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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 20:00:00 -0700
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+The Project Gutenberg EBook of Vie de Jeanne d'Arc, by Anatole France
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Vie de Jeanne d'Arc
+ Vol. 1 de 2
+
+Author: Anatole France
+
+Release Date: September 10, 2010 [EBook #33692]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK VIE DE JEANNE D'ARC ***
+
+
+
+
+Produced by wagner, Mireille Harmelin, Christine P. Travers
+and the Online Distributed Proofreaders at
+http://dp.ratsko.net
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+
+
+
+
+[Note au lecteur de ce fichier digital:
+
+Les lettres supérieures inhabituelles sont encadrées par des
+parenthèses.
+
+Ainsi que dans le livre original, les références de quelques notes de
+fin de page sont incomplètes.
+
+Certaines pages étaient manquantes lors de la création de ce fichier,
+et n'ont été rajoutées que plus tard. De ce fait, la numérotation de
+certaines notes de fin de pages n'est pas séquentielle (ex: 54, 54a,
+etc.).]
+
+
+
+
+ANATOLE FRANCE
+
+DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
+
+
+VIE
+
+DE
+
+JEANNE D'ARC
+
+
+I
+
+
+PARIS CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS 3, RUE AUBER, 3
+
+
+
+
+_Published february fifth, copyright nineteen hundred and eight.
+Privilege of copyright in the United States reserved under the Act
+approved March third nineteen hundred and five by Manzi, Joyant et
+Cie._
+
+
+Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays, y
+compris la Hollande.
+
+
+
+
+PRÉFACE
+
+
+Mon premier devoir serait de faire connaître les sources de cette
+histoire; mais L'Averdy, Buchon, J. Quicherat, Vallet de Viriville,
+Siméon Luce, Boucher de Molandon, MM. Robillard de Beaurepaire, Lanéry
+d'Arc, Henri Jadart, Alexandre Sorel, Germain Lefèvre-Pontalis, L.
+Jarry et plusieurs autres savants, ont publié et illustré les
+documents de toute sorte d'après lesquels on peut écrire la vie de
+Jeanne d'Arc. Je m'en réfère à leurs travaux qui forment une opulente
+bibliothèque[1] et, sans entreprendre une nouvelle étude littéraire de
+ces documents, j'indiquerai seulement, d'une façon rapide et
+générale, les raisons qui m'ont dirigé dans l'usage que j'ai cru
+devoir en faire. Ces documents sont: 1º le procès de condamnation; 2º
+les chroniques; 3º le procès de réhabilitation; 4º les lettres, actes
+et autres pièces détachées.
+
+[Note 1: Le P. Lelong, _Bibliothèque historique de la France_,
+Paris, 1768 (5 vol. in fol.), II, n. 17172-17242.--Potthast,
+_Bibliotheca medii oevi_, Berlin, 1895, in-8º, t. 1, pp. 643 et
+suiv.--U. Chevalier, _Répertoire des sources historiques du Moyen
+Âge_, Paris, in-8º, 1877, pp. 1247-1255; _Jeanne d'Arc,
+biobibliographie_, Montbéliard, 1878 [Extrait]; _Supplément au
+Répertoire_, Paris, 1883, pp. 2684-2686, in-8º.--Lanéry d'Arc, _Le
+livre d'Or de Jeanne d'Arc, bibliographie raisonnée et analytique des
+ouvrages relatifs à Jeanne d'Arc_, Paris, 1894, gr. in-8º et
+supplément.--A. Molinier, _Les sources de l'histoire de France des
+origines aux guerres d'Italie_, IV: _Les Valois_, 1328-1461, Paris,
+1904, pp. 310-348.]
+
+1º Le procès de condamnation[2] est un trésor pour l'historien. Les
+questions des interrogateurs ne sauraient être étudiées avec trop de
+soin: elles procèdent d'informations faites à Domremy et en divers
+pays de France où Jeanne avait passé, et qui n'ont point été
+conservées. Les juges de 1431, est-il besoin de le dire? ne
+recherchaient en Jeanne que l'idolâtrie, l'hérésie, la sorcellerie et
+les autres crimes contre l'Église; ils n'en examinèrent pas moins tout
+ce qu'ils purent connaître de la vie de cette jeune fille, enclins,
+comme ils l'étaient, à découvrir du mal dans chacun des actes et dans
+chacune des paroles de celle qu'ils voulaient perdre pour déshonorer
+son roi. Tout le monde sait le prix des réponses de la Pucelle; elles
+sont d'une héroïque sincérité et, le plus souvent, d'une clarté
+limpide. Cependant, il n'y faut pas tout prendre à la lettre. Jeanne,
+qui ne regarda jamais l'évêque ni le promoteur comme ses juges,
+n'était pas assez simple pour leur dire l'entière vérité. C'était
+déjà, de sa part, beaucoup de candeur que de les avertir qu'ils ne
+sauraient pas tout[3]. Il faut reconnaître aussi qu'elle manquait
+étrangement de mémoire. Je sais bien qu'un greffier admirait qu'elle
+se rappelât très exactement, au bout de quinze jours, ce qu'elle avait
+répondu à l'interrogateur[4]. C'est possible, bien qu'elle variât
+quelquefois dans ses dires. Il n'en est pas moins certain qu'il ne lui
+restait, après un an, qu'un souvenir confus de certains faits
+considérables de sa vie. Enfin, ses hallucinations perpétuelles la
+mettaient le plus souvent hors d'état de distinguer le vrai du faux.
+
+[Note 2: Jules Quicherat, _Procès de condamnation et de
+réhabilitation de Jeanne d'Arc_, Paris, in-8º, 1841, t. I.]
+
+[Note 3: _Procès_, t. I. p. 93 et _passim_.]
+
+[Note 4: _Ibid._, t. III, pp. 89, 142, 161, 176, 178, 201.]
+
+L'instrument du procès est suivi d'une information sur plusieurs
+paroles dites par Jeanne _in articulo mortis_[5]. Cette information ne
+porte pas la signature des greffiers. De ce fait la pièce est
+irrégulière au point de vue de la procédure; elle n'en constitue pas
+moins un document historique d'une authenticité certaine. Je crois que
+les choses se sont passées à peu près comme ce procès-verbal
+extra-judiciaire les rapporte. On y trouve exposée la seconde
+rétractation de Jeanne et cette rétractation ne fait point de doute,
+puisque Jeanne est morte administrée. Ceux mêmes qui ont, au procès de
+réhabilitation, signalé l'irrégularité de cette pièce, n'en ont
+nullement taxé le contenu de fausseté.
+
+[Note 5: _Ibid._, t. I, pp. 478 et suiv.]
+
+2º Les chroniqueurs d'alors, tant français que bourguignons, étaient
+des chroniqueurs à gages. Tout grand seigneur avait le sien. Tringant
+dit que son maître «ne donnoit point d'argent pour soy faire mettre ès
+croniques»[6], et qu'il n'y fut pas mis à cause de cela. La plus
+vieille chronique où il soit parlé de la Pucelle est celle de Perceval
+de Cagny, serviteur de la maison d'Alençon, écuyer d'écurie du duc
+Jean[7]. Elle fut rédigée en l'an 1436, c'est-à-dire six ans seulement
+après la mort de Jeanne. Mais elle ne le fut pas par lui; il n'avait,
+de son propre aveu, «le sens, mémoire, ne l'abillité de savoir faire
+metre par escript ce, ne autre chose mendre de plus de la moitié[8]».
+C'est l'ouvrage d'un clerc qui rédige avec soin. On n'est pas surpris
+qu'un chroniqueur aux gages de la maison d'Alençon expose de la façon
+la moins favorable au roi et à son conseil les différends qui
+s'élevèrent entre le sire de la Trémouille et le duc d'Alençon au
+sujet de la Pucelle. Mais on aurait attendu d'un scribe, qui est
+censé écrire sous la dictée d'un domestique du duc Jean, un récit
+moins inexact et moins vague des faits d'armes accomplis par la
+Pucelle en compagnie de celui qu'elle appelait son beau duc. Bien que
+cette chronique fût écrite à une époque où l'on n'imaginait pas que le
+procès de 1431 pût être un jour révisé, la Pucelle y est considérée
+comme opérant par des moyens surnaturels et ses actes y révèlent un
+caractère hagiographique qui leur ôte toute vraisemblance. Au reste,
+la portion de la chronique dite de Perceval de Cagny, qui traite de la
+Pucelle, est brève: vingt-sept chapitres de quelques lignes chacun.
+Quicherat croit que c'est la meilleure chronique qu'on ait sur Jeanne
+d'Arc[9], et peut-être, en effet, que les autres valent moins encore.
+
+[Note 6: Jean de Bueil, _le Jouvencel_, éd. C. Fabre et L.
+Lecestre, Paris, 1887, in-8º, t. II, p. 283.]
+
+[Note 7: Perceval de Cagny, _Chroniques_, publiées par H.
+Moranvillé, Paris, 1902, in-8º.]
+
+[Note 8: _Ibid._, p. 31.]
+
+[Note 9: _Procès_, t. IV, p. 1.]
+
+Gilles le Bouvier, roi d'armes du pays de Berry[10], qui avait
+quarante-trois ans en 1429, est un peu plus judicieux que Perceval de
+Cagny, et, bien qu'il brouille souvent les dates, mieux au fait des
+opérations militaires. Mais il est trop sommaire pour nous apprendre
+grand'chose.
+
+[Note 10: _Ibid._, t. IV, pp. 40 à 50.--D. Godefroy, _Histoire de
+Charles VII_, Paris, 1661, in-fol., pp. 369-474.]
+
+Jean Chartier, chantre de Saint-Denys[11], exerçait l'office de
+chroniqueur de France en 1449. C'est donc, comme on eût dit deux
+siècles plus tard, un historiographe du roi. Il y paraît à la manière
+dont il rapporte la fin de Jeanne d'Arc. Après avoir dit qu'elle fut
+longtemps gardée en prison par les ordres de Jean de Luxembourg, il
+ajoute: «Lequel Luxembourg la vendit aux Angloiz, qui la menèrent à
+Rouen, où elle fut durement traictée; et tellement que, après grant
+dillacion de temps, sans procez, maiz de leur voulenté indeue, la
+firent ardoir en icelle ville de Rouen publiquement... qui fut bien
+inhumainement fait, veu la vie et gouvernement dont elle vivoit, car
+elle se confessoit et recepvoit par chacune sepmaine le corps de
+Nostre Seigneur, comme bonne catholique[12].» Quand Jean Chartier dit
+que les Anglais la brûlèrent sans procès, il entend apparemment que le
+bailli de Rouen ne prononça pas de sentence. Pour ce qui est du procès
+d'Église, pour ce qui est des deux causes de lapse et de relapse, il
+n'en souffle mot, et c'est aux Anglais qu'il reproche d'avoir brûlé
+sans jugement une bonne catholique. On voit, par cet exemple, dans
+quel embarras la sentence de 1431 mettait le gouvernement du roi
+Charles. Mais que penser d'un historien qui, gêné par le procès de
+Jeanne, le supprime? Jean Chartier est un esprit extrêmement faible
+et futile; il semble croire que l'épée de sainte Catherine était fée
+et qu'en la rompant Jeanne perdit tout son pouvoir[13]; il recueille
+les fables les plus puériles. Cependant le fait n'est pas sans intérêt
+que le chroniqueur en titre des rois de France, écrivant vers 1450,
+attribue à la Pucelle une grande part dans la délivrance d'Orléans, la
+conquête des places sur la Loire et la victoire de Patay, rapporte que
+le roi forma l'armée de Gien «par l'admonestement de ladite
+Pucelle[14]», et dise expressément que Jeanne fut «cause» du
+couronnement et du sacre[15]. C'était là sûrement l'opinion professée
+à la cour de Charles VII, et il ne reste plus qu'à savoir si elle
+était sincère et fondée en raison, ou si le roi de France ne jugeait
+pas avantageux de devoir son royaume à la Pucelle, hérétique au regard
+des chefs de l'Église universelle, mais de bonne mémoire pour le menu
+peuple de France, plutôt qu'aux princes du sang et aux chefs de
+guerre, dont il ne se souciait pas de vanter les services après la
+révolte de 1440, cette praguerie, où l'on avait vu le duc de Bourbon,
+le comte de Vendôme, le duc d'Alençon, que la Pucelle appelait son
+beau duc, et jusqu'au prudent comte de Dunois, s'unir aux routiers
+pour faire la guerre à leur souverain avec plus d'ardeur qu'ils ne
+l'avaient jamais faite aux Anglais.
+
+[Note 11: Jean Chartier, _Chronique de Charles VII, roi de
+France_, publ. par Vallet de Viriville, Paris, 1858, 3 vol. in-18
+(Bibliothèque Elzévirienne).]
+
+[Note 12: Jean Chartier, _Chronique de Charles VII, roi de
+France_, t. I, p. 122.]
+
+[Note 13: Jean Chartier, _Chronique de Charles VII, roi de
+France_, t. I, p. 121.]
+
+[Note 14: _Ibid._, t. 1, p. 87.]
+
+[Note 15: _Ibid._, t. I, p. 97.]
+
+Le _Journal du siège_[16] fut sans doute tenu en 1428 et 1429, mais la
+rédaction qui nous est parvenue date de 1467. Ce qui s'y rapporte à
+Jeanne, antérieurement à sa venue à Orléans, est interpolé; et
+l'interpolateur fut assez maladroit pour placer au mois de février
+l'arrivée de Jeanne à Chinon, qui eut lieu le 6 mars, et pour assigner
+la date du jeudi 10 mars au départ de Blois, qui ne s'effectua qu'à la
+fin d'avril. Le journal, du 28 avril au 7 mai, est moins incertain
+dans sa chronologie et les erreurs de calendrier qui s'y trouvent
+encore peuvent être attribuées au copiste. Mais les faits rapportés à
+ces dates, parfois en désaccord avec les pièces de comptabilité et
+souvent empreints de merveilleux, témoignent d'un état avancé de la
+légende. Il est impossible, par exemple, d'attribuer à un témoin du
+siège l'erreur commise par le rédacteur relativement à la chute du
+pont des Tourelles[17]. Ce qui est dit, à la page 97 de l'édition P.
+Charpentier et C. Cuissart, des relations entretenues par les
+habitants avec les hommes d'armes ne semble pas à sa place et pourrait
+bien avoir été mis là pour effacer le souvenir des dissentiments
+graves qui s'étaient produits dans la dernière semaine. À partir du 8
+mai, le journal n'est plus du tout un journal; c'est une suite de
+morceaux empruntés à Chartier, à Berry et au procès de réhabilitation.
+L'épisode du grand et gros Anglais que maître Jean de Montesclère tue
+au siège de Jargeau est visiblement tiré de la déposition que Jean
+d'Aulon fit en 1456, et cet emprunt est fait au mépris de la vérité,
+puisque Jean d'Aulon dit expressément que le grand et gros Anglais fut
+tué aux Augustins[18].
+
+[Note 16: _Journal du siège d'Orléans_ (1428-1429), publié par P.
+Charpentier et C. Cuissart, Orléans, 1896, in-8º.]
+
+[Note 17: _Ibid._, p. 81.--_Procès_, t. IV, p. 162, note.]
+
+[Note 18: _Journal du siège_, p. 97.--_Procès_, t. III, p. 215.]
+
+La chronique appelée _Chronique de la Pucelle_[19], comme si elle
+était la chronique par excellence de l'héroïne, est extraite d'une
+histoire intitulée _Geste des nobles François_, et qui remonte jusqu'à
+Priam de Troye. Mais elle n'en fut pas tirée sans changements ni
+additions. Ce travail fut opéré après 1467. Quand on aura démontré que
+la _Chronique de la Pucelle_ est d'un Cousinot, enfermé dans Orléans
+pendant le siège, ou même de deux Cousinot, oncle et neveu, selon les
+uns, père et fils, selon les autres, il n'en restera pas moins vrai
+qu'elle est en grande partie copiée du _Journal du siège_, de Jean
+Chartier et du procès de réhabilitation. Cet ouvrage ne fait pas grand
+honneur à son auteur, quel qu'il soit, car on ne peut pas beaucoup
+vanter un faiseur d'histoires qui raconte deux fois les mêmes
+événements avec des circonstances différentes et inconciliables, sans
+paraître le moins du monde s'en apercevoir. La _Chronique de la
+Pucelle_ s'arrête brusquement au retour du roi en Berry après l'échec
+devant Paris.
+
+[Note 19: _Chronique de la Pucelle_ ou _Chronique de Cousinot_,
+publiée par Vallet de Viriville, Paris, 1859, in-16 (Bibliothèque
+Gauloise).]
+
+Il faut placer le _Mistère du siège_[20] parmi les chroniques. C'est,
+en effet, une chronique dialoguée et rimée, qui présenterait un grand
+intérêt, du moins pour son ancienneté, si l'on pouvait, comme on l'a
+voulu, en faire remonter la composition à l'année 1435. Dans ce poème
+de 20529 vers, les éditeurs et, à leur suite, plusieurs érudits ont
+cru reconnaître «certain mistaire[21]» joué à Orléans lors du sixième
+anniversaire de la délivrance. Mais de ce que le maréchal de Rais, qui
+se plaisait à faire représenter magnifiquement des farces et des
+mystères, soit demeuré du mois de septembre 1434 jusqu'au mois d'août
+1435 dans la cité du duc Charles, faisant grande dépense[22], et que
+la ville ait acheté de ses deniers, en 1439, «un estandart et bannière
+qui furent à Monseigneur de Reys pour faire la manière de l'assault
+comment les Tourelles furent prinses sur les Anglois[23]», on ne peut
+tirer la preuve que, en 1435 ou en 1439, le 8 mai, une pièce de
+théâtre fut représentée, ayant le Siège pour sujet et pour héroïne la
+Pucelle. Si pourtant on veut faire de «la manière de l'assault comment
+les Tourelles furent prises» un mystère, plutôt qu'une cavalcade ou
+tout autre divertissement, et voir dans le «certain mistaire» de 1435
+une représentation du Siège mis et levé par les Anglais, on obtiendra
+de cette façon un mystère du siège. Encore faudra-t-il voir si c'est
+celui dont nous possédons le texte.
+
+[Note 20: _Mistère du siège d'Orléans_, publ. pour la première
+fois d'après le manuscrit unique conservé à la bibliothèque du
+Vatican, par MM. F. Guessard et E. de Certain, Paris, 1862,
+in-4º.--Cf. _Étude sur le mystère du siège d'Orléans_, par H. Tivier,
+Paris, 1868, in-8º.]
+
+[Note 21: _Procès_, t. V, p. 309.]
+
+[Note 22: L'abbé E. Bossard et de Maulde, _Gilles de Rais,
+maréchal de France dit Barbe-Bleue_ (1404-1440), 2e édit., Paris,
+1886, in-8º, pp. 94 à 113.]
+
+[Note 23: _Mistère du siège_, p. viij.]
+
+Comme parmi les cent quarante personnages parlants, de l'oeuvre qui
+nous est parvenue, se trouve le maréchal de Rais, on a supposé que
+l'ouvrage fut écrit et représenté antérieurement au procès qui se
+termina par la sentence exécutée au-dessus des ponts de Nantes, le 20
+octobre 1440. En effet, nous a-t-on dit, comment, après sa mort
+ignominieuse, montrer aux Orléanais le vampire de Machecoul combattant
+pour leur délivrance? Comment associer dans une action héroïque la
+Pucelle et Barbe-Bleue? Il est embarrassant de répondre à une
+semblable question, parce que nous ne savons pas ce que pouvait
+supporter, en ce genre de choses, la rudesse des vieux âges. Notre
+texte, convenablement interrogé, nous dira peut-être lui-même s'il est
+antérieur ou postérieur à 1440.
+
+Le bâtard d'Orléans fut fait comte de Dunois le 14 juillet 1439[24].
+Les vers du _Mistère_, où on lui donne ce titre, ne peuvent donc être
+plus anciens que cette date. Ils abondent et, par une singularité
+qu'on n'explique pas, se trouvent tous dans le premier tiers de
+l'ouvrage. Quand Dunois paraît ensuite, il redevient le Bâtard. De ce
+fait, voilà cinq mille vers que les éditeurs de 1862 considèrent comme
+ajoutés postérieurement au texte primitif, bien qu'ils ne se
+distinguent des autres ni par la langue, ni par le style, ni par la
+prosodie, ni par aucune qualité. Mais le reste du poème remonte-t-il à
+1435 ou 39?
+
+[Note 24: _Mistère du siège_, préface, p. X.]
+
+Je n'en crois rien. Aux vers 12093 et 12094, la Pucelle annonce à
+Talbot qu'il mourra par la main «des gens du roi». Cette prophétie n'a
+pu être faite qu'après l'événement: elle constitue une manifeste
+allusion à la fin de l'illustre capitaine, et ces vers sont sûrement
+postérieurs à l'année 1453.
+
+Un clerc Orléanais, six ans après le siège, n'aurait pas travesti
+Jeanne en dame de haute naissance.
+
+Aux vers 10199 et suivants du _Mistère du siège_ la Pucelle répond au
+premier président du Parlement de Poitiers qui l'interroge sur sa
+maison:
+
+ Quant est de l'ostel de mon père,
+ Il est en pays de Barois;
+ Gentilhomme et de noble afaire
+ Honneste et loyal François[25].
+
+[Note 25: _Mistère du siège_, pp. 397-398.]
+
+Pour qu'un clerc en arrivât à écrire de telles choses, il fallait que
+la famille de Jeanne fût depuis très longtemps anoblie et la première
+génération noble éteinte, ce qui advint en 1469; il fallait qu'il
+pullulât des du Lys, dont on ménageait les prétentions ridicules. Ces
+du Lys ne se contentaient point de remonter à leur tante; ils
+rattachaient le bonhomme Jacquot d'Arc à la vieille noblesse barroise.
+
+Bien que ces paroles de Jeanne sur «l'hôtel de son père» s'accordent
+assez mal avec d'autres scènes du même mystère, ce long ouvrage paraît
+être tout d'une venue.
+
+Il fut vraisemblablement compilé sous le règne de Louis XI par un
+orléanais qui possédait assez bien son sujet. Il y aurait intérêt à
+étudier ses sources plus attentivement qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Ce
+poète semble avoir connu un _Journal du siège_ très différent de celui
+que nous possédons.
+
+Son mystère fut-il représenté dans les trente dernières années du
+siècle, aux fêtes instituées en commémoration de la prise des
+Tourelles? Le sujet, le ton, l'esprit, tout y est parfaitement
+approprié. Il semble toutefois étrange qu'un poème fait pour célébrer
+à la date du 8 mai la délivrance d'Orléans, place expressément cette
+délivrance à la date du 9. C'est ce que fait l'auteur du _Mistère du
+siège_, quand il met ces vers dans la bouche de la Pucelle:
+
+ ..... Ayez en souvenance...
+ Comment Orléans eult délivrance...
+ L'an mil iiijc xxix;
+ Faites en mémoire tous dis;
+ Des jours de may ce fut le neuf[26].
+
+[Note 26: _Mistère du siège_, vers 14375-14381, p. 559.]
+
+Voilà les principaux chroniqueurs du parti français qui ont écrit sur
+la Pucelle. Je puis me dispenser de citer les autres qui sont plus
+tardifs ou qui, traitant seulement de quelques épisodes de la vie de
+Jeanne, ne peuvent être examinés avec utilité qu'au moment où l'on
+entre dans le détail des faits. Dès à présent, sans nous inquiéter de
+ce qu'il peut y avoir à prendre dans la _Chronique de l'établissement
+de la fête_[27], dans la _Relation_ du greffier de La Rochelle[28], et
+dans quelques autres textes contemporains, nous sommes à même de nous
+apercevoir que, si nous ne savions de Jeanne d'Arc que ce qu'ont dit
+d'elle les chroniqueurs français, nous la connaîtrions à peu près
+comme nous connaissons Çakia Mouni.
+
+[Note 27: _Procès_, t. V, pp. 285 et suiv.]
+
+[Note 28: _Relation inédite sur Jeanne d'Arc, extraite du livre
+noir de l'hôtel de ville de La Rochelle_, publ. par J. Quicherat,
+Orléans, 1879, in-8º, et _Revue Historique_, t. IV, 1877, pp.
+329-344.]
+
+Ce ne sont pas les chroniqueurs bourguignons qui nous la peuvent
+expliquer. Mais on trouve chez eux quelques renseignements utiles. De
+ces chroniqueurs du parti de Bourgogne, le premier en date est le
+clerc picard auteur d'une Chronique anonyme dite _des Cordeliers_[29],
+parce que l'unique manuscrit qui la renferme provient d'un couvent de
+ces religieux, à Paris. C'est une cosmographie qui va de la création
+du monde à l'année 1431. M. Pierre Champion[30] a établi que
+Monstrelet s'en est servi. Ce clerc picard a connu diverses choses et
+vu certaines pièces diplomatiques. Mais il brouille étrangement les
+faits et les dates. Ses informations sur la vie militaire de la
+Pucelle sont de source française et populaire. On lui a accordé
+quelque crédit pour son récit du saut de Beaurevoir qui, s'il était
+exact, écarterait toute idée que Jeanne s'est jetée du haut du donjon
+dans un accès de désespoir ou de folie[31]. Toutefois, ce récit ne
+peut se concilier avec les déclarations de Jeanne.
+
+[Note 29: Bibl. nat. fr., 23.018.--J. Quicherat, _Supplément aux
+témoignages contemporains sur Jeanne d'Arc_, dans _Revue Historique_,
+t. XIX, mai-juin 1882, pp. 72-83.]
+
+[Note 30: Pierre Champion, _Guillaume de Flavy_, Paris, 1906,
+in-8º, pp. xj et xij.]
+
+[Note 31: _Chronique d'Antonio Morosini_, introd. et comm., par
+Germain Lefèvre-Pontalis, texte établi par Léon Dorez, t. III, 1901,
+p. 302 et t. IV, annexe xxj.]
+
+Monstrelet[32], «plus baveux que ung pot de moutarde[33]» est une
+fontaine de sapience au regard de Jean Chartier. S'il se sert de la
+_Chronique des Cordeliers_, il la redresse, et présente les faits avec
+ordre. Ce qu'il savait de Jeanne se réduisait à peu de chose. Il
+croyait de bonne foi qu'elle avait été servante d'auberge. Il n'a
+qu'un mot sur les indécisions de la guerrière à Montépilloy, mais ce
+mot, qui ne se trouve nulle part ailleurs, nous a été extrêmement
+précieux. Il l'a vue au camp de Compiègne, malheureusement il n'a pas
+su ou il n'a pas voulu dire quelle impression elle avait produite sur
+lui.
+
+[Note 32: Enguerran de Monstrelet, _Chronique_, publ. par
+Doüet-d'Arcq, Paris, 1857-1861, 6 vol. in-8º.]
+
+[Note 33: Rabelais, _Pantagruel_, t. III, ch. XXIV.]
+
+Wavrin du Forestel[34], qui rédigea des additions à Froissart, à
+Monstrelet et à Mathieu d'Escouchy, était à Patay; il n'y vit point
+Jeanne. Il ne la connaît que par ouï-dire et très mal. Nous n'avons
+donc pas à tenir grand compte de ce qu'il rapporte de messire Robert
+de Baudricourt, lequel, à l'en croire, endoctrina la Pucelle et lui
+enseigna la manière de paraître «inspirée de la Providence
+divine[35]». Par contre, il donne des renseignements précieux sur les
+faits militaires qui suivirent la délivrance d'Orléans.
+
+[Note 34: Jehan de Wavrin, _Anchiennes croniques d'Engleterre_,
+éd. de mademoiselle Dupont, Paris, 1858-1863, 3 vol. in-8º.]
+
+[Note 35: Additions de Wavrin à Monstrelet, dans _Procès_, t. IV,
+p. 407.]
+
+Le Fèvre de Saint-Remy, conseiller du duc de Bourgogne et roi d'armes
+de la Toison-d'Or[36], était peut-être à Compiègne quand Jeanne fut
+prise et il a parlé d'elle comme d'une vaillante fille.
+
+[Note 36: _Chronique de Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy_,
+publ. par François Morand, Taris, 1876-81, 2 vol. in-8º.]
+
+Georges Chastellain copie Le Fèvre de Saint-Remy[37].
+
+[Note 37: _Chronique des ducs de Bourgogne_, Paris, 1827, 2 vol.
+in-8º, t. XLII et XLIII de la _Collection des Chroniques françaises_
+de Buchon.--_Oeuvres de Georges Chastellain_, publiées par Kervyn de
+Lettenhove, Bruxelles, 1863, 8 vol. in-8º.]
+
+L'auteur du _Journal_ dit _d'un bourgeois de Paris_[38], en qui l'on
+reconnaît un clerc cabochien, n'avait entendu parler de Jeanne que par
+les docteurs et maîtres de l'Université de Paris. Aussi était-il fort
+mal renseigné. C'est regrettable. Cet homme est unique dans son temps
+pour l'énergie des passions et du langage, pour la vigueur de la
+colère et de la pitié, pour son sens profondément populaire.
+
+[Note 38: _Journal d'un bourgeois de Paris_ (1405-1449), publié
+par A. Tuetey, Paris, 1881, in-8º.]
+
+Je dois signaler un écrit qui n'est ni français ni bourguignon, mais
+italien. Je veux parler de la _Chronique d'Antonio Morosini_, publié
+par M. Germain Lefèvre-Pontalis avec des notes d'une admirable
+érudition. Cette chronique ou pour mieux dire les courriers qu'elle
+renferme, sont singulièrement précieux pour l'historien, non parce que
+les actions attribuées à la Pucelle y sont vraies, mais au contraire
+parce qu'elles y sont fausses, parce qu'elles sont toutes imaginaires
+et fabuleuses. On ne trouve pas dans la _Chronique de Morosini_[39] un
+fait, un seul fait, concernant Jeanne, qui soit présenté dans son
+véritable caractère et sous un jour naturel. Et cependant les
+correspondants de Morosini sont des hommes d'affaires, des Vénitiens
+subtils et avisés. Il apparaît à les lire que, sur la «demoiselle»,
+comme ils la nomment, à la fois fameuse et inconnue, courent par tout
+le monde chrétien d'innombrables fictions imitées tantôt des romans de
+chevalerie, tantôt de la _Légende dorée_.
+
+[Note 39: _Chronique d'Antonio Morosini_, publ. par Léon Dorez et
+Germain Lefèvre-Pontalis, Paris, 1900-1902, 4 vol. in-8º.]
+
+Un autre texte, publié aussi par M. Germain Lefèvre-Pontalis avec
+autant de conscience que de talent, le _Journal_ d'un négociant
+allemand, nommé Eberhard de Windecke[40], présente le même phénomène.
+Rien de ce qui y est rapporté de la Pucelle n'est probable ni
+vraisemblable. Dès qu'elle paraît, un cycle de contes populaires se
+forme sur son nom; Eberhard se plaît visiblement à les conter. Nous
+devons ainsi à d'honnêtes marchands étrangers de savoir que, à aucun
+moment de son existence, Jeanne ne fut connue autrement que par des
+fables et que, si elle remua les foules, ce fut par le bruit des
+innombrables légendes qui naissaient sur ses pas et volaient devant
+elle. Et il y a lieu de réfléchir sur cette éclatante obscurité qui
+dès le début enveloppa la Pucelle, ces nuages radieux du mythe qui, en
+la cachant, la faisaient apparaître.
+
+[Note 40: G. Lefèvre-Pontalis, _Les sources allemandes de
+l'histoire de Jeanne d'Arc_, Eberhard Windecke, Paris, 1903, in-8º.]
+
+3º Avec ses mémoires, ses consultations et ses cent quarante
+témoignages, fournis par cent vingt-trois témoins, le procès de
+réhabilitation[41] offre un riche recueil de documents. M. Lanéry
+d'Arc a fort bien fait de publier intégralement les mémoires des
+docteurs ainsi que le traité de l'archevêque d'Embrun, les
+propositions de maître Henri de Gorcum et la _Sibylla Francica_[42].
+Le procès de 1431 nous apprend de reste ce que les théologiens du
+parti de l'Angleterre pensaient de la Pucelle; sans les consultations
+de Théodore de Leliis et de Paul Pontanus et les opinions insérées au
+procès posthume on ignorerait l'idée que se faisaient d'elle les
+docteurs d'Italie et de France; et il importe de connaître les
+sentiments de l'Église tout entière sur une fille qu'elle a condamnée
+vivante, durant la puissance anglaise, et réhabilitée morte, après les
+victoires des Français.
+
+[Note 41: _Procès_, t. II à III, 1844-45. (Les tomes V et VI,
+1846-47, contiennent les témoignages.)]
+
+[Note 42: Lanéry d'Arc, _Mémoires et consultations en faveur de
+Jeanne d'Arc_, Paris, 1889, in-8º.]
+
+Quant aux cent vingt-trois témoins qui furent entendus à Domremy, à
+Vaucouleurs, à Toul, à Orléans, à Paris, à Rouen, à Lyon, gens
+d'Église, princes, capitaines, bourgeois, paysans, artisans, ils
+apportent sans doute des clartés sur une multitude de points. Mais,
+nous sommes obligés de le reconnaître, ils ne satisfont pas, tant s'en
+faut, toutes nos curiosités, et cela pour plusieurs raisons. D'abord
+ils répondaient à un questionnaire dressé en vue d'établir un certain
+nombre de faits dans l'ordre de la justice ecclésiastique. Le sacré
+inquisiteur qui conduisait le procès était curieux; il ne l'était pas
+de la même manière que nous. C'est une première raison de
+l'insuffisance des témoignages à notre sens[43].
+
+[Note 43: _Procès_, t. II, pp. 378-463.]
+
+Il y en a d'autres. Les témoins se montrent, pour la plupart, simples
+à l'excès et sans discernement. Dans cette foule de gens de tout âge
+et de toute condition on est attristé de trouver si peu d'esprits
+judicieux et lucides. Il semble que les âmes fussent alors baignées
+dans un demi-jour où rien ne paraissait distinct. La pensée comme la
+langue avait d'étranges puérilités. On ne peut pénétrer un peu avant
+dans cet âge obscur sans se croire parmi des enfants. Au long
+d'interminables guerres, la misère et l'ignorance avaient appauvri les
+esprits et réduit l'homme à une extrême maigreur morale. Le costume
+des nobles et des riches, étriqué, déchiqueté, ridicule, trahit la
+gracilité absurde du goût et la faiblesse de la raison[44]. Un des
+caractères les plus saisissants de ces petites intelligences, c'est la
+légèreté: elles sont incapables d'attention; elles ne retiennent rien.
+Il faudrait n'avoir pas lu les écrits du temps pour n'être pas frappé
+de cette infirmité presque générale.
+
+[Note 44: J. Quicherat, _Histoire du costume_, Paris, 1875, gr.
+in-8º, _passim_.--G. Demay, _Le costume au moyen âge d'après les
+sceaux_, Paris, 1880, p. 121, fig. 76 et 77.]
+
+Aussi tout n'est-il pas bien sérieux dans ces cent quarante
+témoignages. La fille de Jacques Boucher, argentier du duc d'Orléans,
+dépose en ces termes: «La nuit je couchais seule avec Jeanne. Je n'ai
+jamais remarqué en elle rien de mal ni dans ses paroles ni dans ses
+actes. Tout y était simplicité, humilité, chasteté[45].» Cette
+demoiselle avait neuf ans lorsqu'elle s'aperçut, avec un discernement
+précoce, que sa compagne de lit était simple, humble et chaste.
+
+[Note 45: _Procès_, t. III, p. 34.]
+
+Cela est sans conséquence. Mais pour montrer combien on est déçu
+quelquefois par les témoins sur lesquels on devait compter le plus, je
+citerai frère Pasquerel[46]. Frère Pasquerel est le chapelain de
+Jeanne. Vous vous attendez à ce qu'il parle en homme qui a vu et qui
+sait. Frère Pasquerel met l'examen de Poitiers avant l'audience que
+donna le roi à la Pucelle dans le château de Chinon[47]. Oubliant que
+l'armée de secours se trouvait tout entière dans Orléans depuis le 4
+mai, il suppose que, dans la soirée du vendredi 6, on l'attendait
+encore[48]. On peut juger par là de l'ordre qui règne dans la tête de
+ce religieux. Le pis est qu'il invente des miracles; il veut faire
+croire au monde que, lors de l'arrivée du convoi de vivres sous
+Orléans, survint, par l'intervention de la Pucelle, pour renflouer les
+chalands, une crue soudaine de la Loire, que personne n'a remarquée,
+excepté lui[49].
+
+[Note 46: _Procès_, t. III, p. 100.]
+
+[Note 47: Il convient toutefois de remarquer que frère Pasquerel,
+qui n'était ni à Chinon, ni à Poitiers, prend soin de dire qu'il ne
+sait du séjour de Jeanne dans ces deux villes que ce qu'elle-même lui
+a appris. Or, nous voyons, non sans surprise, qu'elle mettait aussi
+l'examen de Poitiers avant l'audience de Chinon, puisqu'elle a dit
+dans son procès, que, à Chinon, ayant montré un signe à son roi, les
+clercs cessèrent de «l'arguer» (_Procès_, t. I, p. 146).]
+
+[Note 48: _Expectando succursum regis_ (_Procès_, t. III, p.
+109).]
+
+[Note 49: _Procès_, t. III, p. 105.]
+
+La déposition de Dunois[50] cause aussi quelque déception. On sait que
+Dunois était un des hommes les plus intelligents et les plus avisés
+de son temps et qu'il passait pour beau parleur. Il avait défendu, non
+sans habileté, la ville d'Orléans et fait toute la campagne du sacre.
+Il faut que sa déposition ait été bien maltraitée par le traducteur et
+par les scribes. Sans cela on serait obligé de croire que le prudent
+seigneur la fit faire par son chapelain. Il y parle du «grand nombre
+des ennemis» en des termes plus convenables à un chanoine de la
+cathédrale ou à un marchand drapier, qu'au capitaine chargé d'assurer
+la défense et tenu de connaître les forces réelles des assiégeants.
+Tout ce qui, dans cette pièce, a trait au transport des vivres, le 28
+avril, est à peu près inintelligible. Et Dunois n'a pas pu dire que la
+première étape de l'armée de Gien avait été Troyes. Rapportant un
+propos que lui tint la Pucelle après le sacre, il la fait parler comme
+si ses frères l'attendaient à Domremy, tandis qu'ils chevauchaient
+près d'elle en France. Par une étrange maladresse, pour prouver que
+Jeanne avait des visions, il conte une historiette qui, tout au
+contraire, laisserait croire que cette jeune paysanne était une
+simulatrice habile et donnait, à la demande des seigneurs, le
+spectacle de l'extase, comme l'Esther du regretté docteur Luys[51].
+
+[Note 50: _Ibid._, t. III, pp. 2 et suiv.]
+
+[Note 51: _Procès_, t. III, p. 12.]
+
+J'ai dit, dans cet ouvrage, à propos du procès de réhabilitation, ce
+qu'il faut penser des dépositions des greffiers, de l'huissier
+Massieu, du frère Isambard de la Pierre, du frère Martin Ladvenu[52]
+et de tous ces brûleurs de sorcières et vengeurs de Dieu, qui
+travaillèrent à la réhabilitation d'aussi bon coeur qu'ils avaient
+travaillé à la condamnation.
+
+[Note 52: _Procès_, t. II, pp. 15, 161, 329; t. III, pp. 41 et
+_passim_.]
+
+Dans bien des cas, au sujet d'événements considérables, les témoins
+parlent tout à fait à l'encontre de la réalité. Un marchand drapier
+d'Orléans, nommé Jean Luillier, vient devant les commissaires, hardi
+comme l'archer de Bagnolet, et déclare que les habitants ni la
+garnison ne pouvaient résister contre les ennemis assemblés en si
+grand nombre[53]. Or, sur ce point important il est démenti par les
+documents les plus sûrs, qui établissent que les Anglais étaient au
+contraire bien faibles et bien dénués autour d'Orléans[54].
+
+[Note 53: _Ibid._, t. III, p. 23.]
+
+[Note 54: L. Jarry, _Le compte de l'armée anglaise au siège
+d'Orléans_ (1428-1429). Orléans, 1892, in-8º.]
+
+Si les témoignages du second procès sentent souvent l'artifice et
+l'apprêt, s'ils sont parfois hors de toute vérité, ce n'est pas
+seulement le tort de ceux qui les portèrent; c'est aussi le tort de
+ceux qui les reçurent. Ceux-ci les avaient sollicités avec trop d'art.
+Ces témoignages valent ce que valent les témoignages dans un procès
+d'inquisition. Ils représentent en certains endroits la pensée des
+juges autant, peut-être, que celle des témoins.
+
+Ce que, en l'espèce, les juges s'efforçaient surtout d'établir,
+c'était que Jeanne n'avait rien compris quand on lui avait parlé de
+l'Église et du pape, et qu'elle avait refusé d'obéir à l'Église
+militante parce qu'elle croyait que l'Église militante c'était messire
+Cauchon et ses assesseurs. Enfin il fallait la montrer à peu près
+idiote. C'était là un très utile expédient de procédure
+ecclésiastique. Et il y avait encore une autre raison, une raison très
+forte, de la faire passer pour une fille dénuée d'intelligence, une
+innocente. Ce second procès, comme le premier, répondait à des
+intentions politiques; il avait pour objet de faire connaître que
+Jeanne était venue au secours du roi de France, non par suggestion
+diabolique, mais par inspiration céleste. En conséquence, on s'efforça
+de montrer qu'elle n'avait pas d'esprit, pour que l'Esprit Saint fût
+plus manifeste en elle. Les interrogateurs s'y appliquèrent
+constamment. Ils surent amener les témoins à dire à tout propos
+qu'elle était simple, très simple. _Una simplex bergereta_[55], dit
+l'un. _Erat multum simplex et ignorans_[56], dit l'autre.
+
+Et puisque cette innocente était envoyée de Dieu pour délivrer ou
+prendre des villes, pour conduire des gens d'armes, il fallait
+qu'ignorante du reste, elle eût la science infuse de la guerre et
+montrât dans les batailles la force et le conseil qu'elle tenait d'En
+Haut. On dut donc obtenir des dépositions établissant qu'elle était
+plus habile à guerroyer qu'aucun homme au monde.
+
+Demoiselle Marguerite la Touroulde l'affirme[54a]. Le duc d'Alençon
+déclare que la Pucelle était très experte tant à manier la lance qu'à
+former une armée, à ordonner une bataille et à préparer l'artillerie,
+et qu'elle étonnait les vieux capitaines par son art à mettre les
+canons en place[54b]. Ce seigneur entend bien que c'était par miracle
+et qu'il en faut rendre grâce à Dieu seul. Car, s'il eût fallu
+rapporter le mérite des victoires à Jeanne elle-même, il n'en eût pas
+tant dit.
+
+[Note 54a: _Procès_, t. III, p. 85.]
+
+[Note 54b: _Ibid._, t. III, p. 100.--Voir, par contre, la
+déposition de Dunois (t. III, p. 16) «_licet dicta Johanna
+aliquotiens jocose loqueretur de facto armorum, pro animante
+armatos... tamen quando loquebatur seriose de guerra... nunquam
+affirmative asserebat nisi quod erat missa ad levandum obsidionem
+Aurelianensem._]
+
+Et, puisque le Seigneur avait choisi la Pucelle pour accomplir un si
+grand ouvrage, c'était donc qu'il avait reconnu en elle la vertu qu'il
+préfère en ses vierges. Dès lors il ne suffisait pas qu'elle eût été
+chaste; il était nécessaire qu'elle l'eût été miraculeusement; il
+était nécessaire qu'elle eût poussé la chasteté et la sobriété dans le
+boire et le manger jusqu'à la sainteté. Aussi les témoins viennent-ils
+publier à l'envi: _Erat casta, erat castissima. Ille loquens non
+credit aliquam mulierem plus esse castam quam ista Puella erat. Erat
+sobria in potu et cibo. Erat sobria in cibo et potu_[54c].
+
+[Note 54c: _Procès_, t. II, pp. 438, 457; t. III, pp. 100, 219.]
+
+Il fallait enfin qu'une telle pureté manifestât par des privilèges
+singuliers sa céleste origine. À cette nécessité répondent de nombreux
+témoignages. De rudes hommes d'armes, Jean de Novelompont, Bertrand de
+Poulengy, Jean d'Aulon, de hauts seigneurs, le comte de Dunois et le
+duc d'Alençon, viennent affirmer, sur la foi du serment, que Jeanne ne
+leur inspirait pas de désirs charnels. Ces vieux capitaines s'en
+étonnent; ils vantent leur vigueur passée et s'émerveillent que leurs
+jeunes ardeurs aient été une fois endormies par une pucelle. Cela ne
+leur semble pas naturel, cela ne leur paraît pas humainement possible.
+À les entendre décrire les effets que Jeanne produisait sur eux, on
+croit voir sainte Marthe enchaînant la Tarasque. Dunois, très occupé
+dans sa déposition de noter les miracles, ne manque pas de signaler
+celui-là comme un des plus propres à confondre la raison. S'il n'a ni
+convoité ni sollicité cette jeune fille, il ne voit qu'une explication
+à ce fait unique, c'est que Jeanne était sacrée, _res divina_. Pour
+exprimer leur soudaine continence, Jean de Novelompont et Bertrand de
+Poulengy emploient l'un et l'autre identiquement les mêmes formes de
+langage, affectées et contournées. Et voici qu'un écuyer de l'écurie
+du roi, Gobert Thibaut, vient déclarer qu'on parlait beaucoup dans
+l'armée de cette grâce divine spécialement dévolue aux Armagnacs[57]
+et refusée aux Anglais et aux Bourguignons, si l'on en juge par les
+entreprises amoureuses d'un gentilhomme de Picardie et de Jeannotin,
+tailleur à Rouen[58].
+
+[Note 55: _Procès_, t. III, p. 20.]
+
+[Note 56: _Ibid._, t. III, p. 87.]
+
+[Note 57: _Procès_, t. II, p. 438; t. III, pp. 15, 76, 100, 219 et
+457.]
+
+[Note 58: _Ibid._, t. III, pp. 89 et 121.]
+
+Tout cela, comme on voit, répond à la pensée des juges, et ce sont, si
+je puis dire, des vérités théologiques, plutôt que des vérités
+naturelles.
+
+Les dépositions, qui, comme celles de Jean de Novelompont et de
+Bertrand de Poulengy, contiennent des passages rédigés en termes
+identiques, abondent d'ordinaire dans les enquêtes inquisitoriales.
+Elles sont rares, je dois le dire, dans le procès de réhabilitation,
+peut-être parce que les témoins ont été entendus à de longs
+intervalles de temps, dans diverses contrées, et sans doute aussi
+parce que la cause de la Pucelle n'exigeait pas de grands efforts de
+procédure, la partie adverse ayant fait défaut.
+
+Il est fâcheux que toutes les dépositions recueillies dans cette
+enquête, hors celle de Jean d'Aulon, aient été traduites en latin;
+elles y ont perdu l'accent original et les nuances fines de la pensée.
+
+Parfois le greffier se contente de dire que le témoin dépose comme le
+précédent. C'est ainsi que tous les bourgeois déposent sur la
+délivrance de la ville d'Orléans, comme le marchand drapier qui,
+précisément, n'était pas très au fait des circonstances dans
+lesquelles sa ville avait été délivrée. C'est ainsi encore que le sire
+de Gaucourt, après une brève déclaration, dépose comme Dunois, qui
+pourtant avait dit des choses bien particulières pour être ainsi
+communes à deux témoins[59].
+
+[Note 59: _Procès_, t. III, pp. 2 et 35.]
+
+Certains témoignages, à ce qu'il semble, ont été tronqués. Celui de
+frère Pasquerel s'arrête court à Paris, et l'on croirait que le bon
+frère a quitté la Pucelle immédiatement après l'attaque de la Porte
+Saint-Honoré, si l'on n'avait pas sa signature au bas de la lettre
+latine aux Hussites. Ce n'est pas par hasard assurément, que, dans une
+si longue suite de questions et de réponses, il n'est pas dit un mot
+du départ de Sully ni de la campagne qui commença à Lagny et finit à
+Compiègne[60].
+
+[Note 60: _Ibid._, t. III, pp. 100 et suiv.]
+
+On voit que cette abondante enquête doit être consultée avec prudence,
+et qu'il ne faut pas s'attendre à y trouver des éclaircissements sur
+toutes les circonstances de la vie de Jeanne.
+
+4º Les livres de comptes, lettres, actes et autres pièces authentiques
+de l'époque donnent seuls sur bien des points quelque précision à
+l'histoire de la Pucelle. C'est par les pièces d'archives que publia
+Siméon Luce et par le bail du château de l'Île que nous savons dans
+quelles circonstances Jeanne a grandi[61]. Ni les deux procès, ni les
+chroniques ne nous avaient révélé la situation horrible où se trouvait
+le village de Domremy de 1412 à 1425.
+
+[Note 61: Siméon Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy, recherches
+critiques sur les origines de la mission de la Pucelle_, Paris, 1886,
+in-8º; _La France pendant la guerre de cent ans: épisodes historiques
+et vie privée aux XIVe et XVe siècles_, Paris, 1890, in-12.]
+
+C'est par les comptes de forteresse tenus à Orléans[62] et par les
+endentures de l'administration anglaise[63] que nous pouvons estimer
+approximativement les forces respectives des défenseurs et des
+assiégeants et rectifier à cet égard les assertions des chroniqueurs
+et des témoins de la réhabilitation.
+
+[Note 62: D. Lottin, _Recherches sur la ville d'Orléans_, Orléans,
+7 vol. in-8º.--Boucher de Molandon, _Les comptes de ville d'Orléans
+des XIVe et XVe siècles_, Orléans, 1880, in-8º.--Jules Loiseleur,
+_Compte des dépenses faites par Charles VII pour secourir Orléans
+pendant le siège de 1428_, Orléans, 1808, in-8º.--Louis Jarry, _Le
+compte de l'armée anglaise au siège d'Orléans_, Orléans, 1892,
+in-8º.--Couret, _Un fragment inédit des anciens registres de la
+prévôté d'Orléans, relatif au règlement des frais du siège de
+1428-1429_, Orléans, 1897, in-8º (extrait des _Mémoires de l'Académie
+de Sainte Croix_).]
+
+[Note 63: Rymer, _Foedera, conventiones..._ éd. tercia, Hagæ
+Comitis, 1739-1745, 10 vol. in-fol.--Delpit, _Collection de documents
+français qui se trouvent en Angleterre_, Paris, 1847, in-4º.--J.
+Stevenson, _Letters and papers illustrative of the wars of the English
+in France during the reign of Henry VI_, 1861-1864, 3 part., en 2 vol.
+in-8º.--Charles Gross, _The sources and literature of English
+history_, 1900, in-8º.]
+
+C'est par les lettres qu'au XVIIe siècle copia Rogier dans les
+archives de Reims que nous pouvons savoir comment Troyes, Châlons et
+Reims se rendirent au roi et nous apercevoir que Jean Chartier ne
+rapporte pas exactement, tant s'en faut, la capitulation de Troyes et
+que Dunois est, à cet égard, pour un témoin tel que lui, d'une
+insuffisance étrange[64].
+
+[Note 64: Varin, _Archives législatives de la ville de Reims_, 2e
+partie, _Statuts_, t. I, p. 596.--_Procès_, t. IV, pp. 284 et suiv.]
+
+C'est à la faveur de quatre ou cinq documents d'archives que nous
+discernons, çà et là, quelques vagues lueurs dans l'obscurité profonde
+qui recouvre la malheureuse campagne de l'Aisne et de l'Oise.
+
+C'est par les registres capitulaires de Rouen, les testaments des
+chanoines et diverses autres pièces, que M. Robillard de Beaurepaire
+sut trouver dans les archives de la Seine-Inférieure, qu'on peut
+rectifier plusieurs erreurs des deux procès[65].
+
+[Note 65: E. Robillard de Beaurepaire, _Recherches sur le procès
+de condamnation de Jeanne d'Arc_, Rouen, 1869, in-8º; [_Précis des
+travaux de l'Académie de Rouen_, 1867-1868, pp. 321-448]; _Notes sur
+les juges et les assesseurs du procès de condamnation de Jeanne
+d'Arc_, Rouen, 1890, in-8º; [_Précis des travaux de l'Académie de
+Rouen_, 1888-89, pp. 375-504].]
+
+Que d'autres pièces volantes je pourrais encore noter comme
+précieuses à l'historien! Raison de plus pour se défier des pièces
+fausses ou falsifiées, comme, par exemple, les lettres d'anoblissement
+de Guy de Cailly[66].
+
+[Note 66: _Procès_, t. V, pp. 342 et suiv.]
+
+Si rapide qu'ait été cet examen des sources, je crois avoir dit
+l'essentiel. En résumé, la Pucelle, de son vivant même, ne fut guère
+connue que par des fables. Ses plus anciens chroniqueurs, bien
+incapables de faire oeuvre de critiques, rapportèrent comme des
+réalités les légendes de la première heure.
+
+C'est dans le procès de Rouen et dans quelques pièces de comptabilité,
+quelques lettres missives, quelques actes privés ou publics, que nous
+trouverons le plus de vérité. Le procès de réhabilitation sera aussi
+d'un grand secours pour l'histoire, à la condition qu'on n'oublie
+jamais comment et pourquoi ce procès fut fait.
+
+Au moyen de ces documents on peut se représenter, en somme, assez
+précisément Jeanne d'Arc dans son caractère et dans sa vie.
+
+Ce qui ressort surtout des textes, c'est qu'elle fut une sainte. Elle
+fut une sainte avec tous les attributs de la sainteté au XVe siècle.
+Elle eut des visions, et ces visions ne furent ni feintes ni
+contrefaites; elle crut réellement entendre des voix qui lui parlaient
+et qui ne sortaient pas d'une bouche humaine. Ces voix l'entretenaient
+le plus souvent d'une façon distincte et intelligible pour elle. C'était
+dans les bois qu'elle les entendait le mieux, ou quand sonnaient les
+cloches. Elle voyait des figures en manière, a-t-elle dit, de choses
+multiples et minimes, comme des étincelles perçues dans un
+éblouissement. Sans nul doute, elle avait aussi des visions d'une autre
+nature, puisque nous tenons d'elle qu'elle voyait saint Michel sous les
+apparences d'un prud'homme, c'est-à-dire d'un bon chevalier, sainte
+Catherine et sainte Marguerite, le front ceint d'une couronne. Elle les
+voyait qui lui faisaient la révérence; elle les embrassait par les
+jambes et sentait leur bonne odeur.
+
+Qu'est-ce à dire sinon qu'elle avait des hallucinations de l'ouïe, de
+la vue, du toucher et de l'odorat? Chez elle, de tous les sens, le
+plus affecté c'est l'ouïe: elle dit que ses voix lui apparaissent;
+elle les nomme parfois aussi son conseil; elle les entend très bien à
+moins qu'on ne fasse du bruit autour d'elle. Le plus souvent elle leur
+obéit; quelquefois elle leur résiste. Il est douteux que ses visions
+fussent aussi distinctes. Soit qu'elle ne le voulût pas, soit qu'elle
+ne le pût pas, elle n'en donna jamais aux juges de Rouen une
+description bien nette ni bien précise. Ce qu'elle sut peindre le
+mieux ce furent encore les anges porte-couronne qu'elle avoua ensuite
+n'avoir jamais vus que dans son imagination.
+
+À quel âge ces troubles lui vinrent-ils? On ne peut pas le dire avec
+précision. Mais ce fut très probablement au sortir de l'enfance, et
+nous sommes avertis par le témoignage de Jean d'Aulon, que Jeanne ne
+sortit jamais tout à fait de l'enfance[67].
+
+[Note 67: _Procès_, t. III, p. 219.]
+
+Bien que, le plus souvent, il soit hasardeux de tirer d'une donnée
+historique les éléments d'une étude clinique, plusieurs savants ont
+tenté de définir l'état pathologique qui rendait cette jeune fille
+apte à subir de fausses perceptions de l'ouïe et de la vue[68]. Comme
+la psychiatrie a fait en ces dernières années de rapides progrès, je
+me suis adressé à un savant éminent qui connaît l'état actuel de cette
+science, à laquelle il a apporté lui-même d'importantes contributions.
+J'ai demandé au docteur Georges Dumas, professeur à la Sorbonne, si la
+science dispose d'éléments suffisants pour établir rétrospectivement
+le diagnostic de Jeanne. Il m'a envoyé en réponse une lettre qu'on
+lira dans l'appendice I de cet ouvrage[69].
+
+[Note 68: Brière de Boismont, _De l'hallucination historique, ou
+étude médico-psychique sur les voix et les révélations de Jeanne
+d'Arc_, 1861, in-8º.--Le vicomte de Mouchy, _Jeanne d'Arc, étude
+historique et psychologique_, Montpellier, 1868, in-8º, 67 p.]
+
+[Note 69: T. II.]
+
+Je n'ai pas qualité pour aborder ce sujet. Du moins puis-je, sans
+sortir de ma compétence, présenter, relativement aux hallucinations de
+Jeanne d'Arc, une observation qui m'a été suggérée par l'étude des
+textes. Cette observation est d'une conséquence infinie; je la
+contiendrai rigoureusement dans les limites que me tracent la nature
+et l'objet de cet ouvrage.
+
+Les visionnaires qui se croient investis d'une mission divine se
+distinguent des autres illuminés par des caractères singuliers. Si
+l'on étudie les mystiques de ce genre, si on les rapproche les uns des
+autres, on s'apercevra qu'ils présentent entre eux des traits de
+ressemblance qu'on peut suivre jusque dans des détails très menus,
+qu'ils se répètent tous dans certaines de leurs paroles et dans
+certains de leurs actes, et peut-être, en reconnaissant le
+déterminisme étroit auquel sont soumis les mouvements de ces
+hallucinés, éprouve-t-on quelque surprise à voir la machine humaine
+fonctionner, sous l'action d'un même agent mystérieux, avec cette
+uniformité fatale. Jeanne appartient à ce groupe religieux, et il est
+intéressant de la comparer à cet égard à sainte Catherine de
+Sienne[70], à sainte Colette de Corbie[71], à Yves Nicolazic, le
+paysan de Kernanna[72], à Suzette Labrousse, l'inspirée de l'Église
+constitutionnelle[73] et à tant d'autres voyants et voyantes de cet
+ordre qui ont entre eux un air de famille. Trois visionnaires surtout
+sont étroitement apparentés avec Jeanne. Le premier en date est un
+vavasseur de Champagne, qui avait mission de parler au roi Jean. J'ai
+suffisamment fait connaître ce saint homme dans le présent ouvrage. Le
+second est un maréchal ferrant de Salon, qui avait mission de parler à
+Louis XIV; le troisième, un paysan de Gallardon, nommé Martin, qui
+avait mission de parler à Louis XVIII. On trouvera en appendice, des
+notices sur ce maréchal et sur ce laboureur, qui tous deux eurent des
+apparitions et montrèrent un signe au roi[74]. Les ressemblances que
+ces trois hommes, malgré la contrariété des sexes, présentent avec
+Jeanne d'Arc sont intimes et profondes, elles tiennent à leur nature
+même; et les différences, qui semblent au premier aspect séparer si
+largement Jeanne de ces visionnaires, sont d'ordre esthétique,
+social, historique, par conséquent extérieures et contingentes. Sans
+doute il y a d'eux à elle contraste d'apparence et de fortune; ils
+présentent autant de disgrâce qu'elle exerce de charme et c'est un
+fait qu'ils échouèrent misérablement tandis qu'elle grandit en force
+et fleurit en légende. Mais c'est le propre de l'esprit scientifique
+de reconnaître dans le plus bel individu et dans le plus misérable
+avorton d'une même espèce des caractères communs, attestant l'identité
+d'origine.
