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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3650, 8 Février 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3650, 8 Février 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: September 28, 2011 [EBook #37555]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3650, 8 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3650, 8 Février 1913
+
+Avec ce numéro L'ILLUSTRATION THÉÂTRALE
+CONTENANT
+LA FEMME SEULE
+
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+
+Ce numéro se compose de VINGT PAGES au lieu de seize et contient deux
+suppléments:
+
+1° _L'Illustration Théâtrale_ avec le texte complet de LA FEMME SEULE,
+de M. Brieux;
+
+2° Le 3e fascicule des SOUVENIRS D'ALGÉRIE (Récits de chasse et de
+guerre), du général Bruneau.
+
+L'ILLUSTRATION
+
+_Prix de ce Numéro: Un Franc._
+SAMEDI 8 FÉVRIER 1913
+_71e Année.--Nº 3650._
+
+
+
+«SERVIR»
+
+Considérez ce visage... Il respire l'énergie, la douleur, l'amertume...
+Les yeux où brille un feu sombre disent la volonté tendue, l'idée fixe,
+l'obsession. Sous le front labouré de rides hautaines, il y a de
+l'orgueil, du rêve,--de la chimère, peut-être. Le nez est impérieux, la
+bouche fine sous la moustache grise. Un pli de souffrance a creusé les
+joues. Et tout cela décèle l'autorité, la force, la distinction native,
+la race. Cet homme, assurément, est un chef... Quels revers a-t-il
+subis? Fut-il coupable ou seulement malheureux?... Sans doute, de
+magnifiques espoirs exaltaient son coeur de soldat: lutter pour la cause
+sainte jusqu'à la victoire,--ou jusqu'à la mort; se battre en plein
+jour, face à l'ennemi; donner, recevoir des coups retentissants et
+loyaux... Et voici que la plus injuste des catastrophes a réduit à
+l'impuissance, immobilisé, foudroyé ce héros. Il se sent inutile. Il
+pleure. Mais sa foi subsiste. Prêt à toutes les immolations, sa grande
+âme subitement raffermie, il se courbe, il ramasse à terre les tronçons
+de l'épée, et se redresse. Le bonheur a fui. L'honneur et la fierté sont
+intacts... Dans quelques heures, ces choses émouvantes seront dites sur
+la scène française, ces sentiments exprimés par le puissant interprète
+du grand écrivain Henri Lavedan, par Lucien Guitry, le colonel Eulin de
+Servir.
+
+
+
+LA PETITE ILLUSTRATION
+
+TRENTE-DEUX PAGES DE THÉÂTRE OU DE ROMAN CHAQUE SEMAINE
+
+L'Illustration _a préparé et va réaliser à partir du 1er mars 1913 une
+nouvelle amélioration qui sera, nous n'en doutons pas, appréciée de ses
+lecteurs._
+
+_Auprès des brochures de_ L'Illustration Théâtrale, _contenant 32 ou 40
+pages de texte, quelquefois davantage, les minces fascicules consacrés
+au roman faisaient, depuis quelques années, assez médiocre figure. Ils
+paraissaient insuffisants surtout pendant les mois d'été, alors que les
+théâtres restent fermés et que_ L'Illustration Théâtrale, _faute
+d'aliment, doit cesser de paraître_.
+
+_D'autre part, ainsi fragmentés en douze ou quatorze fascicules, coupés
+toutes les huit pages selon les seules nécessités typographiques, au
+milieu d'un récit, d'une description ou d'un dialogue, les romans les
+plus attrayants laissaient l'intérêt en suspens, perdaient leur
+équilibre, et la curiosité du lecteur était trop souvent détournée et
+déçue, pendant les trois mois que durait la publication._
+
+_Pour remédier à ce double inconvénient, la solution était tout
+indiquée:_
+
+_Dans chacun des numéros de l'année, aussi bien en été qu'en hiver,
+donner aux abonnés et aux acheteurs de_ L'Illustration, _outre leur
+journal, un supplément qui comprît toujours 32 ou 40 pages de texte,
+soit théâtre, soit roman, sous la signature des auteurs les plus
+appréciés, ceux qui sont applaudis sur les scènes parisiennes et ceux
+dont les livres atteignent un tirage considérable. Publier par
+conséquent les romans, non plus en fragments trop courts, en tranches
+immuables de 8 pages, mais par larges parties, selon les intentions de
+l'auteur, avec des divisions logiques, telles que chaque partie contînt
+suffisamment d'intérêt propre._
+
+_Nous avons donc été amenés à créer en quelque sorte une nouvelle
+publication, englobant et complétant_ L'Illustration Théâtrale.
+
+_Ce sera_ LA PETITE ILLUSTRATION.
+
+La Petite Illustration--Roman, Théâtre--_paraîtra toutes les semaines
+(sauf pendant celle qui est réservée au Numéro de Noël) et aura par
+conséquent 51 numéros par an. Trente fois environ, ce sera l'actuelle_
+Illustration Théâtrale _sous un autre titre. Et, dans les vingt autres
+numéros, elle contiendra des romans, divisés, selon le plan des auteurs,
+en trois ou quatre parties (cinq pour les oeuvres exceptionnellement
+considérables)._
+
+_Au lieu de quatre romans dans l'année, nous comptons ainsi, sans
+diminuer le nombre des pièces de théâtre, en publier six, sous un aspect
+infiniment plus favorable à la lecture et plus conforme aux intentions
+des écrivains._
+
+NOS PROCHAINS ROMANS
+
+_Les plus grands romanciers contemporains, quand ils ont été mis au
+courant de notre projet, nous ont immédiatement assuré leur concours._
+
+_Dans le premier numéro de mars, comme nous l'avons déjà annoncé,
+commencera la publication des_ Anges Gardiens, _par Marcel Prévost, de
+l'Académie française, qui n'avait publié aucun roman important depuis_
+Pierre et Thérèse, _il y a quatre ans_. Les Anges Gardiens _sont la
+première oeuvre d'une série intitulée_ Ce temps-ci _et qui en comprendra
+deux autres:_ Lodore _et_ les Don-Juanes, _réservées également à_ La
+Petite Illustration.
+
+_Après le roman de Marcel Prévost, nous publierons successivement:_
+
+_De Paul Bourget, de l'Académie française:_ le Démon de midi;
+_De Michel Provins:_ Un Roman de théâtre;
+_De Gaston Rageot:_ la Voix qui s'est tue;
+_D'Alfred Capus:_ Scènes de la vie difficile;
+_D'Henry Bordeaux:_ Coeurs incertains;
+_De Victor Margueritte:_ l'Émigrant;
+_et des oeuvres de Marcelle Tinayre, Myriam Harry, Gaston Chérau, Gaston
+Leroux, etc._
+
+_Pendant l'été,_ La Petite Illustration-roman _paraîtra chaque semaine,
+et une des oeuvres que nous venons d'énumérer pourra être offerte tout
+entière à nos lecteurs en un mois. Pendant certains mois d'hiver,_ La
+Petite Illustration-théâtre _aura une publication ininterrompue. Pendant
+les périodes intermédiaires, roman et théâtre alterneront._
+
+LE NOUVEAU PRIX
+
+_Comme conséquence, le prix de tous les numéros de_ L'Illustration,
+_avec celui de_ La Petite Illustration _(théâtre ou roman) dont ils
+seront accompagnés, sera porté de 0 fr. 75 à 1 franc--soit une
+augmentation de 1/3--comme l'était déjà celui des numéros contenant_
+L'Illustration Théâtrale.
+
+_Si nous augmentions dans la même proportion le tarif de l'abonnement,
+il serait porté de 36 francs à 48 francs pour la France, de 48 francs à
+64 francs pour l'étranger._
+
+_Mais_ L'Illustration _a toujours voulu accorder les conditions les plus
+favorables à ses lecteurs les plus réguliers et les plus fidèles: ses
+abonnés._
+
+_L'augmentation que nous leur demanderons sera non pas de 1/3, mais de
+1/9 seulement, le tarif nouveau que nous avons adopté étant de 40 francs
+au lieu de 36 francs pour la France et ses colonies, de 52 francs au
+lieu de 48 francs pour les pays étrangers (1)._
+
+[(1) _Les changements d'adresse_, pour lesquels nous demandions jusqu'à
+présent 0 fr. 50, afin de couvrir les frais qu'ils entraînent, seront
+désormais _gratuits_, même pour les abonnés ayant souscrit avant le 1er
+mars, à l'ancien tarif, et à qui le nouveau prix ne sera applicable que
+lorsqu'ils renouvelleront leur abonnement.]
+
+LES PROGRÈS DE «L'ILLUSTRATION»
+
+_Il nous est bien permis, au moment où nous allons leur demander ce
+léger concours, de rappeler aux abonnés de_ L'Illustration _tout ce
+qu'ils ont reçu depuis vingt ans sans aucune augmentation de prix._
+
+_Le numéro type comptait, en principe, uniformément 16 pages de gravures
+et de texte, ce qui donnait, à la fin de l'année, un total de 832
+pages._
+
+_Or, en 1912, douze numéros seulement n'ont eu que 16 pages. Les
+quarante autres ont compté 18, 20, 22, 24 (ce chiffre s'applique à vingt
+numéros), 28, 36 et 58 pages, formant un total de 1.158 pages, soit un
+surcroît de plus de 320 pages, équivalant à 20 numéros ordinaires de
+plus dans l'année._
+
+_Faut-il parler du contenu de ces numéros, maintenant imprimés
+entièrement sur papier couché; des nombreuses reproductions en couleurs
+ou en taille-douce, dans le texte ou remmargées; des courriers d'Henri
+Lavedan; de séries d'articles comme ceux de Pierre Loti sur Angkor, de
+Georges Clemenceau sur l'Amérique du Sud, de Louis Bart hou sur le Soudan
+égyptien; de correspondances illustrées comme celles de Gustave Babin
+(Maroc), de Georges Rémond (Tripolitaine), de L. Sabattier (Pékin),
+d'Alain de Penennrun (campagne des Bulgares en Thrace), etc.? Et est-il
+besoin d'évoquer le succès littéraire, artistique et typographique
+qu'ont obtenu les derniers numéros du Salon et surtout de Noël?_
+
+_Enfin, tout en transformant ainsi_ L'Illustration _proprement dite, de
+grand format, n'avons-nous pas multiplié progressivement les suppléments
+en demi-format_ (L'Illustration Théâtrale _et les_ Romans de
+L'Illustration), _nous acheminant par là vers l'amélioration définitive
+à laquelle nous aboutissons, vers ce second journal hebdomadaire que nos
+lecteurs recevront régulièrement à partir du 1er mars?_
+
+_Quelles dépenses--en papier, en matériel d'imprimerie, en personnel, en
+frais de gravure, de rédaction, de voyages--ont nécessitées ces
+accroissements, nous laissons nos lecteurs l'imaginer. Nous publierons
+ici un seul chiffre: celui des frais de poste. En 1912 ils se sont
+montés, pour chaque abonné de province, à 10 francs; pour chaque abonné
+de l'étranger, à 25 fr. 35; et nous avons versé à l'administration des
+postes 1.047.011 fr. 32 d'affranchissement._
+
+_Le prix de l'abonnement--qui avait été calculé d'après le prix de
+revient de l'ancienne_ Illustration--_n'ayant jamais été augmenté
+jusqu'à présent, il ne couvre plus, depuis longtemps, les frais de_
+L'Illustration _nouvelle._
+
+_La différence, nous l'avions demandée jusqu'à présent à la publicité
+commerciale._
+
+LES BIENFAITS DE L'ANNONCE
+
+_Sans empiéter jamais sur notre texte et nos gravures, sans se confondre
+jamais avec nos pages littéraires, artistiques ou documentaires,
+l'annonce s'est développée, sous la couverture de_ L'Illustration,
+_comme le journal lui-même. Non seulement elle nous a fourni des
+ressources importantes, dont nos abonnés ont bénéficié sous toutes les
+formes qui viennent d'être rappelées, mais elle a ajouté--ce n'est pas
+là une assertion paradoxale--un élément d'intérêt à notre publication._
+
+_L'annonce, non déguisée, telle que nos annonciers la comprennent, s'est
+faite variée, ingénieuse, afin d'attirer l'attention du public; les
+fautes de goût y sont assez rares; elle est le reflet de l'esprit
+commercial français. Des abonnés de l'étranger_ (L'Illustration _en
+compte près de 30.000) nous ont écrit: «Combien vos annonces elles-mêmes
+nous intéressent et nous sont utiles! Grâce à elles, nous faisons chaque
+semaine comme une promenade dans les rues de. Paris.»_
+
+_Et nous connaissons des collectionneurs qui font relier, avec_
+L'Illustration, _non pas toutes les pages d'annonces (les volumes
+seraient trop gros), mais des pages choisies, typiques. Augmentée de ces
+documents caractéristiques sur notre époque, leur collection ne
+sera-t-elle pas plus intéressante pour leurs petits-fils? Et
+n'acquerra-t-elle pas une véritable plus-value bibliographique?_
+
+_Plus d'un million de francs étant prélevés, chaque année, sur le
+produit des pages d'annonces pour maintenir et accentuer les
+améliorations dont ont bénéficié nos abonnés, ceux-ci ne s'étonneront
+certainement pas que nous leur demandions de contribuer directement
+cette fois à une amélioration nouvelle._
+
+«LE PREMIER JOURNAL ILLUSTRÉ DU MONDE.»
+
+_Notre nouveau prix, plus rationnel que l'ancien, plus équitable, ne
+sera d'ailleurs plus changé désormais, quels que soient les progrès que
+puisse encore réaliser_ L'Illustration _pour mieux mériter la faveur du
+public et rester digne de cet éloge que nous décernait récemment, dans
+une lettre à un de ses collaborateurs, le plus grand éditeur de journaux
+et de périodiques du monde entier, le fondateur du_ Daily Mail, _du_
+Daily Mirror, _du_ London magazine, _etc., le directeur actuel du_
+Times, _Lord Northcliffe: «L'Illustration_ is beyond question the
+leading illustrated paper in the world» (L'Illustration _est, sans
+conteste, le premier des journaux illustrés du monde._)
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+CELUI D'AUJOURD'HUI
+
+C'est le jeune homme d'à présent que je veux dire, celui que pour un
+peu, si j'osais, j'appellerais «le conscrit de 1913».
+
+Quand, ayant franchi la moitié déjà de nos étapes, nous nous mettons à
+observer le jeune homme du jour et du matin qui nous côtoie, il nous est
+impossible de le faire sans aussitôt le comparer à l'autre jeune homme,
+au type antérieur de la génération précédente, à celui qu'en un mot nous
+étions et que, nous semble-t-il encore, nous réalisions avec un si joli
+bonheur d'ensemble et de détails! Bien de plus naturel. Toujours les
+vingt ans d'autrui nous rappelleront les nôtres en nous les faisant
+préférer, nous donneront, par leur aimable et rassurant aspect,
+l'illusion des vieux printemps perdus.
+
+Bien que personne ne puisse raisonnablement prétendre avoir incarné et
+résumé à son époque, la ligure et le modèle de la jeunesse à laquelle il
+appartenait, il est cependant permis, même au premier venu, du moment
+qu'il fut une parcelle, un atome pensant et vif de cette élite de
+l'espoir, d'affirmer à ce titre très suffisant, que, sans la représenter
+dans son intégralité, il a cependant contribué, de si loin et de si
+infime façon que ce soit, à l'idée, juste ou fausse, qu'elle a donnée
+d'elle, au caractère qu'elle a montré, au souvenir, bon ou mauvais ou
+n'étant ni l'un ni l'autre, qu'elle a transmis. 11 sera donc, à la
+rigueur, excusable s'il généralise plus qu'il ne faudrait. Et s'il lui
+arrive de se laisser entraîner à confondre avec son imparfaite
+individualité la génération qui, heureusement, se gardait bien toute de
+lui ressembler, il sera pourtant moins éloigné de la vérité que l'on
+pourrait le croire, et, tout en risquant de se tromper, il n'aura pas
+entièrement tort.
+
+C'est qu'en effet, en dépit de son insouciance et de sa légèreté, de son
+irréflexion, de sa sottise, de tout ce qu'il arborait de frivole, il
+aura, malgré lui, baigné dans un flot, dans un courant de pensées graves
+parfois, et communes à tous, et respiré l'air qu'étaient bien forcé
+d'accepter alors tous les poumons, et reçu le choc d'impressions
+universelles et puissantes qu'il n'était pas en son pouvoir d'éviter.
+
+Ainsi aujourd'hui, à travers les espaces de moi-même, regardant par le
+gros bout de la lorgnette, le jeune homme de 1880 qui me paraît si
+ridiculement petit, et auquel, avec une mélancolique complaisance, je ne
+m'amuse à accorder ma vague silhouette et mes traits effacés que pour
+mieux ranimer ma mémoire,... voici à peu près comme il m'apparaît.
+
+Il a été enfant à la fin de l'Empire. Jusqu'en 1868, il en a vu passer
+les souples calèches, les brillantes troupes, souvent victorieuses. Il a
+commencé de jouer dans une sécurité pleine d'élégance et de charme. Et
+puis 1870-1871, les deux années de la guerre et de la Commune, qui ont
+compté plus que double, ont sonné la fin de la récréation, ont creusé en
+lui le fossé d'un noir souvenir. Il avait dans les onze ans à ce
+moment-là, il n'a donc pas fait la guerre, il ne peut même pas dire, à
+proprement parler, qu'il l'ait vue, mais il l'a sentie, il l'a traversée
+en famille, vécue avec son imagination naissante et ses premières
+réflexions d'adolescent meurtri. C'a été, dans un autre sens, comme une
+espèce d'affreuse première communion patriotique, le «plus vilain jour
+de la vie» dont il n'a jamais pu chasser l'image et abolir la cruauté. A
+cette date, il a dû apprendre que le mot victoire n'était pas, comme il
+l'avait toujours cru, un mot uniquement français. Et il a grandi dans un
+pays blessé et diminué. Il n'avait pas assez souffert directement, et
+par lui-même, pour être tout de suite hanté des idées qui secouaient ses
+aînés immédiats. Il avait bien entendu parler des batailles, il n'en
+avait pas foulé les champs, il n'avait, grâce à Dieu, pas vu les morts à
+terre, ni les blessés debout, il ne contemplait le désastre qu'à travers
+Detaille et Neuville. C'étaient de poignants et superbes tableaux qui
+procuraient, quand on les regardait, je ne sais quel douloureux et
+tourmentant émoi. Cela dépassait sans doute un peu les yeux, et
+s'avançait vers la tête, mais sans aller toujours jusqu'au tréfonds du
+coeur... Alors le jeune homme rêvait,... inclinait vers la poésie, la
+littérature et l'art, les élans d'une pensée plus mûrie que fortifiée,
+plus affinée, plus sensibilisée que trempée virilement par les drames
+nationaux, au milieu desquels il avait été jeté trop désarmé et trop
+petit. Il est bien rare que la première fois et instantanément les
+grandes choses frappent l'enfance. Elles portent bien le coup, qui n'est
+pas inutile, mais ce n'est que plus tard qu'il se fait sentir. Il lui
+faut du temps pour se propager jusqu'au jeune homme et toucher l'homme
+accompli. Quand l'enfant découvre la mer et la montagne, il en reçoit un
+choc, malgré tout superficiel et rapide, même s'il est violent. C'est
+seulement dix ou vingt ans plus tard qu'il éprouvera, en allant
+rechercher ce même souvenir, la juste et sainte émotion de l'étendue et
+le religieux vertige du sommet. Ainsi le pâle et tendre petit flâneur de
+1872 n'a bien compris le sens exact et la signification dure et
+métallique et claire des mots de défaite et de patrie, que quarante ans
+plus tard, aux matins de Fachoda et aux soirs d'Agadir. En 1870, il
+n'avait fait qu'épeler les lettres de l'alphabet sacré. Aujourd'hui
+seulement il sait lire. En 1880, le jeune homme transitoire qui, depuis,
+a tant changé, était donc incertitude, ennui, langueur, dilettantisme,
+doute, orgueil et faiblesse. Il n'avait pas, autant qu'on l'a dit et
+qu'il l'a lui-même laissé croire par une sorte d'affectation, de pose
+juvénile,--renoncé à l'enthousiasme, au culte de l'idéal, à la haute
+pratique des sentiments d'éternelle et pure grandeur, mais il ne les
+étalait pas, il les cachait, même les oubliait et les laissait dormir,
+comme un vin à qui cela ne fait pas de mal de reposer, couché dans
+l'ombre silencieuse des caves. Soyez persuadé néanmoins que, s'il avait
+l'air de n'y pas penser, c'est qu'il savait bien que les sentiments en
+question étaient toujours là, dans le sous-sol, à portée de son coeur et
+de sa main. Il avait bien le temps! Ce serait pour plus tard.
+
+Or, aujourd'hui qu'a sonné ce plus tard, tour à tour ardemment appelé,
+sitôt atteint, si vite franchi et si regretté, l'homme qui se recueille
+au milieu de sa vie et qui, le plus lentement possible, s'apprête à
+redescendre, en conservant, pour s'illusionner, la démarche et le geste
+de monter encore, cet homme-là contemple, avec un soin d'une tendresse
+toute particulière, le jeune homme d'aujourd'hui qui, après plusieurs
+autres, déjà marqués et démodés, l'a remplacé dans le monde. Il le voit
+tout différent de ce qu'il était, si différent que, tout d'abord avec la
+naïveté de l'âge et l'indéracinable candeur de l'expérience, il s'en
+étonne, en est presque choqué. Et puis, aussitôt pris et empoigné par le
+spectacle de ce _type_, si riche et si abondamment pourvu de tout ce qui
+lui manquait, il se prend à l'envier et à l'aimer dans une espèce
+d'admiration militante.
+
+En effet, le jeune homme de ce matin correspond exactement à ce
+qu'éprouve, pense, espère et veut l'homme fait et terminé. Par sa
+culture, ses goûts, ses aspirations, son caractère, son énergie morale
+et physique, il est ce même homme, tout pareil, avec cette seule nuance,
+cette seule qualité en plus et qui est tout: la jeunesse! Il a rattrapé
+l'homme mûr avant d'en avoir l'ancienneté. Il le réalise avec les moyens
+que l'autre, son prédécesseur, ne possède plus ou ne conserve que
+calmés, dépouillés de leur feu, de leur alcool. C'est un jeune homme
+_qui a compris_, un jeune homme accru, renforcé, musclé, nerveux et
+discipliné, ravitaillé par la confiance et l'espoir, entraîné par les
+sports, tanné par le grand air, affermi par une eau plus froide, emporté
+vers les hauteurs par les aéroplanes de son idéal, comme l'est le poids
+agile et lourd de son corps par le moteur et l'aile. Il a la faculté du
+rêve et toutes les ressources de l'action, il est une merveille
+d'équilibre, de puissance ordonnée, un admirable et complet instrument
+de travail français. Il ne faut pas craindre de le proclamer, il est
+supérieur à et; qu'était son aîné, il vaut mieux que lui, il ira plus
+loin, et fera davantage. Mais son aîné lui aura servi, et le cadet, pour
+n'être pas ingrat, devra souvent s'en souvenir. Son aîné l'aura préparé,
+nécessité par l'implacable loi du contraste et de la réaction, il l'aura
+fait germer. Même quand ils n'étaient pas d'accord, ils s'entendaient et
+se cherchaient, en paraissant se fuir. Quand le jeune, avant de savoir,
+se moquait de l'ancien, il se rapprochait déjà de lui sans qu'il s'en
+doutât. Ce qu'on aime le plus, c'est ce que l'on a commencé par
+méconnaître et railler. Les plus grands saints sont peut-être les
+convertis.
+
+Ces très simples observations, vous les pourrez faire après moi, en
+lisant l'excellent livre d'Agathon sur les jeunes gens d'aujourd'hui.
+Vous y verrez par quels chemins larges, tout droits ou détournés, mais
+qui menaient tous aux Romes éternelles, a passé le jeune homme de 1913,
+avant d'être en marche vers les buts que, par eux, toucheront leurs
+aînés. Ces pages lumineuses et saines, ces éloquents rapports, d'une
+documentation serrée, vous montreront, tel qu'il est, _notre_ jeune
+homme de demain, être de combat, de volonté, d'audace réfléchie, héros
+en perpétuelle puissance, d'une si simple et franche complexité,
+patriote et surtout guerrier, idéaliste et positif, croyant, et réaliste
+religieux, la conscience en paix ou labourée, reprenant du service
+catholique, ne reculant plus, aux moments où il le faut, à appeler tout
+de même Dieu par son nom.
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+[Illustration: Les vingt accusés encadrés par des gardes municipaux
+choisis.--_phot. H. Manuel._]
+
+LA BANDE TRAGIQUE AUX ASSISES
+
+On les tient et on les juge. Ils sont là vingt accusés, grands premiers
+rôles, comparses, figurants, utilités, souffleurs et garçons
+d'accessoires. Toute la troupe, toute la bande, qu'il ne faut point
+appeler celle des assassins anarchistes, pour qu'il n'y ait point de
+confusion, de malentendu, car ce ne sont point là des fanatiques,
+coupables de crimes d'idées, de meurtres politiques. Non point. Ce sont
+des tueurs de pauvres gens. Leurs victimes, dont ils ont fouillé les
+poches ou pillé les caisses, ce sont d'humbles employés à 150 francs par
+mois, un garçon de recettes, de jeunes comptables d'un bureau de banque,
+fusillés sans défense, à bout portant; ce sont des vieillards infirmes;
+c'est un chauffeur conduisant une voiture à livrer; c'est un gardien de
+la paix que l'on «brûle» pendant qu'il réclame des papiers d'identité;
+tout cela, c'est du crime de droit commun, le plus abject et le plus
+infâme, que l'on s'est mis dix ensemble à préparer et à exécuter; et,
+par égard pour tous ceux qui, dans la suite des temps agités de toutes
+les histoires, ont été eux-mêmes les funestes et courageuses victimes de
+leurs exaltations sociales, ceux qui se sont brûlés à leur propre
+flambeau, il ne faut point ici, à propos de ces gens et à l'occasion de
+ces actes, prononcer le mot, ni même évoquer l'idée de crime politique.
+C'est, d'ailleurs, ce que M. le président Couinaud a tenu à déclarer,
+une fois pour toutes, dès ses premières paroles.
+
+[Illustration: Kilbaltchiche: «_Propagandiste, oui. Criminel, depuis
+quand?_»]
+
+Aujourd'hui, décidément, il y a quelque chose de changé dans cette salle
+des grandes premières criminelles. Le public «chic» n'a pas été convié.
+Mondaines et demi-mondaines sont, pour cette fois, restées chez elles et
+nous ne verrons pas en ce lieu, comme lors de l'affaire Steinheil, le
+scandale de leurs toilettes de répétitions générales. Plus de
+frissonnements de soie, ni de rires hystériques sous les voilettes, ni
+de gestes charmants et parfumés de jolis bras et de mains fines jouant
+avec un face-à-main ou même une lorgnette de théâtre. L'endroit, privé
+de ces lueurs de vie heureuse et de ce bourdonnement léger, demeure ce
+qu'il doit être, ce que l'on a voulu qu'il fût, triste, grave, gris,
+avec ses trop hautes fenêtres par où la lumière indécise, et toujours
+blême, passe à regret comme l'espoir. Et c'est à peine si, dans ce jour
+pauvre où tous les visages semblent décolorés et spectraux, on peut
+distinguer avec quelque précision les traits impassibles du président et
+des juges rouges d'assises, la silhouette, cravatée d'hermine, du vieux
+procureur général qui a tenu, en ces circonstances, peut-être
+périlleuses, à occuper lui-même le fauteuil de l'accusation, et les
+honnêtes physionomies des jurés, un architecte, des ingénieurs, un
+médecin, un employé et quelques rentiers, qui devront demeurer là,
+immobiles et attentifs, face à face avec la sinistre bande, pendant
+vingt jours.
+
+[Illustration: Simentoff: «_Je reconnais que j'avais de bien mauvaises
+relations._»]
+
+Placés en face des fenêtres, les vingt et un accusés, dix-huit hommes et
+trois femmes, reçoivent toute la lumière de la salle. Ils n'y paraissent
+point en beauté. Ce sont les bandits modernes, très jeunes pour la
+plupart, cruels, impitoyables, jouisseurs, prétentieux, fiers de leurs
+quelques lectures mal comprises, qui leur ont donné non point des
+opinions, mais des haines et des appétits. Il y a là trois ou quatre
+pâles figures au mauvais regard, imberbes, parmi lesquelles cet éphèbe
+sinistre, Callemin; dit «Raymond la Science», Soudy «l'homme à la
+carabine» de Chantilly, et Belonie; il y a aussi, la première du premier
+rang du côté des juges, une singulière petite fille à figure expressive
+qui rit tout le temps et agite coquettement ses cheveux coupés courts et
+bouclés: c'est Mme Anna Maîtrejean, directrice ou gérante de la maison
+de _l'Anarchie_; il y a, séparé d'elle par un garde, son ami
+Kilbaltchiche, un Slave rêveur, aux yeux très enfoncés dans une face
+glabre, au surplus le seul théoricien authentique de la bande, le seul
+véritable et sincère marchand d'illusions. Et tous les autres, y compris
+Dieudonné, l'homme aux mémoires, le robuste Carouy, le fantomal Metge,
+le rouge Dettwiller et aussi, de Boue, Rodriguez, Monier dit Simentoff,
+le remisier Crozat de Fleury, la femme Schoofs et Barbe le Clerch, la
+maîtresse de Carouy, sont des types impersonnels, insignifiants,
+anonymes, que vous avez rencontrés cent fois sans éprouver une émotion
+ni une curiosité.
+
+--Faites entrer les témoins! ordonne le président.
+
+Aussitôt, une foule, en cohue, envahit la salle. Il y a là, pêle-mêle,
+les parents et les amis des victimes et les parents et les amis des
+meurtriers. Un homme près de moi pâlit et jure en regardant Soudy. Je
+lui demande: «--Vous le reconnaissez?--Si je le reconnais! Il a tiré sur
+moi, à Chantilly!» Un autre déclare, à mi-voix: «J'ai été menacé, mais
+je suis armé!» Et il indique la poche enflée de son veston. L'appel dure
+interminablement. Enfin, le flot s'écoule peu à peu par la petite porte.
+Les interrogatoires, maintenant, vont commencer.
+
+[Illustration: Mme Maîtrejean: «_Je prends la responsabilité de ce que
+j'écris, non de ce qu'on m'écrit._»]
+
+_Croquis d'audience de P. RENOUARD._
+
+[Illustration: Dieudonné: «_Ceux qui sont morts ont peut-être regretté
+leurs crimes._»]
+
+--Madame Maîtrejean!
+
+[Illustration: Soudy: «_Si j'avais eu une situation adéquate à mon
+intelligence, je n'aurais pas été un «illégaliste»._]
+
+[Illustration: M. le Président Couinaud.]
+
+[Illustration: Dieudonné: «_Un homme sain ne peut faire l'apologie de
+Bonnot.»_]
+
+[Illustration: Callemin, dit Raymond la Science: «_Je me suis accusé
+aussi d'avoir étranglé Louis XVI._»]
+
+Une très jeune femme se lève. Ses vingt-quatre ans en semblent seize.
+Et, dans la salle, de tous côtés, on murmure: «Mais c'est Claudine!» Eh!
+oui, Claudine, en cheveux courts qu'une raie sépare en deux lourds
+bandeaux bruns, à la fois fille et garçon, avec le col marin plat sur le
+sarrau noir d'écolière; Claudine à l'école, vive et mutine, qui tient en
+main ses notes, son cahier de devoirs et, au bout des doigts, un petit
+crayon dont elle ronge la mine... Que répondriez-vous, Claudine, si vous
+aviez à vous défendre en cour d'assises des accusations portées contre
+Mme Maîtrejean, gérante en fait de la maison de famille de _l'Anarchie_,
+receleuse, et affiliée, affirme-t-on, à une association de
+malfaiteurs?... Et Claudine de répondre d'une voix claire, sans trouble,
+sans maladresse, un peu nerveuse seulement et fâchée parfois contre le
+président qui insiste trop, mais pas antipathique et laissant dans la
+salle une impression amusée, plutôt favorable. Son coaccusé, ami et
+associé, Kilbaltchiche, le jeune Slave pensif, complète et précise les
+explications demandées. Sa voix est très douce; sa parole facile,
+élégante, ordonnée. Il se sépare d'un mot adroit des anarchistes
+terroristes; il est, lui, d'une école qui admet les sentiments
+affectifs, la sensibilité et, comme guide, la conscience au moins autant
+que la raison. Il évoque la vie de labeur et de pauvreté du couple et
+son existence, peu secrète, dans la chambre unique qui était en même
+temps la salle commune de _l'Anarchie_ où l'on allait et venait, portes
+ouvertes... Au surplus, il revendique avec insistance pour lui seul
+toutes les responsabilités que l'on veut faire peser sur sa compagne. Il
+se rassoit. Il a été habile. Et l'on attend avec d'autant plus de
+curiosité l'interrogatoire des vedettes.
