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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843
+
+Author: Various
+
+Release Date: August 19, 2011 [EBook #37135]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
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+
+
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+
+
+L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843
+
+L'ILLUSTRATION,
+
+JOURNAL UNIVERSEL.
+
+Nº 15. Vol. I. SAMEDI 10 JUIN 1843
+
+Bureaux, rue de Seine. 33,
+
+Ab pour Paris.--3 mois, 8 fr..--6 mois 16 fr,--Un an, 30 fr. Prix de
+chaque Nº 75 c.--La collection mensuelle, 2 fr. 75.
+
+Ab. pour les Dep.--3 mois, 9 fr.--6 mois, 17 fr.--Un an, 32 fr. pour
+l'étranger,--10--20--40
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+Troubles en Irlande. _Portrait d'O'Connell_.--Courrier de Paris.--Suite
+de concerts de la rue de la victoire. _O Salutaris de Palestrina; rue de
+la salle des concerts_.--La cour du grand duc, nouvelle, par Eugène
+Guinot (suite).--Distribution prix de l'Académie des jeux floraux.
+_Jetons de présence, statue de Clémence Isaure._--Les plaisirs des
+Champs-Elysées. _L'attelage des chèvres; le pesage; le dynamomètre; le
+physicien; les chanteurs ambulants; le restaurant
+Ledoyen._--Compte-rendu de l'Académie des sciences depuis le
+commencement de l'année.--Météorologie pendant le mois de mai.--La
+galvanographie.--Trois gravures d'après Garvani.--Théâtre de
+l'Opéra-Comique. _Une scène d'Angélique et Médor_.
+--Bibliographie.--Ameublements. Un salon Louis XV. Problèmes
+divers.--Rébus.
+
+
+
+Troubles en Irlande.
+
+L'Europe est dans l'attente, le sol tremble en Irlande, et la guerre
+semble près de l'ensanglanter. Jamais O'Connell n'a eu plus de
+puissance. A sa voix, les populations se lèvent par milliers et lui
+dressent sur les routes des arcs de triomphe; les laboureurs abandonnent
+leurs charrues, les artisans leurs ateliers, et le suivent à pied, en
+chariots, à cheval; les femmes montent en croupe; partout les villages,
+les villes se dépeuplent pour faire au «grand agitateur» un cortège tel
+que n'en ont plus les rois, tel que n'avaient point les orateurs
+antiques, tel que, pour en trouver qui lui soient comparables, il
+faudrait peut-être remonter par la pensée jusqu'aux annales de la Judée,
+et se rappeler les multitudes fanatisées, errantes et haletantes aux
+prédications des prophètes. O'Connell s'arrête et parle: 500 mille
+hommes s'arrêtent et écoutent. A ses gestes plus qu'à ses paroles, ils
+relatent tour è tour en applaudissements, en murmures, ils jettent au
+ciel des cris terribles contre leurs oppresseurs. Mais que le tribun
+fasse un signe, aussitôt tout rentre dans le silence, dans le calme;
+attentive et soumise, on dirait que la foule immense n'a comme lui
+qu'une voix et un coeur. Pareil spectacle ne s'est vu nulle part
+ailleurs de notre temps et y semble un anachronisme sublime. Quelle
+émotion profonde s'est donc emparée de cette nation, et quelle est la
+source de l'autorité de celui qui la guide? Que veut l'Irlande?
+
+Ce qu'elle veut? Quand même vous pourriez l'ignorer, répondez avec
+assurance:--Quoi qu'elle veuille, elle a raison de le vouloir. Quelle
+que soit sa cause, sa cause est juste et sainte. Une preuve suffit:
+l'Irlande a les sympathies de la France, et jamais la France ne s'est
+trompée dans ses sympathies.
+
+Certes, la cause politique de l'Irlande n'est pas à beaucoup d'égards
+celle de la France. Si l'on consulte ses regrets, ses plaintes, ses
+voeux, on voit aisément qu'entre elle et nous il y a la distance de
+plusieurs siècles. Il est évident qu'elle aspire à une constitution dont
+les principaux éléments appartiennent à un passé dont nous ne voulons
+plus. Supposer que O'Connell ait jamais été sympathique à nos
+révolutions, supposer que s'il pouvait prendre place parmi nos
+représentants, il fut disposé le moins du monde à y joindre sa voix à
+celle des fractions libérales, ce serait assurément une lourde erreur.
+Il y a plus, s'il faut tout dire; le rappel de l'union, considéré en
+théorie et en dehors des circonstances qui peuvent en fait le rendre
+utile et même nécessaire, est une mesure directement contraire aux
+principes d'unité et d'association des peuples qui ont toujours inspiré
+et distingué la politique française. Cependant, en prenant parti pour
+l'Irlande, nous ne sommes pas en contradiction avec nous-mêmes: nous
+aimons et nous devons aimer l'Irlande; tous nos voeux sont pour elle,
+parce qu'elle est asservie, opprimée, parce qu'elle souffre parce qu'en
+elle l'humanité est indignement violée, parce qu'elle a besoin d'être
+aimée et d'être encouragée, parce qu'enfin il est un principe de morale
+qui domine toutes les théories politiques: c'est que la charité est le
+premier de tous les devoirs pour les individus et pour les peuples,
+comme la liberté est pour eux le premier de tous les biens.
+
+[Illustration: O'Connell.]
+
+Ajoutons seulement cette autre réserve: les inimitiés de races sont de
+fausses inimitiés qui doivent tôt ou tard disparaître; la cause du
+peuple irlandais est au fond celle du peuple anglais; les misères des
+classes ouvrières anglaises n'excitent pas moins de pitié en Europe que
+celles des Irlandais; et il y a longtemps que les deux peuples, s'ils
+avaient pu comprendre quel est leur ennemi commun, se seraient tendu la
+main et affranchis ensembles.
+
+Quoi qu'il en soit, il est trop vrai que l'antipathie de races a fait
+alliance avec l'esprit de caste, et que de la part de l'Angleterre il y
+a eu ligue contre les Irlandais entre ces deux principes d'oppression.
+Nous savons tous que depuis sept siècles, l'Irlande conquise par les
+Anglais n'a pas cessé jusqu'à nos jours d'être traitée en peuple
+conquis; nous savons que son histoire, à partir de l'année 1469, en une
+bule du pape Adrien IV l'a livrée en proie à l'Angleterre, n'est qu'une
+longue suite de souffrances de constants mais vains efforts pour briser
+ses fers. Et n'est-ce pas une chose remarquable que cette impuissance
+absolue de l'Angleterre à s'associer les peuples qu'elle a vaincus, à
+leur faire oublier ses victoires, à les faire entrer en partage de ses
+moeurs, de sa civilisation, de sa nationalité? Que ses colonies secouent
+sans cesse leur joug avec une haine impatiente: que l'Amérique du Nord,
+malgré la communauté d'origine, ait répudié et énergiquement repoussé au
+delà des mers sa tutelle tyrannique; que l'Inde énervée et rêveuse,
+enchaînée pendant son sommeil, ait des réveils parfois si terribles, il
+n'y a rien qui doive étonner. On conçoit qu'il soit difficile à
+l'Angleterre d'étendre aussi loin une influence active et soutenue. Mais
+que sur le même sol pour ainsi dire, qu'entre ces rivages baignés des
+mêmes flots, que dans les limites restreintes de ce petit archipel où
+elle a planté comme un sceptre son orgueilleux triplent et d'où elle
+prétend gouverner le monde, elle n'ait su ni voulu, dans l'espace de
+sept cents ans, se concilier les sympathies d'une population vive,
+aimante, accessible à tous les sentiments nobles et généreux; qu'elle
+n'ait réussi ni par affection, ni par ruse à l'attacher à elle par aucun
+lieu de fraternité; qu'elle ne l'ait pas même habituée à la résignation,
+n'est-ce point là une haute et sévère condamnation de son caractère et
+de la tendance matérialiste de ses instincts?
+
+A l'irritation naturelle des Irlandais, après l'injuste envahissement de
+leur territoire, vint se joindre, dans les siècles suivants un autre
+sujet de ressentiment non moins légitime et non moins profond, lorsque
+l'Angleterre fut devenue protestante, elle voulut imposer sa réforme
+religieuse à l'Irlande; il s'ensuivit des guerres opiniâtres éternelles
+qui n'eurent d'autres résultats que d'accroître les souffrances et
+l'humiliation de l'Irlande. Ce malheureux pays fut surchargé d'impôts:
+il fut obligé de payer d'énormes dîmes au clergé anglican; il lui lut
+défendu d'exporter le blé, le bétail, tes lainages; des lois furent
+rendues pour interdire aux catholiques l'entrée au Parlement, les
+fonctions publiques et jusqu'au droit d'acquérir des biens-fonds. Les
+Irlandais n'eurent plus d'autres ressources pour vivre que de louer à
+des prix exorbitants les domaines dont ils avaient été dépouiller. La
+misère, la corruption, furent les conséquences nécessaires de cette
+odieuse politique.
+
+Au dernier siècle, Swift écrivait: «Traversez l'Irlande, regardez ces
+figures hâves, ces bouges misérables, ces champs à peine défrichés, ces
+femmes nues, ces bommes qui ressemblent à des bêtes fauves; dites si le
+jugement de Dieu n'est pas descendu sur nos têtes. Est-ce l'Irlande ou
+la Laponie, et reconnaîtrez-vous notre pays où la terre est fertile, le
+ciel doux, le climat modéré, les hommes doués de qualités souples,
+variées, heureuses? Des haillons, une détestable nourriture, la
+désolation de presque tout le royaume; les habitants sans bas, sans
+souliers, sans abri, vivant de pommes de terre; en aucun pays on ne vit
+jamais autant de mendiants.»
+
+Le spectacle que l'Irlande offre aujourd'hui au voyageur; n'est pas
+moins déplorable, la misère n'y est pas moins affreuse; mais sous
+différents rapports, la condition politique du pays, quoique loin d'être
+ce qu'il faudrait qu'elle fût, s'est considérablement améliorée.
+
+L'insurrection victorieuse des colonies anglaises de l'Amérique du Nord
+ouvrit une ère nouvelle. Ce grand événement inspira à l'Irlande plus de
+confiance dans l'avenir; pour la première fois, depuis plusieurs
+siècles, elle se sentit renaître à la vie politique. Ses côtes étaient
+menacées d'une descente et d'une invasion étrangères; l'Angleterre,
+occupée à soumettre ses colonies rebelles, ne pouvait la défendre; elle
+trouva en elle les ressources nécessaires. L'Irlande se couvrit en peu
+de jours d'une milice volontaire qui s'arma, s'enrégimenta, s'organisa
+elle-même, nomma ses chefs. Une armée de quarante mille hommes fut sur
+pied, et dès lors l'Irlande eut le secret de sa force; mais il lui
+restait à apprendre les moyens de s'en servir.
+
+L'Angleterre, au plus fort même de sa tyrannie, avait été contrainte de
+laisser aux Irlandais des libertés et des droits tels que peu de peuples
+en possèdent encore aujourd'hui en Europe: ce n'était point générosité
+de sa part; ses moeurs, ses habitudes, ses préjugés mêmes, l'obligeaient
+à ces concessions. Ainsi, tandis qu'elle exerçait sur l'Irlande une
+oppression dont rien n'égale;'iniquité, la presse y était libre et
+n'avait jamais cessé de l'être. Le principe de la responsabilité des
+agents du pouvoir devant l'autorité judiciaire était demeuré intact au
+milieu des plus grands troubles. Les Irlandais ne pouvaient à la vérité
+se réunir dans leurs églises pour prier Dieu comme il leur convenait,
+mais ils étaient libres de s'assembler sur les places publiques pour
+délibérer sur les rigueurs dont ils étaient victimes. Jamais en Irlande
+le principe du jury n'a été contesté: jamais, et dans aucun temps, le
+gouvernement anglais n'a mis en doute le droit qu'ont tous les citoyens
+de s'associer; jamais on ne l'a vu interdire l'usage de peur de l'abus,
+et prétendre régler ce droit en faisant dépendre son exercice d'une
+autorisation officielle, comme si la nécessité de l'autorisation n'était
+pas négative du droit.
+
+Les Volontaires se servirent de ces libertés pour entreprendre
+l'indépendance de l'Irlande. Le jury, la liberté de la presse, le droit
+d'association, la responsabilité des agents du pouvoir, l'habeas-corpus,
+devinrent dans leurs mains des armes redoutables, et l'Angleterre
+comprit enfin qu'il y avait en Irlande des adversaires avec lesquels il
+fallait compter. Les catholiques y gagnèrent les premiers, et
+quelques-unes des lois d'oppression qui avaient été dirigées contre eux
+furent rappelées.
+
+L'Irlande avait un Parlement, mais ce Parlement ne pouvait s'assembler
+sans que les motifs de sa convocation et les projets de loi qu'on se
+proposait d'y discuter n'eussent préalablement été approuvés par le
+gouvernement anglais. Sur l'initiative des volontaires, le Parlement
+irlandaise déclara indépendant, et proclama qu'aucun pouvoir sur la
+terre n'avait le droit de faire des lois obligatoires pour l'Irlande,
+hors le roi, les lords et les communes d'Irlande. Ces faits se passaient
+en 1782.
+
+Hardiment engagée dans cette voie de réforme et d'indépendance,
+l'Irlande travailla rapidement à s'affranchir des entraves que lui avait
+imposées;'Angleterre: l'explosion de la révolution française accéléra
+encore ce mouvement. Le gouvernement anglais se hâta de faire les
+concessions les plus impérieusement réclamées par les réformateurs
+irlandais, soit protestants, soit catholiques; mais l'appel que les plus
+ardents d'entre firent aux armes françaises compromit leur cause.
+
+L'Angleterre, qui avait toléré assez patiemment l'insurrection légale
+des Irlandais, ne pouvait souffrir une invasion française; elle défendit
+sa conquête et ses privilèges par les armes, et l'Irlande retomba sous
+le joug. Alors, dans la crainte que le Parlement irlandais ne vint à
+recouvrer encore une fois son indépendance, l'Angleterre voulut lui en
+ôter les moyens en l'incorporant au Parlement anglais. La corruption
+unie à la violence triompha des répugnances les plus opiniâtres, et, en
+1800, l'union fut prononcée entre l'Irlande et la Grande-Bretagne. Il ne
+faut pas croire que cette union eut pour effet de confondre l'Irlande
+avec l'Angleterre, d'en faire une province anglaise, soumise en touts
+points au même gouvernement, à la même police et aux mêmes lois. L'acte
+de l'union laissa à l'Irlande toutes ses lois, seulement il établit que
+désormais toutes les lois nécessaires aux deux pays seraient faites par
+un parlement commun, où l'Angleterre et l'Irlande enverraient leurs
+représentants.
+
+Jusque-là il n'avait été question en Irlande que de l'indépendance
+politique: les catholiques, il est vrai, avaient été délivrés des lois
+les plus oppressives portées contre eux, mais ils étaient encore sous le
+poids des lois qui les rendaient incapables d'exercer les droits
+politiques. Le gouvernement anglais s'était engagé à abolir ces lois
+comme un adoucissement aux rigueurs de l'acte d'union; mais, malgré
+l'engagement formel pris par Pitt, ces lois ne lurent pas rappelées, par
+suite de la résistance de Georges III. Dès lors, l'Irlande, avertie par
+ses malheurs passés, au lieu de recourir à la violence et à la révolte
+pour obtenir justice, n'employa plus pour obtenir le redressement de ses
+griefs, que les moyens légaux que lui offrait la Constitution: elle en
+appela à la presse et à l'association. Vers l'année 1810, un comité de
+catholiques s'organisa à Dublin pour obtenir l'émancipation catholique;
+elle avait pour but le progrès légal; elle mit en oeuvre l'agitation
+sans violence, la résistance sans; révolution; aussi réunit-elle bientôt
+dans son sein tout ce qu'il y avait en Irlande d'instincts et de besoins
+d'indépendance.
+
+Ce n'était pas assez, pour triompher, d'avoir une cause sainte, de
+défendre la cause de la liberté politique et religieuse, il fallait être
+conduits avec sagesse et prudente, il fallait trouver un chef capable de
+diriger le peuple, qui gagnât la confiance de l'Irlande et n'effrayât
+pas d'abord l'Angleterre; un homme profondément pénétré de l'état du
+pays, comprenant également ses besoins et ses périls, assez puissant par
+la parole pour exciter dans l'âme du peuple des passions ardentes contre
+ce qui restait de servitude, et assez sage pour en arrêter l'élan à la
+limite de l'insurrection; qui, jurisconsulte subtil autant que tribun
+éloquent, assez impétueux pour pousser l'Irlande et assez fort pour la
+contenir à son gré, sût se contenir dans les bornes de la légalité et
+défendre lui-même avec succès devant un jury les excès qu'il avait
+encouragés. Cet homme, ce chef, l'Irlande le trouva dans Daniel
+O'Connell.
+
+Ou se trompe certainement lorsque l'on attribue à O'Connell l'honneur
+d'avoir réveillé chez les Irlandais la haine de la servitude et d'avoir
+conquis la liberté religieuse. Le mouvement d'indépendance avait précédé
+de longtemps l'apparition d'O'Connell sur la scène du monde; mais le
+mérite de cet homme extraordinaire est d'avoir adopté la défense de son
+pays malheureux, d'avoir compris les souffrances de l'Irlande, de s'en
+être fait le représentant, de s'être dévoué à cette noble tâche, et
+d'avoir hâté, par ses qualités les plus diverses, le triomphe de la
+cause dont il s'était constitué l'organe.
+
+Né à Dublin, d'une famille ancienne et qui descend, dit-on, des anciens
+rois d'Irlande, O'Connell fut élevé en France dans les colléges
+catholiques de Saint-Omer et de Douai. Jeune encore, il embrassa la
+carrière du barreau et se distingua par une éloquence forte et
+passionnée et par une ardeur intrépide à défendre ses coreligionnaires.
+Orateur applaudi dans les meetings, il se trouva porté tout
+naturellement à faire partie de l'association catholique, et il ne tarda
+pas à en devenir un des directeurs et après quelques années le chef
+tout-puissant.
+
+Assurément, ce qui distingue O'Connell, ce n'est pas l'éclat de telle
+qualité particulière, c'est plutôt l'assemblage de plusieurs qualités
+ordinaires, mais dont la réunion est singulièrement rare. Il y a, sans
+contredit, dans les rangs des catholiques irlandais, des orateurs d'une
+éloquence plus pure, des écrivains plus remarquables, des hommes
+d'action aussi courageux et aussi résolus; mais O'Connell réunit les
+qualités d'orateur, d'écrivain et d'homme d'action, et il les soumet à
+une prudence consommée qui dirige ses actions les plus spontanées en
+apparence. Accordez-lui en outre un bon ses parfait, et vous comprendrez
+la fortune d'O'Connell.
+
+Grâce à ces qualités, O'Connell, en prenant en main la direction de
+l'association catholique, comprit que l'Irlande avait été trop
+facilement abattue par l'Angleterre dans toutes ses tentatives
+d'insurrection pour qu'elle dût demander désormais aux armes la justice
+qu'elle demandait de l'Angleterre. Un zèle imprudent eût fait perdre les
+lentes acquisitions des cinquante dernières aimées, et avant de songer à
+une indépendance complète, il fallait user de tous les moyens que
+fourniraient les droits que l'Angleterre avait reconnus à l'Irlande.
+Demeurant strictement dans les limites de la légalité, O'Connell
+entreprit de donner à son pays la seule situation qui pût le satisfaire,
+et tenir l'Angleterre dans une inquiétude favorable à l'Irlande; il
+établit un état permanent de guerre constitutionnelle, si l'on peut se
+servir de cette expression, une paix sans cesse agitée, un état
+intermédiaire entre le régime des lois et l'insurrection.
+
+C'est dans la conduite de cette association qu'il faut admirer le génie
+d'O'Connell. Il lui a donné les bases d'un parlement régulier; elle est
+représentée par un comité central séant à Dublin et composé de membres
+dont le mode d'élection a varié suivant les circonstances. Ce comité,
+sous l'inspiration d'O'Connell, s'assemble régulièrement, examine les
+lois proposées, les discute, censure les actes du pouvoir et ses agents,
+prend des résolutions, les publie dans un journal spécial. Comme tous
+les gouvernements établis, l'association lève des impôts en échange de
+la protection qu'elle donne. Elle commande, et l'Irlande obéit. Dès
+qu'elle l'ordonne, toutes les paroisses d'Irlande s'assemblent; des
+réunions se forment le même jour dans tout le pays. Elle s'établit comme
+la patronne de tous les citoyens; elle provoque et reçoit les plaintes
+de quiconque a des griefs contre l'autorité publique, contre les
+ministres protestants, contre les magistrats. C'est elle qui conduit les
+élections.
+
+Telle est l'oeuvre la plus imposante d'O'Connell. Ce n'est pas tout que
+d'organiser, il faut constituer et maintenir. C'est encore à O'Connell
+que l'association doit d'avoir traversé tous les obstacles que lui
+imposait le gouvernement anglais. C'est à sa sagacité et à son
+incomparable intelligence des détours de la chicane, que l'association a
+dû son salut, car toujours il a su mettre en défaut la haine de ses
+antagonistes, et toujours il a su trouver pour elle la forme que le
+législateur avait oublié d'interdire. «Il est bien aisé, s'écriait un
+jurisconsulte expérimenté, il est bien aisé de dire qu'il faut arrêter
+M. O'Connell et le livrer à la justice; mais la difficulté est de le
+surprendre en défaut et de trouver une loi qu'on puisse l'accuser
+d'avoir formellement violée.» Singulière situation de l'Angleterre,
+gênée par ses propres lois dans ses plus ardents désirs d'oppression! Ou
+trouver ailleurs une tyrannie qui tolère, dans un pays vaincu et
+enchaîné, la liberté de la presse, le jury et le droit de s'associer le
+plus illimité?
+
+_(La suite à un autre numéro.)_
+
+
+
+Courrier de Paris.
+
+En arrivant sur le boulevard Saint-Antoine, un peu avant la place de la
+Bastille, si vous jetez les yeux du coté opposé à la place Royale, vous
+verrez trois maisons neuves qui montrent aux passants leur blanche
+façade de pierre de taille et de moellons. Les toits sont à peine
+achevés; les fenêtres, encore dépouillées de boiserie et de vitres,
+permettent à l'oeil de pénétrer par leurs ouvertures béantes dans cette
+solitude pleine de tristesse des bâtiments en construction. Laissez
+passer quelques jours, et ce désert sera peuplé et bruyant, du
+rez-de-chaussée à la mansarde; à peine attendra-t-on que la dernière
+pierre soit posée et que le maçon ait donné le dernier coup de truelle.
+Le Parisien n'y regarde pas de si près; dès qu'il voit les choses, il
+faut qu'il en jouisse; le proverbe: _Qui va doucement va sûrement_,
+n'est pas fait pour son usage; vivement et promptement, telle est sa
+divise, et Dieu pour tout le monde! Si M. le préfet de police le
+laissait faire, il essaierait de traverser les ponts dont une seule
+arche serait construite; les murs sont encore humides, les poutres tout
+au plus assurées, l'escalier et les cours pleins de poussière et de
+chaux, et le voilà qui s'installe dans la maison! Que la chose soit
+possible, en attendant l'achèvement des fondations et des voûtes, il se
+logera dans la hotte du plâtrier! Médecins et pharmaciens retirent le
+bénéfice le plus net de cette ardeur de location expéditive; les
+migraines, les rhumes et les maux de poitrine fleurissent à l'ombre des
+fraîches murailles.--Mais revenons à nos trois maisons. En elles-mêmes,
+elles n'ont rien de particulier ni de remarquable. Figurez-vous trois
+maisons comme Paris en bâtit tous les jours par centaines: une boutique
+et six étages, voilà l'architecture actuelle; le métier du tailleur de
+pierres y prend plus de part que l'art de Vitruve et de Palladio. Mais
+si vous interrogez le sol sur lequel pèsent ces masses énormes, ces
+espèces de casernes où les Parisiens s'entassent, le sol vous répondra
+quelque chose. Il n'y a pas, en effet, un seul de ces entassements de
+pierres et de charpentes qui ne recouvre pour ainsi dire un lieu célèbre
+par un homme ou par un événement. Que voulez-vous? cette terre
+parisienne a de tout temps, été si féconde en grands crimes et en
+grandes actions! Dans chaque sillon de ce champ immense, remue depuis
+des siècles, quelque chose d'illustre ou de fatal a germé. Les
+générations y sommeillent l'une sur l'autre, couche par couche; la
+pioche n'y tombe pas sans heurter un nom; l'architecte n'y pose pas une
+fondation qui ne s'appuie à un souvenir. Sous ce Paris visible, sous ce
+Paris palpable, qui étale aux yeux ses hommes, ses maisons et ses rues,
+il y a le Paris qu'on ne voit plus, le Paris qu'on ne touche ni du doigt
+ni de l'oeil, le Paris qui se tient enseveli et caché dans ses propres
+entrailles: la ville vivante a le pied sur la ville morte. L'histoire du
+Paris souterrain, du Paris à fleur de terre, est une histoire à faire.
+
+Remuez le terrain où s'élèvent nos trois maisons neuves: qu'y trouvez
+vous? Eh! mon Dieu, tout simplement la philosophie du dix-huitième
+siècle, la souveraine audacieuse et irrésistible qui a changé la France
+de fond en comble et conquis le monde. Ces trois lourdes maisons
+froidement alignées, ces boutiques qui attendent le boulanger ou la
+mercière du coin, ces appartements innocemment destinés à d'honnêtes
+rentiers de la place Royale ou de la rue Saint-Louis n'intéressent ni
+votre âme ni votre imagination; mais prêtez l'oreille aux échos du
+passé, mais regardez à travers le linceul de la mort, aussitôt tout
+change et tout s'anime sur ce sol que vous fouliez aux pieds avec
+indifférence; ce n'est plus une habitation banale, ouverte au premier
+bourgeois et au premier marchand venus qui paierait leurs loyers, C'est
+le rendez-vous des esprits les plus entreprenants, des imaginations les
+plus ardentes du siècle dernier. Vous êtes là en plein dix-huitième
+siècle; vous vivez de sa vie, à la fois frivole et sérieuse, dogmatique
+et sensuelle; dans cette demeure ainsi reconstruite, les affaires, le
+plaisir, la philosophie se donnent la main et combattent en même temps;
+Ia passion, le rude sarcasme, la raillerie légère, sont les hôtes du
+logis. Que vous dirai-je? Vous n'êtes plus dans mes trois maisons
+neuves, mais dans la maison de Beaumarchais; et ne voyez-vous pas
+là-bas, sur les murailles, une ombre leste et souriante? C'est l'ombre
+de Figaro qui passe; on aperçoit encore le bout de sa résille, le manche
+de sa guitare, un éclair de son oeil provoquant et spirituel, et la lame
+de son rasoir affilé comme sa langue à deux tranchants?
+
+A cette place même, un peu avant la Révolution, Beaumarchais s'était
+fait bâtir une habitation immense et magnifique; Voltaire en était le
+dieu lare: sa statue en décorait l'entrée; son portrait se répétait de
+salon en salon. Traversez ces sentiers de sable qui se croisent dans le
+jardin, passez sous ces rochers postiches, sous ces massifs de verdure,
+vous découvrez un temple d'une forme antique. Quelle est la divinité
+qu'on y encense? Est-ce la sage Minerve, ou Apollon aux flèches rapides,
+ou Mars au casque retentissant? Non: c'est encore Voltaire.
+
+Beaumarchais s'était d'ailleurs soumis scrupuleusement à cette doctrine
+que son dieu Voltaire enseigne quelque part: _le superflu, chose si
+nécessaire_. Le nécessaire, selon la doctrine de Voltaire, se montrait
+partout dans la maison de Beaumarchais: riches peintures, magnifiques
+statues, adorables bas-reliefs; Rome, la Grèce et l'art de Jean Goujon.
+La philosophie d'une part, de l'autre Hébé et Ganimède; ici une sentence
+de quelque sage gravée en lettres d'or; là cet apophthègme en latin
+macaronique inscrit au fronton de la salle à manger:
+
+ERENT TEMPLUM A BACCHO,
+AMISQUE GOURMANTIBUS.
+
+Curieux mélange de raillerie et de gravité, de foi et de scepticisme, où
+se trouve résumé d'une manière originale le caractère singulier de ce
+siècle qui se passionnait et souffrait avec Jean-Jacques pour la cause
+et l'avenir de l'humanité, et d'autre part se livrait au plaisir et au
+doute avec insouciance, disant comme Figaro: «Qui sait si le monde
+durera trois semaines?»
+
+Ainsi la maison de Beaumarchais n'existe plus; abattue, il y a déjà
+plusieurs années, pour les menus plaisirs du canal Saint-Martin, elle
+était restée longtemps à l'état de terrain vague. L'oeil rencontrait
+avec tristesse, cette immense et stérile solitude dans le voisinage d'un
+faubourg si actif et si peuplé Maintenant ce désert est bâti du haut en
+bas, ou peu s'en faut, bâti par des maçons et rien de plus: il ne faut
+pas compter sur l'étrusque et l'ionique que Beaumarchais n'avait pas
+épargné, ni sur des frises imitées du temple d'Antonin et de Faustine.
+Cependant les maçons ont eu beau faire, un homme d'un peu de savoir, de
+coeur et d'esprit, ne passera par-là sans dresser l'oreille et sans
+ouvrir les yeux, comme s'il entendait encore la voix mordante de Figaro,
+comme s'il voyait briller derrière la jalousie le regard amoureux de
+Rosine et la vive prunelle de Suzanne.
+
+De la guitare de Figaro au cor de M. Vivier, il y a la différence du
+cuivre à la corde, mais, au fond, il s'agit de la même chose,
+c'est-à-dire de deux artistes; l'un toutefois l'emporte sur l'autre,
+comme le chêne sur l'humble charmille, et je suis obligé de le dire, au
+risque de froisser l'amour-propre du barbier de Séville, ce n'est pas
+Figaro qui est le chêne. Après tout, qu'importe à Figaro? il n'a jamais
+eu la prétention d'être un virtuose: Figaro n'a été musicien que par
+hasard et en payant, comme il a été tant d'autres choses; poète,
+barbier, diplomate, auteur dramatique, journaliste, commis, médecin,
+apothicaire même, suivant les évolutions de son étoile. Si Figaro
+portait une guitare, celait seulement pour accompagner sa philosophie:
+
+ Le vin et la paresse
+ Se partagent mon coeur.
+ Si l'une est ma maîtresse,
+ L'autre est mon serviteur;
+
+et aussi pour fredonner de temps en temps un air tendre sous le balcon
+de quelque piquante Lisette andalouse, tandis que le seigneur comte
+Almaviva engluait les Rosines.--Quant à M. Vivier, c'est autre chose: M.
+Vivier n'a jamais couru en aventurier les rues île Séville, ni livré
+bataille aux Bartholo et aux Basile, et ceci explique comment M. Vivier
+est devenu un artiste remarquable, un joueur de cor, ou, pour parler la
+langue technique, un corniste étonnant, tandis que Figaro n'a jamais
+fait que racler de la guitare.
+
+M. Vivier est à Paris depuis quelques semaines; jusque-là il n'était pas
+autre chose qu'un homme comme un autre, parfaitement inconnu. Employé à
+Lyon dans une maison de commerce, M. Vivier ressemblait en apparence à
+un simple commis tenant la partie double et vantant la marchandise.
+Mais, à peine le métier laissait-il à notre jeune homme une heure de
+loisir, qu'aussitôt le commis faisait place à l'artiste: M. Vivier
+s'enfermait dans sa mansarde; là, s'attaquant corps à cor au dur et
+rebelle instrument, à force de courage, d'adresse et de persévérance, il
+est parvenu à le dompter, à le soumettre, à le rendre plus docile, plus
+obéissant, plus fécond qu'il ne s'est jamais montré sous la main de ses
+dominateurs les plus heureux et les plus célèbres. En un mot, M Vivier
+lui arrache des secrets qu'il semblait dérober aux autres. Giulu Paër,
+le Messie du cor. Punto et Rodolphe, ses apôtres, Gallay, Dauprat,
+Duvernoi, Meugal, et d'autres aussi fameux n'ont pas obtenu ce qu'il
+accorde à M. Vivier.
+
+Que leur disait-il, en effet? Il répondait à leur provocation par un son
+unique, par des notes successives. Nos maîtres avaient l'exciter à
+parler davantage, avec tout l'art imaginable, ils n'en tiraient pas un
+mot de plus, M. Vivier, et c'est là le merveilleux de sa découverte, M.
+Vivier a donné à l'instrument soliloque une double, une triple voix;
+avec M. Vivier, le cor chante la romance de Richard, une _Pierre
+brûlante_ et, du même coup, vous entendez la partie de Blondel et la
+partie de Richard. Vous plaît-il d'écouler la _Chasse du jeune Henri?_
+notre cor, en véritable sorcier qu'il est, exécute par trois sons
+simultanés les marches d'harmonie les traits de violon et la fanfare. Si
+M. Vivier ne s'entend pas avec le diable, il ne s'en faut guère; c'était
+du moins l'avis d'Auber, d'Halévv et d'Adolphe Adam, qui se trouvaient
+là avec nous autres ignorants, tandis que M Vivier faisait ses tours de
+force. Comment est-il parvenu à cette découverte et à ce prodige
+d'acoustique? c'est son secret et il le garde.--Dieu ou diable,
+toujours est-il certain que M. Vivier vient d'augmenter le bataillon des
+phénomènes vivants que Paris recrute incessamment. L'été n'est pas
+favorable aux cornettistes; mais arrive janvier et la saison des
+concerte, ce cor diabolique fera fureur.
+
+Notre virtuose ne posséderait pas son secret miraculeux, qu'il lui
+resterait encore un moyen de faire du bruit et d'être remarqué; M.
+Vivier se rattache à une haute parenté; un sang fameux coule dans ses
+veines; il est positivement le neveu d'un des hommes les plus étonnants
+du dix-neuvième siècle, de M. de Perpignan, ce héros aussi modeste que
+brave, qui a laissé un de ses membres sur tous les champs de bataille,
+depuis le passage des Thermopyles jusqu'à la prise de la Casauba. Après
+avoir cueilli de sanglantes moissons de lauriers et dispersé plusieurs
+armées de sa propre main, M. de Perpignan se repose des fatigues de la
+guerre dans les arts de la paix. Comme Apollon, il préside aux concerts
+et s'adonne aux Muses, particulièrement à Thalie et à Melpomene; Momus
+et ses grelots lui sont également familiers. Quelle joie pour ce
+vénérable guerrier de voir que son exemple fructifie dans sa famille, et
+que les arts y fleurissent à l'ombre de ses cicatrices! Chargé d'ans et
+de décorations, obligé de faire halte après avoir parcouru le monde
+l'épée à la main et renversé tant de citadelles, il est bien doux à ce
+Nestor des soldats français, le soir, quand ses blessures se rouvrent,
+d'avoir un neveu près de son chevet et de pouvoir lui dire: «Joue-moi un
+air de cor.»
+
+On sait que le bazar Bonne-Nouvelle a ouvert un champ d'asile aux
+peintres proscrits par le jury d'examen. Là, le paysage, le tableau
+d'histoire, le portrait, la miniature, le crayon et le pastel, exilés
+des honneurs du Louvre, sont venus s'abriter, non sans douleur, non sans
+rancune, non sans lamentation; dans ce Louvre au petit pied, image de la
+patrie absente, peu à peu nos peintures proscrites se sont acclimatées,
+et le public leur a rendu visite dans ce bazar hospitalier.
+
+Deux hommes pleins d'activité et d'intelligence, M. Techner et
+Guillemin, ont résolu de faire succéder à cette exposition passagère une
+exposition permanente qui réunira à la fois les oeuvres des vieux
+maîtres et les productions des peintres vivants. Les artistes, obligés
+de disséminer leurs ouvrages chez les marchands de tableaux, auront «un
+musée perpétuel» et de vastes salles éclatantes de lumière, au lieu de
+la sombre nuit et du faux jour des étroites boutiques. Une riche
+bibliothèque destinée à seconder les études des artistes servira de
+complément à l'entreprise; enfin on nous promet un journal consacré tout
+entier au monde des beaux-arts, c'est-à-dire au mouvement si curieux et
+si varié des idées, des travaux, des affaires qui l'animent. A peine MM.
+Techner et Guillemin avaient-ils fait entendre le premier bruit de cette
+vaste entreprise, que les artistes en comprenaient l'utilité et
+l'importance. Beaucoup de talents et de noms honorables ont déjà donné
+leur adhésion; les autres viendront certainement compléter la liste, et
+Paris possédera bientôt un magnifique établissement dont Londres, sa
+rivale, lui donnait depuis longtemps l'exemple, et qu'il n'avait pas
+encore songé à s'approprier. Ainsi, dans notre ville prodigieuse,
+toujours debout, toujours curieuse de nouveautés, toujours ardente et
+infatigable, chaque matin amène une amélioration ou une découverte; tout
+s'agite, tout se renouvelle, tout change, tout s'agrandit, et la
+civilisation y gagne quelque chose.
+
+L'auteur de _Lucrèce_, M. Ponsard, a quitté Taris; M Ponsard est devenu
+un personnage; il est naturel que nous tenions note de son départ. Où va
+M. Ponsard? le jeune poète retourne tout simplement dans sa province,
+sans plus de mystères ni de fracas; après le grand éclat de sa tragédie.
+M. Ponsard aurait pu exploiter sa célébrité à l'exemple de certains
+poètes et de certains fabricants de drames que tout le monde devine, ce
+qui nous dispense de les nommer; qui empêchait M. Ponsard de se montrer
+dans les différentes cours de l'Europe comme un géant ou un Hercule du
+Nord, ni de crier partout: Me voilà! acceptez ma dédicace! Un cardan, un
+crachat, quelques roubles, s'il vous plaît.--M. Ponsard reste dans sa
+modestie et dans sa simplicité: il part, il abandonne Paris pour
+retrouver la paix des heures studieuses, isolées et paisibles; M.
+Ponsard se soucie fort peu de baiser la main ou la semelle des ducs
+héréditaires et des autocrates: il n'adore qu'une divinité, la Poésie!
+Il n'encense qu'un roi, l'Art! C'est une religion trop rare aujourd'hui
+pour qu'on n'encourage pas les jeunes lévites qui y reviennent. M.
+Ponsard, dans sa retraite, s'occupera de sa seconde tragédie; il l'a
+promise au Théâtre-Français pour l'hiver de 1845, c'est-à-dire dans
+dix-huit mois. Notre poète veut pas s'enrôler dans le régiment des
+improvisateurs à tant la ligne et des génies de pacotille.--Cependant on
+annonce que M. Alexandre Dumas vient d'achever trois romans, quatre
+drames en cinq actes, douze vaudevilles, et de recevoir sa
+cent-cinquante-septième décoration du shah de Perse.