+
+[Note 70: _Acta Sanctorum_, 1675, Avril, III, 851.]
+
+[Note 71: _Ibid._, Mars, I, 532.]
+
+[Note 72: Le Père Hugues de Saint-François, _Les grandeurs de sainte
+Anne_, Rennes, 1657, in-8º.--L'abbé Max Nicol, _Sainte-Anne-d'Auray_,
+Paris, Bruxelles, s. d. in-8º, pp. 37 et suiv.--M. le docteur G. de
+Closmadeuc a bien voulu me communiquer son précieux travail inédit sur
+Yves Nicolazic, dans lequel on retrouve la sûreté d'information et de
+critique qui caractérise ses études d'histoire locale.]
+
+[Note 73: _Recueil des ouvrages de la célèbre mademoiselle
+Labrousse, du Bourg de Vauxains, en Périgord, canton de Ribeirac,
+département de la Dordogne, actuellement prisonnière au château
+Saint-Ange, à Rome_, Bordeaux, 1797, in-8º.--E. Lairtullier, _Les
+femmes célèbres de 1789 à 1795_, Paris, 1842, in-8º, t. I, pp. 212 et
+suiv.--Abbé Chr. Moreau, _Une mystique révolutionnaire, Suzette
+Labrousse_, Paris, 1886, in-8º.--A. France, _Suzette Labrousse_,
+Paris, 1907, in-12.]
+
+[Note 74: T. II, appendices II et III.]
+
+De notre temps, les libres penseurs, empreints pour la plupart de
+spiritualisme, se refusent à reconnaître en Jeanne non seulement cet
+automatisme qui détermine les actes d'une voyante comme elle, non
+seulement les influences d'une hallucination perpétuelle, mais
+jusqu'aux suggestions de l'esprit religieux. Ce qu'elle faisait par
+sainteté et dévotion, ils veulent qu'elle l'ait fait par enthousiasme
+raisonné. De telles dispositions se remarquent chez l'honnête et
+savant Quicherat qui met, à son insu, beaucoup de philosophie
+éclectique dans la piété de la Pucelle. Cette façon de voir ne fut pas
+sans inconvénients. Elle amena les historiens de libre pensée à
+exagérer jusqu'à l'absurde les facultés intellectuelles de cette
+enfant, à lui attribuer ridiculement des talents militaires et à
+substituer à la naïve merveille du XVe siècle un phénomène
+polytechnique. Les historiens catholiques de notre temps sont plus
+dans la nature et dans la vérité quand ils font de la Pucelle une
+sainte. Par malheur, l'idée de la sainteté s'est beaucoup affadie dans
+l'Église depuis le concile de Trente, et les historiens orthodoxes
+sont peu disposés à rechercher les variations de l'Église catholique à
+travers les âges. Aussi nous la rendent-ils béate et moderne. Si bien
+que, pour trouver la plus étrangement travestie de toutes les Jeanne
+d'Arc, on hésiterait entre leur miraculeuse protectrice de la France
+chrétienne, patronne des officiers et des sous-officiers, modèle
+inimitable des élèves de Saint-Cyr, et la druidesse romantique, la
+garde nationale inspirée, la canonnière patriote des républicains,
+s'il ne s'était trouvé un Père jésuite pour faire une Jeanne d'Arc
+ultramontaine[75].
+
+[Note 75: Le P. Ayroles, _La vraie Jeanne d'Arc_, 5 vol. grand
+in-8º, Paris, 1894-1902. En parlant de ce livre dans une étude sur
+l'_Abjuration de Jeanne d'Arc_ (Paris, 1902, pp. 7 et 8, note), le
+chanoine Ulysse Chevalier, auteur d'un précieux _Répertoire des
+sources du moyen âge_, s'exprime avec beaucoup de sens et de fermeté.
+«Par les dimensions de ses cinq volumes, dit-il, cet ouvrage pourrait
+faire l'illusion d'être la plus ample histoire de Jeanne d'Arc; il
+n'en est rien. C'est un chaos de mémoires traduits ou mis en français
+de notre temps, de réflexions et de controverses contre la libre
+pensée, représentée par Michelet, H. Martin, Quicherat, Vallet de
+Viriville, Sim. Luce et Jos. Fabre. Deux titres suffiront pour donner
+une idée du ton. «Les pseudo-théologiens bourreaux de Jeanne d'Arc,
+bourreaux de la Papauté» (t. I, p. 87). «L'Université de Paris et le
+brigandage de Rouen» (p. 149). L'auteur juge trop souvent le XVe
+siècle d'après les préoccupations du XIXe. Est-il sûr que, membre de
+l'Université de Paris, en 1431, il eût pensé et jugé en faveur de
+Jeanne d'Arc, à l'encontre de ses collègues?».]
+
+Je n'ai pas soulevé de doutes sur la sincérité de Jeanne. On ne peut
+la soupçonner de mensonge: elle crut fermement recevoir sa mission de
+ses voix. Il est plus difficile de savoir si elle ne fut pas dirigée à
+son insu. Ce que nous connaissons d'elle avant son arrivée à Chinon se
+réduit à très peu de chose. On est porté à croire qu'elle avait subi
+certaines influences; c'est le cas de toutes les visionnaires: un
+directeur, qu'on ne voit pas, les mène. Il en dut être ainsi de
+Jeanne. On l'entendit qui disait, à Vaucouleurs, que le dauphin avait
+le royaume en _commende_[76]. Ce n'était pas les gens de son village
+qui lui avaient appris ce terme. Elle récitait une prophétie qu'elle
+n'avait pas inventée et qui, visiblement, avait été fabriquée pour
+elle.
+
+[Note 76: _Procès_, t. II, p. 456.]
+
+Elle dut fréquenter des prêtres fidèles à la cause du dauphin Charles
+et qui surtout souhaitaient la fin de la guerre. Les abbayes étaient
+incendiées, les églises pillées, le service divin aboli[77]. Ces
+pieuses gens qui soupiraient après la paix, voyant que le traité de
+Troyes ne l'avait pu donner, l'attendaient seulement de l'expulsion
+des Anglais. Et ce qu'il y eut de rare, d'extraordinaire et comme
+d'ecclésiastique et de religieux en cette jeune paysanne, ce n'est pas
+qu'elle se crût appelée à chevaucher et à guerroyer, c'est que dans
+«sa grande pitié», elle annonçât la fin prochaine de la guerre, par la
+victoire et le sacre du roi, alors que les seigneurs des deux pays et
+les gens d'armes des deux partis n'avaient ni soupçon ni désir que la
+guerre finît jamais.
+
+[Note 77: Le P. Denifle, _La désolation des églises, monastères,
+hôpitaux en France vers le milieu du XVe siècle_, Mâcon, 1897, in-8º.]
+
+La mission dont elle se croyait chargée par l'ange et à laquelle elle
+consacrait sa vie, était extraordinaire, sans doute, étonnante,
+inouïe; mais non toutefois au-dessus de ce que des saints et des
+saintes avaient déjà tenté dans l'ordre des affaires humaines. Jeanne
+d'Arc fleurit au déclin des grands âges catholiques, alors que la
+sainteté, qui s'accompagnait volontiers de toutes sortes de
+bizarreries, d'illusions et de folies, était encore souverainement
+puissante sur les âmes. Et de quels miracles n était-elle pas capable
+quand elle agissait par la force du coeur et par les grâces de
+l'esprit? Du XIIIe au XVe siècle, les serviteurs de Dieu accomplissent
+des travaux merveilleux. Saint Dominique, pris d'une fureur sacrée,
+extermine l'hérésie par le fer et le feu; saint François d'Assise
+institue, pour un jour, la pauvreté sur le monde; saint Antoine de
+Padoue défend les artisans et les marchands contre l'avarice et la
+cruauté des seigneurs et des évêques; sainte Catherine ramène le Pape
+à Rome. Était-il donc impossible à une sainte fille, avec l'aide de
+Dieu, de rétablir dans le malheureux royaume de France le pouvoir
+royal institué par Notre-Seigneur lui-même et de faire sacrer le
+nouveau Joas échappé à la mort pour le salut du peuple saint?
+
+C'est ainsi que les Français pieux, en 1428, concevaient la mission de
+la Pucelle. Elle se donnait pour une dévote fille, inspirée de Dieu.
+Il n'y avait rien d'incroyable à cela. En annonçant qu'elle avait
+révélations de monseigneur saint Michel sur le fait de la guerre, elle
+inspirait aux gens d'armes armagnacs et aux bourgeois d'Orléans autant
+de confiance que pouvait en communiquer aux mobiles de la Loire, dans
+l'hiver de 1871, un ingénieur républicain, inventeur d'une poudre sans
+fumée ou d'un canon perfectionné. Ce qu'on attendait de la science en
+1871 on l'attendait de la religion en 1428, de sorte que le Bâtard
+d'Orléans put songer à employer Jeanne aussi naturellement que
+Gambetta pensa à recourir aux connaissances techniques de M. de
+Freycinet.
+
+Ce qu'on ne remarque pas assez, c'est que le parti français la mit en
+oeuvre très adroitement. Les clercs de Poitiers, tout en l'examinant
+avec lenteur sur ses moeurs et sa foi, la faisaient valoir. Ces clercs
+de Poitiers n'étaient pas des religieux étrangers au monde, c'était le
+Parlement du roi légitime, c'étaient les exilés de l'Université, des
+hommes très engagés dans les affaires du royaume, très compromis dans
+les révolutions, dépouillés et ruinés, et fort impatients de rentrer
+dans leurs biens; et le plus habile homme du Conseil, l'archevêque duc
+de Reims, chancelier du royaume, les dirigeait. Par la durée et la
+solennité de leurs interrogatoires, ils attiraient sur Jeanne la
+curiosité, l'intérêt, l'espoir des âmes émerveillées[78].
+
+[Note 78: O. Raguenet, _Les juges de Jeanne d'Arc à Poitiers,
+membres du Parlement ou gens d'Église?_ dans _Lettres et mémoires de
+l'Académie de Sainte-Croix d'Orléans_, VII, 1894, pp. 399-442.--D.
+Lacombe, _L'hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau,
+président au Parlement de Poitiers_, dans _Revue du Bas-Poitou_, 1891,
+pp. 46-66.]
+
+La ville d'Orléans avait, pour se défendre, des murs, des fossés, des
+canons, des gens d'armes et de l'argent. Les Anglais n'avaient pu ni
+l'enlever d'assaut ni l'investir. Entre leurs bastilles passaient des
+convois, des compagnies. On fit entrer Jeanne dans la ville avec une
+belle armée de secours. Elle amenait des troupeaux de boeufs, de
+moutons et de porcs. Les habitants crurent recevoir un ange du
+Seigneur. Cependant les assiégeants étaient épuisés d'hommes et
+d'argent. Ils avaient perdu tous leurs chevaux. Loin de pouvoir tenter
+désormais une nouvelle attaque, ils n'avaient pas la force de tenir
+longtemps dans leurs bastilles. À la fin d'avril, il y avait quatre
+mille Anglais devant Orléans, et peut-être moins, car il s'en partait,
+comme on disait, tous les jours; et les déserteurs allaient par
+troupes piller les villages. Dans le même temps, la ville était
+défendue par six mille gens d'armes et gens de trait et plus de trois
+mille hommes des milices bourgeoises. À Saint-Loup, il y eut quinze
+cents Français contre quatre cents Anglais; aux Tourelles, cinq mille
+Français contre quatre ou cinq cents Anglais. En se retirant, les
+Godons abandonnaient à leur sort les petites garnisons de Jargeau, de
+Meung et de Beaugency. On peut juger de l'état de l'armée anglaise par
+la bataille de Patay, qui ne fut point une bataille, mais un massacre,
+et où Jeanne n'arriva que pour gémir sur la cruauté des vainqueurs.
+Néanmoins, les lettres du roi aux bonnes villes lui attribuèrent une
+part de la victoire. C'était donc que le Conseil royal faisait
+étendard de sa sainte Pucelle.
+
+Au fond, que pensaient d'elle ceux qui l'employaient, les Regnault de
+Chartres, les Robert Le Maçon, les Gérard Machet? Sans doute, ils
+n'étaient pas en état de discerner l'origine des illusions dont elle
+était enveloppée. Et, bien qu'il se trouvât alors des athées parmi les
+gens d'Église, l'apparition de saint Michel archange n'était pas pour
+étonner la plupart d'entre eux. Rien alors ne paraissait plus naturel
+qu'un miracle. Mais de près les miracles ne se voient pas. Ils avaient
+cette jeune fille sous les yeux; ils s'apercevaient que, pour sainte
+et bonne qu'elle fût, elle n'exerçait point un pouvoir surhumain.
+
+Tandis que les gens d'armes et tout le commun peuple l'accueillaient
+comme la Pucelle de Dieu et l'ange envoyé du ciel pour le salut du
+royaume, ces bons seigneurs ne songeaient qu'à profiter des sentiments
+de confiance qu'elle inspirait et qu'ils ne partageaient guère. La
+voyant ignorante au possible et la jugeant, sans doute, moins
+intelligente qu'elle n'était, ils entendaient la conduire à leur idée.
+Ils durent bientôt s'apercevoir que ce n'était pas toujours facile.
+Elle était une sainte; les saintes sont intraitables. Quels furent au
+vrai les rapports du Conseil royal avec la Pucelle? Nous l'ignorons et
+c'est un secret qui ne sera jamais pénétré. Les juges de Rouen
+croyaient savoir qu'elle recevait des lettres de saint Michel[79]. Il
+est possible qu'on ait abusé quelquefois de sa simplicité. Nous avons
+des raisons de croire que la marche sur Reims ne lui fut pas suggérée
+en France; mais il est certain que le chancelier du royaume, messire
+Regnault de Chartres, archevêque de Reims, avait grande envie d'être
+rétabli sur le siège du bienheureux Remi et de jouir de ses bénéfices.
+
+[Note 79: _Procès_, t. I, p. 146.]
+
+Dans le fait, cette campagne du sacre ne fut qu'une suite de
+négociations appuyées par des lances. On voulut montrer aux bonnes
+villes un roi saint et pacifique. Si l'on avait eu envie de se
+battre, on serait allé sur Paris ou en Normandie.
+
+Cinq ou six témoins, capitaines, magistrats, ecclésiastiques et une
+honnête veuve déposèrent à l'enquête de 1456 que Jeanne était entendue
+au fait de guerre. Ils s'accordèrent à dire qu'elle montait à cheval
+et maniait la lance mieux que personne. Un maître des requêtes révéla
+qu'elle émerveillait l'armée par la longueur du temps qu'elle pouvait
+rester en selle. Ce sont là des mérites qu'on ne saurait lui refuser
+et l'on ne contestera pas non plus cette diligence, cette ardeur, que
+Dunois vante en elle à l'occasion d'une démonstration faite, la nuit,
+devant Troyes. Quant à l'opinion, que cette jeune fille était très
+habile à rassembler et à conduire une armée et s'entendait surtout à
+diriger l'artillerie, elle est plus difficile à partager et il en
+faudrait un autre garant que ce pauvre duc d'Alençon qui ne passa
+jamais pour un homme raisonnable[80]. Ce que nous venons de dire du
+procès de réhabilitation fait suffisamment comprendre ces étranges
+appréciations. Il était entendu que Jeanne recevait de Dieu ses
+inspirations militaires. On ne craignait plus dès lors de les admirer
+trop et on les vantait un peu à tort et à travers.
+
+[Note 80: _Procès_, t. III, pp. 2 et suiv., p. 96.]
+
+Le duc d'Alençon fut après tout bien modéré en faisant de la Pucelle un
+artilleur distingué. Dès l'année 1429 un humaniste du parti de Charles
+VII disait dans la langue de Cicéron qu'elle égalait et surpassait, pour
+la gloire des armes, Hector, Alexandre, Hannibal et César. «_Non Hectore
+reminiscat et gaudeat Troja, exultet Graecia Alexandro, Annibale Africa,
+Italia Caesare et Romanis ducibus omnibus glorietur, Gallia etsi ex
+pristinis multos habeat, hac tamen una Puella contenta, audebit se
+gloriari et laude bellica caeteris nationibus se comparare, verum
+quoque, si expediet, se anteponere_[81].»
+
+[Note 81: Lettre d'Alain Chartier dans _Procès_, t. V, pp. 135,
+136.--Capitaine P. Marin, _Jeanne d'Arc tacticien et stratégiste_,
+Paris, 1889, 4 vol. in-12.--Le général Canonge, _Jeanne d'Arc
+guerrière_, Paris, 1907, in-8º.]
+
+Jeanne, toujours en prières et en extase, n'observait pas l'ennemi,
+elle ne connaissait pas les chemins, elle ne tenait aucun compte des
+effectifs engagés, ne se souciait ni de la hauteur des murs ni de la
+largeur des fossés. On entend aujourd'hui des officiers discuter le
+génie tactique de la Pucelle[82]. Elle n'avait qu'une tactique,
+c'était d'empêcher les hommes de blasphémer le Seigneur et de mener
+avec eux des ribaudes; elle croyait qu'ils seraient détruits pour
+leurs péchés mais que, s'ils combattaient en état de grâce, ils
+auraient la victoire. C'était là toute sa science militaire, hors
+toutefois qu'elle ne craignait pas le danger. Elle montrait le plus
+doux et le plus fier courage; elle était plus vaillante, plus
+constante, plus généreuse que les hommes et digne en cela de les
+conduire. Et n'est-ce pas une chose admirable et rare que de voir tant
+d'héroïsme uni à tant d'innocence?
+
+[Note 82: _Rossel et la légende de Jeanne d'Arc_, dans la _Petite
+République_ du 15 juillet 1896.--_Jeanne d'Arc soldat_, par Art Roë,
+dans le _Temps_ du 8 mai 1907.--Voyez aussi les ouvrages du capitaine
+Marin, si recommandables d'ailleurs par le soin et la bonne foi.]
+
+À vrai dire, certains chefs et notamment les princes du sang royal
+n'en savaient pas beaucoup plus qu'elle. Pour faire la guerre, en ce
+temps-là, il suffisait de monter à cheval. Il n'existait point de
+cartes. On n'avait nulle idée de marches sur plusieurs lignes,
+d'opérations d'ensemble, d'une campagne méthodiquement combinée, d'un
+effort prolongé en vue de grands résultats. L'art militaire se
+réduisait à quelques ruses de paysans et à certaines règles de
+chevalerie. Les routiers, partisans et capitaines d'aventure, savaient
+tous les tours du métier; mais ils ne connaissaient ni amis ni ennemis
+et n'avaient de coeur qu'à piller. Les nobles montraient grand vouloir
+d'acquérir honneur et louange; en fait, ils songeaient au gain. Alain
+Chartier disait d'eux: «Ils crient aux armes, mais ils courent à
+l'argent[83].»
+
+[Note 83: Alain Chartier, _Oeuvres_, éd. André du Chesne, p. 412.]
+
+La guerre devant durer autant que la vie, on la menait doucement. Les
+gens d'armes, cavaliers et piétons, archers, arbalétriers, tant
+Armagnacs qu'Anglais et Bourguignons se battaient sans beaucoup
+d'ardeur. Ils étaient braves assurément; ils étaient prudents aussi et
+l'avouaient sans nulle honte. Jean Chartier, chantre de Saint-Denys,
+chroniqueur des rois de France, conte comment les Français
+rencontrèrent une fois les Anglais près de Lagny et il ajoute: «Et y
+ot très dure et aspre besongne, car les François n'estoient guères
+plus que les Englois[84].» Ces gens simples avouaient qu'il est
+chanceux de se battre un contre un, attendu qu'un homme en vaut un
+autre. Ce n'étaient pas des esprits nourris de Plutarque comme les
+hommes de la Révolution et de l'Empire. Et ils n'avaient pour leur
+hausser le coeur ni les carmagnoles de Barrère, ni les hymnes de
+Marie-Joseph Chénier, ni les bulletins de la grande armée. On se
+demande bonnement pourquoi ces capitaines, ces gens d'armes allaient
+se battre ici plutôt que là? Pour trouver à manger.
+
+[Note 84: Jean Chartier, _Chronique de Charles VII_, t. I, p.
+121.]
+
+Ces guerres perpétuelles étaient peu meurtrières. Durant ce qu'on
+appela la mission de Jeanne d'Arc, d'Orléans à Compiègne, les Français
+perdirent à peine quelques centaines d'hommes. Les Anglais furent
+beaucoup plus abîmés, parce qu'ils fuyaient et que c'était l'habitude
+des vainqueurs de tuer dans les déroutes tout ce qui ne valait pas la
+peine d'être pris à rançon. Mais les batailles étaient rares, partant
+les défaites, et le nombre des combattants petit. Il n'y avait en
+France qu'une poignée d'Anglais. On ne se battait, autant dire, que
+pour piller. Ceux qui souffraient de la guerre, c'étaient ceux qui ne
+la faisaient pas, les bourgeois, les religieux, les paysans. Les
+paysans enduraient les maux les plus cruels, et il est concevable
+qu'une paysanne ait tenu la campagne avec une fermeté, une
+obstination, une ardeur inconnues à toute la chevalerie.
+
+Ce n'est pas Jeanne qui a chassé les Anglais de France; si elle a
+contribué à sauver Orléans, elle a plutôt retardé la délivrance en
+faisant manquer, par la marche du Sacre, l'occasion de recouvrer la
+Normandie. La mauvaise fortune des Anglais à partir de 1428 s'explique
+très naturellement: tandis que dans la paisible Guyenne, où ils
+faisaient la culture, le négoce, la navigation et administraient
+habilement les finances, le pays, qu'ils rendaient prospère, leur
+était très attaché; au contraire, sur les bords de la Seine et de la
+Loire, ils ne prenaient pas pied; ils n'avaient jamais pu s'y
+implanter, y mettre du monde en suffisance, y faire de solides
+établissements. Enfermés dans les forteresses et les châteaux, ils ne
+cultivaient pas assez le sol pour le conquérir: car on ne s'empare
+vraiment de la terre que par le labour; ils la laissaient en friche et
+l'abandonnaient aux partisans qui les harcelaient et les épuisaient.
+Leurs garnisons ridiculement petites se trouvaient prisonnières dans
+le pays de conquête. Ils avaient les dents longues; mais un brochet
+n'avale pas un boeuf. On avait bien vu après Crécy, après Poitiers,
+qu'ils étaient trop petits et la France trop grande. Pouvaient-ils
+mieux réussir après Verneuil, sous le règne troublé d'un enfant, au
+milieu des discordes civiles, manquant d'hommes et d'argent et quand
+il leur fallait encore contenir le pays de Galles, l'Irlande et
+l'Écosse? En 1428, ils n'étaient qu'une poignée en France et ne s'y
+maintenaient que par le duc de Bourgogne qui dès lors les exécrait et
+leur voulait tout le mal possible.
+
+Les moyens leur manquaient également et de prendre de nouvelles
+provinces et de pacifier celles qu'ils avaient prises. Le caractère
+même de la souveraineté que revendiquaient leurs princes, la nature
+des droits qu'ils faisaient valoir et qui reposaient entièrement sur
+les institutions communes aux deux pays leur rendaient difficile
+l'organisation de leur conquête sans le consentement et même, on peut
+le dire, sans le concours loyal et l'amitié des vaincus. Le traité de
+Troyes ne soumettait pas la France à l'Angleterre; il les réunissait
+l'une à l'autre. Cette réunion inspirait bien des inquiétudes à
+Londres; les gens des communes laissaient voir la crainte que la
+vieille Angleterre ne devînt qu'une province écartée du nouveau
+royaume[85]. De son côté la France ne se sentait pas réunie. Il était
+trop tard. Depuis le temps qu'on guerroyait contre ces Coués
+l'habitude était prise de les haïr. Et peut-être y avait-il déjà un
+caractère anglais et un caractère français qui ne s'accordaient pas.
+Même à Paris, où les Armagnacs faisaient autant de peur que les
+Sarrasins, on supportait les Godons avec grand déplaisir. Ce dont on
+peut être surpris, ce n'est pas que les Anglais aient été chassés de
+France, c'est qu'ils l'aient été si lentement. Est-ce à dire que la
+jeune sainte n'eut point de part dans l'oeuvre de la délivrance? Non,
+certes! Elle eut la part la plus belle: celle du sacrifice; elle donna
+l'exemple du plus haut courage et montra l'héroïsme sous une forme
+imprévue et charmante. La cause du roi, qui était en vérité la cause
+nationale, elle la servit de deux manières: en donnant confiance aux
+gens d'armes de son parti, qui la croyaient chanceuse, et en faisant
+peur aux Anglais qui s'imaginaient qu'elle était le diable.
+
+[Note 85: Voir la délibération des communes du 2 décembre 1421,
+dans Bréquigny, _Lettres des rois, reines et autres personnages des
+cours de France et d'Angleterre_, Paris, 1847 (2 vol. in-4º), t. II,
+pp. 393 et suiv.]
+
+Nos meilleurs archivistes ne pardonnent pas aux ministres et aux
+capitaines de 1428 de n'avoir pas aveuglément obéi à la Pucelle. Ce
+n'est point tout à fait le conseil que l'archevêque d'Embrun donnait,
+sur le moment, au roi Charles; il lui recommandait au contraire de ne
+point se départir des moyens inspirés par la prudence humaine[86].
+
+[Note 86: Le R. P. M. Fornier, _Histoire des Alpes-Maritimes_,
+Paris, 1890, in-8º, t. II. p. 324.--Lanéry d'Arc, _Mémoires et
+consultations_, pp. 565 et suiv.]
+
+On a beaucoup répété que les seigneurs et capitaines, particulièrement
+le vieux Gaucourt[87], étaient jaloux d'elle. Il faut, pour le croire,
+ignorer profondément la nature humaine. Ils étaient envieux les uns
+des autres, et c'est cette envie, au contraire, qui, mieux que tout
+autre sentiment, leur fit souffrir que la Pucelle se dît chef de
+guerre.
+
+[Note 87: Marquis de Gaucourt, _Le sire de Gaucourt_, Orléans,
+1855, in-8º.]
+
+J'avoue qu'il m'a été impossible de découvrir les sourdes intrigues
+des conseillers du roi et des capitaines conjurés pour perdre la
+sainte. Elles éclatent aux yeux de plusieurs historiens; pour moi,
+j'ai beau faire: je ne les discerne pas. Le chambellan, sire de la
+Trémouille, n'était pas une belle âme et le chancelier Regnault de
+Chartres avait le coeur très sec; mais ce qui m'apparaît, c'est que le
+sire de la Trémouille refusa de céder cette précieuse fille au duc
+d'Alençon qui la lui demandait et que le chancelier la garda pour s'en
+servir. Je ne crois pas du tout que Jeanne fut prisonnière à Sully;
+je crois qu'elle en sortit avec bannière et trompettes quand elle alla
+rejoindre le chancelier qui l'employa jusqu'au moment où elle fut
+prise par les Bourguignons. Après la petite sainte, il mit en oeuvre
+un petit saint, un berger, qui avait reçu les stigmates. C'est donc
+qu'il ne regrettait pas de s'être servi d'une personne de dévotion
+pour combattre les ennemis du roi et recouvrer son archevêché.
+
+L'honnête Quicherat et le généreux Henri Martin sont très durs pour le
+gouvernement de 1428. À leur sens, c'est un gouvernement de trahison.
+En fait, ce qu'ils reprochent à Charles VII et à ses conseillers c'est
+de n'avoir pas compris la Pucelle comme ils la comprennent eux-mêmes.
+Mais il a fallu quatre cents ans pour cela. Pour avoir sur Jeanne
+d'Arc les illuminations d'un Quicherat et d'un Henri Martin, il a
+fallu trois siècles de monarchie absolue, la Réforme, la Révolution,
+les guerres de la République et de l'Empire, et le néo-catholicisme
+sentimental des hommes de 48. C'est à travers tant de prismes
+brillants, sous tant de teintes superposées que les historiens
+romantiques et les paléographes généreux ont découvert la figure de
+Jeanne d'Arc, et c'est trop demander à ce pauvre dauphin Charles, à La
+Trémouille, à Regnault de Chartres, au seigneur de Trêves, au vieux
+Gaucourt, que de vouloir qu'ils aient vu Jeanne telle que les siècles
+l'ont faite et achevée[88].
+
+[Note 88: H. Martin, _Jeanne d'Arc_, Paris, 1856, in-12.--J.
+Quicherat, _Nouvelles preuves des trahisons essuyées par la Pucelle_
+dans _Revue de Normandie_, t. VI (1866), pp. 396-401.]
+
+Il reste toutefois ceci, que le Conseil royal, après avoir tant usé
+d'elle, ne fit rien pour la sauver.
+
+La honte de cette abstention doit-elle retomber sur le Conseil tout
+entier et sur le Conseil seul? Qui donc, au juste, devait intervenir?
+Et comment? Que devait faire le roi Charles? Offrir de racheter la
+Pucelle? On ne la lui aurait cédée à aucun prix. Quant à la ravoir par
+la force, c'était un rêve d'enfant. Seraient-ils entrés à Rouen, les
+Français ne l'y auraient point trouvée: Warwick aurait toujours eu le
+temps de la mettre en sûreté ou de la noyer dans la rivière. Pour la
+reprendre, ni l'argent ni les armes ne valaient rien. Ce n'est point à
+dire qu'on dût se croiser les bras. On pouvait agir sur ceux qui
+faisaient le procès. Sans doute ils étaient tous, ceux-là, du parti
+des Godons; ce vieux cabochien de Pierre Cauchon s'y trouvait surtout
+très engagé; il exécrait les Français; les clercs de l'obéissance de
+Henri VI étaient naturellement enclins à plaire au grand conseil
+d'Angleterre d'où coulaient les bénéfices; les docteurs et maîtres de
+l'Université de Paris avaient grand'peur et grande haine des
+Armagnacs; pourtant les juges du procès n'étaient pas tous des
+prévaricateurs infâmes; le chapitre de Rouen ne manquait ni de courage
+ni d'indépendance[89]; il y avait parmi les universitaires, si
+violents contre Jeanne, des hommes estimés pour la doctrine et le
+caractère; ils pensaient, la plupart, procéder vraiment en matière de
+foi; à force de rechercher les sorcières, ils en voyaient partout; ils
+faisaient brûler de ces femelles, comme ils disaient, tous les jours,
+et n'en recevaient que des compliments; autant que Jeanne, ils
+croyaient à la possibilité des apparitions dont elle se disait
+favorisée, seulement ils étaient persuadés ou qu'elle mentait ou
+qu'elle voyait des diables; l'évêque, le vice-inquisiteur et les
+assesseurs, au nombre de plus de quarante, furent unanimes à la
+déclarer hérétique et diabolique. Plusieurs sans doute s'imaginaient,
+par leur sentence, maintenir, contre les fauteurs du schisme et de
+l'hérésie, l'orthodoxie catholique et l'unité d'obédience; ils
+voulaient bien juger. Et même les plus scélérats et les plus
+audacieux, l'évêque et le promoteur, n'auraient pas osé, pour
+contenter les Anglais, enfreindre trop ouvertement les règles de la
+justice ecclésiastique. C'étaient des prêtres; ils en avaient
+l'orgueil et le respect des formes. Par les formes on pouvait les
+atteindre; on pouvait, au moyen d'une vigoureuse procédure,
+contrarier, arrêter, peut-être, la leur et prévenir la sentence
+funeste. Si l'archevêque de Reims, métropolitain de l'évêque de
+Beauvais, était intervenu dans le procès, s'il avait suspendu son
+suffragant pour abus ou pour toute autre cause, Pierre Cauchon aurait
+été fort embarrassé; si, comme il se décida à le faire plus tard, le
+roi Charles VII avait fait intervenir la mère et les frères de la
+Pucelle; si Jacques d'Arc et la Romée avaient protesté dans les formes
+contre une action judiciaire d'une partialité manifeste; si le
+registre de Poitiers[90] avait été versé au dossier; si les plus hauts
+prélats de l'obéissance de Charles VII avaient demandé un sauf-conduit
+pour venir témoigner à Rouen, en faveur de Jeanne; si enfin le roi,
+son conseil et toute l'Église de France avaient réclamé l'appel au
+pape et au Concile, qui était de droit, le procès pouvait prendre une
+autre issue.
+
+[Note 89: Même à considérer seulement ceux des chanoines qui
+siégèrent au procès. Cf. Ch. de Beaurepaire, _Recherches sur le procès
+de condamnation de Jeanne d'Arc_, Rouen, 1869, in-8º.]
+
+[Note 90: Ou du moins les conclusions des docteurs qui nous sont
+parvenues. Quant au registre, il ne devait pas contenir grand'chose.
+On voit, par les témoignages du procès de réhabilitation, que les
+clercs de Poitiers ne tenaient pas beaucoup à ce qu'on parlât de leur
+enquête.]
+
+Mais on eut peur de l'Université de Paris. On craignit que vraiment
+Jeanne, comme tant de savants docteurs le soutenaient, ne fût
+hérétique, mal croyante, séduite par le prince des ténèbres. Satan se
+transforme en ange de lumière et il est difficile de discerner les
+faux prophètes des vrais. La malheureuse Pucelle fut abandonnée par le
+clergé dont les croix naguère marchaient devant elle; entre tous les
+maîtres de Poitiers il ne s'en trouva pas un seul pour s'offrir à
+témoigner dans le château de Rouen de cette innocence qu'ils avaient
+reconnue doctoralement dix-huit mois auparavant.
+
+Il y aurait grand intérêt à suivre la mémoire de la Pucelle à travers
+les âges. Mais ce serait tout un livre. J'indiquerai seulement les
+révolutions les plus étonnantes du sentiment public à son sujet. Les
+humanistes de la Renaissance ne s'intéressèrent pas beaucoup à elle:
+elle était trop gothique pour eux. Les réformés, qui trouvaient
+qu'elle sentait l'idolâtrie, ne pouvaient la voir en peinture[91].
+Chose qui semble étrange aujourd'hui, mais qui n'en est pas moins
+certaine et conforme à tout ce que nous savons des sentiments des
+Français pour leurs rois, ce fut la mémoire de Charles VII qui, sous
+la monarchie, soutint et sauva la mémoire de Jeanne d'Arc[92]. Le
+respect dû au prince empêcha le plus souvent ses sujets fidèles de
+soumettre à une critique trop sévère les légendes de Jeanne ainsi que
+celles de la Sainte Ampoule, de la guérison des écrouelles, de
+l'oriflamme et toutes autres traditions populaires relatives aux
+antiquités et illustrations de la maison de France. Quand, en 1609,
+dans un collège de Paris, la Pucelle fut le sujet d'exercices
+littéraires où elle était traitée sans faveur[93], un homme de robe,
+Jean Hordal, qui se glorifiait d'être du sang de l'héroïne, se
+plaignit de ces disputes d'école comme d'une offense à la majesté
+royale. «Je m'estonne grandement, dit-il, qu'en France... on tolère
+que publiquement déclamations se fassent contre l'honneur de la
+France, du roi Charles VII et de son Conseil[94].» Si Jeanne n'avait
+pas appartenu si étroitement à la royauté, son souvenir eût été fort
+négligé par les beaux esprits du XVIIe siècle. Ses apparitions lui
+faisaient du tort auprès des savants qui, protestants et catholiques,
+traitaient la vie de sainte Marguerite de cafarderie[95]. Alors les
+Sorbonagres eux-mêmes retranchaient beaucoup sur le martyrologe et
+les légendes des saints. Un de ceux-là, Edmond Richer, champenois
+comme Jeanne, censeur de l'Université en 1600, et zélé gallican,
+composa un livre apologétique sur celle qui avait soutenu de son épée
+la couronne de Charles VII[96]. Bien qu'attaché aux libertés de
+l'église de France, Edmond Richer était bon catholique. Il avait de la
+doctrine et de la piété; il croyait fermement aux anges, mais il ne
+croyait ni à sainte Catherine ni à sainte Marguerite, et leur
+apparition à la Pucelle l'embarrassait beaucoup. Il se tira de cette
+difficulté en supposant que des anges s'étaient donnés à la jeune
+fille pour les deux saintes à qui, dans son ignorance, elle avait une
+grande dévotion. L'hypothèse lui parut satisfaisante, «d'autant,
+disait-il, que l'Esprit de Dieu, qui gouverne l'Église, s'accommode à
+notre infirmité». Trente ou quarante ans plus tard, un autre docteur
+en Sorbonne, Jean de Launoy, le dénicheur de saints, acheva de ruiner
+la légende de sainte Catherine[97]. Les voix de Domremy devenaient
+terriblement suspectes.
+
+[Note 91: Aug. Vallet, _Observation sur l'ancien monument érigé à
+Orléans_, Paris, 1858, in-8º.]
+
+[Note 92: Voir un curieux projet de décoration du terre-plein du
+Pont-Neuf adressé à Louis XIV (B. N., V p{zz} 338, in-fol.). Un sieur
+Dupuis, aide des Cérémonies, y propose l'érection de statues «à ces
+grands et illustres capitaines qui de règne en règne ont vaillamment
+soutenu la dignité de la couronne... Artus de Bretagne, connestable,
+Jean, comte de Dunois, Jeanne Dark, pucelle d'Orléans, Roger de
+Gramont, comte de Guiche, Guillaume, comte de Chaumont, Amaury de
+Severac, Vignoles dit La Hire...». (Communications de M. Paul Lacombe,
+_Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris_, 1894, p. 115; 11 juin
+1907, _Ibid._).]
+
+[Note 93: _Puellæ Aureliensis causa adversariis orationibus
+disceptata auctore Jacobo Jolio_, Parisiis, apud Julianum Bertaut,
+1609.]
+
+[Note 94: Jean Hordal, _Heroinæ nobilissimæ Ioannæ Darc Lotharingæ
+vulgo aurelianensis puellæ historia..._ Ponti-Mussi, 1612, in-8º.]
+
+[Note 95: Rabelais, _Gargantua_, chap. VI.--Abbé Thiers, _Traité
+des superstitions selon l'Écriture sainte_, Paris, 1697, t. I, p.
+109.]
+
+[Note 96: Edmond Richer, _Histoire de la Pucelle d'Orléans en 4
+livres_, ms., Biblioth. Nat, f. fr., 10448, fol. 12{20}.]
+
+[Note 97: «La vie de sainte Catherine, vierge et martyre, est
+toute fabuleuse depuis le commencement jusqu'à la fin.» _Valesiana_,
+p. 48.--«M. de Launoy, docteur en théologie, avait rayé de son
+calendrier sainte Catherine, vierge et martyre. Il disait que sa vie
+était une fable, et, pour montrer qu'il n'y ajoutait aucune foi, tous
+les ans, au jour de la fête de cette sainte, il disait une messe de
+_Requiem_. C'est de lui-même que je tiens cette particularité.»
+_Ibidem_, p. 36.]
+
+Regardez Chapelain, dont le poème fut publié pour la première fois en
+1656. Chapelain est burlesque avec gravité; c'est un Scarron sans le
+savoir. Nous n'en avons pas moins profit à apprendre de lui qu'il n'a
+vu dans son sujet qu'une occasion de célébrer le Bâtard d'Orléans. Il
+dit expressivement en sa préface: «Je ne l'ai pas tant regardée [la
+Pucelle] comme le principal héros du poème, qui à proprement parler
+est le comte de Dunois.» Chapelain était aux gages du duc de
+Longueville, descendant de Dunois[98]; c'est Dunois qu'il chante;
+«l'illustre bergère» vient lui fournir à propos le merveilleux, et
+selon l'expression du bonhomme, les machines nécessaires à l'épopée.
+Les saintes Catherine et Marguerite, trop vulgaires, sont exclues de
+ces machines. Chapelain nous avertit qu'il prit un soin particulier de
+conduire son poème «de telle sorte que tout ce qu'il y fait faire par
+la puissance divine s'y puisse croire fait par la seule force humaine
+élevée au plus haut point où la nature est capable de monter». On voit
+poindre ici l'esprit moderne.
+
+[Note 98: Jean Chapelain, _La Pucelle ou la France délivrée_,
+Paris, 1656, in-fº.]
+
+Bossuet aussi se garde bien de parler de sainte Catherine et de sainte
+Marguerite. Les quatre ou cinq pages in-4º qu'il consacre à Jeanne
+d'Arc dans son _Abrégé de l'Histoire de France pour l'instruction du
+Dauphin_[99] sont bien curieuses, non pour l'exposé des faits qui y
+est inexact et confus[100], mais par le soin que prend l'auteur de ne
+présenter que d'une manière incidente et dubitative les faits
+miraculeux attribués à la Pucelle. Au sentiment de Bossuet, comme à
+celui de Jean Gerson, ces choses sont d'édification, non de foi.
+Bossuet qui écrit pour l'instruction d'un prince est tenu à beaucoup
+abréger; mais il abrège trop quand, présentant la condamnation de
+Jeanne comme l'oeuvre de l'évêque de Beauvais, il oublie de dire que
+l'évêque de Beauvais rendit cette sentence sur l'avis unanime de
+l'Université de Paris et conjointement avec le vice-inquisiteur[101].
+
+[Note 99: _Oeuvres de messire Jacques-Bénigne Bossuet_, Paris,
+in-4º, tome XI, 1749, feuillets chiffrés; tome XII, pp. 234 et
+suiv.--Cf. Ce qu'il nous dit des inspirées dans l'_Instruction sur les
+états d'oraison_, Paris, 1697, in-8º.]
+
+[Note 100: «Cette fille nommée Jeanne d'Arq... avoit été servante
+dans une hôtellerie.» _Loc. cit._, p. 233.]
+
+[Note 101: Il ne faut pas juger trop sévèrement les cahiers d'un
+précepteur; mais Bossuet, qui place la réhabilitation sous la rubrique
+de 1431, ne nous avertit pas qu'elle ne fut prononcée que vingt-cinq
+ans plus tard. Bien au contraire, il ne tient qu'à lui qu'on la croie
+antérieure à la délivrance de Compiègne. Voici son texte: «En
+exécution de cette sentence, elle fut brûlée toute vive à Rouen en
+1431. Les Anglois firent courir le bruit qu'elle avoit enfin reconnu
+que les révélations dont elle s'étoit vantée étaient fausses. Mais le
+Pape, quelque temps après, nomma des commissaires. Son procès fut revu
+solemnellement, et sa conduite approuvée par un dernier jugement que
+le Pape lui-même confirma. Les Bourguignons furent contraints de lever
+le siège de Compiègne» (_Loc. cit._, p. 236).
+
+Mézeray est plus crédule que Bossuet; il nomme «les saintes Catherine
+et Marguerite, qui purifioient son âme par des conversations célestes,
+à cause qu'elle les vénéroit d'une particulière dévotion». Comme
+Bossuet, en exposant le procès, il passe sous silence le
+vice-inquisiteur (_Histoire de France_, t. II, 1746, in-folio, pp. 11
+et suiv.).]
+
+Les philosophes ne sont pas tombés en France, au XVIIIe siècle, comme
+une pluie de sauterelles: ils sortaient de deux siècles d'esprit
+critique. S'ils trouvaient dans l'histoire de Jeanne d'Arc plus de
+capucinades que leur goût n'en souffrait, c'est qu'ils avaient été
+instruits dans l'histoire ecclésiastique par les Baillet et les
+Tillemont, hommes pieux, sans doute, mais grands destructeurs de
+légendes. Voltaire railla sur Jeanne les moines fripons et leurs
+dupes. Si l'on rappelle les petits vers de _la Pucelle_, pourquoi ne
+pas rappeler aussi l'article[102] du _Dictionnaire Philosophique_, qui
+renferme en trois pages plus de vérités solides et de pensées
+généreuses que certains gros ouvrages modernes où Voltaire est insulté
+en jargon de sacristie?
+
+[Note 102: Voltaire, éd. Beuchot, t. XXVI.--Cf. aussi: _Essai sur
+les moeurs_, chap. LXXX. «Enfin, accusée d'avoir repris une fois
+l'habit d'homme qu'on lui avait laissé exprès pour la tenter, ses
+juges... la déclarèrent hérétique relapse, et firent mourir par le feu
+celle qui, ayant sauvé son roi, aurait eu des autels dans les temps
+héroïques, où les hommes en élevaient à leurs libérateurs. Charles VII
+rétablit depuis sa mémoire, assez honorée par son supplice même.»]
+
+C'est précisément à la fin du XVIIIe siècle que Jeanne commença à être
+mieux connue et plus justement estimée, d'abord par le petit livre que
+l'abbé Lenglet du Fresnoy tira presque en entier de l'histoire inédite
+du vieux Richer[103], puis par les savantes recherches de L'Averdy
+sur les deux procès[104].
+
+[Note 103: L'abbé Lenglet du Fresnoy, _Histoire de Jeanne d'Arc,
+vierge, héroïne et martyre d'État suscitée par la Providence pour
+rétablir la monarchie française, tirée des procès et pièces originales
+du temps_. Paris, 1753-54, 3 vol. in-12.]
+
+[Note 104: F. de L'Averdy, _Mémorial lu au comité des manuscrits
+concernant la recherche à faire des minutes originales des différentes
+affaires qui ont eu lieu par rapport à Jeanne d'Arc, appelée
+communément la Pucelle d'Orléans_. Paris, Imprimerie Royale, 1787,
+in-4º.--_Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi,
+lus au comité établi par sa Majesté dans l'Académie royale des
+Inscriptions et Belles Lettres._ Paris, Imp. Royale, 1790, t. III.]
+
+Toutefois l'humanisme et après l'humanisme la réforme, après la
+réforme le cartésianisme, après le cartésianisme la philosophie
+expérimentale, avaient détruit dans l'élite des esprits les vieilles
+crédulités; le rosier des légendes gothiques, quand vint la
+révolution, était depuis longtemps défleuri. Il semblait que la gloire
+de Jeanne d'Arc, liée si étroitement aux traditions de la maison de
+France, ne pût survivre à la monarchie et que la tempête qui dissipa
+les cendres royales de Saint-Denys et le trésor de Reims dût emporter
+aussi les frêles reliques et les images pieuses de la Sainte des
+Valois. Le nouveau régime en effet refusa d'honorer une mémoire
+inséparable de la royauté et de la religion; la fête orléanaise de
+Jeanne d'Arc, dépouillée en 1791 des pompes de l'Église, fut cessée en
+93. Alors l'histoire de la Pucelle paraissait un peu trop gothique
+aux émigrés eux-mêmes: Chateaubriand, n'osa pas l'introduire dans son
+_Génie du Christianisme_[105].
+
+[Note 105: «Il n'y avait dans les temps modernes que deux beaux
+sujets de poëme épique les _Croisades_ et la _Découverte du Nouveau
+Monde_» (éd. de 1802, Paris, t. II, p. 7.)]
+
+Mais le premier Consul, qui venait de conclure le Concordat et
+songeait à restaurer les ornements du sacre, fit rétablir, en l'an XI,
+les fêtes de la Pucelle et y rappela l'encens et les croix. Célébrée
+jadis dans les lettres de Charles VII à ses bonnes villes, Jeanne fut
+exaltée dans le _Moniteur_ par Bonaparte[106].
+
+[Note 106: «L'illustre Jeanne d'Arc a prouvé qu'il n'est pas de
+miracle que le génie français ne puisse produire dans les
+circonstances où l'indépendance nationale est menacée» (_Moniteur_ du
+10 pluviôse, an XI--30 janvier 1803).--Pour l'approbation du premier
+Consul: Fac-similé dans A. Sarrazin, _Jeanne d'Arc et la Normandie_,
+p. 600 [Original tiré de la collection de Reiset].]
+
+Les figures de la poésie et de l'histoire ne vivent dans la pensée des
+peuples qu'à la condition de se transformer sans cesse. La foule
+humaine ne saurait s'intéresser à un personnage des vieux âges si elle
+ne lui prêtait pas ses propres sentiments et ses propres passions.
+Après avoir été associée à la monarchie de droit divin, la mémoire de
+Jeanne d'Arc fut rattachée à l'unité nationale que cette monarchie
+avait préparée; elle devint, dans la France impériale et républicaine,
+le symbole de la patrie. Certes, la fille d'Isabelle Romée n'avait pas
+plus l'idée de la patrie telle qu'on la conçoit aujourd'hui, qu'elle
+n'avait l'idée de la propriété foncière qui en est la base; elle ne se
+figurait rien de semblable à ce que nous appelons la nation; c'est une
+chose toute moderne; mais elle se figurait l'héritage des rois et le
+domaine de la Maison de France. Et c'est bien là tout de même, dans ce
+domaine et dans cet héritage, que les Français se réunirent avant de
+se réunir dans la patrie.
+
+Sous des influences qu'il nous est impossible d'indiquer précisément,
+la pensée lui vint de rétablir le dauphin dans son héritage, et cette
+pensée lui parut si grande et si belle, que, dans la simplicité de son
+naïf et candide orgueil, elle crut que c'était des anges et des
+saintes du Paradis qui la lui avaient apportée. Pour cette pensée elle
+donna sa vie. C'est par là qu'elle survit à sa cause. Les plus hautes
+entreprises périssent dans leur défaite et, plus sûrement encore, dans
+leur victoire. Le dévouement qui les inspira demeure en immortel
+exemple. Et, si l'illusion qui enveloppait ses sens la soutint, l'aida
+à s'offrir tout entière, cette illusion ne fut-elle pas à son insu
+l'ouvrage de son coeur? Sa folie fut plus sage que la sagesse, car ce
+fut la folie du martyre, sans laquelle les hommes n'ont encore rien
+fondé de grand et d'utile dans le monde. Cités, empires, républiques,
+reposent sur le sacrifice. Ce n'est donc ni sans raison ni sans
+justice que, transformée par les imaginations enthousiastes, elle
+devint le symbole de la patrie armée.
+
+Le Brun de Charmettes[107], royaliste jaloux des gloires impériales,
+composa en 1817, avec talent, la première histoire patriotique de
+Jeanne d'Arc, qui devait être suivie de tant d'autres, conçues dans le
+même esprit, tracées sur le même plan, écrites dans le même style. De
+1841 à 1849, Jules Quicherat, en publiant les deux procès et les
+témoignages, ouvrit dignement une époque incomparable de recherches et
+de découvertes. Au même moment, Michelet écrivit dans le cinquième
+tome de son _Histoire de France_ des pages rapides et colorées, qui
+resteront sans doute comme la plus belle expression de l'art
+romantique appliqué à la Pucelle[108].
+
+[Note 107: Le Brun de Charmettes, _Histoire de Jeanne d'Arc
+surnommée la Pucelle d'Orléans_, Paris, 1817, 4 vol. in-8º.]
+
+[Note 108: Michelet, _Histoire de France_, t. V.]
+
+Mais, de toutes les histoires écrites de 1817 à 1870, ou du moins de
+toutes celles que j'ai pu connaître, car je ne me suis pas attaché à
+les lire toutes, la plus sagace, à mon avis, est celle qui forme le
+livre IV de l'_Histoire de Charles VII_, par Vallet de Viriville, dans
+laquelle se montre le souci de rattacher la Pucelle au groupe de
+visionnaires auquel elle appartient réellement[109].
+
+[Note 109: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. II,
+Paris, 1863, in-8º.]
+
+Le livre de Wallon a été très répandu, sinon très lu; il doit sa
+fortune à son exactitude confessionnelle[110]. C'est une oeuvre
+consciencieuse, morne et d'un fanatisme modéré. Puisqu'il fallait une
+_Jeanne d'Arc_ orthodoxe à l'usage des gens du monde, celle de M.
+Marius Sepet avait, pour remplir cet office, autant d'exactitude et
+plus de grâce[111].
+
+[Note 110: H. Wallon, _Jeanne d'Arc_, Paris, 1860, 2 vol. in-8º.]
+
+[Note 111: M. Sepet, _Jeanne d'Arc_, avec une introduction par
+Léon Gauthier, Tours, 1869, in-8º.]
+
+Après la guerre de 1871, sous la double influence de l'esprit
+patriotique, exalté par la défaite, et du sentiment catholique
+renaissant dans la bourgeoisie, le culte de la Pucelle redoubla de
+ferveur. Les lettres et les arts achevèrent la transfiguration de
+Jeanne.
+
+Les catholiques, comme le docte chanoine Dunand[112], rivalisent de
+zèle et d'enthousiasme avec les spiritualistes indépendants comme M.
+Joseph Fabre[113]. Celui-ci, en donnant sous une forme très artiste
+les deux procès en français et en discours direct, a vulgarisé l'image
+la plus ancienne et la plus touchante de la Pucelle[114].
+
+[Note 112: Chanoine Dunand, _Histoire de Jeanne d'Arc_, Toulouse,
+1898-1899, 3 vol. in-8º.]
+
+[Note 113: Joseph Fabre, _Jeanne d'Arc, libératrice de la France_,
+n. éd., Paris, 1894, in-12.]
+
+[Note 114: _Procès de condamnation de Jeanne d'Arc..._ traduction
+avec éclaircissements, par J. Fabre, n. éd., Paris, 1895, in-18.]
+
+De cette période datent des travaux d'érudition presque innombrables
+parmi lesquels il faut signaler ceux de Siméon Luce de qui désormais
+quiconque traite des commencements de Jeanne doit se reconnaître
+tributaire[115].
+
+[Note 115: _Jeanne d'Arc à Domremy_, _op. cit._--_La France
+pendant la guerre de Cent Ans_, _op. cit._]
+
+Nous sommes tenus à une égale reconnaissance envers M. Germain
+Lefèvre-Pontalis pour ses belles éditions et ses pénétrantes études,
+d'une érudition élégante et sûre.
+
+Dans cette période d'exaltation romantique et néo-catholique, la
+peinture et la sculpture multiplièrent les images de Jeanne, si rares
+jusque-là; on vit en merveilleuse abondance Jeanne priant, Jeanne
+armée et chevauchant, Jeanne captive, Jeanne martyre; de toutes ces
+images exprimant de diverses manières et avec des mérites inégaux le
+goût et le sentiment d'une époque, une seule oeuvre apparaît grande et
+vraie, d'une beauté puissante: la Jeanne d'Arc hallucinée de
+Rude[116].
+
+[Note 116: Lanéry d'Arc, _Le Livre d'Or de Jeanne d'Arc_, n{os}
+2080 à 2112.]
+
+Le mot de patrie n'existait pas au temps de la Pucelle. On disait le
+royaume de France[117]. Personne, pas même les légistes, n'en savaient
+au juste les limites, qui changeaient sans cesse. La diversité des
+lois et des coutumes y était infinie et les querelles entre seigneurs
+s'élevaient à tout moment. Les hommes se sentaient pourtant au coeur
+l'amour du pays natal et la haine de l'étranger. Si la guerre de Cent
+Ans ne créa pas en France le sentiment national, elle le nourrit. Dans
+son _Quadrilogue invectif_, Alain Chartier montre la France qui,
+reconnaissable à sa robe somptueusement ornée des emblèmes de la
+noblesse, du clergé et du tiers-état, mais lamentablement souillée et
+déchirée, adjure les trois ordres de ne pas la laisser périr: «Après
+le lien de foi catholique, leur dit-elle, Nature vous a devant toute
+autre chose obligez au commun salut du pays de votre nativité et à la
+défense de cette seigneurie sous laquelle Dieu vous a fait naître et
+avoir vie[118].» Et ce ne sont pas là seulement les maximes d'un
+humaniste instruit dans les vertus antiques. D'humbles Français
+avaient cher de servir le pays de leur naissance. «Faut-il que le roi
+soit chassé de son royaume et que nous soyons Anglais!» s'écriait en
+1428 cet homme d'armes de Lorraine[119]. Les sujets des Fleurs de Lis
+comme ceux du Léopard s'estimaient tenus à la loyauté envers leur
+légitime seigneur. Mais si quelque changement advenait pour son
+dommage à la seigneurie dont ils faisaient partie, ils s'en
+accommodaient en somme aisément, parce qu'une seigneurie s'accroît ou
+se rétrécit selon la puissance ou la fortune, selon le bon droit ou le
+bon plaisir du possesseur et qu'elle peut être démembrée par mariages,
+dons ou héritages, aliénée par divers contrats. En signe de
+réjouissance, les habitants de Paris jonchèrent d'herbes et de fleurs
+les rues de la ville, à l'occasion du traité de Brétigny, qui
+diminuait beaucoup la seigneurie du roi Jean[120]. En fait, les
+seigneurs changeaient d'obéissance tant qu'il était nécessaire.
+Juvénal des Ursins rapporte dans son journal[121] que, lors de la
+conquête de la Normandie par les Anglais, on vit une jeune veuve
+quitter sa terre avec ses trois enfants pour ne pas rendre hommage au
+roi d'outre-mer. Mais combien de seigneurs normands refusèrent comme
+elle de se mettre aux mains des anciens ennemis du royaume? L'exemple
+de la fidélité au roi ne venait pas toujours de sa famille. Le duc de
+Bourbon, au nom de tous les princes du sang royal avec lui prisonniers
+des Anglais, offrit à Henri V d'aller traiter en France la cession de
+Harfleur, s'engageant, si le Conseil royal lui opposait un refus, à
+reconnaître Henri V pour roi de France[122].
+
+[Note 117: A. Thomas, _Le mot «Patrie» et Jeanne d'Arc_, dans
+_Revue des Idées_, 15 juillet 1906.]
+
+[Note 118: _Les oeuvres de Maistre Alain Chartier_, publ. par
+André Duchesne, Paris, 1642, in-4º, p. 410.]
+
+[Note 119: _Procès_, t. II, p. 436.]
+
+[Note 120: Froissart, _Chroniques_, livre I, chap. 128.]
+
+[Note 121: Jean Juvénal des Ursins dans Buchon, _Choix de
+chroniques_, IV.]
+
+[Note 122: Rymer, _Foedera_, t. IX, p. 427.]
+
+Chacun songeait d'abord à soi. Quiconque avait terre se devait à sa
+terre; son ennemi, c'était son voisin. Le bourgeois ne connaissait que
+sa ville. Le paysan changeait de maître sans le savoir. Les trois
+états du royaume n'étaient pas assez unis pour former, au sens moderne
+du mot, un État.
+
+Peu à peu, le pouvoir royal réunit les Français; cette réunion se fit
+plus étroite à mesure que la royauté se faisait plus puissante. Au
+XVIe et au XVIIe siècle, cette envie de penser et d'agir en commun qui
+fait les grands peuples devint chez nous très ardente, tout au moins
+dans les familles qui donnaient des officiers à la Couronne, et elle
+se communiqua même aux gens d'un moindre état. Rabelais fait figurer
+François Villon et le roi d'Angleterre dans une historiette si enflée
+de gloriole militaire qu'un grenadier de Napoléon aurait pu la conter
+devant un feu de bivouac, au style près[123]. Dans la préface du poème
+que nous citions tout à l'heure, Chapelain parle des moments où «la
+patrie, qui est une mère commune, a besoin de tous ses enfants». Le
+vieux poète s'exprime déjà comme l'auteur de la _Marseillaise_[124].
+
+[Note 123: _Pantagruel_, l. IV, ch. LXVII.]
+
+[Note 124: _La Pucelle_, préface.]
+
+On ne peut nier que le sentiment de la patrie existât sous l'ancien
+régime. Ce que la Révolution y ajouta n'en fut pas moins immense.