+
+...C'est fait. Mardi, mercredi, jeudi, on a interrogé les vedettes. Ce
+n'était donc que cela, les vedettes! La surprise, la déception,
+atteignent à la stupeur. Voici, loquace, emphatique, reniant les
+doctrines «illégalistes», traitant d' «imbéciles» les apologistes de
+Bonnot et de Garnier, déclarant même que Bonnot était un anormal à
+cerveau de «Fuegien», voici Dieudonné que l'encaisseur Caby a reconnu
+comme son assassin et qui niera tout, même l'évidence, cela, d'ailleurs,
+sans un élan de sincérité, sans un cri vrai qui émeut... Voici Callemin,
+dit Raymond la Science, imberbe, petit, râblé, très myope, très jeune,
+très infatué, un mauvais gamin rageur, qui n'a même point les mots de
+Gavroche (à qui je demande pardon pour le rapprochement), et qui aura
+noté sur ses petits papiers jusqu'aux pauvres insolences qu'il jugera
+habile de mêler à ses faibles ripostes et à ses plus invraisemblables
+dénégations. Il s'embrouille vite, d'ailleurs, ne trouve plus de réponse
+dès qu'il a omis de prévoir les questions et s'effondre enfin, maté, en
+plein désastre, dans ses petits papiers inutiles. Et maintenant c'est le
+tour du jardinier-camelot Monier dit Simentoff, un Méridional tragique,
+bavard et confus, du garçon épicier Soudy, qui déclame, et se plaint de
+ne pas avoir trouvé «une situation adéquate à son intelligence», de
+Carouy--figure brutale, facilement farouche--qui nie comme tous mais
+avec moins de littérature et plus d'énergie. Que dire des autres
+accusés, ceux dont la tête n'est pas en jeu?... L'intérêt décroît
+encore, si possible... Mais les témoins, maintenant, vont se succéder à
+la barre et ramener, avec eux, l'émotion.
+
+[Illustration: Carouy: «_On m'a vendu comme un bétail!_»]
+
+ALBÉRIC CAHUET.
+
+_Croquis d'audience de P. RENOUARD._
+
+
+
+[Illustration: La zone, vue de la crête des fortifications, à la porte
+de Montmartre.]
+
+LA ZONE ET SES HABITANTS
+
+VOYAGE AUTOUR DE L'ENCEINTE DE PARIS
+
+La plupart des Parisiens ne doivent guère mieux connaître la «zone» que
+le musée du Louvre. Si l'on s'évade de la capitale par le chemin de fer,
+cette bande de terrain de 250 mètres de largeur qui entoure le mur
+d'enceinte est franchie en quelques secondes; elle apparaît assez loin
+des rails, semblable aux terrains vagues ou irrégulièrement construits
+qui marquent presque toujours l'approche d'une grande ville. Si on gagne
+la banlieue en voiture ou en tramway, on se fait une idée très
+approximative de la région que le gouvernement de Louis-Philippe greva
+de la servitude militaire _non ædificandi_. Devant les portes, tantôt
+désertes, tantôt encombrées d'une file de voitures attendant un regard
+de l'octroi, le glacis des fortifications étale sa verdure triste et
+maculée, animé, certains jours, par le grouillement d'un marché aux
+puces. A peine a-t-on aperçu en bordure du gazon la ligne des baraques,
+éparses ou serrées les unes contre les autres derrière une palissade de
+fortune arrivant presque au niveau de leurs toits, qu'on trouve une voie
+relativement large, en beaucoup d'endroits sillonnée de tramways,
+jalonnée par des bâtisses modestes: épiceries, fruiteries ou guinguettes
+qui transportent l'imagination dans un village quelconque, à cent lieues
+de Paris, et masquent les cités bizarres, souvent lamentables, édifiées
+par les zoniers, comme les concessions à perpétuité cachent les tertres
+pauvres ou abandonnés de la fosse commune.
+
+Pour avoir une idée un peu exacte de cette région très spéciale,
+monstrueux anachronisme en notre siècle d'élégance et d'hygiène, il ne
+suffit pas de grimper sur le talus des «fortifs», un véritable voyage de
+plusieurs jours s'impose.
+
+[Illustration: La sortie de Paris à la porte de Versailles.]
+
+Si l'excursion vous tente, adoptez une tenue modeste, prenez des
+chaussures solides, et partez. Il faut se résigner à patauger dans des
+boues variées, avoir l'oeil alerte, la langue accorte et bien pendue.
+Les zoniers sont méfiants en ce moment; pour pénétrer chez eux, il faut
+souvent franchir le «mur» de la propriété privée. Mais, en général, ces
+gens ne paraissent point méchants; avec une attention pour les mioches
+on apprivoise tout de suite les parents.
+
+Sans doute, la population est aussi bigarrée que l'architecture, s'il
+est permis de s'exprimer ainsi; gardons-nous cependant de considérer la
+zone comme un repaire d'apaches. Beaucoup de travailleurs, de petits
+prolétaires, dont je me suis abstenue de scruter les opinions sociales;
+intéressants par cela même qu'ils sont pauvres, plutôt sympathiques par
+l'effort de travail, d'économie et d'ingéniosité qu'indiquent leurs
+constructions les plus baroques.
+
+On m'avait recommandé une grande prudence, on m'avait même engagée à
+confier à un agent de la sûreté la responsabilité de mon humble
+personne; je suis allée sans escorte, j'ai pénétré partout, et si j'ai
+aperçu quelques visages rébarbatifs, si l'accueil fut parfois réservé,
+il resta toujours poli. Durant cette promenade d'une semaine, je n'ai
+pas entendu le moindre mot malsonnant.
+
+ *
+ * *
+
+C'est peut-être autour de Saint-Ouen que la zone est le plus
+aristocratique, exception faite, bien entendu, des quartiers riches
+avoisinant le bois de Boulogne. Des jardins, rien que des jardins;
+irrégulièrement découpés du côté de Clichy et de Levallois, flanqués de
+terrains vagues, piquetés de maisonnettes ou de bâtiments industriels
+qui ont remplacé la cité des chiffonniers, foyer d'épidémies il y a une
+vingtaine d'années.
+
+En allant vers l'est, c'est un damier de jardinets, enserrés de haies
+vives et de palissades primitives, entre lesquelles courent des chemins
+étroits, aboutissant parfois à des impasses, et dont il est souvent
+difficile de trouver l'entrée. Dans chaque lot, une «maison de
+campagne», où les vieilles persiennes, les caisses à biscuits, le carton
+bitumé, les débris de fer-blanc, sont ajustés avec ingéniosité.
+
+En été, la verdure folle habille ce délabrement: les capucines, les
+fleurs de haricots, les taches du soleil y mettent de la splendeur.
+Ouvriers de toutes industries, facteurs, employés de banque, viennent le
+dimanche se reposer à l'air, arroser leurs champs de légumes et
+surveiller une récolte qui peut presque payer le prix de location:
+quatre ou cinq sous par mètre.
+
+[Illustration: Dans les jardins de Saint-Ouen: les zoniers fouillant un
+rôdeur «élégant».]
+
+Sous la brume d'hiver, ce maquis devient lamentable. Les bicoques sont
+désertes, gardées par des chaînes ou des cadenas qui paraissent
+représenter la partie la plus soignée du mobilier. Si les apaches de
+grande envergure dédaignent ces parages, les apaches en herbe s'y
+aventurent pour rafler des légumes ou des instruments de jardinage. Le
+hasard me fait assister à l'interrogatoire de deux jeunes drôles,
+correctement vêtus, qu'un locataire a surpris dans le domaine de son
+voisin. En fouillant l'un d'eux, le juge improvisé trouve une arme
+terrible: une maille de fer attachée solidement à une longue lanière. On
+confisque l'arme, puis, faute de preuve d'un délit caractérisé, on rend
+la liberté aux prévenus.
+
+L'aspect change rapidement aux environs de la porte de Clignancourt.
+Dans la plaine des Malassis s'élève une véritable cité où les sentiers
+marécageux, bordés de taudis infects, alternent avec des rues
+proprettes, tracées au cordeau.
+
+Dans ces dernières, l'architecture est plus soignée, les chalets
+voisinent avec des maisonnettes bâties «en solide», pierres ou briques,
+qui ne sont gas les mieux tenues. Aux fenêtres de guingois brillent
+parfois des rideaux d'une réelle blancheur; des poules picorent dans la
+cour, la marmaille prend ses ébats. De-ci de-là, s'inclinent sur les
+masures des matériaux de démolitions qui attendent une adaptation
+judicieuse. Au bord des allées du jardin les terres sont retenues par
+des planches arrachées à l'impériale des omnibus défunts:
+Madeleine-Bastille encercle un massif de rosiers; Clichy-Odéon garde un
+plant de carottes... Dans quelques rues, le propriétaire a amené l'eau,
+luxe assez rare dans la zone. Sur la porte d'une construction en pierre
+rudimentaire, je lis: «Bureau». Porte close, nul employé.
+
+J'arrive au boulevard Michelet.
+
+Tournant le dos au trottoir dont les sépare une palissade régulière, des
+roulottes semblent abandonnées. Par une porte étroite, je pénètre dans
+ce hameau où de braves forains se réfugient durant les trois ou quatre
+mois de morte-saison. Presque toutes les voitures sont fermées:
+tenanciers de jeux d'adresse, somnambules extra-lucides, gagnent en ce
+moment leur vie à d'autres métiers. Un avaleur de sabre m'affirme que sa
+«demoiselle» travaille à _L'Illustration_; près de lui une jolie fille
+lave son linge. L'ensemble est assez propre, mais d'une tristesse
+communicative; les roulottes sont plus serrées qu'à la foire de
+Montmartre.
+
+En sortant, j'aperçois au loin une maison en pierres, à peine achevée,
+dressant ses quatre étages devant la porte de Clignancourt, à l'endroit
+même où commence la zone, en bordure du glacis. A la porte Pouchet, un
+immeuble semblable écrase de sa hauteur insolente la maisonnette d'une
+sage-femme, plus respectueuse de la légalité. Il y a, m'assure-t-on,
+bien d'autres cas de pareille désinvolture.
+
+[Illustration: Une rue en «dur».]
+
+Par suite de quelles erreurs bureaucratiques, de quelles compromissions
+administratives, ces constructions furent-elles autorisées? Il ne
+m'appartient pas de chercher à approfondir. La chose paraît assez
+mystérieuse. Un petit locataire me dit que le génie défendait de bâtir
+en «dur», alors que les communes interdisaient de bâtir en «mou». Il a
+tourné drôlement la difficulté en remplaçant la tuile ou le papier
+goudronné par du ciment armé! Je renonce à comprendre et me borne à
+souhaiter que Jacques Bonhomme ne soit pas finalement condamné à payer
+les bénéfices escomptés par d'audacieux spéculateurs.
+
+A la Chapelle, à la Villette, des usines, des terrains plus ou moins
+déserts; les figures sinistres ne rôdent qu'à l'intérieur des murs. Près
+du canal Saint-Martin, la zone occupée par les réseaux du Nord et de
+l'Est. A Pantin, c'est le marché couvert, inférieur en couleur et en
+puanteur aux marchés d'Orient, mais presque égal en désordre et en
+saleté.
+
+A Romainville, aux Lilas, changement de décor.
+
+[Illustration: La zone le long du chemin de fer de l'Ouest-État, à
+Clichy.]
+
+Le long de vraies rues commençant au glacis, la zone est bâtie presque
+régulièrement, avec la banalité qui caractérise les petites
+agglomérations de la banlieue. A Bagnolet; à Montreuil, pays des pêches
+et des fleurs, beaucoup de baraques de chiffonniers ou de petits
+jardiniers édifiées avec un soin relatif. L'une d'elles, en piteux état,
+est décorée par des médaillons en mosaïque égarés, sans doute, dans les
+démolitions d'un music-hall. Tout cela manque un peu de pittoresque.
+
+[Illustration: Une rue en «mou». DANS LA PLAINE DES MALASSIS.]
+
+A Vincennes, à Saint-Mandé, la zone s'embourgeoise. Nous traversons la
+Seine, les réseaux du P.-L.-M. et de l'Orléans, et nous trouvons à Ivry
+et à Gentilly le coin le plus typique et le plus vanté de la ceinture
+parisienne.
+
+Entre la porte d'Ivry et la porte de Choisy, la zone habitée est divisée
+en trois bandes dont la première offre le spectacle le plus douloureux,
+le plus révoltant que puisse concevoir un être civilisé.
+
+Sur le glacis, des roulottes alignées limitent ce camp de la misère et
+de la vilenie humaine. J'entre; un infâme cloaque s'étend entre deux
+rangées de maisons roulantes. Dans cette boue fétide courent dix, vingt,
+trente marmots dépenaillés, à demi nus, qui mêlent leurs glapissements
+aux grognements fatigués d'un lion tapi dans une cage abandonnée sur le
+sol; des vieilles à la Goya trient de misérables chiffons, cependant que
+des messieurs en complet veston et en pelisse inspectent leurs associés.
+[Illustration: Constructions essentiellement précaires.]
+
+Ces enfants, âgés de cinq à dix ans, sont presque tous étrangers,
+italiens ou espagnols; ils partent chaque matin pour aller mendier au
+profit de leurs parents ou des gredins qui les ont loués. L'été, ils
+font des corbeilles, l'oeil attentif au moindre objet mal surveillé. Un
+chauffeur abandonne-t-il un instant sa voiture: aussitôt la marmaille se
+glisse, enlève une lanterne, une trompe, tout ce qui peut se décrocher.
+L'agent cycliste parisien qui nous donne ce détail ajoute: «Nous ne
+pénétrons jamais chez eux, ils sont sur Ivry.» Cinq minutes après, un
+agent d'Ivry me dit: «Nous ne nous en mêlons pas, cela regarde la police
+de Paris...»
+
+Instinctivement, je distribue des sous à la marmaille, oubliant que la
+recette ira aux patrons, et je cherche, sans y réussir, à faire part
+égale à tous. A tort ou à raison, quelques-uns murmurent. Un enfant
+s'approche alors de moi et gentiment me dit: «Y en a qu'en ont pas eu,
+madame; y en a qu'en ont eu deux fois. Moi, j'réclame pas, j'ai eu mes
+deux ronds.» Pauvre gosse!
+
+[Illustration: L'immeuble de rapport d'un électeur influent (porte de
+Clignancourt).]
+
+[Illustration: La baraque d'une petite fleuriste respectant la loi (à
+Ivry).]
+
+DEUX TYPES DE CONSTRUCTIONS SUR LA ZONE
+
+[Illustration: A Ivry: les roulottes.]
+
+[Illustration: Intérieur du camp des romanichels.]
+
+[Illustration: Un coin d'Ivry-Terrasse.]
+
+Je veux prendre une photo. Un homme vient m'enjoindre de sortir, presque
+poliment, du reste. Il ne veut pas «voir d'histoires sur les journaux».
+Je m'exécute; cet homme, qui tient un débit de boissons à l'entrée de ce
+ghetto, est le gérant du propriétaire, Parisien fortuné. On m'assure que
+M. Coûtant, maire et député d'Ivry, n'a pu encore obtenir des arrêtés
+d'expulsion contre ces étrangers et mettre fin à un scandale qui doit
+attrister son coeur de socialiste.
+
+Sur la bande voisine, ce sont des forains ou des romanichels. Une belle
+brune, au type gitane accentué, me demande si je consentirais à faire le
+portrait de sa petite fille. «En vous payant», ajoute-t-elle. Je promets
+de lui envoyer une épreuve. Plus loin, une «Frochard» grogne des injures
+en anglais; à côté, une bouquetière prépare ses violettes.
+
+Séparée par une barrière en planches de ce monde bizarre, une petite
+cité d'ouvriers éparpille ses maisonnettes de chaque côté d'une haie
+vive qui bourgeonne déjà. Les rideaux des fenêtres empêchent la
+curiosité de pénétrer au fond de ces logis humbles mais décents.
+J'aperçois une épicerie, plusieurs marchandes de fleurs, un débit de
+vins avec balançoires et élevage de canaris: _Au Moulin rose_.
+
+Au coin d'une avenue, le chalet du gardien, une fontaine et une pancarte
+indiquant les heures où on vend l'eau: sept centimes ce que la commune
+vend trois ou quatre, me dit-on. Les locataires se sont agités et ont
+obtenu l'établissement d'une fontaine gratuite sur la voie publique, à
+l'entrée de la cité.
+
+[Illustration: Chalets suisses au Kremlin-Bicêtre.]
+
+Aucune lumière, pas le moindre réverbère. Les habitants, pourtant,
+semblent heureux et si enracinés qu'ils se demandent avec terreur où ils
+iront après l'expropriation. Les soirées d'été leur paraissent
+délicieuses; ils ne sont nullement troublés par le voisinage des
+romanichels.
+
+[Illustration: Un coin encore plus pauvre.]
+
+«Si on nous vole, me dit un des notables patentés de l'endroit, nous
+savons que ce ne sont pas les roulottiers, ce sont nos voisins.» Il
+ajoute naïvement: «Ici, voyez-vous, madame, il n'y a que des braves
+gens.»
+
+De l'autre côté de la porte de Choisy, mêmes baraquements en planches.
+Mais ici l'atmosphère semble plus lourde, des femmes au type espagnol
+entr'ouvrent des portes sur notre passage, des voyous traînent autour de
+nous, la casquette bas posée sur le regard oblique, une cigarette collée
+au coin de la bouche narquoise; marchons vite, l'air brave...
+
+[Illustration: La «villa» des forains à Clignancourt.]
+
+A la porte d'Italie, nous rencontrons le «marché aux puces», le vrai,
+celui qui laisse loin derrière lui, comme pittoresque et renommée, le
+marché aux puces de Saint-Ouen et celui de la porte de Flandre. Ici, les
+«biffins» ont leurs boutiques et leurs habitations; le dimanche, ils
+n'ont qu'à étaler à leur porte la «brocante», mélange hétéroclite de
+ferraille, de vieux souliers, de garde-robes fripées, d'ustensiles de
+toutes sortes, avidement fouillés par des amateurs économes ou par des
+malins qui espèrent, une fois dans leur vie, trouver pour quinze sous
+une étude de Corot ou un bronze de Gouthières.
+
+A Gentilly, au Kremlin-Bicêtre, même note, avec plus de saleté encore. A
+Montrouge, c'est un fouillis de cabanes, de maisons solides, de
+constructions peu intéressantes. De là jusqu'à la Seine, rien ou presque
+rien: des terrains vagues, le champ d'aviation. Passé la Seine, les
+guinguettes du Point-du-Jour, puis le bois de Boulogne, qui suit les
+fortifications d'Auteuil à la porte Maillot, où nous trouvons sur la
+zone: les montagnes en carton de Luna-Park, les baraques de la route de
+la Révolte, des bâtiments consacrés à l'industrie automobile, l'hôtel
+somptueux d'un conseiller municipal, et, en face, le restaurant Gillet.
+
+Ensuite et jusqu'à notre point de départ, la banalité de quelques
+constructions légères qui ne sont originales, ni par elles-mêmes, ni par
+l'entourage.
+
+ *
+ * *
+
+A qui appartiennent en général les terrains de la zone? A des
+capitalistes de tout repos ou à de petites gens ayant acquis, à force de
+travail et d'économie, un bout de jardin où ils édifient la bicoque qui
+leur épargne la visite du concierge le jour redouté du terme? Je me
+garderais bien de hasarder à cet égard la moindre affirmation; il
+faudrait, pour le faire en connaissance de cause, un travail de
+bénédictin qui échappe à ma compétence.
+
+Il paraît toutefois prudent d'accueillir avec réserve les protestations
+bruyantes du syndicat qui nous fait entrevoir une population de 20.000 à
+30.000 zoniers exposés à se voir «dépouillés» du bien arrosé par leur
+sueur et par celle de leurs aïeux.
+
+D'après M. Dausset, président du Conseil municipal, on compte dans la
+zone un groupe important d'assez gros propriétaires possédant le terrain
+par héritage; d'autres l'ont acquis à une époque relativement récente
+dans un but de spéculation.
+
+A la porte de Choisy, un très petit nombre de personnes, une dizaine
+peut-être, se partagent les tranches de zone où nous avons vu les
+roulottes des romanichels et les ménageries en détresse.
+
+M. Bugnet, naguère ingénieur du Métropolitain, a acquis il y a une
+dizaine d'années le domaine d'Ivry-Terrasse, environ 15.000 mètres, où
+sont essaimes 100 à 150 locataires; à côté, la famille Bacot possède,
+depuis un siècle, 54.000 mètres de jardins. Entre Ivry et Gentilly, on
+me cite le domaine de la comtesse de Maillé; celui des Lazaristes,
+30.000 à 40.000 mètres. Plus loin, vers Montrouge, le grand contribuable
+de la zone est M. Victor Duruy, professeur à l'École Polytechnique.
+
+A la porte d'Aubervilliers, un employé d'octroi me montre un bâtiment
+industriel important en cours de construction. Le propriétaire possède
+20.000 mètres de terrain grevé de la servitude militaire; c'est un des
+membres actifs du syndicat des zoniers.
+
+Dans ce que nous appellerons le maquis de la zone, le terrain se loue de
+10 à 25 centimes le mètre comme jardins, 50 à 75 centimes comme terrains
+à bâtir. C'est donc un revenu brut de 1.000 à 7.500 francs l'hectare!
+Ils se vendent 10 à 15 francs le mètre dans la région industrielle; 20 à
+30 francs en bordure des grandes voies où prospèrent épiceries et
+«bistros»; 1 franc en certains endroits. Exceptionnellement, aux
+environs de la porte Maillot, par exemple, la valeur est beaucoup plus
+grande.
+
+[Illustration: Le marché aux puces à la porte de Choisy.]
+
+Je n'ai point à discuter le projet du Conseil municipal, j'ai essayé
+simplement de donner aux lecteurs de _L'Illustration_ une idée à peu
+près exacte de cette zone en beaucoup d'endroits insalubre, où grouille
+une population parfois digne d'intérêt, mais dont l'existence aux portes
+de Paris est un danger pour la santé publique et une offense à la beauté
+de la capitale.
+
+SERGINE DAC.
+
+[Illustration: Hôtel d'un conseiller municipal sur la zone, au rond
+point de la porte Maillot.]
+
+
+
+[Illustration: La bénédiction des premières assises du monument élevé,
+sur le sommet du mont Kartal Tepe, aux morts du 30e régiment
+d'infanterie bulgare.]
+
+TABLEAUX D'ARMISTICE
+
+Ce sont des images paisibles, reposantes, d'une gravité douce ou d'une
+saine gaieté, que ces «tableaux d'armistice», saisis tout dernièrement
+par l'objectif autour d'Andrinople; pourtant, au lendemain du jour où,
+les négociations rompues, les deux adversaires, après un repos de deux
+mois, ont recommencé la lutte, ils prennent un caractère émouvant,
+douloureux; et une impression de grande pitié s'en dégage. C'est fini
+maintenant de pleurer les morts, de danser et de rire! Les plaines
+d'Andrinople sont redevenues des champs de bataille.
+
+Pendant la trêve, un des premiers soins de l'état-major bulgare avait
+été de donner aux soldats tombés dans les combats du mois de novembre,
+une sépulture convenable: un peu de terre remuée, une simple croix,
+marquent désormais les tombes de ces braves. La photographie reproduite
+aux pages suivantes évoque non sans grandeur la funèbre besogne du
+fossoyeur.
+
+[Illustration: Pas d'armistice pour la vermine...]
+
+Ce pieux devoir accompli, il restait à célébrer solennellement le
+courage des morts. Les premières assises d'un monument, commémoratif
+d'un beau fait d'armes, ont été placées sur le sommet du mont Kartal
+Tepe, au sud-ouest d'Andrinople: c'est là que, après s'être emparé de la
+position, le 30e régiment bulgare de Chéinovo résista victorieusement,
+dans les combats des 8, 12 et 13 novembre, à l'attaque d'une division
+turque et fut décimé dans la lutte héroïque. Cependant, dans le vaste
+camp établi autour de la ville cernée de toutes parts, une vie
+tranquille, presque normale, s'était peu à peu organisée. Aux heures
+chaudes du jour, on pouvait voir des soldats occupant les loisirs de
+l'armistice à des soins de toilette qui sans doute n'étaient point
+superflus: la recherche, par exemple, sur leurs vêtements et leur linge,
+d'ennemis minuscules et irritants, qui, eux, n'avaient pas fait trêve...
+D'autres, au son de la «gaïda»--la cornemuse bulgare--improvisaient,
+devant les tranchées, une danse du pays, pour la plus grande joie de
+leurs camarades, assemblés en cercle autour d'eux. Plaisirs simples de
+jeunes hommes insouciants malgré les incertitudes de la guerre, auxquels
+déjà succèdent de rudes fatigues et de périlleux efforts!
+
+[Illustration: PENDANT L'ARMISTICE, AUTOUR D'ANDRINOPLE.--La danse du
+pays, au son de la _gaïda_ bulgare.--_Photographies du sous-lieutenant
+G. Stainoff._]
+
+[LES PLAINES GLACÉES D'ANDRINOPLE OU L'ON VA RECOMMENCER A SE BATTRE
+Pendant la trêve, les Bulgares ont recouvert d'un peu de terre leurs
+morts des combats de novembre, et ont planté des croix sur ces pauvres
+tombes. _Photographie communiquée par le sous-lieutenant G. Stainoff, du
+30e régiment d'infanterie._]
+
+[Illustration: Ensemble des batteries, tranchées, réseaux de fil, de
+fer, etc., constituant un ouvrage.
+
+Route militaire unissant les divers ouvrages avec chemin de fer à voie
+étroite.
+
+Les ouvrages fortifiés défendant Janina au sud, contre l'armée grecque
+venant par la route de Preveza.]
+
+
+
+LES GRECS DEVANT JANINA
+
+_Voici les hostilités reprises entre la Turquie et les alliés: dans les
+délais réglementaires à partir de la rupture des négociations de Londres
+et de la dénonciation défi armistice, le canon a recommencé à tonner,
+lundi soir, et à Tchataldja et à Andrinople,--sans doute aussi devant
+Scutari. A Janina, la lutte n'a pas été interrompue._
+
+_Mais le mauvais temps a grandement paralysé, devant cette dernière
+place, l'effort de l'armée hellénique, et elle ne progresse que
+lentement, au prix d'un effort persévérant. Notre collaborateur M. Jean
+Leune, dans le dernier article qu'il vient de nous adresser et qu'on va
+lire ci-dessous, nous montre à quelle résistance acharnée se heurtent
+les assiégeants de Janina et quelles fortifications importantes ils ont
+à enlever. Il fait comprendre combien leur furent disputés les avantages
+certains qu'ils ont jusqu'à présent obtenus._
+
+Philippias, janvier 1913.
+
+Il ne faut pas être surpris que l'armée grecque ne soit pas encore à
+Janina. Il faut bien plutôt s'étonner que les énormes moyens de défense
+dont disposent les Turcs autour de cette ville n'aient pu empêcher les
+troupes du général Sapoundsakis de prendre les positions qu'elles
+occupent aujourd'hui.
+
+Janina est en effet défendue par une série de forts et batteries
+répartis comme suit:
+
+1° Aux villages de Mega Gardikou et de Mikron Gardikou, situés à 9
+kilomètres au nord-ouest de Janina, deux ouvrages distants l'un de
+l'autre d'environ une demi-heure;
+
+2° Un ouvrage au village de Sadovitza, situé à 7 kilomètres à l'ouest de
+Janina;
+
+3° Trois batteries, pour 9 canons de 9, pour 4 canons de 12 et pour 4
+mitrailleuses au monastère Douroutis ou Péristéras, situé à 4 kilomètres
+au sud-ouest de Janina;
+
+4° Six batteries, pour 9 canons de 9, 12 canons de 12, 2 canons de 15, 4
+pièces de montagne de 7,5 et 8 mitrailleuses, au village de Bizani,
+situé à 10 kilomètres au sud-est de Janina;
+
+5° Deux batteries pour 12 canons de montagne de 7,5 à l'extrémité du lac
+de Janina, au monastère Gastritza, situé à 4 kilomètres au sud-est de la
+ville;
+
+6° Une batterie pour deux pièces de 9, dans l'île de Janina;
+
+7° Une batterie pour deux pièces de 9, au village de Parama, situé à 3
+kilomètres au nord-est de Janina;
+
+8° Une batterie pour six pièces de 9 à la colline dite Saint-Nicolas,
+située à 15 kilomètres au sud-ouest de Janina.
+
+Le tout forme autour de la place un ensemble de 21 batteries avec 128
+canons: 73 pièces de 9cm; 16 pièces de 12cm; 2 pièces de 15cm; 25 pièces
+de 7cm,5; 12 mitrailleuses qui battent de leurs feux, presque partout
+croisés, tous les environs de la ville et commandent tous les débouchés
+de la montagne sur la plaine de Janina.
+
+Ce qui fait la force de ces ouvrages, c'est qu'en raison de la nature
+montagneuse du terrain, il est à peu près impossible de leur opposer une
+artillerie quelconque. Leurs puissants canons criblent impitoyablement
+les très rares emplacements où l'on pourrait normalement placer de
+l'artillerie de campagne ou de l'artillerie lourde. Quant à l'artillerie
+de montagne, elle ne peut les approcher assez près pour leur nuire en
+quelque façon.
+
+Mais dans la guerre actuelle, deux choses leur sont de graves causes de
+faiblesse:
+
+D'abord l'inexpérience et l'inhabileté de leurs artilleurs; ensuite
+l'intelligence et l'habileté de leurs adversaires que rien n'a pu
+empêcher de placer des canons--les Turcs ne savent où--qui ont déjà fait
+sauter plusieurs magasins et détruit un certain nombre de pièces à
+Bizani.
+
+Cet ouvrage est le plus important de tous. C'est von der Goltz qui l'a
+fait établir tel qu'il est aujourd'hui, pour commander le débouché sur la
+plaine de la route de Preveza à Janina. Mais, lorsque le maréchal vint,
+il n'y a pas longtemps, inspecter les travaux, il conseilla aux Turcs
+d'établir au lieu dit Saint-Nicolas une forte batterie qui commandât la
+sortie du ravin de Manoliassa, complètement défiée des feux de Bizani,
+et où l'ennemi eût pu installer une artillerie fort gênante. Les Turcs
+ont donc, ces derniers mois, construit à Saint-Nicolas une batterie
+armée de 6 pièces de 9cm dont la présence a fait au général Sapoundsakis
+et à son armée le tâche un peu plus rude encore.
+
+En ce qui concerne Bizani, nous avons eu la chance de nous entretenir
+longuement, ces jours-ci, avec un officier turc prisonnier qui nous a
+donné sur ce fort de très intéressants détails...
+
+[Illustration: Schéma d'une batterie turque dans laquelle la moitié
+arrière de chaque emplacement de canon est couverte d'une voûte en
+béton, elle-même recouverte de terre.]
+
+Les deux collines sur lesquelles se trouvent les ouvrages de Bizani sont
+du roc gris et nu, ce qui a forcé von der Goltz et ses officiers à
+adopter des plans et profils un peu spéciaux pour les batteries.
+Celles-ci sont toutes creusées dans la pierre, chaque pièce se trouvant
+logée dans une sorte de trou à base en forme de trapèze. Dans ces trous
+on a élevé, entre la paroi de roc qui se trouve devant le canon et ce
+dernier, un mur revêtu de béton. L'intervalle entre la paroi de roc et
+ce mur a été rempli de terre. Sur le plan incliné qui se trouve devant
+chaque batterie, parallèlement à la ligne de feu, le rocher a été
+recouvert, sur une largeur de 4 mètres et une épaisseur de 0 m. 50,
+d'une couche de gravier et de terre. On n'avait tout d'abord pas mis
+plus de terre parce que celle-ci devait être amenée assez difficilement
+et d'assez loin. Cependant, ainsi que nous l'avons très bien pu voir à
+la jumelle du haut d'une colline où nous étions il y a quelques jours,
+les Turcs ont récemment augmenté l'épaisseur de ces couches de terre. Le
+logement de chaque pièce a donc la forme d'un trapèze dont la plus
+petite base se trouve devant la pièce. Dans le mur bétonné et le rocher
+qui forment cette petite base est creusé, de chaque côté du canon, un
+abri carré pour les tireurs.
+
+A droite et à gauche, dans les parois formant les côtés du trapèze, sont
+creusés deux grands et deux petits magasins à poudre et à obus.
+
+[Illustration: La terre dont la couleur indique qu'elle est fraîchement
+apportée.
+
+Aspect actuel des batteries à flanc de rocher prouvant que les Turcs ont
+tout récemment amené sur place de grandes quantités de terre pour la
+construction de talus et remblais protecteurs des pièces.]
+
+Dans certaines batteries, la moitié arrière du réduit est protégée par
+une voûte en béton, à l'abri de laquelle les artilleurs peuvent évoluer.
+
+Derrière toutes les batteries, à une profondeur de 1 m. 20 à 1 m. 30
+sous la surface du roc, circule un souterrain qui fait communiquer entre
+eux les logements des pièces et magasins adjacents, et qui joint les
+batteries les unes aux autres, ainsi qu'aux grands magasins de
+munitions.
+
+[Illustration: Coupe schématique d'une batterie turque avec ses abris et
+magasins.]
+
+Dans les batteries comportant des canons de 9cm, chaque pièce, avec son
+logement, ses abris et magasins, occupe, sur la ligne de feu, un front
+de 15 mètres. La profondeur du logement est de 1 m. 20 à 1 m. 30. Les
+abris sont carrés et mesurent 2 mètres de côté. Les grands magasins ont
+4 mètres sur 2 et les petits 1 m. 50 sur 1 m. 50. Les pièces de 9% sont
+du dernier système Krupp à tir rapide et peuvent tirer quinze coups à la
+minute, avec une portée de 4.000 mètres.