+
+M Harel ne se tient pas pour battu; nous parlions tout à l'heure de
+Beaumarchais; après la chute du _Barbier de Séville_, Beaumarchais fit
+une foudroyante préface: M. Harel va, dit-on, l'imiter. La chute _des
+Grands et des petits_ l'autorise à prendre cet exemple et cette
+consolation. Public, critiques, directeurs. M. Harel doit passer tous
+ses ennemis au fil de sa plume. On cite déjà quelques traits de cette
+attaque à coups d'épigrammes. En voici qui frappent à bout portant sur un
+certain commissaire du roi, accrédité auprès d'un certain théâtre.
+M. *** est un homme comblé, qui n'a rien demandé à l'éducation de ce que
+lui a refusé la nature. Allons! courage M. Harel, singez Beaumarchais;
+mais rappelez-vous que le _Mariage de Figaro_ suivit de près la préface
+du _Barbier de Séville._
+
+Hier, une foule immense encombrait le boulevard Bonne-Nouvelle.--De quoi
+s'agit-il? D'un escamoteur qui déjeune avec un sabre! Paris est toujours
+ce Paris que faisait dire à Rabelais: «O peuple! tant sot par nature
+qu'ung bateleur, ung vendeur de rogaston, ung mulet avec ses cymbales,
+ung vieilleux, au mylieu d'un carrefour, assemble plus de gents que ne
+ferait onc ung prescheur évangélique!»
+
+
+
+Salle de concerts de la rue de la Victoire.
+
+C'est M. Henri Herz, l'habile et célèbre pianiste qui en est
+propriétaire, et qui l'a fait construire il y a peu d'années. Elle n'a
+rien de commun avec celle du conservatoire, dont nous faisions remarquer
+naguère l'extrême simplicité. Celle-ci au contraire, est brillante,
+somptueuse et tout à fait mondaine, de vives peintures la décorent;
+d'élégantes arabesques l'enveloppent de leurs replis onduleux; l'or y
+étincelle de toutes parts, à la clarté de mille bougies.... Mais que
+vais-je faire, essayer de la peindre avec des paroles? Dieu m'en
+préserve! Pour en donner au lecteur une idée complète. _L'Illustration_
+a des moyens bien plus sûrs que la description la plus exacte et la plus
+détaillée.
+
+Donc, en ce lieu si richement et si coquettement orné, l'élite de la
+société parisienne se réunit chaque hiver toutes les fois qu'un artiste
+français ou étranger vient invoquer son suffrage. Aréopage quelquefois
+sévère, plus souvent bienveillant, mais toujours éclairé, et dont les
+arrêts sont à peu près sans appel. C'est là que madame Damoreau est
+venue prouver récemment que ce terrible vent du nord, l'ennemi mortel de
+tous les gosiers mélodieux, qu'elle avait osé braver au centre même de
+son empire, avait désarmé devant elle, ci n'avait altéré ni l'étonnante
+justesse de ses intonations, ni la délicatesse de ses indexions, ni la
+vibration douce et veloutée de sa voix. C'est là que M. Servais a fait
+admirer, dans quatre concerts successifs, cette puissance d'archet,
+cette audace de doigté, cette richesse de style, qui font de lui le plus
+étonnant des violoncellistes. C'est là que M. Ponsard a révélé au public
+dilettante un talent si puissant dans ses effet et si original dans ses
+moyens, que personne, avant de l'avoir entendu, n'aurait pu s'en faire
+une idée. C'est là que mademoiselle Lia Duport, madame Iweins, MM.
+Ponsard, Géraldy, Sivori... Mais, hélas! pourquoi ces doux souvenirs
+sont-ils déjà si loin de nous? Pourquoi le temps, à Paris, court-il si
+vite? Voilà plus d'un mois déjà que les violons sont rentrés dans leurs
+bulles et les flûtes dans leurs étuis, et que toutes ces bouches
+harmonieuse sont fermées; pourquoi troubler un repos si respectable et
+si bien gagné? Parler de musique au mois de juin, ne serait-ce pas
+d'ailleurs le même anachronisme que si nous parlions du rossignol et des
+russes au mois de décembre?
+
+Nous ne pouvons nous dispenser pourtant de dire quelques mots des
+dernières expéditions musicales dont la salle de M. Herz a été le
+théâtre, et qui ont eu lieu sous le commandement de M. le prince de la
+Moscowa.
+
+Depuis quelques mois, en effet, M. le prince de la Moscowa est à la tête
+d'une armée chantante, la plus nombreuse qu'on ait encore vue peut-être,
+la mieux disciplinée, la plus riche en soldats exercés et dévoués. Ces
+soldats ne sont point des artistes; c'est bien mieux vraiment. Allez
+donc demander aux artistes ce zèle, cette ardeur, cet enthousiasme, et
+surtout ce désintéressement personnel qui fait que chaque exécutant
+s'oublie et ne songe qu'à l'effet général! Un amateur fait de la musique
+pour son plaisir, et, s'il est habile, pour le plaisir des autres, et
+voilà pourquoi il la fait bien; mais l'artiste est toujours préoccupé de
+quelque arrière-pensée: il a sa fortune à faire, sa réputation à établir
+ou à étendre, et les occasions de se mettra en contact avec le public ne
+sont pas assez fréquentes pour qu'il néglige d'en tirer parti. Ne lui
+proposez donc pas de jouer son rôle dans un choeur ou dans un morceau
+d'ensemble, ce serait pour lui du temps et des sons perdus. S'il consent
+à figurer dans un duo où il lui faudra partages les applaudissements de
+l'auditoire, soyez bien sûr qu'il vous fait un sacrifice: ce qu'il
+recherche, ce qu'il choisit de préférence, ce sont les airs et surtout
+les cavatines modernes où abondent les difficultés mécaniques, où il est
+sûr enfin de briller, et de briller tout seul; mais ne venez pas lui
+parler d'un psaume de Marcello, d'un motet de Haydn, d'un madrigal de
+l'abbé Clari, d'un choeur de Haendel ou de Palestrina. Palestrina!
+Haendel! Marcello! qu'est-ce que cela? à peine en a-t-il entendu parler
+dans sa jeunesse; que voulez-vous qu'il fasse de pareille denrée?
+
+Le discrédit où était tombée depuis longtemps la musique d'ensemble, et
+surtout la musique ancienne, avait produit une large lacune, un vide
+immense, que déploraient amèrement les vrais amateurs, ceux qui ne
+cherchent dans l'art musical que les pures jouissances qu'il procure et
+les nobles sentiments qu'il fait naître, C'est pour combler ce vide que
+M le prince de la Moscowa, musicien habile, et qui a déjà fait ses
+preuves comme compositeur, vient d'organiser la SOCIÉTÉ DES CONCERTS DE
+MUSIQUE VOCALE, RELIGIEUSE ET CLASSIQUE. Tout ce qu'il y a dans Paris
+d'amateurs distingués a compris immédiatement sa pensée et s'est
+empressé de répondre à son appel, et la société a déjà donné, dans la
+salle de M. Herz, trois séances également remarquables par l' intérêt
+qu'elles ont excité et par le succès qui a couronné les efforts des
+exécutants.
+
+Ainsi que nous l'avons déjà dit, la musique ancienne fait tous les frais
+de ces réunions, et presque exclusivement la musique d'ensemble. Les
+deux illustres chefs de l'école du Midi et de l'école du Nord,
+Palestrina et Roland Lassue, y ont occupé, comme de raison, lu place
+d'honneur. Avec eux, Marcello, Clari, Martini, Haendel, Joseph Haydn,
+Sébastien Bach, etc., etc., viennent figurer tour à tour, et recueillir
+leur part d'admiration et d'hommages. Il faut le dire, on entendrait
+difficilement ailleurs les grandes pensées de ces vieux maîtres
+interprétées avec autant d'intelligence et par des voix aussi
+harmonieuses. Madame de Sparre, madame Merlin, madame Dubignon,
+mademoiselle de Chaucourtois, mademoiselle Thoru, M. le prince
+Belgiposo, en savent tout autant que des artistes, et ne sont point des
+artistes; c'est là justement la cause de leur supériorité. Leur organe
+ne s'est point fatigué, leur goût ne s'est point émoussé dans cette
+lutte sans repos que les chanteurs de profession sont obligés de
+soutenir contre les trompettes, les trombones, les timbales et tout ce
+barbare fracas qui a pris, dans nos théâtres, la place de l'harmonie;
+ils n'ont perdu ni le sentiment des nuances délicates, ni cette calme et
+pure vibration à laquelle la voix humaine doit son plus grand charme et
+ses effets les plus délicieux. Aussi, quand toutes ces voix si
+intelligentes et si doucement sonores se réunissent pour l'exécution
+d'une composition chorale, l'harmonieux ensemble qui en résulte Jette
+dans l'âme des auditeurs une émotion profonde et mystérieuse que nous
+chercherions en vain à définir et que nous renonçons à décrire.
+L'entreprise de M. le prince de la Moscowa est noble et belle, et nous
+ne doutons pas qu'elle n'exerce l'influence la plus puissante et la plus
+salutaire sur les destinées ultérieures de l'art musical.
+
+[Partition musicale illustrée: O SALUTARIS HOSTIA. Musique de
+PALESTRINA.]
+
+[Illustration: Salle de concerts de la rue de la Victoire.]
+
+
+
+La cour du grand-duc.
+
+NOUVELLE. Suite.--Voir page 213.
+
+Les malheurs du prince avaient tellement absorbé l'attention et la
+sensibilité de Balthazard, que le souvenir de ses propres embarras
+s'était complètement effacé pendant cette soirée où le grand-duc lui
+avait révélé les secrets de sa position politique et financière. Ce ne
+fut qu'après être sorti du palais, qu'il fit un retour sur lui-même.
+Comment se tirer d'affaire avec les acteurs engagé et amenés à deux cent
+lieues de Paris sur la foi des traités? que leur dire, et comment leur
+faire entendre raison? Le malheureux directeur passa une mauvaise nuit.
+Aussitôt que parut le jour, il se leva, demandant à la fraîcheur du
+matin de calmer ses esprits agités, et de lui inspirer quelque bonne et
+habile manoeuvre pour sortir de ce mauvais pas. Dans une promenade de
+deux heures, il eut tout le loisir de parcourir Carlstadt et d'admirer
+les agréments de cette capitale. Carlstadt était une ville élégante,
+coquette, oisive, avec des rues larges et droites qui la perçaient de
+part en part, de jolies maisons bien alignées, dont les fenêtres étaient
+armées de petits miroirs indiscrets qui reflétaient les passants et
+transportaient dans les appartements les scènes de la voie publique; de
+sorte que les habitants pouvaient, grâce à ce daguerréotype animé,
+satisfaire leur curiosité sans se déranger. C'est là une innocente
+récréation que se donnent volontiers les bourgeois allemands. Du reste,
+la capitale du Grand-Duché de Noeristhein paraissait ne s'occuper que
+fort peu d'industrie et de commerce; le mouvement y était modéré, le
+luxe en était banni, et sa prospérité tenait surtout aux goûts modestes,
+à la philosophie flegmatique de ses citoyens.
+
+Une troupe de comédiens, ne pouvait pas faire fortune dans un pareil
+pays.--Il faudrait absolument reprendre le chemin de la France, pensa
+Balthazard après avoir fait le tour de la ville; puis il consulta sa
+montre, et, jugeant que l'heure était convenable, il se dirigea vers le
+palais, où il entra sans plus de façon que la veille. Le fidèle Wilfrid,
+remplissant les fonctions de gentilhomme ordinaire le reçut comme une
+vieille connaissance, et s'empressa de l'introduire dans le cabinet du
+grand-duc. Son Altesse lui parut plus soucieuse que la veille. Le prince
+marchait à grands pas, le front baissé, les bras croisés, et tenant à la
+main des papiers dont la lecture l'avait évidemment contrarié. Pendant
+quelques instants il garda le silence; puis, s'arrêtant devant
+Balthazard, il lui du tristement:
+
+«Vous me trouvez ce matin moins calme qu'hier soir; c'est que je viens
+de recevoir d'assez mauvaises nouvelles, et je ne sais pas me défendre
+contre une première impression... Ah! vraiment, tout cela me pèse, et je
+leur abandonnerais de grand coeur cette pauvre souveraineté, cette
+couronne d'épines qu'ils me disputent, si l'honneur ne me commandait de
+soutenir jusqu'au bout mes droits légitimes... Oui, en ce moment je
+n'ambitionne qu'un sort paisible, et je donnerais volontiers mon
+grand-duché, mon titre, ma couronne, pour aller vivre tranquillement à
+Paris en simple particulier, avec trente mille livres de rentes.
+
+--Je le crois bien!» s'écria Balthazard qui, dans ses plus beaux rêves,
+n'avait jamais élevé si haut ses voeux téméraires.
+
+Cette naïve exclamation fit sourire le prince. Il ne fallait que peu de
+chose pour chasser ses ennuis et lui rendre cette légère dose de bonne
+humeur qui flottait habituellement à la surface de son caractère.
+
+--Je comprends, reprit-il gaîment; vous trouver, que je ne suis pas
+dégoûté! Dépenser trente mille francs de revenu dans l'indépendance et
+les plaisirs de la vie parisienne est un sort plus digne d'envie que
+gouverner tous les grands-duchés du monde. Vous avez, raison, et je le
+sais par expérience, car il y a une dizaine d'années, lorsque je n'étais
+encore que prince héréditaire, j'ai passé six mois à Paris, libre,
+riche, insouciant, et mes souvenirs me disent que ces jours là ont été
+les plus beaux de ma vie.
+
+--Eh bien! est-ce qu'en liquidant tout ce que vous avez ici vous ne
+pourriez pas réaliser cette fortune? D'ailleurs, ce cousin dont vous me
+faisiez l'honneur de me parler hier vous assurerait avec plaisir vos
+trente mille francs de rente, si vous lui cédiez votre place qu'il
+envie... Mais, monseigneur, voulez-vous que je vous parle franchement?
+
+--Je ne demande pas mieux.
+
+--Une existence paisible et modeste aurait sans doute beaucoup de charme
+pour vous, et vous le dites dans la sincérité de votre âme; mais d'un
+autre côté vous tenez essentiellement à votre couronne, et ce n'est pas
+seulement par ces raisons d'honneur que vous invoquiez tout à l'heure.
+On a beau dire et s'exagérer les douceurs du calme et de la retraite
+dans un moment de fatigue et d'orage, un trône, tout boiteux qu'il soit,
+est un siège que l'on ne saurait quitter sans regrets... Voilà mon
+opinion, formée à l'école dramatique; c'est peut-être une réminiscence
+de quelque ancien rôle, mais on trouve parfois la vérité au théâtre. Or
+donc, puisque, à tout prendre, ce qui vous convient le mieux est de
+rester en place, vous devriez... Mais pardon, mes paroles sont peut-être
+trop libres...
+
+--Parlez en toute liberté, mon cher directeur, je vous le permets et je
+vous en prie. Je devrais donc, disiez-vous?...
+
+--Vous devriez, au lieu de vous livrer au découragement et aux idées
+poétiques, ne pas attendre le coup qui vous frappera, ne pas vous
+contenter de tomber noblement. Les circonstances sont favorables, vous
+n'avez plus de ministres ni conseillers d'État pour vous induire en
+erreur et vous embrouiller dans vos projets. Fort de votre bon droit et
+de l'amour de vos sujets, il est impossible que vous ne trouviez pas un
+moyen d'assurer votre position et de rétablir vos finances.
+
+--Il n'y en a qu'un seul.
+
+--Cela suffit.
+
+--Un bon mariage.
+
+--Au fait, c'est vrai, je n'y pensais pas, vous êtes garçon!... Eh bien!
+vous voilà sauvé, un bon mariage!... C'est comme cela que les grandes
+maisons se consolident quand elles sont menacées de tomber en ruines.
+Épousez-moi une grosse héritière, la fille unique de quelque riche
+banquier.
+
+--Vous n'y pensez pas! une mésalliance!
+
+--Ah! si vous faites le fier!...
+
+--Ce n'est pas moi, je n'ai pas de préjugés; mais que dirait l'Autriche
+si je me permettais de déroger? Ce serait un nouveau grief dont on ne
+manquerait pas de se servir contre moi. Et puis, les millions d'un
+banquier ne me suffiraient pas; il me faut une alliance avec une famille
+puissante sur laquelle je puisse m'affermir. Cette alliance, telle que
+je la souhaite, s'offrait à mes voeux; il y a quelques jours encore je
+pouvais prétendre à ce moyen de salut. Un de mes voisins, le prince
+Maximilien de Hanau, qui est très bien en cour de Vienne, a une soeur à
+marier: la princesse Edwige est jeune, belle, aimable et riche; c'est un
+excellent parti, et j'avais déjà entamé les préliminaires d'une demande
+en mariage; mais deux dépêches que j'ai reçues ce matin renversent
+toutes mes espérances. Voilà le motif de l'abattement dans lequel vous
+m'avez trouvé tout-à-l'heure.
+
+--Voyons reprit Balthazard. Votre Altesse est peut-être trop prompte à
+se décourager.
+
+--Jugez-en vous-même. J'ai un rival, l'électeur Biberick; ses États sont
+moins considérables que les miens, mais il est plus solidement établi
+dans sont petit électorat que je ne le suis dans mon grand-duché.
+
+--Permettes, monseigneur, j'ai vu l'année dernière à Bade l'électeur de
+Biberick, qui s'y trouvait en même temps que nous; sans flatterie, ce
+prince ne saurait soutenir aucune comparaison avec Votre Altesse: vous
+avez à peine trente ans et il en a plus de quarante; vous êtes bien fait
+de votre personne, il est lourd, épais et mal bâti; vous avez le visage
+agréable et noble, sa figure est commune et disgracieuse; vos cheveux
+sont du blond le plus pur et les siens d'un rouge flamboyant. La
+princesse Edwige ne peut manquer de vous donner la préférence.
+
+--Fort bien, mais on ne lui laissera pas le choix; elle dépend de son
+auguste frère, qui la mariera sans la consulter.
+
+--Voilà ce qu'il faut empêcher.
+
+--Comment?
+
+--En inspirant de l'amour à la jeune personne. Il y a tant de ressources
+dans le sentiment! On voit tous les jours des mariages de convenances
+détruits et rompus au profit d'un mariage d'inclination.
+
+--Oui, cela se voit dans les comédies...
+
+--Qui fournissent d'excellentes leçons...
+
+--Aux gens d'un certain monde; mais nous autres princes, nous n'avons
+pas le bénéfice de ces suites de combats où l'accord de deux coeurs bien
+épris fait plier tous les obstacles.
+
+--Sur ce point-là, monseigneur, j'ose ne pas être entièrement de votre
+avis. Les maîtres de l'art que j'étudie et que je pratique depuis trente
+ans m'ont appris que ces sortes d'affaires se traitent dans les palais à
+peu près comme ailleurs; toute la différence est dans la forme, plus
+pompeuse chez vous. Du reste, pourquoi ne feriez-vous pas une tentative?
+Si j'avais un conseil à vous donner, ce serait de vous mettre en route
+dès demain, et d'aller faire une visite au prince de Hanau.
+
+--C'est inutile. Pour voir le prince et sa soeur je n'ai pas besoin de me
+déranger; une de ces dépêches m'annonce leur prochaine arrivée à
+Carlstadt. Comprenez-vous maintenant tout le malheur de ma position? Ils
+arrivent! Au retour d'un voyage qu'ils viennent de faire en Prusse, ils
+traversent mes États et s'arrêtent dans ma capitale, où ils me demandent
+l'hospitalité pour deux ou trois jours. Vous voyez bien que je vais être
+perdu dans leur esprit. Que penseront-ils de moi quand ils me trouveront
+seul, abandonné, dans mon palais désert? Croyez-vous après cela que la
+princesse soit tentée de partager mon sort et de passer sa vie dans ma
+triste solitude? L'année dernière elle est allée à Biberick; l'électeur
+l'a dignement reçue. Il avait du moins à lui offrir les plaisirs d'une
+cour animée; il pouvait mettre à ses ordres des gentilshommes, des
+chambellans; il pouvait lui donner des concerts, des fêtes, des bals. Et
+moi, rien! Suis-je assez malheureux! assez humilié! Et pour qu'aucun
+affront ne me soit épargné, mon rival veut que son mariage soit négocié
+ici même; oui vraiment! l'électeur me brave à ce point! Il vient de
+m'expédier un ambassadeur, le baron Pépinster, chargé, dit-il, de
+conclure un traité de commerce qui serait fort avantageux pour moi; mais
+cette affaire n'est qu'un vain prétexte. Le baron n'a d'autre mission
+que de s'entendre avec le prince de Hanau; cette rencontre est
+habilement ménagée, pour que la négociation conjugale s'accomplisse
+secrètement et sans appareil. Voilà ce qu'il me faudra voir! Je serai
+contraint de subir cet outrage, de dévorer l'injure, de donner au prince
+et à sa soeur le spectacle de ma misère, de mon abaissement!... Ah! que
+ne ferais-je pas pour me soustraire à cette honte!
+
+--Il y aurait peut-être un moyen! s'écria Balthazard après un instant de
+réflexion.
+
+--Un moyen? Parlez, quel qu'il soit, je l'adopte.
+
+--Un moyen bizarre et hardi! continua Balthazard.
+
+--N'importe! je suis prêt à tout risquer.
+
+--Il vous faut dissimuler votre abandon, repeupler ce palais, avoir une
+cour?
+
+--Oui.
+
+--Pensez-vous que les courtisans qui vous ont délaissé répondraient à
+votre appel, consentiraient à revenir?
+
+--Jamais. Ne vous ai-je pas dit qu'ils étaient gagnés par mes ennemis?
+
+--Pourriez-vous en trouver d'autres parmi vos sujets les plus
+distingués?
+
+--Impossible! Il n'y a que très peu de gentilshommes parmi mes sujets
+Ah! si une cour pouvait s'improviser! dussé-je prendre les derniers
+bourgeois de Carlstadt...
+
+--J'ai mieux que cela à vous offrir.
+
+--Quoi donc?
+
+--Mes comédiens.
+
+--Comment? vous voulez que je me compose une cour avec vos acteurs?
+
+--Oui, monseigneur, et vous ne sauriez trouver mieux. Remarquez que mes
+comédiens sont habitués à jouer tous les rôles, et qu'ils seront tout de
+suite à leur aise dans l'emploi de grands seigneurs. Je vous réponds de
+leur talent comme de leur discrétion et de leur probité. Dès que vos
+illustres visiteurs seront partis, dès que vous n'aurez plus besoin
+d'eux, ils donneront leur démission Songez d'ailleurs que vous n'avez
+pas à choisir. Le temps presse, le danger est à vos portes, il ne vous
+est pas permis d'hésiter.
+
+--Mais, cependant, si une pareille ruse venait à se découvrir!...
+
+--Ceci n'est qu'une supposition, une crainte chimérique. Si, au
+contraire, vous ne voulez pas risquer la partie que je vous propose,
+votre malheur est certain.»
+
+Le grand-duc se laissa aisément persuader. Sous une apparence
+insouciante et molle, son caractère ne manquait ni de résolution, ni
+d'un certain penchant vers les entreprises étranges et hasardeuses. Il
+n'ignorait pas que la fortune favorise ceux qui osent, et il avait toute
+l'audace que donne une situation désespérée.--L'expédient de Balthazard
+fut donc adopté avec une joyeuse intrépidité.
+
+«A merveille! s'écria le directeur; vous ne vous repentirez pas de votre
+détermination. Vous voyez en ma personne un échantillon de vos futurs
+courtisans, et puisqu'il s'agit ici de se partager les honneurs et les
+grandes charges de l'État, nous allons, si vous voulez, bien, commencer
+par moi. Je crois être déjà dans l'esprit de mon rôle en vous adressant
+cette requête. Un homme de coeur doit toujours demander, toujours se
+hâter, et profiter de l'absence de ses rivaux pour obtenir ce qu'il y a
+de mieux. Que votre altesse soit donc assez bonne pour me nommer premier
+ministre.
+
+--Accordé! répondit gaîment le prince. Votre excellence peut entrer
+immédiatement en fonctions.
+
+C'est ce que mon excellence ne manquera pas de faire, en vous demandant
+votre signature au bas de quelques actes dont je vais m'occuper tout de
+suite. Mais d'abord, souffrez, monseigneur, que je vous adresse deux ou
+trois questions, afin de me mettre au courant. Quand on est nouveau venu
+dans un pays et novice au ministère, on a besoin de s'instruire.... S'il
+vous fallait déployer l'appareil de la force pour faire exécuter vos
+ordres, le pourriez-vous?
+
+--Mais, sans aucun doute.
+
+--Votre altesse a des soldats?
+
+--Un régiment.
+
+--Combien d'homme?
+
+--Cent vingt environ, sans compter la musique.
+
+--Sont-ils obéissants, dévoués?
+
+--Obéissance passive, dévouement sans bornes; soldats et officiers se
+feraient tuer pour moi.
+
+--C'est leur devoir. Maintenant autre chose: Avez-vous une prison dans
+vos huis?
+
+--Certainement.
+
+--Mais, je veux dire, une bonne prison, forte et bien gardée, des murs
+épais, de solides barreaux, des geôliers incorruptibles et farouches?
+
+--J'ai tout lieu de croire que le château de Ranfrang possède toutes ces
+qualités. Le fait est que je m'en suis très peu servi: mais il a été
+bâti par un homme qui s'y entendait, mon aïeul, le grand-duc Rodolphe
+l'Inflexible.
+
+--Beau surnom pour un souverain! Celui-là, j'en suis sûr, n'a jamais
+manqué d'argent ni de courtisans. Vous, monseigneur (souffrez que votre
+ministre vous parle le langage de la vérité), vous avez peut-être eu
+tort délaisser sans locataires ce domaine de la couronne, une prison a
+besoin d'être entretenue par l'habitation. Aussi le premier acte de
+l'autorité que vous avez bien voulu me confier sera consacré à une
+salutaire mesure d'incarcération. Je pense que le château de Ranfrang
+peut contenir une vingtaine de prisonniers?
+
+--Quoi! vous voulez, faire enfermer vingt personnes?
+
+--Peut-être plus, peut-être moins; car je ne sais pas au juste Combien
+votre ancienne cour contenait de grands dignitaires. Ce sont ces
+déserteurs que je veux mettre à l'ombre des hautes murailles
+construites: par Rodolphe l'Inflexible C'est indispensable.
+
+--Mais c'est illégal!
+
+--Vous dites?... Pardon, monseigneur; vous vous êtes servi d'un mot que
+je ne comprends pas bien. Il me semble que, dans un bon gouvernement
+allemand, ce qui est absolument nécessaire est nécessairement légal;
+voilà ma politique. D'ailleurs, en qualité de premier ministre, je suis
+responsable. Que vous faut-il de plus? Vous sentez bien que si nous
+laissions libres vos courtisans, il n'y aurait pas moyen de jouer la
+comédie que nous préparons; ils nous trahiraient. Le salut de l'État
+exige donc que ces messieurs soient emprisonnés, et ce sera justice; car
+enfin ils remplissent leur office depuis douze ou quinze ans, terme
+moyen; et quel est, je vous prie, le courtisan qui en douze ou quinze
+ans n'a pas mérité quelques jours de prison? D'ailleurs, vous l'avez dit
+vous-même, ce sont des traîtres, ne les ménagez donc pas; et pour votre
+Sûreté, pour le succès de vos projets qui doivent assurer le bonheur de
+votre peuple, écrivez les noms des coupables, signez l'ordre, et
+infligez sans remords à ces déserteurs le trop doux châtiment d'une
+semaine de captivité.»
+
+Le grand-duc écrivit les noms et signa plusieurs ordres qui furent
+aussitôt remis aux officiers les plus alertes du régiment, avec
+injonction d'exécuter sur l'heure leur mission, et de conduire les
+prisonniers au château de Ranfrang situé à trois quarts de lieue de
+Carlstadt.
+
+«Il ne reste plus à présent qu'à faire venir votre cour, dit Balthazard.
+Votre altesse a-t-elle des carrosses?
+
+--Oui, certes! une berline, une calèche et un cabriolet.
+
+--Et des chevaux?
+
+--Six de trait et deux de selle.
+
+--Je prends la berline, la calèche et quatre chevaux; je vais à
+Krusthal, je ramène ce soir nos acteurs que je mets au fait de leur
+rôle; nous arrivons à la nuit et nous nous installons au palais, pour
+vous servir, monseigneur.
+
+--Très bien; mais, avant de partir, répondez, je vous prie, au baron
+Pépinster qui me demande une audience.
+
+--Deux lignes bien sèches, bien ministérielles, qui l'ajourneront à
+demain. Il faut qu'il nous trouve sous les armes... Voilà le billet
+écrit, mais comment signer? Le nom de Balthazard ne convient guère à une
+excellence allemande.
+
+--Vous avez raison; il vous faut un autre nom, accompagné d'un titre; Je
+vous fais comte de Lipandorf.
+
+--Merci monseigneur. Je porterai noblement ce titre, et je tous le
+rendrai fidèlement, avec mon portefeuille, lorsque la comédie sera
+finie.»
+
+Le comte de Lipandorf signa le billet que Wilfrid fut chargé de remettre
+au baron de Pépinster; puis aussitôt que les voitures furent attelées,
+il partit pour Krusthal.
+
+Eugène Guinot
+
+(La fin à un prochain numéro.)
+
+
+
+Distribution des prix de l'Académie des Jeux floraux.
+
+[Illustration: Jeton de présence mainteneurs des Jeux floraux.]
+
+Au mois dernier, pendant que nous courions en wagon, pour la plus grande
+gloire de l'industrie, Toulouse célébrait une fête en l'honneur des
+beaux-arts; l'Académie des Jeux floraux tenait sa séance annuelle. Aucun
+journal n'en a fait mention; la cérémonie s'est passée à huis clos,
+relativement au reste de la France; les noms des poètes couronnés n'ont
+pas été proclamés au delà des départements méridionaux, et les
+applaudissements ont à peine trouvé des échos à Marseille et à
+Montauban.
+
+Il y a cinq cent vingt ans, plusieurs siècles avant la création de
+l'Académie française, sept _trobadors_ de Toulouse établirent _une
+compagnie du gay savoir_. Au mois de novembre 1323, le mardi qui suivit
+la fête de la Toussaint, ils envoyèrent, dans les pays de _la
+Langue-d'Oc_, une lettre circulaire en vers par laquelle ils ouvraient
+un concours, dont le prix était une violette d'or fin.
+
+ Disem, per dreit jutjamen,
+ A cel que la fara plus nèta,
+ Donaren una violeta
+ De fin aur, en senhal d'amor.
+
+Le 1er mai de l'année suivante, des poètes affluèrent de toutes parts au
+lieu du rendez-vous, dans un verger du faubourg des Augustines, au pied
+d'un gigantesque laurier. Un jour entier fut consacré à la lecture des
+pièces de vers; le second jour, les sept troubadours délibérèrent, après
+avoir entendu la messe, et le troisième, leur sentence fut prononcée en
+présence de deux _capitouls_, ou consuls de la ville. La violette fut
+décernée à maître Arnaud Vidal, de Castelnaudary. _E yazuhet la violeta
+de l'aur a Tonena, nès a saber la premiéra que si dona_. Après
+l'adjudication des prix, les _capitouls_ décidèrent que dorénavant,
+_d'uqui en avant_, la violette serait achetée aux frais de la ville.
+
+Les années suivantes les fondateurs prirent la qualification de
+_mainteneurs_, s'adjoignirent un chancelier et un bedeau, et rédigèrent
+leurs statuts. Le Conseil municipal leur vint en aide, vota des fonds
+pour deux nouveaux prix, l'_églantine_ et le _souci_ et accorda au
+_Collége du gay savoir_, l'autorisation de siéger à l'hôtel-de-ville,
+connu des lors sous le nom pompeux de _Capitole_. L'institution acquit
+tant de célébrité, qu'en 1388, Jean d'Aragon, par une ambassade
+expresse, priait Charles VI de lui expédier des poètes languedociens,
+afin d'introduire la gaie science en Espagne, _studia partices quam
+gayam scientiam vocabunt instituerentur_. Peu de rois s'aviseraient
+aujourd'hui de demander à leurs voisins un assortiment de littérateurs;
+on aimerait mieux en exporter.
+
+Pendant le quinzième siècle, la société _du gay savoir_ tint
+régulièrement ses assemblées. Un dame noble et riche, Clémence Isaure,
+acheva de consolider l'oeuvre des _mainteneurs_, en lui consacrant
+_plusieurs grands et notables revenus_. Il est resté si peu de documents
+sur l'histoire de cette femme célèbre, que plusieurs écrivains graves,
+Catel, Lafaille, Cazeneuve, et tout récemment les auteurs de _l'Histoire
+de la ville de Toulouse_, ont trouvé plaisant de présenter Clémence
+Isaure comme un personnage imaginaire.
+
+Après sa mort, on lui éleva une statue, qui figura d'abord sur le
+mausolée de l'illustre dame, les mains jointes et un lion à ses pieds.
+Le conseil municipal imagina, en 1627, de la mutiler sous prétexte de
+l'embellir. Deux artistes, les nommés Aure et Pascot, furent chargés de
+_raccommoder et blanchir le visage, de lui ôter le chapelet qu'elle
+avait, de refaire les bras, de couper le lion qui était sous ses pieds,
+et d'en faire une plinthe._
+
+[Illustration: Statue de Clémence Isaure, en marbre blanc, dans la salle
+du grand Consistoire, au Capitole de Toulouse.]
+
+La salle où elle est aujourd'hui placée sert aux séances particulières
+des académiciens. Sur le piédestal, on lit une épitaphe, dont voici la
+traduction: «Clémence Isaure, fille de Louis Isaure de la célèbre
+famille des Isaures, vécut cinquante ans dans le célibat et la vertu;
+elle établit pour l'usage public de sa patrie des marchés au blé, au
+vin, au poisson et aux herbes; elle les légua aux capitouls et citoyens
+de Toulouse, à condition qu'ils célébreraient tous les ans les _Jeus
+floraux_ dans la Maison-de-Ville qu'elle avait fait bâtir à ses frais;
+qu'ils iraient jeter des roses sur son tombeau, et que le reste des
+revenus serait employé à un banquet. Si l'on néglige d'exécuter sa
+volonté, que le fisc s'empare du legs de plein droit, et exécute la
+condition ci-dessus. Elle a voulu, de son vivant, qu'on lui érigeât ce
+monument où elle repose en paix.»
+
+La société littéraire des Jeux floraux, érigée en Académie par lettres
+patentes de Septembre 1694, a conservé ses vieux usages presque aussi
+religieusement que ses vieux souvenirs. Les revenus de la place _de Ia
+Pierre_, l'un des immeubles légués à la ville par dame Clémence,
+contribuent encore aux frais de la cérémonie annuelle. L'Académie, après
+avoir suspendu ses séance de 1790 à 1806, les a reprises et continuées
+paisiblement jusqu'à nos jours, et les récompenses qu'elle distribue ne
+sont pas sans influence sur l'état intellectuel du midi.
+
+Le nombre des _mainteneurs_, fixé à trente-six par les lettres patentes,
+est de quarante depuis un édit de 1725. Le préfet de la Haute-Garonne et
+maire de Toulouse sont _académicien né_. On compte parmi les membres du
+docte tribunal le baron de Lamothe-Langon, le comte Jules de Rességuier,
+M. Alexandre Soumis (de l'Académie française), et le baron de Montbel,
+ancien ministre. Ceux qui ont obtenu trois prix, autres que le lis,
+peuvent demander à l'Académie des lettres de _Maîtres ès jeux floraux._
+MM. Victor Hugo, de Chateaubriand, Babur-Lormian, Bignan, Rebout de
+Nîmes, sont maîtres des jeux floraux. On voit que les sept présidents de
+la _gaie compagnie_ ont d'assez dignes successeurs.
+
+L'Académie a cinq fleurs à distribuer:
+
+1. L'amarante d'or, d'une valeur de 100 fr., prix de l'ode, institué par
+les lettres patentes de 1694;
+
+2. La violette d'argent d'une valeur de 200 fr., prix du poème, de
+l'épître ou du discours en vers;
+
+3. Le souci d'argent, d'une valeur de 200 fr., prix de l'églogue, de
+l'idylle, de l'élégie, ou de la balade;
+
+4. Le lis d'argent, d'une valeur de 60 fr., d'un hymne ou d'un sonnet à
+la _Vierge_ fondé sous Louis XV, par M. Malepèvre;
+
+5. L'églantine d'or, d'une valeur de 150 fr., prix d'un discours dont
+l'Académie donne le sujet.
+
+La cérémonie annuelle a lieu chaque année le 3 mai. Les lettres de 1691
+avaient assigné aux séances la salle du Capitole, appelée le _grand
+consistoire_; mais un édit de 1773 a ordonné qu'elles se tiendraient
+dans la salle des _illustres_, où sont rangés les buste des principaux
+personnages dont s'honore Toulouse. Il est d'usage, depuis 1527, que la
+_Fête des Fleurs_ débute par l'éloge de Clémence Isaure, que suit
+immédiatement le rapport du secrétaire perpétuel sur les résultats du
+concours. Cependant une députation de _mainteneurs_ se rend
+processionnellement à l'église de la Daurade, où Clémence Isaure repose
+sous le maître-autel. Les fleurs y sont déposées le matin; le curé les
+bénit et les remet aux commissaires de l'Académie, qui retournent au
+Capitule, en ayant soin de passer par la rue de Clémence Isaure. On
+proclame les vainqueurs; on les invite à faire la lecture de leurs
+ouvrage, et la séance se termine par l'indication du sujet du discours
+pour l'année suivante: _ê sempre cosi_.
+
+Les pièces couronnées en 1843 sont: _Simon de Monfort_, ode, par M.
+Jallus; les _Enfants de Moncode_, poème, par M. Vincent Bataille; la
+_Prière des petits enfants_, hymne à la Vierge, par M. Lébraly. Six
+autres compositions ont obtenu des _fleurs réservées_ c'est-à-dire des
+prix qui n'avaient pas été adjugés dans les concours précédents: _Le
+dévouement_, ode par H. Lébraly; les _Adieux à Ia Mer_, ode, par madame
+Thore; _Épître à un centenaire_, par M. Magnien; Épître à M. l'abbé L.
+B., par M. Baudin; le _Ver luisant_, idylle, par M. Granger; _le Rêve
+de la Chatelaine_, ballade, par M. Rocher.
+
+L'Académie propose, pour le concours de 1844, _l'éloge de Dante
+Alighieri_ A l'oeuvre donc, prosateurs et poètes taillez vos plumes et
+grattez-vous le front. Animez-vous au souvenir des hommes célèbres qui
+ont conquis à diverses époques, les fleurs rémunératrices; Ronsard,
+Baif, Maynard, le président Hainault, La Monnoye, La Motte Houdard,
+Fayard, Marmontel, Mallevoye, Chenedullé, Mollevant, d'Avrigny, Victor
+Hugo!