+Elle y ajouta l'idée de l'unité nationale et de l'intégrité du
+territoire. Elle étendit à tous le droit de propriété réservé
+jusque-là à un petit nombre, et de la sorte partagea, pour ainsi dire,
+la patrie entre les citoyens. En donnant aux paysans la faculté de
+posséder, le nouveau régime leur imposa du même coup l'obligation de
+défendre leur bien effectif ou éventuel. Prendre les armes est une
+nécessité commune à quiconque acquiert ou veut acquérir des terres. À
+peine le Français jouissait-il des droits de l'homme et du citoyen,
+avait-il ou pensait-il avoir pignon sur rue et champs au soleil, que
+les armées de l'Europe coalisée vinrent pour le «rendre à l'antique
+esclavage». Le patriote alors se fit soldat. Vingt-trois ans de
+guerres, avec l'alternative fatale des victoires et des défaites,
+affermirent nos pères dans l'amour de la patrie et la haine de
+l'étranger.
+
+Depuis lors, les progrès industriels ont suscité d'un pays à l'autre
+des rivalités qui s'exercent chaque jour plus âprement. Les modes
+actuels de la production, en multipliant entre les peuples les
+antagonismes, ont créé l'impérialisme, l'expansion coloniale et la
+paix armée.
+
+Mais que de forces contraires s'exercent dans cette création
+formidable d'un nouvel ordre de choses! La grande industrie a donné
+naissance, dans tous les pays, à une classe nouvelle, qui, ne
+possédant rien, n'ayant nul espoir de rien posséder, ne jouissant
+d'aucun des biens de la vie, pas même de la lumière du jour, ne craint
+point, comme le paysan et le bourgeois issu de la Révolution, que
+l'ennemi du dehors ne la vienne dépouiller, et, faute de richesses à
+défendre, regarde les peuples étrangers sans effroi ni haine. En même
+temps, se sont élevées sur tous les marchés du monde des puissances
+financières qui, bien qu'elles affectent souvent le respect des
+vieilles traditions, sont, par leur fonction même, essentiellement
+destructives de l'esprit patriotique et national. Le régime universel
+du capital a créé en France, comme partout ailleurs, l'internationale
+des travailleurs et le cosmopolitisme des financiers.
+
+Aujourd'hui, comme il y a deux mille ans, pour discerner l'avenir, il
+faut regarder non pas aux entreprises des puissants de la terre, mais
+aux mouvements confus des masses laborieuses. Cette paix armée, si
+lourde pour elles, les nations ne la supporteront pas indéfiniment.
+Nous voyons s'organiser chaque jour la communauté du travail
+universel.
+
+Je crois à l'union future des peuples et je l'appelle avec cette
+ardente charité du genre humain qui, formée dans la conscience latine
+au temps d'Epictète et de Sénèque, et pour tant de siècles éteinte par
+la barbarie européenne, s'est rallumée dans les coeurs les plus hauts
+des âges modernes. Et l'on m'opposerait en vain que ce sont là les
+illusions du rêve et du désir: c'est le désir qui crée la vie et
+l'avenir prend soin de réaliser les rêves des philosophes. Mais que
+nous soyons assurés dès à présent d'une paix que rien ne troublera, il
+faudrait être insensé pour le prétendre. Les terribles rivalités
+industrielles et commerciales qui grandissent autour de nous font
+pressentir au contraire, de futurs conflits et rien ne nous assure que
+la France ne se verra pas un jour enveloppée dans une conflagration
+européenne ou mondiale. Et l'obligation où elle se trouve de pourvoir
+à sa défense n'accroît pas peu les difficultés que lui cause un ordre
+social profondément troublé par la concurrence de la production et
+l'antagonisme des classes.
+
+Un empire absolu se fait des défenseurs par la crainte; une démocratie
+ne s'en assure qu'à force de bienfaits. On trouve la peur ou l'intérêt
+à la racine de tous les dévouements. Pour que, au jour du péril, le
+prolétaire français défende héroïquement la République, il faut qu'il
+s'y trouve heureux ou espère le devenir. Et que sert de se flatter?
+Aujourd'hui le sort de l'ouvrier n'est pas meilleur en France qu'en
+Allemagne, et il est moins bon qu'en Angleterre et en Amérique.
+
+Je n'ai pu me défendre d'exprimer sur ces importants sujets la vérité
+telle qu'elle m'apparaît; c'est une grande satisfaction que de dire
+ce qu'on croit utile et juste.
+
+Il ne me reste plus qu'à soumettre au public quelques réflexions sur
+l'art malaisé d'écrire l'histoire, et à m'expliquer sur certaines
+particularités de forme et de langage qu'on trouvera dans cet ouvrage.
+
+Pour sentir l'esprit d'un temps qui n'est plus, pour se faire
+contemporain des hommes d'autrefois, une lente étude et des soins
+affectueux sont nécessaires. Mais la difficulté n'est pas tant dans ce
+qu'il faut savoir que dans ce qu'il faut ne plus savoir. Si vraiment
+nous voulons vivre au XVe siècle, que de choses nous devons oublier:
+sciences, méthodes, toutes les acquisitions qui font de nous des
+modernes! Nous devons oublier que la terre est ronde et que les
+étoiles sont des soleils, et non des lampes suspendues à une voûte de
+cristal, oublier le système du monde de Laplace pour ne croire qu'à la
+science de saint Thomas, de Dante et de ces cosmographes du moyen âge
+qui nous enseignent la création en sept jours et la fondation des
+royaumes par les fils de Priam, après la destruction de Troye la
+Grande. Tel historien, tel paléographe est impuissant à nous faire
+comprendre les contemporains de la Pucelle. Ce n'est pas le savoir qui
+lui manque, c'est l'ignorance, l'ignorance de la guerre moderne, de la
+politique moderne, de la religion moderne.
+
+Mais lorsque nous aurons oublié, autant que possible, tout ce qui
+s'est passé depuis la jeunesse de Charles VII, afin de penser comme un
+clerc en exil à Poitiers ou un bourgeois d'Orléans de service sur les
+remparts de sa ville, il nous faudra bientôt retrouver toutes nos
+ressources intellectuelles pour embrasser l'ensemble des événements et
+découvrir l'enchaînement des effets et des causes qui échappaient à ce
+bourgeois et à ce clerc. «J'ai raccourci ma vue», dit le Chatterton
+d'Alfred de Vigny quand il explique comment il ne voit rien de ce qui
+s'est passé après les vieux Saxons. Mais Chatterton composait des
+poèmes, de pseudo-chroniques, et non pas une histoire. L'historien
+doit tour à tour allonger et raccourcir sa vue. S'il se mêle de conter
+une vieille histoire, il lui faudra successivement et parfois à la
+même minute la naïveté des foules humaines qu'il fait revivre et la
+critique la mieux avertie. Il faut que, par un phénomène étrange de
+dédoublement, il soit en même temps l'homme ancien et l'homme moderne
+et vive sur deux plans différents, semblable à ce personnage étrange
+d'un conte de J.-H. Wells, qui se meut et se sent dans une petite
+ville d'Angleterre et qui cependant se voit au fond de l'Océan. J'ai
+visité studieusement les villes, les champs, où se sont accomplis les
+événements que je me proposais de raconter; j'ai vu la vallée de la
+Meuse alors que le printemps la fleurissait et la parfumait, et je
+l'ai revue sous un amoncellement de brumes et de nuées; j'ai parcouru
+les bords illustres et riants de la Loire, la Beauce aux vastes
+horizons que les nuages bordent de montagnes neigeuses,
+l'Île-de-France où le ciel est si doux, la Champagne dont les coteaux
+pierreux nourrissent encore les vignes basses qui, foulées par l'armée
+du Sacre, se refirent feuilles et fruits, dit la légende, et
+donnèrent, à la Saint-Martin, une tardive et riche vendange[125]; j'ai
+hanté l'âpre Picardie, la baie de Somme si triste et nue sous le vol
+des oiseaux de passage, la grasse Normandie, Rouen, ses clochers et
+ses tours, ses vieux charniers, ses ruelles humides, ses dernières
+maisons de bois aux pignons aigus. Je me suis figuré ces fleuves, ces
+terres, ces châteaux et ces villes tels qu'ils étaient il y a cinq
+cents ans.
+
+[Note 125: Germain Lefèvre-Pontalis, _Les sources allemandes de
+l'histoire de Jeanne d'Arc_, p. 93.]
+
+J'ai accoutumé mes yeux aux formes qu'affectaient alors les êtres et
+les choses. J'ai interrogé ce qui reste de pierre, de fer ou de bois
+travaillé par la main de ces vieux artisans, plus libres et par cela
+même plus ingénieux que les nôtres, et qui témoignent du besoin de
+tout animer et de tout orner. J'ai étudié le mieux que j'ai pu les
+images peintes et taillées, non précisément en France, car on n'y
+ouvrait guère en ces jours de misère et de mort, mais en Flandre, en
+Bourgogne, en Provence, oeuvres d'un style à la fois affecté et naïf,
+souvent exquis. Les miniatures se sont animées sous mes yeux et j'y ai
+vu revivre les seigneurs, dans la magnificence absurde des «étoffes à
+tripes», les dames et les demoiselles un peu diablesses avec leurs
+bonnets cornus et leurs pieds pointus; les clercs assis à leur
+pupitre, les gens d'armes chevauchant leur coursier et les marchands
+leur mule, les laboureurs accomplissant d'avril à mars les travaux du
+calendrier rustique, les paysannes dont la grande coiffe est conservée
+aujourd'hui par les religieuses. Je me suis rapproché de ces gens qui
+furent nos semblables et qui pourtant différaient de nous par mille
+nuances du sentiment et de la pensée; j'ai vécu de leur vie; j'ai lu
+dans leurs âmes.
+
+On ne trouve nulle part, ai-je besoin de le dire, une image
+authentique de Jeanne. Ce qui, dans l'art du XVe siècle, avait trait à
+elle, se réduisait à peu de chose: il ne nous en reste presque rien,
+une petite tapisserie à bestions, une figurine tracée à la plume sur
+un registre, quelques enluminures peintes dans des manuscrits sous les
+règnes de Charles VII, de Louis XI, de Charles VIII, et c'est tout. Il
+m'a fallu contribuer à l'iconographie si pauvre de Jeanne d'Arc, non
+que j'eusse quelque chose à y ajouter, mais au contraire pour en
+retrancher ce que les faussaires y ont introduit de ce temps. On
+trouvera dans l'appendice IV, à la fin de cet ouvrage[126] la courte
+notice où je signale des fraudes déjà anciennes, pour la plupart, et
+qui n'avaient pas encore été dénoncées. J'ai limité mes recherches au
+XVe siècle, laissant à d'autres le soin d'étudier ces peintures de la
+Renaissance dans lesquelles la Pucelle apparaît équipée à l'allemande,
+avec le chapeau à plumes et le pourpoint à crevées des reîtres saxons
+et des suisses mercenaires[127]? Je ne saurais dire quel est le
+prototype de ces portraits, mais ils ressemblent beaucoup à la femme
+qui accompagne les soudoyers dans la _Danse des morts_ que Nicolas
+Manuel peignit de 1515 à 1521 à Berne, sur le mur du couvent des
+dominicains[128]. Au grand siècle, Jeanne d'Arc devient Clorinde,
+Minerve, Bellone en costume de ballet[129].
+
+[Note 126: T. II.]
+
+[Note 127: Voir le tableau daté de 1581, conservé au musée
+d'Orléans et reproduit dans la _Jeanne d'Arc_ de Wallon, p. 466.]
+
+[Note 128: _La Danse des Morts_, peinte à Berne, dans les années
+1515 à 1520, par Nicolas Manuel, lithographiée par Guillaume Stettler,
+s. d. in-fº oblong, pl. XX.]
+
+[Note 129: Lanéry d'Arc, _Le livre d'or de Jeanne d'Arc_,
+Iconographie, n{os} 2080-2112.]
+
+J'ai cru qu'un récit continu vaudrait mieux que toutes les
+controverses et que toutes les discussions pour faire sentir la vie et
+connaître la vérité. Il est certain que les textes relatifs à la
+Pucelle ne se prêtent pas très bien à ce genre d'histoire: comme je
+viens de le montrer, ils sont presque tous suspects à divers égards
+et soulèvent à chaque instant des objections; mais je pense qu'en
+faisant de ces textes un usage prudent et judicieux, on en peut tirer
+encore des données suffisantes pour constituer une histoire positive
+de quelque étendue. D'ailleurs, j'ai toujours indiqué mes sources;
+chacun sera juge de l'autorité des garants que j'invoque.
+
+Dans mon récit, j'ai rapporté un assez grand nombre de circonstances
+qui, sans avoir directement trait à Jeanne, révèlent l'esprit, les
+moeurs et les croyances du temps; ces circonstances sont pour la
+plupart d'ordre religieux. C'est que l'histoire de Jeanne, je ne puis
+assez le dire, est une histoire religieuse, une histoire de sainte,
+tout comme celle de Colette de Corbie ou de Catherine de Sienne.
+
+J'ai beaucoup accordé, j'ai peut-être trop accordé au désir de faire
+vivre le lecteur au milieu des choses et parmi les hommes du XVe
+siècle. Pour ne pas le distraire trop brusquement, j'ai évité de lui
+présenter tout rapprochement avec d'autres époques, bien qu'il m'en
+vînt un grand nombre à l'esprit.
+
+J'ai nourri mon texte de la forme et de la substance des textes
+anciens, mais je n'y ai, autant dire, jamais introduit de citations
+littérales: je crois que, sans une certaine unité de langage, un livre
+est illisible, et j'ai voulu être lu.
+
+Ce n'est pas par affectation de style ni par goût artiste que j'ai
+gardé le plus que j'ai pu le ton de l'époque et préféré les formes
+archaïques de la langue toutes les fois que j'ai cru qu'elles seraient
+intelligibles; c'est parce qu'on change les idées en changeant les
+mots et qu'on ne peut substituer aux termes anciens des termes
+modernes sans altérer les sentiments ou les caractères.
+
+J'ai tâché de garder un ton simple et familier. On écrit trop souvent
+l'histoire d'un ton noble qui la rend ennuyeuse et fausse.
+S'imagine-t-on que les faits historiques sortent du train ordinaire
+des choses et de la mesure commune de l'humanité?
+
+Une tentation terrible pour l'historien d'une telle histoire, c'est de
+se jeter dans la bataille. Il n'y a guère de moderne récit de ces
+vieux assauts où l'on ne voie l'auteur, ecclésiastique ou professeur,
+s'élancer, la plume à l'oreille, sous les flèches anglaises, au côté
+de la Pucelle. Je crois qu'au risque de ne point montrer toute la
+beauté de son coeur, il vaut mieux ne pas paraître dans les affaires
+qu'on raconte.
+
+J'ai écrit cette histoire avec un zèle ardent et tranquille; j'ai
+cherché la vérité sans mollesse, je l'ai rencontrée sans peur. Alors
+même qu'elle prenait un visage étrange, je ne me suis pas détourné
+d'elle. On me reprochera mon audace jusqu'à ce qu'on me reproche ma
+timidité.
+
+Je suis heureux d'exprimer ma gratitude à mes illustres confrères, MM.
+Paul Meyer et Ernest Lavisse, dont les conseils m'ont été précieux. Je
+dois beaucoup à M. Petit-Dutaillis, qui a bien voulu me présenter des
+observations dont j'ai tenu compte. J'ai grandement à me louer de
+l'aide que m'ont prêté M. Henri Jadart, secrétaire de l'Académie de
+Reims, M. E. Langlois, professeur à la Faculté des lettres de Lille,
+M. Camille Bloch, l'ancien archiviste du Loiret, M. Noël Charavay,
+expert en autographes, et M. Raoul Bonnet.
+
+M. Pierre Champion, qui, très jeune encore, s'est fait connaître par
+de beaux travaux historiques, a mis à ma disposition le résultat de
+ses recherches avec un désintéressement que je ne saurais assez
+reconnaître et il a bien voulu relire attentivement tout mon travail.
+M. Jean Brousson m'a fait profiter des ressources de sa perspicacité
+qui passent de beaucoup ce qu'on est en droit d'attendre d'un
+secrétaire.
+
+Au siècle que j'ai essayé de faire revivre en cet ouvrage, un démon
+nommé Titivillus mettait chaque soir dans son sac toutes les lettres
+omises ou changées par les copistes durant la journée et les portait
+en enfer, pour que Saint-Michel, alors qu'il pèserait les âmes de ces
+scribes négligents, mît la part de chacun dans le plateau des
+iniquités. Je crois que ce diable, justement vétilleux, s'il a survécu
+à la découverte de l'imprimerie, assume aujourd'hui la lourde tâche
+de relever les coquilles semées dans les livres qui prétendent à
+l'exactitude; car il serait bien naïf de s'occuper des autres. Je
+pense qu'il met ces coquilles, selon le cas, à la charge du prote ou
+de l'auteur. J'ai une infinie reconnaissance à mes éditeurs et amis
+MM. Calmann-Lévy et à leurs excellents collaborateurs d'avoir, par
+leurs soins et leur expérience, allégé de beaucoup le sac dont
+Titivillus me chargera au jour du jugement.
+
+
+
+
+VIE DE JEANNE D'ARC
+
+
+
+
+CHAPITRE PREMIER
+
+L'ENFANCE.
+
+
+De Neufchâteau à Vaucouleurs la Meuse coule libre et pure entre les
+trochées de saules et d'aulnes et les peupliers qu'elle arrose, se
+joue tantôt en brusques détours, tantôt en longs circuits, et divise
+et réunit sans cesse les glauques filets de ses eaux, qui parfois se
+perdent tout à coup sous terre. L'été, ce n'est qu'un ruisseau
+paresseux qui courbe en passant les roseaux du lit qu'il n'a presque
+pas creusé; et, si l'on approche du bord, on voit la rivière, ralentie
+par des îlots de joncs, couvrir à peine de ses moires un peu de sable
+et de mousse. Mais dans la saison des pluies, grossie de torrents
+soudains, plus lourde et plus rapide, elle laisse, en fuyant, une
+rosée souterraine qui remonte çà et là, en flaques claires, à fleur
+d'herbe, dans la vallée.
+
+Cette vallée s'étend, toute unie, large d'une lieue à une lieue et
+demie, entre des collines arrondies et basses, couronnées de chênes,
+d'érables et de bouleaux. Bien que fleurie au printemps, elle est d'un
+aspect austère et grave et prend parfois un caractère de tristesse.
+L'herbe la revêt avec une monotonie égale à celle des eaux dormantes.
+On y sent, même dans les beaux jours, la menace d'un climat rude et
+froid. Le ciel y semble plus doux que la terre. Il l'enveloppe de son
+sourire humide; il est le mouvement, la grâce et la volupté de ce
+paysage tranquille et chaste. Puis, quand vient l'hiver, il se mêle à
+la terre dans une apparence de chaos. Les brouillards y deviennent
+épais et tenaces. Aux vapeurs blanches et légères qui flottaient, par
+les matins tièdes, sur le fond de la vallée, succèdent des nuages
+opaques et de sombres montagnes mouvantes, qu'un soleil rouge et froid
+dissipe lentement. Et, le long des sentiers du haut pays, le passant
+matinal a cru, comme les mystiques dans leurs ravissements, marcher
+sur les nuées.
+
+C'est ainsi qu'après avoir laissé à sa gauche le plateau boisé du haut
+duquel le château de Bourlémont domine le val de la Saônelle et à sa
+droite Coussey avec sa vieille église, la rivière flexible passe entre
+le Bois Chesnu au couchant et la côte de Julien au levant, rencontre,
+sur sa rive occidentale, les villages de Domremy et de Greux, qui se
+touchent, sépare Greux de Maxey-sur-Meuse, atteint, entre autres
+hameaux blottis au creux des collines ou dressés sur les hautes
+terres, Burey-la-Côte, Maxey-sur-Vaise et Burey-en-Vaux, et va baigner
+les belles prairies de Vaucouleurs[130].
+
+[Note 130: J. Ch. Chapellier, _Étude historique et géographique
+sur Domremy, pays de Jeanne d'Arc_, Saint-Dié, 1890, in-8º.--E.
+Hinzelin, _Chez Jeanne d'Arc_, Paris, 1894, in-18.]
+
+Dans ce petit village de Domremy, situé à moins de trois lieues en aval
+de Neufchâteau et à cinq lieues en amont de Vaucouleurs, une fille
+naquit vers l'an 1410 ou 1412[131], destinée à l'existence la plus
+singulière. Elle naissait pauvre. Jacques ou Jacquot d'Arc, son
+père[132], originaire du village de Ceffonds en Champagne[133], vivait
+d'un gagnage ou petite ferme, et menait les chevaux au labour. Ses
+voisins et voisines le tenaient pour bon chrétien et vaillant à
+l'ouvrage[134]. Sa femme était originaire de Vouthon, village situé à
+une lieue et demie au nord-ouest de Domremy, par delà les bois de
+Greux. Ayant nom Isabelle ou Zabillet, elle reçut, à une époque qu'on ne
+saurait indiquer, le surnom de Romée[135]. On appelait ainsi ceux qui
+étaient allés à Rome ou avaient fait quelque grand pèlerinage[136], et
+l'on peut croire qu'Isabelle gagna son nom de Romée en prenant les
+coquilles et le bourdon[137]. Un de ses frères était curé, un autre,
+couvreur; un de ses neveux charpentier[138]. Elle avait déjà donné à son
+mari trois enfants: Jacques ou Jacquemin, Catherine et Jean[139].
+
+[Note 131: C'est ce qu'on peut induire de _Procès_, t. I, p. 46.
+Mais Jeanne ne savait pas à quel âge elle avait quitté la maison de
+son père (_Procès_, t. I, p. 51). Je n'ai pas fait usage de _Procès_,
+t. V, p. 116, qui est tout à fait fabuleux.]
+
+[Note 132: Darc (_Procès_, t. I, p. 191, t. II, p. 82); Dars
+(Siméon Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. 360); Day (_Procès_, t. V,
+p. 150); Daiz (communication de M. Pierre Champion), et cette graphie
+paraît attester la prononciation de Jeanne d'Arc.--Sur l'orthographe
+du nom de d'Arc, cf. Lanéry d'Arc, _Livre d'Or de Jeanne d'Arc_,
+notices 647-657.]
+
+[Note 133: _Procès_, t. I, pp. 46, 208.--E. de Bouteiller et G. de
+Braux, _La famille de Jeanne d'Arc_, Paris, in-8º, 1878, p. 185;
+_Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc_, Paris-Orléans,
+1879, in-12, p. x et _passim_.--Boucher de Molandon, _Jacques d'Arc,
+père de la Pucelle_, Orléans, 1885, in-8º.]
+
+[Note 134: _Procès_, t. II, pp. 378 et suiv.]
+
+[Note 135: _Procès_, t. I, pp. 191 et 208; t. II, p. 74, n.
+1.--Armand Boucher de Crèvecoeur, _Les Romée et les de Perthes,
+famille maternelle de Jeanne d'Arc_, Abbeville, 1891, in-8º.--Lanéry
+d'Arc, _Livre d'Or_, notices 1278 à 1308.]
+
+[Note 136: Du Cange, _Glossaire_, au mot: _Romeus_.--G. de Braux,
+_Jeanne d'Arc à Saint-Nicolas_, Nancy, 1889, p. 8.--_Revue catholique
+des Institutions et du Droit_, août 1886.--E. de Bouteiller,
+_Nouvelles recherches_, p. XII.--Vallet de Viriville, _Histoire de
+Charles VII_, t. II, p. 43.]
+
+[Note 137: Très probablement avant la naissance de Jeanne: «J'ai
+pour surnom d'Arc ou Romée» dit Jeanne (_Procès_, t. I, p. 191). On
+voit qu'elle se donne indifféremment le surnom de son père ou celui de
+sa mère, bien qu'elle dise (_Procès_, t. I, p. 191) que les filles,
+dans son pays, portaient le surnom de leur mère.]
+
+[Note 138: _Procès_, t. V, p. 252.--E. de Bouteiller et G. de
+Braux, _Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc_, Paris,
+1879, pp. 3 à 20.--Ch. du Lys, _Traité sommaire tant du nom et des
+armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d'Orléans et de ses
+frères_, édit. Vallet de Viriville, Paris, 1857, p. 28.--E. Georges,
+_Jeanne d'Arc considérée au point de vue Franco-Champenois_, Troyes,
+1893, in-8º, p. 101.]
+
+[Note 139: Rien de moins certain que l'ordre de naissance des
+enfants de Jacques d'Arc (_Procès_, à la table, au mot: _Arc_).]
+
+La maison de Jacques d'Arc touchait au pourpris de l'église
+paroissiale, dédiée à saint Remi, apôtre des Gaules[140]. On n'eut que
+le cimetière à traverser pour porter l'enfant sur les fonts. Les
+formules d'exorcismes, que le prêtre récite à la cérémonie du baptême,
+étaient, à cette époque, dans ces contrées, beaucoup plus longues,
+dit-on, pour les filles que pour les garçons[141]. Sans savoir si
+messire Jean Minet[142], curé de la paroisse, les prononça dans leur
+teneur exacte sur la tête de l'enfant, nous rappelons cet usage comme
+un des nombreux indices de l'invincible défiance qu'inspira toujours à
+l'Église la nature féminine.
+
+[Note 140: _Procès_, t. II, p. 393 et _passim_.--S. Luce, _Jeanne
+d'Arc à Domremy_, XVI, p. 357.]
+
+[Note 141: A. Monteil, _Histoire des Français_, 1853, in-18, t.
+II, p. 194.]
+
+[Note 142: _Procès_, t. I, p. 46, Jean Minet était originaire de
+Neufchâteau.]
+
+Selon la coutume d'alors, cette enfant eut plusieurs parrains et
+marraines[143]. Les compères furent Jean Morel, de Greux, laboureur;
+Jean Barrey, de Neufchâteau; Jean Le Langart ou Lingui et Jean
+Rainguesson; les commères, Jeannette, femme de Thevenin le Royer, dit
+Roze, de Domremy; Béatrix, femme d'Estellin, laboureur au même lieu;
+Edite, femme de Jean Barrey, Jeanne, femme d'Aubrit, dit Jannet, qu'on
+appela le maire Aubrit, quand il fut nommé officier de plume au
+service des seigneurs de Bourlémont[144]; Jeannette, femme de
+Thiesselin de Vittel, clerc à Neufchâteau, de toutes la plus savante,
+car elle avait entendu lire des histoires dans des livres. On désigne
+encore, parmi les commères, la femme de Nicolas d'Arc frère de
+Jacques, ainsi que deux obscures chrétiennes nommées l'une Agnès,
+l'autre Sibylle[145]. Il se rencontrait là nombre de Jean, de Jeanne
+et de Jeannette, comme en toute assemblée de bons catholiques. Saint
+Jean-Baptiste jouissait d'une très haute renommée; sa fête, célébrée
+le 24 juin, était une grande date de l'année religieuse et civile;
+elle servait de terme usuel pour baux, locations et contrats de toutes
+sortes. Saint Jean l'Évangéliste, qui avait reposé la tête contre la
+poitrine du Seigneur et qui devait revenir sur la terre à la
+consommation des siècles, passait aux yeux de certains religieux, aux
+yeux surtout des mendiants, pour le plus grand des saints du
+Paradis[146]. C'est pourquoi, en l'honneur du Précurseur ou de
+l'apôtre bien-aimé, on imposait très souvent, de préférence à tout
+autre nom, les noms de Jean et de Jeanne aux nouveau-nés. Et, pour
+mieux approprier ces saints noms à la petitesse de l'enfance et à
+l'infimité promise à la plupart des destinées humaines, on les
+diminuait en Jeannot et Jeannette. Les paysans des bords de la Meuse
+avaient un goût particulier pour ces petits noms à la fois humbles et
+caressants, Jacquot, Pierrollot, Zabillet, Mengette, Guillemette[147].
+L'enfant reçut, de la femme du clerc Thiesselin, le nom de Jeannette.
+Au village, elle ne porta que celui-là. Plus tard, en France, on
+l'appela Jeanne[148].
+
+[Note 143: J. Corblet, _Parrains et marraines_, dans _Revue de
+l'Art chrétien_, 1881, t. XIV, pp. 336 et suiv.]
+
+[Note 144: Siméon Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, LI, p. 98.]
+
+[Note 145: Cf. _Procès_, à la table, aux articles: _parrains_ et
+_marraines_.--Il n'est pas toujours possible du donner aux personnes
+les noms et l'état qu'elles avaient précisément à la date où nous les
+voyons intervenir.]
+
+[Note 146: _Relation du greffier de La Rochelle_, dans _Revue
+Historique_, t. IV, p. 342. Cf. Eustache Deschamps, ballade 354, t.
+III, p. 83, éd. Queux de Saint-Hilaire.]
+
+[Note 147: _Procès_, t. II, pp. 74-388; t. V, pp. 151, 220 et
+_passim_.]
+
+[Note 148: _Procès_, t. I, p. 46.--Henri Lepage, _Jeanne d'Arc
+est-elle Lorraine?_ Nancy, 1852, pp. 57 à 79.]
+
+Elle fut nourrie dans la maison paternelle. Pauvre demeure de
+Jacques[149]! La façade était percée d'une ou deux fenêtres chiches de
+lumière. Le toit de pierres plates, incliné sur un demi-pignon,
+descendait presque à terre du côté du jardin. Sur le seuil, à la
+coutume du pays, s'amassaient le fumier, les souches et les
+instruments de labour, recouverts de rouille et de boue. Mais l'humble
+jardin, à la fois verger et potager, était, au printemps, tout fleuri
+de blanc et de rose[150].
+
+[Note 149: _Procès_, t. V, pp. 244 et suiv.--La maison de Jacques
+d'Arc était sans doute sur la route; les Du Lys, ou plutôt les
+Thiesselin, la démolirent et bâtirent à la place une maison qui
+n'existe plus. Les écus qui en ornaient la façade ont été appliqués
+sur la porte de celle qu'on montre aujourd'hui comme la maison de
+Jeanne. Ce qu'on donne pour la chambre de Jeanne est le fournil (É.
+Hinzelin, _Chez Jeanne d'Arc_, p. 74. Voir un article de Henri Arsac,
+dans l'_Écho de l'Est_, du 26 juillet 1890). Il y a sur ce sujet toute
+une littérature (Lanéry d'Arc, _Livre d'Or_, pp. 330 et suiv.).]
+
+[Note 150: Émile Hinzelin, _Chez Jeanne d'Arc_, _passim_.]
+
+Ces bons chrétiens eurent encore un enfant, le dernier, Pierre qu'on
+nommait Pierrelot[151].
+
+[Note 151: _Procès_, t. V, pp. 151, 220.]
+
+Jeanne grandit sur une terre avare, parmi des gens rudes et sobres,
+nourris de vin rose et de pain bis, endurcis par une dure vie. Elle
+grandit libre. Les enfants, chez les paysans laborieux, vivent le plus
+souvent entre eux, hors du regard des parents. La fille d'Isabelle
+semble s'être très bien accordée avec les enfants du village. Une
+petite voisine, Hauviette, de trois ou quatre ans plus jeune qu'elle,
+était sa compagne de tous les jours. Elles avaient plaisir à coucher
+dans le même lit[152]. Mengette, dont les parents habitaient tout
+contre, venait filer dans la maison de Jacques d'Arc. Elle s'y
+acquittait avec Jeanne des soins du ménage[153]. Souvent aussi Jeanne,
+emportant sa quenouille, allait faire la veillée chez un laboureur,
+Jacquier, de Saint-Amance, qui avait une fille toute jeune[154]. Les
+garçons, comme de raison, croissaient avec les filles. Jeanne et le
+fils de Simonin Musnier, étant voisine et voisin, furent élevés
+ensemble. En son enfance, le fils Musnier tomba malade; Jeanne l'alla
+soigner[155].
+
+[Note 152: _Procès_, t. II, p. 417.]
+
+[Note 153: _Ibid._, t. II, p. 429.]
+
+[Note 154: _Ibid._, t. II, p. 408.]
+
+[Note 155: _Ibid._, t. II, p. 423.]
+
+Il n'était pas sans exemple en ce temps-là que des villageoises
+connussent leurs lettres. Maître Jean Gerson, peu d'années auparavant,
+conseillait à ses soeurs, paysannes champenoises, d'apprendre à lire,
+promettant, si elles y réussissaient, de leur donner des livres
+d'édification[156]. Bien que nièce de curé, Jeanne n'étudia pas sa
+Croix-de-Dieu, semblable en cela à plusieurs enfants de son village,
+non pourtant à tous, car il y avait à Maxey une école où allaient les
+garçons de Domremy[157].
+
+[Note 156: E. Georges, _Jeanne d'Arc considérée au point de vue
+Franco-Champenois_, p. 115.--De La Fons-Mélicocq, _Documents inédits
+pour servir à l'histoire de l'instruction publique en France et à
+l'histoire des moeurs au XVe siècle_, dans _Bulletin de la Société des
+Antiquaires de la Morinie_, t. III, pp. 460 et suiv.]
+
+[Note 157: _Procès_, t. I, pp. 65-66.--(_Item._, je donne à
+Oudinot, à Richard et à Gérard, clercz enfantz du maistre de l'escole
+de Marcey dessoubz Brixey, doubz escus pour priier pour mi et pour
+dire les sept psaulmes.) Testament de Jean de Bourlémont, 23 octobre
+1399, dans S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, preuve XIII.]
+
+Elle apprit de sa mère _Notre Père_, _Je vous salue, Marie_, et _Je
+crois en Dieu_[158]. Elle entendit conter quelques belles histoires de
+saints et de saintes. Ce fut tout l'enseignement qu'elle reçut. Aux
+jours fériés, dans la nef de l'église, elle se tenait sous la chaire,
+assise sur les talons, à la manière des paysannes, tandis que les
+hommes demeuraient debout contre le mur, et elle entendait le sermon
+du curé[159].
+
+[Note 158: _Procès_, t. I, pp. 46, 47.]
+
+[Note 159: Voyez dans Montfaucon, _Monuments de la Monarchie
+française_, t. III, la gravure de la seconde miniature des «Douze
+périls d'enfer».]
+
+Dès qu'elle en eut l'âge, elle travailla aux champs, sarclant, bêchant
+et, comme font encore aujourd'hui les filles du pays lorrain,
+accomplissant des tâches d'homme.
+
+Les prairies, don du fleuve, étaient la principale richesse des
+riverains de la Meuse. Quand la récolte des foins était faite, tous
+les habitants de Domremy avaient droit de pâture dans les prairies du
+village, et ils y pouvaient mettre des têtes de bétail en nombre
+proportionnel à celui des fauchées de pré qu'ils possédaient en
+propre. Chaque famille prenait à son tour la garde des troupeaux ainsi
+rassemblés. Jacques d'Arc, qui avait un peu d'herbage, mettait ses
+boeufs et ses chevaux avec les autres. Lorsque venait son tour de
+garde, il s'en déchargeait sur sa fille Jeanne, qui allait au pré, sa
+quenouille à la main[160].
+
+[Note 160: _Procès_, t. I, pp. 51, 66.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. lij.]
+
+Mais elle aimait mieux vaquer aux soins du ménage, coudre et filer.
+Elle était pieuse. Elle ne jurait ni Dieu ni les saints et, pour
+affirmer qu'une chose était vraie, elle se contentait de dire: «Sans
+faute»[161]. Quand les cloches sonnaient l'_Angelus_, elle se signait
+et s'agenouillait[162]. Le samedi, jour de la Sainte Vierge,
+gravissant le coteau d'herbes, de vignes et de vergers au pied duquel
+s'appuie le village de Greux, elle gagnait le plateau boisé d'où l'on
+découvre, à l'est, la verte vallée et les collines bleuissantes. Sur
+la hauteur, à une petite lieue du village, dans un ravin plein d'ombre
+et de murmures, la fontaine de Saint-Thiébault, dont l'eau très pure
+guérit de la fièvre et cicatrise les plaies, jaillit sous les hêtres,
+les frênes et les chênes. Au-dessus de la fontaine, s'élève la
+chapelle de Notre-Dame de Bermont. Dans la belle saison, elle est
+toute parfumée de l'odeur des prés et des bois. Et l'hiver enveloppe
+ce haut lieu de tristesse et de silence. En ce temps-là, vêtue du
+manteau royal et la couronne au front, dans ses bras son divin enfant,
+Notre-Dame de Bermont recevait les prières et les offrandes des jeunes
+garçons et des jeunes filles. Elle faisait des miracles. Jeanne
+l'allait visiter en compagnie de sa soeur Catherine, de quelques
+filles ou garçons du pays ou toute seule. Et le plus souvent qu'elle
+pouvait, elle brûlait un cierge en l'honneur de cette céleste
+dame[163].
+
+[Note 161: _Ibid._, t. II, p. 404.]
+
+[Note 162: _Ibid._, t. I, p. 423.]
+
+[Note 163: _Procès_, table, au mot: _Bermont_.--Du Haldat, _Notice
+sur la chapelle de Belmont_, dans les _Mémoires de l'Académie
+Stanislas de Nancy_, 1833-1834, p. 96.--E. Hinzelin, _Chez Jeanne
+d'Arc_, p. 95.--Lanéry d'Arc, _Livre d'Or_, p. 330.]
+
+À une demi-lieue à l'est de Domremy, s'élevait une colline couverte
+d'un bois épais où l'on ne s'aventurait guère de peur des sangliers et
+des loups. Les loups étaient la terreur du pays. Les maires des
+villages payaient des primes pour chaque tête de loup ou de louveteau
+qu'on leur apportait[164]. Ce bois, que Jeanne voyait du seuil de sa
+porte, c'était le Bois Chesnu, le bois de chênes, ce qu'on pouvait
+entendre au sens de bois chenu, vieille forêt[165]. Nous verrons plus
+tard comment à ce Bois Chesnu fut appliquée, en France, une prophétie
+de Merlin l'Enchanteur.
+
+[Note 164: Alexis Monteil, _Histoire des Français_, t. I, p. 91.]
+
+[Note 165: _Procès_, table, au mot: _Bois Chesnu_.]
+
+Au pied de la colline, du côté du village, était une fontaine[166] que
+les groseilliers épineux, en recourbant leurs branches, bordaient de
+leurs buissons grisâtres. On la nommait la Fontaine-aux-Groseilliers,
+la Fontaine-aux-Nerpruns[167]. Si, comme le croyait un maître de
+l'Université de Paris[168], Jeanne appelait cette fontaine la
+Fontaine-aux-Bonnes-Fées-Notre-Seigneur, c'était assurément parce que
+les gens du village la désignaient de même manière. Et il semblerait
+que ces âmes rustiques eussent voulu, par ce nom, rendre chrétiennes
+ces dames des bois et des eaux qui ne l'étaient guère, et en qui
+certains docteurs reconnaissaient des démons autrefois adorés des
+païens comme déesses[169].
+
+[Note 166: _Ibid._, table, au mot: _Fontaine des Groseilliers_.]
+
+[Note 167: _Procès_, t. I, pp. 67-210; t. II, pp. 391 et suiv.]
+
+[Note 168: _Journal d'un bourgeois de Paris_, éd. Tuetey, p. 267.]
+
+[Note 169: _Procès_, t. I, p. 209.]
+
+Et c'était la vérité. Déesses vénérées et redoutées à l'égal des
+Parques, elles s'étaient nommées les Fatales[170] et on leur avait
+attribué un pouvoir sur les destinées des hommes. Mais, depuis
+longtemps déchues de leur puissance et de leurs honneurs, ces fées de
+village se faisaient aussi simples que les gens près desquels elles
+vivaient. On les invitait aux baptêmes et l'on mettait leur couvert
+dans la chambre attenante à celle de l'accouchée. À ces festins, elles
+mangeaient seules, entraient, sortaient sans qu'on le sût; il ne
+fallait pas trop les épier, de peur de leur déplaire. C'est l'usage
+des personnes divines d'aller et de venir mystérieusement. Elles
+faisaient des dons aux nouveau-nés. Il y en avait de très bonnes;
+mais, pour la plupart, sans être méchantes, elles se montraient
+irritables, capricieuses, jalouses, et, si on les offensait, même par
+mégarde, elles jetaient des sorts. Elles laissaient voir parfois, à
+d'inexplicables préférences, qu'elles étaient femmes. Plus d'une
+prenait pour ami un chevalier ou un rustre; le plus souvent ces belles
+amours finissaient mal. Enfin, terribles ou douces, elles étaient
+encore les _Fatales_, elles étaient toujours les destinées[171].
+
+[Note 170: _Ibid._, t. I, pp. 67, 187, 209; t. II, pp. 390, 404,
+450.]
+
+[Note 171: Wolf, _Mythologie des fées et des elfes_, 1828,
+in-8º.--A. Maury, _Les fées au moyen âge_, 1843, in-18 et _Croyances
+et légendes du moyen âge_, Paris, 1896, in-8º.]
+
+Tout proche, à l'orée du bois, au-dessus du grand chemin de
+Neufchâteau, s'élevait un hêtre très vieux qui répandait une belle et
+grande ombre[172]. Il était vénéré presque à l'égal de ces arbres
+tenus pour sacrés avant que les hommes apostoliques eussent évangélisé
+les Gaules[173]. Ses branches, qu'aucune main n'osait toucher,
+descendaient jusqu'à terre. «Les lis, disait un laboureur, ne sont pas
+plus beaux[174].» Comme la fontaine, l'arbre avait plusieurs noms. On
+l'appelait l'Arbre-des-Dames, l'Arbre-aux-Loges-les-Dames,
+l'Arbre-des-Fées, l'Arbre-Charmine-Fée-de-Bourlémont, le
+Beau-Mai[175].
+
+[Note 172: Richer, _Histoire manuscrite de Jeanne d'Arc_, ms. fr.
+10448, fol. 14-15.]
+
+[Note 173: Sur le culte des arbres, voir l'étude de M. Henry
+Carnoy dans _la Tradition_, du 15 mars 1889.]
+
+[Note 174: _Procès_, t. II, p. 422.]
+
+[Note 175: _Ibid._, à la table, au mot: _Arbre des Fées_.]
+
+Qu'il fût des fées et qu'on en eût vu sous
+l'Arbre-aux-Loges-les-Dames, tout le monde à Domremy le savait. Dans
+les anciens jours, au temps où Berthe filait, un seigneur de
+Bourlémont, nommé Pierre Granier[176], devenu le bel ami d'une fée,
+l'allait trouver le soir sous le hêtre. Un roman traitait de leurs
+amours. Et l'une des marraines de Jeanne, dont le mari était clerc à
+Neufchâteau, avait entendu lire cette histoire qui ressemblait sans
+doute à celle de Mélusine, tant connue en Lorraine[177]. Seulement on
+doutait si les fées venaient encore sous le hêtre. Les uns croyaient
+que non, les autres croyaient qu'oui. Béatrix, marraine aussi de
+Jeanne, disait: «J'ai ouï conter que les fées venaient sous l'arbre
+dans l'ancien temps. Mais, pour leurs péchés, elles n'y viennent
+plus[178].»
+
+[Note 176: _Procès_, t. II, p. 404.]
+
+[Note 177: _Ibid._, t. II, p. 404 et _passim_.--_Simple crayon de
+la noblesse des ducs de Lorraine et de Bar_ dans Le Brun des
+Charmettes, _Histoire de Jeanne d'Arc_, t. I, p. 266.--Jules Baudot,
+_Les princesses Yolande et les ducs de Bar de la famille des Valois_,
+1re partie: _Mélusine_, Paris, 1901, in-8º, p. 121.]
+
+[Note 178: _Propter eorum peccata_, dans _Procès_, t. II, p. 396.
+Le sens n'est pas douteux.]
+
+La simple créature entendait par là que ces dames fées étaient les
+ennemies de Dieu, et que le curé les avait mises en fuite. Jean Morel,
+parrain de Jeanne, pensait de même[179].
+
+[Note 179: _Ibid._, t. II, p. 390.]
+
+En effet, la veille de l'Ascension, aux Rogations ou Petites Litanies,
+les croix étaient portées par les champs et le curé allait sous
+l'Arbre-des-Fées chanter l'évangile de saint Jean. Il le chantait
+encore à la Fontaine-aux-Groseilliers et aux autres fontaines de la
+paroisse[180]. Et pour chasser les mauvais esprits, on ne connaissait
+rien qui valût l'évangile de saint Jean[181].
+
+[Note 180: _Procès_, t. II, p. 397.]
+
+[Note 181: Bergier, _Dictionnaire de Théologie_, au mot:
+_Conjuration_.]
+
+Le seigneur Aubert d'Ourches estimait que les fées avaient disparu de
+Domremy depuis vingt ou trente ans. Au rebours, plusieurs dans le
+village croyaient savoir que les chrétiens allaient encore se promener
+avec elles, et que le jeudi était le jour des rendez-vous[182].
+
+[Note 182: _Procès_, t. II, p. 450.]
+
+Une troisième marraine de Jeanne, la femme d'Aubery, le maire, avait
+vu de ses yeux les fées autour de l'arbre. Elle l'avait dit à sa
+filleule. Et la femme d'Aubery était réputée bonne et prude femme, non
+devineresse ni sorcière[183].
+
+[Note 183: _Ibid._, t. I, pp. 67, 209.]
+
+Jeanne soupçonnait en tout cela quelque sortilège. Pour elle, elle
+n'avait jamais rencontré les dames sous l'arbre. Mais qu'elle eût vu
+des fées ailleurs, c'est ce qu'elle n'aurait pas su dire[184]. Les
+fées ne sont pas comme les anges; elles ne se font pas toujours
+connaître pour ce qu'elles sont[185].
+
+[Note 184: _Ibid._, t. I, pp. 178, 209 et suiv.]
+
+[Note 185: Sur les traditions relatives aux fées à Domremy et sur
+ce qu'en pensait Jeanne: _Procès_, table, au mot: _Fées_.]
+
+Chaque année, le quatrième dimanche de Carême, que l'Église nomme le
+dimanche de _Lætare_, parce qu'on chante à la messe de ce jour
+l'introït qui commence par ces mots: _Lætare Jerusalem_, les paysans
+du Barrois célébraient une fête rustique et faisaient ce qu'ils
+appelaient leurs Fontaines, c'est-à-dire qu'ils allaient en troupe
+boire à quelque source et danser sur l'herbe. Ceux de Greux faisaient
+leurs Fontaines à la chapelle de Notre-Dame de Bermont; ceux de
+Domremy les faisaient à la Fontaine-des-Groseilliers et à
+l'Arbre-des-Fées[186]. On se rappelait le temps où le seigneur et la
+dame de Bourlémont y conduisaient eux-mêmes la jeunesse du village.
+Mais Jeanne était encore dans les langes, quand Pierre de Bourlémont,
+seigneur de Domremy et de Greux, mourut sans enfants, laissant ses
+terres à sa nièce Jeanne de Joinville qui, mariée à un chambellan du
+duc de Lorraine, vivait à Nancy[187].
+
+[Note 186: Sur le dimanche et la fête des Fontaines à Domremy:
+_Procès_, table, au mot: _Fontaine_.]
+
+[Note 187: _Procès_, t. I, pp. 67, 212, 404 et suiv.--S. Luce,
+_Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. xx à xxij.]
+
+Le jour des Fontaines, les filles et les garçons de Domremy se
+rendaient ensemble au vieux hêtre. Après y avoir suspendu des
+guirlandes de fleurs, ils soupaient, sur une nappe étendue à terre, de
+noix, d'oeufs durs et de petits pains d'une forme étrange, que les
+ménagères avaient pétris tout exprès. Puis ils allaient boire à la
+Fontaine-des-Groseilliers, dansaient des rondes et s'en retournaient
+chacun chez soi à la tombée de la nuit.
+
+Jeanne faisait ses Fontaines comme toutes les jouvencelles de la
+contrée. Bien qu'elle fût de la partie de Domremy rattachée à Greux,
+elle les faisait non pas à Notre-Dame de Bermont, mais à la
+Fontaine-des-Groseilliers et à l'Arbre-des-Fées[188].
+
+[Note 188: _Procès_, t. II, pp. 391-462.]
+
+En son premier âge, elle dansait avec ses compagnes au pied de
+l'arbre. Elle y tressait des guirlandes pour l'image de Notre-Dame de
+Domremy, dont la chapelle s'élevait sur un coteau voisin. Les jeunes
+filles avaient coutume de suspendre des guirlandes aux branches de
+l'Arbre-des-Fées. Jeanne en suspendait, comme les autres, et, comme
+les autres, tantôt elle les emportait, tantôt elle les laissait. On ne
+savait ce qu'elles devenaient, et il paraît que la disparition de ces
+fleurs était de nature à inquiéter les personnes scientifiques et
+d'entendement. Ce qui est certain c'est que les malades, s'ils
+buvaient à la fontaine et se promenaient ensuite sous l'arbre,
+guérissaient de la fièvre[189].
+
+[Note 189: _Ibid._, t. I, pp. 67, 209, 210.]
+
+Pour fêter le printemps on faisait un homme de mai, un mannequin de
+feuilles et de fleurs[190].
+
+[Note 190: _Ibid._, t. II, p. 434.]
+
+Près de l'Arbre-des-Dames, sous un coudrier, une mandragore promettait
+les richesses à qui, n'ayant peur ni de l'entendre crier, ni de voir
+le sang dégoutter de son petit corps humain et de ses pieds fourchus,
+oserait, durant la nuit, selon les rites, l'arracher de terre[191].
+
+[Note 191: _Atropa Mandragor_, mandragore femelle, main-de-gloire,
+herbe-aux-magiciens: _Procès_, t. I, pp. 89 et 213.--_Journal d'un
+bourgeois de Paris_, p. 236.]
+
+L'arbre, la fontaine, la mandragore, rendaient les habitants de
+Domremy suspects de commercer avec les mauvais esprits. Un savant
+docteur a dit en propres termes que le pays était connu pour le grand
+nombre de ses habitants qui usaient de maléfices[192].
+
+[Note 192: _Procès_, t. I, p. 209.]
+
+Jeanne, encore en sa prime jeunesse, fit plusieurs fois le voyage de
+Sermaize en Champagne, où elle avait des parents. Le curé de la
+paroisse, messire Henri de Vouthon, était son oncle maternel. Elle y
+avait un cousin, Perrinet de Vouthon, qui y exerçait l'état de
+couvreur avec son fils Henri[193].
+
+[Note 193: Cela est probable, non certain.--_Procès_, t. II, pp.
+74, 388; t. V, p. 252.--E. de Bouteiller et G. de Braux, _Nouvelles
+recherches sur la famille de Jeanne d'Arc_, pp. XVIII et suiv.; 7, 8,
+10 et _passim_.--C. Gilardoni, _Sermaize et son église_,
+Vitry-le-François, 1893, in-8º.]
+
+Domremy est séparé de Sermaize par quinze grandes lieues de forêts et
+de landes. Jeanne, à ce qu'on peut croire, faisait le voyage en croupe
+avec son frère sur la petite jument, la bâtière du gagnage[194]. À
+chaque fois que l'enfant s'y rendait, elle passait plusieurs jours
+dans la maison de Perrinet, son cousin[195].
+
+[Note 194: Capitaine Champion, _Jeanne d'Arc écuyère_, Paris,
+1901, in-12, p. 28.]
+
+[Note 195: Boucher de Molandon, _La famille de Jeanne d'Arc_, p.
+627.--E. de Bouteiller et G. de Braux, _Nouvelles recherches_, pp. 9
+et 10.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. XLV et suiv.]
+
+Le village de Domremy se divisait, selon le droit féodal, en deux
+parties distinctes. Celle du midi, avec le château sur la Meuse et une
+trentaine de feux, appartenait aux seigneurs de Bourlémont et
+dépendait de la châtellenie de Gondrecourt, mouvant de la couronne de
+France. C'était Lorraine et Barrois. La partie du nord, sur laquelle
+s'élevait le moustier, relevait de la prévoté de Montéclaire et
+Andelot au bailliage de Chaumont en Champagne[196]. On l'appelait
+quelquefois Domremy de Greux, parce qu'elle ne faisait qu'un, pour
+ainsi dire, avec le village de Greux tout proche sur la route, vers
+Vaucouleurs[197]. Un ruisseau jailli à peu de distance, au couchant,
+d'une triple source et qu'on nommait, dit-on, pour cela le ruisseau
+des Trois-Fontaines, séparait les serfs de Bourlémont des hommes du
+roi. Il passait humblement sous une pierre plate devant l'église, puis
+se jetait par une pente rapide dans la Meuse, vis-à-vis de la maison
+de Jacques d'Arc, qu'il avait laissée à gauche, en terre de Champagne
+et de France[198]. Voilà ce qui paraîtrait le plus solidement établi;
+mais craignons de savoir ces choses mieux qu'on ne les savait à
+l'époque. En 1429, on ignorait dans le conseil du roi Charles, si
+Jacques d'Arc était de condition libre ou serve[199]. Et sans doute,
+Jacques d'Arc lui-même n'en savait rien. Lorrains ou Champenois, des
+deux côtés du ruisseau c'était pareillement des paysans menant une
+même vie de labeur et de peine. Pour ne point dépendre du même maître,
+les uns et les autres n'en formaient pas moins une communauté
+étroitement unie, une seule famille rustique. Intérêts, besoins et
+sentiments, ils partageaient tout. Menacés des mêmes dangers, ils
+avaient tous les mêmes inquiétudes.
+
+[Note 196: E. Misset, _Jeanne d'Arc champenoise_, Paris, s. d.
+(1894), in-8º.--Sur la nationalité de Jeanne d'Arc il y a toute une
+littérature d'une richesse extrême dont il m'est impossible de donner
+ici la bibliographie. Cf. Lanéry d'Arc, _Livre d'Or_, pp. 295 et
+suiv.]
+
+[Note 197: _Procès_, t. I, p. 208.]
+
+[Note 198: P. Jollois, _Histoire abrégée de la vie et des exploits
+de Jeanne d'Arc_, Paris, 1821, pl. I, p. 190.--A. Renard, _La patrie
+de Jeanne d'Arc_, Langres, 1880, in-18, p. 6.--S. Luce, _Jeanne d'Arc
+à Domremy_, Supplément aux preuves, pp. 281, 282.]
+
+[Note 199: _Procès_, t. V, p. 152.]
+
+Situé à la pointe sud de la châtellenie de Vaucouleurs, le village de
+Domremy se trouvait pris entre le Barrois et la Champagne au levant,
+la Lorraine au couchant[200]. Terribles voisins que ces ducs de
+Lorraine et de Bar, ce comte de Vaudemont, ce damoiseau de Commercy,
+ces seigneurs évêques de Metz, de Toul et de Verdun, toujours en
+guerre entre eux. Querelles de princes. Le villageois les observait
+comme la grenouille de la vieille fable regarde les taureaux combattre
+dans la prairie. Pâle, tremblant, le pauvre Jacques se voyait déjà
+piétiné par les féroces combattants. En un temps où la chrétienté tout
+entière était au pillage, les hommes d'armes des Marches de Lorraine
+avaient renommée des plus grands pillards du monde. Malheureusement
+pour les laboureurs de la châtellenie de Vaucouleurs, tout contre ce
+domaine, au nord, vivait de rapines Robert de Saarbruck, damoiseau de
+Commercy, particulièrement prompt à dérober selon la coutume lorraine.
+Il était de l'avis de ce roi d'Angleterre qui disait que guerre sans
+incendie ne valait rien, non plus qu'andouilles sans moutarde[201]. Un
+jour, assiégeant une petite place où les paysans s'étaient enfermés,
+le damoiseau fit brûler pendant toute une nuit les moissons
+d'alentour, pour y voir plus clair à prendre ses positions[202].
+
+[Note 200: Colonel de Boureulle, _Le pays de Jeanne d'Arc_,
+Saint-Dié, 1890, in-8º, 28 p. pl.--J.-Ch. Chappellier, _Étude
+historique sur Domremy, pays de Jeanne d'Arc_, 2 plans.--C. Niobé, _Le
+pays de Jeanne d'Arc_, dans _Mémoires de la Société académique de
+l'Aube_, 1894, 3e série, t. XXXI, pp. 307 et suiv.]
+
+[Note 201: Juvénal des Ursins, dans la _Collection Michaud et
+Poujoulat_, col. 561.]
+
+[Note 202: A. Tuetey, _Les écorcheurs sous Charles VII_,
+Montbéliard, 1874, t. I, p. 87.]
+
+En 1419, ce seigneur faisait la guerre aux frères Didier et Durand de
+Saint-Dié. Il n'importe pour quelle raison. De cette guerre, ainsi que
+des autres, les villageois faisaient les frais. Et comme les gens
+d'armes se battaient sur toute la châtellenie de Vaucouleurs, les
+habitants de Domremy avisèrent à leur sûreté. Voici de quelle manière.
+Il y avait à Domremy un château qui s'élevait dans la prairie à la
+pointe d'une île formée par deux bras de la rivière, dont l'un, le
+bras oriental, est depuis longtemps comblé[203]. De ce château
+dépendaient une chapelle de Notre-Dame, une cour munie d'ouvrages de
+défense et un grand jardin entouré de fossés larges et profonds.
+C'est ce qu'on nommait communément la forteresse de l'Île, ancienne
+habitation des sires de Bourlémont. Le dernier de ces seigneurs étant
+mort sans enfants, Jeanne de Joinville, sa nièce, hérita de ses biens.
+Mais ayant épousé, peu de temps après la naissance de Jeanne, un
+seigneur lorrain nommé Henri d'Ogiviller, elle le suivit dans le
+château d'Ogiviller et à la cour ducale de Nancy. Depuis son départ,
+la forteresse de l'Île restait inhabitée. Ceux du village la prirent à
+loyer, pour y mettre à l'abri des pillards leurs outils et leurs
+bêtes. La location fut adjugée sur enchères. Un nommé Jean Biget, de
+Domremy, et Jacques d'Arc, le père de Jeanne, s'étant trouvés les plus
+forts enchérisseurs et ayant fourni les garanties suffisantes, un bail
+fut passé entre eux et les représentants de la dame d'Ogiviller. Pour
+neuf années, à compter de la Saint-Jean-Baptiste de l'an 1419, et
+moyennant un loyer annuel de quatorze livres tournois et de trois
+imaux de blé[204], Jacques d'Arc et Jean Biget eurent la jouissance de
+la forteresse, du jardin, de la cour, ainsi que des prés qui
+dépendaient de ce domaine. Outre les deux locataires principaux, il y
+eut cinq locataires subsidiaires, dont le premier en nom fut
+Jacquemin, l'aîné des fils de Jacques d'Arc[205].
+
+[Note 203: _Procès_, t. I, pp. 66, 215.]
+
+[Note 204: «Imal, dit Le Trévoux, mesure de grains dont on se sert
+à Nancy. La quarte fait deux imaux, et quatre quartes le réal qui
+contient quinze boisseaux, mesure de Paris.»]
+
+[Note 205: Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle,
+layette Ruppes, II, nº 28.--Le bail à ferme du 2 avril 1420 a été
+publié pour la première fois par M. J.-Ch. Chappellier dans le
+_Journal de la Société d'Archéologie lorraine_, janvier-février 1889,
+et _Deux actes inédits du XVe siècle sur Domremy_, Nancy 1889, in-8º,
+16 p.--S. Luce, _La France pendant la guerre de cent ans_, 1890,
+in-18, pp. 274 et suiv.--Lefèvre-Pontalis, _Étude historique et
+géographique sur Domremy, pays de Jeanne d'Arc_, dans _Bibliothèque de
+l'École des Chartes_, t. LVI, pp. 154-168.]