+
+Les pièces de 12cm et de 15cm, système Krupp ancien, occupent un front
+de 20 mètres. La profondeur de leur logement est de 1 m. 60. Les abris
+carrés ont 2 mètres de côté, les magasins 4 mètres sur 2 et 2 m. 50 sur
+2 m. 50.
+
+Enfin, en des endroits parfaitement dissimulés et que l'état-major
+allemand croyait invulnérables (l'expérience a prouvé le contraire),
+sont, ou étaient, deux grands magasins à munitions et deux petits.
+L'ensemble est mis à l'abri des attaques d'infanterie par des mines et
+des réseaux de fils de fer barbelés...
+
+Tout ce qui précède prouve que Bizani constituait avant la guerre, et
+constitue encore malgré tout, un ouvrage fortifié très redoutable.
+
+Il est intéressant d'en connaître les détails pour se rendre compte de
+la façon dont les Allemands comprennent la construction des batteries
+dans un sol qui n'est que roc. Le maréchal et ses collaborateurs ont
+essayé là différents procédés nouveaux. Les Grecs complètent
+l'expérience avec notre matériel et pour notre édification, en
+détruisant canons et magasins, par un tir extrêmement précis, à très
+grande distance, malgré toutes les protections de terre, de rocher ou de
+béton.
+
+Maintenant, si, comme tout le premier j'en suis certain, ils prennent
+Janina malgré Bizani, ils auront achevé d'asseoir irréfutablement leur
+jeune réputation militaire. Et personne alors ne pourra contester leur
+mérite, qu'attestera à elle seule l'indéniable difficulté de
+l'entreprise.
+
+Leur attaque va, par ailleurs, se prononcer suivant les principes
+essentiellement français, très chers au général Sapoundsakis et qui
+conviennent infiniment à l'intelligence souplesse de ses troupes. Leur
+réussite prouvera qu'une forteresse aussi formidable soit-elle, même
+construite par l'état-major allemand, ne saurait arrêter longtemps une
+troupe décidée à passer, surtout lorsque celle-ci est souple,
+maoeuvrière et mordante... «à la française»...
+
+JEAN LEUNE.
+
+
+
+[Illustration: Le cercueil du ministre de la Guerre, victime des
+Jeunes-Turcs, attendant les dernières prières.--_Phot. Ferid Ibrahim._]
+
+[Illustration: Emplacement où a été creusée la tombe, dans la cour de la
+mosquée Suleimanié.--_Phot. Talb Kope._]
+
+LES OBSÈQUES DE NAZIM PACHA
+
+CHOSES DE TURQUIE
+
+Les obsèques de Nazim pacha ont été célébrées au lendemain même du coup
+d'État, à Constantinople, sans grande pompe, mais cependant avec la
+dignité convenable. Tous les attachés militaires étrangers avaient tenu
+à suivre le cortège funèbre; et le sultan avait délégué, pour le
+représenter, son premier aide de camp.
+
+La dépouille du mort fut apportée à la mosquée Suleimanié, où, dans la
+cour, la famille de Nazim a son _turbé_, son mausolée de marbre blanc.
+Déposé sur un banc de pierre en arrière duquel des troupes rendaient les
+honneurs, le cercueil attendit un assez long temps les prières suprêmes.
+Et puis on le descendit dans la fosse toute préparée, que dominera
+bientôt une stèle coiffée d'un turban, comme celle qui, sur la
+photographie, se dresse en avant du monticule où s'entasse la terre de
+la tombe.
+
+C'est le général Izzet pacha qui remplace Nazim à la tête de l'armée
+turque, comme généralissime et ministre de la Guerre.
+
+Un de nos lecteurs, M. A. Beneyton, qui le connut; au Yémen, dont il
+était allé réprimer l'inquiétante insurrection, se proclame fier de son
+amitié, et fait de lui ce portrait sympathique:
+
+«Elevé dans sa famille par une gouvernante française, Izzet pacha parle
+notre langue avec une pureté parfaite. Chef d'état-major général de
+l'armée depuis cinq ans, il n'a quitté ce poste que pour aller pacifier
+l'Yémen. Il y a réussi au delà de toute espérance.
+
+» C'est un des hommes qui font le plus honneur au nouveau régime:
+foncièrement bon, honnête, patriote ardent, sans ambitions politiques
+comme sans compromissions, on peut le comparer avec les plus grands
+hommes d'État ou de guerre de n'importe quel pays d'Europe.»
+
+Ajoutons que le prestige du nouveau généralissime est considérable dans
+l'armée ottomane. On a vivement regretté qu'il ne fût pas présent lors
+de la déclaration de guerre. On s'était hâté de le rappeler. Les
+patriotes ottomans sont ardemment convaincus qu'il sera à la hauteur de
+la formidable tâche qu'il a assumée d'un coeur vaillant.
+
+Avec la reprise des hostilités, on s'attend à ce que de gros efforts
+soient tentés par les alliés contre les trois villes qu'ils assiègent:
+Janina, Scutari d'Albanie et Andrinople. Nous donnons ici les
+photographies des trois hommes d'admirable énergie, dont les noms, quoi
+qu'il advienne, survivront dans l'histoire au même rang que celui d'un
+Osman pacha ou d'un Denfert-Rochereau: Vehib bey, qui commande Janina;
+Hassan Riza bey, qui défend Scutari, et Choukri pacha, de qui
+l'indomptable intrépidité est déjà presque légendaire et à qui l'on
+prêtait récemment la résolution farouche de tourner ses propres canons
+contre Andrinople même, plutôt que de la rendre.
+
+[Illustration: Hassan Riza bey, défenseur de Scutari. Phot. Phébus.]
+
+[Illustration: Le nouveau généralissime Izzet pacha. Phot. Georges
+Rémond.]
+
+[Illustration: Choukri pacha, défenseur d'Andrinople.]
+
+LES DÉFENSEURS DE LA TURQUIE
+
+LES FRONTIÈRES DE L'ALBANIE
+
+La crise balkanique a pour conséquence une crise européenne qui, en
+réalité, constitue le véritable danger pour la paix entre les grandes
+puissances. Le gouvernement de Vienne, en dépit de toutes les
+concessions faites par les Serbes (renonciation à un port serbe sur
+l'Adriatique, satisfaction donnée pour l'incident Prochazka, offre de
+négocier pour établir de meilleurs rapports économiques, etc.), n'a pas
+démobilisé.
+
+Pourquoi donc l'Autriche-Hongrie reste-t-elle prête à entrer en guerre
+au risque d'y entraîner le continent tout entier?
+
+Le gouvernement de Vienne a cette attitude uniquement en raison de la
+question d'Albanie dont le règlement va bientôt concentrer l'attention
+de l'Europe.
+
+ *
+ * *
+
+La véritable Albanie est une région toute spéciale, divisée en une série
+de cloisons étanches dont les montagnes forment les parois et qui
+communiquent par un petit nombre de passages. Sur ce territoire, sans
+routes, sans industrie, sans commerce, vivent chichement environ
+1.330.000 d'Albanais (1 million de musulmans, 240.000 orthodoxes, 90.000
+catholiques romains). Tous ces chiffres sont approximatifs. L'Albanais,
+indomptable et rebelle, exècre le contact des étrangers. Il vit en
+chassant ou en faisant paître ses troupeaux. Il ne reconnaît que la loi
+des chefs de clans, clans qui se rattachent à de nombreuses tribus.
+Encore dans la condition du moyen âge, la population albanaise est dans
+sa presque totalité sans aucune instruction, mais la race est
+susceptible de grands progrès, car on connaît des Albanais qui, au
+service de la Turquie, ont fait preuve d'une vive et fine intelligence
+et il existe aujourd'hui un petit groupe d'Albanais d'une culture
+occidentale qui tiennent parfaitement leur place dans les milieux les
+plus raffinés.
+
+ *
+ * *
+
+La conférence des ambassadeurs à Londres a bien décidé, dès ses
+premières réunions, qu'il y aurait une Albanie autonome, _sous le
+contrôle et la garantie des puissances_, point essentiel à remarquer et
+à retenir. Mais ce n'est rien que de décréter le principe de l'autonomie
+de l'Albanie, principe en harmonie d'ailleurs avec la formule: «Les
+Balkans aux peuples balkaniques», la vraie difficulté est de délimiter
+l'Albanie. C'est là une tâche singulièrement ardue car, en réalité,
+l'expression «Albanie» désigne une contrée dont les frontières peuvent
+varier au nord, au sud et à l'est dans d'extraordinaires proportions,
+selon le point de vue auquel on se place, et les intérêts que l'on veut
+servir.
+
+Nous allons donc tenter d'exposer les difficultés de la délimitation
+albanaise en même temps que sa portée européenne.
+
+ *
+ * *
+
+Il y a trois projets de délimitation de l'Albanie:
+
+Le projet albanais;
+
+Le projet autrichien;
+
+Le projet des alliés balkaniques intéressés (Monténégrins, Serbes,
+Grecs).
+
+Indiqués par des traits nettement distincts sur la carte ci-dessous, il
+est aisé de constater d'un coup d'oeil à quel point ces projets
+diffèrent entre eux comme étendue de territoire englobé, et de mesurer
+ainsi les difficultés à vaincre pour arriver à un accord définitif et
+satisfaisant pour les parties en cause.
+
+LE PROJET ALBANAIS
+
+Le gouvernement provisoire albanais qui, sous la direction d'Ismaïl
+Kemal bey, a été assumé par quelques hommes représentant
+l'«intelligence» albanaise, a envoyé des délégués à Londres. Il demande la
+reconnaissance de l'Albanie sous la forme la plus étendue qu'il soit
+possible de lui donner. Dans leur projet, les Albanais englobent toutes
+les régions où se trouvent des groupements albanais sans se soucier de
+savoir si, sur certaines fractions du territoire ainsi constitué,
+existent d'autres populations serbes, grecques ou bulgares plus
+nombreuses que des groupements albanais. Les auteurs du projet albanais
+ne considèrent pas davantage ce fait que beaucoup d'Albanais qui se
+trouvent en Vieille-Serbie, par exemple, n'y sont que par l'effet de
+massacres antérieurs, massacres exécutés systématiquement par les
+Albanais dans les cinquante dernières années aux dépens des Serbes, et
+dont aujourd'hui il semble excessif de vouloir conserver le bénéfice aux
+dépens des Serbes victorieux.
+
+Quoi qu'il en soit, il est inutile d'insister davantage sur le projet
+albanais, car il n'a aucune chance d'être adopté. Ses frontières qui ne
+laissent aux Monténégrins, aux Serbes et aux Grecs à peu près rien des
+avantages de la guerre sont si manifestement excessives que le
+gouvernement de Vienne lui-même ne soutient pas devant l'Europe le tracé
+demandé par le gouvernement provisoire albanais.
+
+LE PROJET AUTRICHIEN
+
+Le projet autrichien, d'une étendue intermédiaire entre celui des
+Albanais et celui des alliés balkaniques, est inspiré surtout par des
+considérations politiques. Il est d'ailleurs, remarquons-le, un projet
+de «marchandage». Peut-être même pendant l'impression de cet article
+a-t-il été déjà modifié sur certains points.
+
+Le gouvernement allemand de Vienne, qui a vu avec un infini regret la
+victoire des Slaves des Balkans, a pour objectif essentiel de constituer
+une barrière puissante entre la Serbie et la mer. Il va donc faire tous
+ses efforts pour que cette barrière soit aussi épaisse que faire se
+pourra. Il veut surtout que l'extension du Monténégro au nord de
+l'Albanie soit aussi restreinte que possible afin de ne pas donner à cet
+État des territoires qui lui permettraient, par une entente ultérieure
+avec la Serbie, de lui faciliter l'accès à la mer Adriatique. Vienne
+s'oppose donc énergiquement à la cession de Scutari au Monténégro, bien
+que le roi d'Italie, gendre du roi du Monténégro, soit intervenu
+récemment par sa diplomatie pour préconiser cette solution.
+
+L'Autriche l'a jusqu'à présent repoussée parce qu'elle sait bien que, si
+Scutari devenait monténégrin, l'Italie bénéficierait de la situation
+nouvelle. En effet, dans cette hypothèse, le principal centre
+d'influence en Albanie serait reporté plus au sud, à Elbassan, à Bérat,
+ou à Valona. Dans ce cas, c'est l'influence italienne qui y
+prédominerait. Au contraire, si Scutari fait partie de l'Albanie, il
+deviendra le foyer de l'action autrichienne dans le futur État albanais.
+
+C'est là une considération qui prend toute sa valeur si l'on admet qu'à
+Vienne, où l'on a dû brusquement renoncer au vieux projet de descente
+vers Salonique par l'effet de la victoire des Serbes et des Grecs, on
+espère encore que le lot de l'Autriche pourra être constitué plus tard
+par l'Albanie.
+
+La diplomatie des Habsbourg s'ingénie donc à ce que le nouvel État dont
+elle escompte l'absorption dans l'avenir soit aussi étendu que possible.
+
+Pour soutenir son projet de frontières albanaises, l'Autriche-Hongrie
+invoque les droits nationaux des Albanais. Cet argument est piquant
+quand on sait de quelle façon les gouvernements de Vienne et de Budapest
+traitent leurs nationalités slaves sur le territoire austro-hongrois.
+
+LE PROJET DES ALLIÉS BALKANIQUES
+
+La délimitation de l'Albanie demandée par les alliés balkaniques est la
+conséquence d'un accord précis entre Monténégrins, Serbes et Grecs.
+
+_Frontière albano-grecque_.
+
+Les Grecs placent les limites septentrionales de l'Epire au nord de
+Valona; mais, tenant compte de l'opposition de l'Italie, les Grecs,
+ainsi que le montre le tracé, font partir leur frontière au point formé
+par la baie de Gramala. Cette frontière va ensuite rejoindre la
+frontière serbe à peu près à la hauteur du milieu ouest du lac d'Okrida.
+
+Pour repousser le projet autrichien, les Grecs justifient ainsi leurs
+prétentions:
+
+A Janina, la population, le commerce, la culture, tout est grec.
+D'ailleurs, en 1880, la conférence de Berlin, sur la proposition du
+gouvernement français, a reconnu les droits de la Grèce sur Janina. Or,
+géographiquement et économiquement, la possession de Janina entraîne
+celle de Santi Quaranta qui, à son tour, commande celle de Chimara, sur
+la côte, et d'Argirokastro, dans l'intérieur. En effet, toute cette
+région ne communique aisément avec la mer que par Santi Quaranta ou
+Preveza; mais, à Santi Quaranta, seuls les grands navires peuvent
+parvenir.
+
+Au point de vue ethnographique, la frontière proposée par la Grèce en
+Epire et en Macédoine à l'ouest du lac d'Okrida contient 316.651 Grecs,
+154.413 musulmans et 5.104 israélites.
+
+Ces chiffres sont tirés de la statistique dressée en 1908 par le
+gouvernement ottoman lui-même en vue des élections au Parlement de
+Constantinople. Ils sont donc plutôt défavorables à l'élément grec. Il
+convient, en outre, d'ajouter que, si le tracé hellénique englobe
+154.413 musulmans, il laisse à proximité de la frontière en territoire
+albanais 44.119 Grecs.
+
+Ce qui reste de différence dans la balance des chiffres s'affaiblit
+encore quand, en plus de l'aspect ethnographique de la question, on
+envisage le côté civilisateur et humanitaire.
+
+En effet, sur le territoire que la Grèce prétend annexer se trouvent 733
+écoles grecques (filles ou garçons), dont 3 lycées de garçons (Janina,
+Konitsa, Koritza), un lycée de filles (Janina). Ces écoles comportent
+927 maîtres et maîtresses et 28.850 élèves, soit 9,2% de la population.
+
+Les Grecs estiment donc qu'ils sont déjà parfaitement outillés pour
+ouvrir définitivement l'Epire à la civilisation.
+
+Comme le gouvernement de Vienne est relativement peu intéressé aux
+affaires du sud de l'Albanie, il est à supposer que les Grecs
+obtiendront de l'Autriche dans une large mesure satisfaction. Les
+difficultés leur viendront peut-être de l'Italie.
+
+_Frontière serbo-albanaise_.
+
+La frontière demandée par les Serbes, à sa jonction avec la frontière
+grecque, suit à partir du lac d'Okrida, non pas, comme on l'a dit, le
+Drin noir, mais la ligne de partage des eaux se trouvant à l'ouest du
+Drin. Ainsi, estiment les Serbes, la frontière sera mieux fixée et
+permettra d'inclure en Serbie les nombreux villages serbes qui se
+trouvent entre le faîte des montagnes et la rive gauche du Drin.
+
+Le projet serbe est en complète opposition avec, le projet autrichien
+qui, en sa forme initiale, attribue Prizrend à l'Albanie. Or, les Serbes
+tiennent énormément à la possession de cette ville qui, au treizième
+siècle, fut la capitale de l'empire serbe de Douchan le Grand.
+
+En ce qui concerne les contrées d'Ipek, Detchani, Diakova, les Serbes,
+comme on le verra plus loin, s'unissent aux Monténégrins pour en
+réclamer l'exclusion de l'Albanie. Cette attitude n'implique pas une
+divergence de vue entre Serbes et Monténégrins. Elle s'explique par ce
+fait que, si Serbes et Monténégrins appartiennent à deux États
+différents, ils ne forment, comme on sait, qu'un même peuple: le peuple
+serbe. Les Serbes plaident donc à la fois leur cause et celle des
+Monténégrins.
+
+A propos de ces régions, dit le mémorandum serbe, «_la nation serbe ne
+voudra et ne fourra faire aucune concession, ne pourra en venir à aucune
+transaction, à aucun compromis, et il n'y a pas de gouvernement serbe
+qui oserait s'y prêter_».
+
+_Frontière albano-monténégrine._
+
+C'est à propos de cette frontière, au nord de l'Albanie, que se
+manifeste, avec le plus d'énergie, l'opposition autrichienne.
+
+Pour soutenir son tracé, le gouvernement du Monténégro part de la
+nécessité d'assurer la sécurité du royaume, ainsi que son développement
+politique et économique.
+
+Pour exclure de l'Albanie les territoires dont les chefs-lieux sont
+Scutari, Ipek et Diakova, le Monténégro, comme la Serbie, fait appel aux
+titres historiques, rappelant que, depuis les temps les plus reculés, le
+Drin a été toujours considéré comme la limite extrême de l'Albanie du
+Nord. Dans un document de 1355, le Drin est appelé _Flurnen Sclavoniæ_
+(fleuve serbe).
+
+A partir du onzième siècle, le royaume serbe de Zeta, dont le Monténégro
+actuel a recueilli l'héritage, s'étendait jusqu'au Drin. Scutari fut le
+siège de toutes les dynasties serbes, et, bien qu'alors la royauté ne
+résidât pas toujours d'une manière stable et suivie, dans les grandes
+villes, Scutari fut souvent la résidence des souverains serbes.
+
+Les traces de cette possession subsistent encore dans la dénomination
+actuelle, tout à fait serbe, des montagnes et des rivières de la région,
+en dépit de l'albanisation qui a suivi, dans ces parages, la conquête
+turque, albanisation, dans un grand nombre de cas, toute de surface, car
+beaucoup d'Albanais d'aujourd'hui ne sont que d'anciens Serbes
+islamisés.
+
+Si, géographiquement, Scutari a été le centre historique du Monténégro,
+on ne saurait contester qu'au point de vue économique le lac de Scutari
+ne forme un tout indivisible. Le Monténégro a toujours souffert dans son
+développement commercial de cette séparation violente et artificielle
+d'avec le bassin de la Bojana et du Drin. La fertile plaine de Scutari
+constitue, en effet, la seule issue naturelle du commerce monténégrin à
+la mer. Le Monténégro ne pourra se développer que lorsque, grâce à la
+rectification des frontières, il aura pu régulariser les fleuves Bojana
+et Drin, évitant ainsi les grands dégâts causés périodiquement par les
+crues.
+
+[Illustration: LES PROJETS DE DÉLIMITATION DE L'ALBANIE + + + + Projet
+albanais. ··+··+ Projet autrichien. Projet des alliés balkaniques:
+-·-·- Frontière gréco-albanaise. ····· Frontière
+serbo-albanaise.----- Frontière albano-monténégrine.]
+
+Pour appuyer davantage leurs prétentions, les Monténégrins invoquent
+encore le fait que de nombreuses tribus albanaises ont pris part avec
+eux à la guerre contre les Turcs.
+
+Les délégués monténégrins concluent ainsi:
+
+«Ces raisons dictent au gouvernement monténégrin le devoir péremptoire
+de déclarer aux grandes puissances que l'annexion de Scutari, d'Ipek et
+de Diakova, inscrite en premier lieu sur le programme qui a présidé à
+l'ouverture des hostilités, forme un tout nécessaire, et que _le
+Monténégro, plutôt que de renoncer à cet agrandissement logique et
+naturel de son territoire, préférerait disparaître comme facteur
+politique dans les Balkans._»
+
+Cette énergique déclaration aura-t-elle raison de l'opposition
+autrichienne? Vienne persiste à considérer la ville de Scutari--qui n'a
+pas encore été prise par les Monténégrins--comme purement albanaise.
+Vienne n'ignore pas, en outre, que le tracé demandé par les Monténégrins
+permettrait, par l'effet d'une entente ultérieure avec la Serbie, de
+construire un chemin de fer qui, partant de Saint-Jean-de-Modua par
+Alessio, la vallée du Drin et Prizrend, couperait la ligne
+Mitrovitza-Salonique à Ferizovitch, et, de là, gagnerait Nisch, le
+centre de la Serbie.
+
+Il y a donc lieu de croire que l'opposition autrichienne à la cession de
+Scutari au Monténégro sera très vive.
+
+PORTÉE EUROPÉENNE DE LA QUESTION ALBANAISE
+
+Comment, maintenant, la délimitation de l'Albanie peut-elle menacer la
+paix européenne? La raison de ce danger est simple.
+
+L'Autriche-Hongrie, qui n'a pris aucune part à la guerre n'a, en
+réalité, aucun titre pour intervenir dans le partage de la Turquie
+d'Europe entre les alliés qui, eux, invoquent le droit de conquête et
+les sacrifices énormes qu'ils ont dû faire en hommes et en argent. Or,
+_le projet d'Albanie présenté par le gouvernement de Vienne ne tend à
+rien moins qu'à dépouiller les Monténégrins, les Serbes et les Grecs des
+principaux résultats de leurs victoires._
+
+Les grandes puissances ont déjà fait une large concession à
+l'Autriche-Hongrie en adhérant au principe d'une Albanie autonome, mais
+il est évident que cette Albanie doit être de dimensions restreintes,
+afin de concilier les préférences de l'Autriche avec les droits des
+alliés balkaniques victorieux.
+
+Or, si l'Autriche est plus ou moins soutenue dans ses prétentions par
+l'Allemagne et l'Italie, les alliés balkaniques ont pour appuis naturels
+les puissances de la Triple Entente, dont la doctrine à cet égard a été
+proclamée le 9 novembre 1912 par M. Asquith, premier ministre
+britannique, disant, au banquet du lord-maire: «_Les vainqueurs ne
+doivent pas être privés d'une victoire qui leur a coûté si cher._» Les
+deux grands groupements politiques européens se trouvent ainsi aux
+prises à propos de la question d'Albanie.
+
+En effet, le «dépouillement» par l'Autriche des Monténégrins, des Serbes
+et des Grecs serait considéré dans tous les Balkans, par tous les Slaves
+d'Autriche-Hongrie, dans le monde entier d'ailleurs, comme un triomphe
+de la Triple Alliance et un échec considérable pour la Triple Entente,
+particulièrement grave pour la Russie.
+
+La Russie, évidemment, en raison de sa politique séculaire, ne peut pas,
+sans compromettre de la façon la plus grave son prestige de grande
+puissance, abandonner à la pression allemande de Vienne des États slaves
+et orthodoxes comme la Serbie, comme le Monténégro, «le seul ami de la
+Russie»,--disait jadis Alexandre III.
+
+Pour ces raisons, à la conférence des ambassadeurs de Londres, les
+alliés s'attendent, à propos de l'Albanie, à être soutenus fermement par
+la Triple Entente. Puisque les grandes puissances, dans l'ensemble, ne
+veulent certainement pas la guerre, la meilleure solution à souhaiter,
+c'est qu'une conciliation puisse se faire entre les points de vue si
+opposés de l'Autriche et des alliés. On tend, d'ailleurs, dès
+maintenant, à une transaction.
+
+Ce qu'il faut bien comprendre encore, c'est que plus le territoire de
+l'Albanie sera restreint, et davantage la diplomatie européenne sera
+délivrée pour l'avenir des soucis incessants et certains que lui réserve
+la création d'un État albanais. On ne saurait se le dissimuler, le futur
+État albanais sera le foyer des intrigues les plus variées:
+autrichiennes, italiennes, monténégrines, serbes, grecques, albanaises,
+au-dessus desquelles devront s'exercer le contrôle et la garantie de
+l'autonomie des six grandes puissances! Quelles perspectives!
+
+Dans ces conditions, le simple bon sens indique que moins le «guêpier»
+albanais sera étendu, moins nombreux seront les soucis que les
+puissances auront fatalement à son sujet. Par contre, plus la part des
+alliés sera grande et plus vaste sera le domaine de la civilisation. Ce
+qu'ont déjà su faire les Grecs, les Monténégrins et les Serbes des
+territoires conquis jadis sur les Turcs est un gage certain de l'oeuvre
+bien faisante qu'ils sauront accomplir dans leurs nouvelles
+Possessions.
+
+ANDRÉ CHERADAME.
+
+
+
+[Illustration: LE SIÈGE D'ANDRINOPLE.--La situation au moment de
+l'armistice et à la reprise des hostilités.
+
+La ligne principale de défense turque, indiquée schématiquement sur le
+croquis, n'a été rompue, en novembre, qu'au sud-ouest et à l'ouest, les
+Bulgares s'étant emparés de Kartal-Tépé et d'une partie des forts de
+Papas-Tépé d'où ils peuvent maintenant bombarder une partie de la
+ville.--La ligne enveloppante de petits rectangles indique la
+répartition des troupes assiégeantes dans les secteurs, et non pas leurs
+positions qui sont beaucoup plus avancées.]
+
+[Illustration: DEVANT ANDRINOPLE.--Le général Ivanof, qui commande
+l'armée de siège bulgare, sur la rive de la Maritza, avec son
+état-major. _Photographie. G. Woltz._]
+
+[Illustration: UNE FABLE DE LA FONTAINE EN ACTION.--_Le Meunier, son
+fils et l'âne_, dans le Turkestan. _Phot. A. Svoboda._]
+
+C'est une illustration inattendue pour la célèbre fable de La Fontaine,
+_le Meunier, son fils et l'âne_, que nous apporte cette authentique
+photographie qui fut prise à Bokhara, dans le Turkestan... On y
+retrouve, saisis sur le vif, les trois personnages du délicieux apologue
+familier à nos mémoires: le père, vénérable vieillard, coiffé du turban,
+vêtu d'une ample robe rayée, son fils, un enfant encore, «mais non des
+plus petits», et le paisible baudet, docile sous le bât, philosophe que
+les vicissitudes de ce monde n'émeuvent plus.
+
+Le voilà portant bravement sur son échine un double fardeau, dont l'un
+au moins est de poids; mais la route est longue, le soleil ardent, et la
+pauvre bête ne saurait, en cet équipage, aller loin. Pour l'alléger, le
+fils descend; et tout aussitôt les bons villageois rencontrés au passage
+de s'indigner, comme dans la fable, à la vue du jeune homme suivant à
+pied son père, «tandis que ce nigaud, comme un évêque assis, fait le
+veau sur son âne...» Le vieillard, confus, se hâte, pour détourner les
+quolibets, de céder sa place à son fils; et les railleries, maintenant,
+s'adressent au garçon, qui, confortablement installé sur sa monture,
+semble mener «laquais à barbe grisez». Blâmé par ceux-ci, pris en pitié
+par ceux-là, le père se décide à remettre son fils en croupe:
+
+_Eh quoi! charger ainsi une pauvre bourrique!_
+
+Il s'y résout enfin, pour avoir la paix. Et c'est, dans l'aventure, le
+malheureux âne qui, comme on dit, «a bon dos»...
+
+
+
+LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS
+
+_Actualité._ On a déjà lu, dans le _Figaro_, les magnifiques plaidoyers
+de Pierre Loti pour _la Turquie agonisante_. Ces pages courageuses de
+pitié et de justice aussi, dans lesquelles l'immortel auteur
+d'_Aziyadé_, de _Jérusalem_, des _Désenchantés_, demande grâce pour le
+vaincu oriental et stigmatise l'appel à la curée, sont réunies en un
+petit volume (Calmann-Lévy, 2 fr.) qui prend une place d'honneur et
+marque une date émouvante dans l'oeuvre de Loti. Cette noble et ardente
+protestation n'arrêtera point sans doute la fatalité qui entraîne les
+destinées d'un peuple. Mais ce cri d'humanité n'en aura pas moins eu son
+retentissement dans le monde: et, chez nous, dans cette France
+protectrice depuis des siècles des Latins orientaux que menacera
+évidemment désormais l'hégémonie orthodoxe, dans cette France,
+conseillère jadis écoutée à Constantinople et commanditaire pour près de
+3 milliards des organisations financières et des entreprises
+industrielles et commerciales de l'Empire en détresse, tels
+avertissements directs de Loti, que, sous une autre forme, saisissante
+et documentaire, nous trouvons répétés dans l'enquête suprême de M.
+Stéphane Lauzanne, _Au chevet de la Turquie_, ne sauraient passer au
+milieu de l'indifférence.
+
+_Philosophie._
+
+La philosophie sereine et consolante de Maurice Maeterlinck s'efforce,
+aujourd'hui, de nous réconcilier avec _la Mort_ (Fasquelle). L'auteur de
+_la Sagesse_ et du _Trésor des humbles_ a écrit pour notre âme angoissée
+par le grand mystère, une sorte de manuel de la bonne mort, où, à les
+regarder attentivement et courageusement en face, avec sang-froid, on
+voit peu à peu se dissoudre et s'évanouir les horreurs et les affres de
+l'heure dernière. Non point qu'il tente de nous révéler quelques-uns des
+secrets de l'au delà. Car nul, sur cette terre, ne prononcera le mot qui
+mettra un terme à nos incertitudes. Et d'ailleurs non seulement nous
+avons à nous résigner à vivre dans l'incompréhensible, mais nous devons
+même nous réjouir de n'en pouvoir sortir. «Si, en effet, il n'y avait
+plus de questions insolubles ni d'énigmes impénétrables, l'infini ne
+serait pas infini; et c'est alors qu'il faudrait à jamais maudire le
+sort qui nous aurait mis dans un Univers proportionné à notre
+intelligence. Tout ce qui existe ne serait plus qu'une prison sans
+issues, un mal et une erreur irréparables. L'inconnu et
+l'incommensurable sont nécessaires à notre bonheur. Et je ne
+souhaiterais pas à mon pire ennemi, sa pensée fût-elle mille fois plus
+haute et plus puissante que la mienne, d'être éternellement condamné à
+habiter un monde dont il aurait surpris un secret essentiel et auquel,
+étant homme, il aurait commencé à comprendre quelque chose.»
+
+_Histoire._
+
+Le seul mérite de nous avoir révélé les frères Tharaud suffirait à
+témoigner de l'utilité d'un jury littéraire contre qui, pour un vote
+récent et contestable, se sont élevées d'assez vives attaques. MM.
+Jérôme et Jean Tharaud sont de beaux écrivains français et on les tient
+au premier rang de ceux qui ont le scrupule d'exprimer notre langue dans
+toute sa pureté et sa lumière. Ils atteignent la perfection dans le
+récit, précis et simple, mais où l'on devine une préparation laborieuse,
+et une application disciplinée qui maîtrise l'élan. Ils ne nous
+paraissent point avoir l'imagination assez libre ni l'âme assez
+fougueuse pour nous donner jamais ces oeuvres qui atteignent le coeur et
+qui laissent en nous, durablement, des émotions ou des mirages. Ils
+n'ont point la sensibilité instinctive et contagieuse--celle de
+Maupassant, par exemple--qui ne saurait naître, d'ailleurs, d'une
+collaboration. Mais on doit attendre d'eux une longue série de petites
+oeuvres parfaites, qui leur survivront--et ils sont jeunes--et que l'on
+aimera conserver dans les bibliothèques, comme de précieuses choses,
+dans l'enchâssement de délicates reliures. Ainsi fera-t-on pour _la
+Tragédie de Ravaillac_ (Émile-Paul) que les Tharaud, avec tout le relief
+de leur art expressif et la richesse élégante de leur pensée, évoquent à
+leur tour au fil des documents contemporains, contrôlés et confrontés et
+qui, surtout, invitent à rêver lorsque, les ayant vus, on a fait le tour
+des remparts d'Angoulême, remonté la Charente et vagué «jusqu'aux
+prairies de Touvre, sous le château ruiné auquel la tradition populaire
+rattache par un sentiment profond la mémoire de Ravaillac, au bord de ce
+gouffre glacé sur lequel, assurément, comme tous les enfants du pays, il
+est venu pencher son visage, et dont les eaux mystérieuses qu'agite un
+bouillonnement perpétuel semblent retenir encore l'ombre de son âme
+tourmentée».