+
+Quel concours a de plus favorables conditions? Point de sujets donnés,
+sauf ceux du discours en prose et de l'hymne; rien qui gêne l'élan
+poétique, rien qui entrave l'essor de la pensée: il faudrait avoir
+l'imagination bien stérile pour ne pas risquer au moins une ode à cette
+glorieuse loterie des Jeux floraux.
+
+
+
+Les plaisirs des Champs-Elysées.
+
+I.
+
+[Illustration: Champs-Elysées.--L'attelage de chèvres.]
+
+Dans quelle catégorie les rangerons-nous? Les plaisirs des
+Champs-Elysées sont-ils forains, champêtres ou urbains? N'aperçois-je
+point les pénates roulants des directeurs de phénomènes? Polichinelle ne
+dresse-t-il point son théâtre nomade entre un Hercule du nord et un lion
+de Némée, bête farouche qui a laissé les poils de sa crinière aux mains
+des gamins de nos quatre-vingt-six département? Décidément nous sommes
+dans une foire. Mais non, regardez là-bas ces joueurs de boules et de
+mail, et, plus loin, cet individu étendu sur l'herbe fraîche à la
+manière de Corydon, et cet autre, qui parcourt lentement les longues
+allées, un volume de vers à la main. Les boules, le mail, un sommeil sur
+l'herbe, la lecture sous les arbres verts, tout cela ne fait-il pas
+naître dans l'imagination des idées champêtres et bucoliques? On se
+croirait à vingt lieues de Paris, si tout à coup le passage d'un omnibus
+ou d'une brillante calèche, le bruit de la foule devant la porte d'un
+théâtre, la présence des sergents de ville et des gardes municipaux ne
+vous tirait brusquement de votre erreur. Foire bruyante, retraite
+silencieuse, rendez-vous du monde élégant, les Champs-Elysées sont tout
+cela à la fois. Ou y trouve tout, même la solitude. Il y a là de quoi
+défrayer tous les âges, tous les états, tous les goûts, l'enfance, la
+jeunesse, l'âge mur, la vieillesse; l'artisan, l'homme de lettres,
+fashionable s'y rencontrent à la fois. Là, viennent se résumer les mille
+variétes de l'existence parisienne; là, s'étalent les notabilités, les
+excentricités, les prodiges, les phénomènes de tous les pays. Nous avons
+vu passer tour à tour sur la chaussée, espèce de voie romaine qui mène à
+l'Arc-de-Triomphe, des Chinois, des Persans, des Arabes, et jusque des
+naturels des Sandwich. Le monde entier traverse perpétuellement au trot
+ou au galop cette longue avenue de Paris. Dites-moi ce qu'on ne fait pas
+et ce qu'on ne voit pas aux Champs-Elysées? On y mange, on y joue, on y
+danse, on y dort. On y voit Moscou en flammes, des chevaux qui valsent,
+des chiens qui font tourner le roi à l'écarté, des géants et des nains,
+et mille autres choses encore dont l'éloquence et les poumons de
+Bilboquet pourraient seuls entreprendre la nomenclature.
+
+[Illustration: Champs-Elysées.--Pesage.]
+
+Il n'est personne qui n'éprouve de temps en temps le besoin de redevenir
+enfant. Souvent les longs voyages de la pensée ramènent l'homme, de
+circuits en circuits, parmi la verdure et les fleurs des impressions
+premières. On cherche à ressaisir le rêve évanoui de l'enfance. Comme le
+bon Pérégrinus, du conte d'Hoffmann, il est inutile d'attendre la veille
+de la Noël pour satisfaire ce désir. N'achetez pas des bonbons et des
+joujoux, n'allumez pas vos bougies, ne vous enfermez point dans votre
+salon, ne jouissez pas dans la solitude de ces plaisirs rétrospectifs,
+mais prenez le chemin des Champs-Elysées, vous y retrouverez toutes les
+émotions enfantines de votre printemps. Choisissez pour accomplir ce
+pèlerinage une de ces belles journées d'été pendant lesquelles le
+crépuscule, en se prolongeant, fait pour ainsi dire un jour nouveau dans
+le jour; mêlez-tons à tous les jeux, arrêtez-vous devant tous les
+spectacles, écoutez la parade de Pierrot et la chanson du troubadour
+nomade, achetez pour un sou votre avenir renfermé dans une coquille de
+noix, et vous redeviendrez enfant pendant quelques heures. Le souvenir
+rajeunit.
+
+Je suppose que votre première station sera pour Polichinelle: à tout
+seigneur tout honneur. Hélas! s'il faut en croire un de ses plus grands
+admirateurs, Polichinelle, qui avait déjà de si grands défauts, est allé
+en empirant: aujourd'hui il fait parade de sa violence comme d'une
+vertu, il est devenu l'effroi de ses voisins, il a tué les gardiens de
+la paix publique, les soldats, les magistrats, les juges, et bien plus
+que cela, les femmes et les enfants! M. Polichinelle a porté ses défis
+jusqu'au diable qui l'inspirait, mais qui savait le punir, et dont il ne
+reconnaît plus le pouvoir. Polichinelle est odieux!
+
+Qui oserait regarder Polichinelle, après avoir appris que c'est son
+Plutarque, son ami, Charles Nodier enfin, qui a fulminé contre lui cet
+anathème?
+
+Il faut donc reporter votre esprit et vos yeux sur des idées et des
+spectacles plus riants. Entre deux rangs de chaises, s'avance une
+calèche en miniature traînée par des chèvres; le capricieux animal a
+subi enfin le joug de l'homme. Ces chèvres indociles que Virgile aimait
+tant à voir pendantes, _pendentes_ au sommet des roches moussues, posent
+maintenant un pied réglé sur le sable lin des allées. Une petite fille
+blanche et rose s'étale comme une duchesse sur les coussins de la
+voiture; sur le siège, son frère, armé d'un long fouet, tient les rênes
+et fait semblant de guider le fringant attelage. L'automédon de dix ans
+n'ose tourner son regard ni à droite ni à gauche, tant il comprend la
+gravité et les périls de sa mission. Les deux amalthées cheminent
+cependant paisiblement, et se résignent à leur abaissement en songeant
+qu'en amusant des enfants elles sont encore dans leur rôle de nourrices.
+L'équipage enfantin attire à lui toutes les sympathies. Involontairement
+on se souvient de cet autre enfant, qui se promenait ainsi, ses beaux
+cheveux blonds dénoués, sur la terrasse des Tuileries, souriant à la
+foule, et saluant les vieux grenadiers de son père qui lui portaient les
+armes. L'idée du roi de Rome est liée à celle de ces voitures qui furent
+inventées pour lui. Les deux chèvres marchent ordinairement au pas, mais
+quelquefois, à un coup de fouet intempestif du jeune cocher, elles se
+lâchent, s'emportent, et se mettent à cabrioler au milieu de la
+promenade. Il faut alors entendre les cris des mères épouvantées!
+Heureusement le danger n'est jamais considérable; le loueur retient
+d'une main son attelage par les cornes, de l'autre il soutient la
+calèche qui commence à loucher, et les enfants descendent, après avoir
+subi toutes les péripéties d'une chute qui n'a pas eu lieu; les mères se
+remettent de leurs émotions, et le public, qui a fait tout de suite
+cercle autour de l'accident, se retire après s'être donné gratis la
+distraction de voir des chèvres prendre le mors aux dents.
+
+Seuls les enfants du riche peuvent se permettre cette distraction à tant
+l'heure; les autres enfants contemplent de loin la calèche coquette ou
+la suivent d'un pas envieux. Que ne donneraient-ils pas, eux aussi, pour
+s'asseoir sur ces coussins de soie! Quel que soit votre désir de
+redevenir enfant, il n'est pas probable que vous le poussiez jusqu'à
+vouloir vous donner le plaisir de la locomotion par les chèvres. Ce
+plaisir que vous n'osez prendre, procurez-le à un de ces pauvres enfants
+dont le coeur palpite rien qu'en entendant sonner les grelots qui
+pendent au cou des chèvres Plus tard, il se souviendra qu'il a eu aussi
+son jour de fortune, qu'il a guidé des chevaux et roulé carrosse à son
+tour.
+
+[Illustration: Champs-Elysées.--Dynamomètre.]
+
+Mais tous les plaisirs des Champs-Elysées ne sont pas destinés à
+l'enfance, il en est qui peuvent piquer la curiosité de l'âge mur. Voici
+d'abord le dynamomètre, invention toute philanthropique, au moyen de
+laquelle l'homme peut faire l'essai de ses forces de la façon la plus
+pacifique, un simple coup de poing, appliqué sur un plastron rembourré,
+devient le témoignage irrécusable de votre vigueur ou de votre
+faiblesse. Le dynamomètre a pris naissance à Tivoli. Dans les premières
+années qui suivirent 1820, les femmes récemment émancipées par les
+romans à la mode, recherchaient toutes les occasions de déployer les
+qualités qui appartiennent à un autre sexe. Le dynamomètre, sans cesse
+entouré d'athlètes féminins, répondait continuellement par zéro à tous
+ces efforts qui n'aboutissaient qu'à rompre la couture fragile de
+quelques gants parfumés. Aujourd'hui les femmes semblent avoir compris
+que le pugilat n'est point de leur domaine, s'il faut s'en fier à l'état
+d'abandon dans lequel elles laissent le dynamomètre des Champs-Elysées,
+qui n'attire plus que les coups de poing distraits des rares amateurs de
+cette boxe innocente.
+
+[Illustration: Champs-Elysées.--Le physicien.]
+
+Si vous vous êtes livré par hasard aux fatigues de cette gymnastique,
+asseyez-vous sur ce fauteuil surmonté d'un dais, et placé sur une
+estrade comme un trône oriental. Tout en goûtant les douceurs du repos,
+vous mettrez en pratique la maxime du sage; _Connais-toi toi-même._ Tout
+à l'heure vous vous rendiez compte de votre force, maintenant vous allez
+connaître votre poids. Le fauteuil sur lequel vous êtes assis est une
+balance. D'une semaine, d'un mois, d'une année à l'autre, vous pouvez
+mesurer les progrès de votre maigreur ou de votre embonpoint, et par
+suite mobilier votre régime. Cette consultation hygiénique coûte cinq
+centimes, et elle en vaut bien une autre.
+
+Maintenant la science nous réclame. Les secrets de la physique vont nous
+être dévoilés par un profiteur en plein vent. Les auditeurs sont
+nombreux, les appareils déployés sur une grande table. La machine
+électrique fonctionne; pour un sou on se fait électriser, on assiste à
+la formation de la foudre, les phénomènes de l'électricité n'ont plus de
+secret pour personne, la bouteille de Leyde éclate pour tout le monde.
+Qui voudrait pour la bagatelle de cinq centimes refuser de se donner
+l'innocente frayeur de l'étincelle électrique? Ce cours de physique
+ambulant est aussi suivi que ceux de la Sorbonne et du Collège de France.
+Tout ce qui est mystérieux intéresse vivement les masses; aussi la
+physique serait-elle sans rivale dans l'empressement de la foule, si la
+musique n'existait pas.
+
+Autrefois les chanteurs nomades pullulaient, pour ainsi dire, dans
+Paris; pas de rue, pas de place publique, pas de carrefour qui ne
+retentit des accents de ces bohémiens de l'art. La poésie populaire
+avait en eux d'infatigables interprètes. Malheureusement ils ne se sont
+pas contentés de chanter les refrains inspirés par la muse familière,
+ils ont voulu aborder la cavatine, le nocturne, la romance et même le
+_lied_. Leur ambition les a perdus. Chassés des cafés, des restaurants,
+sous prétexte qu'ils offensaient l'oreille délicate des habitués, à
+peine si les lointains établissements du faubourg Saint-Jacques et du
+quartier latin leur offrent encore de temps en temps une hospitalité
+humiliante et pleine de périls. Nulle part ils ne sont reçus, les
+malheureux ne sont que tolérés; de n'est plus avec l'audace triomphante
+des anciens jours qu'ils se présentent avec leur guitare fêlée et leur
+redingote en lambeaux. Leur air est modeste, et leur allure timide. Ils
+ne chantent pas, ils fredonnent.
+
+Pauvres chanteurs ambulants, rapsodes du pauvre, chaque jour voit
+disparaître une de vos illustrations. Ce n'est pas l'âge, ce n'est pas
+la misère, ce n'est pas l'indifférence populaire qui cause votre perte,
+c'est l'avidité barbare de ceux qui exploitent les oeuvres de la pensée.
+Il y a un au à peine nous avons vu traîner sur les bancs de la police
+correctionnelle ce doyen des chanteurs en plein vent, ce représentant de
+la gaie science, ce troubadour en haillons, ce fameux musicien qui, tour
+à tour basse ou baryton, ténor grave ou doux, a charmé les échos de tous
+les carrefours, de toutes les barrières, de tous les villages, de tous
+les hameaux, ce père Aubert enfin dont la réputation est universelle.
+Quel crime, direz-vous, avait donc pu commettre le père Aubert?
+
+Sa voix chevrotante l'aurait-elle trahi? l'obole du peuple aurait-elle
+cessé de remplir son escarcelle? Chaste poésie, voile ta face, muse,
+remonte au cieux! Le père Aubert aurait-il mendié?
+
+Rassurez-vous le père Aubert n'est ni un mendiant ni un vagabond. Ou
+l'accuse d'avoir violé les lois sur la propriété littéraire.
+
+Les éditeurs patentés prétendent qu'en vendant leurs chansons aux
+ouvriers, aux bonnes d'enfants, aux paysans, aux grisettes, le père
+Aubert nuit essentiellement à la vente, et leur avocat conclut à 500
+francs de domages-intérêts contre le délinquant. Où diable le père
+Aubert aurait-il pu prendre 500 francs?
+
+Le tribunal a eu pitié de la musique nomade. Euterpe n'a été condamnée
+qu'à 25 francs d'amende. Le père Aubert laissera plus d'une brillante
+recette aux buissons du fisc, si le fisc parvient jamais à l'attraper:
+car qui pourrait dire où est le père Albert? Peut-être chante-t-il la
+_Marseillaise_ dans les villages des frontières, peut-être dort-il au
+bord de quelque fossé du sommeil du juste et du ménestrel, ou bien
+encore charme-t-il de la Champagne avec les refrains de la grâce de
+Dieu. Ses petits cahiers se vendent à foison, les sous pleuvent autour
+de lui. Père Aubert, vous êtes heureux, vous recommencez la ritournelle,
+vous mettez une chanterelle neuve à votre violon, tremblez, malheureux
+troubadour, un huissier vous guette et va saisir votre recette parce que
+vous vous êtes permis de chanter _Cinq sous! cinq sous!_ sans la
+permission d'un éditeur.
+
+Cette jurisprudence éloigne de Paris tous les chanteurs ambulants. Ils
+ne veulent pas s'exposer aux dangers de faire la contrebande lyrique.
+Voilà donc une nouvelle puissance qu'on enlève au peuple. Chassé des
+théâtres par la cherté des places il avait les chanteurs nomades, les
+trouvères de l'atelier, on les lui enlève; il ne lui reste plus que les
+joueurs d'orgue. Nous nous attendons un de ces jours à voir une
+coalition d'éditeurs réclamer 1000 francs de dommages-intérêts à des
+montreurs de singes sous prétexte qu'il font voir leurs animaux sur des
+airs de Meyerbeer ou de Loïsa Pujet.
+
+En attendant cette recrudescence de persécution, la musique
+instrumentale triomphe. Le violon, la basse, la clarinette, retentissent
+aux Champs-Elysées, bien plus que la voix humaine. L'orchestre a tué les
+choeurs. C'est à peine si de loin en loin on entend une basse ou un
+soprano modulant _le feu de Tolède_ ou _Adieu, mon beau navire_. Plus de
+sûreté d'intonation, plus d'audace dans les fioritures, plus de liberté
+dans le point d'orgue. Et comment le virtuose pourrait-il donner un
+libre essor à ses inspirations, quand il lui faut tendre l'oreille, non
+pas à la mesure, mais au pas d'un huissier qui les guette au milieu de
+leurs roulades, et attend le moment de les surprendre en flagrant délit
+de contrefaçon?
+
+[Illustration: Champs-Elysées.--Les chanteurs ambulants.]
+
+Cette première excursion aux Champs-Elysées ne serait pas complète si
+nous ne jetions un rapide coup d'oeil sur la gastronomie locale. Nous ne
+parlerons pas des pommes de terre frites dont la renommée est reconnue
+dans le monde entier, nous laisserons les détails de côté, ce sujet nous
+entraînerait trop loin. Entrons dans le restaurant Ledoyen, non point
+pour y commenter la carte, mais pour y évoquer les souvenirs de notre
+histoire. Nous sommes dans un restaurant politique. C'est ici que tous
+les ministères tombés viennent oublier leur chute le verre à la main
+Nous ne savons ce qui a valu à Ledoyen l'insigne et difficile honneur de
+consoler les estomacs déchus du ministère. Que de secrets renfermés dans
+ce cabinet particulier, qui a vu passer tour à tour MM. de Villèle, de
+Martignac, Molé, Thiers, et bien d'autres encore dont le nom n'est pas
+moins illustre! Que de confidences échangées entre la poire et le
+fromage! Que de fois les ministres déchus auraient pu en sortant de chez
+Ledoyen se donner le plaisir de commander la carte de leurs successeurs!
+
+[Illustration: Champs-Elysées.--Restaurant Ledoyen.]
+
+La nuit est venue. Renvoyez votre promenade à demain, à moins que vous
+ne préfériez courir la bague ou tourbillonner en carrousel, si vous êtes
+assez heureux pour que les révélations de la balance publique ne vous
+aient point interdit ces jeux.
+
+
+
+Académie des sciences
+
+COMPTE-RENDU DES TRAVAUX DU PREMIER TRIMESTRE DE 1843.
+
+(Suite.--Voir page 217.)
+
+II.--Zoologie.
+
+_Animaux phosphorescents_.--M. de Quatrefages a continué ses recherches
+sur l'anatomie des animaux inférieurs qui habit eut les côtes de la
+France. Ses études sur la phosphorescence de quelques-uns d'entre eux
+l'ont conduit aux conclurions suivantes: 1º Il y a chez ces animaux
+production de lumière sous forme d'étincelles dans l'intérieur du corps
+à l'abri du contait de l'air; 2º cette production de lumière est
+indépendante de toute sécrétion matérielle; 3º elle se rapproche sous ce
+point de vue de la sécrétion de lumière observée chez plusieurs
+poissons; 4º cette lumière se montre uniquement dans le tissu musculaire
+et au moment de la contraction; 5º la production de cette lumière épuise
+rapidement l'animal. Ces observations sont intéressantes en ce qu'elles
+tendent à lier deux ordres de phénomènes dont l'analogie n'avait été
+qu'entrevue auparavant: savoir la phosphorescence et l'électricité
+animales.
+
+_Foie des insectes._-M. L. Dufour, l'un des plus habiles entomologistes
+dont s'honore la France, a fait une étude approfondie de la structure et
+des fonctions du foie dans les insectes. On avait cru que dans ces
+animaux cet organe sécrétait à la fois la bile et l'urine; mais il a
+prouvé qu'on s'était laissé abuser par des apparences, et que dans ces
+animaux comme dans l'homme le foie sécrète seulement de la bile. Ces
+recherches sont d'autant plus intéressantes que les fonctions du foie
+étant encore mal connues, ou s'était élevé de cette double fonction chez
+les insectes pour établir entre la sécrétion de la bile et celle de
+l'urine une analogie qui n'exista pas.
+
+_Lézard d'Afrique._-H. Guyon a découvert à Alger l'animal connu des
+Romains sous le nom de _Jaculus_ et à la côte Barbaresque sous celui de
+Zureig, qui exprime la même idée. Cet animal avait été entrevu par
+Desfontaines, qui raconte qu'il le vit courir avec une rapidité telle
+qu'il ne put s'en faire une image exacte; il le prit pour un serpent. M.
+Guyon vient de constater qu'il appartient à l'ordre des sauriens
+(lézards), et au genre _seps_. Sa course est d'une rapidité dont rien ne
+saurait donner l'idée.
+
+III.--MÉTÉOROLOGIE.
+
+_Incendies allumés par des aréolithes_.--Lorsque des granges ou des
+meules de blé sont consumées par le feu, il arrive quelquefois que les
+recherches les plus minutieuses ne peuvent faire découvrir l'origine de
+l'incendie, que l'on attribue en général à la malveillance. Le juge de
+paix de Moutierender a remarqué que ces incendies commençaient toujours
+dans les combles et les bâtiments où il n'y a point de foyer. En
+comparant les circonstances qui ont accompagné quatre incendies dans le
+voisinage du lieu qu'il habile, ce magistrat fait voir que les incendies
+ont été accompagnés ou précédés de chutes de globes de feu, qui ne sont
+rien autre chose que des aréolithes, ou étoiles filantes en ignition.
+Ainsi, le 18 novembre 1842, à onze heures du soir, une jeune fille
+entrant dans sa chambre, ayant jour sur un jardin clos, vit une forte
+lueur passer et frapper les vitres de sa fenêtre. Elle pensa que
+quelqu'un traversait le jardin, portant un falot ou une chandelle
+allumée; ayant ouvert la fenêtre, elle ne vit plus rien et n'entendit
+personne. Le lendemain à deux heures du matin, le grenier de cette
+chambre et ceux de quatre maisons étaient enflammés avant qu'aucun
+secours eût pu être porté. Dans les premiers jours de décembre, entre
+cinq et six heures du matin, on vit un globe lumineux jetant une si
+grande lumière que plusieurs personnes sortirent de la maison. Suivant
+le rapport de plusieurs individus, ce globe alla descendre dans une
+forêt. L'auteur de la lettre cite encore d'autres exemples qui ne sont
+pas moins probables. M. Arago accepte pleinement cette explication, qui
+doit être connue des magistrats, afin que on ne cherche pas de coupable
+là où il n'y en a point.
+
+IV.--SCIENCES PHYSIQUES ET CHIMIQUES.
+
+_Nouvel acide du soufre._--La découverte de ce composé est la plus
+intéressante dont l'Académie ait eu à s'occuper. MM. Furdos et Gélis,
+en examinant avec soin l'action de l'iode sur les hyposulfites et plus
+particulièrement sur ceux de soude et de baryte, ont reconnu ce nouvel
+acide, qui peut être appelé acide hyposulfurique bisulfuré. Il est
+incolore et sans odeur, d'une saveur acide très prononcée, il n'a que
+peu de stabilité, et même, à la température ordinaire, ses éléments
+subissent peu à peu une dissociation de laquelle résulte du soufre, de
+l'acide sulfureux et de l'acide sulfurique. La série des combinaisons
+oxygénées du soufre, à laquelle M. Langlois a ajouté, il y a deux ans,
+l'acide hyposulfurique, vient donc de s'accroître d'un nouveau composé
+qui est aujourd'hui le sixième connu. Le rapport de M. Pelouze, sur le
+travail de MM. Fordos et Gélis, a été très favorable: «L'Académie,
+a-t-il dit, voudra encourager les efforts de deux jeunes chimistes qui,
+dans une position modeste, cultivent les sciences avec tant d'ardeur et
+de succès.»
+
+_Chimie moléculaire_-M. Pelouze avait lu un mémoire sur l'acide
+hypochloreux, suivi de quelques observations sur les mêmes corps
+considérés à l'état amorphe et à l'état cristallisé. Cet académicien
+avait conclu de ses expériences qu'il était important d'établir une
+distinction, même au point de vue purement chimique, entre des corps qui
+ne diffèrent que par un état particulier d'agrégation, tels que l'oxyde
+de mercure précipité d'une dissolution mercurielle, et l'oxyde obtenu
+par la calcination du nitrate, ou encore la craie et le spath d'Islande.
+M. Gay-Lussac, «tout en s'associant pleinement aux éloges que mérite la
+première partie du mémoire de M. Pelouze,» a critiqué les conclusions de
+la seconde partie. Il a donné le détail de nouvelles expériences
+desquelles il semble bien résulter que l'on ne saurait voir dans la
+différence d'action du chlore, sur les deux oxydes de mercure, autre
+chose que l'effet d'une cause purement mécanique. Il a rappelé aussi
+que MM. Dumas et Stas ont fait brûler le diamant dans l'oxygène plus
+facilement que l'anthracite et aussi bien que le carbone ordinaire.
+
+_Chimie appliquée._--Depuis longtemps M. Biot poursuit ses travaux si
+remarquables sur la polarisation circulaire et sur l'application des
+propriétés optiques à l'analyse chimique des mélanges liquides ou
+solides dans lesquels le sucre de canne cristallisable est associé à des
+sucres incristallisables. On comprend de suite toute l'importance des
+procédés de ce genre pour prévenir des fraudes commerciales trop
+fréquentes. On sait en effet que les sirops de sucre et les cassonades
+sont souvent falsifiés à l'aide de sucre de fécule ou de raisin
+(glucose), dont le prix est moindre et dont la composition chimique est
+aussi différente. On sait d'ailleurs que l'action de la chaleur
+détermine, dans les solutions de sucre de canne, la formation d'une
+quantité de mélasse ou de sucre incristallisable d'autant plus
+considérable que cette action est prolongée plus longtemps. Ou pourra
+donc également se servir des procédés optiques de M. Biot pour mesurer
+les proportions de sucre de canne cristallisable qui restent dans les
+mélasses, en décolorant par le charbon animal les solutions que l'on en
+formerait. Quelques essais de ce genre, tentés sur des mélasses des
+colonies provenant des raffineries les mieux dirigées, y ont fait
+découvrir au savant académicien des proportions de sucre cristallisable
+très considérables, qui se sont élevées à plus de 40 p. 100 de leur
+poids. Des expériences directes de M. Pelouze ont confirmé ces résultats
+de M. Biot. «Ce serait un beau problème commercial à résoudre que
+d'extraire des mélasses, par quelque procédé économique, une partie,
+sinon la totalité, de ce sucre cristallisable qu'elles renferment pour
+employer le reste, avec les portions incristallisables, à enrichir les
+sucres de fécule fabriqués par les acides.»
+
+_Photographie._--M. Moeser, physicien de Koenisberg, paraît être le
+premier qui ait signalé un nouveau genre d'images produites sous
+l'influence de la lumière, sur une surface polie, par un corps placé
+très près de cette surface. Les images de ce genre se forment sur un
+verre de montre placé bien près du cadran, sur les verres placés au
+devant des gravures encadrées, etc.. M. Moeser attribue ce curieux
+phénomène à des radiations lumineuses; M. Knoor de Kazan y voit
+l'influence de la chaleur, et donne le nom de _thermographie_ à l'art
+nouveau qu'il veut créer. M. Fixeau rattache tout simplement la
+formation des images de Moeser à l'existence bien constatée des matières
+grasses et volatiles qui souillent la plupart des corps à leur surface.
+Enfin, en plaçant une médaille sur une plaque de verre au-dessous de
+laquelle se trouve une plaque métallique, M. Karsten (le fils du
+minéralogiste) a reconnu qu'il se forme une image sur la surface
+supérieure du verre, lorsqu'on fait tomber l'étincelle d'une machine
+électrique sur la médaille. Si la médaille repose sur plusieurs plaques
+de verre, et que la dernière soit en contact avec une plaque de métal,
+l'étincelle engendre des images sur toutes les plaques, mais seulement à
+leurs surfaces supérieures. Les images les plus faibles correspondent
+aux plaques les plus éloignées de la médaille. L'étincelle est
+nécessaire; M. Karsten n'a pas réussi avec l'électricité de la pile: les
+images, d'ailleurs, ne deviennent visibles qu'en les exposant à une
+vapeur; mais le souffle le plus léger suffit. La vapeur d'eau se dépose
+en gouttelettes sur toutes les parties dont l'état moléculaire a changé,
+tandis qu'elle se répand uniformément là où l'électricité n'a pas
+sensiblement altéré la plaque. L'effet est instantané et les dessins de
+la plus grande pureté.
+
+Peu de temps après le vote de la loi qui accordait une récompense
+nationale à MM. Daguerre et Niepce, M. Arago avait indiqué une
+expérience très curieuse à faire au moyen du daguerréotype. M. Ed.
+Becquerel, répondant à ce appel, projeta un spectre solaire et
+stationnaire sur une plaque iodurée; et il reconnut, après l'expérience,
+que la matière chimique était restée intacte le long des stries qui
+correspondaient précisément aux raies que Frauenhofer a découvertes dans
+le spectre. Sur une nouvelle indication de M. Arago, M. Ed. Becquerel a
+renouvelé l'expérience en plongeant la plaque iodurée par moitié dans
+l'eau et dans l'air, et il a constaté qu'il n'y a aucune différence bien
+sensible entre les deux moitiés de l'image du spectre sur cette plaque.
+M Arago a donné à ce sujet des développements très curieux et propres à
+avancer la théorie de la lumière.
+
+M. Daguerre a communiquée l'Académie, entre autres observations
+curieuses ou utiles sur l'art qu'on lui doit, un nouveau procédé de
+polissage des plaques. Au moyen de ce procédé, on obtient des résultats
+identiques tant que les circonstances extérieures restent les mêmes.
+
+_Physique expérimentale._--L'Académie a reçu un assez grand nombre de
+communications intéressantes qui se rattachent à ce titre,
+
+M. Dupré a imaginé un appareil très simple et très ingénieux pour
+remplacer la machine d'Atwood, employée exclusivement jusqu'à ce jour,
+dans les cours publics, à la démonstration _à posteriori_, des lois de
+la pesanteur.
+
+M. Mateucci, qui s'est livré spécialement depuis quelques années à
+l'étude des phénomènes électro-physiologiques des animaux, a fait, sur
+ce point important, des découvertes fort curieuses. D'abord, il a réussi
+à composer une véritable pile voltaïque avec des Grenouilles disposées
+de telle sorte, que les jambes de l'une posent sur les nerfs de l'autre;
+et il a constaté avec le galvanomètre que le courant propre de cet
+animal augmente dans l'acte de la contraction. Bien plus, il a reconnu
+le courant électrique musculaire dans toutes les masses musculaires,
+quel que soit l'animal. Ce courant est considérablement affaibli chez
+les animaux qui ont été tués par l'hydrogène sulfuré; il l'est aussi par
+l'influence du refroidissement et par celle de l'opium ingéré dans
+l'estomac.
+
+L'opinion que l'huile répandue à la surface des flots peut produire du
+calme est fort ancienne. Elle a été reproduite récemment par M. Van
+Beek, qui a rédigé à ce sujet un mémoire inséré dans les _Annales de
+chimie et de physique_ du mois de mars 1842. Après avoir rapporté
+plusieurs témoignages à l'appui de cette propriété merveilleuse,
+l'auteur émet l'idée que l'on pourrait trouver dans l'emploi de l'huile,
+pendant les tempêtes, un moyen de protéger les digues et autres
+constructions maritimes contre la violence des vagues, en la versant sur
+l'eau près du rivage. M. Van Beek qui est membre de l'Institut naval des
+Pays-Bas, a même fait, l'année dernière, à cette société savante, une
+proposition tendant à obtenir du gouvernement qu'il fît exécuter des
+expériences à ce sujet. Une commission de cinq membres nommée _ad hoc_ a
+fait un seul essai duquel elle a tiré des conclusions défavorable à
+l'idée de M. Van Beek. Cependant deux des commissaires avaient fait
+séparément une expérience en versant une petite quantité d'huile dans un
+ruisseau, un jour où le vent soufflait avec violence, et ils observèrent
+un changement dans l'aspect et dans le mouvement de l'eau. Un autre
+membre de la commission avait obtenu ce même résultat dans une
+expérience semblable. Aussi M. Lipkens l'un des commissaires, a-t-il
+écrit à M. Arago pour réclamer contre la manière dont ses collègues ont
+opéré en son absence. Il a fait ressortir la nécessité d'opérer sur de
+flots soulevés par le vent et non par des brisants, et a montré que le
+jugement de la commission hollandaise ne pouvait être considéré comme
+décisif.
+
+--M. Régnault a présenté à l'Académie, de la part de M. Reizet, une pile
+d'une construction nouvelle, remarquable par ses effets énergiques.
+Cette pile, imaginée par M. Bunsen, professeur de chimie à l'université
+de Marbourg, est formée de quarante éléments, occupe très peu d'espace
+et suffit pour produire tous les effets qu'on n'obtient ordinairement
+qu'avec un nombre d'éléments beaucoup plus considérable. L'Académie a pu
+en juger par les expériences qui ont été faites sous ses yeux.--M.
+Bunsen a fait des essais relatifs à un mode d'éclairage produit par un
+jet de lumière du courant entre deux pointes de charbon. Il s'est pour
+cela servi d'une batterie de quarante-huit couples. Le jet de lumière,
+en éloignant les pointes de charbon, pouvait être allongé jusqu'à 7
+millimètres. M. Bunsen évalue l'intensité de cette lumière à celle de
+572 bougies stéariques. La dépense, pour entretenir cette lumière
+pendant une heure, était: pour le zinc, 300 grammes, pour l'acide
+Sulfurique, 456 grammes, et pour l'acide nitrique, 608 grammes.
+
+
+
+Le mois de mai.
+
+Le mois de mai 1843 a eu à supporter les imputations les plus graves et
+on l'a accusé d'être plus froid, plus humide, plus variable, plus
+maussade que tous ses prédécesseurs. Les jardiniers, les promeneurs, les
+poètes, les fleuristes, les tailleurs, les couturières l'ont accablé
+d'imprécations. Voyons si ces accusations sont fondées. Plus heureux que
+les magistrats, forcés d'écouter des avocats, vous n'aurez pas, ô
+lecteur! de plaidoyer à subir, vous n'aurez point à peser en vous-même
+la valeur douteuse d'un argument et démêler la vérité au milieu des
+sophismes dont on cherche à l'obscurcir: tout se réduit à une question
+de chiffres. Un mois de mai froid, c'est celui où la température moyenne
+a été au-dessous de la température moyenne générale du mois de mai,
+considéré dans un grand nombre d'années Or, la température moyenne du
+mois de mai, déduite de quarante années d'observations métérologique
+faites à l'Observatoire de Paris, est de 14°, 4. Le mois de mai 1843 a
+donc été un mois froid, puisque sa température (13º, 6) est au-dessous
+de la moyenne générale. Cette température a-t-elle été
+extraordinairement basse? En aucune manière: il suffit, pour s'en
+convaincre de jeter les yeux sur le tableau suivant, qui présente la
+température moyenne et la quantité d'eau tombée pendant les mois de mai
+des vingt-trois années qui viennent de s'écouler.
+
+ Années Température Quantité de pluie
+ moyenne. centimètres.
+
+ 1820 14,1 9,106
+ 1821 12,1 4,610
+ 1822 16,7 4,605
+ 1823 15,2 5,430
+ 1824 12,6 7,596
+ 1825 14,2 6,436
+ 1826 12,6 4,470
+ 1827 14,6 11,620
+ 1828 13,1 6,490
+ 1829 14,9 9,030
+ 1830 14,6 12,340
+ 1831 14,2 6,420
+ 1832 13,2 5,428
+ 1833 17,7 2,305
+ 1834 18,2 4,380
+ 1835 13,8 4,955
+ 1836 12,4 2,624
+ 1837 11,0 7,921
+ 1838 14,2 4,704
+ 1839 13,6 3,382
+ 1840 15,1 3.381
+ 1841 17,3 4,606
+ 1842 14,5 2,415
+
+Depuis vingt-trois ans, il y a donc eu six mois de mai plus froids que
+celui de 1843: ce sont ceux des années de 1821, 1824, 1826, 1832, 1836,
+1837, et un aussi froid, celui de 1839. Ainsi donc le mois de mai qui
+vient de s'écouler n'est point extraordinaire sous le point de vue de la
+température; seulement sa moyenne est de 0º, 8 au-dessous de la moyenne
+générale.
+
+A-t-il été plus pluvieux qu'il ne l'est habituellement à Paris? Ici
+encore la statistique nous montre qu'il y a eu, depuis 1820 huit années
+dans lesquelles la quantité d'eau tombée est supérieure à celle de 1843,
+et nous voyons qu'il en est deux (1827 et 1830) où elle a été presque
+double.
+
+En grand coupable qui comparait devant un tribunal après des gens
+accusés de peccadilles inspire beaucoup plus d'horreur que s'il venait
+précédé de scélérats qui ont fait pire que lui. En général, le jugement
+sera plus sévère; c'est ce qui est arrivé au mois de mai 1843, dont nous
+instruisons le procès en ce moment. En 1840, 1841 et 1842, la
+température avait été supérieure à la moyenne et la quantité de pluie
+peu considérable, surtout en 1840 et 1842. Il en est résulté pour le
+mois de mai passé un effet de contraste tout à son désavantage et dont
+il a été la victime.
+
+En résumé, on ne le citera jamais parmi les mois qui tendent à
+réhabiliter sa vieille réputation en réalisant les fictions des poètes;
+mais ce n'est pas non plus un de ces mois qui bouleversent les notions
+astronomiques du tranquille citadin, et réveillent dans son esprit des
+idées mal effacées sur le refroidissement du globe ou un changement dans
+l'inclinaison de l'équateur sur l'écliptique. C'est un mois de mai un
+peu au-dessous du médiocre de médiocre et ici exactement égal à 14º, 4,
+parfaitement en harmonie avec tout ce qui se fait aujourd'hui, _Lucrèce_
+et _l'Illustration_ exceptés.
+
+OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
+
+FAITES À L'OBSERVATOIRE DE PARIS
+
+1843.--MAI.
+
+
+1 Jours du mois.
+2 Hauteur du baromètre réduite à la température de 0 à midi.
+3 Températures extrêmes de la journée.
+3a Minimum.
+3b Maximum.
+4 Températures moyennes calculées.
+5 État du ciel à midi.
+6 Vents à midi.
+
+
+ 1 2 3 4 5 6
+
+ 3a 3b
+
+1 757,19 11,0 21,9 16,0 Nuageux. S. S. E.
+2 753,01 9,0 22,1 15,0 Beau, quelques nuages. E. N. E.
+3 754,63 8,0 21,9 14,4 Orages, tonnerre,
+ faible pluie. N.
+4 754,01 8,9 19,0 15,0 Assez beau. S. O.
+5 752,31 7,7 21,1 15,9 Nuageux. S. O.
+6 748,31 11,5 21,0 15,9 Couvert, pluie. O. fort
+7 748,26 6,6 17,8 11,7 Couvert. S. S. E.
+8 745,00 5,5 13,9 9,4 Très nuageux. N. O.
+9 749,74 4,5 11,9 7,9 Couvert. S. O.
+10 756,31 4,3 16,2 9,8 Nuageux. S. O.
+11 760,96 8,9 19,9 13,9 Très nuageux. N. E.
+12 762,00 7,5 20,2 15,3 Couvert. S. O.
+13 758,60 12,0 17,8 13,2 Couvert. O. N. O.
+14 751,87 7,0 21,0 15,4 Couvert. S. S. E.
+15 749,80 10,0 19,8 14,5 Couvert. O. N. O.
+16 745,20 8,2 16,0 11,8 Pluie. S. O. fort.