+
+La précaution n'était pas inutile. En cette même année 1419, Robert de
+Saarbruck et sa compagnie se rencontrèrent avec les hommes des frères
+Didier et Durand, au village de Maxey, qui étendait en face de Greux,
+sur l'autre côté de la Meuse, au pied des collines boisées, ses toits
+de chaume. Les deux partis se livrèrent en ce lieu un combat dans
+lequel le damoiseau victorieux fit trente-cinq prisonniers, qu'ensuite
+il rançonna très âprement, selon l'usage. Dans le nombre se trouvait
+ce Thiesselin de Vittel, écuyer, dont la femme avait tenu sur les
+fonts du baptême la seconde fille de Jacques d'Arc. Jeanne, qui avait
+alors sept ans, et peut-être un peu plus, put voir, d'une des collines
+de son village, le combat où fut pris le mari de sa marraine[206].
+
+[Note 206: _Procès_, t. II, pp. 420-426.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. lxiv.]
+
+Cependant les affaires du royaume de France allaient au plus mal. On
+le savait à Domremy, car le village était sur la route et les passants
+apportaient les nouvelles[207]. C'est ainsi qu'on y avait appris le
+meurtre du duc Jean de Bourgogne à qui les conseillers du dauphin
+firent payer sur le pont de Montereau le sang versé rue Barbette et
+qui en furent les mauvais marchands, cette mort ayant mis très bas
+leur jeune prince. La guerre s'en était suivie entre Armagnacs et
+Bourguignons. Et cette guerre n'avait que trop profité aux Anglais,
+obstinés ennemis du royaume, qui depuis deux cents ans possédaient la
+Guyenne et y faisaient un grand négoce[208]. Mais la Guyenne était
+loin et peut-être ne savait-on pas à Domremy qu'elle avait été jadis
+dans les appartenances des rois de France. Ce qu'on y savait très
+bien, au contraire, c'est que durant les derniers troubles du royaume
+les Anglais avaient repassé la mer et que monseigneur Philippe, fils
+du feu duc Jean, leur avait tendu la main. Ils occupaient la
+Normandie, le Maine, la Picardie, l'Île-de-France, Paris la grande
+ville[209]. Or les Anglais étaient très haïs et très craints, en
+France, pour leur grande réputation de cruauté. Non qu'ils fussent en
+réalité beaucoup plus méchants que les autres peuples[210]. En
+Normandie, leur roi Henri avait fait respecter les femmes et les biens
+dans tous les lieux de son obéissance. Mais la guerre est cruelle en
+soi et qui la porte chez un peuple devient justement odieux à ce
+peuple. On les disait perfides et non toujours à tort, car la bonne
+foi est rare parmi les hommes. On les tournait en dérision de
+diverses manières. En jouant sur leur nom en latin et en français on
+les nommait anges. Or, s'ils étaient des anges, c'étaient assurément
+de mauvais anges. Ils reniaient Dieu et avaient sans cesse à la gorge
+leur _Goddam_[211], tant qu'on les appelait les Godons. C'étaient des
+diables. On disait qu'ils étaient coués, c'est-à-dire qu'ils avaient
+une queue au derrière[212]. On eut deuil dans beaucoup de maisons
+françaises, quand la reine Ysabeau, faisant des nobles fleurs de Lis
+litière au léopard, livra le royaume de France aux coués[213]. Depuis
+lors, le roi Henri V de Lancastre et le roi Charles VI de Valois, le
+roi victorieux et le roi fol s'étaient suivis, à quelques jours de
+distance, devant Dieu qui juge le bon et le mauvais, le juste et
+l'injurieux, le faible et le puissant. La châtellenie de Vaucouleurs
+était française[214]. Il s'y trouvait des clercs et des nobles pour
+plaindre cet autre Joas arraché tout enfant à ses ennemis, orphelin
+dépouillé de son héritage, en qui tout l'espoir du royaume était
+renfermé. Mais croira-t-on que les pauvres laboureurs avaient loisir
+de considérer ces choses? Croira-t-on que vraiment les paysans de
+Domremy tenaient pour le dauphin Charles, leur droiturier seigneur,
+tandis que les Lorrains de Maxey, suivant le parti de leur duc,
+tenaient pour les Bourguignons?
+
+[Note 207: Liénard, _Dictionnaire topographique de la Meuse_,
+introduction, p. x.]
+
+[Note 208: Dom Devienne, _Histoire de Bordeaux_, pp. 98 et
+103.--L. Bachelier, _Histoire du commerce de Bordeaux_, Bordeaux,
+1862, in-8º, p. 45.--D. Brissaud, _Les Anglais en Guyenne_, Paris,
+1875, in-8º.]
+
+[Note 209: Ch. de Beaurepaire, _De l'administration de la
+Normandie sous la domination anglaise_, Caen, 1859, in-4º, et _États
+de Normandie sous la domination anglaise_, Évreux, 1859, in-8º.--De
+Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. V, pp. 40-56, pp. 261-286.]
+
+[Note 210: Thomas Basin, _Histoire de Charles VII et de Louis XI_,
+éd. Quicherat, t. I, p. 27.]
+
+[Note 211: La Curne, aux mots: _Anglais_ et _Goddons_.]
+
+[Note 212: Voragine, _La légende de Saint-Grégoire_.--Du Cange,
+_Glossaire_, au mot: _Caudatus_.--Le Roux de Lincy, _Recueil de chants
+historiques français_, Paris, 1851, t. I, pp. 300-301.--Cette injure
+se trouve déjà couramment chez Eustache Deschamps; elle est encore
+vivace au XVIIe siècle (_Sommaire tant du nom et des armes que de la
+naissance et parenté de la Pucelle_, éd. Vallet de Viriville).]
+
+[Note 213: Carlier, _Histoire du Valois_, t. II, pp. 441 et
+suiv.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, ch. III.]
+
+[Note 214: Dom Calmet, _Histoire de Lorraine_, t. II, col.
+631.--Bonnabelle, _Notice sur la ville de Vaucouleurs_, Bar-le-Duc,
+1879, in-8º de 75 pages.]
+
+Maxey, sur la rive droite de la Meuse, n'était séparé de Domremy que
+par la rivière. Les enfants de Domremy et de Greux y allaient à
+l'école; des querelles s'élevaient entre eux; les petits Bourguignons
+de Maxey et les petits Armagnacs de Domremy se livraient des
+batailles. Plus d'une fois, le soir, à la tête du pont, Jeanne vit
+revenir tout en sang les gars de son village[215]. Qu'une fillette
+ardente comme elle ait épousé gravement ces querelles et en ait conçu
+une haine profonde des Bourguignons, cela se conçoit. On aurait tort
+pourtant de chercher dans ces jeux de vilains en bas âge un indice de
+l'état des esprits. Les jeunes garnements de ces deux paroisses en
+avaient pour des siècles à s'insulter et à se battre[216]. Partout et
+toujours, quand les enfants vont en troupe et que ceux d'un village
+rencontrent ceux du village voisin, les injures et les pierres volent.
+Les paysans de Domremy, de Greux et de Maxey, se souciaient peu, sans
+doute, des affaires des ducs et des rois. Ils avaient appris à
+craindre les capitaines de leur alliance à l'égal des capitaines de
+l'alliance contraire, et à ne point faire de différence entre les gens
+de guerre amis et les gens de guerre ennemis.
+
+[Note 215: _Procès_, t. I, pp. 65-66.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, pp. 18 et suiv.]
+
+[Note 216: N. Villiaumé, _Histoire de Jeanne d'Arc_, 1864, in-8º,
+p. 52, note I.]
+
+En l'an 1420, les Anglais occupèrent le bailliage de Chaumont et mirent
+des garnisons dans plusieurs forteresses du Bassigny. Messire Robert,
+seigneur de Baudricourt et de Blaise, fils de feu messire Liébault de
+Baudricourt, était alors capitaine de Vaucouleurs et bailli de Chaumont
+pour le dauphin Charles. Il pouvait être estimé grand pillard, même en
+Lorraine. Au printemps de cette année 1420, le duc de Bourgogne ayant
+envoyé des ambassadeurs au seigneur évêque de Verdun, sire Robert,
+d'accord avec le damoiseau de Commercy, les fit prisonniers à leur
+retour. Pour venger cette offense, le duc de Bourgogne déclara la guerre
+au capitaine de Vaucouleurs et la châtellenie fut ravagée par des bandes
+d'Anglais et de Bourguignons[217].
+
+[Note 217: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, ch. III.]
+
+En 1423, le duc de Lorraine était aux prises avec un terrible homme,
+cet Étienne de Vignolles, routier gascon, déjà fameux sous le rude
+sobriquet de La Hire[218], qu'il devait laisser après sa mort au valet
+de coeur des jeux de cartes graissés par les doigts des soudards. La
+Hire tenait le parti du dauphin Charles, mais, de fait, ne guerroyait
+que pour son propre gain. À cette heure, il battait le Barrois au
+couchant et au midi, brûlant les églises et détruisant les villages.
+
+[Note 218: Pierre d'Alheim, _Le jargon jobelin_, Paris, 1892,
+in-18, glossaire, au mot: HIRENALLE, p. 61, et communication verbale
+de M. Marcel Schwob.--_Cronique Martiniane_, éd. P. Champion, p. 8,
+note 3.--_Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 270.--De Montlezun,
+_Histoire de Gascogne_, 1847, in-8º, p. 143.--A. Castaing, _La patrie
+du valet de coeur_, dans _Revue de Gascogne_, 1869, X, 29-33.]
+
+Comme il occupait Sermaize, dont l'église était fortifiée, Jean comte
+de Salm, gouverneur du duché de Bar pour le duc de Lorraine, l'y vint
+assiéger avec deux cents chevaux. Un coup de bombarde, tiré par les
+canonniers lorrains, tua Collot Turlaut, marié depuis deux ans à
+Mengette, fille de Jean de Vouthon et cousine germaine de Jeanne[219].
+
+[Note 219: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. lxxiij et 87,
+note 1.--E. de Bouteiller et G. de Braux, _Nouvelles recherches_, pp.
+4-15.]
+
+Jacques d'Arc était alors doyen de la communauté. Le doyen avait
+beaucoup à faire, surtout dans les temps troublés. Il convoquait le
+maire et les échevins à leurs réunions, faisait les cris des
+ordonnances, commandait le guet de jour et de nuit, gardait les
+prisonniers. Il était aussi chargé de la collecte des tailles, rentes
+et redevances, office des plus pénibles à remplir dans un pays
+ruiné[220].
+
+[Note 220: Bonvalot, _Le tiers état d'après la charte de Beaumont
+et ses filiales_, Paris, 1886, p. 412.]
+
+Robert de Saarbruck, damoiseau de Commercy, qui, pour le moment, était
+armagnac, pillait et rançonnait, sous couleur de protection et de
+sauvegarde, les villages barrisiens de la rive gauche de la
+Meuse[221]. Le 7 octobre 1423, Jacques d'Arc signa, comme doyen,
+au-dessous du maire et de l'échevin, l'acte par lequel le damoiseau
+extorquait à ces pauvres gens le paiement annuel de deux gros par feu
+entier et d'un gros par feu de veuve, imposition qui ne montait pas à
+moins de deux cent vingt écus d'or, que le doyen était chargé de
+colliger pour la Saint-Martin d'hiver[222].
+
+[Note 221: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. lxxi et suiv.]
+
+[Note 222: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, preuve LI.]
+
+L'année suivante fut très mauvaise au dauphin Charles, car les
+chevaliers français et écossais de son parti furent aussi maltraités
+que possible à Verneuil. Cette année-là, le damoiseau de Commercy se
+tourna bourguignon et n'en valut ni plus ni moins pour cela[223]. Le
+capitaine La Hire se battait encore dans le Barrois, mais cette fois
+c'était contre le jeune fils de madame Yolande, le beau-frère du
+dauphin Charles, René d'Anjou, nouvellement sorti de tutelle et
+désormais investi du duché de Bar. Le capitaine La Hire réclamait, à
+la pointe de la lance, certaines sommes d'argent que le cardinal duc
+de Bar lui devait[224].
+
+[Note 223: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, pp.
+16-17.]
+
+[Note 224: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, preuve LXII.]
+
+En même temps Robert, sire de Baudricourt, était aux prises avec Jean
+de Vergy, seigneur de Saint-Dizier, sénéchal de Bourgogne[225]. Ce fut
+une belle guerre. Des deux parts on prenait pain, vin, argent,
+vaisselle, habits, gros et menu bétail, et l'on brûlait ce que l'on ne
+pouvait emporter. On mettait à rançon hommes, femmes, enfants. Dans
+la plupart des villages du Bassigny, le labour fut abandonné, presque
+tous les moulins furent détruits[226].
+
+[Note 225: Du Chesne, _Généalogie de la maison de Vergy_, Paris,
+1625, in-folio.--Nouvelle Biographie Générale, t. XLV, p. 1125.]
+
+[Note 226: S. Luce, Domremy et Vaucouleurs, de 1412 à 1425, dans
+_Jeanne d'Arc à Domremy_, ch. III.]
+
+Dix, vingt, trente bandes de Bourguignons parcouraient la châtellenie
+de Vaucouleurs et y mettaient tout à feu et à sang. Les paysans
+cachaient leurs chevaux pendant le jour et se relevaient la nuit pour
+les mener paître[227]. À Domremy on vivait dans une alarme
+perpétuelle. Un veilleur à toute heure se tenait sur la tour carrée du
+moustier. Chaque habitant, et, si l'on s'en rapporte à la coutume, le
+curé lui-même, y faisant le guet à son tour, épiait, dans la
+poussière, au soleil, sur le ruban pâle des routes, la lueur des
+lances, scrutait du regard la profondeur effrayante des bois, et la
+nuit, voyait avec terreur s'allumer à l'horizon les villages. À
+l'approche des gens d'armes il lançait à toute volée ces cloches qui,
+tour à tour, célébraient les naissances, pleuraient les morts,
+appelaient le peuple à la prière, conjuraient la foudre et annonçaient
+les périls. Les villageois réveillés sautaient demi-nus aux étables et
+poussaient pêle-mêle les troupeaux vers le château qu'entouraient les
+deux bras de la Meuse[228].
+
+[Note 227: _Procès_, t. I, p. 66.]
+
+[Note 228: _Ibid._, t. I, p. 66.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. LXXXVI et preuve XIV, p. 20.]
+
+En l'été de 1425, certain chef de bandes, qui faisait meurtres et
+larcins sans nombre dans tout le pays, Henri d'Orly, dit de Savoie,
+tomba un jour avec ses larrons sur les villages de Greux et de
+Domremy. Cette fois le château de l'Île ne fut d'aucun secours aux
+habitants. Le seigneur Henri de Savoie prit tout le bétail des deux
+villages et le fit conduire à quinze ou vingt lieues de là, dans son
+château de Doulevant. Il avait aussi dérobé beaucoup de meubles et de
+biens, en sorte que, ne pouvant tout loger en un seul endroit, il en
+fit porter une partie à Dommartin-le-Franc, village assez proche où il
+y avait un château précédé d'une si grande cour, que ce lieu en prit
+le nom de Dommartin-la-Cour. Les paysans, cruellement dépouillés,
+étaient en voie de mourir de faim. Heureusement pour eux, à la
+nouvelle de cette volerie, la dame d'Ogiviller envoya au comte de
+Vaudemont, en son château de Joinville, un message pour se plaindre à
+lui, comme à son bon parent, d'un tort fait à elle-même, puisqu'elle
+était dame de Greux et de Domremy. Le comte de Vaudemont avait dans sa
+mouvance immédiate le château de Doulevant. Dès qu'il eut reçu le
+message de sa parente, il envoya un homme d'armes, avec sept ou huit
+combattants, reprendre le bétail. Cet homme d'armes, nommé Barthélemy
+de Clefmont, âgé de vingt ans à peine, était habile au fait de guerre.
+Il trouva dans le château de Dommartin-le-Franc les animaux volés, les
+prit et les conduisit à Joinville. En route il fut poursuivi et
+attaqué par les gens du seigneur d'Orly, et mis en grand péril de
+mort. Mais il se défendit si bien qu'il arriva sauf à Joinville,
+ramenant le bétail, que le comte de Vaudemont fit reconduire dans les
+prairies de Greux et de Domremy[229].
+
+[Note 229: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. 275 et suiv.]
+
+Bonheur inespéré! Le laboureur embrassa ses boeufs en pleurant. Mais
+n'était-il pas exposé à les perdre sans retour le lendemain?
+
+Jeanne avait alors treize ou quatorze ans. La guerre partout autour
+d'elle, même dans les jeux des enfants; le mari d'une de ses marraines
+pris et rançonné par les gens d'armes; le mari de sa cousine germaine
+Mengette tué d'un coup de bombarde[230], le pays natal foulé par les
+routiers, incendié, pillé, dévasté, tout le bétail emporté; des nuits
+d'épouvante, des rêves affreux, voilà ce qu'elle connut dans son
+enfance.
+
+[Note 230: E. de Bouteiller et G. de Braux, _Nouvelles
+recherches_, pp. 4-15.]
+
+
+
+
+CHAPITRE II
+
+LES VOIX.
+
+
+Or, âgée d'environ treize ans, un jour d'été, à l'heure de midi, dans
+le jardin de son père, elle entendit une voix qui lui fit grand'peur.
+Cette voix parlait à la droite de l'enfant, vers l'église, et était
+accompagnée d'une lumière qui se montrait du même côté; elle lui
+disait:
+
+--Je viens de Dieu pour t'aider à te bien conduire[231]. Jeannette,
+sois bonne et Dieu t'aidera.
+
+[Note 231: _Procès_, t. I, pp. 52, 72-73, 89, 170.]
+
+Jeanne était à jeun, mais non pas épuisée d'inanition; elle avait
+mangé la veille[232].
+
+[Note 232: _Ibid._, t. I, p. 52.--Le manuscrit porte _non
+jejunaverat die præcedenti_.]
+
+Un autre jour, la voix se fit encore entendre et répéta:
+
+--Jeannette, sois bonne!
+
+L'enfant ignorait encore de qui venait la voix. Mais la troisième
+fois, en l'écoutant, elle sut que c'était la voix d'un ange et même
+elle reconnut que cet ange était saint Michel. Elle ne pouvait s'y
+tromper, le connaissant bien: c'était le patron du duché de Bar[233].
+Elle le voyait parfois contre quelque pilier d'église ou de chapelle,
+sous l'aspect d'un beau chevalier, portant le heaume couronné, la
+cotte d'armes et l'écu, et transperçant le démon de sa lance[234]. On
+le représentait aussi tenant les balances dans lesquelles il pesait
+les âmes, car il était prévôt du ciel et gardien du paradis[235], à la
+fois le chef des milices célestes et l'ange du Jugement[236]. Il se
+plaisait sur les hauts lieux[237]. C'est pourquoi on lui avait
+consacré une chapelle en Lorraine sur le mont Sombar, au nord de la
+ville de Toul. Apparu très anciennement à l'évêque d'Avranches, il lui
+avait ordonné de construire une église, sur le mont Tombe, à l'endroit
+où l'on trouverait un taureau que des voleurs y avaient caché, et
+d'asseoir l'édifice sur toute l'aire foulée par les pieds du taureau.
+Ce fut en observation de ce commandement que s'éleva l'abbaye du
+Mont-Saint-Michel-au-Péril-de-la-Mer[238].
+
+[Note 233: V. Servais, _Annales historiques du Barrois_,
+Bar-le-Duc, 1865, t. I, planche 2.]
+
+[Note 234: P.-Ch. Cahier, _Caractéristique des Saints dans l'art
+populaire_, t. I, p. 363.--Quicherat, _Aperçus nouveaux_, p. 50.--S.
+Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. XCV, XCVI et preuve XXIV, p. 74.]
+
+[Note 235: _Mystère de Saint Remi_, Biblioth. de l'Arsenal, ms.
+3.364, f{os} 4 et 108.]
+
+[Note 236: «_Sed signifer Sanctus Michael representet eas [animas]
+in lucem sanctam_». Offertoire de la messe des morts.]
+
+[Note 237: A. Maury, _Croyances et légendes du moyen âge_, pp. 171
+et suiv.--Barbier de Montault, _Traité d'Iconographie chrétienne_, t.
+I, p. 191.]
+
+[Note 238: AA. SS, 1672; t. III, I. pp. 85 et suiv.--Dom J.
+Huynes, _Histoire générale de l'abbaye du Mont-Saint-Michel_, éd. R.
+de Beaurepaire, Rouen, 1872, pp. 61 et suiv.--A. Forgeais. _Collection
+de plombs historiés trouvés dans la Seine_, Paris, 1864, t. III, p.
+197.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, ch. IV.--_Chronique du
+Mont-Saint-Michel_ (1343-1468), éd. S. Luce, Paris, 1880-1886 (2 vol.
+in-8º), t. I, pp. 26, 146, 163 et suiv.]
+
+Vers le temps où l'enfant avait ces apparitions, les défenseurs du
+Mont-Saint-Michel déconfirent les Anglais qui attaquaient la
+forteresse par terre et par mer. Les Français attribuèrent cette
+victoire à la toute-puissante intercession de l'archange[239]. Et
+pourquoi n'eût-il pas favorisé les Français qui lui vouaient une
+dévotion spéciale? Depuis que monseigneur saint Denys avait laissé
+prendre son abbaye par les Anglais, monseigneur saint Michel, qui
+gardait si bien la sienne, était en passe de devenir le véritable
+patron du royaume[240]. Le dauphin Charles, en l'an 1419, avait fait
+peindre des panonceaux à la ressemblance de saint Michel tout armé,
+tenant une épée nue et faisant manière de tuer un serpent[241]. Mais
+des miracles de monseigneur saint Michel en Normandie la fille de
+Domremy ne savait pas grand'chose.
+
+[Note 239: Lanéry d'Arc, _Mémoires et consultations en faveur de
+Jeanne d'Arc_, p. 272 [Opinion de Jean Bochard, dit de Vaucelle,
+évêque d'Avranches].--Dom. J. Huynes, _loc cit._, ch. VIII, p. 105.]
+
+[Note 240: Dom Félibien, _Histoire de l'abbaye royale de
+Saint-Denis..._, Paris, 1706, in-fol. p. 341.]
+
+[Note 241: Richer, _Histoire manuscrite de la Pucelle_, ms. fr.
+10448, fol. 13.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, preuve XXIV.]
+
+Elle reconnut l'ange à ses armes, à sa courtoisie et aux belles
+maximes qui sortaient de sa bouche[242].
+
+[Note 242: _Procès_, t. I, pp. 72-73.]
+
+Il lui dit un jour:
+
+--Sainte Catherine et sainte Marguerite viendront à toi. Agis par
+leurs conseils, car elles sont ordonnées pour te conduire et te
+conseiller en ce que tu auras à faire, et tu les croiras en ce
+qu'elles te diront. Et ces choses s'accomplissent par le commandement
+de Notre-Seigneur[243].
+
+[Note 243: _Procès_, t. I, p. 170.]
+
+Cette promesse lui causa une grande joie, car elle les aimait bien
+l'une et l'autre. Madame sainte Marguerite était grandement honorée
+dans le royaume de France et elle y faisait beaucoup de grâces. Elle
+assistait les femmes en couches[244] et protégeait les paysans au
+labour. Elle était la patronne des liniers, des recommanderesses, des
+mégissiers et des blanchisseurs de laine. On lui était dévot en
+Champagne et en Lorraine autant qu'en aucun pays chrétien. Des
+religieux y promenaient à dos de mulet, par les villes et les
+villages, une châsse contenant ses précieuses reliques. Ils les
+faisaient toucher et recevaient pour cela d'abondantes aumônes[245].
+Jeanne avait vu maintes fois à l'église madame sainte Marguerite
+peinte au naturel, un goupillon à la main, le pied sur la tête du
+dragon[246]. Elle en savait l'histoire telle qu'on la contait alors et
+à peu près de la manière que voici.
+
+[Note 244: _La vierge Marguerite substituée à la Lucine antique_,
+analyse d'un poème inédit du XVe siècle, Paris, 1885, in-8º, p.
+2.--Rabelais, _Gargantua_, l. I, ch. VI.--L'abbé J.-B. Thiers, _Traité
+des superstitions selon l'Écriture sainte_, Paris, 1697 (4 vol.
+in-12), t. I, p. 109.]
+
+[Note 245: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, preuve CCXXXIV, p.
+272.]
+
+[Note 246: Abbé Bourgaut, _Guide du pèlerin à Domremy_, Nancy,
+1878, in-12, p. 60.--E. Hinzelin, _Chez Jeanne d'Arc_, pp. 65 et 72.]
+
+La bienheureuse Marguerite naquit à Antioche. Son père, Théodose,
+était prêtre des gentils. Elle fut mise en nourrice et baptisée
+secrètement. Un jour de sa quinzième année, comme elle gardait les
+brebis de sa nourrice, le gouverneur Olibrius la vit, et, frappé de sa
+beauté, conçut pour elle une grande passion. C'est pourquoi il dit à
+ses serviteurs: «Allez et amenez-moi cette fille, afin que je l'épouse
+si elle est de condition libre, ou que je la prenne pour servante si
+elle est esclave.»
+
+Et lorsqu'elle lui fut amenée, il lui demanda son pays, son nom et sa
+religion. Elle répondit qu'elle se nommait Marguerite et qu'elle était
+chrétienne.
+
+Et Olibrius lui dit:
+
+--Comment une fille noble et belle comme toi peut-elle adorer Jésus le
+crucifié?
+
+Et parce qu'elle répondit que Jésus-Christ vivait éternellement, le
+gouverneur irrité la fit mettre en prison.
+
+Le lendemain il la manda à son tribunal et lui dit:
+
+--Malheureuse fille, aie pitié de ta propre beauté, et adore nos dieux
+afin d'en retirer avantage. Mais si tu persistes dans ton aveuglement,
+je ferai déchirer ton corps.
+
+Et Marguerite répondit:
+
+--Jésus s'est livré à la mort pour moi, et moi, je désire mourir pour
+lui.
+
+Alors le gouverneur donna l'ordre de la suspendre sur le chevalet, de
+la fouetter de verges et de lui déchirer les chairs avec des ongles
+de fer. Et le sang coula du corps de la vierge comme d'une source très
+pure.
+
+Les assistants pleuraient et le gouverneur se couvrit le visage de son
+manteau pour ne pas voir le sang. Et il ordonna de la détacher et de
+la reconduire dans sa prison.
+
+Elle y fut tentée par l'Esprit, et elle pria le Seigneur de lui faire
+voir l'ennemi qu'elle avait à combattre. Et voici qu'un énorme dragon,
+se montrant devant elle, s'élança pour la dévorer. Mais elle fit le
+signe de la croix et il disparut. Alors le diable emprunta, pour la
+séduire, l'aspect d'un homme. Il vint doucement à elle, lui prit les
+mains et dit: «Marguerite, c'est assez de ce que tu as fait.» Mais
+elle le saisit par les cheveux, le jeta à terre, lui mit le pied droit
+sur la tête et s'écria: «Tremble, ennemi superbe, tu gis sous le pied
+d'une femme!» Le lendemain, en présence du peuple, elle fut amenée
+devant le juge, qui lui ordonna de sacrifier aux idoles. Et, comme
+elle s'y refusa, il lui fit brûler le corps avec des torches ardentes,
+mais elle semblait n'éprouver aucun mal. Et de peur que, frappé de ce
+miracle, le peuple ne se convertît en foule, Olibrius ordonna de
+décapiter la bienheureuse Marguerite. Elle dit au bourreau: «Frère,
+prends ton glaive et frappe-moi.» Il lui abattit la tête d'un seul
+coup. L'âme s'envola au ciel sous la forme d'une colombe[247].
+
+[Note 247: _Legenda Sanctorum_, Bâle, Nicolas Kesler, in-fol.,
+1486, lég. LXXXVIII.--Douhet, _Dictionnaire des légendes_, pp.
+824-836.]
+
+Cette histoire avait été mise en chansons et en mystères[248]. Elle
+était si connue, que le nom du gouverneur, avili par la raillerie,
+devenu tout à fait ridicule, se donnait communément aux fanfarons et
+aux glorieux et qu'on disait d'un sot qui fait le méchant garçon:
+«C'est un olibrius[249].»
+
+[Note 248: Gaston Paris, _La littérature française au moyen âge_,
+1890, in-16, p. 212.]
+
+[Note 249: La Curne, _Dictionnaire de l'ancien langage français_,
+au mot: _Olibrius_. Olibrius se trouve aussi dans la légende de sainte
+Reine où il est gouverneur des Gaules. La légende de sainte Reine
+n'est qu'une variante assez ancienne de la légende de sainte
+Marguerite.]
+
+Madame sainte Catherine, que l'ange avait annoncée à Jeanne en même
+temps que madame sainte Marguerite, gardait sous sa protection
+spéciale les jeunes filles, et particulièrement les servantes et les
+fileuses. Les orateurs et les philosophes avaient pris aussi pour
+patronne la vierge qui avait confondu les cinquante docteurs et
+triomphé des mages de l'Orient. On lui faisait dans la vallée de la
+Meuse des oraisons en rimes, comme celle-ci:
+
+ _Ave_, très sainte Catherine,
+ Vierge pucelle nette et fine[250].
+
+[Note 250: Bibliothèque Mazarine, manuscrit 515. _Recueil, de
+prières_, fº 55. Ce manuscrit est précisément originaire des bords de
+la Meuse.]
+
+Elle n'était pas non plus pour Jeanne une étrangère cette belle dame
+qui avait son église à Maxey, sur l'autre bord de la rivière et dont
+le nom était porté par la fille aînée d'Isabelle Romée[251].
+
+[Note 251: S. Luce, _loc. cit._, preuve XIII, p. 19, note 2.--E.
+de Bouteiller et G. de Braux, _Nouvelles recherches sur la famille de
+Jeanne d'Arc_, pp. XVI et 62.--_Guide et souvenir du pèlerin à
+Domremy_, Nancy, 1878, in-18, p. 60.]
+
+Jeanne assurément ne connaissait pas l'histoire de madame sainte
+Catherine telle que la savaient les grands clercs, telle, par exemple,
+que la mettait en écrit, vers ce temps-là, messire Jean Miélot,
+secrétaire du duc de Bourgogne. Jean Miélot disait comment la vierge
+d'Alexandrie réprouva les subtils arguments d'Homère, les syllogismes
+d'Aristote, les très sages raisons d'Esculape et de Gallien, médecins
+renommés, pratiqua les sept arts libéraux et disputa selon les règles
+de la dialectique[252]. La fille de Jacques d'Arc n'entendait rien à
+cela; elle connaissait madame sainte Catherine par des récits tirés de
+quelque histoire en langue vulgaire comme il en courait tant à cette
+époque, en prose ou en rimes[253].
+
+[Note 252: J. Miélot, _Vie de sainte Catherine_, texte revu par
+Marius Sepet, 1881, gr. in-8º.]
+
+[Note 253: Gaston Paris, _La littérature française au moyen âge_,
+pp. 82, 213.]
+
+Fille du roi Costus et de la reine Sabinelle, Catherine, au sortir de
+l'enfance, était versée dans l'étude des arts, et habile à broder la
+soie. La beauté de son corps resplendissait, mais son âme demeurait
+plongée dans les ténèbres de l'idolâtrie. Plusieurs barons de l'empire
+la recherchaient en mariage; elle les dédaignait et disait:
+«Trouvez-moi un époux qui soit sage, beau, noble et riche.» Or,
+pendant son sommeil, elle eut une vision. La Vierge Marie lui apparut
+tenant l'Enfant Jésus dans ses bras et dit:
+
+--Catherine, veux-tu prendre celui-ci pour ton époux? Et vous, mon
+très doux fils, voulez-vous avoir cette vierge pour épouse?
+
+L'Enfant Jésus répondit:
+
+--Ma mère, je ne la veux point; éloignez-la plutôt de vous, parce
+qu'elle est idolâtre. Mais si elle consent à se faire baptiser, je lui
+promets de mettre à son doigt l'anneau nuptial.
+
+Désireuse d'épouser le Roi des cieux, Catherine alla demander le saint
+baptême à l'ermite Ananias, qui vivait en Arménie, dans la montagne
+Nègre. Peu de jours après, comme elle priait dans sa chambre, elle vit
+venir Jésus-Christ au milieu d'un choeur nombreux d'anges, de saints
+et de saintes. Il s'approcha d'elle et lui mit au doigt son anneau. Et
+Catherine connut seulement alors que ces noces étaient des noces
+spirituelles.
+
+En ce temps-là, Maxence était empereur des Romains. Il ordonna aux
+habitants d'Alexandrie d'offrir aux idoles de grands sacrifices.
+Catherine, qui priait dans son oratoire, entendit les chants des
+prêtres et les mugissements des victimes. Aussitôt elle se rendit sur
+la place publique et, ayant vu Maxence à la porte du temple, elle lui
+dit:
+
+--Comment es-tu assez insensé pour ordonner à cette foule de rendre
+hommage à des idoles? Tu admires ce temple que tu as élevé par la
+main des ouvriers. Tu admires ces ornements précieux qui ne sont que
+de la poussière qu'emporte le vent. Tu devrais plutôt admirer le ciel
+et la terre, et la mer, et tout ce qui y est contenu. Tu devrais
+admirer les ornements des cieux, le soleil, la lune et les étoiles; tu
+devrais admirer les cercles de ces astres qui, depuis le commencement
+du monde, courent vers l'Occident et reviennent à l'Orient, et ne se
+fatiguent jamais. Et quand tu auras remarqué toutes ces choses,
+interroge et apprends quel en est l'auteur. C'est notre Dieu, le
+Seigneur des Dominations et le Dieu des dieux.
+
+--Femme, répondit l'empereur, laisse-nous achever le sacrifice;
+ensuite nous te ferons réponse.
+
+Et il ordonna que Catherine fût conduite au palais et gardée avec
+soin; et comme il admirait la grande sagesse et la merveilleuse beauté
+de cette vierge, il manda cinquante docteurs versés dans la science
+des Égyptiens et dans les arts libéraux, et, les ayant assemblés, il
+leur dit:
+
+--Une fille d'un esprit subtil affirme que nos dieux ne sont que des
+démons. J'aurais pu la contraindre à sacrifier ou la faire punir; mais
+j'ai jugé plus convenable qu'elle fût confondue par la force de vos
+arguments. Si vous triomphez d'elle, vous retournerez chez vous
+chargés d'honneurs.
+
+Et les sages répondirent:
+
+-Qu'on l'amène, afin que sa témérité se manifeste et qu'elle avoue
+n'avoir jamais jusqu'ici rencontré de sages!
+
+Et quand elle apprit qu'elle devait disputer avec les sages, Catherine
+craignit de ne pouvoir défendre dignement contre eux la vérité de
+Jésus-Christ. Mais un ange lui apparut et lui dit:
+
+--Je suis l'archange saint Michel, envoyé par Dieu pour t'annoncer que
+tu sortiras de ce combat victorieuse, et digne d'obtenir notre
+Seigneur Jésus-Christ, espoir et couronne de ceux qui combattent pour
+lui.
+
+Et la vierge disputa avec les docteurs. Ceux-ci ayant soutenu qu'il
+était impossible qu'un Dieu se fît homme et connût la douleur,
+Catherine montra que la naissance et la passion de Jésus-Christ
+avaient été annoncées par les gentils eux-mêmes et proclamées par
+Platon et la Sibylle.
+
+Les docteurs ne purent rien opposer à des arguments si solides. C'est
+pourquoi le principal d'entre eux dit à l'empereur:
+
+--Tu sais que personne jusqu'ici n'a pu disputer avec nous sans être
+aussitôt confondu. Mais cette jeune fille, dans laquelle parle
+l'esprit de Dieu, nous remplit d'admiration, et nous ne savons ni
+n'osons dire quelque chose contre le Christ. Et nous avouons hardiment
+que, si tu n'as pas de meilleures raisons à donner en faveur des dieux
+que nous avons adorés jusqu'à présent, nous nous convertissons tous à
+la foi chrétienne.
+
+En entendant ces paroles, le tyran fut transporté d'une telle rage,
+qu'il fit brûler les cinquante docteurs au milieu de la ville. Mais en
+signe de ce qu'ils mouraient pour la vérité, ni leurs vêtements, ni
+leurs cheveux ne furent atteints par le feu.
+
+Maxence dit ensuite à Catherine:
+
+--Ô vierge issue de noble lignée, et digne de la pourpre impériale,
+prends conseil de ta jeunesse et sacrifie à nos dieux. Si tu le veux
+faire, tu tiendras dans mon palais le premier rang après
+l'impératrice, et ton image, placée au milieu de la ville, sera adorée
+de tout le peuple comme celle d'une déesse.
+
+Mais Catherine répondit:
+
+--Cesse de parler de telles choses. C'est un crime d'y penser
+seulement. Jésus-Christ m'a prise pour épouse. Il est tout mon amour,
+toute ma gloire et toutes mes délices.
+
+Voyant qu'il ne pouvait la flatter par des caresses, le tyran espéra
+la réduire par la peur; c'est pourquoi il la menaça de mort.
+
+Le courage de Catherine n'en fut point ébranlé:
+
+--Jésus-Christ, dit-elle, s'est offert pour moi en sacrifice à son
+Père; ce m'est une grande joie que je puisse être offerte à la gloire
+de son nom comme une hostie agréable.
+
+Alors Maxence ordonna qu'elle fût fouettée de verges et que, traînée
+ensuite dans un cachot ténébreux, on l'y laissât sans nourriture. Et,
+appelé par diverses affaires pressantes, il partit pour une province
+éloignée.
+
+Or, l'impératrice, qui était païenne, eut une vision, et sainte
+Catherine lui apparut environnée d'une clarté inestimable. Des anges
+vêtus de blanc se tenaient auprès d'elle et l'on ne pouvait voir leurs
+visages pour la très grande lumière qui en sortait. Et Catherine dit à
+l'impératrice d'approcher. Et prenant une couronne de la main d'un des
+anges qui étaient là, elle la mit sur la tête de l'impératrice en
+disant:
+
+--Voici une couronne qui t'est envoyée du ciel, au nom de
+Jésus-Christ, mon Dieu et mon Seigneur.
+
+L'impératrice fut troublée en son coeur par ce songe admirable. C'est
+pourquoi, accompagnée de Porphyre, lequel était chevalier et chef de
+l'armée, elle se rendit à la première heure de la nuit dans la prison
+où Catherine était enfermée. Dans cette prison une colombe lui
+apportait une nourriture céleste, et des anges pansaient les plaies de
+la vierge. L'impératrice et Porphyre trouvèrent le cachot baigné d'une
+clarté dont ils furent si épouvantés qu'ils tombèrent prosternés sur
+la pierre. Mais une odeur merveilleusement suave se répandit aussitôt,
+qui les réconforta et leur donna meilleur espoir.
+
+--Levez-vous, leur dit Catherine, et ne soyez pas épouvantés, car
+Jésus-Christ vous appelle.
+
+Ils se levèrent et virent Catherine au milieu d'un choeur d'anges. La
+sainte prit des mains de l'un de ceux qui étaient là une couronne très
+belle, brillant comme l'or, et elle la mit sur la tête de
+l'impératrice. Et cette couronne était le signe du martyre. Et en
+effet cette reine et le chevalier Porphyre étaient déjà inscrits au
+livre des récompenses éternelles.
+
+Quand il fut de retour, Maxence donna l'ordre qu'on lui amenât
+Catherine, et lui dit:
+
+--Choisis de ces deux choses: ou de sacrifier et vivre, ou de périr
+dans les tourments.
+
+Et Catherine répondit:
+
+--Je désire offrir ma chair et mon sang à Jésus-Christ. Il est mon
+amant, mon pasteur et mon époux.
+
+Alors le prévôt de la cité d'Alexandrie, qui avait nom Chursates, fit
+faire quatre roues garnies de dents de fer très aiguës, afin que sur
+ces roues la bienheureuse Catherine pérît d'une misérable et très
+cruelle mort. Mais un ange brisa cette machine et la fit éclater avec
+tant de force, que les débris tuèrent un grand nombre de gentils. Et
+l'impératrice, qui, du haut de sa tour, voyait ces choses, descendit
+et reprocha à l'empereur sa cruauté. Maxence, plein de rage, ordonna à
+l'impératrice de sacrifier, et, comme elle s'y refusait, il commanda
+de lui arracher les mamelles et de lui couper la tête. Et tandis qu'on
+la menait au supplice, Catherine l'exhortait, disant:
+
+--Va, réjouis-toi, reine aimée de Dieu, car aujourd'hui tu échangeras
+ton royaume périssable en un éternel empire et un époux mortel en un
+immortel amant.
+
+Et l'impératrice fut conduite hors des murs pour y souffrir la mort.
+Porphyre enleva le corps et le fit ensevelir honorablement, comme
+celui d'une servante de Jésus-Christ. C'est pourquoi Maxence fit
+mettre Porphyre à mort et jeter son cadavre aux chiens. Puis, faisant
+venir Catherine, il lui dit:
+
+--Puisque, par tes arts magiques, tu as fait périr l'impératrice, si
+tu te repens, tu seras maintenant la première dans mon palais.
+Aujourd'hui donc, sacrifie aux dieux, ou tu auras la tête coupée.
+
+Elle répondit:
+
+--Fais ce que tu as résolu, afin que je prenne place dans la troupe
+virginale qui accompagne l'Agneau de Dieu.
+
+L'empereur la condamna à être décapitée. Et lorsqu'on l'eut menée hors
+de la cité d'Alexandrie, au lieu du supplice, elle leva les yeux au
+ciel et dit:
+
+--Jésus, espoir et salut des fidèles, gloire et beauté des vierges, je
+te prie d'accorder que quiconque m'invoquera en souvenir de mon
+martyre sera exaucé, soit au moment de sa mort, soit dans les périls
+où il pourra se trouver.
+
+Et une voix du ciel lui répondit:
+
+--Viens, mon épouse chérie; la porte du ciel t'est ouverte. Je promets
+les secours d'en haut à ceux qui m'invoqueront par ton intercession.
+
+Du col tranché de la vierge il coula du lait au lieu de sang.
+
+Ainsi madame sainte Catherine trépassa de ce monde au bonheur
+céleste, le vingt-cinquième jour du mois de novembre, qui était un
+vendredi[254].
+
+[Note 254: Voragine, _La légende dorée_, 1846, pp.
+789-797.--Douhet, _Dictionnaire des légendes_, 1855, p. 282.]
+
+Monseigneur saint Michel, archange, n'avait pas fait une fausse
+promesse: mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite vinrent comme
+il avait dit. Dès leur première visite, la jeune paysanne fit voeu
+entre leurs mains de garder sa virginité tant qu'il plairait à
+Dieu[255]. Si cette promesse avait un sens, il fallait que Jeanne,
+quelque âge qu'elle eût alors, ne fût plus tout à fait une enfant. Et
+il semble bien aussi qu'elle vit l'ange et les saintes au moment de
+devenir femme, si tant est qu'elle le devint jamais[256]. Les saintes
+nouèrent bientôt avec elle des relations familières[257]. Elles
+venaient tous les jours au village et souvent plusieurs fois le jour.
+En les voyant paraître dans cette clarté qu'elles apportaient du ciel,
+charmantes, en habit de reines, le front ceint d'une couronne d'or et
+de pierreries bien riche et bien précieuse, la villageoise se signait
+dévotement et leur faisait une profonde révérence[258]. Et comme elles
+étaient des dames bien nées, elles lui rendaient son salut. Chacune
+avait sa façon particulière de saluer, et sans doute parce que leur
+visage trop éblouissant ne pouvait être regardé en face, c'était
+surtout à leur manière de faire la révérence que Jeanne les
+distinguait l'une de l'autre. Elles se laissaient toucher volontiers
+par leur amie terrestre, qui embrassait leurs genoux, baisait le bas
+de leur robe et s'enivrait de la bonne odeur qu'elles exhalaient[259].
+Elles parlaient d'une voix humble[260], à ce qu'il semblait à Jeanne.
+Elles appelaient la pauvre fille: fille de Dieu. Elles lui
+enseignaient à se bien conduire et à fréquenter l'église. Sans avoir
+toujours des choses très nouvelles à lui dire, puisqu'elles venaient à
+tout moment, elles lui tenaient des propos qui la remplissaient de
+joie et, après qu'elles avaient disparu, Jeanne pressait ardemment de
+ses lèvres la terre où leurs pieds s'étaient posés[261].
+
+[Note 255: _Procès_, t. I, p. 128.--Hinzelin, _Chez Jeanne d'Arc_,
+p. 29.--Nous examinerons, au moment du procès, s'il est possible de
+concilier les assertions de Jeanne relativement à ce voeu.]
+
+[Note 256: _Procès_, t. I, p. 128; t. III, p. 219.]
+
+[Note 257: _Ibid._, table, aux mots: _Voix_, _Catherine_ et
+_Marguerite_.]
+
+[Note 258: _Ibid._, t. I, pp. 71-85; 167 et suiv.; 186 et suiv.]
+
+[Note 259: _Procès_, t. I, pp. 185-186.]
+
+[Note 260: Humblement n'exprime dans la langue ancienne qu'un
+sentiment affable. On trouve dans Froissart (cité par La Curne): «Li
+contes de Hainaut rechut ces seigneurs d'Engleterre, l'un après
+l'autre, moult humblement.»]
+
+[Note 261: _Procès_, t. I, p. 130.]
+
+Elle recevait souvent les Dames du ciel dans son petit jardin, contigu
+au pourpris de l'église. Elle les rencontrait près de la fontaine;
+souvent même elles se montraient à leur petite bien-aimée au milieu
+des compagnies. «Car, disait la fille d'Isabelle, les anges viennent
+bien des fois entre les chrétiens, et on ne les voit pas. Mais moi, je
+les vois[262].» C'était dans les bois, au bruit léger du feuillage et
+surtout pendant que les cloches sonnaient matines ou complies qu'elle
+entendait le plus distinctement les douces paroles. Aussi aimait-elle
+cette voix des cloches dans laquelle se mêlaient ses Voix. Et quand, à
+neuf heures du soir, Perrin le Drapier, marguillier de la paroisse,
+manquait à sonner les complies, elle le reprenait de sa négligence et
+le grondait, disant que ce n'était pas bien fait. Elle lui promettait
+des gâteaux si, à l'avenir, il sonnait exactement[263].
+
+[Note 262: _Ibid._, t. I, p. 130.]
+
+[Note 263: _Procès_, t. II, p. 413 et note 2.]
+
+Elle ne révéla rien de ces choses à son curé, en quoi elle fut
+grandement répréhensible selon de bons docteurs et tout à fait
+irréprochable de l'avis de certains autres docteurs excellents. Car,
+si d'une part nous devons, en matière de foi, consulter nos supérieurs
+ecclésiastiques, d'autre part là où souffle l'Esprit, là règne la
+liberté[264].
+
+[Note 264: _Ibid._, t. I, p. 52, glose marginale du ms. d'Urfé:
+_Celavit visiones curato, patri et matri et cuicumque_, dans _Procès_,
+t. I, p. 128, note.--Lanéry d'Arc, _Mémoires et consultations en
+faveur de Jeanne d'Arc_, p. 471.]
+
+Depuis que les deux saintes fréquentaient Jeanne, monseigneur saint
+Michel se montrait moins assidu auprès d'elle; mais il ne l'avait
+point abandonnée. Une heure vint où il lui conta la pitié qui était au
+royaume de France, la pitié qu'elle avait au coeur[265].
+
+[Note 265: _Ibid._, t. I, p. 171: «Et luy racontet l'angle la
+pitié qui estoit ou royaume de France». _Pitié_ sujet de tendresse et
+d'amour: L'ange pense spécialement au Dauphin. Pour le sens et
+l'emploi de ce mot, comparez _Monstrelet_, t. III. p. 74: «... et le
+peuple plorant de pitié et de joie qu'ils avoient à regarder leur
+seigneur». Gérard de Nevers dans La Curne: «Pitié estoit de voir
+festoyer leur seigneur; on ne pourrait retenir ses larmes en voyant la
+joie qu'ils marquoient de recevoir leur seigneur.»]
+
+Et les saintes visiteuses, dont la voix se faisait plus ardente et
+plus ferme, à mesure que la jeune fille prenait une âme plus héroïque
+et plus sainte, lui révélèrent sa mission:
+
+--Fille de Dieu, lui dirent-elles, il faut que tu quittes ton village
+et que tu ailles en France[266].
+
+[Note 266: _Procès_, t. I, p. 53.]
+
+Cette idée d'une mission sainte et guerrière, dont Jeanne prit
+conscience par ses Voix, s'était-elle formée en son esprit
+spontanément, sans l'intervention d'aucune volonté étrangère, ou lui
+fut-elle suggérée par quelque personne dont elle subissait
+l'influence? C'est ce qu'il serait impossible de discerner, si un
+faible indice ne nous mettait sur la voie. Jeanne eut connaissance, à
+Domremy, d'une prophétie qui disait que la France serait désolée par
+une femme et puis rétablie par une pucelle[267]. Elle en fut
+étrangement frappée et il lui arriva, par la suite, d'en parler d'une
+manière qui prouve que non seulement elle y ajoutait foi, mais encore
+qu'elle croyait être la pucelle annoncée[268]. Qui la lui apprit?
+Quelque paysan? On a lieu de croire que les paysans l'ignoraient[269]
+et qu'elle courait parmi les personnes de dévotion[270]. D'ailleurs,
+pour être édifié à cet égard, il suffit de remarquer que Jeanne connut
+de cette prophétie une version spéciale, visiblement arrangée pour
+elle, puisqu'il y était spécifié que la pucelle réparatrice sortirait
+des Marches de Lorraine. Cette addition topique ne peut être le fait
+d'un conducteur de boeufs et décèle un esprit habile à gouverner les
+âmes, à susciter les actes. Le doute n'est plus possible, la prophétie
+ainsi complétée et dirigée part d'un clerc dont les intentions se
+laissent facilement voir. Dès lors on surprend une pensée qui agit et
+pèse sur la jeune visionnaire. Cet homme d'Église des bords de la
+Meuse qui, dans l'humilité des champs, songeait au sort du pauvre
+peuple et, pour tourner les visions de Jeanne au bien du royaume et à
+la conclusion de la paix, poussait l'ardeur de son zèle pieux jusqu'à
+recueillir des prophéties sur le salut du Lis de France et à les
+compléter avec une précision utile à ses desseins, il faut le chercher
+parmi ces prêtres, ces religieux lorrains ou champenois qui
+souffraient cruellement des malheurs publics[271]. Les marchands et
+les artisans, écrasés d'impôts et de tailles, ruinés par les
+changements des monnaies[272], les paysans, dont les maisons, les
+granges, les moulins étaient détruits, les champs ravagés, cessaient
+de contribuer aux frais du culte[273]. Chanoines et religieux, qui ne
+recevaient plus ni les redevances de leurs feudataires, ni les
+contributions des fidèles, quittaient le monastère et s'en allaient à
+travers le siècle mendier leur pain, laissant au cloître deux ou trois
+vieux moines et quelques enfants. Les abbayes fortifiées attiraient
+les capitaines et les soldats des deux partis, qui s'y retranchaient,
+les pillaient et les brûlaient, et si quelqu'une de ces saintes
+maisons échappait aux flammes, les villageois errants s'y réfugiaient
+et l'on ne pouvait empêcher les femmes d'envahir les réfectoires et
+les dortoirs[274]. C'est dans la multitude obscure des âmes troublées
+par l'affliction et les scandales de l'Église que se devine le
+prophète et l'initiateur de la Pucelle.
+
+[Note 267: _Ibid._, t. II, p. 444.]
+
+[Note 268: «Nonne alios dictum fuit quod Francia per mulierem
+desolaretur, et postea per Virginem restaurari debebat» Déposition de
+Durand Lassois dans _Procès_, t. II, p. 444.]
+
+[Note 269: _Procès_, t. II, p. 447.]
+
+[Note 270: _Ibid._, t. III, p 83.--Morosini, t. IV, annexe XVI.]
+
+[Note 271: Monstrelet, t. III, p. 180.--Jean Chartier, _Chronique
+latine_, éd. Vallet de Viriville, t. I, p. 13.--Th. Basin, _Histoire
+de Charles VII et de Louis XI_, t. I, p. 44 et suiv.]
+
+[Note 272: Alain Chartier, _Quadriloge invectif_, éd. André
+Duchesne, Paris, 1617, pp. 440 et suiv.--_Ordonnances_, t. XI, pp. 101
+et suiv.--Vuitry, _Les monnaies sous les trois premiers Valois_,
+Paris, 1881, in-8º, _passim_.--De Beaucourt, _Histoire de Charles
+VII_, t. I, ch. XI.]
+
+[Note 273: Juvénal des Ursins et _Journal d'un bourgeois de
+Paris_, _passim_.--Lettre de Nicolas de Clemangis à Gerson, dans
+_Clemangis opera omnia_, 1613, in-4º, II, pp. 159 et suiv.]
+
+[Note 274: Le P. Denifle, _La désolation des églises,
+monastères..._, Mâcon, 1897, in-8º, introduction.]
+
+On ne sera pas tenté de le reconnaître en messire Guillaume Frontey,
+curé de Domremy: le successeur de messire Jean Minet, à le juger par
+ses propos, qui nous ont été conservés, était aussi simple que ses
+ouailles[275]. Jeanne fréquentait beaucoup de prêtres et de moines.
+Elle visitait son oncle le curé de Sermaize, et voyait son cousin,
+jeune religieux profès en l'abbaye de Cheminon[276], qui devait
+bientôt la suivre en France. Elle se trouvait en relation avec nombre
+de personnes ecclésiastiques très aptes à reconnaître sa piété
+singulière et le don qu'elle avait reçu de voir des choses invisibles
+au commun des chrétiens. Ils lui tenaient des propos qui, s'ils nous
+étaient conservés, nous ouvriraient sans doute une des sources de
+cette extraordinaire vocation. L'un d'eux, dont le nom ne sera jamais
+connu, prépara au roi et au royaume de France un angélique défenseur.
+
+[Note 275: _Procès_, t. II, pp 402, 434.]
+
+[Note 276: Toutefois ces deux personnages ne nous sont connus que
+par des documents généalogiques très suspects. _Procès_, t. V, p.
+252--Boucher de Molandon, _La famille de Jeanne d'Arc_, p. 127.--G. de
+Braux et E. de Bouteiller, _Nouvelles recherches_, pp. 7 et suiv.]
+
+Cependant Jeanne vivait en pleine illusion. Entièrement ignorante des
+influences qu'elle subissait, incapable de reconnaître en ses Voix
+l'écho d'une voix humaine ou la propre voix de son coeur, elle
+répondit avec crainte aux saintes qui lui ordonnaient d'aller en
+France:
+
+--Je suis une pauvre fille ne sachant ni chevaucher ni guerroyer[277].
+
+[Note 277: _Procès_, t. I, pp. 52, 53.]
+
+Dès qu'elle eut ces révélations, elle renonça aux jeux et aux
+promenades. Elle ne dansa plus guère au pied de l'arbre des fées et
+seulement pour faire sauter les petits enfants[278]; elle prit aussi en
+dégoût, à ce qu'il semble, les travaux des champs, et surtout le soin
+des troupeaux. Dès l'enfance, elle avait donné des signes de piété. Elle
+se livrait maintenant aux pratiques d'une dévotion singulière; elle se
+confessait souvent et communiait avec une extraordinaire ferveur; elle
+entendait chaque jour la messe de son curé. On la trouvait à toute heure
+dans l'église, tantôt prosternée de son long sur la pierre, tantôt les
+mains jointes, le visage et les yeux levés vers Notre-Seigneur ou
+Notre-Dame. Elle n'attendait pas toujours le samedi pour aller à la
+chapelle de Bermont. Parfois, tandis que ses parents la croyaient à
+garder les bêtes, elle était aux pieds de la Vierge miraculeuse. Le curé
+du village, messire Guillaume Frontey, ne pouvait que louer la plus
+innocente de ses paroissiennes[279]. Il appréciait les sentiments de
+cette bonne fille. Un jour, il lui échappa de dire avec un soupir de
+regret:
+
+[Note 278: _Procès_, t. II, pp. 404, 407, 409, 411, 414, 416 et
+_passim_.]
+
+[Note 279: _Ibid._, t. II, pp. 402, 434.]
+
+--Si Jeannette avait de l'argent, elle me donnerait pour dire des
+messes[280].
+
+[Note 280: _Ibid._, t. II, p. 402.--Sur les pratiques religieuses
+de Jeanne, _Procès_, à la table, aux mots: _Messe_, _Vierge_,
+_Cloche_.]
+
+Quant au bonhomme Jacques d'Arc, il est croyable qu'il se plaignait
+parfois de ces pèlerinages, contemplations et autres pratiques
+contraires à l'économie rurale. Jeanne paraissait à tout le monde
+étrange et bizarre. La voyant si pieuse, Mengette et ses compagnes
+disaient qu'elle l'était trop[281]. Elles la grondaient de ne point
+danser avec elles. Isabellette, entre autres, la jeune femme de
+Gérardin d'Épinal, la mère de ce petit Nicolas, filleul de Jeanne,
+blasonnait rustiquement une fille si peu dansante[282]. Colin, fils de
+Jean Colin, avec tous les gars du village, se moquaient d'elle à cause
+de sa dévotion. Ses extases faisaient sourire; elle passait pour un
+peu folle. Poursuivie de railleries, elle en souffrait[283]. Mais elle
+voyait des yeux de son corps les habitants du Paradis. Et, quand ils
+s'éloignaient d'elle, elle pleurait et elle aurait bien voulu qu'ils
+l'eussent emportée avec eux.
+
+[Note 281: _Procès_, t. II, p. 429.]
+
+[Note 282: _Ibid._, t. II, p. 426.]
+
+[Note 283: _Ibid._, t. II, p. 432.]
+
+--Fille de Dieu, il faut que tu quittes ton village et que tu ailles
+en France[284].
+
+[Note 284: _Ibid._, t. I, pp. 52-53.]
+
+Et mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite disaient encore:
+
+--Prends l'étendard de par le Roi du ciel, prends-le hardiment et Dieu
+t'aidera.
+
+En écoutant les dames aux belles couronnes parler ainsi, Jeanne
+brûlait du désir des longues chevauchées et de ces batailles où les
+anges passent sur le front des guerriers. Mais comment aller en
+France? Comment aller parmi les gens d'armes? Les Voix, qu'elle
+entendait, ignorantes et généreuses comme elle, ne lui révélaient que
+son âme et la laissaient dans un trouble douloureux:
+
+--Je suis une pauvre fille, ne sachant ni chevaucher ni guerroyer.
+
+Le village natal de Jeanne portait le nom du bienheureux Remi[285];
+l'église paroissiale était sous le vocable du grand apôtre des Gaules
+qui, en baptisant le roi Clovis, avait oint de l'huile sainte le
+premier prince chrétien de la noble Maison de France, issue du noble
+roi Priam de Troie.
+
+[Note 285: _Procès_, t. II, pp. 393, 400 et _passim_.]