+
+_Romans._
+
+On peut s'enliser à jamais et mortellement dans les _Sables mouvants_ de
+la vie parisienne, dès que l'on rompt toutes attaches à certains
+principes stricts des vieilles traditions. Mme Colette Yver nous
+affirme, en son nouveau roman, d'une observation pénétrante et actuelle
+(Calmann-Lévy), qu'il est bien difficile de ne se point égarer lorsque
+la voie, trop neuve, où nous orientons notre vie, n'est plus une route
+comme celle «qui conduit chez nous à la campagne et que nous voyons
+s'allonger si droite, si facile, piétinée, durcie par tous les gens du
+pays qui cheminent là depuis des siècles.» C'est un thème assez analogue
+à celui que traitait récemment et différemment M. Jacques des Gâchons
+dans _la Vallée bleue_. Mme Colette Yver nous silhouette en trait
+décisifs une fillette étrangement précoce qui ouvre trop vite son
+intelligence au contact incessant des intelligences de «grandes
+personnes» près desquelles on la voit toujours rôder silencieuse et
+indifférente, semble-t-il. Mais son coeur, qui n'a pas été lentement
+modelé par les soins pieux d'une mère attentive ou d'une éducatrice
+habile, reste en friche, tout en instincts et en appétits, ignorant le
+devoir et la pitié, les deux seules lumières qui auraient encore pu lui
+servir de guides dans les sables mouvants. Et, lorsque, devenue jeune
+fille, il arrive qu'elle aime, c'est avec une passion brutale et cruelle
+qui brise tout et laisse un profond sillage de deuil. L'expiation
+viendra ensuite. L'ardente et implacable créature apprendra, dans la
+douleur sans espoir, le sens profond de la pitié et de l'amour,--mais
+trop tard puisque les ruines sont faites. Les «marionnettes de luxe»,
+nous dit M. Michel Provins, ont l'appétit très court aussi bien pour le
+coeur que pour l'estomac; de là une infinité de ruptures, comiques,
+dangereuses ou tristes simplement comme les rêves qui s'éteignent. Les
+héros de M. Michel Provins, qui sont ces mondains d'aujourd'hui dont
+l'amour, léger, égoïste, intéressé, peu sentimental, meurt très vite de
+satiété, ont acquis, dans la manière de _bien finir_, une véritable
+virtuosité que l'adroit auteur de tant de fins dialogues nous révèle
+joliment (Fasquelle) dans _l'Art de rompre._
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+_L'Enchantement_, que vient de reprendre la Renaissance, marqua, voici
+treize ans--à la Renaissance, mais avec l'interprétation de l'Odéon,
+qui avait cédé sa scène à la Comédie-Française incendiée--l'éclatant
+début de M. Henry Bataille sur une scène régulière. Sa notoriété, puis
+sa célébrité n'ont fait que grandir depuis. On se souvient du sujet de
+la pièce: entre deux soeurs qu'une grande affection unit, un homme s'est
+glissé; l'aînée, sérieuse et pondérée, l'épouse, plus par raison que par
+amour; de dépit, la cadette, à l'amour instinctif, tente de
+s'empoisonner; son aînée pense la guérir en la conservant en tiers dans
+son ménage; mais, peu à peu, torturée de jalousie, à son tour elle
+éprouvera la passion à laquelle elle ne croyait pas, elle subira
+«l'enchantement» de l'amour et elle se séparera de la soeur qu'elle
+chérit pour garder exclusivement le mari qu'elle adore à présent. Tout
+l'essentiel du talent d'Henry Bataille est là en puissance. Mme Berthe
+Bady joue le rôle principal avec une vie, une sensibilité
+extraordinaires; Mlle Renouard est très juste de ton et d'attitude dans
+le personnage difficile de la soeur cadette. M. Dubosc a composé
+finement la physionomie du mari adoré.
+
+_Sylla_, tragédie représentée précédemment au théâtre de Monte-Carlo, a
+été chaleureusement accueillie en matinée, à l'Odéon. Son auteur, M.
+Alfred Mortier, a des dons véritables de poète tragique.
+
+A l'Opéra, le «conte musical» de M. André Gailhard, _le Sortilège_--dont
+le livret est de M. Maurice Magre--a reçu le meilleur accueil. Ce jeune
+compositeur est un laborieux qui possède en outre des qualités
+inventives, le goût du pittoresque et beaucoup de charme.
+
+L'esprit de M. Bernard Shaw ne nous est perceptible qu'au travers d'une
+traduction. Néanmoins, il apparaît d'une originalité singulière faite
+d'ironie froide, de puissance comique et d'un penchant non contrarié à
+la mystification. Sa comédie: _On ne peut jamais dire..._ représentée au
+Théâtre des Arts, abonde en traits inattendus, un peu déconcertants,
+sans laisser d'être plaisante.
+
+Au théâtre Apollo, nous avons revu avec plaisir _Monsieur de La Palisse_
+et nous nous sommes divertis aux cocasses aventures qui lui adviennent
+du fait de MM. de Fiers et de Caillavet, ses parrains. La musique de M.
+Claude Terrasse est pleine d'allégresse et d'esprit; cette opérette a
+retrouvé le franc succès qui l'accueillit en 1904, lors de sa création.
+
+Cluny est la dernière bastille du vaudeville: _la Cocotte bleue_ vient
+d'y être enfermée. Elle y sera visible chaque jour, sans doute fort
+longtemps. Le public est convié à venir s'y dérider au spectacle des
+péripéties où de nombreux personnages se démènent avant d'atteindre à un
+dénouement heureux et prévu, quoique différé.
+
+LA DISSOLUTION DU «SOUVENIR ALSACIEN-LORRAIN.»
+
+Bien souvent, nous avons eu l'occasion le signaler l'oeuvre accomplie
+aux pays annexés par le «Souvenir Alsacien-Lorrain»; de ce côté de la
+frontière, on a toujours suivi avec une sympathie émue les touchantes
+manifestations de ce culte des morts auquel les Alsaciens-Lorrains sont
+demeurés si fidèles. Depuis longtemps elles étaient dans les journaux
+allemands, l'objet de violentes et haineuses attaques. Cette campagne de
+presse vient d'aboutir à ses fins: le gouvernement impérial a prononcé
+la dissolution du «Souvenir»,--mesure qui ne pouvait manquer de
+soulever, dans les deux provinces, une indignation générale. Le décret
+de dissolution invoque les articles du Code pénal qui visent le crime de
+haute trahison. «C'est tout simplement fou, nous écrit notre
+correspondant de Strasbourg. Le «Souvenir «Alsacien-Lorrain» ne
+poursuivait qu'un but infiniment noble: honorer la mémoire des soldats
+tombés sur les champs de bataille de la guerre.»
+
+Un homme était l'âme et la force du «Souvenir», auquel il avait
+consacré, malgré les obstacles, toute son activité patiente et tenace:
+M. Jean. C'est lui que, tout d'abord, on a voulu atteindre: la police a
+perquisitionné à son domicile, à Vallières, et a saisi plusieurs lettres
+privées où des amis de France lui annonçaient l'envoi de cotisations ou
+le félicitaient de son admirable énergie. Parmi elles, il s'en trouvait
+une dans laquelle le correspondant de M. Jean--d'ailleurs inconnu de
+lui--parlait des «petits canons français qui ont fait leurs preuves dans
+les Balkans et qui supprimeront bientôt la frontière maudite». Le
+gouvernement fait grand état de cette lettre, qui a gagné, dans cette
+aventure, une publicité dont seuls les Allemands ne sauraient se
+réjouir.
+
+[Illustration: M. Jean.--_Phot. Studia-Lux._]
+
+En attendant que l'affaire soit portée devant la Chambre des députés,
+l'opinion publique proteste vivement contre la dissolution du
+«Souvenir», tout en affirmant son attachement à l'oeuvre des tombes: «Ce
+coup a été plus douloureux, dit le _Journal d'Alsace-Lorraine_, que
+toutes les autres tracasseries dont nous avons été les victimes, mais il
+ne peut nous faire oublier nos morts. Pour supprimer ce culte de la
+mémoire de nos frères, il faudrait supprimer jusqu'au dernier des
+Alsaciens-Lorrains».
+
+
+
+UN JOURNALISTE COMMANDEUR
+
+Dans la promotion de la Légion d'honneur dite «du 1er janvier», qui
+vient seulement de paraître à _l'Officiel_, figure, au titre du
+ministère de l'Intérieur, non loin de M. Hennion, directeur de la Sûreté
+générale, notre confrère L.-L. Pognon, administrateur de l'Agence Havas,
+promu au grade de commandeur. Si, contrairement à nos habitudes, nous
+enregistrons cette promotion, c'est que L.-L. Pognon est le premier
+journaliste qui, à ce seul titre, reçoive du ministère de l'Intérieur,
+auquel ressortit la presse, la cravate de commandeur.
+
+[Illustration: M. Pognon.--_Phot. Herschel._]
+
+Il n'est pas une salle de rédaction où le bel avancement de L.-L. Pognon
+dans l'ordre national n'ait été salué avec joie: c'est un peu la
+corporation entière qui est honorée en la personne de ce parfait galant
+homme, de ce charmant camarade, si accueillant, si serviable toujours,
+de cet excellent journaliste, si parfaitement maître en son métier.
+
+S'il en avait le loisir--et s'il pouvait aussi conter tout ce qu'il a
+vu--quels mémoires attrayants, mouvementés, pour rait écrire cet homme
+qui depuis tant d'années promène par le monde, au hasard des événements
+politiques, son intelligente activité, sa clairvoyance, sa curiosité
+jamais indiscrète; qui, parti du reportage, en est arrivé à la direction
+d'une des plus importantes agences d'information du monde; qui
+accompagna, presque à ses débuts, Gambetta et recueillit de sa bouche
+quelques-uns des mots historiques gravés dans la pierre de son monument,
+et, tout dernièrement, était, à bord du _Condé_, le compagnon de voyage
+de M. Poincaré. Combien d'événements auxquels il fut présent, seul de
+tous les journalistes, sans qu'aucun de nous songeât à se plaindre de
+cette faveur, tant nous considérons L.-L. Pognon comme le mandataire
+qualifié, et en quelque sorte symbolique, de toute la presse, comme le
+_représentative man_, diraient les Anglais, du vieux journalisme!...
+
+
+
+LE COLONEL GUISE
+
+L'un des officiers attachés à la personne du président de la République,
+M. le colonel Guise, vient de succomber aux suites d'un terrible
+accident.
+
+Il passait à cheval, samedi dernier, sur le cours la Reine quand, aux
+approches de la place de l'Alma, sa monture, effrayée par une
+automobile, s'emballa et, après un brusque écart, fit panache et se tua.
+Le cavalier, fut projeté la tête en avant sur la bordure du trottoir.
+
+On releva, inanimé, le colonel Guise qu'on transporta dans une pharmacie
+voisine d'où, par les soins de M. Collignon, secrétaire général de la
+présidence, il fut conduit au Val-de-Grâce. Là, au premier examen, on
+constata une fracture du crâne. L'opération du trépan s'imposait: le
+médecin principal Ferraton et M. Reverchon, médecin-major, y
+procédèrent. Mais le malheureux colonel ne reprit qu'à peine ses sens,
+et lundi, après deux jours d'agonie, il succombait.
+
+[Illustration: Le colonel Guise.--_Phot. Sazerac._]
+
+Le colonel Guise s'était acquis, dans ses fonctions à l'Elysée, beaucoup
+de cordiales sympathies. 11 était né à Hesdin, dans le Pas-de-Calais, en
+septembre 1861. C'était un cavalier accompli, que ses qualités de
+sportsman avaient désigné comme organisateur des chasses
+présidentielles. Sa mission allait prendre fin avec la retraite de M.
+Fallières, et il venait d'être promu colonel et affecté au 5e
+cuirassiers, à Saumur.
+
+
+
+LE COMMANDANT HOLBECQ
+
+La prise de la casbah d'Anflous nous a coûté réellement plus que nous ne
+le croyions la semaine dernière: 13 tués, dont un officier, et 72
+blessés, dont 4 officiers.
+
+L'officier supérieur qui a trouvé la mort en cette rencontre est le chef
+d'escadron Holbecq, commandant le 1er groupe d'artillerie, au Maroc. Il
+a été frappé au moment où se dessinait la victoire, sur la crête que nos
+troupes venaient d'occuper, comme il faisait son rapport aux généraux
+d'Esperey et Brulard.
+
+Le commandant Holbecq était né le 14 décembre 1864. Il sortait de
+l'École polytechnique et avait passé par l'École de guerre. Il était
+chef d'escadron depuis le mois de juin 1910.
+
+[Illustration: Le commandant Holbecq.--_Phot. Paul Petit._]
+
+Parmi les officiers blessés, on donne les noms du lieutenant
+Brillat-Savarin, de la 3e batterie coloniale, et du lieutenant
+Umbdenstock, de la 4e batterie, celui-ci légèrement atteint, disent les
+dépêches.
+
+
+
+LE PEINTRE DEBAT-PONSAN
+
+Le peintre Édouard Debat-Ponsan est mort la semaine dernière à l'âge de
+soixante-cinq ans.
+
+Il était né à Toulouse, où son père était professeur de musique. La
+guerre de 1870-1871 avait, dès le début, interrompu ses études
+artistiques. Engagé comme franc-tireur, il avait fait campagne sous
+Bourbaki, puis, prisonnier, s'était échappé pour venir reprendre un
+fusil à l'armée de la Loire.
+
+En 1873, il quittait, avec un second prix de Rome, l'École des
+beaux-arts, où il avait été le disciple attentif de Cabanel.
+
+Il se tournait plus particulièrement vers la peinture d'histoire. Une
+bourse de voyage qu'il se vit décerner par l'Institut, en 1877, lui
+permit de parcourir à fond l'Italie, terre des auteurs classiques. De
+cette première période de sa carrière datent la _Fille de Jephté_, le
+_Saint Paul devant l'aréopage, le Matin de la Saint-Barthélémy._
+
+Puis des scènes de la vie rustique, se déroulant dans les larges
+paysages, le tentèrent; des toiles où il se montra excellent peintre de
+plein air, et digne émule de Bastien Lepage.
+
+Entre temps, plusieurs effigies remarquables, qui séduisirent par leur
+ressemblance, leur vérité, le classèrent comme portraitiste très couru.
+C'est ainsi qu'il fixa les traits de _M. et Mme Constans, de MM. Paul de
+Gassagnac, Georges Leygues, Pouyer-Quertier, Camescasse, Pedro
+Gaillard,_--du _général Boulanger_, enfin, alors dans toute sa
+popularité. Ce dernier portrait eut même une histoire, d'ailleurs brève:
+le peintre souhaitait de le voir figurer à l'Exposition de 1889. Les
+qualités intrinsèques de l'oeuvre la rendait digne de cet honneur. Mais
+le gouvernement d'alors s'émut; il redouta des manifestations: M.
+Debat-Ponsan, parfait honnête homme et qui avait d'ailleurs assez de
+talent pour dédaigner comme moyen de succès les démonstrations
+bruyantes, se rendit aux raisons que lui donna le ministre et retira
+spontanément sa toile.
+
+
+
+[Illustration: M. Debat-Ponsan.--_Phot. Braun-Clément._]
+
+UN GRAND HOMME D'ÉTAT
+ESPAGNOL
+
+Le président, de la Chambre et ancien président du Conseil espagnol, M.
+Moret, qui vient de s'éteindre à Madrid, incarnait réellement un
+demi-siècle d'histoire de l'Espagne, car peu d'hommes d'État auront joué
+un rôle si continu dans des régimes aussi divers: élu député indépendant
+en 1863, sous le règne d'Isabelle II, il fut tour à tour ministre du
+dictateur maréchal Serrano, d'Amédée de Savoie, de la République de
+1873, d'Alphonse XII, de la reine régente Marie-Christine, et enfin,
+depuis l'avènement d'Alphonse XIII, chef de trois ministères, en 1905.
+1906 et 1909. Dans ces hautes fonctions, il brilla surtout aux Cortès
+par son admirable éloquence, joignant à la faconde andalouse les
+qualités d'esprit britannique qu'il s'était assimilées durant son
+ambassade à Londres. Par contre, il échoua dans la réalisation de la
+plupart de ses projets politiques, quelques-uns aussi importants que
+l'autonomie coloniale, quand il était ministre d' «Ultramatar», en 1898,
+ou la révision constitutionnelle. Port ulcéré depuis, M. Moret, après
+avoir parlé de se retirer et de bouder la monarchie, avait fini par
+accepter, à la mort de Canalejas, la présidence de la Chambre, où il
+semblait prendre une retraite honorifique, tout en voyant le chef du
+cabinet actuel, M. de Romanonès, ressusciter son ancien programme
+d'attraction des gauches au régime. Ni l'âge, ni les déboires n'avaient
+altéré sa belle prestance et, malgré ses soixante-quinze ans, rien ne
+faisait prévoir sa mort, presque subite, d'une attaque de grippe
+médullaire; il se préparait à partir en villégiature pour le Midi de la
+France (c'était un sincère ami de notre pays). M. Moret possédait déjà
+sa statue, érigée de son vivant à Cadix, sa ville natale, par la
+gratitude et l'admiration de ses concitoyens.
+
+[Illustration: M. Moret.--_Phot. Cabjet._]
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+LA CIRCULATION DANS LES GRANDES VILLES.
+
+Un spécialiste américain, M. Howard, a essayé récemment, sans grand
+succès, de résoudre le problème de la circulation dans certaines rues de
+Paris très encombrées. Il ne soupçonnait sans doute point la difficulté
+d'une telle entreprise. Il publie aujourd'hui un tableau comparatif d'où
+il résulte que dans plusieurs grandes voies parisiennes l'intensité de
+la circulation est considérablement plus grande qu'en aucune autre ville
+du monde.
+
+Voici un extrait de ce tableau indiquant le nombre total de véhicules
+circulant de 7 heures à 19 heures dans certaines artères de plusieurs
+grandes cités:
+
+_Paris:_
+
+Rue de Rivoli................. 33.232
+Avenue de l'Opéra............. 29.460
+Boulevard de la Madeleine..... 17.524
+Boulevard des Italiens........ 20.124
+Rue Saint-Honoré.............. 16.598
+
+_Berlin:_
+
+Potsdam Platz................. 14.221
+Leipzig Strasse............... 9.596
+Friederichs Platz............. 13.479
+
+_Londres:_
+
+Strand........................ 16.208
+Cheapside..................... 11.019
+Gracechurch Street............ 12.148
+
+_New-York:_
+
+5e avenue près de la 58e rue.. 8.665
+1re avenue.................... 2.301
+Broadway, près Franklin Street. 3.277
+Wall Street................... 2.443
+
+_Chicago:_
+
+Wabash Avenue................. 3.794
+Sheridan Road................. 5.736
+
+_Philadelphie:_
+
+Broad Street.................. 6.176
+Filbert Street................ 5.185
+
+Le nombre de voitures circulant dans la rue de Rivoli est donc plus de
+deux fois supérieur à celui des voitures qui roulent dans le Strand, le
+quartier le plus mouvementé de Londres.
+
+Si, au lieu de considérer le nombre absolu de véhicules, on tient compte
+de la largeur de voie occupée, Paris détient encore le record de
+l'encombrement.
+
+Le nombre de voitures circulant par yards (0m,90) de voie, dans le temps
+indiqué plus haut, atteint, en effet: 2.767, rue de Rivoli; 1.789,
+avenue de l'Opéra; 1.019, boulevard de la Madeleine; 1.093, boulevard
+des Italiens; 1.976, rue Saint-Honoré. Il s'élève à 1.430 pour le Strand
+de Londres; à 1.016 pour Potsdam Platz à Berlin; à 673 pour la 5e avenue
+à New-York.
+
+Enfin, si on compare le poids total des véhicules passant dans le même
+temps sur une même largeur de chaussée, on retrouve une proportion
+analogue.
+
+
+
+OISEAUX ET AÉROPLANES.
+
+Les oiseaux, on le sait, font de l'aviation de deux manières. Les uns
+planent, c'est-à-dire se font porter par le vent, et ont une grande
+surface alaire; les autres battent de l'aile, et ont une surface alaire
+faible.
+
+Ces deux méthodes comportent de sensibles différences de moteur. Chez
+l'oiseau, le moteur, ce sont les muscles pectoraux, et le coeur. Car des
+muscles puissants développant de grands efforts supposent un coeur plus
+énergique, plus lourd, plus actif.
+
+Or, comment se comportent le coeur et les muscles chez les deux groupes?
+M. A. Magnan, qui a étudié le problème, a abouti à des conclusions
+telles que l'on pouvait s'y attendre. C'est-à-dire que chez les planeurs
+qui ne rament guère les muscles ne sont pas considérables, ni le coeur
+très développé. Chez les rameurs qui battent de l'aile, au contraire,
+les muscles et le coeur ont un développement très supérieur.
+
+Ainsi les rapaces nocturnes qui planent ont 105 grammes de muscles
+pectoraux par kilo de poids, et 7 gr. 3 de coeur par kilo. Par contre,
+les gallinacés rameurs ont 263 gr. 7 de pectoraux et 13 gr. 4 de coeur
+par kilo. La différence est très considérable, mais toute naturelle. Il
+en faut conclure, en aviation, que le moteur doit être d'autant plus
+puissant que la surface portante est moindre, bien que dans l'aéroplane
+il n'y ait pas de battement d'aile.
+
+
+
+LES RÉSULTATS DE LA VACCINATION ANTITYPHIQUE.
+
+On ne s'accorde guère, dans le monde médical, sur la valeur respective
+des divers vaccins antityphiques essayés en ces derniers temps. Il
+semble, d'ailleurs, prudent de ne pas accorder une foi trop absolue à
+des statistiques autour desquelles peuvent s'agiter des questions
+d'amour-propre ou de jalousie professionnelle.
+
+Il est intéressant, toutefois, de signaler, les résultats que le docteur
+Vincent déclare avoir obtenus récemment sur la garnison d'Avignon.
+
+Par suite de la mauvaise qualité des eaux, la fièvre typhoïde règne à
+l'état endémique dans la capitale de Vaucluse. De 1892 à 1912, il y eut
+dans la garnison 1.263 cas suivis de 118 décès. Chaque année, on compte
+de 10 à 30 décès dans la population civile.
+
+Une épidémie terrible s'est déclarée au mois de juin dernier. Sur une
+population de 49.000 âmes, on compta, en quelques semaines, 2.000 cas et
+64 décès.
+
+La garnison s'élevait à 2.053 hommes, dont 525 avaient été immunisés
+avant l'épidémie; on en vaccina 841 autres. Il restait donc 687 témoins
+qui avaient négligé de se faire inoculer. Or, sur ces derniers, il y eut
+153 cas de fièvre typhoïde, dont 22 suivis de mort. Le groupe des 1.366
+hommes vaccinés fut complètement indemne.
+
+D'autre part, M. Roux, directeur de l'Institut Pasteur, a signalé à
+l'Académie des sciences les résultats obtenus avec le vaccin du docteur
+Chantemesse.
+
+Ce vaccin, formé de bacilles typhiques stérilisés par chauffage, est
+assez ancien. Le docteur Chantemesse le fit connaître en 1887, mais il
+ne l'appliqua lui-même à l'homme, à Paris, qu'en 1899. Dès 1896,
+pourtant, des expériences avaient été faites à l'étranger.
+
+En 1912, après avis favorable de l'Académie de médecine, on pratiqua
+l'inoculation dans les troupes des confins algéro-marocains. Au Maroc,
+aucun homme vacciné ne fut atteint de la fièvre typhoïde.
+
+Presque en même temps, M. Delcassé autorisait la vaccination des
+équipages de la flotte et des ouvriers des ports français. Cela
+représente une population d'environ 67.000 hommes, parmi laquelle, du 5
+avril à fin décembre 1912, on constata 542 cas de fièvre typhoïde, soit
+environ 1%.
+
+Aucun cas ne se produisit parmi les 3.107 personnes qui avaient consenti
+à se faire immuniser avec le vaccin du docteur Chantemesse.
+
+D'ailleurs, au récent congrès de Washington, le major Russel déclarait
+que, depuis l'emploi du vaccin préparé selon la méthode Chantemesse, la
+fièvre typhoïde a pratiquement disparu de l'armée navale des États-Unis.
+
+
+
+L'IMPORTATION DE LA VIANDE EN ANGLETERRE.
+
+L'importation de la viande en Angleterre subit en ce moment une
+évolution curieuse: les importations d'animaux vivants diminuent dans
+une proportion considérable et sont remplacées par des importations de
+viande abattue, en général congelée.
+
+Les importations de boeufs vivants, en provenance du Canada et des
+États-Unis, seuls pays dont le bétail soit admis en Grande-Bretagne,
+sont tombées de 200.000 têtes en 1911 à 48.000 têtes en 1912. Par
+contre, les arrivages de viande de boeuf sont passés de 7.360.000
+quintaux à 8.015.000 quintaux.
+
+D'après les calculs du _Board of Agriculture_, le poids de la viande de
+boeuf représenté par les animaux vivants importés atteint seulement 4%
+des quantités introduites sous forme de viandes abattues. La proportion
+est encore plus faible pour le mouton.
+
+[Illustration: Loisirs archéologiques de marins américains: l'équipage
+du cuirassé _Tennessee_ visitant les ruines du théâtre d'Éphèse, sous la
+conduite du professeur Lawrence.--_Phot. Rubellin._]
+
+
+
+LES AMÉRICAINS A SMYRNE
+
+De toutes les conséquences de la guerre d'Orient, la moins inattendue
+n'est certes point celle que signale cette photographie de marins
+américains visitant, en troupe, les ruines d'Éphèse, que nous
+reproduisons ci-dessus... La nécessité de maintenir l'ordre dans le
+Levant avait amené l'un des bâtiments de l'escadre internationale
+envoyée dans les eaux turques, le _Tennessee_, battant pavillon des
+États-Unis, à stationner devant Smyrne. Le calme de la région donna,
+fort heureusement, des loisirs à l'équipage du cuirassé: ils furent
+employés de profitable façon.
+
+Un beau matin de janvier, les matelots du _Tennessee_ se rendirent, sous
+la conduite de leurs officiers, à Éphèse, à 60 kilomètres de la côte.
+
+Les fouilles de ces dernières années ont mis à jour les magnifiques
+vestiges de cette ville, l'une des plus florissantes jadis d'Asie
+Mineure. Les marins purent admirer les témoignages de son antique
+grandeur, attestée par de nombreux monuments, les Thermes, la
+Bibliothèque, le Forum, le Théâtre, enfin. Guidés dans cette promenade
+archéologique par le professeur Lawrence, de l'Institut américain de
+Smyrne, ils écoutèrent, en élèves attentifs, ses explications; et ce
+furent, dans les ruines, de petits cours improvisés, auxquels les
+uniformes donnaient un pittoresque imprévu.
+
+
+
+[Illustration: Les derniers francs-tireurs de Fontenoy-sur-Moselle,
+réunis pour célébrer l'anniversaire du combat du 22 janvier
+1871.--_Phot. P. Valek._]
+
+ANNIVERSAIRE PATRIOTIQUE
+
+Un glorieux anniversaire a été célébré, récemment, à
+Fontenoy-sur-Moselle, près de Toul. Le 22 janvier 1871, quelques jours
+avant l'armistice qui allait suspendre les hostilités, une poignée de
+francs-tireurs attaquaient les postes allemands établis dans la petite
+commune, et, après une lutte acharnée, s'en emparaient de vive force. Ce
+brillant fait d'armes devait attirer à la population de Fontenoy de
+cruelles représailles.
+
+L'épisode a été commémoré, le dimanche 26 janvier, en une touchante
+cérémonie, que présidait M. Langenhagen, sénateur de Meurthe-et-Moselle.
+Au pied du monument consacré «aux vaillants combattants du 22 janvier
+1871» et «aux habitants victimes innocentes de leur patriotisme», des
+discours furent prononcés, en présence des derniers survivants de
+l'héroïque escarmouche. Puis le petit groupe des anciens francs-tireurs
+de Fontenoy se rendit sur le lieu du combat; et c'est là, sur le seuil
+de la gare où, quarante-deux ans auparavant, ils avaient surpris
+l'ennemi, que ces vieux soldats, de belle allure encore et portant
+fièrement leurs décorations, se laissèrent photographier.
+
+
+
+UN MONUMENT A ERNEST REYER
+
+Voici un peu plus de quatre ans qu'Ernest Reyer s'est éteint au
+Lavandou, cette petite station maritime du Var, abritée du mistral dans
+le golfe d'Hyères, où, sur ses vieux jours, le célèbre compositeur, ami
+d'une studieuse retraite, avait coutume de prendre ses quartiers
+d'hiver. L'idée devait tout naturellement venir à ses admirateurs, à ses
+amis, de lui élever un monument dans ce joli coin de Provence qu'il
+favorisait d'une prédilection particulière, et qui reste, désormais,
+attaché, si l'on peut dire, à sa gloire.
+
+Le soin de faire revivre dans le bronze la belle figure d'Ernest Reyer,
+si fin d'esprit et de coeur sous ses dehors de militaire bourru, à la
+rude moustache, a été confié au sculpteur Denys Puech, de l'Institut: il
+a exprimé avec bonheur ce que cette mâle apparence cachait de naturelle
+bonté. Le buste est placé sur un piédestal carré en pierre grise, qui
+porte, au-dessus d'une lyre traversée d'une palme, une simple dédicace.
+
+[Illustration: Le monument d'Ernest Reyer au Lavandou. _Phot. M. Bar._]
+
+Situé dans un joli cadre de verdure, le monument, qu'on a bien voulu
+dévoiler un instant pour permettre la photographie que nous en donnons,
+est tout prêt à être inauguré: la cérémonie officielle a été fixée au 16
+février.
+
+
+
+Le 4e article illustré de L. Sabattier: «Un mois à Pékin», comprendra
+quatre pages en couleurs et paraîtra dans le prochain numéro.
+
+[Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre ne nous
+ont pas été fournis.]
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 3650, 8 Février
+1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3650, 8 ***
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+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
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+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
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+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
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+ and discontinue all use of and all access to other copies of
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+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
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+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
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+1.F.
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+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
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+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
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+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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+Title: L'Illustration, No. 3650, 8 Février 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: September 28, 2011 [EBook #37555]
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+Language: French
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3650, 8 ***
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+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
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+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+<p>L'Illustration, No. 3650, 8 Février 1913</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<div class="sml">
+<p>Ce numéro se compose de <span class="sc">vingt pages</span> au lieu de seize et contient deux
+suppléments:<br>
+
+1° <i>L'Illustration Théâtrale</i> avec le texte complet de <span class="sc">La Femme seule</span>,
+de M. Brieux;<br>
+
+2° Le 3e fascicule des <span class="sc">Souvenirs d'Algérie</span> (Récits de chasse et de
+guerre), du général Bruneau.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>«SERVIR»</b></p>
+
+<p>Considérez ce visage... Il respire l'énergie, la douleur, l'amertume...