+17 746,17 6,0 16,0 10,6 Couvert. O. S. O.
+18 750,33 8,5 15,3 11,6 Couvert. N. N. O.
+19 754,90 8,3 15,1 11,4 Couvert. O. N. O.
+20 752,36 9,8 25,0 15,9 Très nuageux. E.
+21 751,48 11,0 19,0 14,7 Couvert. S. O.
+22 752,24 10,8 18,8 14,5 Couvert. O. S. O.
+23 748,68 11,0 22,8 16,4 Couvert. S. E.
+24 746,74 13,3 19,0 15,9 Couvert. S. S. E.
+25 749,92 15,1 20,8 17,7 Nuageux O.
+26 754,62 10,4 17,8 13,6 Couvert. S. E. assez fort.
+27 750,28 12,0 19,2 15,3 Couvert. S. O.
+28 750,28 11,0 17,3 13,9 Couvert. O. S. O
+29 757,24 10,3 18,0 13,8 Couvert, pluie. O. fort.
+30 760,98 8,1 17,8 12,6 Couvert O. N. O. faible
+31 757,75 12,0 20,8 16,0 Couvert S. S. O.
+
+ 752,63 9,3 18,8 13,6 (Moyenne)
+
+Pluie dans la cour, 8 cent. 355
+Pl. sur la terrasse, 5 cent. 930.
+
+
+
+
+De la galvanographie.
+
+Il y a déjà quelques années qu'un savant anglais, M. Thomas Spencer, de
+Liverpool, en étudiant l'action réductive exercée par les courants
+galvaniques sur les métaux dissous, découvrit que le cuivre ainsi
+revivifié de ses dissolutions dans les acides possédait la propriété de
+mouler la surface métallique sur laquelle on le précipitait, avec une
+exactitude telle, que les moindres modifications de cette surface, les
+stries du poli et jusqu'aux accidents de coloration, étaient reproduits
+avec la plus merveilleuse fidélité. En donnant la publicité à cette
+curieuse découverte, M. Spencer indiqua les principales applications qui
+en pourraient être faites aux arts plastiques et à l'industrie; et il
+fit voir comment, en envisageant un dessin comme une surface présentant
+à la fois des saillies et des dépressions, on pourrait arrivera
+transformer directement, et sans aucun recours au burin, le travail du
+dessinateur en une planche en cuivre gravée soit en relief soit en
+creux.
+
+Quelque temps après, M. Jacobi de Saint-Pétersbourg, fut également
+conduit à découvrir cette curieuse propriété plastique du cuivre réduit
+par courant galvanique; et il donna au public connaissance de sa
+découverte, d'abord dans une lettre adressée à Michael Faraday et
+publiée par celui-ci dans le _Philadelphia Magazine_ (septembre 1839),
+puis dans une série de lettres écrites au prince de Démidoff, et qui
+parurent en 1840 dans le journal _'Artiste._ C'est depuis cette époque
+surtout que de nombreuses tentatives ont été faites pour résoudre le
+problème indiqué par M Spencer, tentatives qui n'ont point encore obtenu
+un plein succès, mais dont les résultats déjà acquis permettent
+d'affirmer que, dans un avenir qui n'est pas éloigné, le travail du
+graveur pourra être entièrement supprimé, et l'oeuvre du dessinateur
+pourra être placée, par une simple opération chimique, dans des
+conditions qui en permettront la reproduction indéfinie.
+
+La reproduction d'une oeuvre d'art ou d'un signe graphique quelconque
+par la voie de l'impression est aujourd'hui effectuée à l'aide de trois
+procédés différents, dont nous devons indiquer les caractères
+distinctifs: l'impression typographique, l'impression en taille douce et
+l'impression lithographique. Ces trois procédés exigent également que
+l'oeuvre à reproduire soit tracée sur une surface résistante et dont la
+planimétrie soit parfaite, c'est là leur caractère commun: ils diffèrent
+en ce que, dans le premier procédé, le trait ou la ligne qui doit
+marquer fait saillie au-dessus du plan de la surface; dans le second il
+est au contraire déprimé au dessous de ce plan, et dans le troisième, il
+est contenu dans le plan, et n'est représenté que par un état
+particulier de la surface elle-même. Ces trois artifices ont le même
+but; celui de permettre que l'encre d'impression, distribuée sur ces
+surfaces à l'aide d'un tampon ou d'un rouleau, aille s'arrêter ou
+s'accumuler en quantités rigoureusement déterminées sur certaines
+portions de la surface seulement, de telle sorte que ces portions-là
+seules puissent donner épreuve en transmettant sous le foulage de la
+presse, à la feuille encore humide de papier, les portions d'encre
+qu'elles ont reçues.
+
+Dans l'impression typographique les lignes à reproduire font saillie sur
+le plan métallique mobile que l'on appelle la forme. Un rouleau
+cylindrique, formé d'une pâte molle et élastique, et dont la surface
+lisse et unie est revêtue d'une mince couche d'une encre épaisse et
+grasse, effleure rapidement les lignes en saillie, laissant sur chacune
+d'elles une portion de son encre sans atteindre les fonds ou le
+intervalles qui les séparent, la quantité d'encre que reçoit chacune
+d'elles étant proportionnelle à sa largeur et à sa hauteur absolue
+au-dessus du plan de la forme. Alors un plateau métallique parfaitement
+plan et parfaitement parallèle aussi à la surface de la forme, s'abaisse
+sur celle-ci, et comprime sur les saillies noircies d'encre la feuille
+de papier qui en doit recevoir l'empreinte et dans laquelle elles
+s'impriment. Avec les dispositions mécaniques que l'on possède
+aujourd'hui, l'opération tout entière s'exécute en moins de cinq
+secondes.
+
+Dans l'impression en taille-douce, au contraire, les lignes à reproduire
+sont entaillées plus ou moins profondément dans une planche métallique
+d'acier, de cuivre ou d'étain. L'encre d'impression, distribuée d'abord
+grossièrement sur toute la surface de la planche, est ensuite ramenée
+avec soin dans toutes les tailles, et enlevée avec plus de soin encore
+de toutes les parties qui doivent venir blanches à l'épreuve; puis la
+planche de métal et la feuille de papier passent toutes deux entre deux
+cylindres de fonte, et, sous l'écrasement d'une pression énorme, le
+papier pénètre jusqu'au fond des tailles, et s'y imprègne de l'encre que
+la main de l'imprimeur y a laissée. L'impression en taille-douce est, à
+vrai dire, un procédé de moulage, et la pile du papier humide est une
+matière plastique qui donne la contre épreuve en relief du moule en
+creux, la planche gravée.
+
+Les procédés de l'impression lithographique reposent sur une tout autre
+donnée: c'est la propriété, commune à toutes les surfaces polies de se
+comporter d'une façon toute spéciale suivant qu'elles ont été
+primitivement souillées par un corps gras ou un liquide aqueux, par
+l'huile, par exemple, ou par l'eau. Il n'est personne peut-être qui
+n'ait remarqué que certaines surfaces polies à un haut degré, celles des
+bois vernis, de la glace, du marbre, et plus spécialement encore toutes
+les surfaces métalliques parfaitement nettes et brillantes, ne se
+mouillent pas d'ordinaire au contact de l'eau. Ce contact a beau être
+prolongé, on a beau lasser sa plieuse à étaler le liquide dans l'espoir
+d'en former une pellicule uniformément étendue sur toute la surface
+polie, il semblerait que celle-ci exerce sur le liquide une sorte
+d'action répulsive, et qu'elle le contraint à se retirer sur lui-même en
+gouttelettes sphéridales qui ne conservent avec cette surface que les
+rapports les plus limités possibles. Si maintenant, sur une surface
+polie qui présente ce phénomène de ne point mouiller avec l'eau, on
+verse une goutte d'huile, un phénomène tout inverse du premier se
+produit. La gouttelette, d'abord globuleuse, s'aplatit de plus en plus
+et devient lenticulaire; les bords vont sans cesse s'élargissant pour
+envahir un espace plus grand, et la surface entière, si grande qu'elle
+soit, pourra être complètement recouverte par une toute petite goutte
+d'huile qui y formera une pellicule adhérente, sans solution de
+continuité aucune, et tellement mince qu'elle pourra paraître irisée
+comme la paroi d'une bulle de savon. Mais si, au contraire, par un
+artifice quelconque, la surface polie a été mise dans des conditions
+telles qu'elle mouille avec l'eau, alors, sur cette surface une fois
+humide, il sera impossible de faire adhérer l'huile, et le rôle de ces
+deux liquides sera complètement interverti. En fait, une surface polie
+est indifférente soit à l'huile soit à l'eau; mais aussitôt que l'un de
+ces liquides vient à toucher cette surface il y adhère en formant une
+pellicule infiniment mince, et c'est cette pellicule du premier liquide,
+quel qu'il soit, qui exerce une action véritablement répulsive sur le
+second.
+
+C'est cette propriété des surfaces polies qui est mise en oeuvre dans
+l'impression lithographique et dans certains procédés de transport sur
+métal, dont nous aurons peut-être à parler par la suite, et qui
+paraissent destinés à prendre une grande extension, sinon à remplacer
+complètement les procédés du stéréotypage. Un dessin sur pierre n'est
+autre chose, en effet, qu'une surface polie dont certaines portions, les
+traits du dessin, mouillent avec l'huile et les corps gras, tandis que
+les autres, les blancs ne mouillent qu'avec l'eau ou les liquides
+aqueux. Sur cette surface l'imprimeur passe alternativement une éponge
+imbibée d'eau et un cylindre imprègne d'une encre grasse: les deux
+liquides s'arrêtent, se déposent, se limitent là où l'état spécial de la
+surface les retient, et la feuille de papier, sous le foulage de la
+presse, va à son tour s'en imprégner.
+
+Ces détails étaient nécessaires pour faire comprendre les difficultés
+pratiques de la question que nous allons maintenant aborder; ils étaient
+nécessaires surtout pour que l'on pût bien saisir l'énorme importance de
+la gravure en relief, de celle dans laquelle les traits à reproduire,
+faisant saillie sur le fond de la planche, donnent épreuve à la presse
+typographique. Une seule planche en cuivre» gravée en relief, pourra
+fournir au tirage mécanique jusqu'à 15,000 épreuves par jour, et cela
+pendant tant de jours que l'on voudra, ou peu s'en faut; et la même
+planche, gravée en creux, ne donnera guère à la presse en taille-douce
+que 3,000 épreuves en tout, à raison de 200 épreuves par jour. Les
+procédés de transport sur pierre ou sur métal sont plus limités encore,
+et la cinq-centième épreuve d'un dessin sur pierre n'est plus qu'une
+grisaille où l'on ne reconnaît plus ni couleur, ni modelé, ni forme.
+
+Or, c'est dans la possibilité de multiplier indéfiniment, avec une
+rapidité extrême et à très bas prix, le nombre des épreuves, que git
+aujourd'hui tout le problème: ce n'est plus que sur des tirages de dix,
+de vingt, de trente mille exemplaires que peuvent être basées les bonnes
+opérations de librairie.
+
+Cela dit, voyons par quels artifices on peut, à l'aide d'un courant
+galvanique, transformer le dessin d'un artiste en une planche en cuivre
+gravée en relief, et capable de donner un nombre indéfini d'épreuves à
+la presse typographique.
+
+Toutes les applications qui ont été faites jusqu'ici des courants
+galvaniques aux besoins de l'industrie reposent sur la propriété
+suivante:
+
+Lorsque qu'on fait passer, à l'aide de deux surfaces métalliques, un
+courant galvanique à travers une solution saline convenablement choisie,
+la surface par laquelle le courant débouche dans la solution est
+attaquée, corrodée, dissoute, et le métal entraîné est charrié par le
+courant vers l'autre surface, sur laquelle il est revivifié et précipité
+à l'état métallique. Mais, pour que cette action ait lieu également? sur
+toute l'étendue des deux surfaces, il faut que ces deux surfaces soient
+sur toute leur étendue dans des conditions identiques et également
+exposées à l'action du courant; car si certaines portions de ces
+surfaces, et certaines portions seulement, étaient recouvertes d'une
+courbe protectrice quelconque, celles-là ne seraient pas modifiées par
+le passage du courant, dont l'action s'exercerait exclusivement sur les
+parties qui ne seraient pas ainsi protégées.
+
+[Illustration.]
+
+Or, la surface métallique par laquelle le courant galvanique débouche
+dans la solution saline, ainsi que celle par laquelle il s'en échappe,
+peut-être du dessin, et l'action du courant qui passe peut être utilisée
+soit à déposer du métal sur les traits du dessin au pôle négatif, soit à
+enlever du métal d'entre les traits du dessin au pôle positif. Voici
+comment.
+
+[Illustration.]
+
+Soit une planche de cuivre rouge dont le poli et la planimétrie soient
+suffisamment parfait pour satisfaire aux exigences du tirage
+typographique. Sur cette planche un étale à chaud une couche si mince
+que l'on voudra d'un vernis résineux quelconque, et les vernis dont on
+fait usage sont en général composés de térébenthine de Venise, de poix
+blanche, de suif et de noir de fumée. Cette planche ainsi préparée est
+livrée à l'artiste, qui y trace son idée à l'aide d'un stylet
+suffisamment résistant pour entamer l'épaisseur du vernis. Son travail
+terminé, la planche est pour l'artiste un véritable dessin dans lequel
+les noirs sont représentés par les surfaces de cuivre mises à nu, les
+blancs ou les clairs par les surfaces intactes. Pour le chimiste, au
+contraire, cette planche ne sera qu'une surface métallique dont les
+différentes portions sont placées dans des conditions différentes,
+celles-ci étant livrées unes à l'action d'un courant, celles-là étant
+complètement abritées de cette action sous leur couche de vernis. Que
+l'on dispose, en effet, une planche ainsi préparée dans une solution
+d'un sel de cuivre, au pôle par lequel le courant s'échappe de la
+solution, incontinent le métal que le courant charrie avec lui se
+déposera sur tous les points où la surface du cuivre a été mise à nu, et
+il ne s'en déposera pas un atome en aucun autre point. Molécule par
+molécule le dépôt s'agrandira là où une fois il a commencé de
+s'effectuer, et les traits du dessin s'élèveront comme de petites
+murailles, et se détacheront en saillie sur le plan du vernis.
+
+Renversons les conditions de l'expérience. Soit, comme tout à l'heure,
+une planche métallique convenablement dressée, et supposons que
+l'artiste trace sur cette planche son dessin avec une encre grasse,
+siccative et inattaquable aux acides. Que la planche ainsi préparée soit
+placée dans une solution d'un sel de cuivre, mais cette fois-ci au pôle
+par lequel le courant y débouche; et aussitôt l'action du courant
+s'exercera à entailler le métal dans l'intervalle des traits; et
+ceux-ci, au bout d'un certain temps fort court, surgiront en relief,
+leurs bords taillés à pic avec une netteté et une précision auxquelles
+le burin le plus hardi et le plus habile ne saurait atteindre.
+
+Telles sont les deux idées principales sur lesquelles reposent toutes
+les tentatives sérieuses de galvanographie: obtenir un relief par dépôt
+au pôle négatif, par érosion au pôle positif. Viennent maintenant les
+difficultés d'exécution, et celles-ci sont nombreuses et malaisées à
+surmonter.
+
+Dans le procédé opératoire que nous avons indiqué en premier lieu, c'est
+le trait même du dessinateur qui devient le moule dans lequel vient se
+déposer le cuivre réduit; et les moindres intentions de l'artiste se
+trouvent ainsi reproduites avec cette merveilleuse fidélité qui
+caractérise le moulage galvanique. Mais ce sillon lui-même, tracé avec
+une pointe conique ou triangulaire, est une tranchée à bords obliques
+dont le bord seul représente le trait du dessinateur. A mesure que ce
+sillon est comblé par les molécules de cuivre qui s'y précipitent, le
+trait s'élargit, et le premier mérite du procédé, sa merveilleuse
+exactitude, est dès lors sacrifié. Pour qu'il en fût autrement, il
+faudrait que la taille faite par le stylet dans le vernis fût à bords
+verticaux; et c'est déjà là une condition à peu près impossible à
+réaliser. D'ailleurs, cette condition fut-elle réalisable, la solution
+du problème n'en serait guère plus avancée pour cela. En effet, la
+taille dont il est question forme, à la vérité, une digue qui limite le
+dépôt de cuivre tant que cette taille n'est pas comblée; mais aussitôt
+que cette limite est franchie, le cuivre déborde de toutes parts: les
+lignes voisines se confondent par leurs sommets, et pour peu que les
+tailles du dessin soient serrées, le dépôt ne forme plus qu'une croûte
+massive et continue, dans laquelle les formes les plus saillantes de
+l'oeuvre sont à peine indiquées.
+
+A la vérité, l'on a tiré parti de ce résultat pour résoudre le problème
+sous une autre forme. Considérant un dessin tracé dans un vernis, à
+l'aide d'une pointe, comme un moule à bon creux dont toutes les parties
+sont de dépouille, on a déposé dans ce moule du métal plastique, et on a
+prolongé le dépôt jusqu'à former une masse solide et continue: puis on a
+détaché la contre-épreuve du moule. Ici le travail du dessinateur était
+bien représenté par une planche en cuivre gravée en relief; mais ce
+relief n'avait, et ne pouvait avoir, que l'épaisseur même de la couche
+de vernis, dans laquelle le dessin était tracé; et l'on s'est trouvé
+renfermé entre les deux termes de ce dilemme jusqu'ici insoluble:
+exécuter le dessin dans un vernis épais, ce qui enlève au dessinateur
+toute la liberté et la souplesse de son crayon; exécuter le dessin dans
+un vernis mince, ce qui enlevé à la reproduction les reliefs qu'exigent
+les procédés de l'impression typographique.
+
+Le deuxième mode opératoire que nous avons indiqué offre également des
+difficultés, mais elles sont d'un autre ordre. Ce ne sont plus les
+procédés de gravure, mais les procédés de dessin qui sont en défaut. Il
+ne s'agit plus, en effet, d'édifier une petite muraille de cuivre sur
+chacun des traits du dessin, mais bien de creuser entre chacun d'eux une
+fosse plus ou moins profonde; il s'agit, en d'autres termes, d'attaquer,
+de ronger, de dissoudre toutes les portions de la surface de cuivre que
+les traits du dessin ne protègent pas, en laissant entièrement intactes
+celles qui sont ainsi abritées; et pour cela faire il faut bien que
+toutes les portions qui doivent être enlevées soient également
+attaquables, que toutes celles qui doivent rester intactes soient
+également protégées. Ce sont là les deux conditions que devra remplir le
+procédé de dessin que l'on mettra en usage: et les procédés dont nous
+avons aujourd'hui connaissance ne nous paraissent pas encore de nature à
+remplir toujours, partout, et dans tous les cas, ces indispensables
+conditions. Toutefois, les gravures de W. Rémon, qui accompagnent cet
+article, et qui ont été obtenues sur de simples dessins, l'aide de
+procédés semblables à ceux que nous venons d'indiquer, sont de nature à
+convaincre nos lecteurs que si le problème n'est pas encore entièrement
+résolu, il touche du moins de bien près à la solution.
+
+[Illustration.]
+
+Quant à l'avenir qui est réservé à la galvanographie, il est difficile
+aujourd'hui d'en préciser les limites. Peut-être l'art typographique
+tout entier touche-t-il à une rénovation complète; et, chose singulière,
+cette rénovation ne serait qu'une renaissance des procédés anciens, que
+la découverte de l'imprimerie a fait tomber en désuétude. La tablette
+enduite de cire et le stylet remplaceraient le papier et le crayon; le
+copiste ou l'enlumineur succéderait à son tour à l'ouvrier compositeur,
+qui jadis lui succéda; et l'inépuisable richesse et la variété des
+anciens manuscrits pourraient bien renaître à la place de la sécheresse
+et de l'uniformité de notre impression moderne.
+
+_N. B._ Les gravures qui accompagnent cet article ont été faites, à
+titre d'essai, sur des dessins que M. Garvani destine à une importante
+publication, qui paraîtra en octobre chez M. Hetzel, éditeur du _Voyage
+où il vous plaira_ et des _Scènes de la vie privée et publique des
+animaux._
+
+
+
+Théâtres.
+
+THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE,
+
+_Angélique et Médor_ opéra comique en un acte, paroles de M, SAUVAGE,
+musique de M. A. THOMAS.
+
+Nous avons une vieille dette à payer à l'Opéra-Comique. Il y a un mois
+au moins que ce titre d'un si heureux augure a décoré pour la première
+fois son affiche, et MM. Sauvage et Thomas ont raisons de se plaindre
+que nous n'ayons pas encore donné de leurs nouvelles aux lecteurs de
+_l'Illustration_. Passe encore, si nous n'avions eu à raconter qu'une
+défaite! Ces messieurs auraient pris patience, sans doute, et nous
+auraient su gré de nos lenteurs. Mais retarder de quatre semaines le
+bulletin d'une victoire! voilà qui est impardonnable. Nous confessons
+humblement notre faute, et nous nous recommandons à la clémence de M.
+Sauvage et à la grandeur d'âme de M. Thomas.
+
+Quoique jeune. M, Thomas a déjà fourni une assez longue carrière
+dramatique. Il est du petit nombre des lauréats du Conservatoire pour
+qui se sont ouvertes comme d'elles-mêmes, les portes d'airain de ce
+sanctuaire de l'Opéra-Comique, accessible à si peu d'élus. M Thomas a
+déjà produit six partitions pour le moins: _la Double échelle, le
+Perruquier de la régence, le Panier fleuri, Carmaquala, le guérilléro_
+et enfin, _Angélique et Médor_ Si nous omettons quelqu'un de ses titres,
+qu'il nous le pardonne; l'oubli est tout-à-fait involontaire.
+
+A l'Opéra-Comique les essais de M. Thomas ont été plus ou moins heureux;
+mais enfin il n'a jamais essuyé de revers Les deux campagnes qu'il a
+faites sur la scène de l'Académie royale de Musique n'ont pas eu un
+résultat aussi favorable. Est-ce parce que les auditeurs y sont plus
+difficiles, ou bien parce qu'un terrain plus vaste exige plus de vigueur
+et d'haleine chez celui qui veut le parcourir? l'un et l'autre
+peut-être. Mais, sans examiner aujourd'hui cette question, bornons-nous
+à constater que la place Fayard vient d'offrir à M. Thomas un honnête
+dédommagement des échecs que la rue Lepelletier lui a vu subir.
+
+Les qualités prédominantes chez M. Thomas sont la clarté, la facilité,
+l'élégance et la grâce; ce qui paraît lui manquer c'est la verve, la
+force, la passion. On a donc le droit de présumer qu'il réussira sans
+peine à l'Opéra-Comique, à moins qu'il n'ait à traiter un sujet trop
+dramatique, et à l'Opéra, il paraîtra souvent au-dessous de sa tâche.
+
+_Angélique et Médor_ était justement un livret tel qu'il le faut à ce
+compositeur. Rien de mieux dans le sujet ni dans les caractères, aucune
+situation forte, aucune scène trop vive, aucune passion trop énergique;
+des sentiments tendres, des idées gracieuses ou plaisantes. M. Thomas
+était là sur son terrain, et tout-à-fait à son aise. Il y a bien paru.
+
+Son ouverture n'est, à proprement parler qu'une longue valse, précédée
+d'une courte introduction. L'introduction est agréablement instrumentée,
+modulée d'une manière piquante. La valse est fraîche, vive, et légère,
+et se développe avec une grâce où l'on reconnaît l'habileté de l'auteur.
+
+Il y a une très jolie romance, et un de ténor qui nous a paru fort
+élégant, mais que le chanteur à qui il est confié rend lourd et gauche.
+Il est presque toujours imprudent de compter sur l'agilité des chanteurs
+d'aujourd'hui. Ajoutez-y un duo très bien fait, un trio charmant, et
+deux airs bouffes peu remarquables en eux-mêmes, mais qui, du moins, ne
+nuisent pas à l'effet des autres morceaux, et vous comprendrez que le
+total forme un ensemble assez satisfaisant. Il n'en faut pas tant pour
+faire vivre longtemps et bien une partition en un acte.
+
+[Illustration: Théâtre de l'Opéra-Comique.--Une scène d'Angélique et
+Médor.]
+
+La pièce, d'ailleurs, est amusante et spirituelle, et l'on y rit de très
+grand coeur de la sottise de Joliveau et des méprises de Mirouflet.
+
+Joliveau! Mirouflet! voilà des noms qui sonnent bien étrangement à
+l'oreille, et qu'on ne s'attendait guère à trouver en compagnie de ces
+noms si poétiques et si mélodieux q'Angélique et de Médor.
+
+C'est pourtant l'histoire de Joliveau et de Mirouflet que je vais vous
+raconter, et aussi celle de Muguet; car, pour ce qui d'Angélique et de
+Médor, vous en savez sur eux autant que moi, j'aime à le croire.
+
+Mirouflet est cordonnier, établi, et exerçant _de père en fils_ sa noble
+profession rue Brise-Miche, A peine au sortir de l'enfance, Muguet fut
+placé chez lui en apprentissage; mais la nature n'avait point destiné le
+jeune Muguet à chausser ses semblables; le cuir lui répugnait et le
+tranchet lui faisait peur. Vous voyez que ce nom de Muguet lui allait à
+merveille. Un jour il s'échappa de la boutique du père Mirouflet, et dit
+adieu pour toujours à la rue Brise-Miche. Que loi arriva-t-il, une fois
+lancé dans le monde? Sans doute assez d'aventures pour remplir toute une
+Odyssée; mais, il n'a pas écrit ses confessions comme Jean-Jacques, et
+il faudra, faute de mieux, vous contenter du dernier épisode.
+
+Le voilà donc, cet ancien élève de saint Crépin, coquettement poudré et
+vêtu à la dernière mode,--mode de 1780, s'il vous plaît,--portant bas de
+soie, boucles d'or, gilet de satin, jabot de dentelle et habit gorge de
+pigeon. Où le retrouvons-nous? à l'Opéra, dans le cabinet de M. le
+secrétaire général de cet harmonieux établissement. Il vient de signer
+un contrat par lequel il met pour trois ans à la disposition de
+l'Académie royale de Musique sa jambe faite au tour, ses yeux en amande,
+sa bouche en coeur et son _la_ de poitrine, le plus beau _la_ de France
+et de Navarre, Cette supériorité n'a rien d'étonnant: Muguet arrive
+d'Italie, et c'est à Naples qu'il a trouvé ce _la_ merveilleux.
+
+Il y a rencontré autre chose encore: une jeune Française, propriétaire
+d'un joli visage, d'une tournure élégante et d'une charmante voix.
+Muguet a donné à mademoiselle Amélie des leçons de chant, dont elle a
+bien profité; mais, tandis que la bouche du fripon parlait _flautat_ et
+_trille molle_, il parait que ses yeux disaient tout autre chose, et
+avaient su se faire comprendre: si bien que maître Muguet, ténor moral
+et vertueux, se disposait à demander Amélie à sa mère, quant tout à coup
+cette mère mourut, et mademoiselle Amélie quitta subitement l'Italie.
+
+Jugez de la joie du jeune ténor, quand il l'aperçoit, à l'Opéra, dans le
+cabinet de M. Joliveau! Elle est engagée, comme lui, et doit, le soir
+même, jouer le rôle d'Angélique dans l'opéra de _Roland_, où il jouera
+celui de Médor. Malheureusement elle n'est pas seule: un grand
+personnage, M. le duc de Vaudiéres, la protège, la suit partout, et se
+mêle de toutes ses affaires: et M. Joliveau prétend qu'un grand seigneur
+ne fait pas cela pour rien. Le drôle a été nourri dans un sérail, il a
+de l'expérience, et on peut l'en croire. Muguet l'en croit, mais il veut
+du moins revoir encore une fois son infidèle, et lui dire tout ce qu'il
+pense de son procédé. Comment y parvenir? C'est ici que Mirouflet lui
+est d'un secours inappréciable.
+
+Mirouflet est en effet le professeur de chant de mademoiselle Amélie,
+depuis qu'elle est à l'Opéra. Cela vous étonne, et vous me demandez,
+sous quel prétexte cet honnête Mirouflet a changé d'état? Rassures-vous,
+Mirouflet n'a point quitté la rue Brise-Miche. Mirouflet est tout-à-fait
+incapable d'une infidélité, même passagère envers la botte et
+l'escarpin. Mois ces deux belles professions, de cordonnier et de maître
+de chant, ont bien plus d'analogie qu'il ne vous semble. Quel est, des
+deux côtés, le point essentiel, le fondement de l'art, le principe sur
+lequel doit être basé l'enseignement?
+
+ C'est la mesure
+ Exacte et sure,
+ Tout me l'assure,
+ Tout dépend de là.
+
+Cette vérité frappe si vivement M. le duc, qu'il exige que sa protégée
+reçoive la première leçon séance tenante Or, Mirouflet n'a rien à
+refuser à Muguet. Muguet paraît tout à coup, voyez la gravure, et se
+glisse entre le maître et l'élève; y a-t-il rien de plus audacieux à la
+fois et de plus indiscret.
+
+
+
+Ameublements.--Salon Louis XV.
+
+[Illustration:]
+
+La Révolution, en nivelant les conditions, a donné à chacun le droit de
+se meubler suivant son caprice et sa fortune. Mais, avant de jouir de
+cette liberté, les lambris dorés, les gracieuses peintures des Boucher
+et des Vanloo ont été badigeonnées, quand trop de zèle n'a pas poussé
+les iconoclastes politiques à gratter ces chefs-d'oeuvre. Mais quand on
+eut détruit, il fallut reconstruire. La maison française se reniant
+elle-même, prit les noms et les vêtements des Grecs et des Romains,
+oublia que nos moeurs et notre climat s'y opposaient. Les campagnes
+d'Égypte et d'Italie et les évènements politiques eurent une influence
+plus ou moins grande sur les costumes et les ameublements. Les arts
+resteront étrangers pendant longtemps aux décorations intérieures. Les
+ouvriers ignorants dirigeaient en maîtres absolus. De ce chaos est sorti
+le mauvais goût généralement désigné sous le nom de modes de l'Empire.
+Les source auxquelles on avait puisé étaient bonnes sans doute, mais on
+manquait d'exécution et de sentiment. La paix vint donner un nouvel
+essor aux arts.
+
+On commença à sortir du labyrinthe dans lequel on marchait depuis
+quarante ans. L'ouvrier, dans le massacre du passé, confondit les
+époques en croyant inventer: mélange blessant pour l'oeil de l'artiste.
+Notre époque s'est imposé une tâche digne d'encouragement en rendant à
+chacun ce qui lui appartient.
+
+Dans le brillant salon exécuté par la maison Girond de Gand (et que
+notre gravure représente), nous ne nous lassons pas d'admirer le goût et
+le savoir tapissier. Les meubles ne sont pas scrupuleusement de la même
+époque que les tentures; mais le modèle est choisi dans ce qui s'en
+rapproche le plus. Les bronzes, quoique lourds, sont d'un beau travail
+et d'un charmant effet. Nous en dirons peut-être autant du dessin de la
+cheminée et des vases de Chine qui supportent les candélabres, surtout
+quand on les compare à la légèreté des rinceaux qui courent autour des
+glaces, des tapisseries, et s'étendent jusqu'au plafond. En résumé,
+l'ensemble de ce salon est d'une heureuse invention. Si nous avons fait
+quelque critiques, c'est dans l'espérance de voir ces légers défauts
+disparaître.
+
+
+
+Amusements des sciences.
+
+SOLUTION DES QUESTIONS POSÉES DANS LE DERNIER NUMÉRO.
+
+I. Donnez un liard et faites rendre un centime à chacune des vingt
+personnes. Vous aurez distribué vingt liards ou cinq sous, et vous
+recevrez vingt centimes ou quatre sous. En définitive, vous n'aurez
+dépensé qu'un sou, qui se trouvera partagé en vingt parties égales.
+
+II.
+
+42 59 44 9 40 21 46 7
+
+61 10 41 54 45 8 30 20
+
+12 43 60 55 22 57 6 47
+
+53 62 11 30 25 28 19 38
+
+32 43 54 27 56 23 48 5
+
+63 52 31 24 29 26 37 18
+
+14 33 2 51 16 35 4 49
+
+ 1 64 15 34 3 50 17 36
+
+La figure précédente indique la solution, lorsque l'on veut partir d'une
+case située à l'un des quatre angles. Les numéros des 64 cases de cette
+figure indiquent;'ordre dans lequel elles doivent être successivement
+parcourues partir de la case 1. Ainsi le Cavalier, posé d'abord sur la
+case à l'angle 1, sautera sur la case 2, puis sur la case 3, et ainsi de
+suite jusqu'à la case 64, où se termine sa course. Il est facile de voir
+que la marche pourrait être suivie en partant de la case 64, parcourant
+successivement 63, 62, etc., jusqu'à la case 1. Cette solution en
+comprend donc implicitement 12, puisqu'elle s'étend à trois cases prises
+pour point de départ sur chacun des quatre angles de l'échiquier.
+
+Voici un moyen aussi simple qu'amusant de trouver, à volonté des
+solutions du problème: prenez 64 petits carrés de carton que vous
+partagerez en deux cases, dans chacune desquelles sera inscrit l'un des
+huit nombres compris entre 1 et 8. Cherchez à disposer ces 64 carrés les
+uns à coté des autres, ou en plusieurs bandes les unes au-dessous des
+autres, de telle sorte que dans deux carrés successifs la différence des
+nombres supérieurs soit égale à 1 ou à 2, celle des nombres inférieurs
+étant 2 ou 1. Vous formerez une suite du genre celle que nous donnons
+ci-après écrite en quatre bandes parallèles; et, pour faciliter les
+comparaisons, nous avons répété en tête de chacune des trois dernières
+bandes le carré qui termine la précédente. On voit facilement que tous
+les nombres de cette suite satisfont à la condition énoncée. Ainsi dans
+les deux premiers carrés, la différence entre les nombres supérieurs 8
+et 7 est 1; la différence entre les nombres inférieurs 1 et 3 est 2; les
+différences entre 3 et 1, puis 7 et 8 du sixième et septième carré, sont
+respectivement 2 et 1. De même pour les autres.
+
+
+ 8 7 8 7 5 3 1 2 1 2 4 6 8 7 8 6
+ - - - - - - - - - - - - - - - -
+ 1 3 5 7 8 7 8 6 4 2 1 2 3 5 7 8
+
+------------------------------------------------------------------
+
+6 4 2 1 2 1 3 5 7 6 8 7 8 6 4 2 1
+- - - - - - - - - - - - - - - - -
+8 7 8 6 4 2 1 2 1 3 4 6 8 7 8 7 5
+
+-----------------------------------------------------------------
+
+1 2 1 3 5 7 5 6 8 7 8 7 5 3 1 2 1
+- - - - - - - - - - - - - - - - -
+5 3 1 2 1 1 3 1 2 4 6 8 7 8 7 6 3
+
+-----------------------------------------------------------------
+
+1 2 4 3 4 6 4 3 5 4 3 5 5 4 3 5 6
+- - - - - - - - - - - - - - - - -
+3 1 2 4 6 5 4 6 5 3 5 6 4 5 3 4 6
+
+-----------------------------------------------------------------
+
+Cela posé, convenons que le nombre supérieur désigne le numéro d'une
+case de l'échiquier compté de gauche à droite, et que le nombre
+inférieur désigne le rang de la bande où est cette case, de haut en bas.
+8/1 représentera la huitième case à droite sur la première bande d'en
+haut; 7/3 sur la septième case à droite de la troisième bande comptée de
+haut en bas, et ainsi de suite. Alors il ne reste plus qu'à faire suivre
+au cavalier, sur l'échiquier, la marche indiquée par la suite de nos
+petits carrés de carton.
+
+La figure ci-après est l'expression de la solution donnée par la suite
+précédente.
+
+34 49 22 11 30 39 24 1
+
+21 10 33 50 23 12 37 40
+
+48 53 62 57 38 25 2 13
+
+ 9 20 51 54 63 60 41 20
+
+32 47 58 61 36 53 14 3
+
+19 8 55 52 59 64 27 42
+
+46 31 6 17 44 29 4 15
+
+ 7 18 45 30 5 16 43 28
+
+
+
+NOUVELLE QUESTION À RÉSOUDRE
+
+Trouver pour le cavalier une marche rentrante, c'est-à-dire une marche
+telle qu'il puisse revenir de la soixante-quatrième case à laquelle il
+arrive, sur la première que l'on a prise pour point de départ.
+
+
+
+Rébus.
+
+EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS.
+
+Soldats! du haut de ces Pyramides quarante siècles (quatre mille ans)
+vous contemplent!
+
+
+
+[Illustration: Rébus.]
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843, by Various
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
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+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
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+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843
+
+Author: Various
+
+Release Date: August 19, 2011 [EBook #37135]
+
+Language: French
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+Character set encoding: ISO-8859-1
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION ***
+
+
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+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
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+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+<p>L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<pre>
+ Nº 15. Vol. I. SAMEDI 10 JUIN 1843
+ Bureaux, rue de Seine. 33,
+
+ Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr..--6 mois 16 fr,--Un an, 30 fr. Prix de
+ chaque Nº 75 c.--La collection mensuelle, 2 fr. 75.
+
+ Ab. pour les Dep.--3 mois, 9 fr.--6 mois, 17 fr.--Un an, 32 fr. pour
+ l'étranger, -- 10 -- 20 -- 40
+</pre>
+
+<br><br>
+
+<div class="somm">
+
+<h3>SOMMAIRE</h3>
+
+<p><b>Troubles en Irlande</b>. <i>Portrait d'O'Connell</i>.--<b>Courrier de Paris. --Suite
+de concerts de la rue de la victoire</b>. <i>O Salutaris de Palestrina; rue de
+la salle des concerts</i>.<b>--La cour du grand duc</b>, nouvelle, par Eugène
+Guinot (suite).--<i>Distribution prix de l'Académie des jeux floraux</i>.
+<i>Jetons de présence, statue de Clémence Isaure.</i>--<b>Les plaisirs des
+Champs-Elysées</b>. <i>L'attelage des chèvres; le pesage; le dynamomètre; le
+physicien; les chanteurs ambulants; le restaurant
+Ledoyen.</i><b>--Compte-rendu de l'Académie des sciences depuis le
+commencement de l'année.--Météorologie pendant le mois de mai.--La
+galvanographie.</b>--Trois gravures d'après Garvani.--<b>Théâtre de
+l'Opéra-Comique</b>. <i>Une scène d'Angélique et Médor</i>.