+
+Voici de quelle manière les clercs rapportaient la légende de
+Saint-Remi:
+
+En ce temps-là, le pieux ermite Montan, qui vivait au pays de Laon,
+vit le choeur des anges et l'assemblée des saints et il entendit une
+voix grande et douce qui disait: «Le Seigneur a regardé la terre. Il a
+entendu les gémissements de ceux qui sont enchaînés; il a vu les fils
+de ceux qui ont péri, et il brisera leurs fers, afin que son nom soit
+annoncé parmi les nations et que les peuples et les rois se réunissent
+ensemble pour le servir. Et Cilinie enfantera un fils pour le salut du
+peuple.»
+
+Or Cilinie était vieille et son mari Émilius était aveugle. Mais
+Cilinie, ayant conçu, mit au monde un fils et du lait dont elle
+nourrissait l'enfant elle frotta les yeux du père aveugle, qui revit
+aussitôt la lumière.
+
+Cet enfant, annoncé par les anges, fut nommé Remi, qui veut dire rame,
+car il devait, par sa doctrine, comme avec une rame bien taillée,
+diriger l'Église de Dieu et spécialement l'Église de Reims sur la mer
+agitée de cette vie, et, par ses mérites et ses prières, la conduire
+vers le port du salut éternel.
+
+Le fils de Cilinie passa sa pieuse jeunesse à Laon, dans la retraite
+et les exercices d'une sainte et chrétienne conversation. Il entrait à
+peine dans sa vingt-deuxième année, quand le siège épiscopal de Reims
+vint à vaquer par la mort du bienheureux évêque Bennade. Un immense
+concours de peuple désigna Remi à la garde des fidèles. Il refusait
+une charge trop pesante, disait-il, pour la faiblesse de son âge; mais
+un rayon d'une céleste lumière descendit tout à coup sur son front, et
+une liqueur divine se répandit sur sa chevelure qu'elle embauma d'un
+parfum inconnu. C'est pourquoi, sans plus tarder, les évêques de la
+province de Reims, d'un consentement unanime, lui donnèrent la
+consécration épiscopale. Assis dans le siège de saint Sixte, le
+bienheureux Remi s'y montra libéral en aumônes, assidu dans sa
+vigilance, fervent en ses oraisons, parfait en charité, merveilleux en
+doctrine et saint en tous ses propos. Il attirait sur lui l'admiration
+des hommes, comme la cité bâtie sur le sommet d'une montagne.
+
+En ce temps-là, Clovis, roi de France, était païen avec toute sa
+chevalerie. Mais ayant remporté, par l'invocation du nom de
+Jésus-Christ, une grande victoire sur les Allemands, il résolut, à la
+prière de la sainte reine Clotilde, sa femme, de demander le baptême
+au bienheureux évêque de Reims. Instruit de ce pieux désir, saint Remi
+enseigna au roi et au peuple comment, en renonçant à Satan, à ses
+oeuvres et à ses pompes, on doit croire en Dieu et en Jésus-Christ son
+fils. Et, la solennité de Pâques approchant, il leur ordonna le jeûne
+selon la coutume des fidèles.
+
+Le jour de la Passion de Notre-Seigneur, veille du jour où Clovis
+devait être baptisé avec ses barons, l'évêque alla trouver le roi et
+la reine dès le matin et les conduisit dans un oratoire consacré au
+bienheureux Pierre, prince des apôtres. La chapelle fut tout à coup
+remplie d'une lumière si brillante qu'elle effaçait l'éclat du soleil,
+et du milieu de cette lumière sortit une voix qui disait: «La paix
+soit avec vous; c'est moi, ne craignez point, et demeurez en mon
+amour.» Après ces paroles la lumière disparut, mais il resta dans la
+chapelle une odeur d'une suavité ineffable. Alors, resplendissant
+comme Moïse par l'éclat du visage et illuminé au dedans d'une clarté
+divine, le saint évêque prophétisa et dit: «Clovis et Clotilde, vos
+descendants reculeront les limites du royaume. Ils élèveront l'Église
+de Jésus-Christ et triompheront des nations étrangères, pourvu que, ne
+dégénérant pas de la vertu, ils ne s'écartent jamais des voies du
+salut, ne s'engageant pas dans la route du péché, et ne se laissant
+pas tomber dans les pièges de ces vices mortels qui renversent les
+empires et transportent la domination d'une nation à l'autre.»
+
+Cependant on prépare le chemin depuis le palais du roi jusqu'au
+baptistère; on suspend des voiles, des tapis précieux; on tend les
+maisons de chaque côté des rues; on pare l'église, on couvre le
+baptistère de baume et de toutes sortes de parfums. Comblé des grâces
+du Seigneur, le peuple croit déjà respirer les délices du paradis. Le
+cortège part du palais; le clergé ouvre la marche avec les saints
+évangiles, les croix et les bannières, chantant des hymnes et des
+cantiques spirituels; vient ensuite l'évêque, conduisant le roi par la
+main; enfin la reine suit avec le peuple. Chemin faisant, le roi
+demanda à l'évêque si c'était là le royaume de Dieu qu'il lui avait
+promis: «Non, répondit le bienheureux Remi, mais c'est l'entrée de la
+route qui y conduit.» Quand ils furent parvenus au baptistère, le
+prêtre qui portait le saint chrême, arrêté par la foule, ne put
+atteindre jusqu'aux saints fonts; en sorte qu'à la bénédiction des
+fonts, le chrême manqua par un exprès dessein du Seigneur. Alors le
+pontife lève les yeux vers le ciel, et prie en silence et avec des
+larmes. Aussitôt descend une colombe, blanche comme la neige, portant
+dans son bec une ampoule pleine d'un chrême envoyé du ciel. Une odeur
+délicieuse s'en exhale, qui enivre les assistants d'un plaisir bien
+au-dessus de tout ce qu'ils avaient senti jusque-là. Le saint évêque
+prend l'ampoule, asperge de chrême l'eau baptismale et incontinent la
+colombe disparaît.
+
+Transporté de joie à la vue d'un si grand miracle de la grâce, le roi
+renonce à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres, demande avec instance
+le baptême et s'incline sur la fontaine de vie[286].
+
+[Note 286: Grégoire de Tours, _Le livre des miracles_, éd.
+Bordier, 1864, in-8º, t. II, pp. 27, 31.--Hincmar, _Vita sancti
+Remigii_, dans la _Patrologie de Migne_, t. CXXV, pp. 1130 et
+suiv.--H. Jadart, _Bibliographie des ouvrages concernant la vie et le
+culte de saint Remi, évêque de Reims_, Reims, 1891, in-8º.]
+
+Et depuis lors les rois de France sont sacrés de l'onction divine
+apportée du ciel par la colombe. La sainte ampoule qui la contient est
+gardée dans l'église Saint-Remi de Reims. Et avec la permission de
+Dieu, cette ampoule, au jour du sacre, se trouve toujours pleine[287].
+
+[Note 287: Froissart, l. II, ch. LXXIV.--Le doyen de
+Saint-Thibaud, p. 328.--Vertot, _Dissertation au sujet de la sainte
+ampoule conservée à Reims_, dans _Mémoires de l'Acad. des Inscr. et
+Belles-Lettres_, 1736, t. II, pp. 619-33; t. IV, pp. 1350-65.--Leber,
+_Des cérémonies du sacre ou recherches historiques et critiques sur
+les moeurs, les coutumes dans l'ancienne monarchie_, Paris, Reims,
+1825, in-8º, pp. 255 et suiv.]
+
+Voilà ce que disaient les clercs; et sans doute les paysans de
+Domremy, sur un ton plus humble, en eussent pu dire autant et même
+davantage. Comme on peut croire, ils chantaient la complainte de saint
+Remi. Tous les ans, quand le premier jour d'octobre ramenait la fête
+patronale, le curé devait faire, selon l'usage, le panégyrique du
+saint[288].
+
+[Note 288: A. Monteil, _Histoire des Français_, 1853, t. II, p.
+194.]
+
+Vers cette époque, un mystère se jouait à Reims, où les miracles de
+l'apôtre des Gaules étaient amplement représentés[289]. Et il y en
+avait de bien propres à toucher des âmes villageoises. En sa vie
+mortelle, monseigneur saint Remi guérit un aveugle démoniaque. Un
+homme ayant donné, pour le salut de son âme, ses biens au chapitre de
+Reims, mourut; dix ans après sa mort, monseigneur saint Remi le
+ressuscita et lui fit déclarer sa donation. Hébergé par des gens qui
+n'avaient pas de quoi boire, le saint remplit leur tonneau d'un vin
+miraculeux. Ayant reçu du roi Clovis un moulin en présent, comme le
+meunier refusait de le lui abandonner, monseigneur saint Remi, avec
+l'aide de Dieu, abîma le moulin dans les entrailles de la terre. Une
+nuit que le Saint se trouvait seul dans sa chapelle, tandis que tous
+ses clercs dormaient, les glorieux apôtres Pierre et Paul descendirent
+du paradis pour chanter avec lui les matines.
+
+[Note 289: _Mystère de saint Remi_, bibliothèque de l'Arsenal,
+3.364. Ce mystère date du XVe siècle, du temps des guerres en
+Champagne.
+
+Voici des vers qui s'y rapportent aux malheurs du royaume:
+
+SAINT-ESTIENNE.
+
+ Ô Jhesucrist, qui les sains cieulx
+ As de lumière environnez,
+ Soleil et lune enluminés,
+ Et ordonnez à ta plaisance;
+ Pour le très doulz païs de France
+ Les martirs, non pas un mais tous,
+ À jointes mains et à genoux
+ Te requièrent que tu effaces
+ La grant doleur de France; et faces
+ Par ta sainte digne vertu
+ Qu'ilz aient paix; adfin que tu,
+ Ta doulce mère et tous les sains,
+ Et ceulx qui sont de pechiez sains,
+ Devotement servis y soient!...
+
+SAINT-NICOLAS...
+
+ Dieu tout puissant fay tant qu'il ysse
+ Hors du doulz païs sans amer
+ Que toutes gens doivent amer
+ C'est France, où sont les bons Chrestiens
+ S'on les confort; si les soustiens
+ Car l'engin de leur adversaire
+ Et son faulx art les tire à faire
+ Contre ta sainte voulenté.
+ Ayez pitié de Crestienté
+ Beau sire Dieux
+ Tant en France qu'en autres lieux!
+ Ce seroit Pitié à oultrance
+ Que si noble roiaume, comme France,
+ Fust par male temptacion
+ Mis du tout à perdicion...
+
+Fol. 3, verso.]
+
+Qui mieux que les gens de Domremy pouvait connaître le baptême du roi
+Clovis de France et savoir qu'au chant du _Veni Creator Spiritus_ le
+Saint-Esprit était descendu tenant en son bec la sainte Ampoule,
+pleine du chrême bénit par Notre-Seigneur[290]? Qui mieux qu'eux
+entendait les paroles adressées au roi très chrétien, par monseigneur
+saint Remi, non sans doute en latin d'église, mais en bonne langue
+vulgaire, et revenant à ceci:
+
+«Or, Sire, ayez connaissance de servir Dieu dévotement et de garder la
+justice, pour que florisse votre royaume. Car lorsque justice y
+périra, ce royaume courra grand péril[291].»
+
+[Note 290: _Mystère de saint Remi_, Bibliothèque de l'Arsenal,
+ms., nº 3.364, fol. 69, verso.]
+
+[Note 291: _Mystère de saint Remi_, fol. 71, verso.]
+
+Enfin, d'une manière ou d'une autre, soit par les clercs qui la
+gouvernaient, soit par les paysans au milieu desquels elle vivait,
+Jeanne avait connaissance du bon archevêque Remi, qui aimait tant le
+sang royal de la sainte Ampoule de Reims et du sacre des rois très
+chrétiens[292].
+
+[Note 292:
+
+ Le bon archevesque Remy
+ Qui tant aime le sang royal,
+ Qui tant a son conseil loyal,
+ Qui tant aime Dieu et l'Église.
+
+_Mystère de saint Remi_, fol. 77.]
+
+Et l'ange lui apparut et lui dit:
+
+--Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims, afin qu'il y reçoive
+son digne sacre[293].
+
+[Note 293: _Procès_, t. I, p. 130.]
+
+La jeune fille entendait. Les voiles tombaient; une lumière éclatante
+se faisait dans son esprit. Voilà donc pourquoi Dieu l'avait choisie.
+C'était par elle que le dauphin Charles devait être sacré à Reims. La
+colombe blanche, autrefois envoyée au bienheureux Remi, devait
+redescendre à l'appel d'une vierge. Dieu, qui aime les Français,
+marque leur roi d'un signe, et, quand ce signe manque, la puissance
+royale n'est point. C'est le sacre qui fait seul le roi, et messire
+Charles de Valois n'est pas sacré. Bien que le père soit couché, la
+couronne au front, le sceptre à la main, dans la basilique de
+Saint-Denys en France, le fils n'est que dauphin, et il ne
+recueillera son saint héritage que le jour où l'huile de l'ampoule
+inépuisable coulera sur son front. Et c'est elle, la jeune paysanne,
+ignorante que Dieu a choisie pour le conduire, à travers ses ennemis,
+jusqu'à Reims où il recevra l'onction que reçut saint Louis. Desseins
+impénétrables de Dieu! L'humble fille qui ne sait ni chevaucher ni
+guerroyer est élue pour donner à Notre-Seigneur son vicaire temporel
+dans la France chrétienne.
+
+Désormais Jeanne connaissait les grandes choses qu'elle avait à faire.
+Mais elle ne découvrait pas encore les voies par lesquelles elle
+devait les accomplir.
+
+--Il faut que tu ailles en France, lui disaient madame sainte
+Catherine et madame sainte Marguerite.
+
+--Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims[294], afin qu'il y
+reçoive son digne sacre, lui disait monseigneur saint Michel,
+archange.
+
+[Note 294: _Procès_, t. I, p. 130; t. II, p. 456; t. III, p. 3 et
+_passim_.]
+
+Il était nécessaire de leur obéir. Mais comment? S'il ne se trouva
+pas, à ce moment, quelque personne de dévotion pour la diriger, un
+fait très particulier et de peu d'importance, qui se passait alors
+dans la maison paternelle, peut suffire à mettre la jeune sainte sur
+la voie.
+
+Principal locataire du château de l'Île en 1419 et doyen de la
+communauté en 1423, Jacques d'Arc était un des notables de Domremy.
+Les gens du village, qui l'estimaient, le chargeaient volontiers de
+besognes difficiles. Ils l'envoyèrent, à la fin de mars 1427, à
+Vaucouleurs, comme leur procureur fondé dans un procès qu'ils avaient
+à soutenir par-devant Robert de Baudricourt. Il s'agissait d'une
+réparation de dommages que réclamait un certain Guyot Poignant, de
+Montigny-le-Roi, et pour lesquels il avait assigné concurremment le
+seigneur et les habitants de Greux et de Domremy. Ces dommages
+remontaient à quatre années en çà, quand le damoiseau de Commercy
+avait frappé Greux et Domremy d'un droit de sauvegarde qui s'élevait à
+deux cent vingt écus d'or.
+
+Guyot Poignant se porta garant de cette somme qui ne fut point payée
+au terme fixé. Le damoiseau saisit chez Poignant bois, foin et
+chevaux, pour cent vingt écus d'or, dont ledit Poignant réclama le
+paiement aux seigneurs et aux vilains de Greux et de Domremy.
+L'affaire était pendante encore en 1427, quand la communauté désigna,
+pour son procureur fondé, Jacques d'Arc, et l'envoya à Vaucouleurs. On
+ignore comment le différend se termina; mais il suffit de savoir que
+le père de Jeanne vit sire Robert, l'approcha, lui parla[295].
+
+[Note 295: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. CLIV, CLV, CLVI,
+97, 359 et suiv.; _La France pendant la guerre de cent ans_, p. 287.]
+
+De retour dans sa maison, il dut plus d'une fois conter ces entrevues,
+rapporter d'un si grand personnage diverses façons et paroles. Et sans
+doute Jeanne en entendit maintes choses. Assurément ses oreilles
+étaient rebattues du nom de Baudricourt. C'est alors que l'archange
+chevalier, l'éblouissant ami, vint une fois encore lui révéler la
+pensée obscure qui naissait en elle:
+
+--Fille de Dieu, lui dit-il, tu iras vers le capitaine Robert de
+Baudricourt, en la ville de Vaucouleurs, afin qu'il te donne des gens
+pour te conduire auprès du gentil dauphin[296].
+
+[Note 296: _Procès_, t. I, 53.]
+
+Résolue à fidèlement accomplir le vouloir de son archange, qui était
+son propre vouloir, Jeanne prévoyait bien que sa mère, quoique pieuse,
+ne l'aiderait point dans ses projets et que son père s'y opposerait
+énergiquement. Aussi se garda-t-elle de leur en rien confier[297].
+
+[Note 297: _Ibid._, t. I, p. 128.]
+
+Elle pensa que Durand Lassois était homme à lui assurer l'aide dont
+elle avait besoin. Elle l'appelait son oncle, en considération de son
+âge: il avait seize ans de plus qu'elle. Leur parenté résultait de ce
+que Lassois avait épousé une Jeanne, fille d'un Le Vauseul, laboureur,
+et d'Aveline, soeur d'Isabelle de Vouthon, et par conséquent cousine
+germaine de la fille d'Isabelle[298].
+
+[Note 298: _Ibid._, t. II, p. 443.--Boucher de Molandon, _La
+famille de Jeanne d'Arc_, p. 146.--E. de Bouteiller et G. de Braux,
+_Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc_, introduction,
+pp. XXI, XXII.]
+
+Lassois habitait, avec sa femme, son beau-père et sa belle-mère, un
+hameau de quelques feux, Burey-en-Vaulx, sur la rive gauche de la
+Meuse, dans la verte vallée, à deux lieues de Domremy et à moins d'une
+lieue de Vaucouleurs[299].
+
+[Note 299: _Procès_, t. II, pp. 411, 431, 439.--S. Luce, _Jeanne
+d'Arc à Domremy_, p. CLXI.--Hinzelin, _Chez Jeanne d'Arc_, p. 92.]
+
+Jeanne l'alla trouver, lui fit part de ses projets et lui représenta
+qu'elle avait besoin de voir sire Robert de Baudricourt. Pour que son
+bon parent lui donnât plus de créance elle lui cita une bien étrange
+prophétie, dont nous avons déjà parlé:
+
+--N'a-t-il pas été su autrefois, fit-elle, qu'une femme ruinerait le
+royaume de France et qu'une femme le rétablirait[300]?
+
+[Note 300: _Procès_, t. II, pp. 443, 444.]
+
+Cette pronostication, paraît-il, rendit Durand Lassois pensif. Des
+deux choses qui s'y trouvaient annoncées, la première, qui était
+mauvaise, s'était accomplie dans la ville de Troyes, quand madame
+Ysabeau avait donné le royaume des Lis et madame Catherine de France
+au roi d'Angleterre. Il ne restait donc plus qu'à souhaiter que la
+seconde chose, qui était bonne, s'accomplît aussi. Tel était le désir
+de Durand Lassois, si toutefois il se sentait porté d'amour pour le
+dauphin Charles, ce que l'histoire ne dit pas.
+
+Jeanne en ce séjour chez sa cousine ne voyait pas seulement ses
+parents les Vouthon et leurs enfants. Elle fréquentait aussi chez un
+jeune gentilhomme nommé Geoffroy de Foug, qui habitait sur la paroisse
+de Maxey-sur-Vayse dont le hameau de Burey faisait partie. Elle lui
+confia qu'elle voulait aller en France. Le seigneur Geoffroy ne
+connaissait pas beaucoup les parents de Jeanne; il ne savait pas leurs
+noms. Mais la jeune fille lui parut bonne, simple, pieuse, et il
+l'encouragea dans sa merveilleuse entreprise[301]. Une huitaine de
+jours après son arrivée à Burey, elle en vint à ses fins: Durand
+Lassois consentit à la mener à Vaucouleurs[302].
+
+[Note 301: _Procès_, t. II, p. 442.]
+
+[Note 302: _Ibid._, t. I, p, 33, 221; t. II, pp. 443.]
+
+Avant de partir, elle fit une requête à sa tante Aveline, qui était
+grosse; elle lui dit:
+
+--Si l'enfant que vous attendez est une fille, nommez-la Catherine en
+mémoire de ma soeur défunte.
+
+Catherine, qui avait épousé Colin de Greux, venait de mourir[303].
+
+[Note 303: Enquête généalogique du bailli de Chaumont sur Jehan
+Royer (8 octobre 1555) dans E. de Bouteiller et G. de Braux,
+_Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc_, p. 62.
+(Document assez suspect.)]
+
+
+
+
+CHAPITRE III
+
+PREMIER SÉJOUR À VAUCOULEURS.--FUITE À NEUFCHÂTEAU.--VOYAGE À
+TOUL.--SECOND SÉJOUR À VAUCOULEURS.
+
+
+Robert de Baudricourt, alors capitaine de la ville de Vaucouleurs pour
+le dauphin Charles, était fils de Liébault de Baudricourt, en son
+vivant chambellan de Robert duc de Bar, gouverneur de Pont-à-Mousson,
+et de Marguerite d'Aunoy, dame de Blaise en Bassigny. Quatorze ou
+quinze ans auparavant, il avait succédé à ses deux oncles, Guillaume
+Bâtard de Poitiers et Jean d'Aunoy, comme bailli de Chaumont et
+capitaine de Vaucouleurs. Il s'était marié une première fois à une
+riche veuve; devenu veuf il avait épousé, en 1425, une veuve aussi
+riche que la première, madame Alarde de Chambley. Et c'est un fait que
+les bergers d'Urusse et de Gibeaumex volèrent la charrette qui portait
+les gâteaux commandés pour le festin de noces. Sire Robert ressemblait
+à tous les hommes de guerre de son temps et de son pays: il était
+avide et madré; il avait beaucoup d'amis parmi ses ennemis et beaucoup
+d'ennemis parmi ses amis, se battait parfois pour son parti, parfois
+contre et toujours à son profit. Au reste, pas plus malfaisant qu'un
+autre, et des moins sots[304].
+
+[Note 304: _Chronique de la Pucelle_, p. 271.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 67.--Le R. P. Benoît, _Histoire ecclésiastique
+et politique de la ville et du diocèse de Toul_, Toul, 1707, p.
+529.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. CLXII-CLXIII.--Léon
+Mougenot, _Jeanne d'Arc, le Duc de Lorraine et le Sire de
+Baudricourt_, 1895, in-8º.--G. de Braux et E. de Bouteiller,
+_Nouvelles recherches_, p. XVIII.--C. Nioré, _Le pays de Jeanne
+d'Arc_, dans _Mémoires de la Société académique de l'Aube_, 1894, t.
+XXXI, pp. 307-320.--De Pange, _Le pays de Jeanne d'Arc. Le fief et
+l'arrière-fief. Les Baudricourt_, Paris, 1903, in-8º.]
+
+Vêtue d'une pauvre robe rouge toute rapiécée[305], mais le coeur
+illuminé d'un mystique amour, Jeanne gravit la colline qui domine la
+ville et la vallée, pénétra dans le château sans difficulté, car on y
+entrait comme au moulin, et fut introduite dans une salle où sire
+Robert se tenait parmi les gens d'armes. Elle entendit la Voix qui lui
+disait: «Le voilà[306]!» et aussitôt elle alla droit à lui, et lui
+parla sans crainte, commençant par ce qu'elle croyait, sans doute, le
+plus pressé:
+
+--Je suis venue à vous, lui dit-elle, de la part de Messire, pour que
+vous mandiez au dauphin de se bien tenir et de ne pas assigner
+bataille à ses ennemis[307].
+
+[Note 305: _Procès_, t. II, p. 436.]
+
+[Note 306: _Ibid._, t. II, p. 456.]
+
+[Note 307: _Ibid._, t. II, p. 456.]
+
+Assurément elle parlait de la sorte sur un nouveau mandement de ses
+Voix. Et, chose digne de remarque, elle répétait mot pour mot ce
+qu'avait dit soixante-quinze ans en çà, non loin de Vaucouleurs, un
+paysan champenois qui était vavasseur, c'est-à-dire homme franc.
+L'aventure de ce paysan avait commencé comme celle de Jeanne, pour
+finir, il est vrai, beaucoup plus court. La fille de Jacques d'Arc
+n'était pas la première à dire qu'elle avait des révélations sur le
+fait de la guerre. Les personnes inspirées se montrent surtout dans
+les époques de grandes misères. C'est ainsi qu'au temps de la peste et
+du Prince Noir, le vavasseur de Champagne avait, lui aussi, entendu
+une voix dans une lumière.
+
+Tandis qu'il travaillait aux champs, la voix lui avait dit: «Va
+avertir le roi de France Jean de ne combattre contre nul de ses
+ennemis.» C'était quelques jours avant la bataille de Poitiers[308].
+
+[Note 308: _Chronique des quatre premiers Valois_, éd. S. Luce,
+Paris, 1861, in-8º, pp. 46-48.]
+
+Alors le conseil était bon; au mois de mai de l'an 1428, il semblait
+moins utile et même il ne répondait pas très bien à la réalité des
+choses. Depuis la malheureuse journée de Verneuil, les Français ne se
+sentaient pas en état d'assigner bataille à leurs ennemis; ils n'y
+songeaient point. On prenait, on perdait des villes, on faisait des
+escarmouches et des rescousses; on n'assignait point de bataille aux
+ennemis. Il n'était nul besoin de contenir le dauphin Charles qui, de
+nature et de fortune, était pour lors très contenu[309]. Environ le
+temps où Jeanne tenait ce propos à sire Robert, les Anglais
+préparaient une expédition en France et hésitaient encore, ne sachant
+s'ils marcheraient sur Angers ou sur Orléans[310].
+
+[Note 309: P. de Fénin, _Mémoires_, éd. de mademoiselle Dupont,
+Paris, 1837, pp. 195, 222, 223.]
+
+[Note 310: L. Jarry, _Le compte de l'armée anglaise au siège
+d'Orléans_, Orléans, 1892, in-8º, pp. 75-76.]
+
+Jeanne parlait sur l'avis de son archange et de ses saintes qui,
+touchant le fait de la guerre et l'état du royaume, n'en savaient ni
+plus ni moins qu'elle. Mais il n'est pas surprenant que ceux qui se
+croient envoyés de Dieu demandent qu'on les attende. Et puis il y
+avait tout le gros bon sens du peuple dans cette crainte de la jeune
+fille, que la chevalerie française ne livrât encore une bataille à sa
+façon. On savait trop bien comment ces gens-là s'y prenaient.
+
+Sans se troubler, Jeanne poursuivit et fit une prophétie concernant le
+dauphin:
+
+--Avant la mi-carême, Messire lui donnera secours.
+
+Et elle ajouta aussitôt:
+
+--De fait le royaume n'appartient pas au dauphin. Mais Messire veut
+que le dauphin soit fait roi et qu'il ait le royaume en commande.
+Malgré ses ennemis, le dauphin sera fait roi; et c'est moi qui le
+conduirai à son sacre.
+
+Sans doute que le nom de Messire, dans le sens où elle l'employait,
+avait quelque chose d'étrange et d'obscur, puisque sire Robert, ne le
+comprenant pas, demanda:
+
+--Qui est Messire?
+
+--Le Roi du ciel, répondit la jeune fille.
+
+Elle venait d'employer un autre terme sur lequel sire Robert ne fit
+pas de réflexion, qu'on sache, et qui pourtant donne à penser[311].
+
+[Note 311: _Procès_, t. II, p. 456.]
+
+Ce mot de commande, usité en matières bénéficiales, signifiait
+dépôt[312]. Quand le roi recevrait le royaume en commande il n'en
+serait que le dépositaire. Ce que la jeune fille disait là
+correspondait aux idées des hommes les plus pieux sur le gouvernement
+des royaumes par Notre-Seigneur. Elle n'avait pu trouver elle-même ni
+le mot ni la chose; elle était visiblement endoctrinée par quelqu'un
+de ces hommes d'Église dont nous avons déjà senti l'influence à
+l'occasion d'une prophétie lorraine et dont toute trace est à jamais
+perdue.
+
+[Note 312: Voir La Curne et Godefroy au mot: _commande_.]
+
+Jeanne était en conversations spirituelles avec plusieurs prêtres;
+entre autres avec Messire Arnolin, de Gondrecourt-le-Château, et
+Messire Dominique Jacob, curé de Moutier-sur-Saulx, qui l'entendaient
+en confession[313]. Il est dommage qu'on ne sache pas ce qu'ils
+pensaient de l'insatiable cruauté de la gent anglaise, de l'orgueil de
+Monseigneur le duc de Bourgogne, des malheurs du dauphin, et s'ils
+n'espéraient pas que Notre-Seigneur Jésus-Christ daignerait un jour,
+à la prière du commun peuple, donner le royaume en commande à Charles,
+fils de Charles. C'est peut-être de quelqu'un de ceux-là que Jeanne
+tenait sa politique sacrée[314].
+
+[Note 313: _Procès_, t. II, p. 392, 393, 458, 459.]
+
+[Note 314: Quant à Nicolas de Vouthon, religieux de l'abbaye de
+Cheminon, ce qui est dit de lui dans l'information des 2 et 3 novembre
+1476 semble peu vraisemblable. _Procès_, t. V, p. 252.--E. de
+Bouteiller et G. de Braux, _Nouvelles recherches sur la famille de
+Jeanne d'Arc_, pp. XVIII et suiv., p. 9.]
+
+Au moment où elle parlait à sire Robert, se trouvait auprès du
+capitaine, et non pas, sans doute, par pur hasard, un gentilhomme
+lorrain nommé Bertrand de Poulengy, qui avait une terre près de
+Gondrecourt et remplissait un office dans la prévôté de
+Vaucouleurs[315]. Il était alors âgé d'environ trente-six ans. C'était
+un homme qui fréquentait les clercs; du moins entendait-il fort bien
+le langage des personnes de dévotion[316]. Peut-être voyait-il Jeanne
+pour la première fois, mais assurément il avait beaucoup entendu
+parler d'elle, la savait pieuse et de sage conduite; il avait
+fréquenté à Domremy une douzaine d'années avant cette époque,
+connaissait les aîtres, s'était assis sous l'arbre des Dames, était
+allé plusieurs fois chez Jacques d'Arc et la Romée, qu'il tenait pour
+d'honnêtes cultivateurs[317].
+
+[Note 315: _Procès_, t. II, p. 475.--Servais, dans _Mémoires de la
+Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc_, t. VI, p.
+139.--E. de Bouteiller et G. de Braux, _Nouvelles recherches_, p.
+XXVIII.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, preuve XCV, p. 143, et
+note 3.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p. 204.]
+
+[Note 316: Cela apparaît à la manière dont il rapporte les paroles
+de Jeanne.]
+
+[Note 317: _Procès_, t. II, pp. 451, 458.]
+
+Il se peut que Bertrand de Poulengy fut touché du maintien et du
+langage de la jeune fille; il est plus croyable encore que ce
+gentilhomme était en relation avec les personnes d'Église, inconnues
+de nous, qui instruisaient la paysanne visionnaire afin de la rendre
+plus capable de servir le royaume de France et l'Église. De toute
+manière elle avait en Bertrand un ami qui devait lui apporter plus
+tard l'appui le plus utile.
+
+Pour cette fois, si nous sommes bien informés, il ne tenta rien ni ne
+souffla mot. Peut-être jugeait-il qu'il fallait attendre que le
+capitaine de la ville fût mieux préparé à accueillir la demande de la
+sainte. Sire Robert ne comprenait rien à toute cette affaire et ce
+point seul lui paraissait clair, que Jeanne ferait une belle ribaude
+et que ce serait un friand morceau pour les gens d'armes[318].
+
+[Note 318: _Procès_, t. III, p. 85.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+72.--_Journal du siège_, p. 35.]
+
+En renvoyant le vilain qui la lui avait amenée, il lui fit une
+recommandation tout à fait conforme à la sagesse du temps sur le
+castoiement des filles:
+
+--Reconduis-la à son père avec de bons soufflets.
+
+Et sire Robert estimait la méthode excellente, car il invita plusieurs
+fois l'oncle Lassois à ramener au logis Jeannette bien souffletée[319].
+
+[Note 319: _Procès_, t. II, p. 444.--L. Mougenot, _Jeanne d'Arc,
+le Duc de Lorraine et le Sire de Baudricourt_, Nancy, 1895, in-8º.]
+
+Après huit jours d'absence, elle revint au village. Le mépris du
+capitaine et les outrages de la garnison ne l'avaient ni humiliée, ni
+découragée; elle les tenait au contraire comme des preuves de la
+vérité de sa mission, s'imaginant que ses Voix les lui avaient
+annoncées[320]. Comme ceux qui marchent en dormant, elle était douce à
+l'obstacle et d'une obstination paisible. À la maison, au courtil, aux
+prés, elle continuait ce sommeil merveilleux, plein des images du
+dauphin, de sa chevalerie, et des batailles sur lesquelles flottaient
+des anges.
+
+[Note 320: _Procès_, t. II, p. 53.]
+
+Elle ne pouvait se taire; son secret lui échappait de toutes parts.
+Sans cesse elle prophétisait, mais on ne la croyait pas. La veille de
+la Saint-Jean-Baptiste, environ un mois après son retour, elle dit
+sentencieusement à Michel Lebuin, laboureur à Burey, qui était un tout
+jeune garçon:
+
+--Il y a entre Coussey et Vaucouleurs une fille qui, avant un an
+d'ici, fera sacrer le roi de France[321].
+
+[Note 321: _Ibid._, t. II, p. 440.]
+
+Un jour même, avisant Gérardin d'Épinal, qui seul à Domremy n'était
+pas du parti du dauphin, et à qui, de son aveu, elle eût volontiers
+coupé la tête, encore qu'elle fût la marraine de son fils, elle ne put
+se tenir de lui faire à mots couverts l'annonce du mystère qu'il y
+avait entre elle et Dieu:
+
+--Compère, si vous n'étiez Bourguignon, je vous dirais quelque
+chose[322].
+
+[Note 322: _Ibid._, t. II, p. 423.]
+
+Le bonhomme crut qu'il s'agissait de fiançailles prochaines, et que la
+fille de Jacques d'Arc épouserait bientôt quelqu'un des garçons avec
+qui elle avait mangé des petits pains sous l'arbre des Fées et bu
+l'eau de la fontaine des Groseilliers.
+
+Hélas! Jacques d'Arc eût bien voulu que le secret de sa fille fût de
+cette sorte. Cet homme de sens droit, très ferme et soucieux de la
+bonne conduite de ses enfants, s'inquiétait des allures que prenait
+Jeanne. Il ne savait pas qu'elle entendait des Voix; il ne se doutait
+pas que c'était, dans son jardin, toute la journée une descente du
+Paradis, que du Ciel à sa maison allaient et venaient sans cesse plus
+d'anges que n'en avait porté l'échelle de Jacob et qu'enfin, pour
+Jeannette seule, sans qu'on n'en vît rien, un mystère se jouait, plus
+riche et plus beau mille fois que ceux qu'on représentait sur un
+échafaud, aux jours de fête, dans des villes comme Toul ou Nancy. Il
+était à cent lieues de soupçonner ces incroyables merveilles. Mais il
+voyait bien que sa fille était hors de sens, qu'elle avait l'esprit
+égaré, qu'elle disait des folies. Il s'apercevait bien qu'elle n'avait
+en tête que chevauchées et batailles; il ne pouvait ignorer tout à
+fait l'équipée de Vaucouleurs. Il craignait vivement qu'un jour cette
+malheureuse enfant ne partît pour tout de bon et n'allât courir le
+monde. Cette pénible inquiétude le poursuivait jusque dans son
+sommeil. Il rêva, une nuit, qu'il la voyait s'enfuyant avec des hommes
+d'armes; et l'impression de ce rêve fut si forte qu'elle lui resta
+encore à son réveil. Durant plusieurs jours il dit et répéta à ses
+fils Jean et Pierre:
+
+--Si je croyais vraiment qu'advînt cette chose que j'ai songée de ma
+fille, je voudrais qu'elle fût noyée par vous; et si vous ne le
+faisiez, je la noierais moi-même[323].
+
+[Note 323: _Procès_, t. I, pp. 131-132 et 219.]
+
+Isabelle répéta le propos à sa fille, pour l'effrayer et la corriger.
+Tout dévote qu'elle était, elle partageait les craintes du père.
+C'était une chose cruelle à penser pour ces braves gens, que leur
+enfant pût devenir une ribaude. En ces temps de guerre, il y avait
+foison de ces folles femmes que les gens d'armes menaient en croupe;
+chacun avait la sienne.
+
+Par l'étrangeté de leurs actions, fréquemment les saintes, en leur
+jeunesse, prêtent à de pareils soupçons. Et Jeanne donnait des signes
+de sainteté. Elle était la fable du village. On la montrait au doigt
+en disant par moquerie: «Voilà celle qui relèvera la France et le sang
+royal[324].»
+
+[Note 324: _Ibid._, t. II, p. 421.]
+
+Voyant le mal qui tenait cette fille, les gens du pays n'étaient pas
+embarrassés pour en trouver la cause. Ils l'attribuaient à quelque
+sortilège. Elle avait été vue sous le beau Mai, elle y avait suspendu
+des guirlandes. On savait que le vieux hêtre était hanté, de même que
+la fontaine voisine. Et c'était une chose bien connue que les fées
+jetaient des sorts. Certains découvrirent que Jeanne avait rencontré
+une dame méchante. Ils disaient: «Jeannette a pris son fait près de
+l'arbre des Fées[325].» Encore s'il n'y avait jamais eu que des
+paysans pour le croire!
+
+[Note 325: _Procès_, t. I, p. 68.]
+
+Antoine de Vergy, gouverneur de Champagne, reçut, le 22 juin, du duc
+de Bedford, régent de France au nom de Henri VI, commission d'équiper
+mille hommes d'armes destinés à placer en l'obéissance des Anglais la
+châtellenie de Vaucouleurs. Trois semaines après, la petite armée se
+mettait en route sous les ordres des deux Vergy, Antoine et Jean.
+Quatre chevaliers bannerets, quatorze chevaliers bacheliers, trois
+cent soixante-trois hommes d'armes la composaient. Pierre de Trie,
+capitaine de Beauvais, Jean, comte de Neufchâtel et Fribourg, reçurent
+l'ordre de rejoindre le corps principal[326].
+
+[Note 326: Compte d'André d'Épernon dans S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. CLXVII et preuves, pp. 217-218 et 220.]
+
+Dans sa marche sur Vaucouleurs, Antoine de Vergy mettait, selon la
+coutume, à feu et à sang tous les villages situés sur le territoire de
+la châtellenie. Les gens de Domremy et de Greux, menacés à nouveau
+d'un mal qu'ils ne connaissent que trop, voyaient déjà leurs bestiaux
+enlevés, leurs granges incendiées, leurs femmes, leurs filles violées.
+Ayant éprouvé déjà que le château de l'Île ne suffisait point à leur
+sûreté, ils se résolurent à fuir et à chercher asile dans la ville de
+Neufchâteau, distante de deux lieues seulement de Domremy et qui était
+le marché où ils fréquentaient. Donc, vers la mi-juillet, abandonnant
+leurs maisons et leurs champs, ils partirent et, poussant devant eux
+leurs bestiaux, suivirent la route à travers les champs de froment et
+de seigle et les coteaux de vignes jusqu'à la ville, où ils se
+logèrent comme ils purent[327].
+
+[Note 327: _Procès_, t. I, pp. 51, 214; t. II, pp. 392-454.--S.
+Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CLXXVI.]
+
+La famille d'Arc fut reçue par la femme de Jean Waldaires, qu'on
+nommait la Rousse et qui tenait une auberge où logeaient soldats,
+moines, marchands et pèlerins. Certains la soupçonnaient de donner
+asile à des femmes de mauvaise vie[328]. Et il y a apparence qu'elle
+n'hébergeait pas que d'honnêtes dames. Cependant elle était elle-même
+une bonne femme, c'est-à-dire une femme riche. Elle avait assez
+d'argent pour en prêter parfois à des concitoyens[329]. Bien que
+Neufchâteau appartînt au duc de Lorraine, qui était du parti des
+Bourguignons, on a cru savoir que cette hôtelière inclinait vers les
+Armagnacs; mais il est peut-être un peu vain de rechercher les
+sentiments de la Rousse sur les troubles du royaume de France[330].
+
+[Note 328: _Procès_, t. I, p. 214.]
+
+[Note 329: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CLXXVII.]
+
+[Note 330: _Procès_, t. I, pp. 51, 214; t. II, p. 402.]
+
+À Neufchâteau comme à Domremy, Jeanne menait aux champs les bêtes de
+son père et gardait les troupeaux[331]. Adroite et robuste, elle
+aidait aussi la Rousse dans les soins du ménage[332]; c'est ce qui a
+fait dire méchamment aux Bourguignons qu'elle avait été meschine dans
+une auberge de soudards et de ribaudes[333]. Au vrai, Jeanne passait
+aux églises tout le temps qu'elle n'employait pas à soigner les
+animaux et à donner aide à son hôtesse[334].
+
+[Note 331: _Procès_, t. I, pp. 409, 423, 428, 463.]
+
+[Note 332: _Ibid._, t. I, p. 417.]
+
+[Note 333: _Monstrelet_, t. III, p. 314.]
+
+[Note 334: _Procès_, t. I, p. 51.]
+
+Il y avait dans la ville deux beaux couvents, l'un de Cordeliers,
+l'autre de Clarisses, fils et filles du bon saint François[335]. La
+maison des Cordeliers avait été bâtie, deux cents ans en çà, par
+Mathieu II de Lorraine. Le duc régnant venait encore de la richement
+doter. De nobles dames, de hauts seigneurs et entre autres un
+Bourlémont, seigneur de Domremy et Greux, y gisaient sous lame[336].
+
+[Note 335: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CLXXVII.]
+
+[Note 336: Expilly, _Dictionnaire géographique de la France_, au
+mot: _Neufchâteau_.]
+
+Ces moines mendiants qui, jadis en leur bel âge, affiliaient à leur
+tiers-ordre bourgeois et paysans en foule et une multitude de princes
+et de rois[337], maintenant languissaient corrompus et déchus. Les
+querelles et les schismes abondaient parmi les frères de France.
+Malgré les efforts de Colette de Corbie pour rétablir la règle, les
+vieilles disciplines étaient partout abolies[338]. Ces mendiants
+distribuaient des médailles de plomb, enseignaient de courtes prières,
+en manière de recettes, et vouaient une affection spéciale au saint
+nom de Jésus[339].
+
+[Note 337: S.-M. de Vernon, _Histoire générale et particulière du
+tiers-ordre de Saint-François_, Paris, 1667, 3 vol. in-8º.--Hilarion
+de Nolay, _Histoire du tiers-ordre_, Lyon, 1694, in-4º.]
+
+[Note 338: AA. SS., Mars, t. I. p. 549.]
+
+[Note 339: Wadding, _Annales Minorum_, V, p. 183.]
+
+Pendant les deux semaines que Jeanne passa dans la ville de
+Neufchâteau[340], elle fit ses dévotions dans le couvent des
+Cordeliers et se confessa deux ou trois fois aux mendiants[341]. On a
+dit qu'elle était du tiers-ordre de Saint-François, et l'on a supposé
+que son affiliation datait de son séjour à Neufchâteau[342].
+
+[Note 340: Jean Morel déclare qu'elle fut quatre jours à
+Neufchâteau, et il ajoute: «Ce que je vous dis, je le sais, car je fus
+avec les autres à Neufchâteau» (_Procès_, t. II, p. 392); Gérard
+Guillemette parle de quatre ou cinq jours (_Procès_, t. II, p. 414);
+Nicolas Bailly de trois ou quatre (_Procès_, t. II, p. 451). Mais
+Jeanne dit aux juges de Rouen qu'elle était restée quinze jours à
+Neufchâteau (_Procès_, t. I, p. 51); elle avait un souvenir moins
+lointain et sans doute plus fidèle.]
+
+[Note 341: _Procès_, t. I, p. 51.]
+
+[Note 342: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, ch. IX, X, XI.--Abbé
+V. Mourot, _Jeanne d'Arc et le tiers-ordre de Saint-François_,
+Saint-Dié, 1886, in-8º.--L. de Kerval, _Jeanne d'Arc et les
+Franciscains_, Vanves, 1893, in-18.--_E iera begina_, dit une
+correspondance de Morosini, éd. Lefévre-Pontalis, t. III, p. 92 et
+note 2.]
+
+C'est fort douteux; et, dans tous les cas, l'affiliation ne dut pas
+être très solennelle. On ne voit pas qu'en si peu de temps les
+mendiants aient pu la former aux pratiques de la piété franciscaine.
+Pour se pénétrer de leur esprit, elle était déjà trop imbue de
+doctrines ecclésiastiques sur le spirituel et le temporel, trop pleine
+de mystères et d'apocalypses. D'ailleurs, son séjour à Neufchâteau fut
+troublé de soucis et coupé d'absences.
+
+Elle reçut dans cette ville une citation à comparaître devant l'official
+de Toul dont elle relevait comme native de Domremy-de-Greux. Un jeune
+garçon de Domremy prétendait qu'il y avait promesse de mariage entre la
+fille de Jacques d'Arc et lui. Jeanne le niait. Il s'obstina dans son
+dire et l'assigna devant l'official[343]. Ce tribunal ecclésiastique
+retenait les causes comme celle-ci et l'on portait les demandes soit en
+nullité de mariage, soit en validité de fiançailles.
+
+[Note 343: _Procès_, t. II, p. 476.--E. Misset, _Jeanne d'Arc
+Champenoise_, 1895, in-8º, p. 28.]
+
+Ce qui est étrange dans le cas de Jeanne, c'est que ses parents lui
+donnèrent tort et prirent le parti du jeune homme. Ce fut malgré leur
+défense qu'elle soutint son procès et comparut devant l'official. Elle
+déclara plus tard que, dans cette affaire, elle leur avait désobéi et
+que c'était son seul manquement à la soumission qu'elle leur
+devait[344].
+
+[Note 344: _Ibid._, t. I, p. 128.]
+
+Pour aller de Neufchâteau à Toul et revenir, il lui fallait faire plus
+de vingt lieues à pied sur des chemins infestés par des gens d'armes,
+dans ce pays mis à feu et à sang et que les paysans de Domremy
+venaient de fuir épouvantés. C'est pourtant à quoi elle se résolut,
+contre le gré de ses parents.
+
+Peut-être se rendit-elle à l'official de Toul non pas une fois, mais
+deux et trois fois. Et si elle ne chemina pas jour et nuit avec son
+faux fiancé, ce fut par grand hasard, car il suivait la même route en
+même temps. Ses Voix lui disaient de ne rien craindre. Devant le juge
+elle jura de dire la vérité et nia qu'elle eût fait promesse de
+mariage.
+
+Elle n'avait point de torts. Mais sa conduite, qui procédait d'une
+innocence héroïque et singulière, fut mal jugée. On prétendit à
+Neufchâteau que ces voyages lui avaient mangé tout ce qu'elle avait.
+Mais qu'avait-elle? hélas! Elle était partie sans rien. Peut-être lui
+avait-il fallu mendier son pain aux portes. Les saintes reçoivent
+l'aumône comme elles la donnent: pour l'amour de Dieu. On conta que,
+pendant l'instance, son fiancé, la voyant vivre en compagnie de
+mauvaises femmes, s'était désisté de sa demande en justice, renonçant
+à une promise si mal famée[345]. Propos calomnieux, qui ne trouvèrent
+que trop de créance.
+
+[Note 345: _Procès_, t. I, p. 215.--L'article 9 de l'acte
+d'accusation est constitué d'après une enquête faite à Neufchâteau.]
+
+Après deux semaines de séjour à Neufchâteau, Jacques d'Arc avec les
+siens retourna à Domremy. Le verger, la maison, le moustier, le
+village, les champs, dans quel état de désolation les revirent-ils!
+Tout avait été pillé, ravagé, brûlé par les gens de guerre. Les
+soldats, faute de pouvoir rançonner les vilains disparus, avaient
+détruit leurs biens. Le moustier, naguère encore fier comme une
+forteresse, avec sa tour où veillait le guetteur, n'était plus qu'un
+amas de pierres noircies. Et les habitants de Domremy durent aller,
+aux jours fériés, entendre la messe à l'église de Greux[346].
+
+[Note 346: _Procès_, t. II, p. 396 et _passim_.]
+
+Telle était la misère du temps, qu'ordre fut donné aux villageois de
+se tenir renfermés dans les maisons fortes et les châteaux[347].
+
+[Note 347: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. CLXXX et 230.]
+
+Cependant les Anglais assiégeaient la ville d'Orléans, qui appartenait
+au duc Charles, leur prisonnier. Ce qui n'était point bien fait à eux,
+car, ayant son corps, ils devaient respecter ses biens[348]. Ils
+élevaient des bastilles autour de cette ville d'Orléans, coeur de
+France, et l'on disait qu'ils s'y tenaient à grande puissance[349].
+
+[Note 348: _Mistère du siège_, V. 497.]
+
+[Note 349: _Chronique de la Pucelle_, ch. XXXIV et XXXV.--Jean
+Chartier, _Chronique_, ch. XXXII, XXXV.--_Journal du siège_, pp. 2 et
+suiv.]
+
+Et madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite, qui étaient
+des personnes très attachées à la terre des Lis, les féales du dauphin
+Charles et ses belles cousines, s'entretenaient avec la bergère des
+malheurs du royaume et lui disaient sans cesse:
+
+--Il faut que tu quittes ton village et que tu ailles en France[350].
+
+[Note 350: _Procès_, t. I, p. 52, 216.]
+
+Jeanne était d'autant plus impatiente de partir qu'elle avait annoncé
+elle-même le temps de son arrivée en France et que ce temps
+approchait. Elle avait dit au capitaine de Vaucouleurs que le dauphin
+aurait secours avant la mi-carême. Elle ne voulait pas faire mentir
+ses Voix[351].
+
+[Note 351: _Procès_, t. II, p. 456.]
+
+L'occasion, qu'elle épiait, de retourner à Burey, se présenta vers la
+mi-janvier. À cette époque, la femme de Durand Lassois, Jeanne le
+Vauseul, faisait ses couches[352]. À la campagne, l'usage voulait que
+les jeunes parentes et les amies de l'accouchée se rendissent auprès
+d'elle pour soigner la mère et l'enfant. Coutume honnête et cordiale
+qu'on suivait d'autant mieux qu'on y trouvait une occasion de bonnes
+rencontres et de joyeux caquets[353]. Jeanne pressa son oncle de la
+demander à son père pour soigner l'accouchée et Lassois consentit: il
+faisait tout ce que voulait sa nièce, et, peut-être, était-il
+encouragé dans sa complaisance par des personnes pieuses et de
+considération[354]. Mais que ce père, qui tantôt ne parlait de rien
+moins que de noyer sa fille pour l'empêcher de partir avec les gens
+d'armes, la laissât aller aux portes de la ville, sous la garde d'un
+parent dont il connaissait la faiblesse, c'est ce qu'on a peine à
+comprendre. Il le fit pourtant[355].
+
+[Note 352: _Ibid._, t. II, pp. 428, 434.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. CLXXX.--G. de Braux et E. de Bouteiller, _Nouvelles
+recherches_, p. XXIII.]
+
+[Note 353: _Les caquets de l'accouchée_, nouv. éd. par E. Fournier
+et Le Roux de Lincy, Paris, 1855, in-16, introduction.]
+
+[Note 354: _Procès_, t. I, p. 53; t. II, p. 443 et _passim_.]
+
+[Note 355: _Procès_, t. II, pp. 428, 430, 431.]
+
+Ayant quitté la maison de son enfance, qu'elle ne devait plus revoir,
+Jeanne, en compagnie de Durand Lassois, descendit la vallée natale,
+dépouillée par l'hiver. En passant devant la maison du laboureur
+Gérard Guillemette de Greux, dont les enfants étaient en grande amitié
+avec ceux de Jacques d'Arc, elle cria:
+
+--Adieu! Je vais à Vaucouleurs[356].
+
+[Note 356: _Ibid._, t. II, p. 416.]
+
+Quelques pas plus loin, elle aperçut sa compagne Mengette:
+
+--Adieu, Mengette, dit-elle; je te recommande à Dieu[357].
+
+[Note 357: _Ibid._, t. II, p. 431.]
+
+Et sur le chemin, au seuil des maisons, rencontrant des visages
+connus, à tous elle disait adieu[358]. Mais elle évita de voir
+Hauviette, avec qui elle avait joué et dormi, aux jours d'enfance, et
+qu'elle aimait chèrement. Elle craignit, si elle lui disait adieu, de
+sentir son coeur défaillir. Hauviette ne sut que plus tard le départ
+de son amie et elle en pleura très fort[359].
+
+[Note 358: _Ibid._, t. II, p. 416.]
+
+[Note 359: _Ibid._, t. II, p. 419.]
+
+Venue pour la seconde fois à Vaucouleurs, Jeanne croyait bien mettre
+le pied dans une ville appartenant au dauphin, et entrer, comme on
+disait alors, en chambre royale[360]. Elle se trompait. Depuis les
+premiers jours du mois d'août 1428, le capitaine de Vaucouleurs avait
+rendu la place au seigneur Antoine de Vergy, mais il ne l'avait pas
+encore livrée. C'était une de ces capitulations à terme comme on en
+signait beaucoup à cette époque et qui, le plus souvent, cessaient
+d'être exécutoires au cas où la place recevait secours avant le jour
+fixé pour la reddition[361].
+
+[Note 360: _Procès_, t. II, p. 436.]
+
+[Note 361: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. CLXVIII et 222,
+234.]
+
+Comme elle avait fait neuf mois auparavant, Jeanne alla trouver sire
+Robert au château, et voici la révélation qu'elle lui fit:
+
+--Capitaine Messire, dit-elle, sachez que Dieu m'a plusieurs fois fait
+à savoir encore et commandé que j'allasse vers le gentil dauphin, qui
+doit être et est vrai roi de France, et qu'il me baillât des gens
+d'armes et que je lèverais le siège d'Orléans et le mènerais sacrer à
+Reims[362].
+
+[Note 362: _Chronique de la Pucelle_, p. 273.--La _Chronique de
+Lorraine_, dans Dom Calmet, _Histoire de Lorraine_, t. III, col. vj.,
+donne une version amplifiée et suspecte de ces paroles.]
+
+Cette fois, elle annonce qu'elle a mission de délivrer Orléans. Et
+c'est seulement après avoir accompli cette première tâche qu'elle fera
+le voyage du sacre. Il faut reconnaître la souplesse et l'à-propos
+avec lesquels ses Voix changeaient, selon les nécessités du moment,
+les ordres précédemment donnés.
+
+Les manières de sire Robert à l'égard de Jeanne étaient tout à fait
+changées. Il ne parlait plus de lui donner de bons soufflets et de la
+renvoyer à ses parents. Maintenant, il la traitait sans rudesse et,
+s'il n'avait pas foi en ce qu'elle annonçait, du moins l'écoutait-il
+volontiers.
+
+Dans une des conversations qu'elle eut avec lui, elle lui tint un
+propos étrange:
+
+--Une fois accomplies, lui dit-elle, les grandes choses que j'ai à
+faire de la part de Messire, je me marierai et j'aurai trois fils,
+dont le premier sera pape, le second empereur, le troisième roi.
+
+Sire Robert répondit gaiement:
+
+--Puisqu'ils seront si grands personnages, je voudrais bien t'en faire
+un. J'en vaudrais mieux ensuite.
+
+Jeanne répondit:
+
+--Nenni, gentil Robert, nenni. Il n'est pas temps. Le Saint-Esprit y
+ouvrera[363].
+
+[Note 363: _Procès_, t. I, pp. 219, 220.--La source est suspecte.
+Pourtant l'accusation s'appuie ici sur les données de l'enquête. Si
+Jeanne nia avoir tenu ce propos, c'est qu'elle l'avait oublié, ou
+qu'on le lui avait assez changé, pour qu'elle pût le désavouer sous la
+forme où on le lui présentait.]
+
+À en juger sur le peu de paroles d'elle qui nous ont été transmises,
+la jeune inspirée, dans les premiers temps de sa mission, parlait
+alternativement deux langages différents. Ses paroles semblaient
+couler de deux sources opposées. Les unes, ingénues, candides, naïves,
+courtes, d'une simplicité rustique, d'une malice innocente,
+quelquefois rudes, empreintes d'autant de chevalerie que de sainteté,
+avaient trait, le plus souvent, à l'héritage et au sacre du dauphin,
+et à la débellation des Anglais. C'était le langage de ses Voix, son
+vrai langage, son langage intérieur. Les autres, plus subtiles et
+teintées d'allégories, fleuries, quintessenciés, d'une grâce savante,
+concernant l'Église, sentaient le clerc et trahissaient quelque
+influence du dehors. Le propos tenu par elle à sire Robert sur les
+trois enfants qu'elle mettrait au monde est de la seconde sorte. C'est
+une allégorie. Son triple enfantement signifie que de ses oeuvres
+naîtra la paix de la chrétienté, et que, après qu'elle aura accompli
+sa mission divine, le pape, l'empereur et le roi, tous trois fils de
+Dieu, feront régner la concorde et l'amour dans l'Église de
+Jésus-Christ. L'apologue est d'une clarté limpide; encore faut-il un
+peu d'esprit pour le comprendre. Le capitaine n'y entendit rien; il
+prit la chose en sens littéral et répondit en conséquence, car c'était
+un homme simple et jovial[364].
+
+[Note 364: _Procès_, t. III, p. 86.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+272.--_Journal du siège_, p. 35.]
+
+Jeanne logeait en ville chez des amis de son cousin Lassois, gens
+d'humble condition, Henri Leroyer et sa femme Catherine. Elle y
+filait, étant bonne filandière; elle donnait aux pauvres le peu
+qu'elle avait. Elle fréquentait l'église paroissiale en compagnie de
+Catherine[365]. Souvent, dans la matinée, elle montait la colline qui
+voit se pressera ses pieds les toits de la ville, et se rendait en
+grande dévotion dans la chapelle de Sainte-Marie-de-Vaucouleurs. Cette
+collégiale, construite sous le roi Philippe VI, était attenante au
+château qu'habitait le capitaine de Vaucouleurs. La vénérable nef de
+pierre s'élevait hardiment à l'orient, sur la vaste étendue des
+coteaux et des prairies, et dominait la vallée où Jeanne avait été
+nourrie. Elle y entendait la messe et y demeurait longtemps en
+oraison.
+
+[Note 365: _Ibid._, t. I, pp. 51, 214; t. II, pp. 392, 395 et
+suiv.]
+
+Sous la chapelle, dans la crypte, on gardait une image ancienne et
+vénérée de la vierge qu'on appelait Notre-Dame-de-la-Voûte[366], et
+qui faisait des miracles spécialement en faveur des pauvres et des
+nécessiteux. Jeanne se plaisait dans cette crypte obscure et solitaire
+où les saintes la visitaient de préférence.
+
+[Note 366: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CXCXIV.]
+
+Un petit clerc, presque encore un enfant, qui desservait la chapelle,
+y vit un jour la jeune fille immobile, les mains jointes, la tête
+renversée, les yeux levés et noyés de larmes, et il devait garder
+toute sa vie l'image de ce ravissement[367].
+
+[Note 367: _Procès_, t. II, pp. 460, 461.]
+
+Elle allait souvent à confesse et disait ses péchés notamment à
+messire Jean Fournier, curé de Vaucouleurs[368].
+
+[Note 368: _Ibid._, t. II, p. 446.]