+Les yeux où brille un feu sombre disent la volonté tendue, l'idée fixe,
+l'obsession. Sous le front labouré de rides hautaines, il y a de
+l'orgueil, du rêve,--de la chimère, peut-être. Le nez est impérieux, la
+bouche fine sous la moustache grise. Un pli de souffrance a creusé les
+joues. Et tout cela décèle l'autorité, la force, la distinction native,
+la race. Cet homme, assurément, est un chef... Quels revers a-t-il
+subis? Fut-il coupable ou seulement malheureux?... Sans doute, de
+magnifiques espoirs exaltaient son coeur de soldat: lutter pour la cause
+sainte jusqu'à la victoire,--ou jusqu'à la mort; se battre en plein
+jour, face à l'ennemi; donner, recevoir des coups retentissants et
+loyaux... Et voici que la plus injuste des catastrophes a réduit à
+l'impuissance, immobilisé, foudroyé ce héros. Il se sent inutile. Il
+pleure. Mais sa foi subsiste. Prêt à toutes les immolations, sa grande
+âme subitement raffermie, il se courbe, il ramasse à terre les tronçons
+de l'épée, et se redresse. Le bonheur a fui. L'honneur et la fierté sont
+intacts... Dans quelques heures, ces choses émouvantes seront dites sur
+la scène française, ces sentiments exprimés par le puissant interprète
+du grand écrivain Henri Lavedan, par Lucien Guitry, le colonel Eulin de
+Servir.</p>
+<br><br>
+
+<h2>LA PETITE ILLUSTRATION</h2>
+
+<h4>TRENTE-DEUX PAGES DE THÉÂTRE OU DE ROMAN CHAQUE SEMAINE</h4>
+
+<p>L'Illustration <i>a préparé et va réaliser à partir du 1er mars 1913 une
+nouvelle amélioration qui sera, nous n'en doutons pas, appréciée de ses
+lecteurs.</i></p>
+
+<p><i>Auprès des brochures de</i> L'Illustration Théâtrale, <i>contenant 32 ou 40
+pages de texte, quelquefois davantage, les minces fascicules consacrés
+au roman faisaient, depuis quelques années, assez médiocre figure. Ils
+paraissaient insuffisants surtout pendant les mois d'été, alors que les
+théâtres restent fermés et que</i> L'Illustration Théâtrale, <i>faute
+d'aliment, doit cesser de paraître</i>.</p>
+
+<p><i>D'autre part, ainsi fragmentés en douze ou quatorze fascicules, coupés
+toutes les huit pages selon les seules nécessités typographiques, au
+milieu d'un récit, d'une description ou d'un dialogue, les romans les
+plus attrayants laissaient l'intérêt en suspens, perdaient leur
+équilibre, et la curiosité du lecteur était trop souvent détournée et
+déçue, pendant les trois mois que durait la publication.</i></p>
+
+<p><i>Pour remédier à ce double inconvénient, la solution était tout
+indiquée:</i></p>
+
+<p><i>Dans chacun des numéros de l'année, aussi bien en été qu'en hiver,
+donner aux abonnés et aux acheteurs de</i> L'Illustration, <i>outre leur
+journal, un supplément qui comprît toujours 32 ou 40 pages de texte,
+soit théâtre, soit roman, sous la signature des auteurs les plus
+appréciés, ceux qui sont applaudis sur les scènes parisiennes et ceux
+dont les livres atteignent un tirage considérable. Publier par
+conséquent les romans, non plus en fragments trop courts, en tranches
+immuables de 8 pages, mais par larges parties, selon les intentions de
+l'auteur, avec des divisions logiques, telles que chaque partie contînt
+suffisamment d'intérêt propre.</i></p>
+
+<p><i>Nous avons donc été amenés à créer en quelque sorte une nouvelle
+publication, englobant et complétant</i> L'Illustration Théâtrale.</p>
+
+<p><i>Ce sera</i> LA PETITE ILLUSTRATION.</p>
+
+<p>La Petite Illustration--Roman, Théâtre--<i>paraîtra toutes les semaines
+(sauf pendant celle qui est réservée au Numéro de Noël) et aura par
+conséquent 51 numéros par an. Trente fois environ, ce sera l'actuelle</i>
+Illustration Théâtrale <i>sous un autre titre. Et, dans les vingt autres
+numéros, elle contiendra des romans, divisés, selon le plan des auteurs,
+en trois ou quatre parties (cinq pour les oeuvres exceptionnellement
+considérables).</i></p>
+
+<p><i>Au lieu de quatre romans dans l'année, nous comptons ainsi, sans
+diminuer le nombre des pièces de théâtre, en publier six, sous un aspect
+infiniment plus favorable à la lecture et plus conforme aux intentions
+des écrivains.</i></p>
+
+<h4>NOS PROCHAINS ROMANS</h4>
+
+<p><i>Les plus grands romanciers contemporains, quand ils ont été mis au
+courant de notre projet, nous ont immédiatement assuré leur concours.</i></p>
+
+<p><i>Dans le premier numéro de mars, comme nous l'avons déjà annoncé,
+commencera la publication des</i> Anges Gardiens, <i>par Marcel Prévost, de
+l'Académie française, qui n'avait publié aucun roman important depuis</i>
+Pierre et Thérèse, <i>il y a quatre ans</i>. Les Anges Gardiens <i>sont la
+première oeuvre d'une série intitulée</i> Ce temps-ci <i>et qui en comprendra
+deux autres:</i> Lodore <i>et</i> les Don-Juanes, <i>réservées également à</i> La
+Petite Illustration.</p>
+
+<p><i>Après le roman de Marcel Prévost, nous publierons successivement:</i></p>
+
+<p><i>De Paul Bourget, de l'Académie française:</i> le Démon de midi;<br>
+<i>De Michel Provins:</i> Un Roman de théâtre;<br>
+<i>De Gaston Rageot:</i> la Voix qui s'est tue;<br>
+<i>D'Alfred Capus:</i> Scènes de la vie difficile;<br>
+<i>D'Henry Bordeaux:</i> Coeurs incertains;<br>
+<i>De Victor Margueritte:</i> l'Émigrant;<br>
+<i>et des oeuvres de Marcelle Tinayre, Myriam Harry, Gaston Chérau, Gaston Leroux, etc.</i></p>
+
+<p><i>Pendant l'été,</i> La Petite Illustration-roman <i>paraîtra chaque semaine,
+et une des oeuvres que nous venons d'énumérer pourra être offerte tout
+entière à nos lecteurs en un mois. Pendant certains mois d'hiver,</i> La
+Petite Illustration-théâtre <i>aura une publication ininterrompue. Pendant
+les périodes intermédiaires, roman et théâtre alterneront.</i></p>
+
+<h4>LE NOUVEAU PRIX</h4>
+
+<p><i>Comme conséquence, le prix de tous les numéros de</i> L'Illustration,
+<i>avec celui de</i> La Petite Illustration <i>(théâtre ou roman) dont ils
+seront accompagnés, sera porté de 0 fr. 75 à 1 franc--soit une
+augmentation de 1/3--comme l'était déjà celui des numéros contenant</i>
+L'Illustration Théâtrale.</p>
+
+<p><i>Si nous augmentions dans la même proportion le tarif de l'abonnement,
+il serait porté de 36 francs à 48 francs pour la France, de 48 francs à
+64 francs pour l'étranger.</i></p>
+
+<p><i>Mais</i> L'Illustration <i>a toujours voulu accorder les conditions les plus
+favorables à ses lecteurs les plus réguliers et les plus fidèles: ses
+abonnés.</i></p>
+
+<p><i>L'augmentation que nous leur demanderons sera non pas de 1/3, mais de
+1/9 seulement, le tarif nouveau que nous avons adopté étant de 40 francs
+au lieu de 36 francs pour la France et ses colonies, de 52 francs au
+lieu de 48 francs pour les pays étrangers (1).</i></p>
+
+<blockquote>Note l: <i>Les changements d'adresse</i>, pour lesquels nous demandions jusqu'à
+présent 0 fr. 50, afin de couvrir les frais qu'ils entraînent, seront
+désormais <i>gratuits</i>, même pour les abonnés ayant souscrit avant le 1er
+mars, à l'ancien tarif, et à qui le nouveau prix ne sera applicable que
+lorsqu'ils renouvelleront leur abonnement.</blockquote>
+
+<h4>LES PROGRÈS DE «L'ILLUSTRATION»</h4>
+
+<p><i>Il nous est bien permis, au moment où nous allons leur demander ce
+léger concours, de rappeler aux abonnés de</i> L'Illustration <i>tout ce
+qu'ils ont reçu depuis vingt ans sans aucune augmentation de prix.</i></p>
+
+<p><i>Le numéro type comptait, en principe, uniformément 16 pages de gravures
+et de texte, ce qui donnait, à la fin de l'année, un total de 832
+pages.</i></p>
+
+<p><i>Or, en 1912, douze numéros seulement n'ont eu que 16 pages. Les
+quarante autres ont compté 18, 20, 22, 24 (ce chiffre s'applique à vingt
+numéros), 28, 36 et 58 pages, formant un total de 1.158 pages, soit un
+surcroît de plus de 320 pages, équivalant à 20 numéros ordinaires de
+plus dans l'année.</i></p>
+
+<p><i>Faut-il parler du contenu de ces numéros, maintenant imprimés
+entièrement sur papier couché; des nombreuses reproductions en couleurs
+ou en taille-douce, dans le texte ou remmargées; des courriers d'Henri
+Lavedan; de séries d'articles comme ceux de Pierre Loti sur Angkor, de
+Georges Clemenceau sur l'Amérique du Sud, de Louis Bart hou sur le Soudan
+égyptien; de correspondances illustrées comme celles de Gustave Babin
+(Maroc), de Georges Rémond (Tripolitaine), de L. Sabattier (Pékin),
+d'Alain de Penennrun (campagne des Bulgares en Thrace), etc.? Et est-il
+besoin d'évoquer le succès littéraire, artistique et typographique
+qu'ont obtenu les derniers numéros du Salon et surtout de Noël?</i></p>
+
+<p><i>Enfin, tout en transformant ainsi</i> L'Illustration <i>proprement dite, de
+grand format, n'avons-nous pas multiplié progressivement les suppléments
+en demi-format</i> (L'Illustration Théâtrale <i>et les</i> Romans de
+L'Illustration), <i>nous acheminant par là vers l'amélioration définitive
+à laquelle nous aboutissons, vers ce second journal hebdomadaire que nos
+lecteurs recevront régulièrement à partir du 1er mars?</i></p>
+
+<p><i>Quelles dépenses--en papier, en matériel d'imprimerie, en personnel, en
+frais de gravure, de rédaction, de voyages--ont nécessitées ces
+accroissements, nous laissons nos lecteurs l'imaginer. Nous publierons
+ici un seul chiffre: celui des frais de poste. En 1912 ils se sont
+montés, pour chaque abonné de province, à 10 francs; pour chaque abonné
+de l'étranger, à 25 fr. 35; et nous avons versé à l'administration des
+postes 1.047.011 fr. 32 d'affranchissement.</i></p>
+
+<p><i>Le prix de l'abonnement--qui avait été calculé d'après le prix de
+revient de l'ancienne</i> Illustration--<i>n'ayant jamais été augmenté
+jusqu'à présent, il ne couvre plus, depuis longtemps, les frais de</i>
+L'Illustration <i>nouvelle.</i></p>
+
+<p><i>La différence, nous l'avions demandée jusqu'à présent à la publicité
+commerciale.</i></p>
+
+<h4>LES BIENFAITS DE L'ANNONCE</h4>
+
+<p><i>Sans empiéter jamais sur notre texte et nos gravures, sans se confondre
+jamais avec nos pages littéraires, artistiques ou documentaires,
+l'annonce s'est développée, sous la couverture de</i> L'Illustration,
+<i>comme le journal lui-même. Non seulement elle nous a fourni des
+ressources importantes, dont nos abonnés ont bénéficié sous toutes les
+formes qui viennent d'être rappelées, mais elle a ajouté--ce n'est pas
+là une assertion paradoxale--un élément d'intérêt à notre publication.</i></p>
+
+<p><i>L'annonce, non déguisée, telle que nos annonciers la comprennent, s'est
+faite variée, ingénieuse, afin d'attirer l'attention du public; les
+fautes de goût y sont assez rares; elle est le reflet de l'esprit
+commercial français. Des abonnés de l'étranger</i> (L'Illustration <i>en
+compte près de 30.000) nous ont écrit: «Combien vos annonces elles-mêmes
+nous intéressent et nous sont utiles! Grâce à elles, nous faisons chaque
+semaine comme une promenade dans les rues de. Paris.»</i></p>
+
+<p><i>Et nous connaissons des collectionneurs qui font relier, avec</i>
+L'Illustration, <i>non pas toutes les pages d'annonces (les volumes
+seraient trop gros), mais des pages choisies, typiques. Augmentée de ces
+documents caractéristiques sur notre époque, leur collection ne
+sera-t-elle pas plus intéressante pour leurs petits-fils? Et
+n'acquerra-t-elle pas une véritable plus-value bibliographique?</i></p>
+
+<p><i>Plus d'un million de francs étant prélevés, chaque année, sur le
+produit des pages d'annonces pour maintenir et accentuer les
+améliorations dont ont bénéficié nos abonnés, ceux-ci ne s'étonneront
+certainement pas que nous leur demandions de contribuer directement
+cette fois à une amélioration nouvelle.</i></p>
+
+<h4>«LE PREMIER JOURNAL ILLUSTRÉ DU MONDE.»</h4>
+
+<p><i>Notre nouveau prix, plus rationnel que l'ancien, plus équitable, ne
+sera d'ailleurs plus changé désormais, quels que soient les progrès que
+puisse encore réaliser</i> L'Illustration <i>pour mieux mériter la faveur du
+public et rester digne de cet éloge que nous décernait récemment, dans
+une lettre à un de ses collaborateurs, le plus grand éditeur de journaux
+et de périodiques du monde entier, le fondateur du</i> Daily Mail, <i>du</i>
+Daily Mirror, <i>du</i> London magazine, <i>etc., le directeur actuel du</i>
+Times, <i>Lord Northcliffe: «L'Illustration</i> is beyond question the
+leading illustrated paper in the world» (L'Illustration <i>est, sans
+conteste, le premier des journaux illustrés du monde.</i>)</p>
+<br><br>
+
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>CELUI D'AUJOURD'HUI</h4>
+
+<p>C'est le jeune homme d'à présent que je veux dire, celui que pour un
+peu, si j'osais, j'appellerais «le conscrit de 1913».</p>
+
+<p>Quand, ayant franchi la moitié déjà de nos étapes, nous nous mettons à
+observer le jeune homme du jour et du matin qui nous côtoie, il nous est
+impossible de le faire sans aussitôt le comparer à l'autre jeune homme,
+au type antérieur de la génération précédente, à celui qu'en un mot nous
+étions et que, nous semble-t-il encore, nous réalisions avec un si joli
+bonheur d'ensemble et de détails! Bien de plus naturel. Toujours les
+vingt ans d'autrui nous rappelleront les nôtres en nous les faisant
+préférer, nous donneront, par leur aimable et rassurant aspect,
+l'illusion des vieux printemps perdus.</p>
+
+<p>Bien que personne ne puisse raisonnablement prétendre avoir incarné et
+résumé à son époque, la ligure et le modèle de la jeunesse à laquelle il
+appartenait, il est cependant permis, même au premier venu, du moment
+qu'il fut une parcelle, un atome pensant et vif de cette élite de
+l'espoir, d'affirmer à ce titre très suffisant, que, sans la représenter
+dans son intégralité, il a cependant contribué, de si loin et de si
+infime façon que ce soit, à l'idée, juste ou fausse, qu'elle a donnée
+d'elle, au caractère qu'elle a montré, au souvenir, bon ou mauvais ou
+n'étant ni l'un ni l'autre, qu'elle a transmis. 11 sera donc, à la
+rigueur, excusable s'il généralise plus qu'il ne faudrait. Et s'il lui
+arrive de se laisser entraîner à confondre avec son imparfaite
+individualité la génération qui, heureusement, se gardait bien toute de
+lui ressembler, il sera pourtant moins éloigné de la vérité que l'on
+pourrait le croire, et, tout en risquant de se tromper, il n'aura pas
+entièrement tort.</p>
+
+<p>C'est qu'en effet, en dépit de son insouciance et de sa légèreté, de son
+irréflexion, de sa sottise, de tout ce qu'il arborait de frivole, il
+aura, malgré lui, baigné dans un flot, dans un courant de pensées graves
+parfois, et communes à tous, et respiré l'air qu'étaient bien forcé
+d'accepter alors tous les poumons, et reçu le choc d'impressions
+universelles et puissantes qu'il n'était pas en son pouvoir d'éviter.</p>
+
+<p>Ainsi aujourd'hui, à travers les espaces de moi-même, regardant par le
+gros bout de la lorgnette, le jeune homme de 1880 qui me paraît si
+ridiculement petit, et auquel, avec une mélancolique complaisance, je ne
+m'amuse à accorder ma vague silhouette et mes traits effacés que pour
+mieux ranimer ma mémoire,... voici à peu près comme il m'apparaît.</p>
+
+<p>Il a été enfant à la fin de l'Empire. Jusqu'en 1868, il en a vu passer
+les souples calèches, les brillantes troupes, souvent victorieuses. Il a
+commencé de jouer dans une sécurité pleine d'élégance et de charme. Et
+puis 1870-1871, les deux années de la guerre et de la Commune, qui ont
+compté plus que double, ont sonné la fin de la récréation, ont creusé en
+lui le fossé d'un noir souvenir. Il avait dans les onze ans à ce
+moment-là, il n'a donc pas fait la guerre, il ne peut même pas dire, à
+proprement parler, qu'il l'ait vue, mais il l'a sentie, il l'a traversée
+en famille, vécue avec son imagination naissante et ses premières
+réflexions d'adolescent meurtri. C'a été, dans un autre sens, comme une
+espèce d'affreuse première communion patriotique, le «plus vilain jour
+de la vie» dont il n'a jamais pu chasser l'image et abolir la cruauté. A
+cette date, il a dû apprendre que le mot victoire n'était pas, comme il
+l'avait toujours cru, un mot uniquement français. Et il a grandi dans un
+pays blessé et diminué. Il n'avait pas assez souffert directement, et
+par lui-même, pour être tout de suite hanté des idées qui secouaient ses
+aînés immédiats. Il avait bien entendu parler des batailles, il n'en
+avait pas foulé les champs, il n'avait, grâce à Dieu, pas vu les morts à
+terre, ni les blessés debout, il ne contemplait le désastre qu'à travers
+Detaille et Neuville. C'étaient de poignants et superbes tableaux qui
+procuraient, quand on les regardait, je ne sais quel douloureux et
+tourmentant émoi. Cela dépassait sans doute un peu les yeux, et
+s'avançait vers la tête, mais sans aller toujours jusqu'au tréfonds du
+coeur... Alors le jeune homme rêvait,... inclinait vers la poésie, la
+littérature et l'art, les élans d'une pensée plus mûrie que fortifiée,
+plus affinée, plus sensibilisée que trempée virilement par les drames
+nationaux, au milieu desquels il avait été jeté trop désarmé et trop
+petit. Il est bien rare que la première fois et instantanément les
+grandes choses frappent l'enfance. Elles portent bien le coup, qui n'est
+pas inutile, mais ce n'est que plus tard qu'il se fait sentir. Il lui
+faut du temps pour se propager jusqu'au jeune homme et toucher l'homme
+accompli. Quand l'enfant découvre la mer et la montagne, il en reçoit un
+choc, malgré tout superficiel et rapide, même s'il est violent. C'est
+seulement dix ou vingt ans plus tard qu'il éprouvera, en allant
+rechercher ce même souvenir, la juste et sainte émotion de l'étendue et
+le religieux vertige du sommet. Ainsi le pâle et tendre petit flâneur de
+1872 n'a bien compris le sens exact et la signification dure et
+métallique et claire des mots de défaite et de patrie, que quarante ans
+plus tard, aux matins de Fachoda et aux soirs d'Agadir. En 1870, il
+n'avait fait qu'épeler les lettres de l'alphabet sacré. Aujourd'hui
+seulement il sait lire. En 1880, le jeune homme transitoire qui, depuis,
+a tant changé, était donc incertitude, ennui, langueur, dilettantisme,
+doute, orgueil et faiblesse. Il n'avait pas, autant qu'on l'a dit et
+qu'il l'a lui-même laissé croire par une sorte d'affectation, de pose
+juvénile,--renoncé à l'enthousiasme, au culte de l'idéal, à la haute
+pratique des sentiments d'éternelle et pure grandeur, mais il ne les
+étalait pas, il les cachait, même les oubliait et les laissait dormir,
+comme un vin à qui cela ne fait pas de mal de reposer, couché dans
+l'ombre silencieuse des caves. Soyez persuadé néanmoins que, s'il avait
+l'air de n'y pas penser, c'est qu'il savait bien que les sentiments en
+question étaient toujours là, dans le sous-sol, à portée de son coeur et
+de sa main. Il avait bien le temps! Ce serait pour plus tard.</p>
+
+<p>Or, aujourd'hui qu'a sonné ce plus tard, tour à tour ardemment appelé,
+sitôt atteint, si vite franchi et si regretté, l'homme qui se recueille
+au milieu de sa vie et qui, le plus lentement possible, s'apprête à
+redescendre, en conservant, pour s'illusionner, la démarche et le geste
+de monter encore, cet homme-là contemple, avec un soin d'une tendresse
+toute particulière, le jeune homme d'aujourd'hui qui, après plusieurs
+autres, déjà marqués et démodés, l'a remplacé dans le monde. Il le voit
+tout différent de ce qu'il était, si différent que, tout d'abord avec la
+naïveté de l'âge et l'indéracinable candeur de l'expérience, il s'en
+étonne, en est presque choqué. Et puis, aussitôt pris et empoigné par le
+spectacle de ce <i>type</i>, si riche et si abondamment pourvu de tout ce qui
+lui manquait, il se prend à l'envier et à l'aimer dans une espèce
+d'admiration militante.</p>
+
+<p>En effet, le jeune homme de ce matin correspond exactement à ce
+qu'éprouve, pense, espère et veut l'homme fait et terminé. Par sa
+culture, ses goûts, ses aspirations, son caractère, son énergie morale
+et physique, il est ce même homme, tout pareil, avec cette seule nuance,
+cette seule qualité en plus et qui est tout: la jeunesse! Il a rattrapé
+l'homme mûr avant d'en avoir l'ancienneté. Il le réalise avec les moyens
+que l'autre, son prédécesseur, ne possède plus ou ne conserve que
+calmés, dépouillés de leur feu, de leur alcool. C'est un jeune homme
+<i>qui a compris</i>, un jeune homme accru, renforcé, musclé, nerveux et
+discipliné, ravitaillé par la confiance et l'espoir, entraîné par les
+sports, tanné par le grand air, affermi par une eau plus froide, emporté
+vers les hauteurs par les aéroplanes de son idéal, comme l'est le poids
+agile et lourd de son corps par le moteur et l'aile. Il a la faculté du
+rêve et toutes les ressources de l'action, il est une merveille
+d'équilibre, de puissance ordonnée, un admirable et complet instrument
+de travail français. Il ne faut pas craindre de le proclamer, il est
+supérieur à et; qu'était son aîné, il vaut mieux que lui, il ira plus
+loin, et fera davantage. Mais son aîné lui aura servi, et le cadet, pour
+n'être pas ingrat, devra souvent s'en souvenir. Son aîné l'aura préparé,
+nécessité par l'implacable loi du contraste et de la réaction, il l'aura
+fait germer. Même quand ils n'étaient pas d'accord, ils s'entendaient et
+se cherchaient, en paraissant se fuir. Quand le jeune, avant de savoir,
+se moquait de l'ancien, il se rapprochait déjà de lui sans qu'il s'en
+doutât. Ce qu'on aime le plus, c'est ce que l'on a commencé par
+méconnaître et railler. Les plus grands saints sont peut-être les
+convertis.</p>
+
+<p>Ces très simples observations, vous les pourrez faire après moi, en
+lisant l'excellent livre d'Agathon sur les jeunes gens d'aujourd'hui.
+Vous y verrez par quels chemins larges, tout droits ou détournés, mais
+qui menaient tous aux Romes éternelles, a passé le jeune homme de 1913,
+avant d'être en marche vers les buts que, par eux, toucheront leurs
+aînés. Ces pages lumineuses et saines, ces éloquents rapports, d'une
+documentation serrée, vous montreront, tel qu'il est, <i>notre</i> jeune
+homme de demain, être de combat, de volonté, d'audace réfléchie, héros
+en perpétuelle puissance, d'une si simple et franche complexité,
+patriote et surtout guerrier, idéaliste et positif, croyant, et réaliste
+religieux, la conscience en paix ou labourée, reprenant du service
+catholique, ne reculant plus, aux moments où il le faut, à appeler tout
+de même Dieu par son nom.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>Les vingt accusés encadrés par des gardes municipaux
+choisis.</b>--<i>phot. H. Manuel.</i></p>
+
+<h3>LA BANDE TRAGIQUE AUX ASSISES</h3>
+
+<p>On les tient et on les juge. Ils sont là vingt accusés, grands premiers
+rôles, comparses, figurants, utilités, souffleurs et garçons
+d'accessoires. Toute la troupe, toute la bande, qu'il ne faut point
+appeler celle des assassins anarchistes, pour qu'il n'y ait point de
+confusion, de malentendu, car ce ne sont point là des fanatiques,
+coupables de crimes d'idées, de meurtres politiques. Non point. Ce sont
+des tueurs de pauvres gens. Leurs victimes, dont ils ont fouillé les
+poches ou pillé les caisses, ce sont d'humbles employés à 150 francs par
+mois, un garçon de recettes, de jeunes comptables d'un bureau de banque,
+fusillés sans défense, à bout portant; ce sont des vieillards infirmes;
+c'est un chauffeur conduisant une voiture à livrer; c'est un gardien de
+la paix que l'on «brûle» pendant qu'il réclame des papiers d'identité;
+tout cela, c'est du crime de droit commun, le plus abject et le plus
+infâme, que l'on s'est mis dix ensemble à préparer et à exécuter; et,
+par égard pour tous ceux qui, dans la suite des temps agités de toutes
+les histoires, ont été eux-mêmes les funestes et courageuses victimes de
+leurs exaltations sociales, ceux qui se sont brûlés à leur propre
+flambeau, il ne faut point ici, à propos de ces gens et à l'occasion de
+ces actes, prononcer le mot, ni même évoquer l'idée de crime politique.
+C'est, d'ailleurs, ce que M. le président Couinaud a tenu à déclarer,
+une fois pour toutes, dès ses premières paroles.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>Kilbaltchiche: «<i>Propagandiste,<br> oui. Criminel, depuis
+quand?</i>»</b></p>
+
+<p>Aujourd'hui, décidément, il y a quelque chose de changé dans cette salle
+des grandes premières criminelles. Le public «chic» n'a pas été convié.
+Mondaines et demi-mondaines sont, pour cette fois, restées chez elles et
+nous ne verrons pas en ce lieu, comme lors de l'affaire Steinheil, le
+scandale de leurs toilettes de répétitions générales. Plus de
+frissonnements de soie, ni de rires hystériques sous les voilettes, ni
+de gestes charmants et parfumés de jolis bras et de mains fines jouant
+avec un face-à-main ou même une lorgnette de théâtre. L'endroit, privé
+de ces lueurs de vie heureuse et de ce bourdonnement léger, demeure ce
+qu'il doit être, ce que l'on a voulu qu'il fût, triste, grave, gris,
+avec ses trop hautes fenêtres par où la lumière indécise, et toujours
+blême, passe à regret comme l'espoir. Et c'est à peine si, dans ce jour
+pauvre où tous les visages semblent décolorés et spectraux, on peut
+distinguer avec quelque précision les traits impassibles du président et
+des juges rouges d'assises, la silhouette, cravatée d'hermine, du vieux
+procureur général qui a tenu, en ces circonstances, peut-être
+périlleuses, à occuper lui-même le fauteuil de l'accusation, et les
+honnêtes physionomies des jurés, un architecte, des ingénieurs, un
+médecin, un employé et quelques rentiers, qui devront demeurer là,
+immobiles et attentifs, face à face avec la sinistre bande, pendant
+vingt jours.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/002c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Simentoff: «<i>Je reconnais que<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;j'avais de bien mauvaises
+relations.</i>»</b></p>
+
+<p>Placés en face des fenêtres, les vingt et un accusés, dix-huit hommes et
+trois femmes, reçoivent toute la lumière de la salle. Ils n'y paraissent
+point en beauté. Ce sont les bandits modernes, très jeunes pour la
+plupart, cruels, impitoyables, jouisseurs, prétentieux, fiers de leurs
+quelques lectures mal comprises, qui leur ont donné non point des
+opinions, mais des haines et des appétits. Il y a là trois ou quatre
+pâles figures au mauvais regard, imberbes, parmi lesquelles cet éphèbe
+sinistre, Callemin; dit «Raymond la Science», Soudy «l'homme à la
+carabine» de Chantilly, et Belonie; il y a aussi, la première du premier
+rang du côté des juges, une singulière petite fille à figure expressive
+qui rit tout le temps et agite coquettement ses cheveux coupés courts et
+bouclés: c'est Mme Anna Maîtrejean, directrice ou gérante de la maison
+de <i>l'Anarchie</i>; il y a, séparé d'elle par un garde, son ami
+Kilbaltchiche, un Slave rêveur, aux yeux très enfoncés dans une face
+glabre, au surplus le seul théoricien authentique de la bande, le seul
+véritable et sincère marchand d'illusions. Et tous les autres, y compris
+Dieudonné, l'homme aux mémoires, le robuste Carouy, le fantomal Metge,
+le rouge Dettwiller et aussi, de Boue, Rodriguez, Monier dit Simentoff,
+le remisier Crozat de Fleury, la femme Schoofs et Barbe le Clerch, la
+maîtresse de Carouy, sont des types impersonnels, insignifiants,
+anonymes, que vous avez rencontrés cent fois sans éprouver une émotion
+ni une curiosité.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/002d.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Mme Maîtrejean: «<i>Je prends la responsabilité<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;de ce que j'écris, non de ce qu'on m'écrit.</i>»</b></p>
+
+<p>--Faites entrer les témoins! ordonne le président.</p>
+
+<p>Aussitôt, une foule, en cohue, envahit la salle. Il y a là, pêle-mêle,
+les parents et les amis des victimes et les parents et les amis des
+meurtriers. Un homme près de moi pâlit et jure en regardant Soudy. Je
+lui demande: «--Vous le reconnaissez?--Si je le reconnais! Il a tiré sur
+moi, à Chantilly!» Un autre déclare, à mi-voix: «J'ai été menacé, mais
+je suis armé!» Et il indique la poche enflée de son veston. L'appel dure
+interminablement. Enfin, le flot s'écoule peu à peu par la petite porte.
+Les interrogatoires, maintenant, vont commencer.</p>
+
+<p>--Madame Maîtrejean!</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/003a.png"><br><b>Dieudonné: «<i>Ceux qui sont morts ont peut-être regretté
+leurs crimes.</i>»</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/003b.png"><br><b>Soudy: «<i>Si j'avais eu une situation adéquate à mon
+intelligence, je n'aurais pas été un «illégaliste».</i></b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003c.png"><br><b>M. le Président Couinaud.</b></p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003d.png"><br><b>Dieudonné: «<i>Un homme sain ne peut faire l'apologie de
+Bonnot.»</i></b></p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/003e.png"><br><b>
+ Callemin, dit Raymond la Science:<br>
+ «<i>Je me suis accusé aussi d'avoir<br>
+ étranglé Louis XVI.</i>»</b></p>
+
+<p>Une très jeune femme se lève. Ses vingt-quatre ans en semblent seize.
+Et, dans la salle, de tous côtés, on murmure: «Mais c'est Claudine!» Eh!
+oui, Claudine, en cheveux courts qu'une raie sépare en deux lourds
+bandeaux bruns, à la fois fille et garçon, avec le col marin plat sur le
+sarrau noir d'écolière; Claudine à l'école, vive et mutine, qui tient en
+main ses notes, son cahier de devoirs et, au bout des doigts, un petit
+crayon dont elle ronge la mine... Que répondriez-vous, Claudine, si vous
+aviez à vous défendre en cour d'assises des accusations portées contre
+Mme Maîtrejean, gérante en fait de la maison de famille de <i>l'Anarchie</i>,
+receleuse, et affiliée, affirme-t-on, à une association de
+malfaiteurs?... Et Claudine de répondre d'une voix claire, sans trouble,
+sans maladresse, un peu nerveuse seulement et fâchée parfois contre le
+président qui insiste trop, mais pas antipathique et laissant dans la
+salle une impression amusée, plutôt favorable. Son coaccusé, ami et
+associé, Kilbaltchiche, le jeune Slave pensif, complète et précise les
+explications demandées. Sa voix est très douce; sa parole facile,
+élégante, ordonnée. Il se sépare d'un mot adroit des anarchistes
+terroristes; il est, lui, d'une école qui admet les sentiments
+affectifs, la sensibilité et, comme guide, la conscience au moins autant
+que la raison. Il évoque la vie de labeur et de pauvreté du couple et
+son existence, peu secrète, dans la chambre unique qui était en même
+temps la salle commune de <i>l'Anarchie</i> où l'on allait et venait, portes
+ouvertes... Au surplus, il revendique avec insistance pour lui seul
+toutes les responsabilités que l'on veut faire peser sur sa compagne. Il
+se rassoit. Il a été habile. Et l'on attend avec d'autant plus de
+curiosité l'interrogatoire des vedettes.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/003f.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Carouy: «<i>On m'a vendu<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;comme un bétail!</i>»</b></p>
+
+<p>...C'est fait. Mardi, mercredi, jeudi, on a interrogé les vedettes. Ce
+n'était donc que cela, les vedettes! La surprise, la déception,
+atteignent à la stupeur. Voici, loquace, emphatique, reniant les
+doctrines «illégalistes», traitant d' «imbéciles» les apologistes de
+Bonnot et de Garnier, déclarant même que Bonnot était un anormal à
+cerveau de «Fuegien», voici Dieudonné que l'encaisseur Caby a reconnu
+comme son assassin et qui niera tout, même l'évidence, cela, d'ailleurs,
+sans un élan de sincérité, sans un cri vrai qui émeut... Voici Callemin,
+dit Raymond la Science, imberbe, petit, râblé, très myope, très jeune,
+très infatué, un mauvais gamin rageur, qui n'a même point les mots de
+Gavroche (à qui je demande pardon pour le rapprochement), et qui aura
+noté sur ses petits papiers jusqu'aux pauvres insolences qu'il jugera
+habile de mêler à ses faibles ripostes et à ses plus invraisemblables
+dénégations. Il s'embrouille vite, d'ailleurs, ne trouve plus de réponse
+dès qu'il a omis de prévoir les questions et s'effondre enfin, maté, en
+plein désastre, dans ses petits papiers inutiles. Et maintenant c'est le
+tour du jardinier-camelot Monier dit Simentoff, un Méridional tragique,
+bavard et confus, du garçon épicier Soudy, qui déclame, et se plaint de
+ne pas avoir trouvé «une situation adéquate à son intelligence», de
+Carouy--figure brutale, facilement farouche--qui nie comme tous mais
+avec moins de littérature et plus d'énergie. Que dire des autres
+accusés, ceux dont la tête n'est pas en jeu?... L'intérêt décroît
+encore, si possible... Mais les témoins, maintenant, vont se succéder à
+la barre et ramener, avec eux, l'émotion.<br>
+
+
+
+<span class="rig"><span class="sc">Albéric Cahuet.</span></span></p>
+
+<p><i>Croquis d'audience de <span class="sc">P. Renouard.</span></i></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>
+La zone, vue de la crête des fortifications,<br> à la porte
+de Montmartre.</b></p>
+
+<h3>LA ZONE ET SES HABITANTS</h3>
+
+<h4>VOYAGE AUTOUR DE L'ENCEINTE DE PARIS</h4>
+
+<p>La plupart des Parisiens ne doivent guère mieux connaître la «zone» que
+le musée du Louvre. Si l'on s'évade de la capitale par le chemin de fer,
+cette bande de terrain de 250 mètres de largeur qui entoure le mur
+d'enceinte est franchie en quelques secondes; elle apparaît assez loin
+des rails, semblable aux terrains vagues ou irrégulièrement construits
+qui marquent presque toujours l'approche d'une grande ville. Si on gagne
+la banlieue en voiture ou en tramway, on se fait une idée très
+approximative de la région que le gouvernement de Louis-Philippe greva
+de la servitude militaire <i>non ædificandi</i>. Devant les portes, tantôt
+désertes, tantôt encombrées d'une file de voitures attendant un regard
+de l'octroi, le glacis des fortifications étale sa verdure triste et
+maculée, animé, certains jours, par le grouillement d'un marché aux
+puces. A peine a-t-on aperçu en bordure du gazon la ligne des baraques,
+éparses ou serrées les unes contre les autres derrière une palissade de
+fortune arrivant presque au niveau de leurs toits, qu'on trouve une voie
+relativement large, en beaucoup d'endroits sillonnée de tramways,
+jalonnée par des bâtisses modestes: épiceries, fruiteries ou guinguettes
+qui transportent l'imagination dans un village quelconque, à cent lieues
+de Paris, et masquent les cités bizarres, souvent lamentables, édifiées
+par les zoniers, comme les concessions à perpétuité cachent les tertres
+pauvres ou abandonnés de la fosse commune.</p>
+
+<p>Pour avoir une idée un peu exacte de cette région très spéciale,
+monstrueux anachronisme en notre siècle d'élégance et d'hygiène, il ne
+suffit pas de grimper sur le talus des «fortifs», un véritable voyage de
+plusieurs jours s'impose.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>La sortie de Paris à la porte de Versailles.</b></p>
+
+<p>Si l'excursion vous tente, adoptez une tenue modeste, prenez des
+chaussures solides, et partez. Il faut se résigner à patauger dans des
+boues variées, avoir l'oeil alerte, la langue accorte et bien pendue.