+<b>--Bibliographie.--Ameublements. Un salon Louis XV. Problèmes
+divers.--Rébus.</b></p>
+</div>
+
+<h3>Troubles en Irlande.</h3>
+
+<p>L'Europe est dans l'attente, le sol tremble en Irlande, et la guerre
+semble près de l'ensanglanter. Jamais O'Connell n'a eu plus de
+puissance. A sa voix, les populations se lèvent par milliers et lui
+dressent sur les routes des arcs de triomphe; les laboureurs abandonnent
+leurs charrues, les artisans leurs ateliers, et le suivent à pied, en
+chariots, à cheval; les femmes montent en croupe; partout les villages,
+les villes se dépeuplent pour faire au «grand agitateur» un cortège tel
+que n'en ont plus les rois, tel que n'avaient point les orateurs
+antiques, tel que, pour en trouver qui lui soient comparables, il
+faudrait peut-être remonter par la pensée jusqu'aux annales de la Judée,
+et se rappeler les multitudes fanatisées, errantes et haletantes aux
+prédications des prophètes. O'Connell s'arrête et parle: 500 mille
+hommes s'arrêtent et écoutent. A ses gestes plus qu'à ses paroles, ils
+relatent tour è tour en applaudissements, en murmures, ils jettent au
+ciel des cris terribles contre leurs oppresseurs. Mais que le tribun
+fasse un signe, aussitôt tout rentre dans le silence, dans le calme;
+attentive et soumise, on dirait que la foule immense n'a comme lui
+qu'une voix et un coeur. Pareil spectacle ne s'est vu nulle part
+ailleurs de notre temps et y semble un anachronisme sublime. Quelle
+émotion profonde s'est donc emparée de cette nation, et quelle est la
+source de l'autorité de celui qui la guide? Que veut l'Irlande?</p>
+
+<p>Ce qu'elle veut? Quand même vous pourriez l'ignorer, répondez avec
+assurance:--Quoi qu'elle veuille, elle a raison de le vouloir. Quelle
+que soit sa cause, sa cause est juste et sainte. Une preuve suffit:
+l'Irlande a les sympathies de la France, et jamais la France ne s'est
+trompée dans ses sympathies.</p>
+
+<p>Certes, la cause politique de l'Irlande n'est pas à beaucoup d'égards
+celle de la France. Si l'on consulte ses regrets, ses plaintes, ses
+voeux, on voit aisément qu'entre elle et nous il y a la distance de
+plusieurs siècles. Il est évident qu'elle aspire à une constitution dont
+les principaux éléments appartiennent à un passé dont nous ne voulons
+plus. Supposer que O'Connell ait jamais été sympathique à nos
+révolutions, supposer que s'il pouvait prendre place parmi nos
+représentants, il fut disposé le moins du monde à y joindre sa voix à
+celle des fractions libérales, ce serait assurément une lourde erreur.
+Il y a plus, s'il faut tout dire; le rappel de l'union, considéré en
+théorie et en dehors des circonstances qui peuvent en fait le rendre
+utile et même nécessaire, est une mesure directement contraire aux
+principes d'unité et d'association des peuples qui ont toujours inspiré
+et distingué la politique française. Cependant, en prenant parti pour
+l'Irlande, nous ne sommes pas en contradiction avec nous-mêmes: nous
+aimons et nous devons aimer l'Irlande; tous nos voeux sont pour elle,
+parce qu'elle est asservie, opprimée, parce qu'elle souffre parce qu'en
+elle l'humanité est indignement violée, parce qu'elle a besoin d'être
+aimée et d'être encouragée, parce qu'enfin il est un principe de morale
+qui domine toutes les théories politiques: c'est que la charité est le
+premier de tous les devoirs pour les individus et pour les peuples,
+comme la liberté est pour eux le premier de tous les biens.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br> <b>O'Connell.</b></p>
+
+<p>Ajoutons seulement cette autre réserve: les inimitiés de races sont de
+fausses inimitiés qui doivent tôt ou tard disparaître; la cause du
+peuple irlandais est au fond celle du peuple anglais; les misères des
+classes ouvrières anglaises n'excitent pas moins de pitié en Europe que
+celles des Irlandais; et il y a longtemps que les deux peuples, s'ils
+avaient pu comprendre quel est leur ennemi commun, se seraient tendu la
+main et affranchis ensembles.</p>
+
+<p>Quoi qu'il en soit, il est trop vrai que l'antipathie de races a fait
+alliance avec l'esprit de caste, et que de la part de l'Angleterre il y
+a eu ligue contre les Irlandais entre ces deux principes d'oppression.
+Nous savons tous que depuis sept siècles, l'Irlande conquise par les
+Anglais n'a pas cessé jusqu'à nos jours d'être traitée en peuple
+conquis; nous savons que son histoire, à partir de l'année 1469, en une
+bule du pape Adrien IV l'a livrée en proie à l'Angleterre, n'est qu'une
+longue suite de souffrances de constants mais vains efforts pour briser
+ses fers. Et n'est-ce pas une chose remarquable que cette impuissance
+absolue de l'Angleterre à s'associer les peuples qu'elle a vaincus, à
+leur faire oublier ses victoires, à les faire entrer en partage de ses
+moeurs, de sa civilisation, de sa nationalité? Que ses colonies secouent
+sans cesse leur joug avec une haine impatiente: que l'Amérique du Nord,
+malgré la communauté d'origine, ait répudié et énergiquement repoussé au
+delà des mers sa tutelle tyrannique; que l'Inde énervée et rêveuse,
+enchaînée pendant son sommeil, ait des réveils parfois si terribles, il
+n'y a rien qui doive étonner. On conçoit qu'il soit difficile à
+l'Angleterre d'étendre aussi loin une influence active et soutenue. Mais
+que sur le même sol pour ainsi dire, qu'entre ces rivages baignés des
+mêmes flots, que dans les limites restreintes de ce petit archipel où
+elle a planté comme un sceptre son orgueilleux triplent et d'où elle
+prétend gouverner le monde, elle n'ait su ni voulu, dans l'espace de
+sept cents ans, se concilier les sympathies d'une population vive,
+aimante, accessible à tous les sentiments nobles et généreux; qu'elle
+n'ait réussi ni par affection, ni par ruse à l'attacher à elle par aucun
+lieu de fraternité; qu'elle ne l'ait pas même habituée à la résignation,
+n'est-ce point là une haute et sévère condamnation de son caractère et
+de la tendance matérialiste de ses instincts?</p>
+
+<p>A l'irritation naturelle des Irlandais, après l'injuste envahissement de
+leur territoire, vint se joindre, dans les siècles suivants un autre
+sujet de ressentiment non moins légitime et non moins profond, lorsque
+l'Angleterre fut devenue protestante, elle voulut imposer sa réforme
+religieuse à l'Irlande; il s'ensuivit des guerres opiniâtres éternelles
+qui n'eurent d'autres résultats que d'accroître les souffrances et
+l'humiliation de l'Irlande. Ce malheureux pays fut surchargé d'impôts:
+il fut obligé de payer d'énormes dîmes au clergé anglican; il lui lut
+défendu d'exporter le blé, le bétail, tes lainages; des lois furent
+rendues pour interdire aux catholiques l'entrée au Parlement, les
+fonctions publiques et jusqu'au droit d'acquérir des biens-fonds. Les
+Irlandais n'eurent plus d'autres ressources pour vivre que de louer à
+des prix exorbitants les domaines dont ils avaient été dépouiller. La
+misère, la corruption, furent les conséquences nécessaires de cette
+odieuse politique.</p>
+
+<p>Au dernier siècle, Swift écrivait: «Traversez l'Irlande, regardez ces
+figures hâves, ces bouges misérables, ces champs à peine défrichés, ces
+femmes nues, ces bommes qui ressemblent à des bêtes fauves; dites si le
+jugement de Dieu n'est pas descendu sur nos têtes. Est-ce l'Irlande ou
+la Laponie, et reconnaîtrez-vous notre pays où la terre est fertile, le
+ciel doux, le climat modéré, les hommes doués de qualités souples,
+variées, heureuses? Des haillons, une détestable nourriture, la
+désolation de presque tout le royaume; les habitants sans bas, sans
+souliers, sans abri, vivant de pommes de terre; en aucun pays on ne vit
+jamais autant de mendiants.»</p>
+
+<p>Le spectacle que l'Irlande offre aujourd'hui au voyageur; n'est pas
+moins déplorable, la misère n'y est pas moins affreuse; mais sous
+différents rapports, la condition politique du pays, quoique loin d'être
+ce qu'il faudrait qu'elle fût, s'est considérablement améliorée.</p>
+
+<p>L'insurrection victorieuse des colonies anglaises de l'Amérique du Nord
+ouvrit une ère nouvelle. Ce grand événement inspira à l'Irlande plus de
+confiance dans l'avenir; pour la première fois, depuis plusieurs
+siècles, elle se sentit renaître à la vie politique. Ses côtes étaient
+menacées d'une descente et d'une invasion étrangères; l'Angleterre,
+occupée à soumettre ses colonies rebelles, ne pouvait la défendre; elle
+trouva en elle les ressources nécessaires. L'Irlande se couvrit en peu
+de jours d'une milice volontaire qui s'arma, s'enrégimenta, s'organisa
+elle-même, nomma ses chefs. Une armée de quarante mille hommes fut sur
+pied, et dès lors l'Irlande eut le secret de sa force; mais il lui
+restait à apprendre les moyens de s'en servir.</p>
+
+<p>L'Angleterre, au plus fort même de sa tyrannie, avait été contrainte de
+laisser aux Irlandais des libertés et des droits tels que peu de peuples
+en possèdent encore aujourd'hui en Europe: ce n'était point générosité
+de sa part; ses moeurs, ses habitudes, ses préjugés mêmes, l'obligeaient
+à ces concessions. Ainsi, tandis qu'elle exerçait sur l'Irlande une
+oppression dont rien n'égale;'iniquité, la presse y était libre et
+n'avait jamais cessé de l'être. Le principe de la responsabilité des
+agents du pouvoir devant l'autorité judiciaire était demeuré intact au
+milieu des plus grands troubles. Les Irlandais ne pouvaient à la vérité
+se réunir dans leurs églises pour prier Dieu comme il leur convenait,
+mais ils étaient libres de s'assembler sur les places publiques pour
+délibérer sur les rigueurs dont ils étaient victimes. Jamais en Irlande
+le principe du jury n'a été contesté: jamais, et dans aucun temps, le
+gouvernement anglais n'a mis en doute le droit qu'ont tous les citoyens
+de s'associer; jamais on ne l'a vu interdire l'usage de peur de l'abus,
+et prétendre régler ce droit en faisant dépendre son exercice d'une
+autorisation officielle, comme si la nécessité de l'autorisation n'était
+pas négative du droit.</p>
+
+<p>Les Volontaires se servirent de ces libertés pour entreprendre
+l'indépendance de l'Irlande. Le jury, la liberté de la presse, le droit
+d'association, la responsabilité des agents du pouvoir, l'habeas-corpus,
+devinrent dans leurs mains des armes redoutables, et l'Angleterre
+comprit enfin qu'il y avait en Irlande des adversaires avec lesquels il
+fallait compter. Les catholiques y gagnèrent les premiers, et
+quelques-unes des lois d'oppression qui avaient été dirigées contre eux
+furent rappelées.</p>
+
+<p>L'Irlande avait un Parlement, mais ce Parlement ne pouvait s'assembler
+sans que les motifs de sa convocation et les projets de loi qu'on se
+proposait d'y discuter n'eussent préalablement été approuvés par le
+gouvernement anglais. Sur l'initiative des volontaires, le Parlement
+irlandaise déclara indépendant, et proclama qu'aucun pouvoir sur la
+terre n'avait le droit de faire des lois obligatoires pour l'Irlande,
+hors le roi, les lords et les communes d'Irlande. Ces faits se passaient
+en 1782.</p>
+
+<p>Hardiment engagée dans cette voie de réforme et d'indépendance,
+l'Irlande travailla rapidement à s'affranchir des entraves que lui avait
+imposées;'Angleterre: l'explosion de la révolution française accéléra
+encore ce mouvement. Le gouvernement anglais se hâta de faire les
+concessions les plus impérieusement réclamées par les réformateurs
+irlandais, soit protestants, soit catholiques; mais l'appel que les plus
+ardents d'entre firent aux armes françaises compromit leur cause.</p>
+
+<p>L'Angleterre, qui avait toléré assez patiemment l'insurrection légale
+des Irlandais, ne pouvait souffrir une invasion française; elle défendit
+sa conquête et ses privilèges par les armes, et l'Irlande retomba sous
+le joug. Alors, dans la crainte que le Parlement irlandais ne vint à
+recouvrer encore une fois son indépendance, l'Angleterre voulut lui en
+ôter les moyens en l'incorporant au Parlement anglais. La corruption
+unie à la violence triompha des répugnances les plus opiniâtres, et, en
+1800, l'union fut prononcée entre l'Irlande et la Grande-Bretagne. Il ne
+faut pas croire que cette union eut pour effet de confondre l'Irlande
+avec l'Angleterre, d'en faire une province anglaise, soumise en touts
+points au même gouvernement, à la même police et aux mêmes lois. L'acte
+de l'union laissa à l'Irlande toutes ses lois, seulement il établit que
+désormais toutes les lois nécessaires aux deux pays seraient faites par
+un parlement commun, où l'Angleterre et l'Irlande enverraient leurs
+représentants.</p>
+
+<p>Jusque-là il n'avait été question en Irlande que de l'indépendance
+politique: les catholiques, il est vrai, avaient été délivrés des lois
+les plus oppressives portées contre eux, mais ils étaient encore sous le
+poids des lois qui les rendaient incapables d'exercer les droits
+politiques. Le gouvernement anglais s'était engagé à abolir ces lois
+comme un adoucissement aux rigueurs de l'acte d'union; mais, malgré
+l'engagement formel pris par Pitt, ces lois ne lurent pas rappelées, par
+suite de la résistance de Georges III. Dès lors, l'Irlande, avertie par
+ses malheurs passés, au lieu de recourir à la violence et à la révolte
+pour obtenir justice, n'employa plus pour obtenir le redressement de ses
+griefs, que les moyens légaux que lui offrait la Constitution: elle en
+appela à la presse et à l'association. Vers l'année 1810, un comité de
+catholiques s'organisa à Dublin pour obtenir l'émancipation catholique;
+elle avait pour but le progrès légal; elle mit en oeuvre l'agitation
+sans violence, la résistance sans; révolution; aussi réunit-elle bientôt
+dans son sein tout ce qu'il y avait en Irlande d'instincts et de besoins
+d'indépendance.</p>
+
+<p>Ce n'était pas assez, pour triompher, d'avoir une cause sainte, de
+défendre la cause de la liberté politique et religieuse, il fallait être
+conduits avec sagesse et prudente, il fallait trouver un chef capable de
+diriger le peuple, qui gagnât la confiance de l'Irlande et n'effrayât
+pas d'abord l'Angleterre; un homme profondément pénétré de l'état du
+pays, comprenant également ses besoins et ses périls, assez puissant par
+la parole pour exciter dans l'âme du peuple des passions ardentes contre
+ce qui restait de servitude, et assez sage pour en arrêter l'élan à la
+limite de l'insurrection; qui, jurisconsulte subtil autant que tribun
+éloquent, assez impétueux pour pousser l'Irlande et assez fort pour la
+contenir à son gré, sût se contenir dans les bornes de la légalité et
+défendre lui-même avec succès devant un jury les excès qu'il avait
+encouragés. Cet homme, ce chef, l'Irlande le trouva dans Daniel
+O'Connell.</p>
+
+<p>Ou se trompe certainement lorsque l'on attribue à O'Connell l'honneur
+d'avoir réveillé chez les Irlandais la haine de la servitude et d'avoir
+conquis la liberté religieuse. Le mouvement d'indépendance avait précédé
+de longtemps l'apparition d'O'Connell sur la scène du monde; mais le
+mérite de cet homme extraordinaire est d'avoir adopté la défense de son
+pays malheureux, d'avoir compris les souffrances de l'Irlande, de s'en
+être fait le représentant, de s'être dévoué à cette noble tâche, et
+d'avoir hâté, par ses qualités les plus diverses, le triomphe de la
+cause dont il s'était constitué l'organe.</p>
+
+<p>Né à Dublin, d'une famille ancienne et qui descend, dit-on, des anciens
+rois d'Irlande, O'Connell fut élevé en France dans les colléges
+catholiques de Saint-Omer et de Douai. Jeune encore, il embrassa la
+carrière du barreau et se distingua par une éloquence forte et
+passionnée et par une ardeur intrépide à défendre ses coreligionnaires.
+Orateur applaudi dans les meetings, il se trouva porté tout
+naturellement à faire partie de l'association catholique, et il ne tarda
+pas à en devenir un des directeurs et après quelques années le chef
+tout-puissant.</p>
+
+<p>Assurément, ce qui distingue O'Connell, ce n'est pas l'éclat de telle
+qualité particulière, c'est plutôt l'assemblage de plusieurs qualités
+ordinaires, mais dont la réunion est singulièrement rare. Il y a, sans
+contredit, dans les rangs des catholiques irlandais, des orateurs d'une
+éloquence plus pure, des écrivains plus remarquables, des hommes
+d'action aussi courageux et aussi résolus; mais O'Connell réunit les
+qualités d'orateur, d'écrivain et d'homme d'action, et il les soumet à
+une prudence consommée qui dirige ses actions les plus spontanées en
+apparence. Accordez-lui en outre un bon ses parfait, et vous comprendrez
+la fortune d'O'Connell.</p>
+
+<p>Grâce à ces qualités, O'Connell, en prenant en main la direction de
+l'association catholique, comprit que l'Irlande avait été trop
+facilement abattue par l'Angleterre dans toutes ses tentatives
+d'insurrection pour qu'elle dût demander désormais aux armes la justice
+qu'elle demandait de l'Angleterre. Un zèle imprudent eût fait perdre les
+lentes acquisitions des cinquante dernières aimées, et avant de songer à
+une indépendance complète, il fallait user de tous les moyens que
+fourniraient les droits que l'Angleterre avait reconnus à l'Irlande.
+Demeurant strictement dans les limites de la légalité, O'Connell
+entreprit de donner à son pays la seule situation qui pût le satisfaire,
+et tenir l'Angleterre dans une inquiétude favorable à l'Irlande; il
+établit un état permanent de guerre constitutionnelle, si l'on peut se
+servir de cette expression, une paix sans cesse agitée, un état
+intermédiaire entre le régime des lois et l'insurrection.</p>
+
+<p>C'est dans la conduite de cette association qu'il faut admirer le génie
+d'O'Connell. Il lui a donné les bases d'un parlement régulier; elle est
+représentée par un comité central séant à Dublin et composé de membres
+dont le mode d'élection a varié suivant les circonstances. Ce comité,
+sous l'inspiration d'O'Connell, s'assemble régulièrement, examine les
+lois proposées, les discute, censure les actes du pouvoir et ses agents,
+prend des résolutions, les publie dans un journal spécial. Comme tous
+les gouvernements établis, l'association lève des impôts en échange de
+la protection qu'elle donne. Elle commande, et l'Irlande obéit. Dès
+qu'elle l'ordonne, toutes les paroisses d'Irlande s'assemblent; des
+réunions se forment le même jour dans tout le pays. Elle s'établit comme
+la patronne de tous les citoyens; elle provoque et reçoit les plaintes
+de quiconque a des griefs contre l'autorité publique, contre les
+ministres protestants, contre les magistrats. C'est elle qui conduit les
+élections.</p>
+
+<p>Telle est l'oeuvre la plus imposante d'O'Connell. Ce n'est pas tout que
+d'organiser, il faut constituer et maintenir. C'est encore à O'Connell
+que l'association doit d'avoir traversé tous les obstacles que lui
+imposait le gouvernement anglais. C'est à sa sagacité et à son
+incomparable intelligence des détours de la chicane, que l'association a
+dû son salut, car toujours il a su mettre en défaut la haine de ses
+antagonistes, et toujours il a su trouver pour elle la forme que le
+législateur avait oublié d'interdire. «Il est bien aisé, s'écriait un
+jurisconsulte expérimenté, il est bien aisé de dire qu'il faut arrêter
+M. O'Connell et le livrer à la justice; mais la difficulté est de le
+surprendre en défaut et de trouver une loi qu'on puisse l'accuser
+d'avoir formellement violée.» Singulière situation de l'Angleterre,
+gênée par ses propres lois dans ses plus ardents désirs d'oppression! Ou
+trouver ailleurs une tyrannie qui tolère, dans un pays vaincu et
+enchaîné, la liberté de la presse, le jury et le droit de s'associer le
+plus illimité?</p>
+
+<p><i>(La suite à un autre numéro.)</i></p>
+<br><br>
+
+<h2>Courrier de Paris.</h2>
+
+<p>En arrivant sur le boulevard Saint-Antoine, un peu avant la place de la
+Bastille, si vous jetez les yeux du coté opposé à la place Royale, vous
+verrez trois maisons neuves qui montrent aux passants leur blanche
+façade de pierre de taille et de moellons. Les toits sont à peine
+achevés; les fenêtres, encore dépouillées de boiserie et de vitres,
+permettent à l'oeil de pénétrer par leurs ouvertures béantes dans cette
+solitude pleine de tristesse des bâtiments en construction. Laissez
+passer quelques jours, et ce désert sera peuplé et bruyant, du
+rez-de-chaussée à la mansarde; à peine attendra-t-on que la dernière
+pierre soit posée et que le maçon ait donné le dernier coup de truelle.
+Le Parisien n'y regarde pas de si près; dès qu'il voit les choses, il
+faut qu'il en jouisse; le proverbe: <i>Qui va doucement va sûrement</i>,
+n'est pas fait pour son usage; vivement et promptement, telle est sa
+divise, et Dieu pour tout le monde! Si M. le préfet de police le
+laissait faire, il essaierait de traverser les ponts dont une seule
+arche serait construite; les murs sont encore humides, les poutres tout
+au plus assurées, l'escalier et les cours pleins de poussière et de
+chaux, et le voilà qui s'installe dans la maison! Que la chose soit
+possible, en attendant l'achèvement des fondations et des voûtes, il se
+logera dans la hotte du plâtrier! Médecins et pharmaciens retirent le
+bénéfice le plus net de cette ardeur de location expéditive; les
+migraines, les rhumes et les maux de poitrine fleurissent à l'ombre des
+fraîches murailles.--Mais revenons à nos trois maisons. En elles-mêmes,
+elles n'ont rien de particulier ni de remarquable. Figurez-vous trois
+maisons comme Paris en bâtit tous les jours par centaines: une boutique
+et six étages, voilà l'architecture actuelle; le métier du tailleur de
+pierres y prend plus de part que l'art de Vitruve et de Palladio. Mais
+si vous interrogez le sol sur lequel pèsent ces masses énormes, ces
+espèces de casernes où les Parisiens s'entassent, le sol vous répondra
+quelque chose. Il n'y a pas, en effet, un seul de ces entassements de
+pierres et de charpentes qui ne recouvre pour ainsi dire un lieu célèbre
+par un homme ou par un événement. Que voulez-vous? cette terre
+parisienne a de tout temps, été si féconde en grands crimes et en
+grandes actions! Dans chaque sillon de ce champ immense, remue depuis
+des siècles, quelque chose d'illustre ou de fatal a germé. Les
+générations y sommeillent l'une sur l'autre, couche par couche; la
+pioche n'y tombe pas sans heurter un nom; l'architecte n'y pose pas une
+fondation qui ne s'appuie à un souvenir. Sous ce Paris visible, sous ce
+Paris palpable, qui étale aux yeux ses hommes, ses maisons et ses rues,
+il y a le Paris qu'on ne voit plus, le Paris qu'on ne touche ni du doigt
+ni de l'oeil, le Paris qui se tient enseveli et caché dans ses propres
+entrailles: la ville vivante a le pied sur la ville morte. L'histoire du
+Paris souterrain, du Paris à fleur de terre, est une histoire à faire.</p>
+
+<p>Remuez le terrain où s'élèvent nos trois maisons neuves: qu'y trouvez
+vous? Eh! mon Dieu, tout simplement la philosophie du dix-huitième
+siècle, la souveraine audacieuse et irrésistible qui a changé la France
+de fond en comble et conquis le monde. Ces trois lourdes maisons
+froidement alignées, ces boutiques qui attendent le boulanger ou la
+mercière du coin, ces appartements innocemment destinés à d'honnêtes
+rentiers de la place Royale ou de la rue Saint-Louis n'intéressent ni
+votre âme ni votre imagination; mais prêtez l'oreille aux échos du
+passé, mais regardez à travers le linceul de la mort, aussitôt tout
+change et tout s'anime sur ce sol que vous fouliez aux pieds avec
+indifférence; ce n'est plus une habitation banale, ouverte au premier
+bourgeois et au premier marchand venus qui paierait leurs loyers, C'est
+le rendez-vous des esprits les plus entreprenants, des imaginations les
+plus ardentes du siècle dernier. Vous êtes là en plein dix-huitième
+siècle; vous vivez de sa vie, à la fois frivole et sérieuse, dogmatique
+et sensuelle; dans cette demeure ainsi reconstruite, les affaires, le
+plaisir, la philosophie se donnent la main et combattent en même temps;
+Ia passion, le rude sarcasme, la raillerie légère, sont les hôtes du
+logis. Que vous dirai-je? Vous n'êtes plus dans mes trois maisons
+neuves, mais dans la maison de Beaumarchais; et ne voyez-vous pas
+là-bas, sur les murailles, une ombre leste et souriante? C'est l'ombre
+de Figaro qui passe; on aperçoit encore le bout de sa résille, le manche
+de sa guitare, un éclair de son oeil provoquant et spirituel, et la lame
+de son rasoir affilé comme sa langue à deux tranchants?</p>
+
+<p>A cette place même, un peu avant la Révolution, Beaumarchais s'était
+fait bâtir une habitation immense et magnifique; Voltaire en était le
+dieu lare: sa statue en décorait l'entrée; son portrait se répétait de
+salon en salon. Traversez ces sentiers de sable qui se croisent dans le
+jardin, passez sous ces rochers postiches, sous ces massifs de verdure,
+vous découvrez un temple d'une forme antique. Quelle est la divinité
+qu'on y encense? Est-ce la sage Minerve, ou Apollon aux flèches rapides,
+ou Mars au casque retentissant? Non: c'est encore Voltaire.</p>
+
+<p>Beaumarchais s'était d'ailleurs soumis scrupuleusement à cette doctrine
+que son dieu Voltaire enseigne quelque part: <i>le superflu, chose si
+nécessaire</i>. Le nécessaire, selon la doctrine de Voltaire, se montrait
+partout dans la maison de Beaumarchais: riches peintures, magnifiques
+statues, adorables bas-reliefs; Rome, la Grèce et l'art de Jean Goujon.
+La philosophie d'une part, de l'autre Hébé et Ganimède; ici une sentence
+de quelque sage gravée en lettres d'or; là cet apophthègme en latin
+macaronique inscrit au fronton de la salle à manger:</p>
+
+<p class="mid">ERENT TEMPLUM A BACCHO,<br>
+AMISQUE GOURMANTIBUS.</p>
+
+<p>Curieux mélange de raillerie et de gravité, de foi et de scepticisme, où
+se trouve résumé d'une manière originale le caractère singulier de ce
+siècle qui se passionnait et souffrait avec Jean-Jacques pour la cause
+et l'avenir de l'humanité, et d'autre part se livrait au plaisir et au
+doute avec insouciance, disant comme Figaro: «Qui sait si le monde
+durera trois semaines?»</p>
+
+<p>Ainsi la maison de Beaumarchais n'existe plus; abattue, il y a déjà
+plusieurs années, pour les menus plaisirs du canal Saint-Martin, elle
+était restée longtemps à l'état de terrain vague. L'oeil rencontrait
+avec tristesse, cette immense et stérile solitude dans le voisinage d'un
+faubourg si actif et si peuplé Maintenant ce désert est bâti du haut en
+bas, ou peu s'en faut, bâti par des maçons et rien de plus: il ne faut
+pas compter sur l'étrusque et l'ionique que Beaumarchais n'avait pas
+épargné, ni sur des frises imitées du temple d'Antonin et de Faustine.
+Cependant les maçons ont eu beau faire, un homme d'un peu de savoir, de
+coeur et d'esprit, ne passera par-là sans dresser l'oreille et sans
+ouvrir les yeux, comme s'il entendait encore la voix mordante de Figaro,
+comme s'il voyait briller derrière la jalousie le regard amoureux de
+Rosine et la vive prunelle de Suzanne.</p>
+
+<p>De la guitare de Figaro au cor de M. Vivier, il y a la différence du
+cuivre à la corde, mais, au fond, il s'agit de la même chose,
+c'est-à-dire de deux artistes; l'un toutefois l'emporte sur l'autre,
+comme le chêne sur l'humble charmille, et je suis obligé de le dire, au
+risque de froisser l'amour-propre du barbier de Séville, ce n'est pas
+Figaro qui est le chêne. Après tout, qu'importe à Figaro? il n'a jamais
+eu la prétention d'être un virtuose: Figaro n'a été musicien que par
+hasard et en payant, comme il a été tant d'autres choses; poète,
+barbier, diplomate, auteur dramatique, journaliste, commis, médecin,
+apothicaire même, suivant les évolutions de son étoile. Si Figaro
+portait une guitare, celait seulement pour accompagner sa philosophie:</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i18"> Le vin et la paresse
+<p class="i18"> Se partagent mon coeur.
+<p class="i18"> Si l'une est ma maîtresse,
+<p class="i18"> L'autre est mon serviteur;
+</div></div>
+
+<p>et aussi pour fredonner de temps en temps un air tendre sous le balcon
+de quelque piquante Lisette andalouse, tandis que le seigneur comte
+Almaviva engluait les Rosines.--Quant à M. Vivier, c'est autre chose: M.
+Vivier n'a jamais couru en aventurier les rues île Séville, ni livré
+bataille aux Bartholo et aux Basile, et ceci explique comment M. Vivier
+est devenu un artiste remarquable, un joueur de cor, ou, pour parler la
+langue technique, un corniste étonnant, tandis que Figaro n'a jamais
+fait que racler de la guitare.</p>
+
+<p>M. Vivier est à Paris depuis quelques semaines; jusque-là il n'était pas
+autre chose qu'un homme comme un autre, parfaitement inconnu. Employé à
+Lyon dans une maison de commerce, M. Vivier ressemblait en apparence à
+un simple commis tenant la partie double et vantant la marchandise.
+Mais, à peine le métier laissait-il à notre jeune homme une heure de
+loisir, qu'aussitôt le commis faisait place à l'artiste: M. Vivier
+s'enfermait dans sa mansarde; là, s'attaquant corps à cor au dur et
+rebelle instrument, à force de courage, d'adresse et de persévérance, il
+est parvenu à le dompter, à le soumettre, à le rendre plus docile, plus
+obéissant, plus fécond qu'il ne s'est jamais montré sous la main de ses
+dominateurs les plus heureux et les plus célèbres. En un mot, M Vivier
+lui arrache des secrets qu'il semblait dérober aux autres. Giulu Paër,
+le Messie du cor. Punto et Rodolphe, ses apôtres, Gallay, Dauprat,
+Duvernoi, Meugal, et d'autres aussi fameux n'ont pas obtenu ce qu'il
+accorde à M. Vivier.</p>
+
+<p>Que leur disait-il, en effet? Il répondait à leur provocation par un son
+unique, par des notes successives. Nos maîtres avaient l'exciter à
+parler davantage, avec tout l'art imaginable, ils n'en tiraient pas un
+mot de plus, M. Vivier, et c'est là le merveilleux de sa découverte, M.
+Vivier a donné à l'instrument soliloque une double, une triple voix;
+avec M. Vivier, le cor chante la romance de Richard, une <i>Pierre
+brûlante</i> et, du même coup, vous entendez la partie de Blondel et la
+partie de Richard. Vous plaît-il d'écouler la <i>Chasse du jeune Henri?</i>
+notre cor, en véritable sorcier qu'il est, exécute par trois sons
+simultanés les marches d'harmonie les traits de violon et la fanfare. Si
+M. Vivier ne s'entend pas avec le diable, il ne s'en faut guère; c'était
+du moins l'avis d'Auber, d'Halévv et d'Adolphe Adam, qui se trouvaient
+là avec nous autres ignorants, tandis que M Vivier faisait ses tours de
+force. Comment est-il parvenu à cette découverte et à ce prodige
+d'acoustique? c'est son secret et il le garde. --Dieu ou diable,
+toujours est-il certain que M. Vivier vient d'augmenter le bataillon des
+phénomènes vivants que Paris recrute incessamment. L'été n'est pas
+favorable aux cornettistes; mais arrive janvier et la saison des
+concerte, ce cor diabolique fera fureur.</p>
+
+<p>Notre virtuose ne posséderait pas son secret miraculeux, qu'il lui
+resterait encore un moyen de faire du bruit et d'être remarqué; M.
+Vivier se rattache à une haute parenté; un sang fameux coule dans ses
+veines; il est positivement le neveu d'un des hommes les plus étonnants
+du dix-neuvième siècle, de M. de Perpignan, ce héros aussi modeste que
+brave, qui a laissé un de ses membres sur tous les champs de bataille,
+depuis le passage des Thermopyles jusqu'à la prise de la Casauba. Après
+avoir cueilli de sanglantes moissons de lauriers et dispersé plusieurs
+armées de sa propre main, M. de Perpignan se repose des fatigues de la
+guerre dans les arts de la paix. Comme Apollon, il préside aux concerts
+et s'adonne aux Muses, particulièrement à Thalie et à Melpomene; Momus
+et ses grelots lui sont également familiers. Quelle joie pour ce
+vénérable guerrier de voir que son exemple fructifie dans sa famille, et
+que les arts y fleurissent à l'ombre de ses cicatrices! Chargé d'ans et
+de décorations, obligé de faire halte après avoir parcouru le monde
+l'épée à la main et renversé tant de citadelles, il est bien doux à ce
+Nestor des soldats français, le soir, quand ses blessures se rouvrent,
+d'avoir un neveu près de son chevet et de pouvoir lui dire: «Joue-moi un
+air de cor.»</p>
+
+<p>On sait que le bazar Bonne-Nouvelle a ouvert un champ d'asile aux
+peintres proscrits par le jury d'examen. Là, le paysage, le tableau
+d'histoire, le portrait, la miniature, le crayon et le pastel, exilés
+des honneurs du Louvre, sont venus s'abriter, non sans douleur, non sans
+rancune, non sans lamentation; dans ce Louvre au petit pied, image de la
+patrie absente, peu à peu nos peintures proscrites se sont acclimatées,
+et le public leur a rendu visite dans ce bazar hospitalier.</p>
+
+<p>Deux hommes pleins d'activité et d'intelligence, M. Techner et
+Guillemin, ont résolu de faire succéder à cette exposition passagère une
+exposition permanente qui réunira à la fois les oeuvres des vieux
+maîtres et les productions des peintres vivants. Les artistes, obligés
+de disséminer leurs ouvrages chez les marchands de tableaux, auront «un
+musée perpétuel» et de vastes salles éclatantes de lumière, au lieu de
+la sombre nuit et du faux jour des étroites boutiques. Une riche
+bibliothèque destinée à seconder les études des artistes servira de
+complément à l'entreprise; enfin on nous promet un journal consacré tout
+entier au monde des beaux-arts, c'est-à-dire au mouvement si curieux et
+si varié des idées, des travaux, des affaires qui l'animent. A peine MM.
+Techner et Guillemin avaient-ils fait entendre le premier bruit de cette
+vaste entreprise, que les artistes en comprenaient l'utilité et
+l'importance. Beaucoup de talents et de noms honorables ont déjà donné
+leur adhésion; les autres viendront certainement compléter la liste, et
+Paris possédera bientôt un magnifique établissement dont Londres, sa
+rivale, lui donnait depuis longtemps l'exemple, et qu'il n'avait pas
+encore songé à s'approprier. Ainsi, dans notre ville prodigieuse,
+toujours debout, toujours curieuse de nouveautés, toujours ardente et
+infatigable, chaque matin amène une amélioration ou une découverte; tout
+s'agite, tout se renouvelle, tout change, tout s'agrandit, et la
+civilisation y gagne quelque chose.</p>
+
+<p>L'auteur de <i>Lucrèce</i>, M. Ponsard, a quitté Taris; M Ponsard est devenu
+un personnage; il est naturel que nous tenions note de son départ. Où va
+M. Ponsard? le jeune poète retourne tout simplement dans sa province,
+sans plus de mystères ni de fracas; après le grand éclat de sa tragédie.
+M. Ponsard aurait pu exploiter sa célébrité à l'exemple de certains
+poètes et de certains fabricants de drames que tout le monde devine, ce
+qui nous dispense de les nommer; qui empêchait M. Ponsard de se montrer
+dans les différentes cours de l'Europe comme un géant ou un Hercule du
+Nord, ni de crier partout: Me voilà! acceptez ma dédicace! Un cardan, un
+crachat, quelques roubles, s'il vous plaît.--M. Ponsard reste dans sa
+modestie et dans sa simplicité: il part, il abandonne Paris pour
+retrouver la paix des heures studieuses, isolées et paisibles; M.
+Ponsard se soucie fort peu de baiser la main ou la semelle des ducs
+héréditaires et des autocrates: il n'adore qu'une divinité, la Poésie!
+Il n'encense qu'un roi, l'Art! C'est une religion trop rare aujourd'hui
+pour qu'on n'encourage pas les jeunes lévites qui y reviennent. M.
+Ponsard, dans sa retraite, s'occupera de sa seconde tragédie; il l'a
+promise au Théâtre-Français pour l'hiver de 1845, c'est-à-dire dans
+dix-huit mois. Notre poète veut pas s'enrôler dans le régiment des
+improvisateurs à tant la ligne et des génies de pacotille.--Cependant on
+annonce que M. Alexandre Dumas vient d'achever trois romans, quatre
+drames en cinq actes, douze vaudevilles, et de recevoir sa
+cent-cinquante-septième décoration du shah de Perse.</p>
+
+<p>M Harel ne se tient pas pour battu; nous parlions tout à l'heure de
+Beaumarchais; après la chute du <i>Barbier de Séville</i>, Beaumarchais fit
+une foudroyante préface: M. Harel va, dit-on, l'imiter. La chute <i>des
+Grands et des petits</i> l'autorise à prendre cet exemple et cette
+consolation. Public, critiques, directeurs. M. Harel doit passer tous
+ses ennemis au fil de sa plume. On cite déjà quelques traits de cette
+attaque à coups d'épigrammes. En voici qui frappent à bout portant sur un
+certain commissaire du roi, accrédité auprès d'un certain théâtre. M.
