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
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+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
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