+Les zoniers sont méfiants en ce moment; pour pénétrer chez eux, il faut
+souvent franchir le «mur» de la propriété privée. Mais, en général, ces
+gens ne paraissent point méchants; avec une attention pour les mioches
+on apprivoise tout de suite les parents.</p>
+
+<p>Sans doute, la population est aussi bigarrée que l'architecture, s'il
+est permis de s'exprimer ainsi; gardons-nous cependant de considérer la
+zone comme un repaire d'apaches. Beaucoup de travailleurs, de petits
+prolétaires, dont je me suis abstenue de scruter les opinions sociales;
+intéressants par cela même qu'ils sont pauvres, plutôt sympathiques par
+l'effort de travail, d'économie et d'ingéniosité qu'indiquent leurs
+constructions les plus baroques.</p>
+
+<p>On m'avait recommandé une grande prudence, on m'avait même engagée à
+confier à un agent de la sûreté la responsabilité de mon humble
+personne; je suis allée sans escorte, j'ai pénétré partout, et si j'ai
+aperçu quelques visages rébarbatifs, si l'accueil fut parfois réservé,
+il resta toujours poli. Durant cette promenade d'une semaine, je n'ai
+pas entendu le moindre mot malsonnant.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>C'est peut-être autour de Saint-Ouen que la zone est le plus
+aristocratique, exception faite, bien entendu, des quartiers riches
+avoisinant le bois de Boulogne. Des jardins, rien que des jardins;
+irrégulièrement découpés du côté de Clichy et de Levallois, flanqués de
+terrains vagues, piquetés de maisonnettes ou de bâtiments industriels
+qui ont remplacé la cité des chiffonniers, foyer d'épidémies il y a une
+vingtaine d'années.</p>
+
+<p>En allant vers l'est, c'est un damier de jardinets, enserrés de haies
+vives et de palissades primitives, entre lesquelles courent des chemins
+étroits, aboutissant parfois à des impasses, et dont il est souvent
+difficile de trouver l'entrée. Dans chaque lot, une «maison de
+campagne», où les vieilles persiennes, les caisses à biscuits, le carton
+bitumé, les débris de fer-blanc, sont ajustés avec ingéniosité.</p>
+
+<p>En été, la verdure folle habille ce délabrement: les capucines, les
+fleurs de haricots, les taches du soleil y mettent de la splendeur.
+Ouvriers de toutes industries, facteurs, employés de banque, viennent le
+dimanche se reposer à l'air, arroser leurs champs de légumes et
+surveiller une récolte qui peut presque payer le prix de location:
+quatre ou cinq sous par mètre.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/004c.png"><br><b>
+Dans les jardins de Saint-Ouen: les zoniers<br>fouillant un
+rôdeur «élégant».</b></p>
+
+<p>Sous la brume d'hiver, ce maquis devient lamentable. Les bicoques sont
+désertes, gardées par des chaînes ou des cadenas qui paraissent
+représenter la partie la plus soignée du mobilier. Si les apaches de
+grande envergure dédaignent ces parages, les apaches en herbe s'y
+aventurent pour rafler des légumes ou des instruments de jardinage. Le
+hasard me fait assister à l'interrogatoire de deux jeunes drôles,
+correctement vêtus, qu'un locataire a surpris dans le domaine de son
+voisin. En fouillant l'un d'eux, le juge improvisé trouve une arme
+terrible: une maille de fer attachée solidement à une longue lanière. On
+confisque l'arme, puis, faute de preuve d'un délit caractérisé, on rend
+la liberté aux prévenus.</p>
+
+<p>L'aspect change rapidement aux environs de la porte de Clignancourt.
+Dans la plaine des Malassis s'élève une véritable cité où les sentiers
+marécageux, bordés de taudis infects, alternent avec des rues
+proprettes, tracées au cordeau.</p>
+
+<p>Dans ces dernières, l'architecture est plus soignée, les chalets
+voisinent avec des maisonnettes bâties «en solide», pierres ou briques,
+qui ne sont gas les mieux tenues. Aux fenêtres de guingois brillent
+parfois des rideaux d'une réelle blancheur; des poules picorent dans la
+cour, la marmaille prend ses ébats. De-ci de-là, s'inclinent sur les
+masures des matériaux de démolitions qui attendent une adaptation
+judicieuse. Au bord des allées du jardin les terres sont retenues par
+des planches arrachées à l'impériale des omnibus défunts:
+Madeleine-Bastille encercle un massif de rosiers; Clichy-Odéon garde un
+plant de carottes... Dans quelques rues, le propriétaire a amené l'eau,
+luxe assez rare dans la zone. Sur la porte d'une construction en pierre
+rudimentaire, je lis: «Bureau». Porte close, nul employé.</p>
+
+<p>J'arrive au boulevard Michelet.</p>
+
+<p>Tournant le dos au trottoir dont les sépare une palissade régulière, des
+roulottes semblent abandonnées. Par une porte étroite, je pénètre dans
+ce hameau où de braves forains se réfugient durant les trois ou quatre
+mois de morte-saison. Presque toutes les voitures sont fermées:
+tenanciers de jeux d'adresse, somnambules extra-lucides, gagnent en ce
+moment leur vie à d'autres métiers. Un avaleur de sabre m'affirme que sa
+«demoiselle» travaille à <i>L'Illustration</i>; près de lui une jolie fille
+lave son linge. L'ensemble est assez propre, mais d'une tristesse
+communicative; les roulottes sont plus serrées qu'à la foire de
+Montmartre.</p>
+
+<p>En sortant, j'aperçois au loin une maison en pierres, à peine achevée,
+dressant ses quatre étages devant la porte de Clignancourt, à l'endroit
+même où commence la zone, en bordure du glacis. A la porte Pouchet, un
+immeuble semblable écrase de sa hauteur insolente la maisonnette d'une
+sage-femme, plus respectueuse de la légalité. Il y a, m'assure-t-on,
+bien d'autres cas de pareille désinvolture.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>La zone le long du chemin de fer de l'Ouest-État, à
+Clichy.</b></p>
+
+
+
+<p>Par suite de quelles erreurs bureaucratiques, de quelles compromissions
+administratives, ces constructions furent-elles autorisées? Il ne
+m'appartient pas de chercher à approfondir. La chose paraît assez
+mystérieuse. Un petit locataire me dit que le génie défendait de bâtir
+en «dur», alors que les communes interdisaient de bâtir en «mou». Il a
+tourné drôlement la difficulté en remplaçant la tuile ou le papier
+goudronné par du ciment armé! Je renonce à comprendre et me borne à
+souhaiter que Jacques Bonhomme ne soit pas finalement condamné à payer
+les bénéfices escomptés par d'audacieux spéculateurs.</p>
+
+<p>A la Chapelle, à la Villette, des usines, des terrains plus ou moins
+déserts; les figures sinistres ne rôdent qu'à l'intérieur des murs. Près
+du canal Saint-Martin, la zone occupée par les réseaux du Nord et de
+l'Est. A Pantin, c'est le marché couvert, inférieur en couleur et en
+puanteur aux marchés d'Orient, mais presque égal en désordre et en
+saleté.</p>
+
+<p>A Romainville, aux Lilas, changement de décor.</p>
+
+
+
+<p>Le long de vraies rues commençant au glacis, la zone est bâtie presque
+régulièrement, avec la banalité qui caractérise les petites
+agglomérations de la banlieue. A Bagnolet; à Montreuil, pays des pêches
+et des fleurs, beaucoup de baraques de chiffonniers ou de petits
+jardiniers édifiées avec un soin relatif. L'une d'elles, en piteux état,
+est décorée par des médaillons en mosaïque égarés, sans doute, dans les
+démolitions d'un music-hall. Tout cela manque un peu de pittoresque.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>Une rue en «dur».</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>Une rue en «mou».</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%; text-align: center;">
+<b>Constructions essentiellement précaires.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid">DANS LA PLAINE DES MALASSIS.</p>
+
+<p>A Vincennes, à Saint-Mandé, la zone s'embourgeoise. Nous traversons la
+Seine, les réseaux du P.-L.-M. et de l'Orléans, et nous trouvons à Ivry
+et à Gentilly le coin le plus typique et le plus vanté de la ceinture
+parisienne.</p>
+
+<p>Entre la porte d'Ivry et la porte de Choisy, la zone habitée est divisée
+en trois bandes dont la première offre le spectacle le plus douloureux,
+le plus révoltant que puisse concevoir un être civilisé.</p>
+
+<p>Sur le glacis, des roulottes alignées limitent ce camp de la misère et
+de la vilenie humaine. J'entre; un infâme cloaque s'étend entre deux
+rangées de maisons roulantes. Dans cette boue fétide courent dix, vingt,
+trente marmots dépenaillés, à demi nus, qui mêlent leurs glapissements
+aux grognements fatigués d'un lion tapi dans une cage abandonnée sur le
+sol; des vieilles à la Goya trient de misérables chiffons, cependant que
+des messieurs en complet veston et en pelisse inspectent leurs associés.</p>
+
+<p>Ces enfants, âgés de cinq à dix ans, sont presque tous étrangers,
+italiens ou espagnols; ils partent chaque matin pour aller mendier au
+profit de leurs parents ou des gredins qui les ont loués. L'été, ils
+font des corbeilles, l'oeil attentif au moindre objet mal surveillé. Un
+chauffeur abandonne-t-il un instant sa voiture: aussitôt la marmaille se
+glisse, enlève une lanterne, une trompe, tout ce qui peut se décrocher.
+L'agent cycliste parisien qui nous donne ce détail ajoute: «Nous ne
+pénétrons jamais chez eux, ils sont sur Ivry.» Cinq minutes après, un
+agent d'Ivry me dit: «Nous ne nous en mêlons pas, cela regarde la police
+de Paris...»</p>
+
+<p>Instinctivement, je distribue des sous à la marmaille, oubliant que la
+recette ira aux patrons, et je cherche, sans y réussir, à faire part
+égale à tous. A tort ou à raison, quelques-uns murmurent. Un enfant
+s'approche alors de moi et gentiment me dit: «Y en a qu'en ont pas eu,
+madame; y en a qu'en ont eu deux fois. Moi, j'réclame pas, j'ai eu mes
+deux ronds.» Pauvre gosse!</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005c.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>L'immeuble de rapport d'un électeur influent (porte de
+Clignancourt).</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>La baraque d'une petite fleuriste respectant la loi (à
+Ivry).</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid">DEUX TYPES DE CONSTRUCTIONS SUR LA ZONE</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>A Ivry: les roulottes.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>Intérieur du camp des romanichels.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%; text-align: center;">
+<b>Un coin d'Ivry-Terrasse.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Je veux prendre une photo. Un homme vient m'enjoindre de sortir, presque
+poliment, du reste. Il ne veut pas «voir d'histoires sur les journaux».
+Je m'exécute; cet homme, qui tient un débit de boissons à l'entrée de ce
+ghetto, est le gérant du propriétaire, Parisien fortuné. On m'assure que
+M. Coûtant, maire et député d'Ivry, n'a pu encore obtenir des arrêtés
+d'expulsion contre ces étrangers et mettre fin à un scandale qui doit
+attrister son coeur de socialiste.</p>
+
+<p>Sur la bande voisine, ce sont des forains ou des romanichels. Une belle
+brune, au type gitane accentué, me demande si je consentirais à faire le
+portrait de sa petite fille. «En vous payant», ajoute-t-elle. Je promets
+de lui envoyer une épreuve. Plus loin, une «Frochard» grogne des injures
+en anglais; à côté, une bouquetière prépare ses violettes.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/006b.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Chalets suisses<br> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;au Kremlin-Bicêtre.</b></p>
+
+<p>Séparée par une barrière en planches de ce monde bizarre, une petite
+cité d'ouvriers éparpille ses maisonnettes de chaque côté d'une haie
+vive qui bourgeonne déjà. Les rideaux des fenêtres empêchent la
+curiosité de pénétrer au fond de ces logis humbles mais décents.
+J'aperçois une épicerie, plusieurs marchandes de fleurs, un débit de
+vins avec balançoires et élevage de canaris: <i>Au Moulin rose</i>.</p>
+
+<p>Au coin d'une avenue, le chalet du gardien, une fontaine et une pancarte
+indiquant les heures où on vend l'eau: sept centimes ce que la commune
+vend trois ou quatre, me dit-on. Les locataires se sont agités et ont
+obtenu l'établissement d'une fontaine gratuite sur la voie publique, à
+l'entrée de la cité.</p>
+
+
+
+<p>Aucune lumière, pas le moindre réverbère. Les habitants, pourtant,
+semblent heureux et si enracinés qu'ils se demandent avec terreur où ils
+iront après l'expropriation. Les soirées d'été leur paraissent
+délicieuses; ils ne sont nullement troublés par le voisinage des
+romanichels.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/006c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Un coin encore plus pauvre.</b></p>
+
+<p>«Si on nous vole, me dit un des notables patentés de l'endroit, nous
+savons que ce ne sont pas les roulottiers, ce sont nos voisins.» Il
+ajoute naïvement: «Ici, voyez-vous, madame, il n'y a que des braves
+gens.»</p>
+
+<p>De l'autre côté de la porte de Choisy, mêmes baraquements en planches.
+Mais ici l'atmosphère semble plus lourde, des femmes au type espagnol
+entr'ouvrent des portes sur notre passage, des voyous traînent autour de
+nous, la casquette bas posée sur le regard oblique, une cigarette collée
+au coin de la bouche narquoise; marchons vite, l'air brave...</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/006d.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>La «villa» des forains<br> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;à Clignancourt.</b></p>
+
+<p>A la porte d'Italie, nous rencontrons le «marché aux puces», le vrai,
+celui qui laisse loin derrière lui, comme pittoresque et renommée, le
+marché aux puces de Saint-Ouen et celui de la porte de Flandre. Ici, les
+«biffins» ont leurs boutiques et leurs habitations; le dimanche, ils
+n'ont qu'à étaler à leur porte la «brocante», mélange hétéroclite de
+ferraille, de vieux souliers, de garde-robes fripées, d'ustensiles de
+toutes sortes, avidement fouillés par des amateurs économes ou par des
+malins qui espèrent, une fois dans leur vie, trouver pour quinze sous
+une étude de Corot ou un bronze de Gouthières.</p>
+
+<p>A Gentilly, au Kremlin-Bicêtre, même note, avec plus de saleté encore. A
+Montrouge, c'est un fouillis de cabanes, de maisons solides, de
+constructions peu intéressantes. De là jusqu'à la Seine, rien ou presque
+rien: des terrains vagues, le champ d'aviation. Passé la Seine, les
+guinguettes du Point-du-Jour, puis le bois de Boulogne, qui suit les
+fortifications d'Auteuil à la porte Maillot, où nous trouvons sur la
+zone: les montagnes en carton de Luna-Park, les baraques de la route de
+la Révolte, des bâtiments consacrés à l'industrie automobile, l'hôtel
+somptueux d'un conseiller municipal, et, en face, le restaurant Gillet.</p>
+
+<p>Ensuite et jusqu'à notre point de départ, la banalité de quelques
+constructions légères qui ne sont originales, ni par elles-mêmes, ni par
+l'entourage.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>A qui appartiennent en général les terrains de la zone? A des
+capitalistes de tout repos ou à de petites gens ayant acquis, à force de
+travail et d'économie, un bout de jardin où ils édifient la bicoque qui
+leur épargne la visite du concierge le jour redouté du terme? Je me
+garderais bien de hasarder à cet égard la moindre affirmation; il
+faudrait, pour le faire en connaissance de cause, un travail de
+bénédictin qui échappe à ma compétence.</p>
+
+<p>Il paraît toutefois prudent d'accueillir avec réserve les protestations
+bruyantes du syndicat qui nous fait entrevoir une population de 20.000 à
+30.000 zoniers exposés à se voir «dépouillés» du bien arrosé par leur
+sueur et par celle de leurs aïeux.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/006e.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Le marché aux puces à la porte<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;de Choisy.</b></p>
+
+<p>D'après M. Dausset, président du Conseil municipal, on compte dans la
+zone un groupe important d'assez gros propriétaires possédant le terrain
+par héritage; d'autres l'ont acquis à une époque relativement récente
+dans un but de spéculation.</p>
+
+<p>A la porte de Choisy, un très petit nombre de personnes, une dizaine
+peut-être, se partagent les tranches de zone où nous avons vu les
+roulottes des romanichels et les ménageries en détresse.</p>
+
+<p>M. Bugnet, naguère ingénieur du Métropolitain, a acquis il y a une
+dizaine d'années le domaine d'Ivry-Terrasse, environ 15.000 mètres, où
+sont essaimes 100 à 150 locataires; à côté, la famille Bacot possède,
+depuis un siècle, 54.000 mètres de jardins. Entre Ivry et Gentilly, on
+me cite le domaine de la comtesse de Maillé; celui des Lazaristes,
+30.000 à 40.000 mètres. Plus loin, vers Montrouge, le grand contribuable
+de la zone est M. Victor Duruy, professeur à l'École Polytechnique.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/006f.png"><br><b>
+Hôtel d'un conseiller municipal<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;sur la zone, au rond point de<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;la porte Maillot.</b></p>
+
+<p>A la porte d'Aubervilliers, un employé d'octroi me montre un bâtiment
+industriel important en cours de construction. Le propriétaire possède
+20.000 mètres de terrain grevé de la servitude militaire; c'est un des
+membres actifs du syndicat des zoniers.</p>
+
+<p>Dans ce que nous appellerons le maquis de la zone, le terrain se loue de
+10 à 25 centimes le mètre comme jardins, 50 à 75 centimes comme terrains
+à bâtir. C'est donc un revenu brut de 1.000 à 7.500 francs l'hectare!
+Ils se vendent 10 à 15 francs le mètre dans la région industrielle; 20 à
+30 francs en bordure des grandes voies où prospèrent épiceries et
+«bistros»; 1 franc en certains endroits. Exceptionnellement, aux
+environs de la porte Maillot, par exemple, la valeur est beaucoup plus
+grande.</p>
+
+
+
+<p>Je n'ai point à discuter le projet du Conseil municipal, j'ai essayé
+simplement de donner aux lecteurs de <i>L'Illustration</i> une idée à peu
+près exacte de cette zone en beaucoup d'endroits insalubre, où grouille
+une population parfois digne d'intérêt, mais dont l'existence aux portes
+de Paris est un danger pour la santé publique et une offense à la beauté
+de la capitale.<br>
+
+
+
+<span class="rig"><span class="sc">Sergine Dac.</span></span></p>
+
+
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><b>La bénédiction des premières assises du monument élevé,<br>
+sur le sommet du mont Kartal Tepe, aux morts du 30e régiment
+d'infanterie bulgare.</b></p>
+
+<h3>TABLEAUX D'ARMISTICE</h3>
+
+<p>Ce sont des images paisibles, reposantes, d'une gravité douce ou d'une
+saine gaieté, que ces «tableaux d'armistice», saisis tout dernièrement
+par l'objectif autour d'Andrinople; pourtant, au lendemain du jour où,
+les négociations rompues, les deux adversaires, après un repos de deux
+mois, ont recommencé la lutte, ils prennent un caractère émouvant,
+douloureux; et une impression de grande pitié s'en dégage. C'est fini
+maintenant de pleurer les morts, de danser et de rire! Les plaines
+d'Andrinople sont redevenues des champs de bataille.</p>
+
+<p>Pendant la trêve, un des premiers soins de l'état-major bulgare avait
+été de donner aux soldats tombés dans les combats du mois de novembre,
+une sépulture convenable: un peu de terre remuée, une simple croix,
+marquent désormais les tombes de ces braves. La photographie reproduite
+aux pages suivantes évoque non sans grandeur la funèbre besogne du
+fossoyeur.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>Pas d'armistice pour la vermine...</b></p>
+
+<p>Ce pieux devoir accompli, il restait à célébrer solennellement le
+courage des morts. Les premières assises d'un monument, commémoratif
+d'un beau fait d'armes, ont été placées sur le sommet du mont Kartal
+Tepe, au sud-ouest d'Andrinople: c'est là que, après s'être emparé de la
+position, le 30e régiment bulgare de Chéinovo résista victorieusement,
+dans les combats des 8, 12 et 13 novembre, à l'attaque d'une division
+turque et fut décimé dans la lutte héroïque. Cependant, dans le vaste
+camp établi autour de la ville cernée de toutes parts, une vie
+tranquille, presque normale, s'était peu à peu organisée. Aux heures
+chaudes du jour, on pouvait voir des soldats occupant les loisirs de
+l'armistice à des soins de toilette qui sans doute n'étaient point
+superflus: la recherche, par exemple, sur leurs vêtements et leur linge,
+d'ennemis minuscules et irritants, qui, eux, n'avaient pas fait trêve...
+D'autres, au son de la «gaïda»--la cornemuse bulgare--improvisaient,
+devant les tranchées, une danse du pays, pour la plus grande joie de
+leurs camarades, assemblés en cercle autour d'eux. Plaisirs simples de
+jeunes hommes insouciants malgré les incertitudes de la guerre, auxquels
+déjà succèdent de rudes fatigues et de périlleux efforts!</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007c.png"><br><b>PENDANT L'ARMISTICE, AUTOUR D'ANDRINOPLE.<br>--La danse du
+pays, au son de la <i>gaïda</i> bulgare.</b><br>--<i>Photographies du sous-lieutenant
+G. Stainoff.</i>]</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>LES PLAINES GLACÉES D'ANDRINOPLE OU L'ON VA RECOMMENCER A SE BATTRE<br>
+Pendant la trêve, les Bulgares ont recouvert d'un peu de terre leurs
+morts des combats de novembre, et ont planté des croix sur ces pauvres
+tombes.</b><br><i>Photographie communiquée par le sous-lieutenant G. Stainoff, du
+30e régiment d'infanterie.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="10" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: left;">
+<p class="lef"><img alt="" src="images/009a1.png"></p>Ensemble des batteries, tranchées, réseaux de fil, de
+fer, etc., constituant un ouvrage.
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="lef"><img alt="" src="images/009a2.png"> Route militaire unissant les divers ouvrages avec chemin de fer à voie
+étroite.</p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<b>Les ouvrages fortifiés défendant Janina au sud, contre l'armée grecque
+venant par la route de Preveza.</b>
+
+<h3>LES GRECS DEVANT JANINA</h3>
+
+<p><i>Voici les hostilités reprises entre la Turquie et les alliés: dans les
+délais réglementaires à partir de la rupture des négociations de Londres
+et de la dénonciation défi armistice, le canon a recommencé à tonner,
+lundi soir, et à Tchataldja et à Andrinople,--sans doute aussi devant
+Scutari. A Janina, la lutte n'a pas été interrompue.</i></p>
+
+<p><i>Mais le mauvais temps a grandement paralysé, devant cette dernière
+place, l'effort de l'armée hellénique, et elle ne progresse que
+lentement, au prix d'un effort persévérant. Notre collaborateur M. Jean
+Leune, dans le dernier article qu'il vient de nous adresser et qu'on va
+lire ci-dessous, nous montre à quelle résistance acharnée se heurtent
+les assiégeants de Janina et quelles fortifications importantes ils ont
+à enlever. Il fait comprendre combien leur furent disputés les avantages
+certains qu'ils ont jusqu'à présent obtenus.</i><br>
+
+<span class="rig">Philippias, janvier 1913.</span></p><br>
+
+<p>Il ne faut pas être surpris que l'armée grecque ne soit pas encore à
+Janina. Il faut bien plutôt s'étonner que les énormes moyens de défense
+dont disposent les Turcs autour de cette ville n'aient pu empêcher les
+troupes du général Sapoundsakis de prendre les positions qu'elles
+occupent aujourd'hui.</p>
+
+<p>Janina est en effet défendue par une série de forts et batteries
+répartis comme suit:</p>
+
+<p>1° Aux villages de Mega Gardikou et de Mikron Gardikou, situés à 9
+kilomètres au nord-ouest de Janina, deux ouvrages distants l'un de
+l'autre d'environ une demi-heure;</p>
+
+<p>2° Un ouvrage au village de Sadovitza, situé à 7 kilomètres à l'ouest de
+Janina;</p>
+
+<p>3° Trois batteries, pour 9 canons de 9, pour 4 canons de 12 et pour 4
+mitrailleuses au monastère Douroutis ou Péristéras, situé à 4 kilomètres
+au sud-ouest de Janina;</p>
+
+<p>4° Six batteries, pour 9 canons de 9, 12 canons de 12, 2 canons de 15, 4
+pièces de montagne de 7,5 et 8 mitrailleuses, au village de Bizani,
+situé à 10 kilomètres au sud-est de Janina;</p>
+
+<p>5° Deux batteries pour 12 canons de montagne de 7,5 à l'extrémité du lac
+de Janina, au monastère Gastritza, situé à 4 kilomètres au sud-est de la
+ville;</p>
+
+<p>6° Une batterie pour deux pièces de 9, dans l'île de Janina;</p>
+
+<p>7° Une batterie pour deux pièces de 9, au village de Parama, situé à 3
+kilomètres au nord-est de Janina;</p>
+
+<p>8° Une batterie pour six pièces de 9 à la colline dite Saint-Nicolas,
+située à 15 kilomètres au sud-ouest de Janina.</p>
+
+<p>Le tout forme autour de la place un ensemble de 21 batteries avec 128
+canons: 73 pièces de 9cm; 16 pièces de 12cm; 2 pièces de 15cm; 25 pièces
+de 7cm,5; 12 mitrailleuses qui battent de leurs feux, presque partout
+croisés, tous les environs de la ville et commandent tous les débouchés
+de la montagne sur la plaine de Janina.</p>
+
+<p>Ce qui fait la force de ces ouvrages, c'est qu'en raison de la nature
+montagneuse du terrain, il est à peu près impossible de leur opposer une
+artillerie quelconque. Leurs puissants canons criblent impitoyablement
+les très rares emplacements où l'on pourrait normalement placer de
+l'artillerie de campagne ou de l'artillerie lourde. Quant à l'artillerie
+de montagne, elle ne peut les approcher assez près pour leur nuire en
+quelque façon.</p>
+
+<p>Mais dans la guerre actuelle, deux choses leur sont de graves causes de
+faiblesse:</p>
+
+<p>D'abord l'inexpérience et l'inhabileté de leurs artilleurs; ensuite
+l'intelligence et l'habileté de leurs adversaires que rien n'a pu
+empêcher de placer des canons--les Turcs ne savent où--qui ont déjà fait
+sauter plusieurs magasins et détruit un certain nombre de pièces à
+Bizani.</p>
+
+<p>Cet ouvrage est le plus important de tous. C'est von der Goltz qui l'a
+fait établir tel qu'il est aujourd'hui, pour commander le débouché sur la
+plaine de la route de Preveza à Janina. Mais, lorsque le maréchal vint,
+il n'y a pas longtemps, inspecter les travaux, il conseilla aux Turcs
+d'établir au lieu dit Saint-Nicolas une forte batterie qui commandât la
+sortie du ravin de Manoliassa, complètement défiée des feux de Bizani,
+et où l'ennemi eût pu installer une artillerie fort gênante. Les Turcs
+ont donc, ces derniers mois, construit à Saint-Nicolas une batterie
+armée de 6 pièces de 9cm dont la présence a fait au général Sapoundsakis
+et à son armée le tâche un peu plus rude encore.</p>
+
+<p>En ce qui concerne Bizani, nous avons eu la chance de nous entretenir
+longuement, ces jours-ci, avec un officier turc prisonnier qui nous a
+donné sur ce fort de très intéressants détails...</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/009b.png"><br>
+<span class="sml"><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;Schéma d'une batterie turque dans laquelle la moitié<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;arrière de chaque emplacement de canon est couverte<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;d'une
+voûte en béton, elle-même recouverte de terre.</b></span></p>
+
+<p>Les deux collines sur lesquelles se trouvent les ouvrages de Bizani sont
+du roc gris et nu, ce qui a forcé von der Goltz et ses officiers à
+adopter des plans et profils un peu spéciaux pour les batteries.
+Celles-ci sont toutes creusées dans la pierre, chaque pièce se trouvant
+logée dans une sorte de trou à base en forme de trapèze. Dans ces trous
+on a élevé, entre la paroi de roc qui se trouve devant le canon et ce
+dernier, un mur revêtu de béton. L'intervalle entre la paroi de roc et
+ce mur a été rempli de terre. Sur le plan incliné qui se trouve devant
+chaque batterie, parallèlement à la ligne de feu, le rocher a été
+recouvert, sur une largeur de 4 mètres et une épaisseur de 0 m. 50,
+d'une couche de gravier et de terre. On n'avait tout d'abord pas mis
+plus de terre parce que celle-ci devait être amenée assez difficilement
+et d'assez loin. Cependant, ainsi que nous l'avons très bien pu voir à
+la jumelle du haut d'une colline où nous étions il y a quelques jours,
+les Turcs ont récemment augmenté l'épaisseur de ces couches de terre. Le
+logement de chaque pièce a donc la forme d'un trapèze dont la plus
+petite base se trouve devant la pièce. Dans le mur bétonné et le rocher
+qui forment cette petite base est creusé, de chaque côté du canon, un
+abri carré pour les tireurs.</p>
+
+<p>A droite et à gauche, dans les parois formant les côtés du trapèze, sont
+creusés deux grands et deux petits magasins à poudre et à obus.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/009c.png"><br>
+<span class="sml">La terre dont la couleur indique qu'elle<br>est fraîchement
+apportée.<br><b>
+Aspect actuel des batteries à flanc de<br>
+rocher prouvant que les Turcs ont tout<br>
+récemment amené sur place de grandes<br>
+quantités de terre pour la construction<br>
+de talus et remblais protecteurs des<br>
+pièces.</b></span>
+
+<p>Dans certaines batteries, la moitié arrière du réduit est protégée par
+une voûte en béton, à l'abri de laquelle les artilleurs peuvent évoluer.</p>
+
+<p>Derrière toutes les batteries, à une profondeur de 1 m. 20 à 1 m. 30
+sous la surface du roc, circule un souterrain qui fait communiquer entre
+eux les logements des pièces et magasins adjacents, et qui joint les
+batteries les unes aux autres, ainsi qu'aux grands magasins de
+munitions.</p>
+
+
+
+<p>Dans les batteries comportant des canons de 9cm, chaque pièce, avec son
+logement, ses abris et magasins, occupe, sur la ligne de feu, un front
+de 15 mètres. La profondeur du logement est de 1 m. 20 à 1 m. 30. Les
+abris sont carrés et mesurent 2 mètres de côté. Les grands magasins ont
+4 mètres sur 2 et les petits 1 m. 50 sur 1 m. 50. Les pièces de 9% sont
+du dernier système Krupp à tir rapide et peuvent tirer quinze coups à la
+minute, avec une portée de 4.000 mètres.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009d.png"><br><b>Coupe schématique d'une batterie turque avec ses abris et
+magasins.</b></p>
+
+<p>Les pièces de 12cm et de 15cm, système Krupp ancien, occupent un front
+de 20 mètres. La profondeur de leur logement est de 1 m. 60. Les abris
+carrés ont 2 mètres de côté, les magasins 4 mètres sur 2 et 2 m. 50 sur
+2 m. 50.</p>
+
+<p>Enfin, en des endroits parfaitement dissimulés et que l'état-major
+allemand croyait invulnérables (l'expérience a prouvé le contraire),
+sont, ou étaient, deux grands magasins à munitions et deux petits.