+*** est un homme comblé, qui n'a rien demandé à l'éducation de ce que
+lui a refusé la nature. Allons! courage M. Harel, singez Beaumarchais;
+mais rappelez-vous que le <i>Mariage de Figaro</i> suivit de près la préface
+du <i>Barbier de Séville.</i></p>
+
+<p>Hier, une foule immense encombrait le boulevard Bonne-Nouvelle.--De quoi
+s'agit-il? D'un escamoteur qui déjeune avec un sabre! Paris est toujours
+ce Paris que faisait dire à Rabelais: «O peuple! tant sot par nature
+qu'ung bateleur, ung vendeur de rogaston, ung mulet avec ses cymbales,
+ung vieilleux, au mylieu d'un carrefour, assemble plus de gents que ne
+ferait onc ung prescheur évangélique!»</p>
+<br><br>
+
+<h2>Salle de concerts de la rue de la Victoire.</h2>
+
+<p>C'est M. Henri Herz, l'habile et célèbre pianiste qui en est
+propriétaire, et qui l'a fait construire il y a peu d'années. Elle n'a
+rien de commun avec celle du conservatoire, dont nous faisions remarquer
+naguère l'extrême simplicité. Celle-ci au contraire, est brillante,
+somptueuse et tout à fait mondaine, de vives peintures la décorent;
+d'élégantes arabesques l'enveloppent de leurs replis onduleux; l'or y
+étincelle de toutes parts, à la clarté de mille bougies.... Mais que
+vais-je faire, essayer de la peindre avec des paroles? Dieu m'en
+préserve! Pour en donner au lecteur une idée complète. <i>L'Illustration</i>
+a des moyens bien plus sûrs que la description la plus exacte et la plus
+détaillée.</p>
+
+<p>Donc, en ce lieu si richement et si coquettement orné, l'élite de la
+société parisienne se réunit chaque hiver toutes les fois qu'un artiste
+français ou étranger vient invoquer son suffrage. Aréopage quelquefois
+sévère, plus souvent bienveillant, mais toujours éclairé, et dont les
+arrêts sont à peu près sans appel. C'est là que madame Damoreau est
+venue prouver récemment que ce terrible vent du nord, l'ennemi mortel de
+tous les gosiers mélodieux, qu'elle avait osé braver au centre même de
+son empire, avait désarmé devant elle, ci n'avait altéré ni l'étonnante
+justesse de ses intonations, ni la délicatesse de ses indexions, ni la
+vibration douce et veloutée de sa voix. C'est là que M. Servais a fait
+admirer, dans quatre concerts successifs, cette puissance d'archet,
+cette audace de doigté, cette richesse de style, qui font de lui le plus
+étonnant des violoncellistes. C'est là que M. Ponsard a révélé au public
+dilettante un talent si puissant dans ses effet et si original dans ses
+moyens, que personne, avant de l'avoir entendu, n'aurait pu s'en faire
+une idée. C'est là que mademoiselle Lia Duport, madame Iweins, MM.
+Ponsard, Géraldy, Sivori... Mais, hélas! pourquoi ces doux souvenirs
+sont-ils déjà si loin de nous? Pourquoi le temps, à Paris, court-il si
+vite? Voilà plus d'un mois déjà que les violons sont rentrés dans leurs
+bulles et les flûtes dans leurs étuis, et que toutes ces bouches
+harmonieuse sont fermées; pourquoi troubler un repos si respectable et
+si bien gagné? Parler de musique au mois de juin, ne serait-ce pas
+d'ailleurs le même anachronisme que si nous parlions du rossignol et des
+russes au mois de décembre?</p>
+
+<p>Nous ne pouvons nous dispenser pourtant de dire quelques mots des
+dernières expéditions musicales dont la salle de M. Herz a été le
+théâtre, et qui ont eu lieu sous le commandement de M. le prince de la
+Moscowa.</p>
+
+<p>Depuis quelques mois, en effet, M. le prince de la Moscowa est à la tête
+d'une armée chantante, la plus nombreuse qu'on ait encore vue peut-être,
+la mieux disciplinée, la plus riche en soldats exercés et dévoués. Ces
+soldats ne sont point des artistes; c'est bien mieux vraiment. Allez
+donc demander aux artistes ce zèle, cette ardeur, cet enthousiasme, et
+surtout ce désintéressement personnel qui fait que chaque exécutant
+s'oublie et ne songe qu'à l'effet général! Un amateur fait de la musique
+pour son plaisir, et, s'il est habile, pour le plaisir des autres, et
+voilà pourquoi il la fait bien; mais l'artiste est toujours préoccupé de
+quelque arrière-pensée: il a sa fortune à faire, sa réputation à établir
+ou à étendre, et les occasions de se mettra en contact avec le public ne
+sont pas assez fréquentes pour qu'il néglige d'en tirer parti. Ne lui
+proposez donc pas de jouer son rôle dans un choeur ou dans un morceau
+d'ensemble, ce serait pour lui du temps et des sons perdus. S'il consent
+à figurer dans un duo où il lui faudra partages les applaudissements de
+l'auditoire, soyez bien sûr qu'il vous fait un sacrifice: ce qu'il
+recherche, ce qu'il choisit de préférence, ce sont les airs et surtout
+les cavatines modernes où abondent les difficultés mécaniques, où il est
+sûr enfin de briller, et de briller tout seul; mais ne venez pas lui
+parler d'un psaume de Marcello, d'un motet de Haydn, d'un madrigal de
+l'abbé Clari, d'un choeur de Haendel ou de Palestrina. Palestrina!
+Haendel! Marcello! qu'est-ce que cela? à peine en a-t-il entendu parler
+dans sa jeunesse; que voulez-vous qu'il fasse de pareille denrée?</p>
+
+<p>Le discrédit où était tombée depuis longtemps la musique d'ensemble, et
+surtout la musique ancienne, avait produit une large lacune, un vide
+immense, que déploraient amèrement les vrais amateurs, ceux qui ne
+cherchent dans l'art musical que les pures jouissances qu'il procure et
+les nobles sentiments qu'il fait naître, C'est pour combler ce vide que
+M le prince de la Moscowa, musicien habile, et qui a déjà fait ses
+preuves comme compositeur, vient d'organiser la <span class="sc">Société des concerts de
+musique vocale, religieuse et classique</span>. Tout ce qu'il y a dans Paris
+d'amateurs distingués a compris immédiatement sa pensée et s'est
+empressé de répondre à son appel, et la société a déjà donné, dans la
+salle de M. Herz, trois séances également remarquables par l' intérêt
+qu'elles ont excité et par le succès qui a couronné les efforts des
+exécutants.</p>
+
+<p>Ainsi que nous l'avons déjà dit, la musique ancienne fait tous les frais
+de ces réunions, et presque exclusivement la musique d'ensemble. Les
+deux illustres chefs de l'école du Midi et de l'école du Nord,
+Palestrina et Roland Lassue, y ont occupé, comme de raison, lu place
+d'honneur. Avec eux, Marcello, Clari, Martini, Haendel, Joseph Haydn,
+Sébastien Bach, etc., etc., viennent figurer tour à tour, et recueillir
+leur part d'admiration et d'hommages. Il faut le dire, on entendrait
+difficilement ailleurs les grandes pensées de ces vieux maîtres
+interprétées avec autant d'intelligence et par des voix aussi
+harmonieuses. Madame de Sparre, madame Merlin, madame Dubignon,
+mademoiselle de Chaucourtois, mademoiselle Thoru, M. le prince
+Belgiposo, en savent tout autant que des artistes, et ne sont point des
+artistes; c'est là justement la cause de leur supériorité. Leur organe
+ne s'est point fatigué, leur goût ne s'est point émoussé dans cette
+lutte sans repos que les chanteurs de profession sont obligés de
+soutenir contre les trompettes, les trombones, les timbales et tout ce
+barbare fracas qui a pris, dans nos théâtres, la place de l'harmonie;
+ils n'ont perdu ni le sentiment des nuances délicates, ni cette calme et
+pure vibration à laquelle la voix humaine doit son plus grand charme et
+ses effets les plus délicieux. Aussi, quand toutes ces voix si
+intelligentes et si doucement sonores se réunissent pour l'exécution
+d'une composition chorale, l'harmonieux ensemble qui en résulte Jette
+dans l'âme des auditeurs une émotion profonde et mystérieuse que nous
+chercherions en vain à définir et que nous renonçons à décrire.
+L'entreprise de M. le prince de la Moscowa est noble et belle, et nous
+ne doutons pas qu'elle n'exerce l'influence la plus puissante et la plus
+salutaire sur les destinées ultérieures de l'art musical.</p>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002b.png"><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002csmall.png"><br><a href="images/002clarge.png">(Agrandissement)</a><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003asmall.png"><br><a href="images/003alarge.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>Salle de concerts de la rue de la Victoire.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>La cour du grand-duc.</h2>
+
+<h4>NOUVELLE. Suite.--Voir page 213.</h4>
+
+<p>Les malheurs du prince avaient tellement absorbé l'attention et la
+sensibilité de Balthazard, que le souvenir de ses propres embarras
+s'était complètement effacé pendant cette soirée où le grand-duc lui
+avait révélé les secrets de sa position politique et financière. Ce ne
+fut qu'après être sorti du palais, qu'il fit un retour sur lui-même.
+Comment se tirer d'affaire avec les acteurs engagé et amenés à deux cent
+lieues de Paris sur la foi des traités? que leur dire, et comment leur
+faire entendre raison? Le malheureux directeur passa une mauvaise nuit.
+Aussitôt que parut le jour, il se leva, demandant à la fraîcheur du
+matin de calmer ses esprits agités, et de lui inspirer quelque bonne et
+habile manoeuvre pour sortir de ce mauvais pas. Dans une promenade de
+deux heures, il eut tout le loisir de parcourir Carlstadt et d'admirer
+les agréments de cette capitale. Carlstadt était une ville élégante,
+coquette, oisive, avec des rues larges et droites qui la perçaient de
+part en part, de jolies maisons bien alignées, dont les fenêtres étaient
+armées de petits miroirs indiscrets qui reflétaient les passants et
+transportaient dans les appartements les scènes de la voie publique; de
+sorte que les habitants pouvaient, grâce à ce daguerréotype animé,
+satisfaire leur curiosité sans se déranger. C'est là une innocente
+récréation que se donnent volontiers les bourgeois allemands. Du reste,
+la capitale du Grand-Duché de Noeristhein paraissait ne s'occuper que
+fort peu d'industrie et de commerce; le mouvement y était modéré, le
+luxe en était banni, et sa prospérité tenait surtout aux goûts modestes,
+à la philosophie flegmatique de ses citoyens.</p>
+
+<p>Une troupe de comédiens, ne pouvait pas faire fortune dans un pareil
+pays.--Il faudrait absolument reprendre le chemin de la France, pensa
+Balthazard après avoir fait le tour de la ville; puis il consulta sa
+montre, et, jugeant que l'heure était convenable, il se dirigea vers le
+palais, où il entra sans plus de façon que la veille. Le fidèle Wilfrid,
+remplissant les fonctions de gentilhomme ordinaire le reçut comme une
+vieille connaissance, et s'empressa de l'introduire dans le cabinet du
+grand-duc. Son Altesse lui parut plus soucieuse que la veille. Le prince
+marchait à grands pas, le front baissé, les bras croisés, et tenant à la
+main des papiers dont la lecture l'avait évidemment contrarié. Pendant
+quelques instants il garda le silence; puis, s'arrêtant devant
+Balthazard, il lui du tristement:</p>
+
+<p>«Vous me trouvez ce matin moins calme qu'hier soir; c'est que je viens
+de recevoir d'assez mauvaises nouvelles, et je ne sais pas me défendre
+contre une première impression... Ah! vraiment, tout cela me pèse, et je
+leur abandonnerais de grand coeur cette pauvre souveraineté, cette
+couronne d'épines qu'ils me disputent, si l'honneur ne me commandait de
+soutenir jusqu'au bout mes droits légitimes... Oui, en ce moment je
+n'ambitionne qu'un sort paisible, et je donnerais volontiers mon
+grand-duché, mon titre, ma couronne, pour aller vivre tranquillement à
+Paris en simple particulier, avec trente mille livres de rentes.</p>
+
+<p>--Je le crois bien!» s'écria Balthazard qui, dans ses plus beaux rêves,
+n'avait jamais élevé si haut ses voeux téméraires.</p>
+
+<p>Cette naïve exclamation fit sourire le prince. Il ne fallait que peu de
+chose pour chasser ses ennuis et lui rendre cette légère dose de bonne
+humeur qui flottait habituellement à la surface de son caractère.</p>
+
+<p>--Je comprends, reprit-il gaîment; vous trouver, que je ne suis pas
+dégoûté! Dépenser trente mille francs de revenu dans l'indépendance et
+les plaisirs de la vie parisienne est un sort plus digne d'envie que
+gouverner tous les grands-duchés du monde. Vous avez, raison, et je le
+sais par expérience, car il y a une dizaine d'années, lorsque je n'étais
+encore que prince héréditaire, j'ai passé six mois à Paris, libre,
+riche, insouciant, et mes souvenirs me disent que ces jours là ont été
+les plus beaux de ma vie.</p>
+
+<p>--Eh bien! est-ce qu'en liquidant tout ce que vous avez ici vous ne
+pourriez pas réaliser cette fortune? D'ailleurs, ce cousin dont vous me
+faisiez l'honneur de me parler hier vous assurerait avec plaisir vos
+trente mille francs de rente, si vous lui cédiez votre place qu'il
+envie... Mais, monseigneur, voulez-vous que je vous parle franchement?</p>
+
+<p>--Je ne demande pas mieux.</p>
+
+<p>--Une existence paisible et modeste aurait sans doute beaucoup de charme
+pour vous, et vous le dites dans la sincérité de votre âme; mais d'un
+autre côté vous tenez essentiellement à votre couronne, et ce n'est pas
+seulement par ces raisons d'honneur que vous invoquiez tout à l'heure.
+On a beau dire et s'exagérer les douceurs du calme et de la retraite
+dans un moment de fatigue et d'orage, un trône, tout boiteux qu'il soit,
+est un siège que l'on ne saurait quitter sans regrets... Voilà mon
+opinion, formée à l'école dramatique; c'est peut-être une réminiscence
+de quelque ancien rôle, mais on trouve parfois la vérité au théâtre. Or
+donc, puisque, à tout prendre, ce qui vous convient le mieux est de
+rester en place, vous devriez... Mais pardon, mes paroles sont peut-être
+trop libres...</p>
+
+<p>--Parlez en toute liberté, mon cher directeur, je vous le permets et je
+vous en prie. Je devrais donc, disiez-vous?...</p>
+
+<p>--Vous devriez, au lieu de vous livrer au découragement et aux idées
+poétiques, ne pas attendre le coup qui vous frappera, ne pas vous
+contenter de tomber noblement. Les circonstances sont favorables, vous
+n'avez plus de ministres ni conseillers d'État pour vous induire en
+erreur et vous embrouiller dans vos projets. Fort de votre bon droit et
+de l'amour de vos sujets, il est impossible que vous ne trouviez pas un
+moyen d'assurer votre position et de rétablir vos finances.</p>
+
+<p>--Il n'y en a qu'un seul.</p>
+
+<p>--Cela suffit.</p>
+
+<p>--Un bon mariage.</p>
+
+<p>--Au fait, c'est vrai, je n'y pensais pas, vous êtes garçon!... Eh bien!
+vous voilà sauvé, un bon mariage!... C'est comme cela que les grandes
+maisons se consolident quand elles sont menacées de tomber en ruines.
+Épousez-moi une grosse héritière, la fille unique de quelque riche
+banquier.</p>
+
+<p>--Vous n'y pensez pas! une mésalliance!</p>
+
+<p>--Ah! si vous faites le fier!...</p>
+
+<p>--Ce n'est pas moi, je n'ai pas de préjugés; mais que dirait l'Autriche
+si je me permettais de déroger? Ce serait un nouveau grief dont on ne
+manquerait pas de se servir contre moi. Et puis, les millions d'un
+banquier ne me suffiraient pas; il me faut une alliance avec une famille
+puissante sur laquelle je puisse m'affermir. Cette alliance, telle que
+je la souhaite, s'offrait à mes voeux; il y a quelques jours encore je
+pouvais prétendre à ce moyen de salut. Un de mes voisins, le prince
+Maximilien de Hanau, qui est très bien en cour de Vienne, a une soeur à
+marier: la princesse Edwige est jeune, belle, aimable et riche; c'est un
+excellent parti, et j'avais déjà entamé les préliminaires d'une demande
+en mariage; mais deux dépêches que j'ai reçues ce matin renversent
+toutes mes espérances. Voilà le motif de l'abattement dans lequel vous
+m'avez trouvé tout-à-l'heure.</p>
+
+<p>--Voyons reprit Balthazard. Votre Altesse est peut-être trop prompte à
+se décourager.</p>
+
+<p>--Jugez-en vous-même. J'ai un rival, l'électeur Biberick; ses États sont
+moins considérables que les miens, mais il est plus solidement établi
+dans sont petit électorat que je ne le suis dans mon grand-duché.</p>
+
+<p>--Permettes, monseigneur, j'ai vu l'année dernière à Bade l'électeur de
+Biberick, qui s'y trouvait en même temps que nous; sans flatterie, ce
+prince ne saurait soutenir aucune comparaison avec Votre Altesse: vous
+avez à peine trente ans et il en a plus de quarante; vous êtes bien fait
+de votre personne, il est lourd, épais et mal bâti; vous avez le visage
+agréable et noble, sa figure est commune et disgracieuse; vos cheveux
+sont du blond le plus pur et les siens d'un rouge flamboyant. La
+princesse Edwige ne peut manquer de vous donner la préférence.</p>
+
+<p>--Fort bien, mais on ne lui laissera pas le choix; elle dépend de son
+auguste frère, qui la mariera sans la consulter.</p>
+
+<p>--Voilà ce qu'il faut empêcher.</p>
+
+<p>--Comment?</p>
+
+<p>--En inspirant de l'amour à la jeune personne. Il y a tant de ressources
+dans le sentiment! On voit tous les jours des mariages de convenances
+détruits et rompus au profit d'un mariage d'inclination.</p>
+
+<p>--Oui, cela se voit dans les comédies...</p>
+
+<p>--Qui fournissent d'excellentes leçons...</p>
+
+<p>--Aux gens d'un certain monde; mais nous autres princes, nous n'avons
+pas le bénéfice de ces suites de combats où l'accord de deux coeurs bien
+épris fait plier tous les obstacles.</p>
+
+<p>--Sur ce point-là, monseigneur, j'ose ne pas être entièrement de votre
+avis. Les maîtres de l'art que j'étudie et que je pratique depuis trente
+ans m'ont appris que ces sortes d'affaires se traitent dans les palais à
+peu près comme ailleurs; toute la différence est dans la forme, plus
+pompeuse chez vous. Du reste, pourquoi ne feriez-vous pas une tentative?
+Si j'avais un conseil à vous donner, ce serait de vous mettre en route
+dès demain, et d'aller faire une visite au prince de Hanau.</p>
+
+<p>--C'est inutile. Pour voir le prince et sa soeur je n'ai pas besoin de me
+déranger; une de ces dépêches m'annonce leur prochaine arrivée à
+Carlstadt. Comprenez-vous maintenant tout le malheur de ma position? Ils
+arrivent! Au retour d'un voyage qu'ils viennent de faire en Prusse, ils
+traversent mes États et s'arrêtent dans ma capitale, où ils me demandent
+l'hospitalité pour deux ou trois jours. Vous voyez bien que je vais être
+perdu dans leur esprit. Que penseront-ils de moi quand ils me trouveront
+seul, abandonné, dans mon palais désert? Croyez-vous après cela que la
+princesse soit tentée de partager mon sort et de passer sa vie dans ma
+triste solitude? L'année dernière elle est allée à Biberick; l'électeur
+l'a dignement reçue. Il avait du moins à lui offrir les plaisirs d'une
+cour animée; il pouvait mettre à ses ordres des gentilshommes, des
+chambellans; il pouvait lui donner des concerts, des fêtes, des bals. Et
+moi, rien! Suis-je assez malheureux! assez humilié! Et pour qu'aucun
+affront ne me soit épargné, mon rival veut que son mariage soit négocié
+ici même; oui vraiment! l'électeur me brave à ce point! Il vient de
+m'expédier un ambassadeur, le baron Pépinster, chargé, dit-il, de
+conclure un traité de commerce qui serait fort avantageux pour moi; mais
+cette affaire n'est qu'un vain prétexte. Le baron n'a d'autre mission
+que de s'entendre avec le prince de Hanau; cette rencontre est
+habilement ménagée, pour que la négociation conjugale s'accomplisse
+secrètement et sans appareil. Voilà ce qu'il me faudra voir! Je serai
+contraint de subir cet outrage, de dévorer l'injure, de donner au prince
+et à sa soeur le spectacle de ma misère, de mon abaissement!... Ah! que
+ne ferais-je pas pour me soustraire à cette honte!</p>
+
+<p>--Il y aurait peut-être un moyen! s'écria Balthazard après un instant de
+réflexion.</p>
+
+<p>--Un moyen? Parlez, quel qu'il soit, je l'adopte.</p>
+
+<p>--Un moyen bizarre et hardi! continua Balthazard.</p>
+
+<p>--N'importe! je suis prêt à tout risquer.</p>
+
+<p>--Il vous faut dissimuler votre abandon, repeupler ce palais, avoir une
+cour?</p>
+
+<p>--Oui.</p>
+
+<p>--Pensez-vous que les courtisans qui vous ont délaissé répondraient à
+votre appel, consentiraient à revenir?</p>
+
+<p>--Jamais. Ne vous ai-je pas dit qu'ils étaient gagnés par mes ennemis?</p>
+
+<p>--Pourriez-vous en trouver d'autres parmi vos sujets les plus
+distingués?</p>
+
+<p>--Impossible! Il n'y a que très peu de gentilshommes parmi mes sujets
+Ah! si une cour pouvait s'improviser! dussé-je prendre les derniers
+bourgeois de Carlstadt...</p>
+
+<p>--J'ai mieux que cela à vous offrir.</p>
+
+<p>--Quoi donc?</p>
+
+<p>--Mes comédiens.</p>
+
+<p>--Comment? vous voulez que je me compose une cour avec vos acteurs?</p>
+
+<p>--Oui, monseigneur, et vous ne sauriez trouver mieux. Remarquez que mes
+comédiens sont habitués à jouer tous les rôles, et qu'ils seront tout de
+suite à leur aise dans l'emploi de grands seigneurs. Je vous réponds de
+leur talent comme de leur discrétion et de leur probité. Dès que vos
+illustres visiteurs seront partis, dès que vous n'aurez plus besoin
+d'eux, ils donneront leur démission Songez d'ailleurs que vous n'avez
+pas à choisir. Le temps presse, le danger est à vos portes, il ne vous
+est pas permis d'hésiter.</p>
+
+<p>--Mais, cependant, si une pareille ruse venait à se découvrir!...</p>
+
+<p>--Ceci n'est qu'une supposition, une crainte chimérique. Si, au
+contraire, vous ne voulez pas risquer la partie que je vous propose,
+votre malheur est certain.»</p>
+
+<p>Le grand-duc se laissa aisément persuader. Sous une apparence
+insouciante et molle, son caractère ne manquait ni de résolution, ni
+d'un certain penchant vers les entreprises étranges et hasardeuses. Il
+n'ignorait pas que la fortune favorise ceux qui osent, et il avait toute
+l'audace que donne une situation désespérée.--L'expédient de Balthazard
+fut donc adopté avec une joyeuse intrépidité.</p>
+
+<p>«A merveille! s'écria le directeur; vous ne vous repentirez pas de votre
+détermination. Vous voyez en ma personne un échantillon de vos futurs
+courtisans, et puisqu'il s'agit ici de se partager les honneurs et les
+grandes charges de l'État, nous allons, si vous voulez, bien, commencer
+par moi. Je crois être déjà dans l'esprit de mon rôle en vous adressant
+cette requête. Un homme de coeur doit toujours demander, toujours se
+hâter, et profiter de l'absence de ses rivaux pour obtenir ce qu'il y a
+de mieux. Que votre altesse soit donc assez bonne pour me nommer premier
+ministre.</p>
+
+<p>--Accordé! répondit gaîment le prince. Votre excellence peut entrer
+immédiatement en fonctions.</p>
+
+<p>C'est ce que mon excellence ne manquera pas de faire, en vous demandant
+votre signature au bas de quelques actes dont je vais m'occuper tout de
+suite. Mais d'abord, souffrez, monseigneur, que je vous adresse deux ou
+trois questions, afin de me mettre au courant. Quand on est nouveau venu
+dans un pays et novice au ministère, on a besoin de s'instruire.... S'il
+vous fallait déployer l'appareil de la force pour faire exécuter vos
+ordres, le pourriez-vous?</p>
+
+<p>--Mais, sans aucun doute.</p>
+
+<p>--Votre altesse a des soldats?</p>
+
+<p>--Un régiment.</p>
+
+<p>--Combien d'homme?</p>
+
+<p>--Cent vingt environ, sans compter la musique.</p>
+
+<p>--Sont-ils obéissants, dévoués?</p>
+
+<p>--Obéissance passive, dévouement sans bornes; soldats et officiers se
+feraient tuer pour moi.</p>
+
+<p>--C'est leur devoir. Maintenant autre chose: Avez-vous une prison dans
+vos huis?</p>
+
+<p>--Certainement.</p>
+
+<p>--Mais, je veux dire, une bonne prison, forte et bien gardée, des murs
+épais, de solides barreaux, des geôliers incorruptibles et farouches?</p>
+
+<p>--J'ai tout lieu de croire que le château de Ranfrang possède toutes ces
+qualités. Le fait est que je m'en suis très peu servi: mais il a été
+bâti par un homme qui s'y entendait, mon aïeul, le grand-duc Rodolphe
+l'Inflexible.</p>
+
+<p>--Beau surnom pour un souverain! Celui-là, j'en suis sûr, n'a jamais
+manqué d'argent ni de courtisans. Vous, monseigneur (souffrez que votre
+ministre vous parle le langage de la vérité), vous avez peut-être eu
+tort délaisser sans locataires ce domaine de la couronne, une prison a
+besoin d'être entretenue par l'habitation. Aussi le premier acte de
+l'autorité que vous avez bien voulu me confier sera consacré à une
+salutaire mesure d'incarcération. Je pense que le château de Ranfrang
+peut contenir une vingtaine de prisonniers?</p>
+
+<p>--Quoi! vous voulez, faire enfermer vingt personnes?</p>
+
+<p>--Peut-être plus, peut-être moins; car je ne sais pas au juste Combien
+votre ancienne cour contenait de grands dignitaires. Ce sont ces
+déserteurs que je veux mettre à l'ombre des hautes murailles
+construites: par Rodolphe l'Inflexible C'est indispensable.</p>
+
+<p>--Mais c'est illégal!</p>
+
+<p>--Vous dites?... Pardon, monseigneur; vous vous êtes servi d'un mot que
+je ne comprends pas bien. Il me semble que, dans un bon gouvernement
+allemand, ce qui est absolument nécessaire est nécessairement légal;
+voilà ma politique. D'ailleurs, en qualité de premier ministre, je suis
+responsable. Que vous faut-il de plus? Vous sentez bien que si nous
+laissions libres vos courtisans, il n'y aurait pas moyen de jouer la
+comédie que nous préparons; ils nous trahiraient. Le salut de l'État
+exige donc que ces messieurs soient emprisonnés, et ce sera justice; car
+enfin ils remplissent leur office depuis douze ou quinze ans, terme
+moyen; et quel est, je vous prie, le courtisan qui en douze ou quinze
+ans n'a pas mérité quelques jours de prison? D'ailleurs, vous l'avez dit
+vous-même, ce sont des traîtres, ne les ménagez donc pas; et pour votre
+Sûreté, pour le succès de vos projets qui doivent assurer le bonheur de
+votre peuple, écrivez les noms des coupables, signez l'ordre, et
+infligez sans remords à ces déserteurs le trop doux châtiment d'une
+semaine de captivité.»</p>
+
+<p>Le grand-duc écrivit les noms et signa plusieurs ordres qui furent
+aussitôt remis aux officiers les plus alertes du régiment, avec
+injonction d'exécuter sur l'heure leur mission, et de conduire les
+prisonniers au château de Ranfrang situé à trois quarts de lieue de
+Carlstadt.</p>
+
+<p>«Il ne reste plus à présent qu'à faire venir votre cour, dit Balthazard.
+Votre altesse a-t-elle des carrosses?</p>
+
+<p>--Oui, certes! une berline, une calèche et un cabriolet.</p>
+
+<p>--Et des chevaux?</p>
+
+<p>--Six de trait et deux de selle.</p>
+
+<p>--Je prends la berline, la calèche et quatre chevaux; je vais à
+Krusthal, je ramène ce soir nos acteurs que je mets au fait de leur
+rôle; nous arrivons à la nuit et nous nous installons au palais, pour
+vous servir, monseigneur.</p>
+
+<p>--Très bien; mais, avant de partir, répondez, je vous prie, au baron
+Pépinster qui me demande une audience.</p>
+
+<p>--Deux lignes bien sèches, bien ministérielles, qui l'ajourneront à
+demain. Il faut qu'il nous trouve sous les armes... Voilà le billet
+écrit, mais comment signer? Le nom de Balthazard ne convient guère à une
+excellence allemande.</p>
+
+<p>--Vous avez raison; il vous faut un autre nom, accompagné d'un titre; Je
+vous fais comte de Lipandorf.</p>
+
+<p>--Merci monseigneur. Je porterai noblement ce titre, et je tous le
+rendrai fidèlement, avec mon portefeuille, lorsque la comédie sera
+finie.»</p>
+
+<p>Le comte de Lipandorf signa le billet que Wilfrid fut chargé de remettre
+au baron de Pépinster; puis aussitôt que les voitures furent attelées,
+il partit pour Krusthal.</p>
+
+<p>Eugène Guinot</p>
+
+<p>(La fin à un prochain numéro.)</p>
+<br><br>
+
+<h2>Distribution des prix de l'Académie des Jeux floraux.</h2>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>Jeton de présence mainteneurs des Jeux floraux.</b></p>
+
+<p>Au mois dernier, pendant que nous courions en wagon, pour la plus grande
+gloire de l'industrie, Toulouse célébrait une fête en l'honneur des
+beaux-arts; l'Académie des Jeux floraux tenait sa séance annuelle. Aucun
+journal n'en a fait mention; la cérémonie s'est passée à huis clos,
+relativement au reste de la France; les noms des poètes couronnés n'ont
+pas été proclamés au delà des départements méridionaux, et les
+applaudissements ont à peine trouvé des échos à Marseille et à
+Montauban.</p>
+
+<p>Il y a cinq cent vingt ans, plusieurs siècles avant la création de
+l'Académie française, sept <i>trobadors</i> de Toulouse établirent <i>une
+compagnie du gay savoir</i>. Au mois de novembre 1323, le mardi qui suivit
+la fête de la Toussaint, ils envoyèrent, dans les pays de <i>la
+Langue-d'Oc</i>, une lettre circulaire en vers par laquelle ils ouvraient
+un concours, dont le prix était une violette d'or fin.</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i18"> Disem, per dreit jutjamen,</p>
+<p class="i18"> A cel que la fara plus nèta,</p>
+<p class="i18"> Donaren una violeta</p>
+<p class="i18"> De fin aur, en senhal d'amor.</p>
+</div></div>
+
+<p>Le 1er mai de l'année suivante, des poètes affluèrent de toutes parts au
+lieu du rendez-vous, dans un verger du faubourg des Augustines, au pied
+d'un gigantesque laurier. Un jour entier fut consacré à la lecture des
+pièces de vers; le second jour, les sept troubadours délibérèrent, après
+avoir entendu la messe, et le troisième, leur sentence fut prononcée en
+présence de deux <i>capitouls</i>, ou consuls de la ville. La violette fut
+décernée à maître Arnaud Vidal, de Castelnaudary. <i>E yazuhet la violeta
+de l'aur a Tonena, nès a saber la premiéra que si dona</i>. Après
+l'adjudication des prix, les <i>capitouls</i> décidèrent que dorénavant,
+<i>d'uqui en avant</i>, la violette serait achetée aux frais de la ville.</p>
+
+<p>Les années suivantes les fondateurs prirent la qualification de
+<i>mainteneurs</i>, s'adjoignirent un chancelier et un bedeau, et rédigèrent
+leurs statuts. Le Conseil municipal leur vint en aide, vota des fonds
+pour deux nouveaux prix, l'<i>églantine</i> et le <i>souci</i> et accorda au
+<i>Collége du gay savoir</i>, l'autorisation de siéger à l'hôtel-de-ville,
+connu des lors sous le nom pompeux de <i>Capitole</i>. L'institution acquit
+tant de célébrité, qu'en 1388, Jean d'Aragon, par une ambassade
+expresse, priait Charles VI de lui expédier des poètes languedociens,
+afin d'introduire la gaie science en Espagne, <i>studia partices quam
+gayam scientiam vocabunt instituerentur</i>. Peu de rois s'aviseraient
+aujourd'hui de demander à leurs voisins un assortiment de littérateurs;
+on aimerait mieux en exporter.</p>
+
+<p>Pendant le quinzième siècle, la société <i>du gay savoir</i> tint
+régulièrement ses assemblées. Un dame noble et riche, Clémence Isaure,
+acheva de consolider l'oeuvre des <i>mainteneurs</i>, en lui consacrant
+<i>plusieurs grands et notables revenus</i>. Il est resté si peu de documents
+sur l'histoire de cette femme célèbre, que plusieurs écrivains graves,
+Catel, Lafaille, Cazeneuve, et tout récemment les auteurs de <i>l'Histoire
+de la ville de Toulouse</i>, ont trouvé plaisant de présenter Clémence
+Isaure comme un personnage imaginaire.</p>
+
+<p>Après sa mort, on lui éleva une statue, qui figura d'abord sur le
+mausolée de l'illustre dame, les mains jointes et un lion à ses pieds.
+Le conseil municipal imagina, en 1627, de la mutiler sous prétexte de
+l'embellir. Deux artistes, les nommés Aure et Pascot, furent chargés de
+<i>raccommoder et blanchir le visage, de lui ôter le chapelet qu'elle
+avait, de refaire les bras, de couper le lion qui était sous ses pieds,
+et d'en faire une plinthe.</i></p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Statue de Clémence Isaure, en marbre<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;blanc, dans la salle du grand Consistoire,<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;au Capitole de Toulouse.</b></p>
+
+<p>La salle où elle est aujourd'hui placée sert aux séances particulières
+des académiciens. Sur le piédestal, on lit une épitaphe, dont voici la
+traduction: «Clémence Isaure, fille de Louis Isaure de la célèbre
+famille des Isaures, vécut cinquante ans dans le célibat et la vertu;
+elle établit pour l'usage public de sa patrie des marchés au blé, au
+vin, au poisson et aux herbes; elle les légua aux capitouls et citoyens
+de Toulouse, à condition qu'ils célébreraient tous les ans les <i>Jeus
+floraux</i> dans la Maison-de-Ville qu'elle avait fait bâtir à ses frais;
+qu'ils iraient jeter des roses sur son tombeau, et que le reste des
+revenus serait employé à un banquet. Si l'on néglige d'exécuter sa
+volonté, que le fisc s'empare du legs de plein droit, et exécute la
+condition ci-dessus. Elle a voulu, de son vivant, qu'on lui érigeât ce
+monument où elle repose en paix.»</p>
+
+<p>La société littéraire des Jeux floraux, érigée en Académie par lettres
+patentes de Septembre 1694, a conservé ses vieux usages presque aussi
+religieusement que ses vieux souvenirs. Les revenus de la place <i>de Ia
+Pierre</i>, l'un des immeubles légués à la ville par dame Clémence,
+contribuent encore aux frais de la cérémonie annuelle. L'Académie, après
+avoir suspendu ses séance de 1790 à 1806, les a reprises et continuées
+paisiblement jusqu'à nos jours, et les récompenses qu'elle distribue ne
+sont pas sans influence sur l'état intellectuel du midi.</p>
+
+<p>Le nombre des <i>mainteneurs</i>, fixé à trente-six par les lettres patentes,
+est de quarante depuis un édit de 1725. Le préfet de la Haute-Garonne et
+maire de Toulouse sont <i>académicien né</i>. On compte parmi les membres du
+docte tribunal le baron de Lamothe-Langon, le comte Jules de Rességuier,
+M. Alexandre Soumis (de l'Académie française), et le baron de Montbel,
+ancien ministre. Ceux qui ont obtenu trois prix, autres que le lis,
+peuvent demander à l'Académie des lettres de <i>Maîtres ès jeux floraux.</i>
+MM. Victor Hugo, de Chateaubriand, Babur-Lormian, Bignan, Rebout de
+Nîmes, sont maîtres des jeux floraux. On voit que les sept présidents de
+la <i>gaie compagnie</i> ont d'assez dignes successeurs.</p>
+
+<p>L'Académie a cinq fleurs à distribuer:</p>
+
+<p>1. L'amarante d'or, d'une valeur de 100 fr., prix de l'ode, institué par
+les lettres patentes de 1694;</p>
+
+<p>2. La violette d'argent d'une valeur de 200 fr., prix du poème, de
+l'épître ou du discours en vers;</p>
+
+<p>3. Le souci d'argent, d'une valeur de 200 fr., prix de l'églogue, de
+l'idylle, de l'élégie, ou de la balade;</p>
+
+<p>4. Le lis d'argent, d'une valeur de 60 fr., d'un hymne ou d'un sonnet à
+la <i>Vierge</i> fondé sous Louis XV, par M. Malepèvre;</p>
+
+<p>5. L'églantine d'or, d'une valeur de 150 fr., prix d'un discours dont
+l'Académie donne le sujet.</p>
+
+<p>La cérémonie annuelle a lieu chaque année le 3 mai. Les lettres de 1691
+avaient assigné aux séances la salle du Capitole, appelée le <i>grand
+consistoire</i>; mais un édit de 1773 a ordonné qu'elles se tiendraient
+dans la salle des <i>illustres</i>, où sont rangés les buste des principaux
+personnages dont s'honore Toulouse. Il est d'usage, depuis 1527, que la
+<i>Fête des Fleurs</i> débute par l'éloge de Clémence Isaure, que suit
+immédiatement le rapport du secrétaire perpétuel sur les résultats du
+concours. Cependant une députation de <i>mainteneurs</i> se rend
+processionnellement à l'église de la Daurade, où Clémence Isaure repose
+sous le maître-autel. Les fleurs y sont déposées le matin; le curé les
+bénit et les remet aux commissaires de l'Académie, qui retournent au
+Capitule, en ayant soin de passer par la rue de Clémence Isaure. On
+proclame les vainqueurs; on les invite à faire la lecture de leurs
+ouvrage, et la séance se termine par l'indication du sujet du discours
+pour l'année suivante: <i>ê sempre cosi</i>.</p>
+
+<p>Les pièces couronnées en 1843 sont: <i>Simon de Monfort</i>, ode, par M.
+Jallus; les <i>Enfants de Moncode</i>, poème, par M. Vincent Bataille; la
+<i>Prière des petits enfants</i>, hymne à la Vierge, par M. Lébraly. Six
+autres compositions ont obtenu des <i>fleurs réservées</i> c'est-à-dire des
+prix qui n'avaient pas été adjugés dans les concours précédents: <i>Le
+dévouement</i>, ode par H. Lébraly; les <i>Adieux à Ia Mer</i>, ode, par madame
+Thore; <i>Épître à un centenaire</i>, par M. Magnien; Épître à M. l'abbé L.