+
+Elle touchait son hôtesse par la manière sage et douce dont elle
+vivait, et elle la troubla un jour extrêmement. Ce fut quand elle lui
+dit:
+
+--Ne savez-vous pas qu'il a été prédit que la France, perdue par une
+femme, serait sauvée par une pucelle des Marches de Lorraine[369]?
+
+[Note 369: _Procès_, t. II, p. 447.]
+
+La femme Leroyer savait aussi bien que Durand Lassois, que madame
+Ysabeau, comme une Hérodiade gonflée d'impuretés, avait livré madame
+Catherine de France et le royaume des Lis au roi d'Angleterre[370]. Et
+dès lors elle n'était plus éloignée de croire que Jeanne fût la
+pucelle annoncée par la prophétie.
+
+[Note 370: _Ibid._, t. II, p. 447.]
+
+Cette pieuse fille fréquentait les personnes de dévotion et aussi les
+nobles hommes. À tous elle disait:
+
+--Il faut que j'aille vers le gentil dauphin. C'est la volonté de
+Messire, le Roi du ciel, que j'aille vers le gentil dauphin. C'est de
+la part du Roi du ciel que je suis venue. Quand je devrais aller sur
+mes genoux, j'irai[371].
+
+[Note 371: _Ibid._, t. II, p. 448.]
+
+Elle apporta notamment des révélations de cette nature à messire
+Aubert, seigneur d'Ourches, qui était bon français et du parti des
+Armagnacs, puisqu'il avait fait la guerre, quatre ans auparavant,
+contre les Anglais et les Bourguignons; elle lui dit qu'elle devait
+aller vers le dauphin, qu'elle demandait qu'on la menât à lui et que
+ce serait pour lui profit et honneur non pareils[372].
+
+[Note 372: _Procès_, t. II, p. 450.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. 103.]
+
+Enfin elle se faisait connaître dans la ville pour ses illuminations
+et ses prophéties, et l'on trouvait qu'elle parlait bien.
+
+Il y avait alors dans la garnison un homme d'armes, âgé de vingt-huit
+ans environ, Jean de Novelompont ou Nouillompont, qu'on appelait
+communément Jean de Metz. De condition libre, mais non point noble, il
+avait acquis ou hérité la seigneurie de Nouillompont et Hovecourt,
+dans le Barrois non mouvant, et il en portait le titre[373].
+Précédemment soudoyer au service de Jean de Wals, capitaine et prévôt
+de Stenay, il était en 1428 au service du capitaine de Vaucouleurs.
+
+[Note 373: _Ibid._, t. V, p. 363.--_Journal du siège_, p. 45.--S.
+Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, xcv, cxi, cxxvj.--De Beaucourt,
+_Histoire de Charles VII_, t. II, p. 204, note.--G. de Braux et E. de
+Bouteiller, _Nouvelles recherches_, pp. XXV et suiv.]
+
+De ses moeurs et comportements nous ne savons rien, sinon que, trois
+ans en çà, habitant dans la châtellenie de Foug, il avait juré un
+«vilain serment» et, de ce fait, encouru une amende de deux sols.
+Apparemment il était, lorsqu'il jura, très en colère[374]. Il se
+tenait en relations plus ou moins étroites avec Bertrand de Poulengy,
+qui certainement lui avait parlé de Jeanne.
+
+[Note 374: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. CXC, 160-161.]
+
+Un jour, il aborda la jeune fille et lui dit:
+
+--Eh bien, ma mie, que faites-vous ici? Faut-il que le roi soit chassé
+du royaume et que nous soyons Anglais[375]?
+
+[Note 375: _Procès_, t. II, p. 435-457.--E. de Bouteiller et G. de
+Braux, _Nouvelles recherches_, pp. XXVI-XXVII.]
+
+Ce propos d'un homme d'armes de Lorraine mérite attention. Le traité
+de Troyes ne soumettait pas la France à l'Angleterre; il réunissait
+les deux royaumes. Si l'on se battait après comme avant, c'était
+uniquement pour décider entre les deux prétendants Charles de Valois
+et Henri de Lancastre. Que l'un ou l'autre l'emportât, rien n'était
+changé dans les lois et coutumes de France. Toutefois, ce pauvre
+routier des Marches d'Allemagne n'en pensait pas moins que, sous un
+roi anglais, il serait lui-même anglais. Beaucoup de français de toute
+condition pensaient de même et ne pouvaient souffrir l'idée de se voir
+anglaisés; ils attachaient leur sort et celui du royaume au sort du
+dauphin Charles.
+
+Jeanne répondit à Jean de Metz:
+
+--Je suis venue ici, à chambre du roi, afin de parler à sire Robert,
+pour qu'il me veuille conduire ou faire conduire au dauphin. Mais il
+n'a souci ni de moi ni de mes paroles.
+
+Puis, pressée en son coeur par l'idée fixe que sa mission devait
+commencer au milieu de la Sainte Quarantaine:
+
+--Pourtant, avant qu'arrive la mi-carême, il faut que je sois devers
+le dauphin, dussé-je, pour y aller, user mes jambes jusqu'aux
+genoux[376].
+
+[Note 376: _Procès_, t. II, p. 436.--De Beaucourt, _Histoire de
+Charles VII_, t. II, pp. 396 et suiv.]
+
+Une nouvelle courait alors les villes et les villages. On annonçait
+que le fils du roi de France, le dauphin Louis, entré dans sa
+cinquième année, venait d'être fiancé à la fille du roi d'Écosse,
+madame Marguerite, âgée de trois ans, et le commun peuple célébrait
+cette union royale par autant de réjouissances qu'il s'en pouvait
+faire dans ce pays désolé[377]. Jeanne, qui en avait entendu parler,
+dit à l'homme d'armes:
+
+[Note 377: _Procès_, _ibid._--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_,
+p. CXCI.]
+
+--Il faut que je sois vers le dauphin, car nul au monde, ni roi, ni
+duc, ni fille du roi d'Écosse ne peuvent recouvrer le royaume de
+France.
+
+Et elle ajouta aussitôt:
+
+--Il n'y a secours que de moi, quoique, pour ma part, j'aurais bien
+plus cher filer près de ma pauvre mère, vu que ce n'est pas là mon
+état. Mais il faut que j'aille. Et je ferai cela parce que Messire
+veut que je le fasse.
+
+Elle le disait comme elle le pensait. Mais elle ne se connaissait pas;
+elle ne savait pas que ses Voix c'était le cri de son coeur et qu'elle
+brûlait de quitter la quenouille pour l'épée.
+
+Jean de Metz demanda, comme avait fait sire Robert:
+
+--Qui est Messire?
+
+--C'est Dieu, répondit-elle.
+
+Aussitôt, comme s'il croyait en elle, il lui dit d'un grand élan:
+
+--Je vous promets et vous donne ma foi que, Dieu aidant, je vous
+conduirai vers le roi.
+
+Il lui toucha la main, en signe qu'il lui donnait sa foi, et il
+demanda:
+
+--Quand voulez-vous partir?
+
+--À cette heure, répondit-elle, mieux que demain; demain mieux
+qu'après.
+
+C'est Jean de Metz lui-même qui, vingt-sept ans plus tard, rapporta
+cette conversation[378]. À l'en croire, il demanda en dernier lieu à
+la jeune fille si elle voulait faire chemin avec ses vêtements de
+femme. On conçoit qu'il découvrît de très grands inconvénients à
+traverser avec une paysanne en robe rouge les chemins de France, alors
+battus par des coitreaux paillards, et qu'il jugeât plus prudent de
+l'emmener déguisée en garçon. Elle entra tout de suite dans la pensée
+de Jean, et lui répondit:
+
+--Je prendrai volontiers habit d'homme.
+
+Rien n'empêche de croire que les choses se sont passées ainsi. Mais
+alors un routier de Lorraine aurait suggéré à la sainte, touchant
+l'habit, une idée qu'elle s'imaginera ensuite avoir reçue de
+Dieu[379].
+
+[Note 378: _Procès_, t. II, p. 436.]
+
+[Note 379: _Ibid._, t. I, pp. 161, 176, 332.--_Journal du siège_,
+p. 45.--_Chronique de la Pucelle_, p. 372.]
+
+De son propre mouvement, ou plutôt sur l'avis de quelque prudente
+personne, sire Robert s'inquiéta de savoir si Jeanne n'était pas sous
+l'inspiration d'un mauvais esprit. Car le diable est rusé et prend
+parfois la figure de l'innocence. Et, comme, à cet égard, il n'était
+pas grand clerc, il résolut de s'en rapporter à son curé.
+
+Or, un jour que Catherine et Jeanne filaient dans la maison, elles
+virent entrer le capitaine de Vaucouleurs, en compagnie du curé,
+messire Jean Fournier. Ils invitèrent l'hôtesse à se retirer, et,
+lorsqu'ils furent seuls avec la jeune fille, messire Jean Fournier
+revêtit son étole et récita des paroles latines qui revenaient à dire:
+
+--Si tu es chose mauvaise, éloigne-toi; si tu es chose bonne,
+approche.
+
+C'était la formule ordinaire de l'exorcisme, ou, pour parler plus
+exactement, de la conjuration. Dans la pensée de messire Jean
+Fournier, ces paroles, mêlées de quelques gouttes d'eau bénite,
+devaient faire fuir les diables, si par malheur il s'en trouvait dans
+le corps de cette villageoise[380].
+
+[Note 380: _Procès_, t. II, p. 446.]
+
+Messire Jean Fournier ne doutait pas que les démons ne fussent poussés
+par un désir immodéré de s'introduire dans le corps des hommes et
+spécialement chez les filles, qui parfois les avalaient avec leur
+pain. Ils se logeaient dans la bouche, sous la langue, dans les
+narines, coulaient dans l'estomac et dans le ventre et s'agitaient
+furieusement en ces divers logis, où l'on reconnaissait leur présence
+aux contorsions et hurlements des malheureux hantés.
+
+Saint Grégoire, pape, rapporte en ses _Dialogues_ un exemple frappant
+de la facilité avec laquelle les diables s'insinuent dans une femme.
+Une religieuse, dit-il, étant au jardin, vit une laitue qui lui parut
+tendre. Elle la cueillit et, négligeant de la bénir en faisant dessus
+le signe de la croix, elle y mordit, et aussitôt elle tomba possédée.
+Un homme de Dieu s'étant alors approché d'elle, le démon se mit à
+crier: «C'est moi qui l'ai fait! C'est moi qui l'ai fait! J'étais
+assis sur cette laitue. Cette femme est venue et elle m'a avalé.» Mais
+les prières de l'homme de Dieu le forcèrent bientôt à se retirer[381].
+
+[Note 381: Voragine, _La légende dorée_, en la fête de
+l'Exaltation de la Sainte-Croix.]
+
+Messire Jean Fournier n'exagérait donc pas la prudence nécessaire.
+Pénétré de cette idée que le diable est subtil et la femme corrompue,
+il prenait soin d'éclaircir, selon les règles, un cas difficile.
+C'était le plus souvent chose malaisée que de discerner des possédés
+et de reconnaître une démoniaque d'avec une bonne chrétienne.
+L'épreuve à laquelle Jeanne allait être soumise n'avait pas été
+épargnée à de très grandes saintes.
+
+Ayant récité les formules et fait les aspersions, messire Jean
+Fournier s'attendait, au cas où cette fille eût été possédée, à la
+voir s'agiter, se tordre et chercher à fuir. Il eût fallu, en cette
+occurrence, employer des formules plus puissantes, user à nouveau
+d'eau bénite et du signe de la croix, et, par ces moyens, déloger les
+diables jusqu'à ce qu'on les vît partir avec un bruit effrayant et une
+grande puanteur, sous forme de dragons, de chameaux ou de
+poissons[382].
+
+[Note 382: Migne, _Dictionnaire des sciences occultes_, Paris, 2
+vol. gr. in-8º, au mot: _Exorcisme_.]
+
+L'attitude de Jeanne n'offrit rien de suspect. Point d'agitation
+maniaque, nulle fureur. Inquiète seulement et suppliante, elle se
+traîna à genoux vers le prêtre. Elle ne fuyait pas devant le saint nom
+de Dieu. Messire Jean Fournier en conclut qu'il n'y avait pas de
+diable en elle.
+
+Restée seule avec Catherine dans la maison, Jeanne, qui comprenait
+enfin le sens de cette cérémonie, en témoigna un vif ressentiment à
+l'endroit de messire Jean Fournier. Elle se plaignit de ce qu'il l'eût
+soupçonnée: «C'était mal fait à lui, dit-elle à son hôtesse; car,
+m'ayant entendue en confession, il me pouvait connaître[383].»
+
+[Note 383: _Procès_, t. II, p. 446.]
+
+Elle aurait rendu grâce au curé de Vaucouleurs si elle avait su
+combien, en l'éprouvant, il avançait ses affaires. Averti que cette
+pucelle n'était pas inspirée par le démon, sire Robert dut en conclure
+qu'elle pouvait bien l'être par Dieu, car, selon toute apparence, il
+raisonnait simplement. Il écrivit au dauphin Charles, au sujet de la
+jeune sainte, et sans doute il témoigna de l'innocence et de la bonté
+qui se voyaient en elle[384].
+
+[Note 384: _Procès_, t. III, p. 115.--_Journal du siège_, p.
+48.--_Mirouer des femmes vertueuses_, dans _Procès_, t. IV, p. 267.]
+
+Bien que la capitainerie fût grandement menacée de passer au seigneur
+de Vergy, sire Robert ne songeait pas à quitter son pays où il était
+en accommodements avec tous les partis. Il se souciait en somme assez
+peu du dauphin Charles et l'on ne voit pas qu'il eût un intérêt
+personnel à lui recommander une prophétesse. Sans prétendre démêler ce
+qui se passait dans sa tête, on peut croire qu'il écrivit au dauphin
+en faveur de Jeanne à la demande de quelques-unes de ces personnes qui
+l'estimaient bonne et probablement à la requête de Bertrand de
+Poulengy et de Jean de Metz. Ces deux hommes d'armes, voyant la cause
+du dauphin perdue sur les Marches de Lorraine, avaient toutes raisons
+de passer jusqu'aux bords de la Loire, où l'on pouvait encore se
+battre, partant gagner.
+
+Prêts à partir, ils se montraient disposés à emmener l'inspirée avec
+eux et même à la défrayer de toutes ses dépenses, comptant se faire
+rembourser à Chinon sur la cassette royale et tirer honneur et profit
+d'une si rare merveille. Encore attendaient-ils d'être assurés de
+l'agrément du dauphin[385].
+
+[Note 385: Extrait du 8e compte de Guillaume Charrier, dans
+_Procès_, t. V, pp. 257 et suiv.]
+
+Cependant Jeanne ne tenait plus en place. Elle allait et venait de
+Vaucouleurs à Burey et de Burey à Vaucouleurs. Elle comptait les
+jours; le temps lui pesait comme à une femme grosse[386].
+
+[Note 386: _Procès_, t. II, p. 447.]
+
+À la fin de janvier, n'y pouvant tenir, elle résolut d'aller seule
+vers le dauphin Charles. Elle vêtit les habits de Durand Lassois et
+prit avec ce bon cousin la route de France[387]. Un habitant de
+Vaucouleurs, nommé Jacques Alain, les accompagnait[388]. Probablement,
+ces deux hommes comptaient que la jeune fille reconnaîtrait
+d'elle-même l'impossibilité d'un tel voyage et qu'on n'irait pas bien
+loin. C'est ce qui arriva. À peine les trois voyageurs furent-ils à
+une lieue de Vaucouleurs, vers la chapelle de Saint-Nicolas, qui
+s'élève dans la vallée de Septfonds au milieu du grand bois de Saulcy,
+que Jeanne, se ravisant, dit à ses compagnons qu'il n'était point
+honnête à elle de partir ainsi: et tous trois retournèrent à la
+ville[389].
+
+[Note 387: _Ibid._, t. I, p. 53; t. II, pp. 443 et suiv.]
+
+[Note 388: _Ibid._, t. II, pp. 445-447.]
+
+[Note 389: _Ibid._, t. II, pp. 447-457.]
+
+Enfin un messager royal vint apporter au capitaine de Vaucouleurs la
+réponse du roi Charles. Il se nommait Colet de Vienne[390]. Son nom le
+désigne comme originaire de la province gouvernée par le dauphin avant
+la mort du feu roi, et qui gardait au pauvre prince une constante
+fidélité. La réponse portait que sire Robert envoyât la jeune sainte à
+Chinon[391].
+
+[Note 390: _Ibid._, t. II, p. 406.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. 160, note 6.]
+
+[Note 391: Monstrelet, t. IV, pp. 314-315.--Poème anonyme sur
+l'arrivée de la Pucelle, dans _Procès_, t. V, p. 30.]
+
+Ce que Jeanne avait demandé et qui paraissait impossible à obtenir,
+lui était accordé. Elle allait être menée au roi comme elle l'avait
+voulu et dans les délais fixés par elle-même. Mais ce départ après
+lequel elle avait tant soupiré fut retardé de quelques jours, par une
+circonstance remarquable, qui montre que la renommée de la jeune
+prophétesse s'était répandue en Lorraine et atteste qu'alors les
+grands de la terre, en leurs nécessités, recherchaient les saintes.
+
+Jeanne était mandée à Nancy par monseigneur le duc de Lorraine. Munie
+d'un sauf-conduit que le duc lui avait envoyé, elle partit en veste et
+houseaux rustiques, sur un bidet que Durand Lassois et Jacques Alain
+lui donnèrent. Il leur avait coûté douze francs que sire Robert leur
+remboursa plus tard sur les deniers du roi[392]. Il y a vingt-quatre
+lieues de Vaucouleurs à Nancy. Jean de Metz l'accompagna jusqu'à Toul;
+Durand Lassois fit tout le voyage avec elle[393].
+
+[Note 392: Durand Lassois dit qu'il coûte douze francs; Jean de
+Metz seize. «Ce serait aujourd'hui un cheval de cent écus» (L.
+Champion, _Jeanne d'Arc écuyère_, 1901, p. 55).]
+
+[Note 393: _Procès_, t. I, pp. 54, 222; t. II, pp. 391, 406, 432,
+437, 442-450, 456-457; t. III, pp. 87, 115; Extrait du 8e compte de
+Guillaume Charrier et du 13e compte de Hémon Raguier, dans _Procès_,
+t. V, pp. 257 et suiv.]
+
+Avant de se rendre à l'hôtel du duc de Lorraine, Jeanne monta la
+vallée de la Meurthe et alla faire ses dévotions au grand saint
+Nicolas, dont on gardait les reliques dans la chapelle de
+Saint-Nicolas-du-Port[394], desservie par des religieux bénédictins.
+C'était bien fait à elle, saint Nicolas étant le patron des voyageurs.
+
+[Note 394: _Procès_, t. II, p. 457.--A. Renard, _Jeanne d'Arc.
+Examen d'une question de lieu_, Orléans, 1861, in-8º, 16 pages.--G. de
+Braux, _Jeanne d'Arc à Saint-Nicolas_, Nancy, 1889, in-8º.--De
+Pimodan, _La première étape de Jeanne d'Arc_, 1890, in-8º, cartes.]
+
+
+
+
+CHAPITRE IV
+
+VOYAGE À NANCY.--ITINÉRAIRE DE VAUCOULEURS À
+SAINTE-CATHERINE-DE-FIERBOIS.
+
+
+Le duc Charles II de Lorraine, allié aux Anglais, venait de jouer un
+bien mauvais tour à son cousin et ami le duc de Bourgogne, en donnant
+en mariage Isabelle sa fille aînée, l'héritière de Lorraine, à René,
+second fils de madame Yolande, reine de Sicile et de Jérusalem,
+duchesse d'Anjou[395]. René d'Anjou, dans ses vingt ans, était un
+gentil esprit, amoureux de bon savoir autant que de chevalerie,
+bienveillant, affable et gracieux. Quand il ne faisait point de
+chevauchées et ne maniait pas la lance, il se plaisait à peindre des
+images dans des livres; il avait du goût pour les jardins fleuris et
+les histoires en tapisserie, et, comme son beau cousin le duc
+d'Orléans, il composait des poèmes en français[396]. Investi du duché
+de Bar par le cardinal duc de Bar, son grand-oncle, il devait hériter
+le duché de Lorraine après la mort du duc Charles, qui ne pouvait
+beaucoup tarder. Ce mariage était justement regardé comme un beau coup
+de madame Yolande. Mais qui terre a guerre a. Le duc de Bourgogne,
+fort mal content de voir un prince de la maison d'Anjou, le beau-frère
+de Charles de Valois, s'établir entre la Bourgogne et les Flandres,
+excitait contre René le comte de Vaudemont, prétendant à l'héritage de
+Lorraine, et la politique angevine rendait difficile la réconciliation
+du duc de Bourgogne avec le roi de France. René d'Anjou était engagé
+dans les querelles de son beau-père de Lorraine. Et précisément, en
+1429, il faisait aux habitants de Metz la guerre de la Hottée de
+pommes. On la nommait ainsi parce que la cause en était une hottée de
+pommes entrée dans la ville de Metz, sans qu'on eût payé de droits aux
+officiers du duc de Lorraine[397].
+
+[Note 395: Le P. Anselme, _Histoire généalogique de la Maison de
+France_, II, p. 218.--Ludovic Drapeyron, _Jeanne d'Arc et Philippe le
+Bon_, dans _Revue de Géographie_, novembre 1886, p. 236.--S. Luce,
+_Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. LXVI, CXCIX.]
+
+[Note 396: _Oeuvres du roi René_, par le comte de de Quatrebarbes,
+Angers, 1845, t. I, notice, pp. LXXVI et suiv.--Leroy de la Marche,
+_Le roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et
+littéraires_, Paris, 1875, 2 vol. in 8º, et Giry, compte rendu dans
+_Revue Critique_.]
+
+[Note 397: Dom Calmet, _Histoire de Lorraine_, t. II. col. 695,
+703.]
+
+Cependant, madame sa mère faisait envoyer de Blois des convois de
+vivres aux habitants d'Orléans, assiégés par les Anglais. Bien qu'elle
+fût pour lors en mauvaise intelligence avec les conseillers du roi
+Charles, son gendre, elle se montrait vigilante à combattre les
+ennemis du royaume, qui menaçaient son duché d'Anjou. René, duc de
+Bar, avait donc des parentés, des amitiés, des intérêts tout à la fois
+dans le parti d'Angleterre et Bourgogne et dans le parti de France.
+Tel était le cas où se trouvaient la plupart des seigneurs français.
+Ses rapports avec le capitaine de Vaucouleurs restaient amicaux et
+fréquents[398]. Il est possible que sire Robert l'ait informé qu'il
+tenait à Vaucouleurs une jeune fille prophétisant sur le royaume de
+France. Il est possible que le duc de Bar, curieux de la voir, l'ait
+fait envoyer à Nancy où il devait se rendre lui-même vers le 20
+février; mais, bien plus probablement, René d'Anjou se souciait moins
+de la Pucelle de Vaucouleurs, qu'il n'avait jamais vue, que du petit
+More et du fou dont s'égayait son hôtel ducal[399]. En ce mois de
+février 1429, il n'avait ni l'envie ni les moyens de beaucoup
+s'appliquer aux affaires de France; et, tout beau-frère qu'il était du
+roi Charles, il se préparait, non pas à secourir la ville d'Orléans,
+mais à mettre le siège devant la ville de Metz[400].
+
+[Note 398: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. CXCVII,
+CLXXXVII, CLXXXVIII et 236.--Le registre des Archives de la Meuse, B
+1051, conserve la trace d'une correspondance active du duc de Bar avec
+Baudricourt.]
+
+[Note 399: _Chronique du doyen de Saint-Thibaud_, dans Dom Calmet,
+_Histoire de Lorraine_, preuves, t. II, col. CXCIX.--S. Luce, _Jeanne
+d'Arc à Domremy_, pp. CXCVII et suiv.]
+
+[Note 400: Lettre de Jean Desch, secrétaire de la ville de Metz,
+dans _Procès_, t. V, p. 355.--Dom Calmet, _Histoire de Lorraine_, t.
+II, preuves, col. CXCIX.]
+
+Le duc de Lorraine, vieux et malade, vivait en son hôtel avec sa
+belle amie Alison du Mai, bâtarde, fille de prêtre, qui en avait
+chassé l'épouse légitime, madame Marguerite de Bavière. Madame
+Marguerite était de haute naissance et pieuse, mais vieille et laide;
+et madame Alison était jolie; le duc Charles lui avait fait plusieurs
+enfants[401].
+
+[Note 401: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CC, note.]
+
+Voici ce qui paraît le plus vrai. Il y avait à Nancy des personnes de
+bien qui désiraient que le duc Charles reprît sa bonne femme et
+comptaient, pour l'y amener, sur les exhortations d'une dévote, ayant
+révélations du Ciel et se disant fille de Dieu. Ces personnes
+annoncèrent au vieux duc égrotant la fille de Domremy comme une sainte
+guérisseuse. Par leurs conseils il la fit appeler, dans l'espoir
+qu'elle aurait des secrets pour le soulager de ses maux et l'empêcher
+de mourir.
+
+Dès qu'il la vit, il lui demanda si elle ne pouvait pas le rétablir en
+bonne forme et santé.
+
+Elle répondit que «de cette matière» elle ne savait rien. Cependant
+elle l'avertit qu'il se gouvernait mal, et lui annonça qu'il ne
+guérirait oncques s'il ne s'amendait. Et elle lui enjoignit d'avoir à
+renvoyer Alison sa concubine et à reprendre sa bonne femme[402].
+
+[Note 402: _Procès_, t. III, p. 7.--Dom Calmet, _Histoire de
+Lorraine_, t. III, preuves, col. vj.]
+
+Sur ce chapitre, on lui avait un peu fait la leçon, sans doute, mais
+elle ne disait que ce qu'elle pensait, car elle avait les mauvaises
+femmes en aversion.
+
+Elle était venue vers le duc parce que son état le voulait, parce
+qu'une petite sainte ne se refuse pas aux consultations d'un haut
+seigneur et parce qu'enfin on l'y avait amenée. Mais sa pensée était
+ailleurs; elle ne songeait qu'à délivrer le royaume de France.
+
+Considérant que le fils de madame Yolande, le duc de Bar, avec une
+belle compagnie d'hommes d'armes, apporterait grand'aide au Dauphin,
+elle demanda au duc de Lorraine, en prenant congé, d'envoyer ce jeune
+seigneur avec elle en France.
+
+--Donnez-moi votre fils, lui dit-elle, avec des gens pour me conduire.
+En récompense, je prierai Dieu pour le rétablissement de votre santé.
+
+Le duc ne lui donna pas d'hommes d'armes; il ne lui donna pas le duc
+de Bar, héritier de Lorraine, allié des Anglais, qui devait toutefois
+la rejoindre bientôt sous les étendards du roi Charles. Mais il lui
+donna quatre francs et un cheval noir[403].
+
+[Note 403: _Procès_, t. II, pp. 391 et 444.]
+
+C'est peut-être à son retour de Nancy qu'elle écrivit à ses parents
+pour leur demander pardon de les avoir quittés. On sait seulement
+qu'ils reçurent une lettre d'elle et pardonnèrent[404]. Il y aurait
+lieu, sans doute, d'être surpris que Jacques d'Arc qui, pour avoir vu
+seulement en rêve sa fille avec des gens d'armes, jurait de la noyer
+de ses mains si ses fils ne la noyaient, demeurât coi tout un long
+mois pendant qu'elle se tenait à Vaucouleurs. Car il devait bien
+savoir qu'elle y vivait parmi les hommes d'armes. Ç'avait été déjà de
+sa part beaucoup de simplicité de l'avoir laissée partir, sachant
+l'humeur dont elle était. On ne peut se défendre de supposer que des
+personnes pieuses, qui croyaient en la bonté de Jeanne et avaient hâte
+qu'elle fût conduite en France pour le salut du royaume, prirent soin
+de rassurer le père et la mère sur les façons et comportements de leur
+fille et peut-être même firent entendre à ces bonnes gens que, si
+Jeanne allait vers le roi, toute sa famille en tirerait honneur et
+profit.
+
+[Note 404: _Ibid._, t. I, p. 129.]
+
+Avant ou après le voyage de Nancy (on ne sait) quelques habitants de
+Vaucouleurs ayant foi en la jeune inspirée, firent faire ou achetèrent
+pour elle des vêtements d'homme, un justaucorps, un gippon de drap,
+des chausses attachées au justaucorps par des aiguillettes, des
+houseaux, des souliers, des éperons, tout un harnais de guerre. Sire
+Robert lui donna une épée[405].
+
+[Note 405: _Procès_, t. I, p. 54; t. II, pp. 438, 445, 447,
+457.--_Relation du greffier de La Rochelle_, dans _Revue Historique_,
+t. IV, p. 336.]
+
+Elle fit tailler ses cheveux en rond, à la manière des jeunes
+garçons[406]. Jean de Metz et Bertrand de Poulengy, avec Jean de
+Honecourt et Julien, leurs servants, devaient l'accompagner, ainsi que
+Colet de Vienne, messager du roi, et Richard, l'archer[407]. Il y eut
+encore quelques hésitations, et l'on tint des conseils. Car les gens
+d'armes d'Antoine de Lorraine, seigneur de Joinville, infestaient la
+contrée. On ne voyait dans la campagne que gens faisant pilleries,
+larcins, meurtres et tyrannies cruelles, prenant les femmes de force,
+incendiant les églises et les abbayes et y commettant des péchés
+abominables. C'était le temps le plus dur à passer qu'homme eût jamais
+vu[408]. Mais la jeune fille ne craignait rien et disait:
+
+[Note 406: _Relation du greffier de La Rochelle_, dans _Revue
+Historique_, _ibid._]
+
+[Note 407: _Procès_, t. II, pp. 406, 432, 442, 457; t. III, p.
+209.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. XCV, 143 note 3.--G. de
+Braux et E. de Bouteiller, _Nouvelles recherches_, pp. XXIX et suiv.]
+
+[Note 408: _Les routiers en Lorraine_, dans _Journal de la Société
+archéologique de Lorraine_, 1866, p. 161.--Dr A. Lapierre, _La guerre
+de cent ans dans l'Argonne et le Rethélois_, Sedan, 1900, in-8º.]
+
+--En nom Dieu! menez-moi vers le gentil dauphin et ne faites doute que
+vous ni moi n'aurons nul mal et nul empêchement[409].
+
+[Note 409: _Chronique de la Pucelle_, p. 272 (texte assez suspect
+à cause de sa tendance hagiographique).]
+
+Enfin, le mercredi 23 février, la petite troupe sortit de Vaucouleurs
+par la porte de France[410].
+
+[Note 410: _Procès_, t. I, p. 54; t. II, p. 437.--_Chronique du
+Mont-Saint-Michel_, t. I, p. 30.--De Boismarmin, _Mémoire sur la date
+de l'arrivée de Jeanne d'Arc à Chinon_, dans _Bulletin du Comité des
+travaux historiques et scientifiques_, 1892, pp. 350-359.--Ulysse
+Chevalier, _L'abjuration de Jeanne d'Arc_, p. 10, note 1.]
+
+Quelques amis l'avaient suivie jusque-là et la regardaient partir. Il
+se trouvait parmi eux Henri Leroyer et Catherine, ses hôtes, et
+messire Jean Colin, chanoine de Saint-Nicolas, près de Vaucouleurs, à
+qui Jeanne s'était plusieurs fois confessée[411]. Songeant à la
+longueur du chemin, aux périls du voyage, ils s'effrayaient pour leur
+sainte.
+
+[Note 411: _Procès_, t. II, pp. 431, 446.]
+
+--Comment, lui disait-on, comment pourrez-vous faire un tel voyage,
+quand il y a de tous côtés des gens de guerre?
+
+Mais elle répondait, dans la paix souriante de son coeur:
+
+--Je ne crains point les gens de guerre: j'ai mon chemin tout aplani.
+S'il se trouve des hommes d'armes, messire Dieu saura bien me frayer
+la route pour aller à messire le dauphin. Je suis venue pour
+cela[412].
+
+[Note 412: _Procès_, t. II, p. 449.]
+
+Sire Robert assistait au départ. Il fit jurer, selon la formule
+usuelle, à tous les hommes d'armes de bien et sûrement conduire celle
+qu'il leur confiait. Puis, comme il était homme de peu de foi, il dit
+à Jeanne en manière d'adieu:
+
+--Va! et advienne que pourra[413]!
+
+[Note 413: _Ibid._, t. I, p. 55.]
+
+Et la petite troupe s'en fut dans la brume qui recouvre en cette
+saison les prairies de la Meuse.
+
+Il fallait éviter les voies fréquentées, se garder surtout de passer
+par Joinville, par Montiers-en-Saulx, par Sailly où se tenaient les
+gens d'armes du parti contraire. Sire Bertrand et Jean de Metz,
+accoutumés à ces sourdes chevauchées, connaissaient les chemins de
+traverse et savaient prendre les précautions utiles, comme
+d'envelopper de linges les pieds des chevaux pour amortir le bruit des
+sabots sur le sol[414].
+
+[Note 414: De Pimodan, _La première étape de Jeanne d'Arc_, Paris,
+1891, in-8º, cartes.]
+
+À la nuit tombante la compagnie, ayant échappé à tous les dangers,
+s'approcha de la rive droite de la Marne et atteignit l'abbaye de
+Saint-Urbain[415]. C'était de temps immémorial un lieu d'asile, et, à
+l'époque où nous sommes, elle avait pour abbé Arnoult d'Aulnoy, parent
+de Robert de Baudricourt[416].
+
+[Note 415: _Procès_, t. I, p. 54.]
+
+[Note 416: Jolibois, _Dictionnaire historique de la Haute-Marne_,
+p. 492.]
+
+La porte du sévère édifice s'ouvrit aux voyageurs qui passèrent sous
+la voûte en tiers-point[417]. L'abbaye renfermait un corps de logis
+pour les étrangers. C'est là qu'ils trouvèrent le gîte de leur
+première étape.
+
+[Note 417: De Pimodan, _La première étape de Jeanne d'Arc_, _loc.
+cit._]
+
+L'église abbatiale s'élevait à droite de la porte extérieure; on y
+gardait les reliques de saint Urbain, pape. Le 24 février, au matin,
+Jeanne y entendit la messe conventuelle[418]. Puis elle se remit en
+selle avec ses compagnons. Ils franchirent le pont sur la Marne
+vis-à-vis de Saint-Urbain et poussèrent vers la France.
+
+[Note 418: _Procès_, t. I, pp. 54-55.]
+
+Ils avaient encore cent vingt-cinq lieues de pays à parcourir et trois
+rivières à traverser dans une contrée infestée de brigands. Onze
+jours, ils chevauchèrent; par crainte de l'ennemi, ils voyageaient la
+nuit[419]. Pendant les couchées sur la paille, la jeune paysanne,
+gardant ses chausses liées à son justaucorps, dormait tout habillée,
+sous une couverture, entre Jean de Metz et Bertrand de Poulengy qui
+lui inspiraient de la confiance. Ils ont dit depuis qu'ils n'eurent
+point désir de cette fille à cause de la sainteté qu'ils voyaient en
+elle[420]; on peut le croire ou ne le pas croire. Jean de Metz n'était
+point échauffé d'une si grande foi dans cette inspirée, puisqu'il lui
+demandait avec inquiétude:
+
+[Note 419: _Ibid._, t. II, pp. 437, 457.]
+
+[Note 420: _Procès_, t. II, p. 457.]
+
+--Ferez-vous bien ce que vous dites?
+
+À quoi elle répondait:
+
+--N'ayez crainte. Ce que je fais, je le fais par commandement. Mes
+frères du Paradis me disent ce que j'ai à faire. Il y a déjà quatre ou
+cinq ans que mes frères du Paradis et Messire m'ont dit qu'il fallait
+que j'allasse en guerre pour recouvrer le royaume de France[421].
+
+[Note 421: _Ibid._, t. II, p. 449.]
+
+Ces rudes compagnons n'éprouvaient pas tous en sa présence un respect
+religieux; certains la moquaient et, par amusement, parlaient devant
+elle comme s'ils étaient du parti des Anglais. Quelquefois, en manière
+de plaisanterie, feignant une alerte, ils faisaient mine de tourner
+bride. C'était de la malice perdue. Elle les croyait, mais elle
+n'avait pas peur et disait gravement à ces gens qui pensaient
+l'effrayer avec des Anglais:
+
+--Gardez-vous de fuir. En nom Dieu, ils ne vous feront pas de
+mal[422].
+
+[Note 422: _Ibid._, t. III, p. 199.]
+
+Et à l'approche de tout danger feint ou réel, il lui venait aux lèvres
+des paroles de réconfort:
+
+--Ne craignez rien. Vous verrez comme à Chinon le gentil dauphin nous
+fera bon visage[423].
+
+[Note 423: _Procès_, t. II, pp. 437, 458.]
+
+Son plus grand chagrin était de ne pas faire aussi souvent qu'elle le
+voulait ses dévotions aux églises. Elle répétait chaque jour:
+
+--Si nous pouvions, nous ferions bien d'entendre la messe[424].
+
+[Note 424: _Ibid._, t. II, pp. 437, 457.]
+
+Évitant les grandes routes, ils ne se trouvaient guère à portée des
+ponts et ils durent souvent passer à gué les rivières grossies par les
+pluies. Ils traversèrent l'Aube près de Bar-sur-Aube, la Seine près de
+Bar-sur-Seine, l'Yonne devant Auxerre, où Jeanne entendit la messe
+dans l'église Saint-Étienne: puis ils atteignirent la ville de Gien,
+assise sur la rive droite de la Loire[425].
+
+[Note 425: _Ibid._, t. II, p. 54; t. III pp. 3-21.]
+
+Ces Lorrains voyaient enfin une ville française obéissant au roi de
+France. Ils avaient fait soixante-quinze lieues en pays ennemi sans
+être attaqués ni molestés, ce qui, par la suite, fut tenu pour
+merveilleux. Mais était-il impossible à sept ou huit cavaliers
+armagnacs de traverser sans malencontre les pays anglais ou
+bourguignons? Le capitaine de Vaucouleurs faisait parvenir fréquemment
+des lettres au dauphin, le dauphin lui envoyait des courriers; Colet
+de Vienne[426] venait de porter son message.
+
+[Note 426: _Ibid._, t. II, pp. 406, 432, 445, 448, 457.]
+
+En fait, le péril n'était guère moindre pour les gens du dauphin dans
+les provinces de son obéissance que dans les territoires soumis à
+d'autres maîtres[427]. Les routiers à la solde du roi Charles ne
+s'inquiétaient pas, pour piller et rançonner les voyageurs, de savoir
+s'ils étaient Armagnacs ou Bourguignons, et c'est précisément après
+avoir traversé la Loire que les compagnons de Bertrand de Poulengy se
+trouvèrent exposés aux plus grands dangers.
+
+[Note 427: Monstrelet, t. V, p. 269.--Th. Basin, t. I, p.
+44.--Bueil, _Le Jouvencel_, introduction.--Lettres de rémission, dans
+E. Boularic, _Institutions militaires de la France avant les armées
+permanentes..._, 1863, in-8º, p. 266.--_Récit du prieur de Droillet_,
+éd. Quicherat, dans _Bibliothèque de l'École des Chartes_, IVe série,
+t. III, p. 359.--Mantellier, _Histoire de la communauté des marchands
+fréquentant la rivière de Loire_ t. I, p. 195.--Le P. H. Denifle, _La
+désolation des églises, monastères hôpitaux en France, vers le milieu
+du XVe siècle_, Mâcon, in-8º.]
+
+Avertis de leur venue, quelques hommes d'armes du parti français
+allèrent au devant d'eux et se mirent en embuscade pour les
+surprendre. Ils voulaient s'emparer de la jeune fille, la jeter dans
+une fosse et l'y laisser sous une grosse pierre, comptant que le roi,
+qui la faisait venir, donnerait beaucoup d'argent pour la ravoir[428].
+Les routiers et les soudoyers avaient coutume d'enfouir ainsi dans un
+trou les voyageurs qu'ils délivraient ensuite, moyennant rançon.
+Dix-huit ans auparavant, à Corbeil, cinq hommes avaient été mis dans
+une fosse au pain et à l'eau, par des Bourguignons. Trois d'entre eux
+moururent faute de pouvoir payer[429]. Il s'en manqua de peu que
+Jeanne ne subît un traitement de ce genre. Mais les mauvais garnements
+qui la guettaient, au moment de faire le coup restèrent tranquilles,
+on ne sait pour quelle cause et peut-être par crainte de n'être pas
+les plus forts[430].
+
+[Note 428: _Procès_, t. III, p. 293.]
+
+[Note 429: Abbé J.-J. Bourassé, _Les miracles de madame Sainte
+Katerine de Fierboys en Touraine, d'après un manuscrit de la
+Bibliothèque Impériale_, Paris, in-12, 1858, p. 28.]
+
+[Note 430: Je joins ici ce que dit Seguin, _Procès_, t. III, p.
+203, et ce que dit la Touroulde, _Procès_, t. III, pp. 86, 87. Il me
+semble bien qu'il s'agit du même fait, rapporté sommairement par le
+premier, inexactement par la seconde.]
+
+De Gien, la petite troupe longea la lisière nord du duché de Berry,
+passa dans le Blaisois, traversa peut-être Selles-sur-Cher et
+Saint-Aignan, puis, entrée en Touraine, atteignit les pentes vertes de
+Fierbois[431]. C'était là que l'une des deux dames du Ciel qui
+visitaient familièrement chaque jour la jeune paysanne avait son
+sanctuaire le plus renommé; c'était là que sainte Catherine recevait
+une foule de pèlerins et faisait de beaux miracles. La créance
+populaire donnait à son culte, en ce lieu, une origine nationale et
+guerrière qui remontait aux plus profondes antiquités françaises. On
+contait que, vainqueur des Sarrasins à Poitiers, Charles-Martel avait
+déposé son épée dans l'oratoire de la bienheureuse Catherine[432].
+Mais depuis lors ce sanctuaire, il fallait bien l'avouer, avait subi
+l'injure d'un long abandon. Un peu plus de quarante ans avant la venue
+de la fille de Domremy, ses murs, au fond d'un bois, disparaissaient
+sous les ronces et les épines.
+
+[Note 431: _Procès_, t. I, pp. 56, 75; t. III, pp. 3, 21; t. V, p.
+378.]
+
+[Note 432: Que sainte Catherine ait été connue en Occident un peu
+avant les croisades, cela est possible, mais que son culte remonte à
+Charles-Martel, non pas; il était du moins très vivace au temps de
+Jeanne d'Arc. Cf. H. Moranvillé, _Un pèlerinage en Terre sainte et au
+Sinaï au XVe siècle_, dans _Bibliothèque de l'École des Chartes_, t.
+LXVI (1905), pp. 70 et suiv.]
+
+Il n'était pas rare alors que les saints et les saintes laissés dans
+un injuste oubli vinssent eux-mêmes se plaindre à quelque pieuse
+personne du tort qu'on leur faisait sur la terre. Ils apparaissaient
+soit à un moine, soit à un paysan ou à un bourgeois, lui dénonçaient
+en termes pressants, parfois assez vifs, l'impiété des fidèles et lui
+donnaient l'ordre de rétablir leur culte et de relever leur
+sanctuaire. C'est ce que fit madame sainte Catherine. En l'an 1375,
+elle donna mission à un prud'homme du pays de Fierbois, nommé Jean
+Godefroy, qui était aveugle et paralytique, de rétablir son oratoire
+dans son éclat et sa célébrité, lui promettant guérison s'il faisait
+neuvaine au lieu où Charles-Martel avait déposé son épée. Jean
+Godefroy se fit porter à la chapelle abandonnée, mais il fallut
+d'abord que ses valets ouvrissent, à force de coignée, un chemin à
+travers les halliers. Madame sainte Catherine rendit à Jean Godefroy
+l'usage de ses yeux et de ses membres, et ce fut par un bienfait
+qu'elle rappela au peuple tourangeau sa gloire délaissée. L'oratoire
+fut réparé; les fidèles en reprirent le chemin, et les miracles y
+abondèrent. La sainte s'occupa d'abord de guérir les malades; puis,
+quand le pays endura les guerres, elle s'employa spécialement à tirer
+des mains des Anglais les prisonniers qui avaient recours à elle.
+Parfois elle rendait les captifs invisibles à leurs gardiens, parfois
+elle rompait liens, chaînes, serrures; témoin un gentilhomme du nom de
+Cazin du Boys, qui fut pris, en 1418, avec la garnison de
+Beaumont-sur-Oise. Mis dans une huche fermée à clef, liée d'une grosse
+corde et sur laquelle dormait un Bourguignon, il s'y remémora madame
+sainte Catherine et se voua à cette glorieuse vierge; aussitôt la
+huche s'ouvrit. Parfois encore elle obligeait les Anglais à déferrer
+eux-mêmes leurs prisonniers et à les renvoyer sans rançon. C'était un
+grand miracle. Elle en opéra un non moins grand en faveur de Perrot
+Chapon, de Saint-Sauveur, près Luzarches. Étant aux fers en chartre
+anglaise, depuis un mois, Perrot Chapon se voua à madame Sainte
+Catherine et s'endormit. Il se réveilla, tout enchaîné encore, dans sa
+maison.
+
+Le plus souvent, elle aidait ceux qui s'aidaient eux-mêmes. Ainsi fit,
+en 1424, Jean Ducoudray, natif de Saumur, qui, prisonnier au château
+de Bellême, se recommanda dévotement à madame sainte Catherine, puis
+sauta dehors, étrangla l'homme du guet, escalada le mur d'enceinte, se
+laissa tomber d'une hauteur de deux lances et s'en alla librement par
+les champs[433].
+
+[Note 433: _Les miracles de madame sainte Katerine_, _passim_.--G.
+Launay, _Notice..._, dans _Bull. Soc. archéol. du Vendômois, 1880_, t.
+XIX, p. 23-25.]
+
+Peut-être ces miracles eussent-ils été moins fréquents si les Anglais
+avaient entretenu plus de monde en France; mais ils manquaient
+d'hommes: en Normandie, ils s'enfermaient dans les villes, abandonnant
+les campagnes aux partisans qui battaient le pays, enlevaient les
+convois et favorisaient de la sorte grandement l'intervention de
+madame sainte Catherine[434].
+
+[Note 434: G. Lefèvre-Pontalis, _La guerre des partisans dans la
+Haute Normandie_ (1424-1429) dans _Bibliothèque de l'École des
+Chartes_ (1893-1896).]
+
+Les captifs qui s'étaient voués à elle et qu'elle avait délivrés
+faisaient, pour acquitter leur voeu, le glorieux pèlerinage de
+Fierbois et venaient suspendre dans la chapelle leurs cordes, leurs
+chaînes, leur harnois, ou par cas spécial, le harnois d'un ennemi.
+
+C'est ce qu'avait fait, neuf mois avant la venue de Jeanne à Fierbois,
+un gentilhomme nommé Jean du Chastel. Il s'était échappé des mains
+d'un capitaine qui l'accusait, en cela, de félonie, affirmant que du
+Chastel lui avait donné sa foi. Du Chastel soutenait, au contraire,
+qu'il n'avait rien juré; et il appela le capitaine en combat
+singulier. L'issue du combat prouva le bon droit du gentilhomme
+français; car, avec l'aide de madame sainte Catherine, il eut la
+victoire. En reconnaissance, il vint offrir à sa sainte protectrice le
+harnois de l'Anglais vaincu, en présence de monseigneur le bâtard
+d'Orléans, du capitaine La Hire et de plusieurs autres seigneurs[435].
+
+[Note 435: _Les miracles de madame sainte Katerine_, _passim_.]
+
+Jeanne dut se plaire à entendre de telles ou semblables merveilles
+qu'on lui récita, et à voir tant d'armes suspendues aux murs de la
+chapelle. Elle dut être bien aise que la sainte, qui la visitait à
+toute heure et lui donnait conseil, se montrât si manifestement l'amie
+des pauvres soldats et des paysans, la libératrice des prisonniers mis
+en huche, en fosse, aux fers ou aux ceps par les Godons.
+
+Elle fit ses dévotions et entendit deux messes dans la chapelle[436].
+
+[Note 436: _Procès_, t. I, p. 75.]
+
+
+
+
+CHAPITRE V
+
+LE SIÈGE D'ORLÉANS, DU 12 OCTOBRE 1428 AU 6 MARS 1429.
+
+
+Depuis la victoire de Verneuil et la conquête du Maine, les Anglais ne
+gagnaient guère en France, et ce qu'ils y tenaient leur était moins
+assuré que jamais[437]. S'ils épargnaient les terres du duc d'Orléans,
+leur prisonnier, ce n'était point par vergogne. On disait bien, sur
+les bords de la Loire, que ceux-là manquaient à l'honneur qui
+prenaient les domaines d'un seigneur dont ils tenaient le corps[438],
+mais en guerre où est le profit n'est point la honte. Le Régent ne
+s'était pas fait scrupule de s'emparer du duché d'Alençon, alors que
+le possesseur était prisonnier[439]. Ce qui est vrai c'est que le bon
+duc Charles, par prières et finances, dissuada les Anglais d'attaquer
+son duché. De 1424 à 1426, les habitants d'Orléans payèrent pour
+obtenir abstinence de guerre[440]. Les Godons acceptaient d'autant
+plus volontiers ces accommodements qu'ils se sentaient moins en état
+d'entrer en campagne. Pendant la minorité de leur roi mi-anglais,
+mi-français, le duc de Glocester, frère et lieutenant du Régent, et
+son oncle, l'évêque de Winchester, chancelier du royaume, se prenaient
+aux cheveux et leurs discordes ensanglantaient les rues de
+Londres[441]. À la fin de l'année 1425, le Régent se rendit en
+Angleterre où il passa dix-sept mois à calmer l'oncle et le neveu et à
+rétablir la tranquillité publique. À force de finesse et d'énergie, il
+y réussit assez pour rendre à ses compatriotes le désir et l'espoir
+d'achever la conquête de la France. En 1428, le Parlement d'Angleterre
+vota des subsides à cet effet[442].
+
+[Note 437: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 190.--Alain
+Chartier, _L'espérance ou consolation des trois vertus_, dans
+_Oeuvres_, p. 271.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 14.]
+
+[Note 438: _Mistère du siège_, vers 497.]
+
+[Note 439: Perceval de Cagny, pp. 21-22.]
+
+[Note 440: _Chronique de la Pucelle_, p. 255.--_Chronique de
+l'établissement de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 286.--Le Maire,
+_Histoire et antiquités de la ville et duché d'Orléans_, Orléans,
+1645, in-4º, pp. 129 et suiv.--Lottin, _Recherches historiques sur la
+ville d'Orléans_, Orléans, 1836-1845 (7 vol. in-8º), t. I, p. 197.]
+
+[Note 441: Stevenson, _Letters and papers_, introduction, t. I, p.
+XLVII.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p. 17.]
+
+[Note 442: Rymer, _Foedera_, t. IV. part. IV, p.
+135.--Mademoiselle A. de Villaret, _Campagne des Anglais dans
+l'Orléanais, la Beauce chartraine et le Gâtinais_ (1421-1428),
+Orléans, 1893, in-8º, pièces justif., p. 134.--Stevenson, _Letters and
+papers_, t. I, pp. 403 et suiv.]
+
+Le plus subtil, le plus expert, le plus heureux en armes de tous les
+princes et capitaines d'Angleterre, Thomas Montaigu, comte de
+Salisbury et du Perche[443], qui avait beaucoup fait la guerre dans la
+Normandie, dans la Champagne et dans le Maine, recruta en Angleterre
+une armée en vue d'une expédition sur la Loire. Il trouva des archers
+à sa suffisance; quant aux chevaliers et aux hommes d'armes, il eut du
+mécompte. Seuls les gens de petit état voulaient aller se battre dans
+un pays de famine[444]. Enfin, le noble lord, le beau cousin du roi
+Henri passa la mer avec quatre cent quarante-neuf hommes d'armes et
+deux mille deux cent cinquante archers[445]. Il trouva en France des
+troupes recrutées par le Régent, quatre cents lances dont deux cents
+normandes, à trois archers par lance suivant la coutume
+d'Angleterre[446]. Il conduisit ces troupes à Paris où des résolutions
+irrévocables furent prises[447]. Jusque-là on se disposait à prendre
+la ville d'Angers; on décida en dernier lieu d'assiéger Orléans[448].
+
+[Note 443: Monstrelet, t. IV, p. 300.]
+
+[Note 444: L. Jarry, _Le compte de l'armée anglaise au siège
+d'Orléans_, 1428-1429, Orléans, 1892, in-8º, pp. 59 et suiv.]
+
+[Note 445: Monstrelet, t. IV, p. 293.--Rymer, _Foedera_, t. IV,
+partie IV, pp. 132, 135, 138.]
+
+[Note 446: L. Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, pp. 26-27.]
+
+[Note 447: Monstrelet, t. IV, p. 294.--Stevenson, _Letters and
+papers_, p. LXII.]
+
+[Note 448: Boucher de Molandon et A. de Beaucorps, _L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc sous les murs d'Orléans_, Orléans,
+1892, in-8º, p. 61.--L. Jarry, _loc. cit._]
+
+Entre la Beauce et la Sologne, en avant des provinces fidèles,
+Touraine, Blaisois, Berry, la cité ducale se présentait à l'ennemi,
+sur la Loire recourbée, comme sur l'arc tendu la pointe de la
+flèche[449]. Évêché, université, marché du haut et bas pays, fière de
+ses clochers, de ses flèches et de ses tours, qui levaient vers le
+ciel la croix de Notre-Seigneur, les trois coeurs de lis de la ville
+et les trois fleurs de lis de ses ducs, Orléans abritait, sous les
+hauts toits d'ardoise de ses maisons de pierre ou de bois plantées sur
+des rues tortueuses et sur de sombres venelles, quinze mille
+habitants, officiers de justice et de finance, orfèvres, droguistes,
+épiciers, tanneurs, bouchers, poissonniers, riches bourgeois fins
+comme l'ambre, qui aimaient les beaux habits, les beaux logis, la
+musique et la danse; curés, chanoines, régents et suppôts de
+l'université, libraires, écrivains, imagiers, peintres, écoliers qui
+n'étaient pas tous des fontaines de sapience, mais qui jouaient
+joliment de la flûte; moines de toute robe, jacobins, cordeliers,
+mathurins, carmes, augustins; et les artisans et les gens de métier,
+forgerons, tonneliers, charpentiers, bateliers, pêcheurs[450].
+
+[Note 449: Le Maire, _Antiquités_, p. 29.]
+
+[Note 450: Astesan dans _Paris et ses historiens_, par Le Roux de
+Lincy et Tisserand, pp. 528 et suiv.--Le Maire, _Antiquités_, ch. XIX,
+pp. 75 et suiv.--P. Mantellier, _Histoire du siège d'Orléans_, in-18,
+pp. 22, 24.--E. Fournier, _Le Conteur Orléanais_, p. 111.--C.
+Cuissard, _Étude sur la musique dans l'Orléanais_, Orléans, 1886, p.
+50.--Jodocius Sincere, _Itinerarium Galliæ_, Amstelodami, 1655, pp.
+24, 25.--Paul Charpentier et Cuissard, _Histoire du siège d'Orléans,
+mémoire inédit de M. l'abbé Dubois_, Orléans, 1894, in-8º, p. 129.--De
+Buzonnière, _Histoire architecturale de la ville d'Orléans_, 1849 (2
+vol. in-8º), t. I, p. 76.]
+
+D'origine romaine, la ville gardait la carrure qui lui avait été
+donnée au temps de l'empereur Aurélien. Le côté du midi, qui longeait
+la Loire, et le côté du nord, s'étendaient sur une ligne de trois
+mille pieds. Les petits côtés du levant et du couchant n'avaient que
+treize cent cinquante pieds de long. Elle était ceinte de murs épais
+de six pieds et élevés de dix-huit à trente-trois pieds au-dessus du
+fossé qui en noyait la base. Ces murs étaient flanqués de
+trente-quatre tours, percés de cinq portes et de deux poternes[451].
+Voici l'emplacement de ces portes, poternes et tours, avec les noms de
+celles qui firent parler d'elles durant le siège.
+
+[Note 451: Jollois, _Histoire du siège d'Orléans_, Paris, 1833,
+in-4º, fig.--Lottin, _Recherches_, t. I, pp. 183 et suiv.]
+
+C'était, en allant de l'angle sud-est des murs à l'angle sud-ouest: la
+tour Neuve, énorme et ronde, baignant dans la Loire: trois autres
+tours portant sur les grèves; la poterne Chesneau qui seule, s'ouvrait
+sur l'eau et qu'on fermait par une herse de fer: la tour de la
+Croiche-Meuffroy, ainsi nommée de la croiche ou éperon qui, de son
+pied, s'avançait dans la rivière; deux autres tours baignant dans la
+Loire; la porte du Pont, avec pont-levis et flanquée de deux tours: la
+tour de l'Abreuvoir; la tour Notre-Dame, qui tirait son nom d'une
+chapelle adossée aux murs de la ville; la tour de la Barre-Flambert,
+la dernière de ce côté, à l'angle sud-ouest de l'enceinte, et qui
+barrait la rivière. Tout le long de la Loire, les murs étaient garnis
+d'un parapet de pierre et munis de mâchicoulis crénelés, d'où l'on
+pouvait lancer des carreaux et en cas d'escalade, renverser les
+échelles. Les tours se dressaient à un jet d'arc les unes des autres.
+
+Sur le côté ouest, on comptait d'abord trois tours, puis les deux
+tours de la porte qu'on appelait Regnard ou Renard, du nom des
+bourgeois, possesseurs autrefois d'un hôtel y attenant, habité en 1428
+par Jacques Boucher, trésorier du duc d'Orléans; puis une autre tour,
+et, enfin, la porte Bernier ou Bannier, à l'angle nord-ouest de
+l'enceinte. Les remparts, de ce côté, avaient été construits à une
+époque où déjà on faisait usage de l'arbalète qui portait plus loin
+que l'arc: les tours étaient à un jet d'arbalète les unes des autres,
+et les murs moins hauts qu'ailleurs.
+
+Du côté nord, qui regardait la forêt: dix tours distantes entre elles
+d'une portée d'arc; la deuxième, celle de Saint-Samson, servait
+d'arsenal; la sixième et la septième flanquaient la porte Parisis.
+
+Du côté de l'Est, dix tours également et à la même distance les unes
+des autres que celles du Nord; la cinquième et la sixième étaient
+celles de la porte de Bourgogne, dite aussi de Saint-Aignan, parce
+qu'elle était proche de l'église de Saint-Aignan hors les murs; la
+dernière était la grosse tour d'angle, dite tour Neuve, qui se trouve
+ainsi comptée deux fois.