+L'ensemble est mis à l'abri des attaques d'infanterie par des mines et
+des réseaux de fils de fer barbelés...</p>
+
+<p>Tout ce qui précède prouve que Bizani constituait avant la guerre, et
+constitue encore malgré tout, un ouvrage fortifié très redoutable.</p>
+
+<p>Il est intéressant d'en connaître les détails pour se rendre compte de
+la façon dont les Allemands comprennent la construction des batteries
+dans un sol qui n'est que roc. Le maréchal et ses collaborateurs ont
+essayé là différents procédés nouveaux. Les Grecs complètent
+l'expérience avec notre matériel et pour notre édification, en
+détruisant canons et magasins, par un tir extrêmement précis, à très
+grande distance, malgré toutes les protections de terre, de rocher ou de
+béton.</p>
+
+<p>Maintenant, si, comme tout le premier j'en suis certain, ils prennent
+Janina malgré Bizani, ils auront achevé d'asseoir irréfutablement leur
+jeune réputation militaire. Et personne alors ne pourra contester leur
+mérite, qu'attestera à elle seule l'indéniable difficulté de
+l'entreprise.</p>
+
+<p>Leur attaque va, par ailleurs, se prononcer suivant les principes
+essentiellement français, très chers au général Sapoundsakis et qui
+conviennent infiniment à l'intelligence souplesse de ses troupes. Leur
+réussite prouvera qu'une forteresse aussi formidable soit-elle, même
+construite par l'état-major allemand, ne saurait arrêter longtemps une
+troupe décidée à passer, surtout lorsque celle-ci est souple,
+maoeuvrière et mordante... «à la française»...<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Jean Leune.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010a.png"><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="10" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>Le cercueil du ministre de la Guerre, victime des
+Jeunes-Turcs, attendant les dernières prières.</b>--<i>Phot. Ferid Ibrahim.</i>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>Emplacement où a été creusée la tombe, dans la cour de la
+mosquée Suleimanié.</b>--<i>Phot. Talb Kope.</i>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<h3>LES OBSÈQUES DE NAZIM PACHA</h3>
+
+<h4>CHOSES DE TURQUIE</h4>
+
+<p>Les obsèques de Nazim pacha ont été célébrées au lendemain même du coup
+d'État, à Constantinople, sans grande pompe, mais cependant avec la
+dignité convenable. Tous les attachés militaires étrangers avaient tenu
+à suivre le cortège funèbre; et le sultan avait délégué, pour le
+représenter, son premier aide de camp.</p>
+
+<p>La dépouille du mort fut apportée à la mosquée Suleimanié, où, dans la
+cour, la famille de Nazim a son <i>turbé</i>, son mausolée de marbre blanc.
+Déposé sur un banc de pierre en arrière duquel des troupes rendaient les
+honneurs, le cercueil attendit un assez long temps les prières suprêmes.
+Et puis on le descendit dans la fosse toute préparée, que dominera
+bientôt une stèle coiffée d'un turban, comme celle qui, sur la
+photographie, se dresse en avant du monticule où s'entasse la terre de
+la tombe.</p>
+
+<p>C'est le général Izzet pacha qui remplace Nazim à la tête de l'armée
+turque, comme généralissime et ministre de la Guerre.</p>
+
+<p>Un de nos lecteurs, M. A. Beneyton, qui le connut; au Yémen, dont il
+était allé réprimer l'inquiétante insurrection, se proclame fier de son
+amitié, et fait de lui ce portrait sympathique:</p>
+
+<p>«Elevé dans sa famille par une gouvernante française, Izzet pacha parle
+notre langue avec une pureté parfaite. Chef d'état-major général de
+l'armée depuis cinq ans, il n'a quitté ce poste que pour aller pacifier
+l'Yémen. Il y a réussi au delà de toute espérance.</p>
+
+<p>» C'est un des hommes qui font le plus honneur au nouveau régime:
+foncièrement bon, honnête, patriote ardent, sans ambitions politiques
+comme sans compromissions, on peut le comparer avec les plus grands
+hommes d'État ou de guerre de n'importe quel pays d'Europe.»</p>
+
+<p>Ajoutons que le prestige du nouveau généralissime est considérable dans
+l'armée ottomane. On a vivement regretté qu'il ne fût pas présent lors
+de la déclaration de guerre. On s'était hâté de le rappeler. Les
+patriotes ottomans sont ardemment convaincus qu'il sera à la hauteur de
+la formidable tâche qu'il a assumée d'un coeur vaillant.</p>
+
+<p>Avec la reprise des hostilités, on s'attend à ce que de gros efforts
+soient tentés par les alliés contre les trois villes qu'ils assiègent:
+Janina, Scutari d'Albanie et Andrinople. Nous donnons ici les
+photographies des trois hommes d'admirable énergie, dont les noms, quoi
+qu'il advienne, survivront dans l'histoire au même rang que celui d'un
+Osman pacha ou d'un Denfert-Rochereau: Vehib bey, qui commande Janina;
+Hassan Riza bey, qui défend Scutari, et Choukri pacha, de qui
+l'indomptable intrépidité est déjà presque légendaire et à qui l'on
+prêtait récemment la résolution farouche de tourner ses propres canons
+contre Andrinople même, plutôt que de la rendre.</p>
+
+
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/010b.png"><br><b>Vehib bey, défenseur de Janina.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<img alt="" src="images/010c.png"><br><b>Hassan Riza bey, défenseur de Scutari.</b><br>Phot. Phébus.
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010d.png"><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>Le nouveau généralissime Izzet pacha.</b> Phot. Georges
+Rémond.
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Choukri pacha, défenseur d'Andrinople.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+<h3>LES DÉFENSEURS DE LA TURQUIE</h3>
+<br><br>
+
+<h3>LES FRONTIÈRES DE L'ALBANIE</h3>
+
+<p>La crise balkanique a pour conséquence une crise européenne qui, en
+réalité, constitue le véritable danger pour la paix entre les grandes
+puissances. Le gouvernement de Vienne, en dépit de toutes les
+concessions faites par les Serbes (renonciation à un port serbe sur
+l'Adriatique, satisfaction donnée pour l'incident Prochazka, offre de
+négocier pour établir de meilleurs rapports économiques, etc.), n'a pas
+démobilisé.</p>
+
+<p>Pourquoi donc l'Autriche-Hongrie reste-t-elle prête à entrer en guerre
+au risque d'y entraîner le continent tout entier?</p>
+
+<p>Le gouvernement de Vienne a cette attitude uniquement en raison de la
+question d'Albanie dont le règlement va bientôt concentrer l'attention
+de l'Europe.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>La véritable Albanie est une région toute spéciale, divisée en une série
+de cloisons étanches dont les montagnes forment les parois et qui
+communiquent par un petit nombre de passages. Sur ce territoire, sans
+routes, sans industrie, sans commerce, vivent chichement environ
+1.330.000 d'Albanais (1 million de musulmans, 240.000 orthodoxes, 90.000
+catholiques romains). Tous ces chiffres sont approximatifs. L'Albanais,
+indomptable et rebelle, exècre le contact des étrangers. Il vit en
+chassant ou en faisant paître ses troupeaux. Il ne reconnaît que la loi
+des chefs de clans, clans qui se rattachent à de nombreuses tribus.
+Encore dans la condition du moyen âge, la population albanaise est dans
+sa presque totalité sans aucune instruction, mais la race est
+susceptible de grands progrès, car on connaît des Albanais qui, au
+service de la Turquie, ont fait preuve d'une vive et fine intelligence
+et il existe aujourd'hui un petit groupe d'Albanais d'une culture
+occidentale qui tiennent parfaitement leur place dans les milieux les
+plus raffinés.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>La conférence des ambassadeurs à Londres a bien décidé, dès ses
+premières réunions, qu'il y aurait une Albanie autonome, <i>sous le
+contrôle et la garantie des puissances</i>, point essentiel à remarquer et
+à retenir. Mais ce n'est rien que de décréter le principe de l'autonomie
+de l'Albanie, principe en harmonie d'ailleurs avec la formule: «Les
+Balkans aux peuples balkaniques», la vraie difficulté est de délimiter
+l'Albanie. C'est là une tâche singulièrement ardue car, en réalité,
+l'expression «Albanie» désigne une contrée dont les frontières peuvent
+varier au nord, au sud et à l'est dans d'extraordinaires proportions,
+selon le point de vue auquel on se place, et les intérêts que l'on veut
+servir.</p>
+
+<p>Nous allons donc tenter d'exposer les difficultés de la délimitation
+albanaise en même temps que sa portée européenne.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Il y a trois projets de délimitation de l'Albanie:</p>
+
+<p>Le projet albanais;<br>
+
+Le projet autrichien;<br>
+
+Le projet des alliés balkaniques intéressés (Monténégrins, Serbes,
+Grecs).</p>
+
+<p>Indiqués par des traits nettement distincts sur la carte ci-dessous, il
+est aisé de constater d'un coup d'oeil à quel point ces projets
+diffèrent entre eux comme étendue de territoire englobé, et de mesurer
+ainsi les difficultés à vaincre pour arriver à un accord définitif et
+satisfaisant pour les parties en cause.</p>
+
+<h4>LE PROJET ALBANAIS</h4>
+
+<p>Le gouvernement provisoire albanais qui, sous la direction d'Ismaïl
+Kemal bey, a été assumé par quelques hommes représentant
+l'«intelligence» albanaise, a envoyé des délégués à Londres. Il demande la
+reconnaissance de l'Albanie sous la forme la plus étendue qu'il soit
+possible de lui donner. Dans leur projet, les Albanais englobent toutes
+les régions où se trouvent des groupements albanais sans se soucier de
+savoir si, sur certaines fractions du territoire ainsi constitué,
+existent d'autres populations serbes, grecques ou bulgares plus
+nombreuses que des groupements albanais. Les auteurs du projet albanais
+ne considèrent pas davantage ce fait que beaucoup d'Albanais qui se
+trouvent en Vieille-Serbie, par exemple, n'y sont que par l'effet de
+massacres antérieurs, massacres exécutés systématiquement par les
+Albanais dans les cinquante dernières années aux dépens des Serbes, et
+dont aujourd'hui il semble excessif de vouloir conserver le bénéfice aux
+dépens des Serbes victorieux.</p>
+
+<p>Quoi qu'il en soit, il est inutile d'insister davantage sur le projet
+albanais, car il n'a aucune chance d'être adopté. Ses frontières qui ne
+laissent aux Monténégrins, aux Serbes et aux Grecs à peu près rien des
+avantages de la guerre sont si manifestement excessives que le
+gouvernement de Vienne lui-même ne soutient pas devant l'Europe le tracé
+demandé par le gouvernement provisoire albanais.</p>
+
+<h4>LE PROJET AUTRICHIEN</h4>
+
+<p>Le projet autrichien, d'une étendue intermédiaire entre celui des
+Albanais et celui des alliés balkaniques, est inspiré surtout par des
+considérations politiques. Il est d'ailleurs, remarquons-le, un projet
+de «marchandage». Peut-être même pendant l'impression de cet article
+a-t-il été déjà modifié sur certains points.</p>
+
+<p>Le gouvernement allemand de Vienne, qui a vu avec un infini regret la
+victoire des Slaves des Balkans, a pour objectif essentiel de constituer
+une barrière puissante entre la Serbie et la mer. Il va donc faire tous
+ses efforts pour que cette barrière soit aussi épaisse que faire se
+pourra. Il veut surtout que l'extension du Monténégro au nord de
+l'Albanie soit aussi restreinte que possible afin de ne pas donner à cet
+État des territoires qui lui permettraient, par une entente ultérieure
+avec la Serbie, de lui faciliter l'accès à la mer Adriatique. Vienne
+s'oppose donc énergiquement à la cession de Scutari au Monténégro, bien
+que le roi d'Italie, gendre du roi du Monténégro, soit intervenu
+récemment par sa diplomatie pour préconiser cette solution.</p>
+
+<p>L'Autriche l'a jusqu'à présent repoussée parce qu'elle sait bien que, si
+Scutari devenait monténégrin, l'Italie bénéficierait de la situation
+nouvelle. En effet, dans cette hypothèse, le principal centre
+d'influence en Albanie serait reporté plus au sud, à Elbassan, à Bérat,
+ou à Valona. Dans ce cas, c'est l'influence italienne qui y
+prédominerait. Au contraire, si Scutari fait partie de l'Albanie, il
+deviendra le foyer de l'action autrichienne dans le futur État albanais.</p>
+
+<p>C'est là une considération qui prend toute sa valeur si l'on admet qu'à
+Vienne, où l'on a dû brusquement renoncer au vieux projet de descente
+vers Salonique par l'effet de la victoire des Serbes et des Grecs, on
+espère encore que le lot de l'Autriche pourra être constitué plus tard
+par l'Albanie.</p>
+
+<p>La diplomatie des Habsbourg s'ingénie donc à ce que le nouvel État dont
+elle escompte l'absorption dans l'avenir soit aussi étendu que possible.</p>
+
+<p>Pour soutenir son projet de frontières albanaises, l'Autriche-Hongrie
+invoque les droits nationaux des Albanais. Cet argument est piquant
+quand on sait de quelle façon les gouvernements de Vienne et de Budapest
+traitent leurs nationalités slaves sur le territoire austro-hongrois.</p>
+
+<h4>LE PROJET DES ALLIÉS BALKANIQUES</h4>
+
+<p>La délimitation de l'Albanie demandée par les alliés balkaniques est la
+conséquence d'un accord précis entre Monténégrins, Serbes et Grecs.</p>
+
+<p><i>Frontière albano-grecque</i>.</p>
+
+<p>Les Grecs placent les limites septentrionales de l'Epire au nord de
+Valona; mais, tenant compte de l'opposition de l'Italie, les Grecs,
+ainsi que le montre le tracé, font partir leur frontière au point formé
+par la baie de Gramala. Cette frontière va ensuite rejoindre la
+frontière serbe à peu près à la hauteur du milieu ouest du lac d'Okrida.</p>
+
+<p>Pour repousser le projet autrichien, les Grecs justifient ainsi leurs
+prétentions:</p>
+
+<p>A Janina, la population, le commerce, la culture, tout est grec.
+D'ailleurs, en 1880, la conférence de Berlin, sur la proposition du
+gouvernement français, a reconnu les droits de la Grèce sur Janina. Or,
+géographiquement et économiquement, la possession de Janina entraîne
+celle de Santi Quaranta qui, à son tour, commande celle de Chimara, sur
+la côte, et d'Argirokastro, dans l'intérieur. En effet, toute cette
+région ne communique aisément avec la mer que par Santi Quaranta ou
+Preveza; mais, à Santi Quaranta, seuls les grands navires peuvent
+parvenir.</p>
+
+<p>Au point de vue ethnographique, la frontière proposée par la Grèce en
+Epire et en Macédoine à l'ouest du lac d'Okrida contient 316.651 Grecs,
+154.413 musulmans et 5.104 israélites.</p>
+
+<p>Ces chiffres sont tirés de la statistique dressée en 1908 par le
+gouvernement ottoman lui-même en vue des élections au Parlement de
+Constantinople. Ils sont donc plutôt défavorables à l'élément grec. Il
+convient, en outre, d'ajouter que, si le tracé hellénique englobe
+154.413 musulmans, il laisse à proximité de la frontière en territoire
+albanais 44.119 Grecs.</p>
+
+<p>Ce qui reste de différence dans la balance des chiffres s'affaiblit
+encore quand, en plus de l'aspect ethnographique de la question, on
+envisage le côté civilisateur et humanitaire.</p>
+
+<p>En effet, sur le territoire que la Grèce prétend annexer se trouvent 733
+écoles grecques (filles ou garçons), dont 3 lycées de garçons (Janina,
+Konitsa, Koritza), un lycée de filles (Janina). Ces écoles comportent
+927 maîtres et maîtresses et 28.850 élèves, soit 9,2% de la population.</p>
+
+<p>Les Grecs estiment donc qu'ils sont déjà parfaitement outillés pour
+ouvrir définitivement l'Epire à la civilisation.</p>
+
+<p>Comme le gouvernement de Vienne est relativement peu intéressé aux
+affaires du sud de l'Albanie, il est à supposer que les Grecs
+obtiendront de l'Autriche dans une large mesure satisfaction. Les
+difficultés leur viendront peut-être de l'Italie.</p>
+
+<p><i>Frontière serbo-albanaise</i>.</p>
+
+<p>La frontière demandée par les Serbes, à sa jonction avec la frontière
+grecque, suit à partir du lac d'Okrida, non pas, comme on l'a dit, le
+Drin noir, mais la ligne de partage des eaux se trouvant à l'ouest du
+Drin. Ainsi, estiment les Serbes, la frontière sera mieux fixée et
+permettra d'inclure en Serbie les nombreux villages serbes qui se
+trouvent entre le faîte des montagnes et la rive gauche du Drin.</p>
+
+<p>Le projet serbe est en complète opposition avec, le projet autrichien
+qui, en sa forme initiale, attribue Prizrend à l'Albanie. Or, les Serbes
+tiennent énormément à la possession de cette ville qui, au treizième
+siècle, fut la capitale de l'empire serbe de Douchan le Grand.</p>
+
+<p>En ce qui concerne les contrées d'Ipek, Detchani, Diakova, les Serbes,
+comme on le verra plus loin, s'unissent aux Monténégrins pour en
+réclamer l'exclusion de l'Albanie. Cette attitude n'implique pas une
+divergence de vue entre Serbes et Monténégrins. Elle s'explique par ce
+fait que, si Serbes et Monténégrins appartiennent à deux États
+différents, ils ne forment, comme on sait, qu'un même peuple: le peuple
+serbe. Les Serbes plaident donc à la fois leur cause et celle des
+Monténégrins.</p>
+
+<p>A propos de ces régions, dit le mémorandum serbe, «<i>la nation serbe ne
+voudra et ne fourra faire aucune concession, ne pourra en venir à aucune
+transaction, à aucun compromis, et il n'y a pas de gouvernement serbe
+qui oserait s'y prêter</i>».</p>
+
+<p><i>Frontière albano-monténégrine.</i></p>
+
+<p>C'est à propos de cette frontière, au nord de l'Albanie, que se
+manifeste, avec le plus d'énergie, l'opposition autrichienne.</p>
+
+<p>Pour soutenir son tracé, le gouvernement du Monténégro part de la
+nécessité d'assurer la sécurité du royaume, ainsi que son développement
+politique et économique.</p>
+
+<p>Pour exclure de l'Albanie les territoires dont les chefs-lieux sont
+Scutari, Ipek et Diakova, le Monténégro, comme la Serbie, fait appel aux
+titres historiques, rappelant que, depuis les temps les plus reculés, le
+Drin a été toujours considéré comme la limite extrême de l'Albanie du
+Nord. Dans un document de 1355, le Drin est appelé <i>Flurnen Sclavoniæ</i>
+(fleuve serbe).</p>
+
+<p>A partir du onzième siècle, le royaume serbe de Zeta, dont le Monténégro
+actuel a recueilli l'héritage, s'étendait jusqu'au Drin. Scutari fut le
+siège de toutes les dynasties serbes, et, bien qu'alors la royauté ne
+résidât pas toujours d'une manière stable et suivie, dans les grandes
+villes, Scutari fut souvent la résidence des souverains serbes.</p>
+
+<p>Les traces de cette possession subsistent encore dans la dénomination
+actuelle, tout à fait serbe, des montagnes et des rivières de la région,
+en dépit de l'albanisation qui a suivi, dans ces parages, la conquête
+turque, albanisation, dans un grand nombre de cas, toute de surface, car
+beaucoup d'Albanais d'aujourd'hui ne sont que d'anciens Serbes
+islamisés.</p>
+
+<p>Si, géographiquement, Scutari a été le centre historique du Monténégro,
+on ne saurait contester qu'au point de vue économique le lac de Scutari
+ne forme un tout indivisible. Le Monténégro a toujours souffert dans son
+développement commercial de cette séparation violente et artificielle
+d'avec le bassin de la Bojana et du Drin. La fertile plaine de Scutari
+constitue, en effet, la seule issue naturelle du commerce monténégrin à
+la mer. Le Monténégro ne pourra se développer que lorsque, grâce à la
+rectification des frontières, il aura pu régulariser les fleuves Bojana
+et Drin, évitant ainsi les grands dégâts causés périodiquement par les
+crues.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011.png"><br>
+
+<p>Pour appuyer davantage leurs prétentions, les Monténégrins invoquent
+encore le fait que de nombreuses tribus albanaises ont pris part avec
+eux à la guerre contre les Turcs.</p>
+
+<p>Les délégués monténégrins concluent ainsi:</p>
+
+<p>«Ces raisons dictent au gouvernement monténégrin le devoir péremptoire
+de déclarer aux grandes puissances que l'annexion de Scutari, d'Ipek et
+de Diakova, inscrite en premier lieu sur le programme qui a présidé à
+l'ouverture des hostilités, forme un tout nécessaire, et que <i>le
+Monténégro, plutôt que de renoncer à cet agrandissement logique et
+naturel de son territoire, préférerait disparaître comme facteur
+politique dans les Balkans.</i>»</p>
+
+<p>Cette énergique déclaration aura-t-elle raison de l'opposition
+autrichienne? Vienne persiste à considérer la ville de Scutari--qui n'a
+pas encore été prise par les Monténégrins --comme purement albanaise.
+Vienne n'ignore pas, en outre, que le tracé demandé par les Monténégrins
+permettrait, par l'effet d'une entente ultérieure avec la Serbie, de
+construire un chemin de fer qui, partant de Saint-Jean-de-Modua par
+Alessio, la vallée du Drin et Prizrend, couperait la ligne
+Mitrovitza-Salonique à Ferizovitch, et, de là, gagnerait Nisch, le
+centre de la Serbie.</p>
+
+<p>Il y a donc lieu de croire que l'opposition autrichienne à la cession de
+Scutari au Monténégro sera très vive.</p>
+
+<h4>PORTÉE EUROPÉENNE DE LA QUESTION ALBANAISE</h4>
+
+<p>Comment, maintenant, la délimitation de l'Albanie peut-elle menacer la
+paix européenne? La raison de ce danger est simple.</p>
+
+<p>L'Autriche-Hongrie, qui n'a pris aucune part à la guerre n'a, en
+réalité, aucun titre pour intervenir dans le partage de la Turquie
+d'Europe entre les alliés qui, eux, invoquent le droit de conquête et
+les sacrifices énormes qu'ils ont dû faire en hommes et en argent. Or,
+<i>le projet d'Albanie présenté par le gouvernement de Vienne ne tend à
+rien moins qu'à dépouiller les Monténégrins, les Serbes et les Grecs des
+principaux résultats de leurs victoires.</i></p>
+
+<p>Les grandes puissances ont déjà fait une large concession à
+l'Autriche-Hongrie en adhérant au principe d'une Albanie autonome, mais
+il est évident que cette Albanie doit être de dimensions restreintes,
+afin de concilier les préférences de l'Autriche avec les droits des
+alliés balkaniques victorieux.</p>
+
+<p>Or, si l'Autriche est plus ou moins soutenue dans ses prétentions par
+l'Allemagne et l'Italie, les alliés balkaniques ont pour appuis naturels
+les puissances de la Triple Entente, dont la doctrine à cet égard a été
+proclamée le 9 novembre 1912 par M. Asquith, premier ministre
+britannique, disant, au banquet du lord-maire: «<i>Les vainqueurs ne
+doivent pas être privés d'une victoire qui leur a coûté si cher.</i>» Les
+deux grands groupements politiques européens se trouvent ainsi aux
+prises à propos de la question d'Albanie.</p>
+
+<p>En effet, le «dépouillement» par l'Autriche des Monténégrins, des Serbes
+et des Grecs serait considéré dans tous les Balkans, par tous les Slaves
+d'Autriche-Hongrie, dans le monde entier d'ailleurs, comme un triomphe
+de la Triple Alliance et un échec considérable pour la Triple Entente,
+particulièrement grave pour la Russie.</p>
+
+<p>La Russie, évidemment, en raison de sa politique séculaire, ne peut pas,
+sans compromettre de la façon la plus grave son prestige de grande
+puissance, abandonner à la pression allemande de Vienne des États slaves
+et orthodoxes comme la Serbie, comme le Monténégro, «le seul ami de la
+Russie»,--disait jadis Alexandre III.</p>
+
+<p>Pour ces raisons, à la conférence des ambassadeurs de Londres, les
+alliés s'attendent, à propos de l'Albanie, à être soutenus fermement par
+la Triple Entente. Puisque les grandes puissances, dans l'ensemble, ne
+veulent certainement pas la guerre, la meilleure solution à souhaiter,
+c'est qu'une conciliation puisse se faire entre les points de vue si
+opposés de l'Autriche et des alliés. On tend, d'ailleurs, dès
+maintenant, à une transaction.</p>
+
+<p>Ce qu'il faut bien comprendre encore, c'est que plus le territoire de
+l'Albanie sera restreint, et davantage la diplomatie européenne sera
+délivrée pour l'avenir des soucis incessants et certains que lui réserve
+la création d'un État albanais. On ne saurait se le dissimuler, le futur
+État albanais sera le foyer des intrigues les plus variées:
+autrichiennes, italiennes, monténégrines, serbes, grecques, albanaises,
+au-dessus desquelles devront s'exercer le contrôle et la garantie de
+l'autonomie des six grandes puissances! Quelles perspectives!</p>
+
+<p>Dans ces conditions, le simple bon sens indique que moins le «guêpier»
+albanais sera étendu, moins nombreux seront les soucis que les
+puissances auront fatalement à son sujet. Par contre, plus la part des
+alliés sera grande et plus vaste sera le domaine de la civilisation. Ce
+qu'ont déjà su faire les Grecs, les Monténégrins et les Serbes des
+territoires conquis jadis sur les Turcs est un gage certain de l'oeuvre
+bien faisante qu'ils sauront accomplir dans leurs nouvelles
+possessions.<br>
+<span class=rig><span class="sc">André Cheradame.</span></span></p><br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012asmall.png"><br><a href="images/012alarge.png">(Agrandissement)</a><br><b>LE SIÈGE D'ANDRINOPLE.--La situation au moment de<br>
+l'armistice et à la reprise des hostilités.</b></p>
+
+<p>La ligne principale de défense turque, indiquée schématiquement sur le
+croquis, n'a été rompue, en novembre, qu'au sud-ouest et à l'ouest, les
+Bulgares s'étant emparés de Kartal-Tépé et d'une partie des forts de
+Papas-Tépé d'où ils peuvent maintenant bombarder une partie de la
+ville.--La ligne enveloppante de petits rectangles indique la
+répartition des troupes assiégeantes dans les secteurs, et non pas leurs
+positions qui sont beaucoup plus avancées.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012b.png"><br><b>DEVANT ANDRINOPLE.--Le général Ivanof, qui commande
+l'armée de siège bulgare, sur la rive de la Maritza, avec son
+état-major.</b> <i>Photographie. G. Woltz.</i></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013.png"><br><b>UNE FABLE DE LA FONTAINE EN ACTION.--<i>Le Meunier, son<br>
+fils et l'âne</i>, dans le Turkestan.</b> <i>Phot. A. Svoboda.</i></p>
+
+<p>C'est une illustration inattendue pour la célèbre fable de La Fontaine,
+<i>le Meunier, son fils et l'âne</i>, que nous apporte cette authentique
+photographie qui fut prise à Bokhara, dans le Turkestan... On y
+retrouve, saisis sur le vif, les trois personnages du délicieux apologue
+familier à nos mémoires: le père, vénérable vieillard, coiffé du turban,
+vêtu d'une ample robe rayée, son fils, un enfant encore, «mais non des
+plus petits», et le paisible baudet, docile sous le bât, philosophe que
+les vicissitudes de ce monde n'émeuvent plus.</p>
+
+<p>Le voilà portant bravement sur son échine un double fardeau, dont l'un
+au moins est de poids; mais la route est longue, le soleil ardent, et la
+pauvre bête ne saurait, en cet équipage, aller loin. Pour l'alléger, le
+fils descend; et tout aussitôt les bons villageois rencontrés au passage
+de s'indigner, comme dans la fable, à la vue du jeune homme suivant à
+pied son père, «tandis que ce nigaud, comme un évêque assis, fait le
+veau sur son âne...» Le vieillard, confus, se hâte, pour détourner les
+quolibets, de céder sa place à son fils; et les railleries, maintenant,
+s'adressent au garçon, qui, confortablement installé sur sa monture,
+semble mener «laquais à barbe grisez». Blâmé par ceux-ci, pris en pitié
+par ceux-là, le père se décide à remettre son fils en croupe:</p>
+
+<p><i>Eh quoi! charger ainsi une pauvre bourrique!</i></p>
+
+<p>Il s'y résout enfin, pour avoir la paix. Et c'est, dans l'aventure, le
+malheureux âne qui, comme on dit, «a bon dos»...</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES LIVRES &amp; LES ÉCRIVAINS</h3>
+
+<p class="rig"><i>Actualité.</i></p><br><br>
+
+<p>On a déjà lu, dans le <i>Figaro</i>, les magnifiques plaidoyers
+de Pierre Loti pour <i>la Turquie agonisante</i>. Ces pages courageuses de
+pitié et de justice aussi, dans lesquelles l'immortel auteur
+d'<i>Aziyadé</i>, de <i>Jérusalem</i>, des <i>Désenchantés</i>, demande grâce pour le
+vaincu oriental et stigmatise l'appel à la curée, sont réunies en un
+petit volume (Calmann-Lévy, 2 fr.) qui prend une place d'honneur et
+marque une date émouvante dans l'oeuvre de Loti. Cette noble et ardente
+protestation n'arrêtera point sans doute la fatalité qui entraîne les
+destinées d'un peuple. Mais ce cri d'humanité n'en aura pas moins eu son
+retentissement dans le monde: et, chez nous, dans cette France
+protectrice depuis des siècles des Latins orientaux que menacera
+évidemment désormais l'hégémonie orthodoxe, dans cette France,
+conseillère jadis écoutée à Constantinople et commanditaire pour près de
+3 milliards des organisations financières et des entreprises
+industrielles et commerciales de l'Empire en détresse, tels
+avertissements directs de Loti, que, sous une autre forme, saisissante
+et documentaire, nous trouvons répétés dans l'enquête suprême de M.
+Stéphane Lauzanne, <i>Au chevet de la Turquie</i>, ne sauraient passer au
+milieu de l'indifférence.</p>
+
+<p class="rig"><i>Philosophie.</i></p><br><br>
+
+<p>La philosophie sereine et consolante de Maurice Maeterlinck s'efforce,
+aujourd'hui, de nous réconcilier avec <i>la Mort</i> (Fasquelle). L'auteur de
+<i>la Sagesse</i> et du <i>Trésor des humbles</i> a écrit pour notre âme angoissée
+par le grand mystère, une sorte de manuel de la bonne mort, où, à les
+regarder attentivement et courageusement en face, avec sang-froid, on
+voit peu à peu se dissoudre et s'évanouir les horreurs et les affres de
+l'heure dernière. Non point qu'il tente de nous révéler quelques-uns des
+secrets de l'au delà. Car nul, sur cette terre, ne prononcera le mot qui
+mettra un terme à nos incertitudes. Et d'ailleurs non seulement nous
+avons à nous résigner à vivre dans l'incompréhensible, mais nous devons
+même nous réjouir de n'en pouvoir sortir. «Si, en effet, il n'y avait
+plus de questions insolubles ni d'énigmes impénétrables, l'infini ne
+serait pas infini; et c'est alors qu'il faudrait à jamais maudire le
+sort qui nous aurait mis dans un Univers proportionné à notre
+intelligence. Tout ce qui existe ne serait plus qu'une prison sans
+issues, un mal et une erreur irréparables. L'inconnu et
+l'incommensurable sont nécessaires à notre bonheur. Et je ne
+souhaiterais pas à mon pire ennemi, sa pensée fût-elle mille fois plus
+haute et plus puissante que la mienne, d'être éternellement condamné à
+habiter un monde dont il aurait surpris un secret essentiel et auquel,
+étant homme, il aurait commencé à comprendre quelque chose.»</p>
+
+<p class="rig"><i>Histoire.</i></p><br><br>
+
+<p>Le seul mérite de nous avoir révélé les frères Tharaud suffirait à
+témoigner de l'utilité d'un jury littéraire contre qui, pour un vote
+récent et contestable, se sont élevées d'assez vives attaques. MM.