+B., par M. Baudin; le <i>Ver luisant</i>, idylle, par M. Granger; <i>le Rêve
+de la Chatelaine</i>, ballade, par M. Rocher.</p>
+
+<p>L'Académie propose, pour le concours de 1844, <i>l'éloge de Dante
+Alighieri</i> A l'oeuvre donc, prosateurs et poètes taillez vos plumes et
+grattez-vous le front. Animez-vous au souvenir des hommes célèbres qui
+ont conquis à diverses époques, les fleurs rémunératrices; Ronsard,
+Baif, Maynard, le président Hainault, La Monnoye, La Motte Houdard,
+Fayard, Marmontel, Mallevoye, Chenedullé, Mollevant, d'Avrigny, Victor
+Hugo!</p>
+
+<p>Quel concours a de plus favorables conditions? Point de sujets donnés,
+sauf ceux du discours en prose et de l'hymne; rien qui gêne l'élan
+poétique, rien qui entrave l'essor de la pensée: il faudrait avoir
+l'imagination bien stérile pour ne pas risquer au moins une ode à cette
+glorieuse loterie des Jeux floraux.</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Les plaisirs des Champs-Elysées.</h2>
+
+<h3>I.</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004c.png"><br><b>Champs-Elysées.--L'attelage de chèvres.</b></p>
+
+<p>Dans quelle catégorie les rangerons-nous? Les plaisirs des
+Champs-Elysées sont-ils forains, champêtres ou urbains? N'aperçois-je
+point les pénates roulants des directeurs de phénomènes? Polichinelle ne
+dresse-t-il point son théâtre nomade entre un Hercule du nord et un lion
+de Némée, bête farouche qui a laissé les poils de sa crinière aux mains
+des gamins de nos quatre-vingt-six département? Décidément nous sommes
+dans une foire. Mais non, regardez là-bas ces joueurs de boules et de
+mail, et, plus loin, cet individu étendu sur l'herbe fraîche à la
+manière de Corydon, et cet autre, qui parcourt lentement les longues
+allées, un volume de vers à la main. Les boules, le mail, un sommeil sur
+l'herbe, la lecture sous les arbres verts, tout cela ne fait-il pas
+naître dans l'imagination des idées champêtres et bucoliques? On se
+croirait à vingt lieues de Paris, si tout à coup le passage d'un omnibus
+ou d'une brillante calèche, le bruit de la foule devant la porte d'un
+théâtre, la présence des sergents de ville et des gardes municipaux ne
+vous tirait brusquement de votre erreur. Foire bruyante, retraite
+silencieuse, rendez-vous du monde élégant, les Champs-Elysées sont tout
+cela à la fois. Ou y trouve tout, même la solitude. Il y a là de quoi
+défrayer tous les âges, tous les états, tous les goûts, l'enfance, la
+jeunesse, l'âge mur, la vieillesse; l'artisan, l'homme de lettres,
+fashionable s'y rencontrent à la fois. Là, viennent se résumer les mille
+variétes de l'existence parisienne; là, s'étalent les notabilités, les
+excentricités, les prodiges, les phénomènes de tous les pays. Nous avons
+vu passer tour à tour sur la chaussée, espèce de voie romaine qui mène à
+l'Arc-de-Triomphe, des Chinois, des Persans, des Arabes, et jusque des
+naturels des Sandwich. Le monde entier traverse perpétuellement au trot
+ou au galop cette longue avenue de Paris. Dites-moi ce qu'on ne fait pas
+et ce qu'on ne voit pas aux Champs-Elysées? On y mange, on y joue, on y
+danse, on y dort. On y voit Moscou en flammes, des chevaux qui valsent,
+des chiens qui font tourner le roi à l'écarté, des géants et des nains,
+et mille autres choses encore dont l'éloquence et les poumons de
+Bilboquet pourraient seuls entreprendre la nomenclature.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Champs-Elysées.--Pesage.</b></p>
+
+<p>Il n'est personne qui n'éprouve de temps en temps le besoin de redevenir
+enfant. Souvent les longs voyages de la pensée ramènent l'homme, de
+circuits en circuits, parmi la verdure et les fleurs des impressions
+premières. On cherche à ressaisir le rêve évanoui de l'enfance. Comme le
+bon Pérégrinus, du conte d'Hoffmann, il est inutile d'attendre la veille
+de la Noël pour satisfaire ce désir. N'achetez pas des bonbons et des
+joujoux, n'allumez pas vos bougies, ne vous enfermez point dans votre
+salon, ne jouissez pas dans la solitude de ces plaisirs rétrospectifs,
+mais prenez le chemin des Champs-Elysées, vous y retrouverez toutes les
+émotions enfantines de votre printemps. Choisissez pour accomplir ce
+pèlerinage une de ces belles journées d'été pendant lesquelles le
+crépuscule, en se prolongeant, fait pour ainsi dire un jour nouveau dans
+le jour; mêlez-tons à tous les jeux, arrêtez-vous devant tous les
+spectacles, écoutez la parade de Pierrot et la chanson du troubadour
+nomade, achetez pour un sou votre avenir renfermé dans une coquille de
+noix, et vous redeviendrez enfant pendant quelques heures. Le souvenir
+rajeunit.</p>
+
+<p>Je suppose que votre première station sera pour Polichinelle: à tout
+seigneur tout honneur. Hélas! s'il faut en croire un de ses plus grands
+admirateurs, Polichinelle, qui avait déjà de si grands défauts, est allé
+en empirant: aujourd'hui il fait parade de sa violence comme d'une
+vertu, il est devenu l'effroi de ses voisins, il a tué les gardiens de
+la paix publique, les soldats, les magistrats, les juges, et bien plus
+que cela, les femmes et les enfants! M. Polichinelle a porté ses défis
+jusqu'au diable qui l'inspirait, mais qui savait le punir, et dont il ne
+reconnaît plus le pouvoir. Polichinelle est odieux!</p>
+
+<p>Qui oserait regarder Polichinelle, après avoir appris que c'est son
+Plutarque, son ami, Charles Nodier enfin, qui a fulminé contre lui cet
+anathème?</p>
+
+<p>Il faut donc reporter votre esprit et vos yeux sur des idées et des
+spectacles plus riants. Entre deux rangs de chaises, s'avance une
+calèche en miniature traînée par des chèvres; le capricieux animal a
+subi enfin le joug de l'homme. Ces chèvres indociles que Virgile aimait
+tant à voir pendantes, <i>pendentes</i> au sommet des roches moussues, posent
+maintenant un pied réglé sur le sable lin des allées. Une petite fille
+blanche et rose s'étale comme une duchesse sur les coussins de la
+voiture; sur le siège, son frère, armé d'un long fouet, tient les rênes
+et fait semblant de guider le fringant attelage. L'automédon de dix ans
+n'ose tourner son regard ni à droite ni à gauche, tant il comprend la
+gravité et les périls de sa mission. Les deux amalthées cheminent
+cependant paisiblement, et se résignent à leur abaissement en songeant
+qu'en amusant des enfants elles sont encore dans leur rôle de nourrices.
+L'équipage enfantin attire à lui toutes les sympathies. Involontairement
+on se souvient de cet autre enfant, qui se promenait ainsi, ses beaux
+cheveux blonds dénoués, sur la terrasse des Tuileries, souriant à la
+foule, et saluant les vieux grenadiers de son père qui lui portaient les
+armes. L'idée du roi de Rome est liée à celle de ces voitures qui furent
+inventées pour lui. Les deux chèvres marchent ordinairement au pas, mais
+quelquefois, à un coup de fouet intempestif du jeune cocher, elles se
+lâchent, s'emportent, et se mettent à cabrioler au milieu de la
+promenade. Il faut alors entendre les cris des mères épouvantées!
+Heureusement le danger n'est jamais considérable; le loueur retient
+d'une main son attelage par les cornes, de l'autre il soutient la
+calèche qui commence à loucher, et les enfants descendent, après avoir
+subi toutes les péripéties d'une chute qui n'a pas eu lieu; les mères se
+remettent de leurs émotions, et le public, qui a fait tout de suite
+cercle autour de l'accident, se retire après s'être donné gratis la
+distraction de voir des chèvres prendre le mors aux dents.</p>
+
+<p>Seuls les enfants du riche peuvent se permettre cette distraction à tant
+l'heure; les autres enfants contemplent de loin la calèche coquette ou
+la suivent d'un pas envieux. Que ne donneraient-ils pas, eux aussi, pour
+s'asseoir sur ces coussins de soie! Quel que soit votre désir de
+redevenir enfant, il n'est pas probable que vous le poussiez jusqu'à
+vouloir vous donner le plaisir de la locomotion par les chèvres. Ce
+plaisir que vous n'osez prendre, procurez-le à un de ces pauvres enfants
+dont le coeur palpite rien qu'en entendant sonner les grelots qui
+pendent au cou des chèvres Plus tard, il se souviendra qu'il a eu aussi
+son jour de fortune, qu'il a guidé des chevaux et roulé carrosse à son
+tour.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>Champs-Elysées.--Dynamomètre.</b></p>
+
+<p>Mais tous les plaisirs des Champs-Elysées ne sont pas destinés à
+l'enfance, il en est qui peuvent piquer la curiosité de l'âge mur. Voici
+d'abord le dynamomètre, invention toute philanthropique, au moyen de
+laquelle l'homme peut faire l'essai de ses forces de la façon la plus
+pacifique, un simple coup de poing, appliqué sur un plastron rembourré,
+devient le témoignage irrécusable de votre vigueur ou de votre
+faiblesse. Le dynamomètre a pris naissance à Tivoli. Dans les premières
+années qui suivirent 1820, les femmes récemment émancipées par les
+romans à la mode, recherchaient toutes les occasions de déployer les
+qualités qui appartiennent à un autre sexe. Le dynamomètre, sans cesse
+entouré d'athlètes féminins, répondait continuellement par zéro à tous
+ces efforts qui n'aboutissaient qu'à rompre la couture fragile de
+quelques gants parfumés. Aujourd'hui les femmes semblent avoir compris
+que le pugilat n'est point de leur domaine, s'il faut s'en fier à l'état
+d'abandon dans lequel elles laissent le dynamomètre des Champs-Elysées,
+qui n'attire plus que les coups de poing distraits des rares amateurs de
+cette boxe innocente.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>Champs-Elysées.--Le physicien.</b></p>
+
+<p>Si vous vous êtes livré par hasard aux fatigues de cette gymnastique,
+asseyez-vous sur ce fauteuil surmonté d'un dais, et placé sur une
+estrade comme un trône oriental. Tout en goûtant les douceurs du repos,
+vous mettrez en pratique la maxime du sage; <i>Connais-toi toi-même.</i> Tout
+à l'heure vous vous rendiez compte de votre force, maintenant vous allez
+connaître votre poids. Le fauteuil sur lequel vous êtes assis est une
+balance. D'une semaine, d'un mois, d'une année à l'autre, vous pouvez
+mesurer les progrès de votre maigreur ou de votre embonpoint, et par
+suite mobilier votre régime. Cette consultation hygiénique coûte cinq
+centimes, et elle en vaut bien une autre.</p>
+
+<p>Maintenant la science nous réclame. Les secrets de la physique vont nous
+être dévoilés par un profiteur en plein vent. Les auditeurs sont
+nombreux, les appareils déployés sur une grande table. La machine
+électrique fonctionne; pour un sou on se fait électriser, on assiste à
+la formation de la foudre, les phénomènes de l'électricité n'ont plus de
+secret pour personne, la bouteille de Leyde éclate pour tout le monde.
+Qui voudrait pour la bagatelle de cinq centimes refuser de se donner
+l'innocente frayeur de l'étincelle électrique? Ce cours de physique
+ambulant est aussi suivi que ceux de la Sorbonne et du Collège de France.
+Tout ce qui est mystérieux intéresse vivement les masses; aussi la
+physique serait-elle sans rivale dans l'empressement de la foule, si la
+musique n'existait pas.</p>
+
+<p>Autrefois les chanteurs nomades pullulaient, pour ainsi dire, dans
+Paris; pas de rue, pas de place publique, pas de carrefour qui ne
+retentit des accents de ces bohémiens de l'art. La poésie populaire
+avait en eux d'infatigables interprètes. Malheureusement ils ne se sont
+pas contentés de chanter les refrains inspirés par la muse familière,
+ils ont voulu aborder la cavatine, le nocturne, la romance et même le
+<i>lied</i>. Leur ambition les a perdus. Chassés des cafés, des restaurants,
+sous prétexte qu'ils offensaient l'oreille délicate des habitués, à
+peine si les lointains établissements du faubourg Saint-Jacques et du
+quartier latin leur offrent encore de temps en temps une hospitalité
+humiliante et pleine de périls. Nulle part ils ne sont reçus, les
+malheureux ne sont que tolérés; de n'est plus avec l'audace triomphante
+des anciens jours qu'ils se présentent avec leur guitare fêlée et leur
+redingote en lambeaux. Leur air est modeste, et leur allure timide. Ils
+ne chantent pas, ils fredonnent.</p>
+
+<p>Pauvres chanteurs ambulants, rapsodes du pauvre, chaque jour voit
+disparaître une de vos illustrations. Ce n'est pas l'âge, ce n'est pas
+la misère, ce n'est pas l'indifférence populaire qui cause votre perte,
+c'est l'avidité barbare de ceux qui exploitent les oeuvres de la pensée.
+Il y a un au à peine nous avons vu traîner sur les bancs de la police
+correctionnelle ce doyen des chanteurs en plein vent, ce représentant de
+la gaie science, ce troubadour en haillons, ce fameux musicien qui, tour
+à tour basse ou baryton, ténor grave ou doux, a charmé les échos de tous
+les carrefours, de toutes les barrières, de tous les villages, de tous
+les hameaux, ce père Aubert enfin dont la réputation est universelle.
+Quel crime, direz-vous, avait donc pu commettre le père Aubert?</p>
+
+<p>Sa voix chevrotante l'aurait-elle trahi? l'obole du peuple aurait-elle
+cessé de remplir son escarcelle? Chaste poésie, voile ta face, muse,
+remonte au cieux! Le père Aubert aurait-il mendié?</p>
+
+<p>Rassurez-vous le père Aubert n'est ni un mendiant ni un vagabond. Ou
+l'accuse d'avoir violé les lois sur la propriété littéraire.</p>
+
+<p>Les éditeurs patentés prétendent qu'en vendant leurs chansons aux
+ouvriers, aux bonnes d'enfants, aux paysans, aux grisettes, le père
+Aubert nuit essentiellement à la vente, et leur avocat conclut à 500
+francs de domages-intérêts contre le délinquant. Où diable le père
+Aubert aurait-il pu prendre 500 francs?</p>
+
+<p>Le tribunal a eu pitié de la musique nomade. Euterpe n'a été condamnée
+qu'à 25 francs d'amende. Le père Aubert laissera plus d'une brillante
+recette aux buissons du fisc, si le fisc parvient jamais à l'attraper:
+car qui pourrait dire où est le père Albert? Peut-être chante-t-il la
+<i>Marseillaise</i> dans les villages des frontières, peut-être dort-il au
+bord de quelque fossé du sommeil du juste et du ménestrel, ou bien
+encore charme-t-il de la Champagne avec les refrains de la grâce de
+Dieu. Ses petits cahiers se vendent à foison, les sous pleuvent autour
+de lui. Père Aubert, vous êtes heureux, vous recommencez la ritournelle,
+vous mettez une chanterelle neuve à votre violon, tremblez, malheureux
+troubadour, un huissier vous guette et va saisir votre recette parce que
+vous vous êtes permis de chanter <i>Cinq sous! cinq sous!</i> sans la
+permission d'un éditeur.</p>
+
+<p>Cette jurisprudence éloigne de Paris tous les chanteurs ambulants. Ils
+ne veulent pas s'exposer aux dangers de faire la contrebande lyrique.
+Voilà donc une nouvelle puissance qu'on enlève au peuple. Chassé des
+théâtres par la cherté des places il avait les chanteurs nomades, les
+trouvères de l'atelier, on les lui enlève; il ne lui reste plus que les
+joueurs d'orgue. Nous nous attendons un de ces jours à voir une
+coalition d'éditeurs réclamer 1000 francs de dommages-intérêts à des
+montreurs de singes sous prétexte qu'il font voir leurs animaux sur des
+airs de Meyerbeer ou de Loïsa Pujet.</p>
+
+<p>En attendant cette recrudescence de persécution, la musique
+instrumentale triomphe. Le violon, la basse, la clarinette, retentissent
+aux Champs-Elysées, bien plus que la voix humaine. L'orchestre a tué les
+choeurs. C'est à peine si de loin en loin on entend une basse ou un
+soprano modulant <i>le feu de Tolède</i> ou <i>Adieu, mon beau navire</i>. Plus de
+sûreté d'intonation, plus d'audace dans les fioritures, plus de liberté
+dans le point d'orgue. Et comment le virtuose pourrait-il donner un
+libre essor à ses inspirations, quand il lui faut tendre l'oreille, non
+pas à la mesure, mais au pas d'un huissier qui les guette au milieu de
+leurs roulades, et attend le moment de les surprendre en flagrant délit
+de contrefaçon?</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006b.png"><br> <b>Champs-Elysées.--Les chanteurs ambulants.</b></p>
+
+<p>Cette première excursion aux Champs-Elysées ne serait pas complète si
+nous ne jetions un rapide coup d'oeil sur la gastronomie locale. Nous ne
+parlerons pas des pommes de terre frites dont la renommée est reconnue
+dans le monde entier, nous laisserons les détails de côté, ce sujet nous
+entraînerait trop loin. Entrons dans le restaurant Ledoyen, non point
+pour y commenter la carte, mais pour y évoquer les souvenirs de notre
+histoire. Nous sommes dans un restaurant politique. C'est ici que tous
+les ministères tombés viennent oublier leur chute le verre à la main
+Nous ne savons ce qui a valu à Ledoyen l'insigne et difficile honneur de
+consoler les estomacs déchus du ministère. Que de secrets renfermés dans
+ce cabinet particulier, qui a vu passer tour à tour MM. de Villèle, de
+Martignac, Molé, Thiers, et bien d'autres encore dont le nom n'est pas
+moins illustre! Que de confidences échangées entre la poire et le
+fromage! Que de fois les ministres déchus auraient pu en sortant de chez
+Ledoyen se donner le plaisir de commander la carte de leurs successeurs!</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007.png"><br><b>Champs-Elysées.--Restaurant Ledoyen.</b></p>
+
+<p>La nuit est venue. Renvoyez votre promenade à demain, à moins que vous
+ne préfériez courir la bague ou tourbillonner en carrousel, si vous êtes
+assez heureux pour que les révélations de la balance publique ne vous
+aient point interdit ces jeux.</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Académie des sciences</h2>
+
+<h4>COMPTE-RENDU DES TRAVAUX DU PREMIER TRIMESTRE DE 1843.</h4>
+
+<p class="mid">(Suite.--Voir page 217.)</p>
+<br>
+
+<h3>II.--Zoologie.</h3>
+
+<p><i>Animaux phosphorescents</i>.--M. de Quatrefages a continué ses recherches
+sur l'anatomie des animaux inférieurs qui habit eut les côtes de la
+France. Ses études sur la phosphorescence de quelques-uns d'entre eux
+l'ont conduit aux conclurions suivantes: 1º Il y a chez ces animaux
+production de lumière sous forme d'étincelles dans l'intérieur du corps
+à l'abri du contait de l'air; 2º cette production de lumière est
+indépendante de toute sécrétion matérielle; 3º elle se rapproche sous ce
+point de vue de la sécrétion de lumière observée chez plusieurs
+poissons; 4º cette lumière se montre uniquement dans le tissu musculaire
+et au moment de la contraction; 5º la production de cette lumière épuise
+rapidement l'animal. Ces observations sont intéressantes en ce qu'elles
+tendent à lier deux ordres de phénomènes dont l'analogie n'avait été
+qu'entrevue auparavant: savoir la phosphorescence et l'électricité
+animales.</p>
+
+<p><i>Foie des insectes.</i>-M. L. Dufour, l'un des plus habiles entomologistes
+dont s'honore la France, a fait une étude approfondie de la structure et
+des fonctions du foie dans les insectes. On avait cru que dans ces
+animaux cet organe sécrétait à la fois la bile et l'urine; mais il a
+prouvé qu'on s'était laissé abuser par des apparences, et que dans ces
+animaux comme dans l'homme le foie sécrète seulement de la bile. Ces
+recherches sont d'autant plus intéressantes que les fonctions du foie
+étant encore mal connues, ou s'était élevé de cette double fonction chez
+les insectes pour établir entre la sécrétion de la bile et celle de
+l'urine une analogie qui n'exista pas.</p>
+
+<p><i>Lézard d'Afrique.</i>-H. Guyon a découvert à Alger l'animal connu des
+Romains sous le nom de <i>Jaculus</i> et à la côte Barbaresque sous celui de
+Zureig, qui exprime la même idée. Cet animal avait été entrevu par
+Desfontaines, qui raconte qu'il le vit courir avec une rapidité telle
+qu'il ne put s'en faire une image exacte; il le prit pour un serpent. M.
+Guyon vient de constater qu'il appartient à l'ordre des sauriens
+(lézards), et au genre <i>seps</i>. Sa course est d'une rapidité dont rien ne
+saurait donner l'idée.</p>
+
+<h3>III.--MÉTÉOROLOGIE.</h3>
+
+<p><i>Incendies allumés par des aréolithes</i>.--Lorsque des granges ou des
+meules de blé sont consumées par le feu, il arrive quelquefois que les
+recherches les plus minutieuses ne peuvent faire découvrir l'origine de
+l'incendie, que l'on attribue en général à la malveillance. Le juge de
+paix de Moutierender a remarqué que ces incendies commençaient toujours
+dans les combles et les bâtiments où il n'y a point de foyer. En
+comparant les circonstances qui ont accompagné quatre incendies dans le
+voisinage du lieu qu'il habile, ce magistrat fait voir que les incendies
+ont été accompagnés ou précédés de chutes de globes de feu, qui ne sont
+rien autre chose que des aréolithes, ou étoiles filantes en ignition.
+Ainsi, le 18 novembre 1842, à onze heures du soir, une jeune fille
+entrant dans sa chambre, ayant jour sur un jardin clos, vit une forte
+lueur passer et frapper les vitres de sa fenêtre. Elle pensa que
+quelqu'un traversait le jardin, portant un falot ou une chandelle
+allumée; ayant ouvert la fenêtre, elle ne vit plus rien et n'entendit
+personne. Le lendemain à deux heures du matin, le grenier de cette
+chambre et ceux de quatre maisons étaient enflammés avant qu'aucun
+secours eût pu être porté. Dans les premiers jours de décembre, entre
+cinq et six heures du matin, on vit un globe lumineux jetant une si
+grande lumière que plusieurs personnes sortirent de la maison. Suivant
+le rapport de plusieurs individus, ce globe alla descendre dans une
+forêt. L'auteur de la lettre cite encore d'autres exemples qui ne sont
+pas moins probables. M. Arago accepte pleinement cette explication, qui
+doit être connue des magistrats, afin que on ne cherche pas de coupable
+là où il n'y en a point.</p>
+
+<h3>IV.--SCIENCES PHYSIQUES ET CHIMIQUES.</h3>
+
+<p><i>Nouvel acide du soufre.</i>--La découverte de ce composé est la plus
+intéressante dont l'Académie ait eu à s'occuper. MM. Furdos et Gélis,
+en examinant avec soin l'action de l'iode sur les hyposulfites et plus
+particulièrement sur ceux de soude et de baryte, ont reconnu ce nouvel
+acide, qui peut être appelé acide hyposulfurique bisulfuré. Il est
+incolore et sans odeur, d'une saveur acide très prononcée, il n'a que
+peu de stabilité, et même, à la température ordinaire, ses éléments
+subissent peu à peu une dissociation de laquelle résulte du soufre, de
+l'acide sulfureux et de l'acide sulfurique. La série des combinaisons
+oxygénées du soufre, à laquelle M. Langlois a ajouté, il y a deux ans,
+l'acide hyposulfurique, vient donc de s'accroître d'un nouveau composé
+qui est aujourd'hui le sixième connu. Le rapport de M. Pelouze, sur le
+travail de MM. Fordos et Gélis, a été très favorable: «L'Académie,
+a-t-il dit, voudra encourager les efforts de deux jeunes chimistes qui,
+dans une position modeste, cultivent les sciences avec tant d'ardeur et
+de succès.»</p>
+
+<p><i>Chimie moléculaire</i>-M. Pelouze avait lu un mémoire sur l'acide
+hypochloreux, suivi de quelques observations sur les mêmes corps
+considérés à l'état amorphe et à l'état cristallisé. Cet académicien
+avait conclu de ses expériences qu'il était important d'établir une
+distinction, même au point de vue purement chimique, entre des corps qui
+ne diffèrent que par un état particulier d'agrégation, tels que l'oxyde
+de mercure précipité d'une dissolution mercurielle, et l'oxyde obtenu
+par la calcination du nitrate, ou encore la craie et le spath d'Islande.
+M. Gay-Lussac, «tout en s'associant pleinement aux éloges que mérite la
+première partie du mémoire de M. Pelouze,» a critiqué les conclusions de
+la seconde partie. Il a donné le détail de nouvelles expériences
+desquelles il semble bien résulter que l'on ne saurait voir dans la
+différence d'action du chlore, sur les deux oxydes de mercure, autre
+chose que l'effet d'une cause purement mécanique. Il a rappelé aussi
+que MM. Dumas et Stas ont fait brûler le diamant dans l'oxygène plus
+facilement que l'anthracite et aussi bien que le carbone ordinaire.</p>
+
+<p><i>Chimie appliquée.</i>--Depuis longtemps M. Biot poursuit ses travaux si
+remarquables sur la polarisation circulaire et sur l'application des
+propriétés optiques à l'analyse chimique des mélanges liquides ou
+solides dans lesquels le sucre de canne cristallisable est associé à des
+sucres incristallisables. On comprend de suite toute l'importance des
+procédés de ce genre pour prévenir des fraudes commerciales trop
+fréquentes. On sait en effet que les sirops de sucre et les cassonades
+sont souvent falsifiés à l'aide de sucre de fécule ou de raisin
+(glucose), dont le prix est moindre et dont la composition chimique est
+aussi différente. On sait d'ailleurs que l'action de la chaleur
+détermine, dans les solutions de sucre de canne, la formation d'une
+quantité de mélasse ou de sucre incristallisable d'autant plus
+considérable que cette action est prolongée plus longtemps. Ou pourra
+donc également se servir des procédés optiques de M. Biot pour mesurer
+les proportions de sucre de canne cristallisable qui restent dans les
+mélasses, en décolorant par le charbon animal les solutions que l'on en
+formerait. Quelques essais de ce genre, tentés sur des mélasses des
+colonies provenant des raffineries les mieux dirigées, y ont fait
+découvrir au savant académicien des proportions de sucre cristallisable
+très considérables, qui se sont élevées à plus de 40 p. 100 de leur
+poids. Des expériences directes de M. Pelouze ont confirmé ces résultats
+de M. Biot. «Ce serait un beau problème commercial à résoudre que
+d'extraire des mélasses, par quelque procédé économique, une partie,
+sinon la totalité, de ce sucre cristallisable qu'elles renferment pour
+employer le reste, avec les portions incristallisables, à enrichir les
+sucres de fécule fabriqués par les acides.»</p>
+
+<p><i>Photographie.</i>--M. Moeser, physicien de Koenisberg, paraît être le
+premier qui ait signalé un nouveau genre d'images produites sous
+l'influence de la lumière, sur une surface polie, par un corps placé
+très près de cette surface. Les images de ce genre se forment sur un
+verre de montre placé bien près du cadran, sur les verres placés au
+devant des gravures encadrées, etc.. M. Moeser attribue ce curieux
+phénomène à des radiations lumineuses; M. Knoor de Kazan y voit
+l'influence de la chaleur, et donne le nom de <i>thermographie</i> à l'art
+nouveau qu'il veut créer. M. Fixeau rattache tout simplement la
+formation des images de Moeser à l'existence bien constatée des matières
+grasses et volatiles qui souillent la plupart des corps à leur surface.
+Enfin, en plaçant une médaille sur une plaque de verre au-dessous de
+laquelle se trouve une plaque métallique, M. Karsten (le fils du
+minéralogiste) a reconnu qu'il se forme une image sur la surface
+supérieure du verre, lorsqu'on fait tomber l'étincelle d'une machine
+électrique sur la médaille. Si la médaille repose sur plusieurs plaques
+de verre, et que la dernière soit en contact avec une plaque de métal,
+l'étincelle engendre des images sur toutes les plaques, mais seulement à
+leurs surfaces supérieures. Les images les plus faibles correspondent
+aux plaques les plus éloignées de la médaille. L'étincelle est
+nécessaire; M. Karsten n'a pas réussi avec l'électricité de la pile: les
+images, d'ailleurs, ne deviennent visibles qu'en les exposant à une
+vapeur; mais le souffle le plus léger suffit. La vapeur d'eau se dépose
+en gouttelettes sur toutes les parties dont l'état moléculaire a changé,
+tandis qu'elle se répand uniformément là où l'électricité n'a pas
+sensiblement altéré la plaque. L'effet est instantané et les dessins de
+la plus grande pureté.</p>
+
+<p>Peu de temps après le vote de la loi qui accordait une récompense
+nationale à MM. Daguerre et Niepce, M. Arago avait indiqué une
+expérience très curieuse à faire au moyen du daguerréotype. M. Ed.
+Becquerel, répondant à ce appel, projeta un spectre solaire et
+stationnaire sur une plaque iodurée; et il reconnut, après l'expérience,
+que la matière chimique était restée intacte le long des stries qui
+correspondaient précisément aux raies que Frauenhofer a découvertes dans
+le spectre. Sur une nouvelle indication de M. Arago, M. Ed. Becquerel a
+renouvelé l'expérience en plongeant la plaque iodurée par moitié dans
+l'eau et dans l'air, et il a constaté qu'il n'y a aucune différence bien
+sensible entre les deux moitiés de l'image du spectre sur cette plaque.
+M Arago a donné à ce sujet des développements très curieux et propres à
+avancer la théorie de la lumière.</p>
+
+<p>M. Daguerre a communiquée l'Académie, entre autres observations
+curieuses ou utiles sur l'art qu'on lui doit, un nouveau procédé de
+polissage des plaques. Au moyen de ce procédé, on obtient des résultats
+identiques tant que les circonstances extérieures restent les mêmes.</p>
+
+<p><i>Physique expérimentale.</i>--L'Académie a reçu un assez grand nombre de
+communications intéressantes qui se rattachent à ce titre,</p>
+
+<p>M. Dupré a imaginé un appareil très simple et très ingénieux pour
+remplacer la machine d'Atwood, employée exclusivement jusqu'à ce jour,
+dans les cours publics, à la démonstration <i>à posteriori</i>, des lois de
+la pesanteur.</p>
+
+<p>M. Mateucci, qui s'est livré spécialement depuis quelques années à
+l'étude des phénomènes électro-physiologiques des animaux, a fait, sur
+ce point important, des découvertes fort curieuses. D'abord, il a réussi
+à composer une véritable pile voltaïque avec des Grenouilles disposées
+de telle sorte, que les jambes de l'une posent sur les nerfs de l'autre;
+et il a constaté avec le galvanomètre que le courant propre de cet
+animal augmente dans l'acte de la contraction. Bien plus, il a reconnu
+le courant électrique musculaire dans toutes les masses musculaires,
+quel que soit l'animal. Ce courant est considérablement affaibli chez
+les animaux qui ont été tués par l'hydrogène sulfuré; il l'est aussi par
+l'influence du refroidissement et par celle de l'opium ingéré dans
+l'estomac.</p>
+
+<p>L'opinion que l'huile répandue à la surface des flots peut produire du
+calme est fort ancienne. Elle a été reproduite récemment par M. Van
+Beek, qui a rédigé à ce sujet un mémoire inséré dans les <i>Annales de
+chimie et de physique</i> du mois de mars 1842. Après avoir rapporté
+plusieurs témoignages à l'appui de cette propriété merveilleuse,
+l'auteur émet l'idée que l'on pourrait trouver dans l'emploi de l'huile,
+pendant les tempêtes, un moyen de protéger les digues et autres
+constructions maritimes contre la violence des vagues, en la versant sur
+l'eau près du rivage. M. Van Beek qui est membre de l'Institut naval des
+Pays-Bas, a même fait, l'année dernière, à cette société savante, une
+proposition tendant à obtenir du gouvernement qu'il fît exécuter des
+expériences à ce sujet. Une commission de cinq membres nommée <i>ad hoc</i> a
+fait un seul essai duquel elle a tiré des conclusions défavorable à
+l'idée de M. Van Beek. Cependant deux des commissaires avaient fait
+séparément une expérience en versant une petite quantité d'huile dans un
+ruisseau, un jour où le vent soufflait avec violence, et ils observèrent
+un changement dans l'aspect et dans le mouvement de l'eau. Un autre
+membre de la commission avait obtenu ce même résultat dans une
+expérience semblable. Aussi M. Lipkens l'un des commissaires, a-t-il
+écrit à M. Arago pour réclamer contre la manière dont ses collègues ont
+opéré en son absence. Il a fait ressortir la nécessité d'opérer sur de
+flots soulevés par le vent et non par des brisants, et a montré que le
+jugement de la commission hollandaise ne pouvait être considéré comme
+décisif.</p>
+
+<p>--M. Régnault a présenté à l'Académie, de la part de M. Reizet, une pile
+d'une construction nouvelle, remarquable par ses effets énergiques.
+Cette pile, imaginée par M. Bunsen, professeur de chimie à l'université
+de Marbourg, est formée de quarante éléments, occupe très peu d'espace
+et suffit pour produire tous les effets qu'on n'obtient ordinairement
+qu'avec un nombre d'éléments beaucoup plus considérable. L'Académie a pu
+en juger par les expériences qui ont été faites sous ses yeux.--M.
+Bunsen a fait des essais relatifs à un mode d'éclairage produit par un
+jet de lumière du courant entre deux pointes de charbon. Il s'est pour
+cela servi d'une batterie de quarante-huit couples. Le jet de lumière,
+en éloignant les pointes de charbon, pouvait être allongé jusqu'à 7
+millimètres. M. Bunsen évalue l'intensité de cette lumière à celle de
+572 bougies stéariques. La dépense, pour entretenir cette lumière
+pendant une heure, était: pour le zinc, 300 grammes, pour l'acide
+Sulfurique, 456 grammes, et pour l'acide nitrique, 608 grammes.</p>
+<br><br>
+
+
+<h2>Le mois de mai.</h2>
+
+<p>Le mois de mai 1843 a eu à supporter les imputations les plus graves et
+on l'a accusé d'être plus froid, plus humide, plus variable, plus
+maussade que tous ses prédécesseurs. Les jardiniers, les promeneurs, les
+poètes, les fleuristes, les tailleurs, les couturières l'ont accablé
+d'imprécations. Voyons si ces accusations sont fondées. Plus heureux que
+les magistrats, forcés d'écouter des avocats, vous n'aurez pas, ô
+lecteur! de plaidoyer à subir, vous n'aurez point à peser en vous-même
+la valeur douteuse d'un argument et démêler la vérité au milieu des
+sophismes dont on cherche à l'obscurcir: tout se réduit à une question
+de chiffres. Un mois de mai froid, c'est celui où la température moyenne
+a été au-dessous de la température moyenne générale du mois de mai,
+considéré dans un grand nombre d'années Or, la température moyenne du
+mois de mai, déduite de quarante années d'observations métérologique
+faites à l'Observatoire de Paris, est de 14°, 4. Le mois de mai 1843 a
+donc été un mois froid, puisque sa température (13º, 6) est au-dessous
+de la moyenne générale. Cette température a-t-elle été
+extraordinairement basse? En aucune manière: il suffit, pour s'en
+convaincre de jeter les yeux sur le tableau suivant, qui présente la
+température moyenne et la quantité d'eau tombée pendant les mois de mai
+des vingt-trois années qui viennent de s'écouler.</p>
+
+<pre>
+ Années Température Quantité de pluie
+ moyenne. centimètres.
+
+ 1820 14,1 9,106
+ 1821 12,1 4,610
+ 1822 16,7 4,605
+ 1823 15,2 5,430
+ 1824 12,6 7,596
+ 1825 14,2 6,436
+ 1826 12,6 4,470
+ 1827 14,6 11,620
+ 1828 13,1 6,490
+ 1829 14,9 9,030
+ 1830 14,6 12,340
+ 1831 14,2 6,420
+ 1832 13,2 5,428
+ 1833 17,7 2,305
+ 1834 18,2 4,380
+ 1835 13,8 4,955
+ 1836 12,4 2,624
+ 1837 11,0 7,921
+ 1838 14,2 4,704
+ 1839 13,6 3,382
+ 1840 15,1 3.381
+ 1841 17,3 4,606
+ 1842 14,5 2,415
+</pre>
+
+<p>Depuis vingt-trois ans, il y a donc eu six mois de mai plus froids que
+celui de 1843: ce sont ceux des années de 1821, 1824, 1826, 1832, 1836,
+1837, et un aussi froid, celui de 1839. Ainsi donc le mois de mai qui
+vient de s'écouler n'est point extraordinaire sous le point de vue de la
+température; seulement sa moyenne est de 0º, 8 au-dessous de la moyenne
+générale.</p>
+
+<p>A-t-il été plus pluvieux qu'il ne l'est habituellement à Paris? Ici
+encore la statistique nous montre qu'il y a eu, depuis 1820 huit années
+dans lesquelles la quantité d'eau tombée est supérieure à celle de 1843,
+et nous voyons qu'il en est deux (1827 et 1830) où elle a été presque
+double.</p>
+
+<p>En grand coupable qui comparait devant un tribunal après des gens
+accusés de peccadilles inspire beaucoup plus d'horreur que s'il venait
+précédé de scélérats qui ont fait pire que lui. En général, le jugement
+sera plus sévère; c'est ce qui est arrivé au mois de mai 1843, dont nous
+instruisons le procès en ce moment. En 1840, 1841 et 1842, la
+température avait été supérieure à la moyenne et la quantité de pluie
+peu considérable, surtout en 1840 et 1842. Il en est résulté pour le
+mois de mai passé un effet de contraste tout à son désavantage et dont
+il a été la victime.</p>
+
+<p>En résumé, on ne le citera jamais parmi les mois qui tendent à
+réhabiliter sa vieille réputation en réalisant les fictions des poètes;
+mais ce n'est pas non plus un de ces mois qui bouleversent les notions
+astronomiques du tranquille citadin, et réveillent dans son esprit des
+idées mal effacées sur le refroidissement du globe ou un changement dans
+l'inclinaison de l'équateur sur l'écliptique. C'est un mois de mai un
+peu au-dessous du médiocre de médiocre et ici exactement égal à 14º, 4,
+parfaitement en harmonie avec tout ce qui se fait aujourd'hui, <i>Lucrèce</i>
+et <i>l'Illustration</i> exceptés.</p>
+
+<h3>OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.</h3>
+
+<h4>FAITES À L'OBSERVATOIRE DE PARIS</h4>
+
+<p class="mid">1843.--MAI.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br>
+
+<pre>
+1 757,19 11,0 21,9 16,0 Nuageux. S. S. E.