+
+Le pont de pierre, bordé de maisons, qui reliait la ville à la rive
+gauche de la Loire, était renommé dans le monde entier. Il avait
+dix-neuf arches d'ouvertures inégales. La première, sur laquelle on
+passât en sortant de la ville par la porte du Pont, se nommait
+l'Allouée ou pont Jacquemin-Rousselet; un pont-levis était pratiqué
+dans sa voûte. La cinquième arche appuyait sa culée sur une île
+étroite et longue, en forme de bateau, comme toutes ces îles des
+fleuves. Elle s'appelait en amont Motte-Saint-Antoine, d'une chapelle
+dédiée à ce saint, qui y était élevée; en aval Motte-des-Poissonniers,
+parce qu'on y amarrait des bateaux dont le fond était percé, pour
+conserver le poisson. En 1417, les Orléanais, prévoyant le cas où
+l'ennemi ferait une descente dans cette île, avaient construit au delà
+de la sixième arche une bastille, la bastille ou forteresse
+Saint-Antoine, qui occupait toute la largeur du pont. Le pilier commun
+à l'onzième et à la douzième arche portait, sur un socle de pierre
+historiée, une croix de bronze doré. C'était, comme on disait, la
+Belle-Croix. Sur la dix-huitième arche et ses deux piliers, formant
+culée, s'élevait un châtelet composé de deux tours réunies par un
+porche voûté. Ce châtelet avait nom les Tourelles. La dix-neuvième et
+dernière arche portait, comme la première, un pont-levis. Après
+l'avoir franchie on se trouvait sur le Portereau; et l'on avait devant
+soi la route de Toulouse qui rejoignait, au delà du Loiret, sur les
+hauteurs d'Olivet, la route de Blois[452].
+
+[Note 452: Jollois, _Lettre à Messieurs les Membres de la Société
+des Antiquaires de France, sur l'emplacement du fort des Tourelles de
+l'ancien pont d'Orléans_, Paris, 1834, in-fº, fig.--Abbé Dubois,
+_Histoire du siège_, dissertation, v. Lottin, _Recherches_, t. I, pp.
+15-18.--Vergniaud Romagnési, _Des différentes enceintes de la ville
+d'Orléans_, pp. 17-19.--A. Collin, _Le pont des Tourelles à Orléans_,
+Orléans, 1895, in-8º.--Morosini, t. III, p. 13, note 2.]
+
+La Loire traînait alors ses eaux paresseuses entre des îles
+recouvertes d'oseraies et de bouleaux, qui ont été enlevées depuis
+pour rendre le passage plus aisé aux bateaux. Une lieue à l'est
+d'Orléans, à la hauteur de Chécy, l'île aux Bourdons était séparée par
+un mince bras de la rive de Sologne et par un étroit chenal, de
+l'Île-aux-Boeufs, qui étalait, vers la rive de Beauce, devant
+Combleux, ses herbages et ses buissons. Un bateau, s'il descendait le
+cours du fleuve, côtoyait ensuite les deux îles Saint-Loup, et,
+doublant la tour Neuve, glissait entre les deux petites îles des
+Martinets, à droite, et l'Île-aux-Toiles à gauche. Puis il passait
+sous le Pont qui traversait, comme nous l'avons vu, une île dite en
+haut Motte-Saint-Antoine et en bas Motte-des-Poissonniers. Enfin, en
+aval des remparts, vis-à-vis de Saint-Laurent-des-Orgerils, il
+rencontrait les deux petites îles Biche-d'Orge et Charlemagne[453].
+
+[Note 453: Jollois, _Histoire du siège_, planche 1.--Abbé Dubois,
+_Histoire du siège_, pp. 193, 199.--Boucher de Molandon, _Première
+expédition de Jeanne d'Arc_, p. 16.]
+
+Les faubourgs d'Orléans étaient les plus beaux du royaume. Au midi, le
+faubourg batelier du Portereau, avec l'église et le couvent des
+Augustins, s'étendait le long du fleuve, au pied des vignobles de
+Saint-Jean-le-Blanc qui mûrissaient le meilleur vin du pays[454]. Plus
+haut, sur les pentes douces conduisant au maigre plateau de Sologne,
+le Loiret, ses sources agitées, ses eaux limpides, ses rives
+ombreuses, les jardins et les fontaines d'Olivet, riaient aux regards
+d'un ciel pluvieux et doux.
+
+[Note 454: Symphorien Guyon, _Histoire de l'église et diocèse
+d'Orléans_, Orléans, 1647, t. I, préface.--Le Maire, _Antiquités_, p.
+36.]
+
+Au levant, le faubourg de la porte Bourgogne était de tous le plus
+peuplé et le mieux bâti. C'est là qu'on admirait l'église Saint-Michel
+et l'église Saint-Aignan, dont le cloître passait pour une
+merveille[455]. Au sortir de ce faubourg, en suivant, au bord des
+vignes, le bras de sable ou d'eau que la Loire allongeait entre sa
+berge et l'Île-aux-Boeufs, on atteignait, après un quart de lieue, la
+côte roide de Saint-Loup, et, si l'on s'avançait encore à l'est, entre
+la rivière et la route romaine d'Autun à Paris, on découvrait, l'un
+après l'autre, les clochers de Saint-Jean-de-Bray, de Combleux et de
+Chécy.
+
+[Note 455: _Journal du siège_, pp. 13, 15.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 270.--Hubert, _Antiquités historiques de l'église royale
+d'Orléans_, Orléans, 1661, in-8º.--Le Maire, _Antiquités_, p.
+284.--Abbé Dubois, _Histoire du siège_, pp. 133, 205, 277 et
+_passim_.--Jollois, _Histoire du siège_, p. 21.--H. Baraude, _Le siège
+d'Orléans et Jeanne d'Arc_, Paris, 1906, pp. 10 et suiv.]
+
+Au nord de la ville, s'élevaient de beaux moustiers et de riches
+églises, la chapelle Saint-Ladre, dans le cimetière; les Jacobins, les
+Cordeliers, l'église de Saint-Pierre-Ensentelée. En plein nord, le
+faubourg de la porte Bernier bordait la route de Paris et, tout
+proche, s'étendait la sombre cité des loups, la profonde forêt de
+chênes, de charmes, de hêtres et de bouleaux, où s'enfonçaient, comme
+des bûcherons et des charbonniers, les villages de Fleury et de
+Samoy[456].
+
+[Note 456: Le Maire, _Antiquités_, p. 43.]
+
+[Illustration: Plan d'Orléans.]
+
+Au couchant, parmi les cultures, le faubourg de la porte Renard
+longeait la route de Châteaudun, et le hameau de Saint-Laurent, la
+route de Blois[457].
+
+[Note 457: Abbé Dubois, _Histoire du siège_, p. 296.--Boucher de
+Molandon, _Première expédition de Jeanne d'Arc, le ravitaillement
+d'Orléans, nouveaux documents_, Orléans, 1874, gr. in-8º, plan
+topographique: _Orléans, la Loire et ses îles en 1429._]
+
+Lorsque les gens des faubourgs se renfermèrent dans la cité à
+l'approche des Anglais, le nombre des habitants fut plus que doublé,
+tant ces faubourgs étaient amples et populeux[458].
+
+[Note 458: Abbé Dubois, _Histoire du siège_, pp. 391,
+399.--Jollois, _Histoire du siège_, pp. 41, 44.--P. Mantellier,
+_Histoire du siège_, Orléans, 1867, in-8º, p. 24.--Lottin, _Recherches
+sur Orléans_, t. I, p. 141.]
+
+Les habitants d'Orléans étaient résolus à combattre, non certes pour
+l'honneur: un bourgeois, en ce temps-là, ne s'attirait aucun honneur à
+défendre sa ville; par contre il y courait un terrible danger. La
+ville prise, les hauts et riches seigneurs, qui se trouvaient pris
+avec, en étaient quittes pour payer rançon, et le vainqueur leur
+faisait bonne chère; les menus et pauvres seigneurs risquaient
+davantage. En cette année 1428, les gentilshommes qui défendirent
+Melun et se rendirent après avoir mangé leurs chevaux et leurs chiens,
+furent noyés dans la Seine. «Rien n'y valut hautesse», dit une chanson
+bourguignonne[459]. Ordinairement hautesse valait la vie sauve. Quant
+aux bourgeois assez courageux pour s'être défendus, ils avaient chance
+d'être mis à mort. Il n'existait pas de règles fixes à leur égard;
+tantôt on en pendait plusieurs, tantôt un seul, tantôt on les pendait
+tous; il était loisible aussi de leur couper la tête ou de les jeter à
+l'eau, cousus dans un sac. En cette même année 1428, les capitaines La
+Hire et Poton ayant manqué leur coup de main sur Le Mans et décampé à
+propos, les bourgeois qui les avaient aidés furent décapités place du
+Cloître-Saint-Julien, sur la pierre Olet, par ordre de ce même William
+Pole, comte de Suffolk, qui débridait déjà à Olivet, et de ce même
+John Talbot, le plus courtois des chevaliers anglais, qui allait
+bientôt venir[460]. Exemple suffisant pour instruire les citoyens
+d'Orléans.
+
+[Note 459: Le Roux de Lincy, _Chants historiques et populaires du
+temps de Charles VII_, Paris, 1862, in-18, p. 28.]
+
+[Note 460: _Journal d'un bourgeois de Paris_, pp. 225-226.--_Geste
+des Nobles_, p. 202.--_Chronique de la Pucelle_, p. 251.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, p. 59.--Jarry, _Le compte de l'armée
+anglaise_, pp. 107-112.]
+
+La ville, sous l'autorité d'un gouverneur, s'administrait elle-même au
+moyen de douze procureurs élus par le suffrage des bourgeois pour deux
+ans, moyennant l'approbation du gouverneur[461]. Ces procureurs
+risquaient plus que les autres citoyens, et l'un d'eux, quand il
+passait par le cloître Saint-Sulpice, où l'on mettait à mort les
+condamnés, songeait sans doute qu'avant un an il pourrait bien être
+justicié là pour avoir défendu l'héritage de son seigneur. Les douze
+étaient résolus à défendre cet héritage et ils agissaient avec
+promptitude et sagesse pour le salut commun.
+
+[Note 461: Lottin, _Recherches_, t. I, pp. 164, 171.--P.
+Mantellier, _Histoire du siège_, p. 25.]
+
+Les Orléanais n'étaient pas pris au dépourvu. Leurs pères avaient vu
+de près les Anglais et mis la ville en état de défense. Eux-mêmes, en
+l'an 1425, s'étaient si bien attendus à subir un siège, qu'ils avaient
+amassé des armes dans la tour Saint-Samson et que tous, riches ou
+pauvres, avaient été requis pour creuser des fossés et construire des
+boulevards[462]. La guerre a toujours coûté cher. Ils consacraient,
+chaque année, les trois quarts du revenu de la ville à l'entretien des
+remparts et de l'armement. Avertis que le comte de Salisbury
+approchait, ils se préparèrent avec une merveilleuse ardeur à le
+recevoir. Les murs, hors ceux qui regardaient la rivière, étaient sans
+parapets, mais il y avait dans les magasins des pieux et des traverses
+destinés à faire des garde-fous. On les monta et l'on établit des
+mantelets dans lesquels étaient pratiquées des barbacanes en
+charpente, afin que, du haut des murs habillés de la sorte, les
+défenseurs pussent tirer à couvert[463]. On établit, à l'entrée de
+chaque faubourg, des barrières de bois, avec un corps de garde et une
+loge pour le portier chargé de les ouvrir et de les fermer. Les
+remparts, bastilles et boulevards furent munis de soixante et onze
+bouches à feu, tant canons que bombardes, sans compter les
+couleuvrines. On tira de la carrière de Montmaillard, située à trois
+lieues de la ville, des pierres que les artisans façonnaient en
+boulets de canon; on fit venir à grands frais du plomb, de la poudre
+et du soufre, que les femmes finaient pour le service des canons et
+des couleuvrines. On fabriquait chaque jour par milliers des flèches,
+des traits, des fûts de viretons aboutés de pointes de fer et empennés
+de parchemin, et nombre de pavas, grands boucliers faits de douves
+assemblées à tenons et mortaises et recouvertes de cuir. On acheta du
+blé, du vin, du bétail à force pour la nourriture des habitants et des
+hommes d'armes qu'on attendait, gens du roi et routiers[464].
+
+[Note 462: Le religieux de Dunfermling, dans _Procès_, t. V, p.
+341.--Le Maire, _Antiquités_, pp. 283 et suiv.--Lottin, _Recherches_,
+t. I, pp. 160-161.]
+
+[Note 463: Jollois, _Histoire du siège_, p. 6.--Lottin,
+_Recherches_, t. I, pp. 202-205.]
+
+[Note 464: Comptes de forteresses, dans _Journal du siège_, pp.
+301 et suiv.--Jollois, _Histoire du siège_, p. 12.--P. Mantellier,
+_Histoire du siège_, pp. 15-17.--Loiseleur, _Comptes des dépenses
+faites par Charles VII pour secourir Orléans pendant le siège de
+1428_, Orléans, 1868, in-8º, p. 113.--Boucher de Molandon et de
+Beaucorps, _L'armée anglaise vaincue par Jeanne d'Arc_, p. 81.]
+
+Par un privilège dont ils se montraient fort jaloux, les habitants
+avaient la garde de leurs remparts. Ils étaient répartis par corps de
+métiers en autant de compagnies qu'il y avait de tours. Se gardant
+eux-mêmes, ils jouissaient du droit de ne pas recevoir garnison dans
+leurs murs. Ce droit leur était précieux parce qu'il leur évitait
+d'être pillés et dérobés, incendiés et molestés à tout moment par les
+gens du roi. Ils y renoncèrent avec empressement, sentant bien que
+seuls, avec leur milice civique et les milices des communes,
+c'est-à-dire les paysans, ils ne pourraient soutenir l'effort d'un
+siège et qu'il leur fallait, pour bien faire, des hommes de cheval
+tenant roidement la lance et des gens de pied habiles à manoeuvrer
+l'arbalète. Tandis que le sire de Gaucourt, leur gouverneur, et
+monseigneur le Bâtard d'Orléans, lieutenant général du roi, se
+rendaient à Chinon et à Poitiers pour obtenir des conseillers du roi
+assez d'hommes et d'argent[465], des bourgeois partaient en mission,
+deux par deux, et allaient jusqu'en Bourbonnais et en Languedoc
+demander des secours aux villes[466]. Les procureurs faisaient appel
+aux routiers qui tenaient la campagne pour les fleurs de lis et leur
+annonçaient, par les deux hérauts de la ville, Orléans et
+Coeur-de-Lis, qu'il y avait chez eux de l'or et de l'argent en
+abondance, des vivres et des armes pour nourrir et armer deux mille
+combattants pendant deux ans, et que tout gentil et honnête capitaine
+qui voudrait défendre leur ville avec eux le pourrait faire, et qu'on
+se battrait à mort[467].
+
+[Note 465: Compte de Hémon Raguier, Bibl. Nat., Fr. 7858, fol.
+41--Loiseleur, _Comptes des dépenses_, p. 65.--Pallet, _Nouvelle
+Histoire du Berry_, t. III, pp. 78-80.--Vallet de Viriville, dans
+_Bulletin de la Société d'Histoire de France_.--_Cabinet Historique_,
+V, 2e partie, 107.--P. Mantellier, _Histoire du siège_, p. 15.]
+
+[Note 466: A. Thomas, _Le siège d'Orléans, Jeanne d'Arc et les
+capitouls de Toulouse_, dans _Annales du Midi_, avril 1889, p.
+232.--M. Boudet, _Villandrando et les écorcheurs à Saint-Flour_, pp.
+18 et 19.--A. de Villaret, _Campagne des Anglais_, p. 61.]
+
+[Note 467: Le religieux de Dunfermling, dans _Procès_, t. V, p.
+341.]
+
+Les habitants d'Orléans craignaient Dieu. En ce temps-là Dieu se
+faisait beaucoup craindre; il était presque aussi terrible qu'au temps
+des Philistins. Les pauvres pécheurs avaient peur d'être mal reçus
+s'ils s'adressaient à lui dans leurs afflictions; mieux valait,
+croyaient-ils, prendre un biais et recourir à l'intercession de
+Notre-Dame et des saints. Dieu respectait sa mère et s'efforçait de
+lui complaire en toute occurrence. Il montrait pareillement de la
+déférence aux bienheureux assis à ses côtés dans le paradis et
+écoulait volontiers les requêtes qu'ils lui présentaient. Aussi
+était-ce la coutume, en cas de grande nécessité, de faire des prières
+et des présents aux saints pour les rendre favorables. Les bourgeois
+d'Orléans se rappelèrent à propos Monsieur saint Euverte et Monsieur
+saint Aignan, patrons de leur ville. Saint Euverte s'était assis très
+anciennement dans le siège épiscopal occupé en 1428 par messire Jean
+de Saint-Michel, écossais, et il y avait resplendi de toutes les
+vertus apostoliques[468]. Saint-Aignan, son successeur, avait obtenu
+de Dieu qu'il regardât sa ville dans un péril semblable à celui
+qu'elle courait présentement. Voici son histoire telle que les
+Orléanais la savaient:
+
+[Note 468: _Journal du siège_, p. 51.--_Chronique de la fête_ dans
+_Procès_, t. V, p. 296.--Lottin, _Recherches_, t. I, pp. 27-31.]
+
+Le bienheureux Aignan s'était retiré dès sa jeunesse dans une solitude près
+d'Orléans. Saint Euverte, alors évêque de cette ville, l'y découvrit,
+l'ordonna prêtre, l'institua abbé de Saint-Laurent-des-Orgerils et le
+désigna pour son successeur dans le gouvernement des fidèles. Et quand
+saint Euverte eut trépassé de cette vie à l'autre, le bienheureux Aignan
+fut proclamé évêque, du consentement du peuple orléanais, par la voix
+d'un petit enfant. Car Dieu, qui tire sa louange de la bouche des
+enfants, permit que l'un d'eux, porté dans ses langes sur l'autel,
+parlât et dit: «Aignan, Aignan, Aignan est élu de Dieu pour être évêque
+de cette ville.» Or, dans la soixantième année de son pontificat, les
+Huns envahirent la Gaule, conduits par Attila, leur roi, qui publiait
+que devant lui les étoiles tombaient, la terre tremblait, et qu'il était
+le marteau du monde, _stellas pre se cadere, terram tremere, se malleum
+esse universi orbis_. Toutes les villes qu'il avait rencontrées sur son
+chemin, il les avait détruites, et il marchait sur Orléans. Alors le
+bienheureux Aignan alla trouver dans la cité d'Arles le patrice Aetius,
+qui commandait l'armée romaine, et lui demanda son aide en un si grand
+péril. Ayant obtenu du patrice promesse de secours, Aignan revint dans
+sa ville épiscopale qu'il trouva entourée de guerriers barbares. Les
+Huns avaient fait des brèches dans les murs, et ils se préparaient à
+donner l'assaut. Le bienheureux monta sur le rempart, se mit à genoux,
+pria, et, ayant prié, cracha sur les ennemis. Cette goutte d'eau fut
+suivie, par la volonté de Dieu, de toutes les gouttes d'eau suspendues
+dans le ciel; un orage éclata, une pluie si abondante tomba sur les
+barbares, que leur camp en fut noyé; leurs tentes s'abattirent sous la
+force des vents, et plusieurs d'entre eux périrent frappés de la foudre.
+La pluie dura trois jours, après lesquels Attila fit battre par de
+puissantes machines les remparts de la cité. Les habitants voyaient avec
+épouvante tomber leurs murailles. Quand tout espoir de résister fut
+perdu, le saint évêque alla, revêtu de ses habits sacerdotaux, vers le
+roi des Huns et l'adjura d'avoir pitié du peuple orléanais, le menaçant
+de l'ire céleste s'il était dur aux vaincus. Ces prières et ces menaces
+ne changèrent pas le coeur d'Attila. L'évêque, revenu parmi ses fidèles,
+les avertit qu'ils ne devaient s'assurer qu'en la puissance de Dieu,
+mais que ce secours ne leur manquerait pas. Et bientôt, selon la
+promesse qu'il leur avait donnée, Dieu délivra la ville par le moyen des
+Romains et des Français, qui défirent les Huns dans une grande bataille.
+Peu de temps après cette merveilleuse délivrance de sa ville bien-aimée,
+saint Aignan s'endormit dans le Seigneur[469].
+
+[Note 469: Hubert, _Antiquitez historiques de l'église royale de
+Saint-Aignan d'Orléans_, Orléans, 1661, in-8º, pp. 1-15.]
+
+C'est pourquoi, en ce grand péril où les mettaient les Anglais, les
+citoyens d'Orléans attendaient de Monsieur saint Euverte et de
+Monsieur saint Aignan aide et réconfort. Aux merveilles que saint
+Aignan avait accomplies dans sa vie mortelle, ils mesuraient les
+miracles qu'il pouvait opérer maintenant qu'il était au Paradis. Ces
+deux confesseurs avaient, dans le faubourg de Bourgogne, chacun son
+église où l'on gardait précieusement leur corps[470]. Les os des
+martyrs et des confesseurs inspiraient alors une vénération profonde.
+Ils répandaient parfois, disait-on, une odeur balsamique, ce qui
+signifiait les grâces qui en émanaient. On les enfermait dans des
+châsses dorées et semées de pierres précieuses et il n'est point de
+miracle qu'on ne pensât obtenir par le moyen de ces saintes reliques.
+Le 6 août 1428, le clergé de la ville alla prendre dans l'église où
+elle était conservée la châsse de Monsieur saint Euverte et la porta
+autour des murs, afin qu'ils en fussent affermis, et la châsse vénérée
+fit le tour de la cité, suivie du peuple entier. Le 8 septembre, un
+tortis de cent dix livres fut offert à Monsieur saint Aignan. Pour les
+gagner, on faisait aux saints, quand on avait besoin d'eux, des
+présents de toute nature, robes, joyaux, argent monnayé, maisons,
+terres, bois, étangs; mais on pensait que la cire vierge leur était
+particulièrement agréable. Un tortis était une rouelle de cire sur
+laquelle on plantait des cierges et deux petits panonceaux aux armes
+de la ville[471].
+
+[Note 470: _Procès_, t. III, p. 32.--_Journal du siège_, p.
+14.--Hubert, _loc. cit._, chap. III-IV.--Lottin, _Recherches_, t. I,
+pp. 82-83.]
+
+[Note 471: Le Maire, _Antiquités_, p. 285.--P. Mantellier,
+_Histoire du siège_, p. 16.]
+
+Ainsi les Orléanais travaillaient à se munir et protéger.
+
+Des aventuriers de tout pays répondaient à l'appel des procureurs.
+Messire Archambaud de Villars, capitaine de Montargis; Guillaume de
+Chaumont, seigneur de Guitry; messire Pierre de la Chapelle,
+gentilhomme beauceron; Raimond Arnaud de Corraze, chevalier béarnais;
+don Mathias d'Aragon, Jean de Saintrailles et Poton de Saintrailles
+accoururent les premiers. L'abbé de Cerquenceaux, naguère étudiant à
+l'Université d'Orléans, arriva à la tête d'une bande de
+partisans[472]. Il entra ainsi dans la ville à peu près autant d'amis
+qu'on attendait d'ennemis. On les solda, on leur fournit pain, chair,
+poisson, fourrage en abondance, et l'on défonça pour eux des tonneaux
+de vin. Dans les premiers jours les habitants les traitèrent comme
+leurs propres enfants. Ils se les partagèrent entre eux et les
+nourrirent de ce qu'ils avaient. Mais cette concorde ne régna pas
+longtemps, et, quoi qu'en dise une tradition conciliante[473], les
+choses ne se passèrent pas à Orléans différemment que dans les autres
+villes assiégées: les bourgeois ne tardèrent pas à se plaindre de la
+garnison.
+
+[Note 472: _Chronique de la Pucelle_, pp. 257-258.--_Journal du
+siège_, pp. 6-7.--Lottin, _Recherches_, t. I, p. 204.--J. Devaux, _Le
+Gâtinais au temps de Jeanne d'Arc_, dans _Ann. Soc. hist. et arch. du
+Gâtinais_, V, 1887, p. 220.]
+
+[Note 473: _Journal du siège_, p. 92.]
+
+Le 5 septembre, le comte de Salisbury parvint à Janville après s'être
+emparé sans peine de quarante villes, églises fortes ou châteaux. Et
+ce n'était pas le meilleur de son affaire; car si peu de monde qu'il
+eût laissé dans chaque place, il avait semé en route une partie de son
+armée, déjà trop encline à s'égrener[474].
+
+[Note 474: _Geste des Nobles_, p. 204.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 256.--Lettre de Salisbury à la Commune de Londres, dans Delpit,
+_Collection de documents français qui se trouvent en Angleterre_, pp.
+236-237.--Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, pp. 79-89.]
+
+Il envoya de Janville deux hérauts à Orléans pour sommer les habitants
+de se rendre. Les procureurs logèrent ces hérauts honorablement dans
+le faubourg Bannier, à l'hôtel de la Pomme, et leur remirent un
+présent de vin pour le comte de Salisbury, car ils savaient à quoi le
+devoir les obligeait envers un si haut prince; mais ils refusèrent
+d'ouvrir leurs portes à une garnison anglaise, alléguant sans doute,
+selon la coutume des bourgeois d'alors, qu'ils ne le pouvaient pas,
+ayant plus forts qu'eux dans leurs murs[475].
+
+[Note 475: Abbé Dubois, _Histoire du siège_, p. 11.--Jarry, _Le
+compte de l'armée anglaise_, p. 82.--Boucher de Molandon, _Les comptes
+de ville d'Orléans des quatorzième et quinzième siècles_, Orléans,
+1880, in-8º, pp. 91 et suiv.]
+
+Le 6 octobre, le péril approchant, prêtres, bourgeois, notables
+marchands, artisans, les femmes, les enfants, firent une belle
+procession avec croix et bannières, chantant des psaumes et invoquant
+les gardiens célestes de la cité[476].
+
+[Note 476: Lottin, _Recherches_, t. I, p. 205.--P. Mantellier,
+_Histoire du siège_, p. 17.]
+
+Le mardi 12 du même mois, à la nouvelle que l'ennemi venait par la
+Sologne, les procureurs envoyèrent des gens de guerre abattre les
+maisons du Portereau, faubourg de la rive gauche, l'église et le
+couvent des Augustins, qui s'élevaient dans ce faubourg, ainsi que
+tous les bâtiments où l'ennemi pouvait se loger et se retrancher. Les
+gens de guerre furent pris de court. Ce jour même les Anglais
+occupèrent Olivet et se montrèrent au Portereau[477].
+
+[Note 477: _Journal du siège_, p. 4.]
+
+Là se rassemblaient les vainqueurs de Verneuil, la fleur de la
+chevalerie anglaise: Thomas, seigneur de Scales et de Nucelles,
+capitaine de Pontorson, que le roi d'Angleterre appelait son cousin;
+William Neville, lord Falcombridge; Richard Guethin, chevalier
+gallois, bailli d'Évreux; lord Richard Gray, neveu du comte de
+Salisbury; Gilbert Halsall, Richard Panyngel, Thomas Guérard,
+chevaliers, et d'autres encore de haute renommée.
+
+Sur les deux cents lances de Normandie flottaient les étendards de
+William Pole, comte de Suffolk, et de John Pole, deux frères issus
+d'un compagnon du duc Guillaume; de Thomas Rampston, chevalier
+banneret, chambellan du Régent; de Richard Walter, écuyer, capitaine
+de Conches, bailli et capitaine d'Évreux; de William Molins,
+chevalier; de William Glasdall, que les Français nommaient Glacidas,
+écuyer, bailli d'Alençon, homme de petite naissance[478].
+
+[Note 478: _Journal du siège_, pp. 2-4.--Boucher de Molandon et de
+Beaucorps, _L'armée anglaise vaincue par Jeanne d'Arc_, p. 129.]
+
+Les archers étaient tous à cheval. Il n'y avait, autant dire, point de
+fantassins. Des chariots attelés de boeufs traînaient les barils de
+poudre, les arbalètes, les traits, les canons de toutes sortes, canons
+à main, «fowlers» et grosses pièces, et les pierres à canons. Les
+deux maîtres de l'artillerie anglaise, Philibert de Moslant et
+Guillaume Appilby, accompagnaient les troupes. Il s'y trouvait aussi
+deux maîtres mineurs avec trente-huit ouvriers. Les femmes ne
+manquaient pas, dont plusieurs servaient d'espions[479].
+
+[Note 479: L. Jarry, _Le compte de l'année anglaise_, pp. 26, 28,
+29.--Boucher de Molandon et de Beaucorps, _L'armée anglaise vaincue
+par Jeanne d'Arc_, pp. 50 et suiv.--Mademoiselle A. de Villaret,
+_Campagne des Anglais_, ch. IV, pp. 39, 53; comptes du siège, n{os}
+30, 31, p. 214.--Lottin, _Recherches_, t. I, p. 205.]
+
+Cette armée arrivait, à vrai dire, très diminuée par les délections,
+ayant de victoire en victoire semé des fuyards. Les uns s'en
+retournaient en Angleterre, les autres allaient par le royaume de
+France pillant et dérobant. Ce même jour du 12 octobre, ordre était
+envoyé de Rouen aux baillis et capitaines de Normandie d'arrêter les
+Anglais qui s'étaient départis de la compagnie de monseigneur le comte
+de Salisbury[480].
+
+[Note 480: L. Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, p. 61.]
+
+Le fort des Tourelles et son boulevard fermaient l'entrée du pont. Les
+Anglais s'établirent au Portereau, placèrent leurs canons et leurs
+bombardes sur la levée de Saint-Jean-le-Blanc[481], et, le dimanche
+qui suivit, ils lancèrent sur la ville force boulets de pierre, qui
+firent grand dommage aux maisons, mais ne tuèrent personne, sinon une
+Orléanaise, nommée Belles, demeurant près de la poterne Chesneau, au
+bord de la rivière. Ainsi commença par la mort d'une femme ce siège
+qui devait finir par la victoire d'une femme.
+
+[Note 481: _Chronique de la Pucelle_, p. 258.--Jean Chartier,
+_Chronique_, p. 66.--Jean Raoulet dans Chartier, _Chronique_, t. III,
+p. 198.--_Journal du siège_, pp. 1, 2.--Abbé Dubois, _Histoire du
+siège_, p. 246.--P. Mantellier, _Histoire du siège_, p. 27.--H.
+Baraude, _Le siège d'Orléans et Jeanne d'Arc_, p. 31.]
+
+Cette même semaine les canons anglais détruisirent douze moulins à eau
+établis près de la tour Neuve. Sur quoi les Orléanais, pour ne pas
+manquer de farine, construisirent dans la ville onze moulins à
+chevaux[482]. Il y eut quelques escarmouches en avant du pont, et le
+jeudi 21 octobre les Anglais donnèrent l'assaut au boulevard des
+Tourelles. La petite troupe de routiers au service de la ville et les
+milices bourgeoises firent une belle défense. Les femmes les aidèrent.
+Pendant les quatre heures que dura l'assaut, les commères en longues
+files couraient sur le pont, portant au boulevard leurs marmites et
+leurs écuelles pleines de charbons allumés, d'huile et de graisse
+bouillantes, avec une joie furieuse d'échauder les Godons[483].
+L'assaut fut repoussé, mais, deux jours après, les Français
+s'aperçurent que le boulevard était miné; c'est-à-dire que les Anglais
+avaient creusé en dessous des galeries dont ils avaient ensuite
+incendié les étais. Ce boulevard, devenu intenable, au dire des gens
+de guerre, fut détruit et abandonné. On ne crut pas pouvoir défendre
+les Tourelles ainsi démunies. Ces châtelets qui, jadis, arrêtaient
+pendant des mois toute une armée, ne valaient plus rien contre les
+pierres de canon. On construisit en avant de la Belle-Croix un
+boulevard de terre et de bois, on coupa deux arches du pont en arrière
+du boulevard, on mit à la place un tablier mobile. Et quand ce fut
+fait, on laissa, non sans regret, le fort des Tourelles aux Anglais,
+qui firent un boulevard de terre et de fagots sur le pont, et
+rompirent deux arches, l'une en avant, l'autre en arrière de leur
+boulevard[484].
+
+[Note 482: _Journal du siège_, p. 4.]
+
+[Note 483: _Ibid._, p. 7-8.--Lottin, _Recherches_, t. I, pp. 208,
+210.]
+
+[Note 484: _Journal du siège_, pp. 5 à 8.]
+
+Le dimanche, vers le soir, quelques heures après que l'étendard de
+saint Georges eut été planté sur le fort, le comte de Salisbury monta
+dans une des tours avec William Glasdale et quelques capitaines, pour
+observer l'assiette de la ville. S'approchant d'une fenêtre, il vit
+les murs armés de canons, les tours coiffées en pointe ou terminées en
+terrasse, l'enceinte sèche et grise, les faubourgs ornés, pour
+quelques jours encore, de la pierre dentelée de leurs églises et de
+leurs moustiers, les vignes et les bois jaunis par l'automne, la Loire
+et ses îles ovales endormies dans la paix du soir. Il cherchait le
+point faible des remparts, l'endroit où il pourrait faire brèche et
+appuyer les échelles. Car son projet était de prendre Orléans
+d'assaut. William Glasdale lui dit:
+
+--Monseigneur, regardez bien votre ville. Vous la voyez d'ici bien à
+plain.
+
+À ce moment, un boulet de canon écorne l'embrasure de la fenêtre, une
+pierre de la muraille va frapper Salisbury et lui emporte un oeil
+avec la moitié du visage. Le coup était parti de la tour Notre-Dame.
+C'est du moins ce qu'on s'accorda à croire. On ne sut jamais qui
+l'avait tiré. Un homme de la ville, accouru au bruit, vit un enfant
+qui s'échappait de la tour et le canon déserté. On pensa que cette
+pierre avait été lancée par la main d'un innocent, avec la permission
+de la Mère de Dieu, irritée de ce que le comte de Salisbury avait
+dépouillé les moines et pillé l'église Notre-Dame-de-Cléry. On disait
+encore qu'il était puni pour avoir manqué à son serment, ayant promis
+au duc d'Orléans de respecter ses terres et ses villes. Porté
+secrètement à Meung-sur-Loire, il y trépassa le mercredi 27 d'octobre;
+de quoi les Anglais furent dolents[485]. La plupart d'entre eux
+estimaient qu'ils perdaient gros à la mort de ce chef qui menait le
+siège avec vigueur et avait, en moins de douze jours, enlevé le joyau
+de guerre des Orléanais, les Tourelles; mais d'autres jugeaient qu'il
+avait été bien simple de croire que ses boulets de pierre, après avoir
+traversé les eaux et les sables d'un large fleuve, renverseraient le
+mur épais contre lequel ils arrivaient essoufflés et mourants, et
+qu'il avait été bien fou de vouloir emporter de force une ville qu'on
+ne pouvait réduire que par la famine. Et ils songeaient: «Il est mort.
+Dieu ait son âme! Mais il nous a mis dans de vilains draps.»
+
+[Note 485: _Journal du siège_, pp. 10, 12.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 264.--Monstrelet, t. IV, p. 298.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 63.--_Mistère d'Orléans_, vers 3104 et
+suiv.--_Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 288.--Morosini,
+t. III, p. 131.--Lorenzo Buonincontro, dans Muratori, _Rerum
+Italicarum Scriptores_, t. XXI, col. 136.--Jarry, _Le compte de
+l'armée anglaise_, pp. 85-86.]
+
+On conta que maître Jean des Builhons, astrologue fameux, avait prédit
+cette mort[486], et que le comte de Salisbury, la nuit d'avant le jour
+funeste, avait rêvé qu'un loup l'égratignait. Un clerc normand fit de
+cette male mort deux chansons, l'une contre et l'autre pour les
+Anglais. La première, qui est la meilleure, se termine par un couplet
+digne, en sa profonde sagesse, du roi Salomon lui-même[487]:
+
+ Certes le duc de Bedefort,
+ Se sage est, il se tendra
+ Avec sa femme en ung fort,
+ Chaudement le mieulx[488] que il porra,
+ De bon ypocras finera.
+ Garde son corps, lesse la guerre:
+ Povre et riche porrist en terre.
+
+[Note 486: _Procès_, t. IV, p. 345.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+263.--_Journal du siège_, p. 10.--Vallet de Viriville, _Histoire de
+Charles VII_, t. II, p. 32.]
+
+[Note 487: L. Jarry, _Deux chansons normandes_, Orléans, 1894,
+in-8º, p. 11.]
+
+[Note 488: Le texte publié par M. Jarry porte «mielux».]
+
+Le lendemain de la perte des Tourelles et quand on y avait déjà
+remédié autant que possible, le lieutenant général du roi entra dans
+la ville. C'était le seigneur Jean, bâtard d'Orléans, comte de Porcien
+et de Mortaing, grand chambellan de France, fils du duc Louis,
+assassiné en 1407 par l'ordre de Jean-Sans-Peur et dont la mort avait
+armé les Armagnacs contre les Bourguignons. La dame de Cany, sa mère,
+l'avait «robé» à la duchesse d'Orléans. Non seulement, il ne nuisait
+en rien aux enfants d'être conçus en adultère et autrement qu'en
+légitime mariage, mais encore c'était grand honneur que de se pouvoir
+dire bâtard de prince. Jamais on n'avait vu tant de bâtards qu'en ces
+temps de guerre et l'on faisait courir ce dicton: Les enfants sont
+comme le froment: semez du blé volé, il poussera aussi bien que
+d'autre[489]. Le Bâtard d'Orléans avait alors tout au plus vingt-six
+ans. L'année précédente, en petite compagnie, il avait couru porter
+des vivres aux habitants de Montargis, assiégés par le comte de
+Warwick. La ville qu'il venait seulement ravitailler, il l'avait
+délivrée, avec l'aide du capitaine La Hire, ce qui était de bon augure
+pour Orléans[490]. Le Bâtard était déjà le plus adroit seigneur de son
+temps. Il savait la grammaire et l'astrologie et parlait mieux que
+personne[491]. Il tenait de son père par son esprit aimable et clair,
+mais il était plus prudent et plus tempéré. En le voyant si aimable,
+courtois et avisé, on disait qu'il était en la grâce de toutes les
+dames et même de la reine[492]. Il était apte à tout, à la guerre
+comme aux négociations, merveilleusement adroit, et d'une
+dissimulation consommée.
+
+[Note 489: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I,
+p. 25; t. II, p. 389.]
+
+[Note 490: Monstrelet, t. IV, pp. 273, 274.--_Chronique du la
+Pucelle_, pp. 243, 247.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p.
+54.--_Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 221.--_Cronique
+Martiniane_, p. 7.]
+
+[Note 491: Jean Chartier, _Chronique_, t. II, p. 105.]
+
+[Note 492: Mathieu d'Escouchy, _Chronique_, édit. de Beaucourt,
+Paris, 1863, t. I, p. 186.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_,
+t. II, p. 236.]
+
+Monseigneur le Bâtard amenait quelques chevaliers, capitaines et
+écuyers de renom, c'est-à-dire de haute maison ou grande vaillance, le
+maréchal de Boussac, messire Jacques de Chabannes, sénéchal de
+Bourbonnais, le seigneur de Chaumont, messire Théaulde de Valpergue,
+chevalier lombard, le capitaine La Hire, qui guerroyait et pillait
+merveilleusement, et venait de si bien faire à la rescousse de
+Montargis; et Jean, sire de Bueil, un de ces jouvenceaux venus au roi
+sur un cheval boiteux et qui avaient reçu les leçons de deux dames
+expertes: Souffrance et Pauvreté. Ils arrivaient suivis de huit cents
+hommes, archers, arbalétriers et fantassins d'Italie, portant de
+grandes targes, comme les Saint Georges des églises de Venise et de
+Florence. C'était tout ce qu'on avait pu ramasser pour le moment de
+seigneurs et de routiers[493].
+
+[Note 493: _Journal du siège_, pp. 10 et 12.--_Cronique
+Martiniane_, p. 8.--_Le Jouvencel_, p. 277.--Loiseleur, _Comptes des
+dépenses_, pp. 90, 91.]
+
+L'armée de Salisbury, ayant perdu son chef, se dissipait en troubles
+et en désertions. L'hiver venait; les capitaines voyant que, pour
+l'heure, il n'y avait rien à tenter, quittèrent la place avec ce qui
+leur restait d'hommes et s'allèrent abriter sous les murs de Meung et
+de Jargeau[494]. Le 8 novembre au soir, il ne demeurait devant la
+ville que la garnison des Tourelles, composée de cinq cents hommes des
+lances de Normandie, sous le commandement de William Molyns et de
+William Glasdall. Les Français pouvaient les assiéger et les réduire:
+ils ne bougèrent pas. Le gouverneur, le vieux sire de Gaucourt, venait
+de se casser le bras en tombant sur le pavé de la rue des Hôtelleries;
+il ne pouvait se remuer[495]. Mais les autres?
+
+[Note 494: _Journal du siège_, pp. 12, 13.--Abbé Dubois, _Histoire
+du siège_, p. 245.--Boucher de Molandon et de Beaucorps, _L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc_, pp. 92, 111.--Jean de Bueil, _Le
+Jouvencel_, _passim_.]
+
+[Note 495: _Journal du siège_, p. 7.]
+
+La vérité est que personne ne savait que faire. Sans doute ces gens de
+guerre connaissaient plusieurs moyens de secourir une ville assiégée,
+mais qui tous revenaient à un coup de main[496]. Ils ne s'entendaient
+qu'aux rescousses, aux escarmouches, aux embuscades, aux vaillantises
+d'armes. S'ils ne réussissaient pas à faire lever un siège tout de
+suite, par surprise, ils restaient cois, à bout de ressources et
+d'invention. Leurs plus expérimentés capitaines n'étaient pas capables
+d'un effort commun, d'une action concertée, de toute entreprise enfin
+exigeant quelque esprit de suite et la subordination de tous à un
+seul. Chacun n'en faisait qu'à sa tête et ne songeait qu'au butin. La
+défense d'Orléans passait de beaucoup leur entendement.
+
+[Note 496: _Le Jouvencel_, t. I, p. 142.]
+
+Durant vingt et un jours, le capitaine Glasdall resta retranché, avec
+ses cinq cents Anglais, sous ses Tourelles écornées, entre son
+boulevard du Portereau, qui n'avait pu être tout de suite bien
+redoutable, et son boulevard du Pont, qui n'était qu'une barrière de
+bois qu'un tison pouvait faire flamber.
+
+Cependant les bourgeois travaillaient. Ils accomplirent, après le
+départ des Anglais, un labeur énorme et douloureux. Pensant avec
+raison que l'ennemi reviendrait, non plus par la Sologne, mais par la
+Beauce, ils détruisirent tous leurs faubourgs du couchant, du nord et
+du levant, comme ils avaient déjà détruit ou commencé de détruire le
+Portereau. Ils incendièrent et abattirent vingt-deux églises et
+moutiers, entre autres l'église Saint-Aignan et son cloître si beau
+que c'était pitié de le voir abîmé, l'église Saint-Euverte, l'église
+Saint-Laurent-des-Orgerils, non sans promettre aux benoîts patrons de
+la ville de leur en rebâtir de plus belles quand ils seraient délivrés
+des Anglais[497].
+
+[Note 497: _Journal du siège_, p. 19.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 270.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 61.--Le P. Denifle, _La
+désolation des églises de France_, supplique C.]
+
+Le 30 novembre, le capitaine Glasdall vit venir aux Tourelles sir John
+Talbot, qui lui amenait trois cents combattants munis de canons,
+bombardes et autres engins de guerre, et, dès lors, le bombardement
+reprit plus violent que la première fois, crevant des toits, écornant
+des murs et faisant plus de bruit que de besogne. Dans la rue
+Aux-Petits-Souliers, une pierre de bombarde tomba sur la table autour
+de laquelle cinq personnes dînaient et qui n'eurent point de mal. On
+estima que c'était un miracle accompli par Notre-Seigneur à la requête
+de saint Aignan, patron de la ville[498]. Ceux d'Orléans avaient de
+quoi répondre. Douze canonniers de métier desservaient, avec des
+servants à eux, les soixante-dix canons et bombardes qui composaient
+l'artillerie de la ville. Un très subtil ouvrier nommé Guillaume Duisy
+avait fondu pour eux une bombarde qui fut placée à la croiche ou
+éperon de la poterne Chesneau et qui jetait sur les Tourelles des
+pierres de cent vingt livres. Près de cette bombarde on mit deux
+canons, l'un s'appelait _Montargis_, parce que c'était les habitants
+de Montargis qui l'avaient prêté, l'autre portait le nom d'un diable
+très populaire _Rifflart_[499]. Un couleuvrinier, natif de Lorraine et
+demeurant à Angers, avait été envoyé par le roi à Orléans où il
+recevait douze livres de solde par mois. Il avait nom Jean de
+Montesclère; tenu pour le meilleur maître qui fût alors de son métier,
+il gouvernait une grosse couleuvrine qui causait grand dommage aux
+Anglais[500]. Maître Jean était de plus un homme jovial. Parfois,
+quand tombait une pierre de canon dans son voisinage, il se laissait
+choir à terre et se faisait porter en ville, à la grande joie des
+Anglais qui le croyaient mort. Mais leur joie était courte, car maître
+Jean revenait bientôt à son poste et les bombardait comme devant[501].
+Ces couleuvrines se chargeaient avec des balles de plomb, au moyen
+d'une baguette de fer. C'était de très petits canons ou, si l'on veut,
+de grands fusils posés sur un chariot. On les maniait aisément[502].
+Aussi, maître Jean portait-il la sienne partout où il en était besoin.
+
+[Note 498: _Journal du siège_, pp. 16 et 17.]
+
+[Note 499: _Ibid._, p. 17.--J.-L. Micqueau, _Histoire du siège
+d'Orléans par les Anglais_, traduite par Du Breton, Paris, 1631, p.
+27.--Abbé Dubois, _Histoire du siège_, p. 287.--Lottin, _Recherches_,
+t. I, pp. 209, 210.]
+
+[Note 500: _Journal du siège_, p. 18.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. CLXXXV.--Loiseleur, _Compte des dépenses faites par
+Charles VII pour secourir Orléans_, dans _Mém. Soc. Arch. de
+l'Orléanais_, t. XI, pp. 114 et 186.]
+
+[Note 501: _Journal du siège_, p. 28.--Lottin, _Recherches_, t. I,
+p. 214.]
+
+[Note 502: Loiseleur, _Comptes_, p. 114.--P. Mantellier, _Histoire
+du siège_, p. 33.]
+
+Le 25 décembre, pour célébrer la Nativité de Notre-Seigneur, on fit
+trêve. Comme les deux peuples avaient même foi et même religion, ils
+cessaient d'être ennemis aux jours de fête et la courtoisie renaissait
+entre chevaliers des deux camps chaque fois que le calendrier leur
+rappelait qu'ils étaient chrétiens. La Noël est une féerie joyeuse. Le
+capitaine Glasdall désira la chômer avec des chansons, selon la
+coutume d'Angleterre. Il demanda à Monseigneur Jean, bâtard d'Orléans,
+et au maréchal de Boussac, de vouloir bien lui envoyer une troupe de
+ménétriers, ce qu'ils firent gracieusement. Les ménétriers d'Orléans
+se rendirent aux Tourelles avec leurs trompettes et leurs clairons et
+jouèrent aux Anglais des Noëls qui leur réjouirent le coeur. Les
+Orléanais, qui vinrent sur le pont écouter la musique, trouvèrent que
+c'était grande mélodie. Mais, sitôt la trêve expirée, chacun prit
+garde à soi. Car, d'une rive à l'autre, les canons reposés lancèrent
+avec une nouvelle vigueur les boulets de pierre et de cuivre[503].
+
+[Note 503: _Journal du siège_, pp. 15, 18.]
+
+Ce que les Orléanais avaient prévu se réalisa le 30 décembre. Ce jour-là,
+les Anglais vinrent en force par la Beauce à Saint-Laurent-des-Orgerils.
+Toute la chevalerie française alla au-devant d'eux et fit des prouesses;
+mais les Anglais occupèrent Saint-Laurent: le véritable siège
+commençait[504]. Ils construisirent un boulevard sur la rive gauche de
+la Loire, à l'ouest de Portereau, en un lieu nommé le champ de
+Saint-Privé. Ils en construisirent un autre dans l'île Charlemagne. Sur
+la rive droite, ils établirent à Saint-Laurent-des-Orgerils un camp
+retranché; puis, à une portée d'arbalète sur la route de Blois, en un
+lieu dit la Croix-Boissée, ils construisirent un autre boulevard. À deux
+portées d'arbalète, au nord, sur la route du Mans, au lieu dit des
+Douze-Pierres, ils élevèrent une bastille qu'ils nommèrent Londres[505].
+
+[Note 504: _Ibid._, p. 20.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+265.--Abbé Dubois, _Histoire du siège_, p. 252.--Jollois, _Histoire du
+siège_, pp. 26, 27.]
+
+[Note 505: Relation de G. Girault, dans _Procès_, t. IV, p.
+283.--Morosini, t. III, p. 16, note 5; t. IV, annexe XIII.]
+
+Ces travaux achevés, Orléans n'était cerné qu'à moitié. Autant dire
+qu'il ne l'était pas du tout: on y entrait et on en sortait à peu près
+comme on voulait. De petites compagnies de secours, envoyées par le
+roi, arrivaient sans encombre. Le 5 janvier, l'amiral de Culant
+traverse la Loire devant Saint-Loup avec cinq cents combattants et
+pénètre dans la ville par la porte de Bourgogne. Le 8 février, William
+Stuart, frère du connétable d'Écosse, et plusieurs chevaliers et
+écuyers font leur entrée avec mille combattants très bien équipés. Ils
+sont suivis le lendemain par trois cent vingt soldats. Les vivres et
+les munitions ne cessent d'arriver. En janvier, le 3, neuf cent
+cinquante-quatre pourceaux et quatre cents moutons; le 10, poudres et
+victuailles; le 12, six cents pourceaux; le 24, six cents têtes de
+gros bétail et deux cents pourceaux; le 31, huit chevaux chargés
+d'huiles et de graisses[506].
+
+[Note 506: _Journal du siège_, pp. 22, 23, 24, 25, 27, 34.]
+
+Lord Scales, William Pole et sir John Talbot, qui conduisaient le
+siège depuis la mort du comte de Salisbury[507], s'apercevaient que
+des mois s'écouleraient et des mois encore avant que l'investissement
+fût complet et la place enfermée dans un cercle de bastilles reliées
+entre elles par un fossé continu. En attendant, les malheureux Godons
+enfonçaient dans la boue et la neige et gelaient dans leurs mauvais
+abris de terre et de bois qu'on nommait des taudis. Ils risquaient,
+leurs affaires allant de ce train, d'y être plus dépourvus et plus
+affamés que les assiégés. Aussi, de même que le défunt comte de
+Salisbury, s'efforçaient-ils parfois encore de brusquer les choses. De
+temps en temps, ils essayaient, sans grand espoir, de prendre la ville
+d'assaut.
+
+[Note 507: Boucher de Molandon et A. de Beaucorps, _L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc_, pp. 3 et suiv.--Jarry, _Le compte
+de l'armée anglaise_, pièce justificative V, p. 233.]
+
+Du côté de la porte Renart, le mur était moins haut qu'ailleurs et,
+comme ils se trouvaient en force et puissance de ce côté, ils
+attaquaient ce mur de préférence. Il faut dire qu'ils n'y mettaient
+guère de malice. Ils se ruaient sur la porte Renart en criant
+furieusement: «Saint Georges!» se heurtaient aux barrières et se
+faisaient reconduire à leurs boulevards par les gens du roi et les
+gens de la commune[508]. Ces assauts, mal préparés, leur faisaient
+perdre chaque fois quelques gens d'armes bien inutilement. Et déjà ils
+manquaient d'hommes et de chevaux.
+
+[Note 508: _Journal du siège_, pp. 21, 22, 30.]
+
+Ils n'avaient pas réussi à effrayer les Orléanais en les bombardant
+sur deux côtés à la fois, au midi et au couchant. On fut longtemps à
+rire, dans la ville, d'une grosse pierre de canon tombée à la porte
+Bannier, au milieu de plus de cent personnes, sans en toucher aucune,
+si ce n'est un compagnon à qui elle ôta son soulier et qui en fut
+quitte pour se rechausser[509].
+
+[Note 509: _Ibid._, p. 26.]
+
+Cependant les seigneurs français faisaient à leur plaisir des
+vaillantises d'armes. Ils couraient aux champs, selon leur fantaisie,
+sous le moindre prétexte, mais toujours pour ramasser quelque butin, car
+ils ne songeaient guère qu'à cela. Un jour, entre autres, vers la fin de
+janvier, comme il faisait grand froid, quelques maraudeurs anglais
+vinrent dans les vignes de Saint-Ladre et de Saint-Jean-de-la-Ruelle
+enlever des échalas pour se chauffer. Le guetteur les signale: aussitôt
+voilà toutes les bannières au vent. Le maréchal de Boussac, messire
+Jacques de Chabannes, sénéchal du Bourbonnais, messire Denis de Chailly,
+maint autre seigneur et avec eux routiers et capitaines, courent aux
+champs. Chacun d'eux n'avait certainement pas vingt hommes à
+commander[510].
+
+[Note 510: _Journal du siège_, p. 32.]
+
+Le Conseil royal travaillait avec ardeur à secourir Orléans. Le roi
+appela sa noblesse d'Auvergne, demeurée fidèle aux fleurs de Lis
+depuis le jour où, dauphin et chanoine de Notre-Dame-d'Ancis, presque
+enfant encore, il était allé avec quelques chevaliers ramener à
+l'obéissance deux ou trois seigneurs révoltés sur leurs puys
+sauvages[511]. À l'appel du roi, la noblesse auvergnate sortit de ses
+montagnes et, sous l'étendard du comte de Clermont, arriva, dans les
+premiers jours de février, à Blois, où elle se réunit aux Écossais de
+John Stuart de Darnley, connétable d'Écosse, et aux gens du
+Bourbonnais, venus sous les bannières des seigneurs de la
+Tour-d'Auvergne et de Thouars[512].
+
+[Note 511: _Gallia Christiana_, t. II, p. 732.--Vallet de
+Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I, p. 213; t. II, p. 6, note
+2.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CCXCV.]
+
+[Note 512: _Journal du siège_, pp. 21, 36-38.--Compte de Hémon
+Raguier, Bibl. Nat., fr. 7858, fol. 41.--Loiseleur, _Comptes et
+dépenses de Charles VII pour secourir Orléans_, _loc. cit._]
+
+On apprit à ce moment que sir John Falstolf amenait de Paris aux
+Anglais d'Orléans un convoi de vivres et de munitions. Monseigneur le
+Bâtard quitta Orléans, accompagné de deux cents hommes d'armes, et
+alla s'entendre avec le comte de Clermont sur ce qu'il y avait à
+faire. Il fut décidé qu'on attaquerait d'abord le convoi. Toute
+l'armée de Blois, sous le commandement du comte de Clermont et la
+conduite de monseigneur le Bâtard, marcha sur Étampes à la rencontre
+de sir John Falstolf[513].
+
+[Note 513: _Journal du siège_, p. 37.]
+
+Le 11 février, quinze cents combattants commandés par messire
+Guillaume d'Albret, sir William Stuart, frère du connétable d'Écosse,
+le maréchal de Boussac, le seigneur de Gravelle, les deux capitaines
+Saintrailles, le capitaine La Hire, le seigneur de Verduzan et autres
+chevaliers et écuyers, sortirent d'Orléans, mandés par le Bâtard, avec
+ordre de rejoindre l'armée du comte de Clermont sur la route
+d'Étampes, au village de Rouvray-Saint-Denis, proche Angerville[514].
+
+[Note 514: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 231.--_Chronique
+de la Pucelle_, pp. 266, 267.--_Journal du siège_, pp. 37, 38.]
+
+Ils arrivèrent à Rouvray le lendemain samedi 12 février, veille des
+Brandons, quand l'armée du comte de Clermont était encore assez loin;
+là, de bon matin, les Gascons de Poton et de La Hire aperçurent la
+tête du convoi qui, par la route d'Étampes, s'avançait dans la plaine.
+Trois cents charrettes et chariots de vivres et d'armes roulaient à la
+file conduits par des soldats anglais, par des marchands et des
+paysans normands, picards et parisiens, quinze cents hommes au plus,
+tranquilles et sans méfiance. Il vint aux Gascons l'idée naturelle de
+tomber sur ces gens et de les culbuter au moment où ils s'y
+attendaient le moins[515]. En toute hâte, ils envoyèrent demander au
+comte de Clermont la permission d'attaquer. Beau comme Absalon et
+comme Pâris de Troye, plein de faconde et de jactance, le comte de
+Clermont, jouvenceau non des plus sages, armé chevalier le jour même,
+en était à sa première affaire[516]. Il fit dire sottement aux Gascons
+de ne point attaquer avant sa venue. Les Gascons obéirent à grand
+déplaisir, voyant ce qu'on perdait à attendre. Car, s'apercevant enfin
+qu'ils sont dans la gueule du loup, les chefs anglais, sir John
+Falstolf, sir Richard Guethin, bailli d'Évreux, sir Simon Morhier,
+prévôt de Paris, se mettent en belle ordonnance de bataille. Ils font,
+dans la plaine, avec leurs charrettes, un parc long et étroit où ils
+retranchent les gens de cheval, et au devant duquel ils placent les
+archers derrière des pieux fichés en terre, la pointe inclinée vers
+l'ennemi[517]. Ce que voyant, le connétable d'Écosse perd patience et
+mène ses quatre cents cavaliers contre les pieux où ils se
+rompent[518]. Les Anglais, découvrant qu'ils n'ont affaire qu'à une
+petite troupe, font sortir leur cavalerie et chargent si roidement
+qu'ils culbutent les Français et en tuent trois cents. Cependant les
+Auvergnats avaient atteint Rouvray et, répandus dans le village, ils
+en mettaient les celliers à sec. Monseigneur le Bâtard s'en détacha et
+vint en aide aux Écossais avec quatre cents combattants. Mais il fut
+blessé au pied et en grand danger d'être pris[519].
+
+[Note 515: _Journal du siège_, pp. 38, 39.--_Chronique de la
+Pucelle_, pp. 267, 268.--_Mistère du siège_, vers 8867.--Dom Plancher,
+_Histoire de Bourgogne_, t. IV, p. 127.]
+
+[Note 516: Monstrelet, t. IV, p. 312.--_Journal du siège_, p.
+43.--Chastellain, éd. Kervyn de Lettenhove, t. II, p. 164.]
+
+[Note 517: Monstrelet, t. IV, p. 311.--_Journal du siège_, p.
+39.--_Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 231.--_Chronique de la
+Pucelle_, pp. 267 et 268.--Perceval de Cagny, pp. 137 et 139.]
+
+[Note 518: _Journal du siège_, pp. 40, 41.]
+
+[Note 519: _Ibid._, p. 43.--_Journal d'un bourgeois de Paris_, p.
+232.]
+
+Là tombèrent messire William Stuart et son frère, les seigneurs de
+Verduzan, de Châteaubrun, de Rochechouart, Jean Chabot, avec plusieurs
+autres de grande noblesse et renommée vaillance[520]. Les Anglais, non
+encore saouls de tuerie, s'éparpillèrent à la poursuite des fuyards.
+La Hire et Poton, voyant alors les étendards ennemis dispersés dans la
+plaine, réunirent ce qu'ils purent, soixante à quatre-vingts
+combattants, et se jetèrent sur un petit parti d'Anglais qu'ils
+écrasèrent. À ce moment, si les autres Français avaient rallié,
+l'honneur et le profit de la journée leur serait peut-être
+revenu[521]. Mais le comte de Clermont, qui n'avait pas fait mine de
+secourir les hommes du connétable d'Écosse et du Bâtard, déploya
+jusqu'au bout son inébranlable lâcheté. Les ayant vu tous tuer, il
+s'en retourna avec son armée à Orléans, où il arriva fort avant dans
+la nuit (12 février)[522]. Le seigneur de La Tour-d'Auvergne, le
+vicomte de Thouars, le maréchal de Boussac, le Bâtard se tenant à
+grand'peine sur sa monture, suivaient avec leurs troupes en désarroi.