+Jérôme et Jean Tharaud sont de beaux écrivains français et on les tient
+au premier rang de ceux qui ont le scrupule d'exprimer notre langue dans
+toute sa pureté et sa lumière. Ils atteignent la perfection dans le
+récit, précis et simple, mais où l'on devine une préparation laborieuse,
+et une application disciplinée qui maîtrise l'élan. Ils ne nous
+paraissent point avoir l'imagination assez libre ni l'âme assez
+fougueuse pour nous donner jamais ces oeuvres qui atteignent le coeur et
+qui laissent en nous, durablement, des émotions ou des mirages. Ils
+n'ont point la sensibilité instinctive et contagieuse--celle de
+Maupassant, par exemple--qui ne saurait naître, d'ailleurs, d'une
+collaboration. Mais on doit attendre d'eux une longue série de petites
+oeuvres parfaites, qui leur survivront--et ils sont jeunes--et que l'on
+aimera conserver dans les bibliothèques, comme de précieuses choses,
+dans l'enchâssement de délicates reliures. Ainsi fera-t-on pour <i>la
+Tragédie de Ravaillac</i> (Émile-Paul) que les Tharaud, avec tout le relief
+de leur art expressif et la richesse élégante de leur pensée, évoquent à
+leur tour au fil des documents contemporains, contrôlés et confrontés et
+qui, surtout, invitent à rêver lorsque, les ayant vus, on a fait le tour
+des remparts d'Angoulême, remonté la Charente et vagué «jusqu'aux
+prairies de Touvre, sous le château ruiné auquel la tradition populaire
+rattache par un sentiment profond la mémoire de Ravaillac, au bord de ce
+gouffre glacé sur lequel, assurément, comme tous les enfants du pays, il
+est venu pencher son visage, et dont les eaux mystérieuses qu'agite un
+bouillonnement perpétuel semblent retenir encore l'ombre de son âme
+tourmentée».</p>
+
+<p class="rig"><i>Romans.</i></p><br><br>
+
+<p>On peut s'enliser à jamais et mortellement dans les <i>Sables mouvants</i> de
+la vie parisienne, dès que l'on rompt toutes attaches à certains
+principes stricts des vieilles traditions. Mme Colette Yver nous
+affirme, en son nouveau roman, d'une observation pénétrante et actuelle
+(Calmann-Lévy), qu'il est bien difficile de ne se point égarer lorsque
+la voie, trop neuve, où nous orientons notre vie, n'est plus une route
+comme celle «qui conduit chez nous à la campagne et que nous voyons
+s'allonger si droite, si facile, piétinée, durcie par tous les gens du
+pays qui cheminent là depuis des siècles.» C'est un thème assez analogue
+à celui que traitait récemment et différemment M. Jacques des Gâchons
+dans <i>la Vallée bleue</i>. Mme Colette Yver nous silhouette en trait
+décisifs une fillette étrangement précoce qui ouvre trop vite son
+intelligence au contact incessant des intelligences de «grandes
+personnes» près desquelles on la voit toujours rôder silencieuse et
+indifférente, semble-t-il. Mais son coeur, qui n'a pas été lentement
+modelé par les soins pieux d'une mère attentive ou d'une éducatrice
+habile, reste en friche, tout en instincts et en appétits, ignorant le
+devoir et la pitié, les deux seules lumières qui auraient encore pu lui
+servir de guides dans les sables mouvants. Et, lorsque, devenue jeune
+fille, il arrive qu'elle aime, c'est avec une passion brutale et cruelle
+qui brise tout et laisse un profond sillage de deuil. L'expiation
+viendra ensuite. L'ardente et implacable créature apprendra, dans la
+douleur sans espoir, le sens profond de la pitié et de l'amour,--mais
+trop tard puisque les ruines sont faites. Les «marionnettes de luxe»,
+nous dit M. Michel Provins, ont l'appétit très court aussi bien pour le
+coeur que pour l'estomac; de là une infinité de ruptures, comiques,
+dangereuses ou tristes simplement comme les rêves qui s'éteignent. Les
+héros de M. Michel Provins, qui sont ces mondains d'aujourd'hui dont
+l'amour, léger, égoïste, intéressé, peu sentimental, meurt très vite de
+satiété, ont acquis, dans la manière de <i>bien finir</i>, une véritable
+virtuosité que l'adroit auteur de tant de fins dialogues nous révèle
+joliment (Fasquelle) dans <i>l'Art de rompre.</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+<p><i>L'Enchantement</i>, que vient de reprendre la Renaissance, marqua, voici
+treize ans --à la Renaissance, mais avec l'interprétation de l'Odéon,
+qui avait cédé sa scène à la Comédie-Française incendiée--l'éclatant
+début de M. Henry Bataille sur une scène régulière. Sa notoriété, puis
+sa célébrité n'ont fait que grandir depuis. On se souvient du sujet de
+la pièce: entre deux soeurs qu'une grande affection unit, un homme s'est
+glissé; l'aînée, sérieuse et pondérée, l'épouse, plus par raison que par
+amour; de dépit, la cadette, à l'amour instinctif, tente de
+s'empoisonner; son aînée pense la guérir en la conservant en tiers dans
+son ménage; mais, peu à peu, torturée de jalousie, à son tour elle
+éprouvera la passion à laquelle elle ne croyait pas, elle subira
+«l'enchantement» de l'amour et elle se séparera de la soeur qu'elle
+chérit pour garder exclusivement le mari qu'elle adore à présent. Tout
+l'essentiel du talent d'Henry Bataille est là en puissance. Mme Berthe
+Bady joue le rôle principal avec une vie, une sensibilité
+extraordinaires; Mlle Renouard est très juste de ton et d'attitude dans
+le personnage difficile de la soeur cadette. M. Dubosc a composé
+finement la physionomie du mari adoré.</p>
+
+<p><i>Sylla</i>, tragédie représentée précédemment au théâtre de Monte-Carlo, a
+été chaleureusement accueillie en matinée, à l'Odéon. Son auteur, M.
+Alfred Mortier, a des dons véritables de poète tragique.</p>
+
+<p>A l'Opéra, le «conte musical» de M. André Gailhard, <i>le Sortilège</i>--dont
+le livret est de M. Maurice Magre--a reçu le meilleur accueil. Ce jeune
+compositeur est un laborieux qui possède en outre des qualités
+inventives, le goût du pittoresque et beaucoup de charme.</p>
+
+<p>L'esprit de M. Bernard Shaw ne nous est perceptible qu'au travers d'une
+traduction. Néanmoins, il apparaît d'une originalité singulière faite
+d'ironie froide, de puissance comique et d'un penchant non contrarié à
+la mystification. Sa comédie: <i>On ne peut jamais dire...</i> représentée au
+Théâtre des Arts, abonde en traits inattendus, un peu déconcertants,
+sans laisser d'être plaisante.</p>
+
+<p>Au théâtre Apollo, nous avons revu avec plaisir <i>Monsieur de La Palisse</i>
+et nous nous sommes divertis aux cocasses aventures qui lui adviennent
+du fait de MM. de Fiers et de Caillavet, ses parrains. La musique de M.
+Claude Terrasse est pleine d'allégresse et d'esprit; cette opérette a
+retrouvé le franc succès qui l'accueillit en 1904, lors de sa création.</p>
+
+<p>Cluny est la dernière bastille du vaudeville: <i>la Cocotte bleue</i> vient
+d'y être enfermée. Elle y sera visible chaque jour, sans doute fort
+longtemps. Le public est convié à venir s'y dérider au spectacle des
+péripéties où de nombreux personnages se démènent avant d'atteindre à un
+dénouement heureux et prévu, quoique différé.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LA DISSOLUTION DU «SOUVENIR ALSACIEN-LORRAIN.»</h3>
+
+<p>Bien souvent, nous avons eu l'occasion le signaler l'oeuvre accomplie
+aux pays annexés par le «Souvenir Alsacien-Lorrain»; de ce côté de la
+frontière, on a toujours suivi avec une sympathie émue les touchantes
+manifestations de ce culte des morts auquel les Alsaciens-Lorrains sont
+demeurés si fidèles. Depuis longtemps elles étaient dans les journaux
+allemands, l'objet de violentes et haineuses attaques. Cette campagne de
+presse vient d'aboutir à ses fins: le gouvernement impérial a prononcé
+la dissolution du «Souvenir»,--mesure qui ne pouvait manquer de
+soulever, dans les deux provinces, une indignation générale. Le décret
+de dissolution invoque les articles du Code pénal qui visent le crime de
+haute trahison. «C'est tout simplement fou, nous écrit notre
+correspondant de Strasbourg. Le «Souvenir «Alsacien-Lorrain» ne
+poursuivait qu'un but infiniment noble: honorer la mémoire des soldats
+tombés sur les champs de bataille de la guerre.»</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/014a.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. Jean.</b>--<i>Phot. Studia-Lux.</i></p>
+
+<p>Un homme était l'âme et la force du «Souvenir», auquel il avait
+consacré, malgré les obstacles, toute son activité patiente et tenace:
+M. Jean. C'est lui que, tout d'abord, on a voulu atteindre: la police a
+perquisitionné à son domicile, à Vallières, et a saisi plusieurs lettres
+privées où des amis de France lui annonçaient l'envoi de cotisations ou
+le félicitaient de son admirable énergie. Parmi elles, il s'en trouvait
+une dans laquelle le correspondant de M. Jean--d'ailleurs inconnu de
+lui--parlait des «petits canons français qui ont fait leurs preuves dans
+les Balkans et qui supprimeront bientôt la frontière maudite». Le
+gouvernement fait grand état de cette lettre, qui a gagné, dans cette
+aventure, une publicité dont seuls les Allemands ne sauraient se
+réjouir.</p>
+
+
+
+<p>En attendant que l'affaire soit portée devant la Chambre des députés,
+l'opinion publique proteste vivement contre la dissolution du
+«Souvenir», tout en affirmant son attachement à l'oeuvre des tombes: «Ce
+coup a été plus douloureux, dit le <i>Journal d'Alsace-Lorraine</i>, que
+toutes les autres tracasseries dont nous avons été les victimes, mais il
+ne peut nous faire oublier nos morts. Pour supprimer ce culte de la
+mémoire de nos frères, il faudrait supprimer jusqu'au dernier des
+Alsaciens-Lorrains».</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>UN JOURNALISTE COMMANDEUR</h3>
+
+<p>Dans la promotion de la Légion d'honneur dite «du 1er janvier», qui
+vient seulement de paraître à <i>l'Officiel</i>, figure, au titre du
+ministère de l'Intérieur, non loin de M. Hennion, directeur de la Sûreté
+générale, notre confrère L.-L. Pognon, administrateur de l'Agence Havas,
+promu au grade de commandeur. Si, contrairement à nos habitudes, nous
+enregistrons cette promotion, c'est que L.-L. Pognon est le premier
+journaliste qui, à ce seul titre, reçoive du ministère de l'Intérieur,
+auquel ressortit la presse, la cravate de commandeur.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/014b.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>M. Pognon.</b>--<i>Phot. Herschel.</i></p>
+
+<p>Il n'est pas une salle de rédaction où le bel avancement de L.-L. Pognon
+dans l'ordre national n'ait été salué avec joie: c'est un peu la
+corporation entière qui est honorée en la personne de ce parfait galant
+homme, de ce charmant camarade, si accueillant, si serviable toujours,
+de cet excellent journaliste, si parfaitement maître en son métier.</p>
+
+<p>S'il en avait le loisir--et s'il pouvait aussi conter tout ce qu'il a
+vu--quels mémoires attrayants, mouvementés, pour rait écrire cet homme
+qui depuis tant d'années promène par le monde, au hasard des événements
+politiques, son intelligente activité, sa clairvoyance, sa curiosité
+jamais indiscrète; qui, parti du reportage, en est arrivé à la direction
+d'une des plus importantes agences d'information du monde; qui
+accompagna, presque à ses débuts, Gambetta et recueillit de sa bouche
+quelques-uns des mots historiques gravés dans la pierre de son monument,
+et, tout dernièrement, était, à bord du <i>Condé</i>, le compagnon de voyage
+de M. Poincaré. Combien d'événements auxquels il fut présent, seul de
+tous les journalistes, sans qu'aucun de nous songeât à se plaindre de
+cette faveur, tant nous considérons L.-L. Pognon comme le mandataire
+qualifié, et en quelque sorte symbolique, de toute la presse, comme le
+<i>représentative man</i>, diraient les Anglais, du vieux journalisme!...</p>
+<br><br>
+
+<h3>LE COLONEL GUISE</h3>
+
+<p>L'un des officiers attachés à la personne du président de la République,
+M. le colonel Guise, vient de succomber aux suites d'un terrible
+accident.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>Le colonel Guise.</b>--<i>Phot. Sazerac.</i>]</p>
+
+<p>Il passait à cheval, samedi dernier, sur le cours la Reine quand, aux
+approches de la place de l'Alma, sa monture, effrayée par une
+automobile, s'emballa et, après un brusque écart, fit panache et se tua.
+Le cavalier, fut projeté la tête en avant sur la bordure du trottoir.</p>
+
+<p>On releva, inanimé, le colonel Guise qu'on transporta dans une pharmacie
+voisine d'où, par les soins de M. Collignon, secrétaire général de la
+présidence, il fut conduit au Val-de-Grâce. Là, au premier examen, on
+constata une fracture du crâne. L'opération du trépan s'imposait: le
+médecin principal Ferraton et M. Reverchon, médecin-major, y
+procédèrent. Mais le malheureux colonel ne reprit qu'à peine ses sens,
+et lundi, après deux jours d'agonie, il succombait.</p>
+
+
+
+<p>Le colonel Guise s'était acquis, dans ses fonctions à l'Elysée, beaucoup
+de cordiales sympathies. 11 était né à Hesdin, dans le Pas-de-Calais, en
+septembre 1861. C'était un cavalier accompli, que ses qualités de
+sportsman avaient désigné comme organisateur des chasses
+présidentielles. Sa mission allait prendre fin avec la retraite de M.
+Fallières, et il venait d'être promu colonel et affecté au 5e
+cuirassiers, à Saumur.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LE COMMANDANT HOLBECQ</h3>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le commandant Holbecq.</b><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;--<i>Phot. Paul Petit.</i></p>
+
+<p>La prise de la casbah d'Anflous nous a coûté réellement plus que nous ne
+le croyions la semaine dernière: 13 tués, dont un officier, et 72
+blessés, dont 4 officiers.</p>
+
+
+
+<p>L'officier supérieur qui a trouvé la mort en cette rencontre est le chef
+d'escadron Holbecq, commandant le 1er groupe d'artillerie, au Maroc. Il
+a été frappé au moment où se dessinait la victoire, sur la crête que nos
+troupes venaient d'occuper, comme il faisait son rapport aux généraux
+d'Esperey et Brulard.</p>
+
+<p>Le commandant Holbecq était né le 14 décembre 1864. Il sortait de
+l'École polytechnique et avait passé par l'École de guerre. Il était
+chef d'escadron depuis le mois de juin 1910.</p>
+
+
+
+<p>Parmi les officiers blessés, on donne les noms du lieutenant
+Brillat-Savarin, de la 3e batterie coloniale, et du lieutenant
+Umbdenstock, de la 4e batterie, celui-ci légèrement atteint, disent les
+dépêches.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LE PEINTRE DEBAT-PONSAN</h3>
+
+<p>Le peintre Édouard Debat-Ponsan est mort la semaine dernière à l'âge de
+soixante-cinq ans.</p>
+
+<p>Il était né à Toulouse, où son père était professeur de musique. La
+guerre de 1870-1871 avait, dès le début, interrompu ses études
+artistiques. Engagé comme franc-tireur, il avait fait campagne sous
+Bourbaki, puis, prisonnier, s'était échappé pour venir reprendre un
+fusil à l'armée de la Loire.</p>
+
+<p>En 1873, il quittait, avec un second prix de Rome, l'École des
+beaux-arts, où il avait été le disciple attentif de Cabanel.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/015c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. Debat-Ponsan.</b><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;--<i>Phot. Braun-Clément.</i></p>
+
+<p>Il se tournait plus particulièrement vers la peinture d'histoire. Une
+bourse de voyage qu'il se vit décerner par l'Institut, en 1877, lui
+permit de parcourir à fond l'Italie, terre des auteurs classiques. De
+cette première période de sa carrière datent la <i>Fille de Jephté</i>, le
+<i>Saint Paul devant l'aréopage, le Matin de la Saint-Barthélémy.</i></p>
+
+<p>Puis des scènes de la vie rustique, se déroulant dans les larges
+paysages, le tentèrent; des toiles où il se montra excellent peintre de
+plein air, et digne émule de Bastien Lepage.</p>
+
+<p>Entre temps, plusieurs effigies remarquables, qui séduisirent par leur
+ressemblance, leur vérité, le classèrent comme portraitiste très couru.
+C'est ainsi qu'il fixa les traits de <i>M. et Mme Constans, de MM. Paul de
+Gassagnac, Georges Leygues, Pouyer-Quertier, Camescasse, Pedro
+Gaillard,</i>--du <i>général Boulanger</i>, enfin, alors dans toute sa
+popularité. Ce dernier portrait eut même une histoire, d'ailleurs brève:
+le peintre souhaitait de le voir figurer à l'Exposition de 1889. Les
+qualités intrinsèques de l'oeuvre la rendait digne de cet honneur. Mais
+le gouvernement d'alors s'émut; il redouta des manifestations: M.
+Debat-Ponsan, parfait honnête homme et qui avait d'ailleurs assez de
+talent pour dédaigner comme moyen de succès les démonstrations
+bruyantes, se rendit aux raisons que lui donna le ministre et retira
+spontanément sa toile.</p>
+<br><br>
+
+
+<h3>UN GRAND HOMME D'ÉTAT</h3>
+
+<h4>ESPAGNOL</h4>
+
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/015d.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>M. Moret.</b>--<i>Phot. Cabjet.</i></p>
+
+<p>Le président, de la Chambre et ancien président du Conseil espagnol, M.
+Moret, qui vient de s'éteindre à Madrid, incarnait réellement un
+demi-siècle d'histoire de l'Espagne, car peu d'hommes d'État auront joué
+un rôle si continu dans des régimes aussi divers: élu député indépendant
+en 1863, sous le règne d'Isabelle II, il fut tour à tour ministre du
+dictateur maréchal Serrano, d'Amédée de Savoie, de la République de
+1873, d'Alphonse XII, de la reine régente Marie-Christine, et enfin,
+depuis l'avènement d'Alphonse XIII, chef de trois ministères, en 1905.
+1906 et 1909. Dans ces hautes fonctions, il brilla surtout aux Cortès
+par son admirable éloquence, joignant à la faconde andalouse les
+qualités d'esprit britannique qu'il s'était assimilées durant son
+ambassade à Londres. Par contre, il échoua dans la réalisation de la
+plupart de ses projets politiques, quelques-uns aussi importants que
+l'autonomie coloniale, quand il était ministre d' «Ultramatar», en 1898,
+ou la révision constitutionnelle. Port ulcéré depuis, M. Moret, après
+avoir parlé de se retirer et de bouder la monarchie, avait fini par
+accepter, à la mort de Canalejas, la présidence de la Chambre, où il
+semblait prendre une retraite honorifique, tout en voyant le chef du
+cabinet actuel, M. de Romanonès, ressusciter son ancien programme
+d'attraction des gauches au régime. Ni l'âge, ni les déboires n'avaient
+altéré sa belle prestance et, malgré ses soixante-quinze ans, rien ne
+faisait prévoir sa mort, presque subite, d'une attaque de grippe
+médullaire; il se préparait à partir en villégiature pour le Midi de la
+France (c'était un sincère ami de notre pays). M. Moret possédait déjà
+sa statue, érigée de son vivant à Cadix, sa ville natale, par la
+gratitude et l'admiration de ses concitoyens.</p>
+
+
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La circulation dans les grandes villes.</span></p><br><br>
+
+<p>Un spécialiste américain, M. Howard, a essayé récemment, sans grand
+succès, de résoudre le problème de la circulation dans certaines rues de
+Paris très encombrées. Il ne soupçonnait sans doute point la difficulté
+d'une telle entreprise. Il publie aujourd'hui un tableau comparatif d'où
+il résulte que dans plusieurs grandes voies parisiennes l'intensité de
+la circulation est considérablement plus grande qu'en aucune autre ville
+du monde.</p>
+
+<p>Voici un extrait de ce tableau indiquant le nombre total de véhicules
+circulant de 7 heures à 19 heures dans certaines artères de plusieurs
+grandes cités:</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="Illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 35%; text-align: left;">
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>Paris:</i><br>
+Rue de Rivoli<br>
+Avenue de l'Opéra<br>
+Boulevard de la Madeleine<br>
+Boulevard des Italiens<br>
+Rue Saint-Honoré<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>Berlin:</i><br>
+Potsdam Platz<br>
+Leipzig Strasse<br>
+Friederichs Platz<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>Londres:</i><br>
+Strand<br>
+Cheapside<br>
+Gracechurch Street<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>New-York:</i><br>
+5e avenue près de la 58e rue<br>
+1re avenue<br>
+Broadway, près Franklin Street<br>
+Wall Street<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>Chicago:</i><br>
+Wabash Avenue<br>
+Sheridan Road<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>Philadelphie:</i><br>
+Broad Street<br>
+Filbert Street
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 10%; text-align: right;">
+<br>
+33.232<br>
+29.460<br>
+17.524<br>
+20.124<br>
+16.598<br>
+<br>
+14.221<br>
+9.596<br>
+13.479<br>
+<br>
+16.208<br>
+11.019<br>
+12.148<br>
+<br>
+8.665<br>
+2.301<br>
+3.277<br>
+2.443<br>
+<br>
+3.794<br>
+5.736<br>
+<br>
+6.176<br>
+5.185
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 55%; text-align: center;">
+
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<p>Le nombre de voitures circulant dans la rue de Rivoli est donc plus de
+deux fois supérieur à celui des voitures qui roulent dans le Strand, le
+quartier le plus mouvementé de Londres.</p>
+
+<p>Si, au lieu de considérer le nombre absolu de véhicules, on tient compte
+de la largeur de voie occupée, Paris détient encore le record de
+l'encombrement.</p>
+
+<p>Le nombre de voitures circulant par yards (0m,90) de voie, dans le temps
+indiqué plus haut, atteint, en effet: 2.767, rue de Rivoli; 1.789,
+avenue de l'Opéra; 1.019, boulevard de la Madeleine; 1.093, boulevard
+des Italiens; 1.976, rue Saint-Honoré. Il s'élève à 1.430 pour le Strand
+de Londres; à 1.016 pour Potsdam Platz à Berlin; à 673 pour la 5e avenue
+à New-York.</p>
+
+<p>Enfin, si on compare le poids total des véhicules passant dans le même
+temps sur une même largeur de chaussée, on retrouve une proportion
+analogue.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Oiseaux et aéroplanes.</span></p><br><br>
+
+<p>Les oiseaux, on le sait, font de l'aviation de deux manières. Les uns
+planent, c'est-à-dire se font porter par le vent, et ont une grande
+surface alaire; les autres battent de l'aile, et ont une surface alaire
+faible.</p>
+
+<p>Ces deux méthodes comportent de sensibles différences de moteur. Chez
+l'oiseau, le moteur, ce sont les muscles pectoraux, et le coeur. Car des
+muscles puissants développant de grands efforts supposent un coeur plus
+énergique, plus lourd, plus actif.</p>
+
+<p>Or, comment se comportent le coeur et les muscles chez les deux groupes?
+M. A. Magnan, qui a étudié le problème, a abouti à des conclusions
+telles que l'on pouvait s'y attendre. C'est-à-dire que chez les planeurs
+qui ne rament guère les muscles ne sont pas considérables, ni le coeur
+très développé. Chez les rameurs qui battent de l'aile, au contraire,
+les muscles et le coeur ont un développement très supérieur.</p>
+
+<p>Ainsi les rapaces nocturnes qui planent ont 105 grammes de muscles
+pectoraux par kilo de poids, et 7 gr. 3 de coeur par kilo. Par contre,
+les gallinacés rameurs ont 263 gr. 7 de pectoraux et 13 gr. 4 de coeur
+par kilo. La différence est très considérable, mais toute naturelle. Il
+en faut conclure, en aviation, que le moteur doit être d'autant plus
+puissant que la surface portante est moindre, bien que dans l'aéroplane
+il n'y ait pas de battement d'aile.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Les résultats de la vaccination antityphique.</span></p><br><br>
+
+<p>On ne s'accorde guère, dans le monde médical, sur la valeur respective
+des divers vaccins antityphiques essayés en ces derniers temps. Il
+semble, d'ailleurs, prudent de ne pas accorder une foi trop absolue à
+des statistiques autour desquelles peuvent s'agiter des questions
+d'amour-propre ou de jalousie professionnelle.</p>
+
+<p>Il est intéressant, toutefois, de signaler, les résultats que le docteur
+Vincent déclare avoir obtenus récemment sur la garnison d'Avignon.</p>
+
+<p>Par suite de la mauvaise qualité des eaux, la fièvre typhoïde règne à
+l'état endémique dans la capitale de Vaucluse. De 1892 à 1912, il y eut
+dans la garnison 1.263 cas suivis de 118 décès. Chaque année, on compte
+de 10 à 30 décès dans la population civile.</p>
+
+<p>Une épidémie terrible s'est déclarée au mois de juin dernier. Sur une
+population de 49.000 âmes, on compta, en quelques semaines, 2.000 cas et
+64 décès.</p>
+
+<p>La garnison s'élevait à 2.053 hommes, dont 525 avaient été immunisés
+avant l'épidémie; on en vaccina 841 autres. Il restait donc 687 témoins
+qui avaient négligé de se faire inoculer. Or, sur ces derniers, il y eut
+153 cas de fièvre typhoïde, dont 22 suivis de mort. Le groupe des 1.366
+hommes vaccinés fut complètement indemne.</p>
+
+<p>D'autre part, M. Roux, directeur de l'Institut Pasteur, a signalé à
+l'Académie des sciences les résultats obtenus avec le vaccin du docteur
+Chantemesse.</p>
+
+<p>Ce vaccin, formé de bacilles typhiques stérilisés par chauffage, est
+assez ancien. Le docteur Chantemesse le fit connaître en 1887, mais il
+ne l'appliqua lui-même à l'homme, à Paris, qu'en 1899. Dès 1896,
+pourtant, des expériences avaient été faites à l'étranger.</p>
+
+<p>En 1912, après avis favorable de l'Académie de médecine, on pratiqua
+l'inoculation dans les troupes des confins algéro-marocains. Au Maroc,
+aucun homme vacciné ne fut atteint de la fièvre typhoïde.</p>
+
+<p>Presque en même temps, M. Delcassé autorisait la vaccination des
+équipages de la flotte et des ouvriers des ports français. Cela
+représente une population d'environ 67.000 hommes, parmi laquelle, du 5
+avril à fin décembre 1912, on constata 542 cas de fièvre typhoïde, soit
+environ 1%.</p>
+
+<p>Aucun cas ne se produisit parmi les 3.107 personnes qui avaient consenti
+à se faire immuniser avec le vaccin du docteur Chantemesse.</p>
+
+<p>D'ailleurs, au récent congrès de Washington, le major Russel déclarait
+que, depuis l'emploi du vaccin préparé selon la méthode Chantemesse, la
+fièvre typhoïde a pratiquement disparu de l'armée navale des États-Unis.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">L'importation de la viande en Angleterre.</span></p><br><br>
+
+<p>L'importation de la viande en Angleterre subit en ce moment une
+évolution curieuse: les importations d'animaux vivants diminuent dans
+une proportion considérable et sont remplacées par des importations de
+viande abattue, en général congelée.</p>
+
+<p>Les importations de boeufs vivants, en provenance du Canada et des
+États-Unis, seuls pays dont le bétail soit admis en Grande-Bretagne,
+sont tombées de 200.000 têtes en 1911 à 48.000 têtes en 1912. Par
+contre, les arrivages de viande de boeuf sont passés de 7.360.000
+quintaux à 8.015.000 quintaux.</p>
+
+<p>D'après les calculs du <i>Board of Agriculture</i>, le poids de la viande de
+boeuf représenté par les animaux vivants importés atteint seulement 4%
+des quantités introduites sous forme de viandes abattues. La proportion
+est encore plus faible pour le mouton.</p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Loisirs archéologiques de marins américains: l'équipage
+du cuirassé <i>Tennessee</i> visitant les ruines du théâtre d'Éphèse, sous la
+conduite du professeur Lawrence.</b>--<i>Phot. Rubellin.</i></p>
+
+<h3>LES AMÉRICAINS A SMYRNE</h3>
+
+<p>De toutes les conséquences de la guerre d'Orient, la moins inattendue
+n'est certes point celle que signale cette photographie de marins
+américains visitant, en troupe, les ruines d'Éphèse, que nous
+reproduisons ci-dessus... La nécessité de maintenir l'ordre dans le
+Levant avait amené l'un des bâtiments de l'escadre internationale
+envoyée dans les eaux turques, le <i>Tennessee</i>, battant pavillon des
+États-Unis, à stationner devant Smyrne. Le calme de la région donna,
+fort heureusement, des loisirs à l'équipage du cuirassé: ils furent
+employés de profitable façon.</p>
+
+<p>Un beau matin de janvier, les matelots du <i>Tennessee</i> se rendirent, sous
+la conduite de leurs officiers, à Éphèse, à 60 kilomètres de la côte.</p>
+
+<p>Les fouilles de ces dernières années ont mis à jour les magnifiques
+vestiges de cette ville, l'une des plus florissantes jadis d'Asie
+Mineure. Les marins purent admirer les témoignages de son antique
+grandeur, attestée par de nombreux monuments, les Thermes, la
+Bibliothèque, le Forum, le Théâtre, enfin. Guidés dans cette promenade
+archéologique par le professeur Lawrence, de l'Institut américain de
+Smyrne, ils écoutèrent, en élèves attentifs, ses explications; et ce
+furent, dans les ruines, de petits cours improvisés, auxquels les
+uniformes donnaient un pittoresque imprévu.</p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016b.png"><br><b>Les derniers francs-tireurs de Fontenoy-sur-Moselle,<br>
+réunis pour célébrer l'anniversaire du combat du 22 janvier
+1871.</b><br>--<i>Phot. P. Valek.</i></p>
+
+<h3>ANNIVERSAIRE PATRIOTIQUE</h3>
+
+<p>Un glorieux anniversaire a été célébré, récemment, à
+Fontenoy-sur-Moselle, près de Toul. Le 22 janvier 1871, quelques jours
+avant l'armistice qui allait suspendre les hostilités, une poignée de
+francs-tireurs attaquaient les postes allemands établis dans la petite
+commune, et, après une lutte acharnée, s'en emparaient de vive force. Ce
+brillant fait d'armes devait attirer à la population de Fontenoy de
+cruelles représailles.</p>
+
+<p>L'épisode a été commémoré, le dimanche 26 janvier, en une touchante
+cérémonie, que présidait M. Langenhagen, sénateur de Meurthe-et-Moselle.
+Au pied du monument consacré «aux vaillants combattants du 22 janvier
+1871» et «aux habitants victimes innocentes de leur patriotisme», des
+discours furent prononcés, en présence des derniers survivants de
+l'héroïque escarmouche. Puis le petit groupe des anciens francs-tireurs
+de Fontenoy se rendit sur le lieu du combat; et c'est là, sur le seuil
+de la gare où, quarante-deux ans auparavant, ils avaient surpris
+l'ennemi, que ces vieux soldats, de belle allure encore et portant
+fièrement leurs décorations, se laissèrent photographier.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le monument d'Ernest Reyer<br> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;au Lavandou.</b> <i>Phot. M. Bar.</i></p>
+
+<h3>UN MONUMENT A ERNEST REYER</h3>
+
+
+
+<p>Voici un peu plus de quatre ans qu'Ernest Reyer s'est éteint au
+Lavandou, cette petite station maritime du Var, abritée du mistral dans
+le golfe d'Hyères, où, sur ses vieux jours, le célèbre compositeur, ami
+d'une studieuse retraite, avait coutume de prendre ses quartiers
+d'hiver. L'idée devait tout naturellement venir à ses admirateurs, à ses
+amis, de lui élever un monument dans ce joli coin de Provence qu'il
+favorisait d'une prédilection particulière, et qui reste, désormais,
+attaché, si l'on peut dire, à sa gloire.</p>
+
+<p>Le soin de faire revivre dans le bronze la belle figure d'Ernest Reyer,
+si fin d'esprit et de coeur sous ses dehors de militaire bourru, à la
+rude moustache, a été confié au sculpteur Denys Puech, de l'Institut: il
+a exprimé avec bonheur ce que cette mâle apparence cachait de naturelle
+bonté. Le buste est placé sur un piédestal carré en pierre grise, qui
+porte, au-dessus d'une lyre traversée d'une palme, une simple dédicace.</p>
+
+
+
+<p>Situé dans un joli cadre de verdure, le monument, qu'on a bien voulu
+dévoiler un instant pour permettre la photographie que nous en donnons,
+est tout prêt à être inauguré: la cérémonie officielle a été fixée au 16
+février.</p>
+
+<p><b>Le 4e article illustré de L. Sabattier: «Un mois à Pékin», comprendra
+quatre pages en couleurs et paraîtra dans le prochain numéro.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp1.png"><br>
+[Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre<br> ne nous ont pas été fournis.]
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 3650, 8 Février
+1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3650, 8 ***
+
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+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
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+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
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+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
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+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
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+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
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+
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+
+
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+Literary Archive Foundation
+
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+
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+works.
+
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+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
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+
+
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+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
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+
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+
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+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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