+2 753,01 9,0 22,1 15,0 Beau, quelques nuages. E. N. E.
+3 754,63 8,0 21,9 14,4 Orages, tonnerre,
+ faible pluie. N.
+4 754,01 8,9 19,0 15,0 Assez beau. S. O.
+5 752,31 7,7 21,1 15,9 Nuageux. S. O.
+6 748,31 11,5 21,0 15,9 Couvert, pluie. O. fort
+7 748,26 6,6 17,8 11,7 Couvert. S. S. E.
+8 745,00 5,5 13,9 9,4 Très nuageux. N. O.
+9 749,74 4,5 11,9 7,9 Couvert. S. O.
+10 756,31 4,3 16,2 9,8 Nuageux. S. O.
+11 760,96 8,9 19,9 13,9 Très nuageux. N. E.
+12 762,00 7,5 20,2 15,3 Couvert. S. O.
+13 758,60 12,0 17,8 13,2 Couvert. O. N. O.
+14 751,87 7,0 21,0 15,4 Couvert. S. S. E.
+15 749,80 10,0 19,8 14,5 Couvert. O. N. O.
+16 745,20 8,2 16,0 11,8 Pluie. S. O. fort.
+17 746,17 6,0 16,0 10,6 Couvert. O. S. O.
+18 750,33 8,5 15,3 11,6 Couvert. N. N. O.
+19 754,90 8,3 15,1 11,4 Couvert. O. N. O.
+20 752,36 9,8 25,0 15,9 Très nuageux. E.
+21 751,48 11,0 19,0 14,7 Couvert. S. O.
+22 752,24 10,8 18,8 14,5 Couvert. O. S. O.
+23 748,68 11,0 22,8 16,4 Couvert. S. E.
+24 746,74 13,3 19,0 15,9 Couvert. S. S. E.
+25 749,92 15,1 20,8 17,7 Nuageux O.
+26 754,62 10,4 17,8 13,6 Couvert. S. E. assez fort.
+27 750,28 12,0 19,2 15,3 Couvert. S. O.
+28 750,28 11,0 17,3 13,9 Couvert. O. S. O
+29 757,24 10,3 18,0 13,8 Couvert, pluie. O. fort.
+30 760,98 8,1 17,8 12,6 Couvert O. N. O. faible
+31 757,75 12,0 20,8 16,0 Couvert S. S. O.
+
+ 752,63 9,3 18,8 13,6 (Moyenne)
+
+Pluie dans la cour, 8 cent. 355
+Pl. sur la terrasse, 5 cent. 930.
+</pre>
+
+<br><br>
+
+<h2>De la galvanographie.</h2>
+
+<p>Il y a déjà quelques années qu'un savant anglais, M. Thomas Spencer, de
+Liverpool, en étudiant l'action réductive exercée par les courants
+galvaniques sur les métaux dissous, découvrit que le cuivre ainsi
+revivifié de ses dissolutions dans les acides possédait la propriété de
+mouler la surface métallique sur laquelle on le précipitait, avec une
+exactitude telle, que les moindres modifications de cette surface, les
+stries du poli et jusqu'aux accidents de coloration, étaient reproduits
+avec la plus merveilleuse fidélité. En donnant la publicité à cette
+curieuse découverte, M. Spencer indiqua les principales applications qui
+en pourraient être faites aux arts plastiques et à l'industrie; et il
+fit voir comment, en envisageant un dessin comme une surface présentant
+à la fois des saillies et des dépressions, on pourrait arrivera
+transformer directement, et sans aucun recours au burin, le travail du
+dessinateur en une planche en cuivre gravée soit en relief soit en
+creux.</p>
+
+<p>Quelque temps après, M. Jacobi de Saint-Pétersbourg, fut également
+conduit à découvrir cette curieuse propriété plastique du cuivre réduit
+par courant galvanique; et il donna au public connaissance de sa
+découverte, d'abord dans une lettre adressée à Michael Faraday et
+publiée par celui-ci dans le <i>Philadelphia Magazine</i> (septembre 1839),
+puis dans une série de lettres écrites au prince de Démidoff, et qui
+parurent en 1840 dans le journal <i>'Artiste.</i> C'est depuis cette époque
+surtout que de nombreuses tentatives ont été faites pour résoudre le
+problème indiqué par M Spencer, tentatives qui n'ont point encore obtenu
+un plein succès, mais dont les résultats déjà acquis permettent
+d'affirmer que, dans un avenir qui n'est pas éloigné, le travail du
+graveur pourra être entièrement supprimé, et l'oeuvre du dessinateur
+pourra être placée, par une simple opération chimique, dans des
+conditions qui en permettront la reproduction indéfinie.</p>
+
+<p>La reproduction d'une oeuvre d'art ou d'un signe graphique quelconque
+par la voie de l'impression est aujourd'hui effectuée à l'aide de trois
+procédés différents, dont nous devons indiquer les caractères
+distinctifs: l'impression typographique, l'impression en taille douce et
+l'impression lithographique. Ces trois procédés exigent également que
+l'oeuvre à reproduire soit tracée sur une surface résistante et dont la
+planimétrie soit parfaite, c'est là leur caractère commun: ils diffèrent
+en ce que, dans le premier procédé, le trait ou la ligne qui doit
+marquer fait saillie au-dessus du plan de la surface; dans le second il
+est au contraire déprimé au dessous de ce plan, et dans le troisième, il
+est contenu dans le plan, et n'est représenté que par un état
+particulier de la surface elle-même. Ces trois artifices ont le même
+but; celui de permettre que l'encre d'impression, distribuée sur ces
+surfaces à l'aide d'un tampon ou d'un rouleau, aille s'arrêter ou
+s'accumuler en quantités rigoureusement déterminées sur certaines
+portions de la surface seulement, de telle sorte que ces portions-là
+seules puissent donner épreuve en transmettant sous le foulage de la
+presse, à la feuille encore humide de papier, les portions d'encre
+qu'elles ont reçues.</p>
+
+<p>Dans l'impression typographique les lignes à reproduire font saillie sur
+le plan métallique mobile que l'on appelle la forme. Un rouleau
+cylindrique, formé d'une pâte molle et élastique, et dont la surface
+lisse et unie est revêtue d'une mince couche d'une encre épaisse et
+grasse, effleure rapidement les lignes en saillie, laissant sur chacune
+d'elles une portion de son encre sans atteindre les fonds ou le
+intervalles qui les séparent, la quantité d'encre que reçoit chacune
+d'elles étant proportionnelle à sa largeur et à sa hauteur absolue
+au-dessus du plan de la forme. Alors un plateau métallique parfaitement
+plan et parfaitement parallèle aussi à la surface de la forme, s'abaisse
+sur celle-ci, et comprime sur les saillies noircies d'encre la feuille
+de papier qui en doit recevoir l'empreinte et dans laquelle elles
+s'impriment. Avec les dispositions mécaniques que l'on possède
+aujourd'hui, l'opération tout entière s'exécute en moins de cinq
+secondes.</p>
+
+<p>Dans l'impression en taille-douce, au contraire, les lignes à reproduire
+sont entaillées plus ou moins profondément dans une planche métallique
+d'acier, de cuivre ou d'étain. L'encre d'impression, distribuée d'abord
+grossièrement sur toute la surface de la planche, est ensuite ramenée
+avec soin dans toutes les tailles, et enlevée avec plus de soin encore
+de toutes les parties qui doivent venir blanches à l'épreuve; puis la
+planche de métal et la feuille de papier passent toutes deux entre deux
+cylindres de fonte, et, sous l'écrasement d'une pression énorme, le
+papier pénètre jusqu'au fond des tailles, et s'y imprègne de l'encre que
+la main de l'imprimeur y a laissée. L'impression en taille-douce est, à
+vrai dire, un procédé de moulage, et la pile du papier humide est une
+matière plastique qui donne la contre épreuve en relief du moule en
+creux, la planche gravée.</p>
+
+<p>Les procédés de l'impression lithographique reposent sur une tout autre
+donnée: c'est la propriété, commune à toutes les surfaces polies de se
+comporter d'une façon toute spéciale suivant qu'elles ont été
+primitivement souillées par un corps gras ou un liquide aqueux, par
+l'huile, par exemple, ou par l'eau. Il n'est personne peut-être qui
+n'ait remarqué que certaines surfaces polies à un haut degré, celles des
+bois vernis, de la glace, du marbre, et plus spécialement encore toutes
+les surfaces métalliques parfaitement nettes et brillantes, ne se
+mouillent pas d'ordinaire au contact de l'eau. Ce contact a beau être
+prolongé, on a beau lasser sa plieuse à étaler le liquide dans l'espoir
+d'en former une pellicule uniformément étendue sur toute la surface
+polie, il semblerait que celle-ci exerce sur le liquide une sorte
+d'action répulsive, et qu'elle le contraint à se retirer sur lui-même en
+gouttelettes sphéridales qui ne conservent avec cette surface que les
+rapports les plus limités possibles. Si maintenant, sur une surface
+polie qui présente ce phénomène de ne point mouiller avec l'eau, on
+verse une goutte d'huile, un phénomène tout inverse du premier se
+produit. La gouttelette, d'abord globuleuse, s'aplatit de plus en plus
+et devient lenticulaire; les bords vont sans cesse s'élargissant pour
+envahir un espace plus grand, et la surface entière, si grande qu'elle
+soit, pourra être complètement recouverte par une toute petite goutte
+d'huile qui y formera une pellicule adhérente, sans solution de
+continuité aucune, et tellement mince qu'elle pourra paraître irisée
+comme la paroi d'une bulle de savon. Mais si, au contraire, par un
+artifice quelconque, la surface polie a été mise dans des conditions
+telles qu'elle mouille avec l'eau, alors, sur cette surface une fois
+humide, il sera impossible de faire adhérer l'huile, et le rôle de ces
+deux liquides sera complètement interverti. En fait, une surface polie
+est indifférente soit à l'huile soit à l'eau; mais aussitôt que l'un de
+ces liquides vient à toucher cette surface il y adhère en formant une
+pellicule infiniment mince, et c'est cette pellicule du premier liquide,
+quel qu'il soit, qui exerce une action véritablement répulsive sur le
+second.</p>
+
+<p>C'est cette propriété des surfaces polies qui est mise en oeuvre dans
+l'impression lithographique et dans certains procédés de transport sur
+métal, dont nous aurons peut-être à parler par la suite, et qui
+paraissent destinés à prendre une grande extension, sinon à remplacer
+complètement les procédés du stéréotypage. Un dessin sur pierre n'est
+autre chose, en effet, qu'une surface polie dont certaines portions, les
+traits du dessin, mouillent avec l'huile et les corps gras, tandis que
+les autres, les blancs ne mouillent qu'avec l'eau ou les liquides
+aqueux. Sur cette surface l'imprimeur passe alternativement une éponge
+imbibée d'eau et un cylindre imprègne d'une encre grasse: les deux
+liquides s'arrêtent, se déposent, se limitent là où l'état spécial de la
+surface les retient, et la feuille de papier, sous le foulage de la
+presse, va à son tour s'en imprégner.</p>
+
+<p>Ces détails étaient nécessaires pour faire comprendre les difficultés
+pratiques de la question que nous allons maintenant aborder; ils étaient
+nécessaires surtout pour que l'on pût bien saisir l'énorme importance de
+la gravure en relief, de celle dans laquelle les traits à reproduire,
+faisant saillie sur le fond de la planche, donnent épreuve à la presse
+typographique. Une seule planche en cuivre» gravée en relief, pourra
+fournir au tirage mécanique jusqu'à 15,000 épreuves par jour, et cela
+pendant tant de jours que l'on voudra, ou peu s'en faut; et la même
+planche, gravée en creux, ne donnera guère à la presse en taille-douce
+que 3,000 épreuves en tout, à raison de 200 épreuves par jour. Les
+procédés de transport sur pierre ou sur métal sont plus limités encore,
+et la cinq-centième épreuve d'un dessin sur pierre n'est plus qu'une
+grisaille où l'on ne reconnaît plus ni couleur, ni modelé, ni forme.</p>
+
+<p>Or, c'est dans la possibilité de multiplier indéfiniment, avec une
+rapidité extrême et à très bas prix, le nombre des épreuves, que git
+aujourd'hui tout le problème: ce n'est plus que sur des tirages de dix,
+de vingt, de trente mille exemplaires que peuvent être basées les bonnes
+opérations de librairie.</p>
+
+<p>Cela dit, voyons par quels artifices on peut, à l'aide d'un courant
+galvanique, transformer le dessin d'un artiste en une planche en cuivre
+gravée en relief, et capable de donner un nombre indéfini d'épreuves à
+la presse typographique.</p>
+
+<p>Toutes les applications qui ont été faites jusqu'ici des courants
+galvaniques aux besoins de l'industrie reposent sur la propriété
+suivante:</p>
+
+<p>Lorsque qu'on fait passer, à l'aide de deux surfaces métalliques, un
+courant galvanique à travers une solution saline convenablement choisie,
+la surface par laquelle le courant débouche dans la solution est
+attaquée, corrodée, dissoute, et le métal entraîné est charrié par le
+courant vers l'autre surface, sur laquelle il est revivifié et précipité
+à l'état métallique. Mais, pour que cette action ait lieu également? sur
+toute l'étendue des deux surfaces, il faut que ces deux surfaces soient
+sur toute leur étendue dans des conditions identiques et également
+exposées à l'action du courant; car si certaines portions de ces
+surfaces, et certaines portions seulement, étaient recouvertes d'une
+courbe protectrice quelconque, celles-là ne seraient pas modifiées par
+le passage du courant, dont l'action s'exercerait exclusivement sur les
+parties qui ne seraient pas ainsi protégées.</p>
+
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="echiquier">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009b.png"></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+<p>Or, la surface métallique par laquelle le courant galvanique débouche
+dans la solution saline, ainsi que celle par laquelle il s'en échappe,
+peut-être du dessin, et l'action du courant qui passe peut être utilisée
+soit à déposer du métal sur les traits du dessin au pôle négatif, soit à
+enlever du métal d'entre les traits du dessin au pôle positif. Voici
+comment.</p>
+
+
+
+<p>Soit une planche de cuivre rouge dont le poli et la planimétrie soient
+suffisamment parfait pour satisfaire aux exigences du tirage
+typographique. Sur cette planche un étale à chaud une couche si mince
+que l'on voudra d'un vernis résineux quelconque, et les vernis dont on
+fait usage sont en général composés de térébenthine de Venise, de poix
+blanche, de suif et de noir de fumée. Cette planche ainsi préparée est
+livrée à l'artiste, qui y trace son idée à l'aide d'un stylet
+suffisamment résistant pour entamer l'épaisseur du vernis. Son travail
+terminé, la planche est pour l'artiste un véritable dessin dans lequel
+les noirs sont représentés par les surfaces de cuivre mises à nu, les
+blancs ou les clairs par les surfaces intactes. Pour le chimiste, au
+contraire, cette planche ne sera qu'une surface métallique dont les
+différentes portions sont placées dans des conditions différentes,
+celles-ci étant livrées unes à l'action d'un courant, celles-là étant
+complètement abritées de cette action sous leur couche de vernis. Que
+l'on dispose, en effet, une planche ainsi préparée dans une solution
+d'un sel de cuivre, au pôle par lequel le courant s'échappe de la
+solution, incontinent le métal que le courant charrie avec lui se
+déposera sur tous les points où la surface du cuivre a été mise à nu, et
+il ne s'en déposera pas un atome en aucun autre point. Molécule par
+molécule le dépôt s'agrandira là où une fois il a commencé de
+s'effectuer, et les traits du dessin s'élèveront comme de petites
+murailles, et se détacheront en saillie sur le plan du vernis.</p>
+
+<p>Renversons les conditions de l'expérience. Soit, comme tout à l'heure,
+une planche métallique convenablement dressée, et supposons que
+l'artiste trace sur cette planche son dessin avec une encre grasse,
+siccative et inattaquable aux acides. Que la planche ainsi préparée soit
+placée dans une solution d'un sel de cuivre, mais cette fois-ci au pôle
+par lequel le courant y débouche; et aussitôt l'action du courant
+s'exercera à entailler le métal dans l'intervalle des traits; et
+ceux-ci, au bout d'un certain temps fort court, surgiront en relief,
+leurs bords taillés à pic avec une netteté et une précision auxquelles
+le burin le plus hardi et le plus habile ne saurait atteindre.</p>
+
+<p>Telles sont les deux idées principales sur lesquelles reposent toutes
+les tentatives sérieuses de galvanographie: obtenir un relief par dépôt
+au pôle négatif, par érosion au pôle positif. Viennent maintenant les
+difficultés d'exécution, et celles-ci sont nombreuses et malaisées à
+surmonter.</p>
+
+<p>Dans le procédé opératoire que nous avons indiqué en premier lieu, c'est
+le trait même du dessinateur qui devient le moule dans lequel vient se
+déposer le cuivre réduit; et les moindres intentions de l'artiste se
+trouvent ainsi reproduites avec cette merveilleuse fidélité qui
+caractérise le moulage galvanique. Mais ce sillon lui-même, tracé avec
+une pointe conique ou triangulaire, est une tranchée à bords obliques
+dont le bord seul représente le trait du dessinateur. A mesure que ce
+sillon est comblé par les molécules de cuivre qui s'y précipitent, le
+trait s'élargit, et le premier mérite du procédé, sa merveilleuse
+exactitude, est dès lors sacrifié. Pour qu'il en fût autrement, il
+faudrait que la taille faite par le stylet dans le vernis fût à bords
+verticaux; et c'est déjà là une condition à peu près impossible à
+réaliser. D'ailleurs, cette condition fut-elle réalisable, la solution
+du problème n'en serait guère plus avancée pour cela. En effet, la
+taille dont il est question forme, à la vérité, une digue qui limite le
+dépôt de cuivre tant que cette taille n'est pas comblée; mais aussitôt
+que cette limite est franchie, le cuivre déborde de toutes parts: les
+lignes voisines se confondent par leurs sommets, et pour peu que les
+tailles du dessin soient serrées, le dépôt ne forme plus qu'une croûte
+massive et continue, dans laquelle les formes les plus saillantes de
+l'oeuvre sont à peine indiquées.</p>
+
+<p>A la vérité, l'on a tiré parti de ce résultat pour résoudre le problème
+sous une autre forme. Considérant un dessin tracé dans un vernis, à
+l'aide d'une pointe, comme un moule à bon creux dont toutes les parties
+sont de dépouille, on a déposé dans ce moule du métal plastique, et on a
+prolongé le dépôt jusqu'à former une masse solide et continue: puis on a
+détaché la contre-épreuve du moule. Ici le travail du dessinateur était
+bien représenté par une planche en cuivre gravée en relief; mais ce
+relief n'avait, et ne pouvait avoir, que l'épaisseur même de la couche
+de vernis, dans laquelle le dessin était tracé; et l'on s'est trouvé
+renfermé entre les deux termes de ce dilemme jusqu'ici insoluble:
+exécuter le dessin dans un vernis épais, ce qui enlève au dessinateur
+toute la liberté et la souplesse de son crayon; exécuter le dessin dans
+un vernis mince, ce qui enlevé à la reproduction les reliefs qu'exigent
+les procédés de l'impression typographique.</p>
+
+<p>Le deuxième mode opératoire que nous avons indiqué offre également des
+difficultés, mais elles sont d'un autre ordre. Ce ne sont plus les
+procédés de gravure, mais les procédés de dessin qui sont en défaut. Il
+ne s'agit plus, en effet, d'édifier une petite muraille de cuivre sur
+chacun des traits du dessin, mais bien de creuser entre chacun d'eux une
+fosse plus ou moins profonde; il s'agit, en d'autres termes, d'attaquer,
+de ronger, de dissoudre toutes les portions de la surface de cuivre que
+les traits du dessin ne protègent pas, en laissant entièrement intactes
+celles qui sont ainsi abritées; et pour cela faire il faut bien que
+toutes les portions qui doivent être enlevées soient également
+attaquables, que toutes celles qui doivent rester intactes soient
+également protégées. Ce sont là les deux conditions que devra remplir le
+procédé de dessin que l'on mettra en usage: et les procédés dont nous
+avons aujourd'hui connaissance ne nous paraissent pas encore de nature à
+remplir toujours, partout, et dans tous les cas, ces indispensables
+conditions. Toutefois, les gravures de W. Rémon, qui accompagnent cet
+article, et qui ont été obtenues sur de simples dessins, l'aide de
+procédés semblables à ceux que nous venons d'indiquer, sont de nature à
+convaincre nos lecteurs que si le problème n'est pas encore entièrement
+résolu, il touche du moins de bien près à la solution.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009c.png"></p>
+
+<p>Quant à l'avenir qui est réservé à la galvanographie, il est difficile
+aujourd'hui d'en préciser les limites. Peut-être l'art typographique
+tout entier touche-t-il à une rénovation complète; et, chose singulière,
+cette rénovation ne serait qu'une renaissance des procédés anciens, que
+la découverte de l'imprimerie a fait tomber en désuétude. La tablette
+enduite de cire et le stylet remplaceraient le papier et le crayon; le
+copiste ou l'enlumineur succéderait à son tour à l'ouvrier compositeur,
+qui jadis lui succéda; et l'inépuisable richesse et la variété des
+anciens manuscrits pourraient bien renaître à la place de la sécheresse
+et de l'uniformité de notre impression moderne.</p>
+
+<p><i>N. B.</i> Les gravures qui accompagnent cet article ont été faites, à
+titre d'essai, sur des dessins que M. Garvani destine à une importante
+publication, qui paraîtra en octobre chez M. Hetzel, éditeur du <i>Voyage
+où il vous plaira</i> et des <i>Scènes de la vie privée et publique des
+animaux.</i></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Théâtres.</h2>
+
+<h4>THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE,</h4>
+
+<p><i>Angélique et Médor</i> opéra comique en un acte, paroles de M, <span class="sc">Sauvage</span>,
+musique de <span class="sc">M. A. Thomas</span>.</p>
+
+<p>Nous avons une vieille dette à payer à l'Opéra-Comique. Il y a un mois
+au moins que ce titre d'un si heureux augure a décoré pour la première
+fois son affiche, et MM. Sauvage et Thomas ont raisons de se plaindre
+que nous n'ayons pas encore donné de leurs nouvelles aux lecteurs de
+<i>l'Illustration</i>. Passe encore, si nous n'avions eu à raconter qu'une
+défaite! Ces messieurs auraient pris patience, sans doute, et nous
+auraient su gré de nos lenteurs. Mais retarder de quatre semaines le
+bulletin d'une victoire! voilà qui est impardonnable. Nous confessons
+humblement notre faute, et nous nous recommandons à la clémence de M.
+Sauvage et à la grandeur d'âme de M. Thomas.</p>
+
+<p>Quoique jeune. M, Thomas a déjà fourni une assez longue carrière
+dramatique. Il est du petit nombre des lauréats du Conservatoire pour
+qui se sont ouvertes comme d'elles-mêmes, les portes d'airain de ce
+sanctuaire de l'Opéra-Comique, accessible à si peu d'élus. M Thomas a
+déjà produit six partitions pour le moins: <i>la Double échelle, le
+Perruquier de la régence, le Panier fleuri, Carmaquala, le guérilléro</i>
+et enfin, <i>Angélique et Médor</i> Si nous omettons quelqu'un de ses titres,
+qu'il nous le pardonne; l'oubli est tout-à-fait involontaire.</p>
+
+<p>A l'Opéra-Comique les essais de M. Thomas ont été plus ou moins heureux;
+mais enfin il n'a jamais essuyé de revers Les deux campagnes qu'il a
+faites sur la scène de l'Académie royale de Musique n'ont pas eu un
+résultat aussi favorable. Est-ce parce que les auditeurs y sont plus
+difficiles, ou bien parce qu'un terrain plus vaste exige plus de vigueur
+et d'haleine chez celui qui veut le parcourir? l'un et l'autre
+peut-être. Mais, sans examiner aujourd'hui cette question, bornons-nous
+à constater que la place Fayard vient d'offrir à M. Thomas un honnête
+dédommagement des échecs que la rue Lepelletier lui a vu subir.</p>
+
+<p>Les qualités prédominantes chez M. Thomas sont la clarté, la facilité,
+l'élégance et la grâce; ce qui paraît lui manquer c'est la verve, la
+force, la passion. On a donc le droit de présumer qu'il réussira sans
+peine à l'Opéra-Comique, à moins qu'il n'ait à traiter un sujet trop
+dramatique, et à l'Opéra, il paraîtra souvent au-dessous de sa tâche.</p>
+
+<p><i>Angélique et Médor</i> était justement un livret tel qu'il le faut à ce
+compositeur. Rien de mieux dans le sujet ni dans les caractères, aucune
+situation forte, aucune scène trop vive, aucune passion trop énergique;
+des sentiments tendres, des idées gracieuses ou plaisantes. M. Thomas
+était là sur son terrain, et tout-à-fait à son aise. Il y a bien paru.</p>
+
+<p>Son ouverture n'est, à proprement parler qu'une longue valse, précédée
+d'une courte introduction. L'introduction est agréablement instrumentée,
+modulée d'une manière piquante. La valse est fraîche, vive, et légère,
+et se développe avec une grâce où l'on reconnaît l'habileté de l'auteur.</p>
+
+<p>Il y a une très jolie romance, et un de ténor qui nous a paru fort
+élégant, mais que le chanteur à qui il est confié rend lourd et gauche.
+Il est presque toujours imprudent de compter sur l'agilité des chanteurs
+d'aujourd'hui. Ajoutez-y un duo très bien fait, un trio charmant, et
+deux airs bouffes peu remarquables en eux-mêmes, mais qui, du moins, ne
+nuisent pas à l'effet des autres morceaux, et vous comprendrez que le
+total forme un ensemble assez satisfaisant. Il n'en faut pas tant pour
+faire vivre longtemps et bien une partition en un acte.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010.png"><br><b>Théâtre de l'Opéra-Comique.--Une scène d'Angélique et
+Médor.</b></p>
+
+<p>La pièce, d'ailleurs, est amusante et spirituelle, et l'on y rit de très
+grand coeur de la sottise de Joliveau et des méprises de Mirouflet.</p>
+
+<p>Joliveau! Mirouflet! voilà des noms qui sonnent bien étrangement à
+l'oreille, et qu'on ne s'attendait guère à trouver en compagnie de ces
+noms si poétiques et si mélodieux q'Angélique et de Médor.</p>
+
+<p>C'est pourtant l'histoire de Joliveau et de Mirouflet que je vais vous
+raconter, et aussi celle de Muguet; car, pour ce qui d'Angélique et de
+Médor, vous en savez sur eux autant que moi, j'aime à le croire.</p>
+
+<p>Mirouflet est cordonnier, établi, et exerçant <i>de père en fils</i> sa noble
+profession rue Brise-Miche, A peine au sortir de l'enfance, Muguet fut
+placé chez lui en apprentissage; mais la nature n'avait point destiné le
+jeune Muguet à chausser ses semblables; le cuir lui répugnait et le
+tranchet lui faisait peur. Vous voyez que ce nom de Muguet lui allait à
+merveille. Un jour il s'échappa de la boutique du père Mirouflet, et dit
+adieu pour toujours à la rue Brise-Miche. Que loi arriva-t-il, une fois
+lancé dans le monde? Sans doute assez d'aventures pour remplir toute une
+Odyssée; mais, il n'a pas écrit ses confessions comme Jean-Jacques, et
+il faudra, faute de mieux, vous contenter du dernier épisode.</p>
+
+<p>Le voilà donc, cet ancien élève de saint Crépin, coquettement poudré et
+vêtu à la dernière mode,--mode de 1780, s'il vous plaît,--portant bas de
+soie, boucles d'or, gilet de satin, jabot de dentelle et habit gorge de
+pigeon. Où le retrouvons-nous? à l'Opéra, dans le cabinet de M. le
+secrétaire général de cet harmonieux établissement. Il vient de signer
+un contrat par lequel il met pour trois ans à la disposition de
+l'Académie royale de Musique sa jambe faite au tour, ses yeux en amande,
+sa bouche en coeur et son <i>la</i> de poitrine, le plus beau <i>la</i> de France
+et de Navarre, Cette supériorité n'a rien d'étonnant: Muguet arrive
+d'Italie, et c'est à Naples qu'il a trouvé ce <i>la</i> merveilleux.</p>
+
+<p>Il y a rencontré autre chose encore: une jeune Française, propriétaire
+d'un joli visage, d'une tournure élégante et d'une charmante voix.
+Muguet a donné à mademoiselle Amélie des leçons de chant, dont elle a
+bien profité; mais, tandis que la bouche du fripon parlait <i>flautat</i> et
+<i>trille molle</i>, il parait que ses yeux disaient tout autre chose, et
+avaient su se faire comprendre: si bien que maître Muguet, ténor moral
+et vertueux, se disposait à demander Amélie à sa mère, quant tout à coup
+cette mère mourut, et mademoiselle Amélie quitta subitement l'Italie.</p>
+
+<p>Jugez de la joie du jeune ténor, quand il l'aperçoit, à l'Opéra, dans le
+cabinet de M. Joliveau! Elle est engagée, comme lui, et doit, le soir
+même, jouer le rôle d'Angélique dans l'opéra de <i>Roland</i>, où il jouera
+celui de Médor. Malheureusement elle n'est pas seule: un grand
+personnage, M. le duc de Vaudiéres, la protège, la suit partout, et se
+mêle de toutes ses affaires: et M. Joliveau prétend qu'un grand seigneur
+ne fait pas cela pour rien. Le drôle a été nourri dans un sérail, il a
+de l'expérience, et on peut l'en croire. Muguet l'en croit, mais il veut
+du moins revoir encore une fois son infidèle, et lui dire tout ce qu'il
+pense de son procédé. Comment y parvenir? C'est ici que Mirouflet lui
+est d'un secours inappréciable.</p>
+
+<p>Mirouflet est en effet le professeur de chant de mademoiselle Amélie,
+depuis qu'elle est à l'Opéra. Cela vous étonne, et vous me demandez,
+sous quel prétexte cet honnête Mirouflet a changé d'état? Rassures-vous,
+Mirouflet n'a point quitté la rue Brise-Miche. Mirouflet est tout-à-fait
+incapable d'une infidélité, même passagère envers la botte et
+l'escarpin. Mois ces deux belles professions, de cordonnier et de maître
+de chant, ont bien plus d'analogie qu'il ne vous semble. Quel est, des
+deux côtés, le point essentiel, le fondement de l'art, le principe sur
+lequel doit être basé l'enseignement?</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> C'est la mesure</p>
+<p class="i20"> Exacte et sure,</p>
+<p class="i20"> Tout me l'assure,</p>
+<p class="i20"> Tout dépend de là.</p>
+</div></div>
+
+<p>Cette vérité frappe si vivement M. le duc, qu'il exige que sa protégée
+reçoive la première leçon séance tenante Or, Mirouflet n'a rien à
+refuser à Muguet. Muguet paraît tout à coup, voyez la gravure, et se
+glisse entre le maître et l'élève; y a-t-il rien de plus audacieux à la
+fois et de plus indiscret.</p>
+<br><br>
+
+<h2>Ameublements.--Salon Louis XV.</h2>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011a.png"></p>
+
+<p>La Révolution, en nivelant les conditions, a donné à chacun le droit de
+se meubler suivant son caprice et sa fortune. Mais, avant de jouir de
+cette liberté, les lambris dorés, les gracieuses peintures des Boucher
+et des Vanloo ont été badigeonnées, quand trop de zèle n'a pas poussé
+les iconoclastes politiques à gratter ces chefs-d'oeuvre. Mais quand on
+eut détruit, il fallut reconstruire. La maison française se reniant
+elle-même, prit les noms et les vêtements des Grecs et des Romains,
+oublia que nos moeurs et notre climat s'y opposaient. Les campagnes
+d'Égypte et d'Italie et les évènements politiques eurent une influence
+plus ou moins grande sur les costumes et les ameublements. Les arts
+resteront étrangers pendant longtemps aux décorations intérieures. Les
+ouvriers ignorants dirigeaient en maîtres absolus. De ce chaos est sorti
+le mauvais goût généralement désigné sous le nom de modes de l'Empire.
+Les source auxquelles on avait puisé étaient bonnes sans doute, mais on
+manquait d'exécution et de sentiment. La paix vint donner un nouvel
+essor aux arts.</p>
+
+<p>On commença à sortir du labyrinthe dans lequel on marchait depuis
+quarante ans. L'ouvrier, dans le massacre du passé, confondit les
+époques en croyant inventer: mélange blessant pour l'oeil de l'artiste.
+Notre époque s'est imposé une tâche digne d'encouragement en rendant à
+chacun ce qui lui appartient.</p>
+
+<p>Dans le brillant salon exécuté par la maison Girond de Gand (et que
+notre gravure représente), nous ne nous lassons pas d'admirer le goût et
+le savoir tapissier. Les meubles ne sont pas scrupuleusement de la même
+époque que les tentures; mais le modèle est choisi dans ce qui s'en
+rapproche le plus. Les bronzes, quoique lourds, sont d'un beau travail
+et d'un charmant effet. Nous en dirons peut-être autant du dessin de la
+cheminée et des vases de Chine qui supportent les candélabres, surtout
+quand on les compare à la légèreté des rinceaux qui courent autour des
+glaces, des tapisseries, et s'étendent jusqu'au plafond. En résumé,
+l'ensemble de ce salon est d'une heureuse invention. Si nous avons fait
+quelque critiques, c'est dans l'espérance de voir ces légers défauts
+disparaître.</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Amusements des sciences.</h2>
+
+<h4>SOLUTION DES QUESTIONS POSÉES DANS LE DERNIER NUMÉRO.</h4>
+
+<h3>I.</h3>
+
+<p>Donnez un liard et faites rendre un centime à chacune des vingt
+personnes. Vous aurez distribué vingt liards ou cinq sous, et vous
+recevrez vingt centimes ou quatre sous. En définitive, vous n'aurez
+dépensé qu'un sou, qui se trouvera partagé en vingt parties égales.</p>
+
+<h3>II.</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011b.png"></p>
+
+<p>La figure précédente indique la solution, lorsque l'on veut partir d'une
+case située à l'un des quatre angles. Les numéros des 64 cases de cette
+figure indiquent;'ordre dans lequel elles doivent être successivement
+parcourues partir de la case 1. Ainsi le Cavalier, posé d'abord sur la
+case à l'angle 1, sautera sur la case 2, puis sur la case 3, et ainsi de
+suite jusqu'à la case 64, où se termine sa course. Il est facile de voir
+que la marche pourrait être suivie en partant de la case 64, parcourant
+successivement 63, 62, etc., jusqu'à la case 1. Cette solution en
+comprend donc implicitement 12, puisqu'elle s'étend à trois cases prises
+pour point de départ sur chacun des quatre angles de l'échiquier.</p>
+
+<p>Voici un moyen aussi simple qu'amusant de trouver, à volonté des
+solutions du problème: prenez 64 petits carrés de carton que vous
+partagerez en deux cases, dans chacune desquelles sera inscrit l'un des
+huit nombres compris entre 1 et 8. Cherchez à disposer ces 64 carrés les
+uns à coté des autres, ou en plusieurs bandes les unes au-dessous des
+autres, de telle sorte que dans deux carrés successifs la différence des
+nombres supérieurs soit égale à 1 ou à 2, celle des nombres inférieurs
+étant 2 ou 1. Vous formerez une suite du genre celle que nous donnons
+ci-après écrite en quatre bandes parallèles; et, pour faciliter les
+comparaisons, nous avons répété en tête de chacune des trois dernières
+bandes le carré qui termine la précédente. On voit facilement que tous
+les nombres de cette suite satisfont à la condition énoncée. Ainsi dans
+les deux premiers carrés, la différence entre les nombres supérieurs 8
+et 7 est 1; la différence entre les nombres inférieurs 1 et 3 est 2; les
+différences entre 3 et 1, puis 7 et 8 du sixième et septième carré, sont
+respectivement 2 et 1. De même pour les autres.</p>
+
+<pre>
+ 8 7 8 7 5 3 1 2 1 2 4 6 8 7 8 6
+ - - - - - - - - - - - - - - - -
+ 1 3 5 7 8 7 8 6 4 2 1 2 3 5 7 8
+
+------------------------------------------------------------------
+
+6 4 2 1 2 1 3 5 7 6 8 7 8 6 4 2 1
+- - - - - - - - - - - - - - - - -
+8 7 8 6 4 2 1 2 1 3 4 6 8 7 8 7 5
+
+-----------------------------------------------------------------
+
+1 2 1 3 5 7 5 6 8 7 8 7 5 3 1 2 1
+- - - - - - - - - - - - - - - - -
+5 3 1 2 1 1 3 1 2 4 6 8 7 8 7 6 3
+
+-----------------------------------------------------------------
+
+1 2 4 3 4 6 4 3 5 4 3 5 5 4 3 5 6
+- - - - - - - - - - - - - - - - -
+3 1 2 4 6 5 4 6 5 3 5 6 4 5 3 4 6
+
+-----------------------------------------------------------------
+</pre>
+
+<p>Cela posé, convenons que le nombre supérieur désigne le numéro d'une
+case de l'échiquier compté de gauche à droite, et que le nombre
+inférieur désigne le rang de la bande où est cette case, de haut en bas.
+8/1 représentera la huitième case à droite sur la première bande d'en
+haut; 7/3 sur la septième case à droite de la troisième bande comptée de
+haut en bas, et ainsi de suite. Alors il ne reste plus qu'à faire suivre
+au cavalier, sur l'échiquier, la marche indiquée par la suite de nos
+petits carrés de carton.</p>
+
+<p>La figure ci-après est l'expression de la solution donnée par la suite
+précédente.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011c.png"></p>
+
+<br><br>
+
+<h3>NOUVELLE QUESTION À RÉSOUDRE</h3>
+
+<p>Trouver pour le cavalier une marche rentrante, c'est-à-dire une marche
+telle qu'il puisse revenir de la soixante-quatrième case à laquelle il
+arrive, sur la première que l'on a prise pour point de départ.</p>
+
+<br><br>
+
+<h2>Rébus.</h2>
+
+<h4>EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS.</h4>
+
+<p class="mid">Soldats! du haut de ces Pyramides quarante siècles (quatre mille ans)
+vous contemplent!</p>
+<br><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011d.png"></p>
+
+
+
+
+
+
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 0015, 10 Juin 1843, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION ***
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+Produced by Rénald Lévesque
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+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
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+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
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+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
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+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
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+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
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+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
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+used on or associated in any way with an electronic work by people who
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
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+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
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+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
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+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
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+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
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+1.E.9.
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+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
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+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
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+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
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+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
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+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
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+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
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+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
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+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
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+1.F.
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+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
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+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
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+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
+</body>
+</html>
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