+Jamet du Tillay, La Hire et Poton venaient les derniers, veillant à ce
+que les Anglais des bastilles ne leur tombassent dessus, ce qui eût
+achevé la déconfiture[523].
+
+[Note 520: _Ibid._, p. 43--_Chronique de la Pucelle_, p.
+269.--Monstrelet, t. IV, p. 313.]
+
+[Note 521: _Journal du siège_, p. 42.--Jean Chartier, _Chronique_,
+t. I, p. 63.]
+
+[Note 522: _Ibid._, p. 44.]
+
+[Note 523: _Ibid._, pp. 43, 44.]
+
+Comme on entrait dans le saint temps du carême, les vivres, amenés de
+Paris aux Anglais d'Orléans par sir John Falstolf, se composaient
+surtout de harengs saurs qui, durant la bataille, avaient beaucoup
+pâti dans leurs caques défoncées. Pour faire honneur aux Français
+d'avoir déconfit tant de Dieppois, les joyeux Anglais nommèrent cette
+journée la journée des Harengs[524].
+
+[Note 524: _Journal d'un bourgeois de Paris_, pp.
+230-233.--Monstrelet, t. IV, p. 313.--Jean Chartier, _Chronique_, t.
+II, p. 62.--Symphorien Guyon, _Histoire de la ville d'Orléans_, t. II,
+p. 195.--Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. II, p.
+37.]
+
+Le comte de Clermont, bien qu'il fût beau cousin du roi, reçut mauvais
+accueil des Orléanais. On jugeait sa conduite honteuse et malhonnête
+et quelques-uns le lui firent entendre. Le lendemain, il s'esquiva
+avec ses Auvergnats et ses Bourbonnais, aux applaudissements du peuple
+qui ne voulait pas nourrir ceux qui ne se battaient pas[525]. En même
+temps, messire Louis de Culant, amiral de France, et le capitaine La
+Hire, quittaient la ville avec deux mille hommes d'armes et, quand on
+sut leur départ, ce furent de telles huées, qu'il leur fallut, pour
+apaiser les bourgeois, leur promettre qu'ils les allaient secourir de
+gens et de vivres, ce qui était la pure vérité. Messire Regnault de
+Chartres, qui était venu dans la ville à un moment qu'on ne saurait
+dire, partit avec eux, ce dont on ne pouvait lui faire grief, puisque,
+chancelier de France, sa place était au Conseil du Roi. Mais ce qui
+devait paraître assez étrange, c'est que le successeur de Monsieur
+saint Euverte et de Monsieur saint Aignan, messire de Saint-Michel,
+quitta alors son siège épiscopal et délaissa son épouse affligée[526].
+Quand les rats s'en vont, c'est que le navire va couler. Il ne restait
+plus dans la ville que monseigneur le Bâtard et le maréchal de
+Boussac. Encore le maréchal ne devait-il pas demeurer très longtemps.
+Il partit au bout d'un mois, disant qu'il lui fallait aller près du
+roi et aussi prendre possession de plusieurs terres qui lui étaient
+échues du chef de sa femme, par la mort du seigneur de Châteaubrun son
+beau-frère, qui avait été tué à la journée des Harengs[527]. Ceux de
+la ville tinrent cette raison pour bonne et suffisante; il leur promit
+de revenir bientôt, et ils furent contents. Or, le maréchal de Boussac
+était un des seigneurs les plus attachés au bien du royaume[528]. Mais
+quiconque avait terre se devait à sa terre.
+
+[Note 525: _Journal du siège_, pp. 50, 52.]
+
+[Note 526: _Ibid._, p. 51.]
+
+[Note 527: _Journal du siège_, p. 59.]
+
+[Note 528: Thaumas de la Thaumassière, _Histoire du Berry_,
+Bourges, 1689, in-fol., pp. 648-656.]
+
+Les bourgeois, se croyant trahis et délaissés, avisèrent à leur
+sûreté. Et puisque le roi ne les savait garder, ils résolurent, pour
+échapper aux Anglais, de se donner à plus puissant que lui. Ils
+envoyèrent à monseigneur Philippe, duc de Bourgogne, le capitaine
+Poton de Saintrailles, qui lui était connu pour avoir été son
+prisonnier, et deux procureurs de la ville, Jean de Saint-Avy et Guion
+du Fossé, avec mission de le prier et requérir qu'il voulût bien les
+regarder favorablement et que, pour l'amour de son bon parent, leur
+seigneur Charles, due d'Orléans, prisonnier en Angleterre et empêché
+de garder lui-même ses terres, il lui plût amener les Anglais à lever
+le siège, jusqu'à ce que le trouble du royaume fût éclairci. C'était
+leur ville qu'ils offraient de remettre en dépôt aux mains du duc de
+Bourgogne, selon les voeux secrets de Monseigneur Philippe, qui,
+ayant envoyé quelques centaines de lances bourguignonnes sous Orléans,
+aidait les Anglais à prendre la ville et n'entendait pas les y aider
+gratuitement[529].
+
+[Note 529: Monstrelet, t. IV, p. 317.--_Journal du siège_, p.
+52.--_Chronique de la Pucelle_, p. 269.--Jean Chartier, _Chronique_,
+t. I, p. 65.--Morosini, pp. 16, 17; t. IV, annexe XIV.--Du Tillet,
+_Recueil des traités_, p. 221.]
+
+Les Orléanais, en attendant le jour incertain et lointain où ils
+seraient ainsi gardés, continuèrent à se garder eux-mêmes de leur
+mieux. Mais ils étaient soucieux et non sans raison. Car s'ils
+veillaient à ce que l'ennemi ne pût entrer, ils ne découvraient aucun
+moyen de le chasser bientôt. Dans les premiers jours de mars, ils
+observèrent avec inquiétude que les Anglais creusaient un fossé pour
+aller à couvert d'une bastille à l'autre depuis la Croix-Boissée
+jusqu'à Saint-Ladre. Ils essayèrent de détruire cet ouvrage. Ils
+attaquèrent les Godons avec vigueur et firent quelques prisonniers.
+Maître Jean tua de sa couleuvrine, en deux coups, cinq personnes,
+parmi lesquelles lord Gray, neveu du feu comte de Salisbury[530]; mais
+ils n'empêchèrent pas les Anglais d'accomplir leur travail. Ils
+voyaient le siège se poursuivre avec une terrible rigueur. Agités de
+doutes et de craintes, brûlés d'inquiétude, sans sommeil, sans repos
+et n'avançant à rien, ils commençaient à désespérer. Tout à coup naît,
+s'étend, grandit une rumeur étrange.
+
+[Note 530: _Journal du siège_, p. 54.]
+
+On apprend que par la ville de Gien a passé nouvellement une pucelle
+annonçant qu'elle se rendait à Chinon auprès du gentil dauphin et se
+disant envoyée de Dieu pour faire lever le siège d'Orléans et sacrer
+le roi à Reims[531].
+
+[Note 531: _Procès_, t. III, pp. 21-23.--_Journal du siège_, pp.
+46 et suiv.--_Chronique de la Pucelle_, p. 278.]
+
+Dans le langage familier, une pucelle était une fille d'humble
+condition, gagnant sa vie à travailler de ses mains, et
+particulièrement une servante. Aussi nommait-on pucelles les fontaines
+de plomb dont on se servait dans les cuisines. Le terme était vulgaire
+sans doute; mais il ne se prenait pas en mauvaise part. En dépit du
+méchant dire de Clopinel: «Je lègue ma pucelle à mon curé», il
+s'appliquait à une fille sage, de bonnes vie et moeurs[532].
+
+[Note 532: La Curne et Godefroy, au mot: _Pucelle_.]
+
+Cette nouvelle qu'une petite sainte d'humble condition, une pauvresse
+de Notre-Seigneur, apportait secours divin aux Orléanais, frappa
+vivement les esprits que la peur tournait à la dévotion et qu'exaltait
+la fièvre du siège. La Pucelle annoncée leur inspira une curiosité
+ardente que Monseigneur le Bâtard, en homme avisé, jugea bon
+d'entretenir. Il envoya à Chinon deux gentilshommes chargés de
+s'enquérir de la jeune fille. L'un, messire Archambaud de Villars,
+capitaine de Montargis, qu'il avait déjà, durant le siège, expédié au
+roi, était un très vieux chevalier, familier autrefois du duc Louis
+d'Orléans, un des sept Français qui combattirent contre les sept
+Anglais en l'an 1402, à Montendre[533]; un Orléanais de la première
+heure qui, malgré son grand âge, avait vigoureusement défendu les
+Tourelles, le 21 octobre. L'autre, messire Jamet du Tillay, écuyer
+breton, venait de se faire honneur en couvrant avec ses hommes la
+retraite de Rouvray. Ils partirent et la ville entière attendit
+anxieusement leur retour[534].
+
+[Note 533: _Relation contemporaine du combat de Montendre_, dans
+_Bulletin de la Société de l'Histoire de France_, 1834, pp. 109-113.]
+
+[Note 534: _Procès_, t. III, pp. 3, 125, 215.--_Journal du siège_,
+pp. 5, 6, 31, 44.--_Nouvelle Biographie Générale_, articles de Vallet
+de Viriville.]
+
+
+
+
+CHAPITRE VI
+
+LA PUCELLE À CHINON.--PROPHÉTIES.
+
+
+Du village de Sainte-Catherine-de-Fierbois, Jeanne dicta une lettre
+pour le roi, ne sachant point écrire. Par cette lettre, elle lui
+demandait congé de l'aller trouver à Chinon et l'avisait que, pour lui
+venir en aide, elle avait traversé cent cinquante lieues de pays et
+qu'elle savait beaucoup de choses bonnes pour lui. On a dit qu'elle
+lui annonçait aussi que, même fût-il caché parmi beaucoup d'autres,
+elle saurait bien le reconnaître; mais, interrogée plus tard à ce
+sujet, elle répondit qu'il ne lui en souvenait plus[535].
+
+[Note 535: _Procès_, t. I, pp. 56, 75.]
+
+Vers midi, quand la lettre fut scellée, Jeanne partit avec son escorte
+pour Chinon[536]. Elle allait vers le roi, comme y allaient à cette
+heure, sur un cheval boiteux trouvé dans un pré, tous ces fils
+pauvres des veuves d'Azincourt et de Verneuil, ces jouvenceaux sortis
+à quinze ans de leur tour en ruines et qui venaient se refaire et
+refaire le royaume; comme y allaient Loyauté, Bon désir et
+Famine[537]. Charles VII, c'était la France, l'image et le symbole de
+la France. À cela près, un pauvre homme. Né l'onzième des malheureux
+enfants qu'un malade faisait, entre deux accès de manie furieuse, à
+une Bavaroise poulinière[538], il avait grandi dans les désastres et
+survécu à ses quatre frères aînés, bien que lui-même assez mal venu,
+cagneux, les jambes faibles[539]; vrai fils de roi, si l'on s'en
+rapporte à sa mine, encore n'en faudrait-il pas jurer[540]. D'avoir
+été sur le pont de Montereau ce jour où, disait un juste, mieux eût
+valu être mort que d'y avoir été[541], il demeurait pâle et tremblant,
+et regardait d'un oeil morne tout aller autour de lui à la male heure.
+Après leur victoire de Verneuil et la conquête inachevée du Maine, les
+Anglais, appauvris et fatigués, lui avaient laissé quatre ans de
+répit. Mais ses amis, ses défenseurs, ses sauveurs avaient été
+terribles. Pieux et modeste, se contentant pour lors de sa femme qui
+n'était pas belle, il menait dans ses châteaux de la Loire une vie
+inquiète et triste; il était peureux. On l'eût été à moins: dès qu'il
+donnait un peu d'amitié ou de confiance à un seigneur, on le lui
+tuait. Le connétable de Richemont et le sire de la Trémouille lui
+avaient noyé le sire de Giac après une manière de procès[542]; le
+maréchal de Boussac, sur l'ordre du connétable, lui avait tué Lecamus
+de Beaulieu avec moins de façons. Lecamus se promenait sur sa mule,
+dans un pré au bord du Clain, quand des hommes se jetèrent sur lui,
+l'abattirent, la tête fendue et la main coupée; on ramena au roi la
+mule du favori[543]. Le connétable de Richemont lui avait donné La
+Trémouille, un tonneau, une outre, une espèce de Gargantua qui
+dévorait le pays. La Trémouille ayant chassé Richemont, le roi gardait
+La Trémouille, en attendant le retour de Richemont dont il avait
+grand'peur. Et, de vrai, un prince paisible et timide comme il était,
+devait craindre ce Breton toujours battu, toujours furieux, âpre,
+féroce, à qui sa maladresse et sa violence donnaient un air de rude
+franchise[544].
+
+[Note 536: _Ibid._, t. I, p. 56.]
+
+[Note 537: Bueil, _Le Jouvencel_, t. I, p. 32 et Tringant,
+XV.--Jean Chartier, _Chronique_, ch. CXXXVIII.]
+
+[Note 538: Vallet de Viriville, _Isabeau de Bavière_, 1859, in-8º,
+et _Notes sur l'état civil des princes et princesses nés d'Isabeau de
+Bavière_ dans la _Bibliothèque de l'École des Chartes_, t. XIX, pp.
+473-482.]
+
+[Note 539: Th. Basin, _Histoire de Charles VII et de Louis XI_, t.
+I, p. 312.--Chastellain, édit. Kervyn de Lettenhove, t. 11, p. 178.]
+
+[Note 540: _Chronique du Religieux de Saint-Denis_, t. I, pp. 28
+et 43.--Docteur A. Chevreau, _De la maladie de Charles VI, roi de
+France, et des médecins qui ont soigné ce prince_, dans l'_Union
+Médicale_, février-mars 1862.--De Beaucourt, _Histoire de Charles
+VII_, t. I, p. 4, note.]
+
+[Note 541: Monstrelet, t. III, p. 347.]
+
+[Note 542: Gruel, éd. Le Vavasseur, pp. 46 et suiv.--_Chronique de
+la Pucelle_, p. 239.--Berry, p. 374.--Pierre de Fénin, _Mémoires_,
+édit. de mademoiselle Dupont, pp. 222, 223.--Vallet de Viriville,
+_Histoire de Charles VII_, t. I, p. 453.--De Beaucourt, _Histoire de
+Charles VII_, t. II, p. 432.]
+
+[Note 543: Gruel, pp. 53, 193.--_Geste des Nobles_, p. 200.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, pp. 23, 24, 54.--De Beaucourt, _Histoire
+de Charles VII_, t. II, p. 132.--E. Cosneau, _Le connétable de
+Richemont_, Paris, 1886, in-8º, p. 131.]
+
+[Note 544: Gruel, p. 231.--_Chronique de la Pucelle_, pp. 200,
+248.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 54; t. III, p. 189.--De
+Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p. 142.--E. Cosneau, _Le
+connétable de Richemont_, p. 140.]
+
+En 1428, Richemont voulut reprendre de force sa place auprès du roi.
+Les comtes de Clermont et de Pardiac se joignirent au connétable. La
+belle-mère du roi, Yolande d'Aragon, reine, sans royaume, de Sicile et
+de Jérusalem et duchesse d'Anjou, entra dans le parti des
+mécontents[545]. Le comte de Clermont prit et mit à rançon le
+chancelier de France, le premier ministre de la couronne. Il fallut
+que le roi payât pour ravoir son chancelier[546]. Le connétable
+guerroyait en Poitou contre les gens du roi, tandis que les routiers,
+à la solde du roi, ravageaient les pays restés dans son obéissance et
+que les Anglais s'avançaient sur la Loire.
+
+[Note 545: De Beaucourt, _op. cit._, t. II, pp. 143, 144 et
+suiv.--E. Cosneau, _op. cit._, pp. 142 et suiv.]
+
+[Note 546: Dom Morice, _Preuves de l'histoire de Bretagne_, t. II,
+col. 1199.--De Beaucourt, _op. cit._, t. II, p. 150.--E. Cosneau, _op.
+cit._, p. 144.]
+
+Dans cette condition misérable, le roi Charles, tout mince, étriqué de
+corps et d'esprit, fuyant, craintif, défiant, faisait triste figure:
+pourtant, il en valait bien un autre, et c'était peut-être le roi
+qu'il fallait à cette heure. Un Philippe de Valois, un Jean le Bon
+s'étaient donné l'amusement de perdre des provinces à l'épée. Le
+pauvre roi Charles n'avait ni le goût ni les moyens de faire comme eux
+des vaillantises d'armes, et de chevaucher sur le dos de la piétaille.
+Il avait ceci d'excellent qu'il n'aimait pas du tout les prouesses et
+qu'il n'était ni ne pouvait être de ces chevalereux qui faisaient la
+guerre en beauté. Déjà son grand-père, dépourvu aussi de toute
+chevalerie, avait beaucoup nui aux Anglais. Le petit-fils n'était pas
+sans doute d'aussi grande sapience que Charles V, mais il ne manquait
+point de cautèle et était enclin à penser que souvent on gagne plus
+par traités qu'à la pointe de la lance[547].
+
+[Note 547: P. de Fénin, _Mémoires_, p. 222.--De Beaucourt,
+_Histoire de Charles VII_, Introduction.--E. Charles, _Le caractère de
+Charles VII_, dans _Revue Contemporaine_, t. XXII, pp. 300-328.]
+
+On faisait sur son dénuement des contes ridicules. Un cordonnier,
+disait-on, qu'il ne pouvait payer comptant, lui avait tiré du pied le
+houseau qu'il venait de lui mettre et était parti, le laissant avec
+ses vieux houseaux[548]. On disait encore qu'un jour, La Hire et
+Saintrailles l'étant venu voir, l'avaient trouvé dînant avec la reine
+et n'ayant que deux poulets et une queue de mouton pour tout
+festoiement[549]. C'étaient là des propos à faire rire les bonnes
+gens. Le roi possédait encore de grandes et belles provinces:
+Auvergne, Lyonnais, Dauphiné, Touraine, Anjou, tous les pays au sud
+de la Loire, hors la Guyenne et la Gascogne[550].
+
+[Note 548: Le doyen de Saint-Thibaud, _Tableau des rois de
+France_, dans _Procès_, t. IV, p. 325.]
+
+[Note 549: Martial d'Auvergne, _Les vigiles de Charles VII_, éd.
+Coustelier, 1724, (2 vol. in-12), t. I, p. 56.]
+
+[Note 550: L. Drapeyron, _Jeanne d'Arc et Philippe le Bon_, dans
+_Revue de Géographie_, novembre 1886, p. 331.]
+
+Sa grande ressource était de convoquer les États. La noblesse ne
+donnait rien, alléguant qu'il était ignoble de payer. Si le clergé
+contribuait malgré son dénuement, le tiers portait plus que son faix
+des charges pécuniaires. La taille, impôt extraordinaire, devenait
+annuelle. Le roi assemblait les États tous les ans, souvent deux fois
+l'an, mais non sans peine[551]. Les routes étaient mal sûres. Les
+voyageurs risquaient, à tout bout de champ, d'être détroussés et
+assassinés. Les officiers, qui allaient de ville en ville recouvrer
+les deniers, marchaient sous escorte, de crainte des Écossais et des
+autres gens d'armes au service du roi[552]. En 1427, un routier nommé
+Sabbat, qui tenait garnison à Langeais, faisait trembler la Touraine
+et l'Anjou. Aussi les députés des villes n'étaient-ils pas pressés de
+se rendre aux États. Encore s'ils avaient cru que leur argent fût
+employé pour le bien du royaume! Mais ils savaient que le roi en
+ferait d'abord des présents à ses seigneurs. On les invitait à venir
+aviser sur le moyen de réprimer les pilleries et roberies dont ils
+souffraient[553]; et quand, au risque de leur vie, ils étaient venus
+en chambre royale, il leur fallait consentir la taille en silence. Les
+officiers du roi menaçaient de les faire noyer, s'ils ouvraient la
+bouche. Aux États tenus à Mehun-sur-Yèvre, en 1425, les gens des
+bonnes villes dirent qu'ils étaient contents d'aider le roi, mais
+qu'ils voudraient bien qu'il fût mis fin aux pilleries, et messire
+Hugues de Comberel, évêque de Poitiers, parla comme eux. En
+l'entendant, le sire de Giac dit au roi: «Si l'on m'en croyait, on
+jetterait Comberel dans la rivière avec les autres qui ont été de son
+opinion.» Sur quoi les gens des bonnes villes votèrent deux cent
+soixante mille livres[554]. En septembre 1427, réunis à Chinon, ils
+accordèrent cinq cent mille livres pour la guerre[555]. Par lettres du
+8 janvier 1428, le roi manda aux États généraux de se réunir dans un
+délai de six mois, le 18 juillet suivant, à Tours[556]. Le 18 juillet,
+personne ne vint. Le 22 juillet, nouveau mandement du roi, assignant
+les États à Tours le 10 septembre[557]. L'assemblée n'eut lieu qu'en
+octobre 1428 à Chinon, au moment où le comte de Salisbury marchait sur
+la Loire. Les États accordèrent cinq cent mille livres[558]. Mais on
+s'attendait à ce que bientôt le bon peuple ne pût plus payer. Par ce
+temps de guerre et de roberies, bien des terres étaient en friche,
+bien des boutiques closes, et l'on ne voyait plus beaucoup de
+marchands allant, sur leur bidet, de ville en ville[559].
+
+[Note 551: _Recueil des Ordonnances_, t. XIII, p. XCIX, et la
+table de ce volume au mot: _Impôts_.--Loiseleur, _Compte des
+dépenses_, pp. 51 et suiv.--A. Thomas, _Les États Généraux sous
+Charles VII_ dans le _Cabinet Historique_, t. XXIV, 1878; _Les États
+provinciaux de la France centrale sous Charles VII_, Paris, 1879, 2
+vol. in-8º, _passim_.]
+
+[Note 552: Jean Chartier, _Chronique_, t. III, p. 318.--Vallet de
+Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I, p. 390.--De Beaucourt,
+_Histoire de Charles VII_, t. I, p. 428; t. II, pp. 646 et suiv.]
+
+[Note 553: _Le Jouvencel_, t. I, Introduction, pp. XIX, XX.]
+
+[Note 554: _Chronique de la Pucelle_, p. 237.--Loiseleur, _Compte
+des dépenses_, p. 61.--Vallet de Viriville, _Mémoire sur les
+institutions de Charles VII_, dans _Bibliothèque de l'École des
+Chartes_, t. XXXIII, p. 37.]
+
+[Note 555: Dom Vaissette, _Histoire du Languedoc_, t. IV, p. 471.]
+
+[Note 556: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p.
+167.]
+
+[Note 557: Dom Vaissette, _Histoire du Languedoc_, IV, p. 471.--A.
+Thomas, _Les États Généraux sous Charles VII_, pp. 49-50.]
+
+[Note 558: Dom Vaissette, _Histoire du Languedoc_, t. IV, p.
+472.--Raynal, _Histoire du Berry_, t. III, p. 20.--Loiseleur, _Compte
+des dépenses_, pp. 63 et suiv.--De Beaucourt, _Histoire de Charles
+VII_, t. II, pp. 170 et suiv.]
+
+[Note 559: Th. Basin, _Histoire de Charles VII_, liv. II, ch.
+VI.--Antoine Loysel, _Mémoires des pays, villes, comtés et comtes de
+Beauvais et Beauvoisis_, Paris, 1618, p. 229.--P. Mantellier,
+_Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de
+Loire_, t. I, p. 195.]
+
+L'impôt ne rentrait pas bien et réellement le roi souffrait par défaut
+d'argent. Pour guérir ce grand mal, il employait trois remèdes, dont
+le meilleur ne valait rien. Premièrement, comme il devait à tout le
+monde, à la reine de Sicile[560], à La Trémouille[561], à son
+chancelier[562], à son boucher[563], au chapitre de Bourges qui lui
+fournissait du poisson d'étang[564], à ses cuisiniers[565], à ses
+galopins[566], il engageait l'impôt entre les mains de ses
+créanciers[567]; deuxièmement, il aliénait son domaine: ses villes,
+ses terres étaient à tout le monde, hors à lui[568]; troisièmement, il
+faisait de la fausse monnaie. Ce n'était point par malice, mais par
+nécessité et conformément à l'usage[569].
+
+[Note 560: Dom Morice, _Preuves de l'Histoire de Bretagne_, t. II,
+col. 1145, 1194.--_Ordonnances_, t. XV, p. 147.]
+
+[Note 561: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I,
+p. 373.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p. 175.--Duc
+de La Trémoïlle, _Chartrier de Thouars, documents historiques et
+généalogiques_, p. 17; _Les La Trémoïlle pendant cinq siècles_, t. I,
+p. 175.]
+
+[Note 562: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_. t. II, p.
+632.]
+
+[Note 563: Jean Chartier, _Chronique_, t. III, Comptes, p.
+316.--_Cabinet Historique_, juin 1858, p. 176.]
+
+[Note 564: _Cabinet Historique_, sept. et oct. 1858, p. 263.]
+
+[Note 565: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I,
+p. 374.]
+
+[Note 566: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p.
+634.]
+
+[Note 567: Loiseleur, _Compte des dépenses_, p. 57.]
+
+[Note 568: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p.
+634.]
+
+[Note 569: Vuitry, _Les monnaies sous les trois premiers Valois_,
+Paris, 1881, in-8º, pp. 29 et suiv.--Loiseleur, _Compte des dépenses_,
+p. 47.--Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I, p.
+243.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, pp. 620 et
+suiv.]
+
+Le sire de La Trémouille portait le seul titre de
+conseiller-chambellan, mais il était aussi le grand usurier du
+royaume. Il avait pour débiteurs le roi et une multitude de seigneurs
+grands ou petits[570]. C'était donc un homme puissant. En ces temps
+difficiles, il rendit à la couronne des services sans doute intéressés
+mais précieux. Du mois de janvier au mois d'août 1428, il avança des
+sommes s'élevant à vingt-sept mille livres environ pour lesquelles des
+châteaux et des terres lui furent données en gages[571]. Par bonheur,
+le Conseil du roi était composé d'un assez grand nombre de légistes
+et de gens d'Église fort capables d'expédier les affaires. L'un d'eux,
+Robert Le Maçon, seigneur de Trèves, Angevin, né dans la roture, entré
+au Conseil sous la Régence, fut le premier de ces hommes sans
+naissance qui servirent Charles VII de manière à lui valoir le surnom
+de Bien-Servi[572]. Un autre, le sire de Gaucourt, avait aidé son roi
+à la guerre[573].
+
+[Note 570: Clairambault, _Titres, scellés_, vol. 205, pp. 8769,
+8771, 8773 et _passim_.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t.
+II, p. 293.]
+
+[Note 571: Arch. nat. J. 183, nº 142.--Duc de La Trémoïlle, _Les
+La Trémoïlle pendant cinq siècles_, t. 1, p. 177.--De Beaucourt,
+_Histoire de Charles VII_, t. II, p. 198.]
+
+[Note 572: Le P. Anselme, _Histoire générale et chronologique de
+la maison de France_, t. VI, p. 399.--Vallet de Viriville, dans
+_Nouvelle Biographie générale_.--De Beaucourt, _Histoire de Charles
+VII_, t. I, p. 63.]
+
+[Note 573: Marquis de Gaucourt, _Le Sire de Gaucourt_, Orléans,
+1855, in-8º.]
+
+Il en est un troisième qu'il faut connaître le mieux possible. Sa part
+dans cette histoire est grande; elle apparaîtrait plus grande encore
+si on la découvrait tout entière. C'est Regnault de Chartres, que nous
+avons déjà vu enlevé et mis à finance[574]. Fils d'Hector de Chartres,
+maître des Eaux et Forêts en Normandie, il entra dans les ordres,
+devint archidiacre de Beauvais, puis camérier du pape Jean XXIII et
+fut élevé en 1414, à l'âge de trente-quatre ans environ, au siège
+archiépiscopal de Reims[575]. L'année suivante, trois de ses frères
+restèrent dans les boues sanglantes d'Azincourt. Hector de Chartres
+périt à Paris en 1418 massacré par les bouchers[576]. Regnault
+lui-même, jeté dans les prisons des Cabochiens, s'attendait à être mis
+à mort. Il fit voeu, s'il échappait à ce péril, d'observer le maigre
+tous les mercredis et de déjeuner à l'eau tous les vendredis et les
+samedis, sa vie durant[577]. On ne saurait juger de l'esprit d'un
+homme sur un acte inspiré par l'épouvante; pourtant l'auteur de ce
+voeu ne saurait être mis facilement au rang des Épicuriens qui ne
+croyaient pas en Dieu, comme il s'en trouvait, dit-on, beaucoup parmi
+les clercs; on supposera plutôt que son intelligence se soumettait aux
+croyances communes.
+
+[Note 574: Le P. Anselme, _Histoire généalogique et chronologique
+de la maison de France_, t. VI, p. 339.--_Gallia Christiana_, t. IX,
+col. 135.--Hermant, _Histoire ecclésiastique de Beauvais_ (Bibl. nat.,
+fr. 8581), fol. 15 et suiv.--Article de Vallet de Viriville dans
+_Nouvelle Biographie générale_ et _Histoire de Charles VII_, t. II, pp.
+160 et suiv.]
+
+[Note 575: Le P. Denifle, _Cartularium Universitatis Parisiensis_,
+t. IV, p. 275.]
+
+[Note 576: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 109.]
+
+[Note 577: Le P. Denifle, _La désolation des églises_, t. I, pp.
+594, 595.--Garnier, _Documents relatifs à la surprise de Paris par les
+Bourguignons en mai 1418_, dans _Bulletin de la Société de l'Histoire
+de Paris_, 1877, p. 51.]
+
+Une fidélité tragique, héréditairement gardée aux Armagnacs,
+recommandait Monseigneur Regnault au dauphin Charles qui lui confia
+des missions importantes dans diverses parties de la Chrétienté,
+Languedoc, Écosse, Bretagne, Bourgogne[578]. L'archevêque de Reims
+s'en acquitta avec un zèle infatigable et une rare habileté. Au mois
+de décembre 1421, alléguant sa santé débile et le service du dauphin,
+qui l'obligeait à de fréquents voyages et à de laborieuses ambassades,
+il supplia le Saint-Père de le relever du voeu fait auparavant dans
+les prisons des Bouchers[579].
+
+[Note 578: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. I, pp. 268,
+276, 339.--P. Champion, _Guillaume de Flavy_, p. 4 et pièce
+justificative LXXJ.]
+
+[Note 579: Le P. Denifle, _La désolation des églises_, _loc.
+cit._--Par une fiction «légitimiste» il allègue le service du roi
+Charles VI et de son fils le Dauphin «... _tam propter sue persone
+debilitatem, quam etiam propter assidua viagia et ambassiatas, que
+ipse serviendo Carolo Francorum regi et Carolo, ejusdem régis
+unigenito filio, dalphino Viennensi_...».]
+
+En 1425, alors qu'un homme de robe très habile, qui pouvait bien être
+un fripon, le président Louvet[580] gouvernait le royaume et le roi,
+messire Regnault fut nommé chancelier de France à la place de messire
+Martin Gouges de Charpaigne, évêque de Clermont[581]. Mais peu de
+temps après, Arthur de Bretagne, connétable de France, ayant chassé
+Louvet, Regnault vendit sa charge à Martin Gouges, moyennant une
+pension de deux mille cinq cents livres tournois[582].
+
+[Note 580: Vallet de Viriville, _Nouvelle Biographie
+générale_.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. I, pp. 64 et
+suiv.]
+
+[Note 581: F. Duchesne, _Histoire des chanceliers et gardes des
+sceaux de France_, Paris, 1680, in-fol., p. 483.]
+
+[Note 582: Arch. Nat., p. 2298.]
+
+Révérend Père en Dieu, Monseigneur l'Archevêque de Reims n'était pas
+aussi riche, tant s'en fallait, que Monseigneur de la Trémouille; mais
+on fait ce qu'on peut. Tout comme le sire de la Trémouille il prêtait
+de l'argent au roi[583]. Après cela, qui, dans ce temps, ne prêtait
+pas d'argent au roi? Charles VII lui donna la ville et le château de
+Vierzon en paiement de seize mille livres tournois qu'il lui
+devait[584]. Quand le sire de la Trémouille eut traité le connétable,
+comme le connétable avait traité Louvet, Regnault de Chartres redevint
+chancelier. Il entra en charge le 8 novembre 1428. À cette date, le
+Conseil avait déjà envoyé à Orléans des gens d'armes et des canons.
+Monseigneur de Reims, aussitôt en fonction, se jeta dans la ville
+assiégée et n'épargna pas sa peine[585]. Il était très attaché aux
+biens de ce monde et pouvait passer pour avare[586]. Mais on ne peut
+douter ni de son dévouement à la cause royale, ni de la haine qu'il
+nourrissait pour ceux du Léopard et de la Croix Rouge[587].
+
+[Note 583: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p.
+632.]
+
+[Note 584: Le P. Anselme, _Histoire généalogique de la maison de
+France_, t. I, p. 407.]
+
+[Note 585: _Journal du siège_, p. 51.]
+
+[Note 586: Le P. Denifle, _La désolation des églises_,
+introduction.--Cf. La série des quittances à la Bibl. Nat., fr. 20887,
+Pièces originales 693, Clairambault, _titres, scellés_, vol. 29.]
+
+[Note 587: F. Duchesne, _Histoire des chanceliers et garde des
+sceaux de France_, p. 487.]
+
+Jeanne, après onze jours de voyage, arriva à Chinon, le 6 mars[588],
+qui était le quatrième dimanche du carême, celui-là même où les
+garçons et les filles de Domremy allaient en troupe, dans la campagne
+encore grise et nue, manger des noix et des oeufs durs avec des petits
+pains, pétris par leurs mères. C'est ce qu'ils appelaient faire leurs
+fontaines; mais Jeanne ne dut pas se rappeler ses fontaines passées,
+ni sa maison quittée sans une parole d'adieu[589]. Ignorant ces fêtes
+rustiques et presque païennes par lesquelles les pauvres chrétiens
+rompaient la pénitence de la sainte quarantaine, l'Église avait donné
+à ce jour le nom de dimanche de _Laetare_, du premier mot de
+l'introït _Laetare, Jerusalem_. Ce dimanche, le prêtre en montant à
+l'autel, récite à la messe basse, et le choeur chante à la grand'messe
+ces paroles tirées de l'Écriture: «_Laetare, Jerusalem; et conventum
+facite, omnes qui diligitis eam..._ Réjouis-toi, Jérusalem; et formez
+une assemblée, vous tous qui l'aimez. Délectez-vous dans la joie, vous
+qui avez été dans la tristesse, afin d'exulter et d'être rassasiés par
+l'abondance de votre consolation.» Les prêtres, les religieux, les
+clercs versés dans les saintes Écritures, qui savaient la venue de la
+Pucelle, ceux-là quand ils chantèrent dans les églises avec tout le
+peuple _Laetare, Jerusalem_, eurent présente à la pensée la vierge
+annoncée par les prophéties, suscitée pour le salut commun, marquée
+d'un signe, qui en ce jour faisait son entrée humblement dans la
+ville. Plus d'un, peut-être, appliqua au royaume de France ce qui est
+dit de la nation sainte en cet endroit de l'Écriture et trouva dans la
+coïncidence de ce texte liturgique et de cette bienvenue un sujet
+d'espérance. _Laetare, Jerusalem!_ Réjouis-toi, peuple fidèle à ton
+vrai roi et droiturier souverain. _Et conventum facite_. Réunissez
+toutes vos forces contre vos ennemis, _Gaudete cum laetitia, qui in
+tristitia fuistis_. Après votre longue misère, réjouissez-vous. Le
+Seigneur vous envoie secours et consolation.
+
+[Note 588: _Procès_, t. I, p. 56.]
+
+[Note 589: _Ibid._, t. II, pp. 394, 462.]
+
+Par l'intercession de saint Julien, et probablement avec l'aide de
+Collet de Vienne, messager du roi, Jeanne trouva logis en ville, près
+du château, dans une hôtellerie tenue par une femme de bonne
+renommée[590]. Les broches n'y tournaient point. Et les hôtes,
+enfoncés dans le manteau de la cheminée, y voyaient griller saint
+Hareng, qui souffrit pis que saint Laurent[591]. En ces âges, les
+prescriptions de l'Église relativement au jeûne et à l'abstinence
+durant le saint temps du carême n'étaient transgressées par personne
+en pays chrétien. À l'imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui
+jeûna quarante jours dans le désert, les fidèles observaient le jeûne
+depuis le quatrième jour avant le dimanche de Quadragésime jusqu'à
+Pâques, ce qui donne quarante jours en retranchant les dimanches, où
+l'on rompait le jeûne, mais non pas l'abstinence. Ainsi jeûnant, l'âme
+allégée, Jeanne entendait le tintement de ses Voix[592]. Durant les
+deux jours qu'elle passa à l'hôtellerie, elle vécut recluse,
+agenouillée[593]. Les bords de la Vienne et les larges prairies,
+encore vêtues de la noire verdure de l'hiver, les coteaux où
+traînaient les brumes légères, ne la tentèrent pas. Mais si, pour
+aller à l'église, passant par quelque rue montueuse, ou seulement
+soignant son cheval dans la cour de l'auberge, elle levait la tête du
+côté du nord, elle voyait debout, sur la montagne toute proche, à un
+jet de ces boulets de pierre en usage depuis cinquante ou soixante
+ans, les tours du plus beau château de tout le royaume, les fières
+murailles derrière lesquelles respirait ce roi à qui elle venait,
+conduite par un merveilleux amour.
+
+[Note 590: _Procès_, t. I, p. 143.]
+
+[Note 591: _La vie de saint Harenc glorieux martir et comment il
+fut pesché en la mer et porté à Dieppe_, dans _Recueil des poésies
+françaises des XVe et XVIe siècles_, par A. de Montaiglon, t. II, pp.
+325-332.]
+
+[Note 592: Pourtant si Jeanne avait alors l'âge qu'on lui donne,
+environ dix-huit ans, elle n'était pas obligée de jeûner; seule
+l'abstinence lui était d'obligation.]
+
+[Note 593: _Procès_, t. III, p. 103.]
+
+C'étaient trois châteaux qui se confondaient à ses yeux dans une
+longue masse grise de murs crénelés, de donjons, de tours, de
+tourelles, de courtines, de barbacanes, d'échauguettes et de
+bretèches; trois châteaux séparés l'un de l'autre par des douves, des
+barrières, des poternes, des herses. À sa gauche, vers le couchant,
+fuyaient et se cachaient les unes derrière les autres les huit tours
+du Coudray, dont l'une avait été bâtie par un roi d'Angleterre et dont
+les moins anciennes dataient de plus de deux cents ans. À droite, bien
+visible, le château du milieu dressait ses vieux murs et ses tours
+couronnées de mâchicoulis. Là était la chambre de saint Louis, la
+chambre du roi, appartement de celui que Jeanne appelait le gentil
+dauphin. Et c'est là aussi, tout contre la chambre nattée, que
+s'étendait la grande salle où elle allait être reçue. Du côté de la
+ville, la place de cette salle était marquée par une tour contiguë,
+une tour carrée, très vieille. À droite régnait un vaste bayle, ou
+place d'armes, destiné au logement de la garnison et à la défense du
+château du milieu. De ce côté, une grande chapelle élevait au-dessus
+des remparts sa toiture en forme de carène renversée. Cette chapelle,
+bâtie par Henri II d'Angleterre, était sous l'invocation de saint
+Georges; le bayle tenait d'elle son nom de fort Saint-Georges[594].
+Tout le monde alors savait l'histoire de saint Georges, vaillant
+chevalier qui transperça de sa lance un dragon et délivra la fille
+d'un roi, puis souffrit en confessant sa foi; attaché, comme sainte
+Catherine, à une roue garnie de lames tranchantes, la roue se rompit
+par miracle, tout de même que se brisa celle où les bourreaux avaient
+mis la vierge d'Alexandrie. Et, comme elle, saint Georges souffrit la
+mort par le glaive. Ce qui prouve qu'il était un grand saint[595],
+mais maintenant il avait un tort: il était du parti des Godons qui,
+depuis plus de trois cents ans, chômaient sa fête comme celle de toute
+l'englischerie, le tenaient pour leur céleste patron et l'invoquaient
+de préférence à tout autre bienheureux, en sorte que son nom était
+sans cesse dans la bouche du plus vilain archer gallois comme dans
+celle d'un chevalier de la Jarretière. À vrai dire, on ne savait ce
+qu'il pensait ni s'il ne donnait pas tort à ces pillards qui
+combattaient pour une mauvaise cause, mais on pouvait raisonnablement
+craindre qu'il ne se montrât sensible à tant d'honneurs. Les saints
+du Paradis se mettent volontiers du côté de ceux qui les invoquent le
+plus dévotement. Saint Georges, enfin, était Anglais comme saint
+Michel était Français. Celui-là, le glorieux archange, se montrait le
+plus vigilant protecteur des fleurs de lis, depuis que Monsieur saint
+Denys, patron du royaume, avait laissé prendre son abbaye. Et Jeanne
+le savait.
+
+[Note 594: G. de Cougny, _Notice archéologique et historique sur
+le château de Chinon_, Chinon, 1860, in-8º.]
+
+[Note 595: _La Légende dorée_, trad. Gustave Brunet, 1846, pp.
+259, 264.--Douhet, _Dictionnaire des légendes_, pp. 426, 436.]
+
+Cependant les dépêches du capitaine de Vaucouleurs, apportées par
+Colet de Vienne, furent remises au Roi[596]. Ces dépêches
+l'instruisaient des faits et dits de la jeune fille. C'était une des
+innombrables affaires qui devaient être examinées en Conseil, et l'une
+de celles que le Roi, ce semble, devait examiner lui-même comme
+inhérentes à sa fonction royale et comme l'intéressant spécialement,
+puisqu'il s'agissait peut-être d'une fille de piété singulière, et
+qu'il était lui-même la première personne ecclésiastique du
+royaume[597]. Son grand-père, si sage prince, aurait eu garde de
+mépriser les avis des femmes dévotes, en qui Dieu parlait. Environ
+l'an 1380, il avait fait appeler à Paris Guillemette de la Rochelle
+qui menait une vie solitaire et contemplative, et y avait acquis,
+disait-on, une si grande vertu, que, dans ses ravissements, elle se
+soulevait de terre de plus de deux pieds. Le roi Charles V lui fit
+faire, dans mainte église, de beaux oratoires où elle pût prier pour
+lui[598]. Le petit-fils ne devait pas moins faire, ayant plus grand
+besoin d'aide. Il trouvait encore dans sa famille des exemples plus
+récents du commerce des rois et des saintes. Son père, le pauvre roi
+Charles VI, de passage à Tours, se fit présenter par le duc Louis
+d'Orléans la dame Marie de Maillé, qui avait fait voeu de virginité et
+changé en un agneau timide l'époux venu comme un lion dévorant. Elle
+dit au roi des secrets et il fut content d'elle, car il voulut la
+revoir trois ans après à Paris. Cette fois ils conversèrent longtemps
+seuls ensemble, et elle lui dit encore des secrets, si bien qu'il la
+renvoya avec des présents[599]. Ce même prince avait fait accueil à un
+pauvre chevalier cauchois nommé Robert le Mennot qui, favorisé d'une
+vision durant qu'il était près des côtes de Syrie, au péril de la mer,
+se disait envoyé de Dieu pour le rétablissement de la paix[600]. Il
+avait reçu plus favorablement encore une femme nommée Marie Robine et
+qu'on appelait d'ordinaire la Gasque d'Avignon[601]. En 1429, tout le
+monde, autour du Roi, n'avait pas oublié cette inspirée venue à
+Charles VI pour le retenir dans l'obéissance du pape Benoît XIII. Ce
+pape se trouva être un antipape; mais la Gasque fut tenue cependant
+pour prophétesse. Elle avait eu, comme Jeanne, beaucoup de visions
+touchant la désolation du royaume de France, et elle avait vu des
+armes dans le ciel[602]. Les rois d'Angleterre n'étaient pas moins
+attentifs que les rois de France à recueillir la parole de ces saints
+et de ces saintes qui alors prophétisaient en foule. Henri V
+interrogea l'ermite de Sainte-Claude, Jean de Gand, qui lui annonça sa
+fin prochaine; et, mourant, il fit encore appeler le prophète
+inexorable[603]. C'était l'usage des saints de parler aux rois et
+l'usage des rois de les entendre. Comment un prince pieux eût-il
+dédaigné cette source merveilleuse de conseils? Il eût encouru par là
+le blâme des plus sages.
+
+[Note 596: _Chronique de la Pucelle_, p. 273.--_Journal du siège_,
+p. 46-47.]
+
+[Note 597: Épître de Jouvenel des Ursins, dans De Beaucourt,
+_Histoire de Charles VII_, t. V, p. 206, note 1.]
+
+[Note 598: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. II,
+p. X.]
+
+[Note 599: _Acta sanctorum_, t. III, Mars, p. 742.--Abbé Pétin,
+_Dictionnaire hagiographique_, 1850, t. II, p. 1516.]
+
+[Note 600: Froissart, _Chroniques_, liv. IV, ch. XLIII et suiv.]
+
+[Note 601: _Procès_, t. III, p. 83, note 2.--Vallet de Viriville,
+_Procès de condamnation de Jeanne d'Arc_, Paris, 1867, in-8º, pp. XXXI
+et suiv.]
+
+[Note 602: _Le songe du vieil Pèlerin_, par Philippe de Maizières
+(Bibl. Nat., fonds français, nº 22542).]
+
+[Note 603: Chastellain, éd. Buchon, pp. 114 et 116.--_Acta
+Sanctorum Junii_, t. I, p. 648.--Le P. De Buck, _Le bienheureux Jean
+de Gand_, Bruxelles, 1862, in-8º, 40. p.--Le P. Chapotin, _La guerre
+de cent ans; Jeanne d'Arc et les Dominicains_, Évreux, 1888, in-8º, p.
+89.]
+
+Le roi Charles lut les lettres du capitaine de Vaucouleurs et fit
+interroger devant lui les conducteurs de la jeune fille. De mission,
+de miracles, ils ne purent rien dire. Mais ils parlèrent du bien
+qu'ils avaient vu en elle durant le voyage, et affirmèrent qu'elle
+était toute bonne[604].
+
+[Note 604: _Chronique de la Pucelle_, p. 273.--_Journal du siège_,
+p. 46.]
+
+Assurément, Dieu parle par ses vierges. Mais, en de telles rencontres,
+il est nécessaire d'agir avec une extrême prudence, de distinguer
+soigneusement les vraies prophétesses d'avec les fausses et de ne
+point prendre pour des messagères du ciel les fourrières du diable.
+Celles-ci font parfois illusion. À l'exemple de Simon le Magicien, qui
+opposait des prodiges aux miracles de saint Pierre, ces créatures
+recourent aux arts diaboliques pour séduire les hommes. Douze ans
+auparavant, une femme venue aussi des Marches de Lorraine, Catherine
+Sauve, native de Thons proche Neufchâteau, qui vivait recluse au Port
+de Lates, avait prophétisé. Toutefois, l'évêque de Maguelonne sut de
+science certaine qu'elle était menteresse et sorcière; c'est pourquoi
+elle fut brûlée vive à Montpellier en 1417[605]. Des nuées de femmes,
+ou plutôt de femelles, _mulierculae_[606], vivaient comme cette
+Catherine et finissaient comme elle.
+
+[Note 605: _Parvus Thalamus_, éd. de la Société archéologique de
+Montpellier, p. 464.--Th. de Bèze, _Histoire ecclésiastique_, 1580, t.
+I, p. 217.--A. Germain, _Catherine Sauve_, Montpellier, 1853, in-4º,
+16 pages.--H.-C. Lea, _Histoire de l'inquisition au moyen âge_, trad.
+S. Reinach, t. II, p. 185.--Vallet de Viriville, _Histoire de Charles
+VII_, t. II. p. X.]
+
+[Note 606: Jean Nider, _Formicarium_ dans _Procès_, t. IV, p.
+502.]
+
+Jeanne fut interrogée sommairement par des hommes d'Église, qui lui
+demandèrent pourquoi elle était venue. Elle répondit d'abord qu'elle
+ne dirait rien que parlant au roi. Les clercs lui ayant représenté que
+c'était au nom même du roi qu'ils l'invitaient à s'expliquer, elle fit
+connaître qu'elle avait deux choses en mandat de la part du Roi des
+cieux: que l'une était de lever le siège d'Orléans, l'autre de
+conduire le roi à Reims pour son sacre et son couronnement[607].
+Devant ces gens d'Église, de même qu'à Vaucouleurs devant sire Robert,
+elle répétait, mot pour mot, ce qu'autrefois avait dit le vavasseur de
+Champagne envoyé au roi Jean le Bon, tout comme elle était envoyée au
+dauphin Charles.
+
+[Note 607: _Procès_, t. III, p. 115.]
+
+Ayant cheminé jusqu'à la plaine de Beauce, où le roi Jean, impatient
+de combattre, campait avec son armée, le vavasseur champenois entra
+dans le camp et demanda à voir le plus prud'homme qui se tînt auprès
+du roi. Les seigneurs, à qui cette requête fut portée, se mirent à
+rire. Mais l'un d'eux, ayant vu de ses yeux le vavasseur, reconnut
+tout de suite que c'était un homme bon, simple et sans malice. Il lui
+dit: «Si tu as quelque avis à donner, va vers l'aumônier du roi.» Le
+vavasseur alla donc vers l'aumônier du roi Jean et lui dit: «Faites
+que je parle au roi; j'ai telle chose à dire que je ne dirai à
+personne fors à lui.--Qu'est-ce? demanda l'aumônier. Dites ce que vous
+savez.» Mais le bonhomme ne voulut pas révéler son secret. L'aumônier
+alla trouver le roi Jean et lui dit: «Sire, il y a céans un
+prud'homme, qui me semble sage à sa façon et qui vous veut dire une
+chose qu'il ne dira qu'à vous.» Le roi Jean refusa de voir ce
+prud'homme. Il appela son confesseur et l'envoya recueillir, en
+compagnie de son aumônier, le secret du vavasseur. Les deux prêtres
+allèrent à l'homme et lui annoncèrent qu'ils étaient commis par le
+roi pour l'entendre. À cette nouvelle, désespérant de voir le roi Jean
+et se fiant au confesseur et à l'aumônier pour ne révéler son secret
+qu'au roi, il leur parla comme voici: «Tandis que j'étais seul aux
+champs, une voix me dit par trois fois: «Va vers le roi Jean de
+France, et l'avertis de ne combattre contre nuls de ses ennemis.
+Obéissant à cette voix, je suis venu en porter nouvelles au roi Jean.»
+Ayant reçu le secret du vavasseur, le confesseur et l'aumônier le
+portèrent au roi qui s'en moqua. Il s'avança avec ses compagnons
+jusqu'à Poitiers, où il rencontra le prince Noir. Il perdit toute son
+armée dans la bataille et, atteint au visage de deux blessures, fut
+pris par les Anglais[608].
+
+[Note 608: S. Luce, _Chronique des quatre premiers Valois_, Paris,
+1861, in-8º, pp. 46, 48.]
+
+Les clercs qui avaient interrogé Jeanne différaient d'opinions sur
+elle. Les uns déclaraient que son affaire n'était qu'une trufferie et
+que le roi eût à se défier de cette fille[609]. Les autres pensaient
+au contraire que puisqu'elle se disait envoyée de Dieu et avait à
+parler au roi, le roi devait au moins l'entendre.
+
+[Note 609: _Procès_, t. III, p. 115.--Thomassin, _Registre
+Delphinal_, dans _Procès_, t. IV, p. 304.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 273.--_Journal du siège_, p. 47.]
+
+Deux hommes d'Église, qui se trouvaient alors auprès du roi, Jean
+Girard, président du Parlement de Grenoble, et Pierre l'Hermite, qui
+fut depuis sous-doyen de Saint-Martin-de-Tours, jugèrent le cas assez
+intéressant et assez difficile pour le soumettre à messire Jacques
+Gélu, ce prélat armagnac, qui avait longtemps servi, dans les
+conseils et les ambassades, la maison d'Orléans et le dauphin de
+France. Gélu aux approches de la soixantaine s'était retiré du Conseil
+et avait quitté le siège archiépiscopal de Tours pour le siège
+d'Embrun, plus humble et plus caché. Il était illustre et
+vénérable[610]. Jean Girard et Pierre l'Hermite lui annoncèrent, en
+une lettre missive, la venue de cette jeune fille et ils lui firent
+connaître qu'interrogée singulièrement par trois professeurs de
+théologie, elle avait été reconnue dévote, sobre, tempérante et
+coutumière, une fois la semaine, des sacrements de confession et de
+communion. Jean Girard pensait qu'elle pouvait avoir été envoyée par
+le Dieu qui suscita Judith et Déborah et se fit annoncer par les
+Sibylles[611].
+
+[Note 610: _Gallia Christiana_, t. III, col. 1089.]
+
+[Note 611: Le R. P. Marcellin Fornier, _Histoire générale des
+Alpes-Maritimes ou Cottiennes_, publ. par l'abbé Paul Guillaume,
+Paris, 1890-1892 (3 vol. in-8º), t. II, pp. 313 et suiv.]
+
+Charles était pieux et entendait à genoux et dévotement trois messes
+par jour; il récitait exactement ses heures canonicales et y joignait
+des prières pour les morts et d'autres oraisons; il se confessait
+quotidiennement et communiait aux jours de fêtes[612], mais il croyait
+à la divination par les astres, en quoi, il ne se distinguait pas des
+autres princes de son temps: chacun d'eux avait un astrologue à son
+service[613]. Le feu duc de Bourgogne était constamment accompagné
+d'un devin juif nommé maître Mousque. Le jour dont il ne devait pas
+voir la fin, comme il se rendait au pont de Montereau, maître Mousque
+lui conseilla de ne point aller plus avant, pronostiquant qu'il n'en
+reviendrait pas. Le duc passa outre et fut tué[614]. Le dauphin
+Charles se fiait aux Jean des Builhons, aux Germain de Thibouville et
+à tous autres bonnets pointus[615] et gardait toujours deux ou trois
+astrologues auprès de lui. Ces faiseurs d'almanachs dressaient des
+thèmes de nativité, tiraient des horoscopes et lisaient dans le ciel
+l'annonce des guerres et des révolutions. L'un d'eux, maître Rolland
+l'Écrivain, suppôt de l'Université de Paris, qui la nuit, dans sa
+gouttière, observait le ciel, vit, un certain jour, à une certaine
+heure, l'Épi de la Vierge en l'ascendant, Vénus, Mercure et le Soleil
+au mi-ciel[616]; par quoi son compère Guillaume Barbin de Genève
+découvrit sûrement que les Anglais seraient chassés de France et le
+roi rétabli par le moyen d'une simple pucelle[617]. Si l'on en croit
+l'inquisiteur Bréhal, quelque temps avant la venue de Jeanne, en
+France, un habile astronome de Sienne, du nom de Jean de Montalcin,
+avait, entre autres choses, écrit au roi Charles les paroles
+suivantes: «Votre victoire sera dans le conseil d'une vierge;
+poursuivez votre triomphe sans cesse jusqu'à la ville de Paris[618].»
+
+[Note 612: Le Religieux de Dunfermling, dans _Procès_, t. V, p.
+340.--Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I, pp. 265 et
+suiv.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. I, p. 243.]
+
+[Note 613: Simon de Phares, _Recueil des plus célèbres
+astrologues_, ms. fr. 1357.--Vallet de Viriville, _Histoire de Charles
+VII_, t. I, p. 306; t. II, p. 345, note.--De Beaucourt, _Histoire de
+Charles VII_, t. VI, p. 399.]
+
+[Note 614: Chastellain, t. III, p. 446.]
+
+[Note 615: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I,
+p. 173.]
+
+[Note 616: Je corrige à cet endroit le texte de Simon de Phares
+(_Procès_, IV, p. 536) d'après une communication écrite de M. Camille
+Flammarion.]
+
+[Note 617: _Procès_, t. IV, p. 536.]
+
+[Note 618: _Procès_, t. III, p. 341.]
+
+En ce moment même, le dauphin Charles gardait près de lui, à Chinon,
+un vieux astrologue normand, nommé Pierre, qui pourrait bien être
+Pierre de Saint-Valerien, chanoine de Paris, lequel revenait d'Écosse,
+où il était allé chercher, avec nombre de gentilshommes, madame
+Marguerite, fiancée au dauphin Louis. Ce maître Pierre passa, très peu
+de temps après, à tort ou à raison, pour avoir lu dans le ciel que la
+bergère de la Meuse était destinée à chasser les Anglais[619].
+
+[Note 619: Recueil de Simon de Phares, dans _Procès_, t. V, p. 32,
+note.]
+
+Jeanne n'attendit pas longtemps dans son hôtellerie. Deux jours après
+sa venue, ce qu'elle avait voulu d'un si grand coeur s'accomplit; elle
+fut menée au roi[620]. On montrait encore au siècle dernier près du
+Grand-Carroy, devant une maison en colombage, un puits sur la marge
+duquel, selon la tradition, elle mit le pied pour descendre de cheval,
+avant de gravir la pente roide qui, par la vieille Porte, conduisait
+au château[621]. Elle avait déjà franchi le fossé, et le roi n'était
+pas encore décidé à la recevoir. Plusieurs de ses familiers, et non
+des moindres, lui conseillaient de se défier d'une femme inconnue qui
+formait peut-être de mauvais desseins. D'autres lui représentèrent, au
+contraire, que cette pastoure lui était annoncée par lettres, envoyée
+de la part de Robert de Baudricourt, amenée à travers des provinces
+ennemies; qu'elle avait, de façon quasi miraculeuse, traversé à gué
+beaucoup de rivières pour arriver jusqu'à lui. Le roi, sur ces
+représentations, consentit à l'accueillir[622].
+
+[Note 620: _Procès_, t. I, p. 143; t. III. p. 143.]
+
+[Note 621: La margelle a été enlevée sous le second Empire. On
+sait d'ailleurs qu'il ne faut accorder aucune confiance aux traditions
+de ce genre.--G. de Cougny, _Charles VII et Jeanne d'Arc à Chinon_,
+Tours, 1877, in-8º.]
+
+[Note 622: _Procès_, t. I, p. 75; t. III, p. 115.--_Chronique de
+la Pucelle_, p. 273.--_Journal du siège_, pp. 46, 47.--Th. Basin,
+_Histoire de Charles VII et de Louis XI_, t. I, p. 68.]
+
+La grande salle regorgeait de monde; les haleines la chauffaient, ni
+plus ni moins qu'à toute audience que donnait le roi; elle présentait
+cet aspect de halle, de cohue, familier aux courtisans. C'était le
+soir; cinquante torches brûlaient sous les solives peintes[623];
+hommes mûrs enjuponnés et fourrés, jeunes gentilshommes glabres,
+engoncés des épaules, étriqués du reste, la taille fine, les jambes
+grêles dans les chausses collantes, les pieds pointus dans les
+poulaines; seigneurs tout armés, au nombre de trois cents, se
+pressaient, selon la coutume aulique, poussaient, arrondissaient les
+coudes, et l'huissier donnait de la verge sur les têtes[624].
+
+[Note 623: _Procès_, t. I, pp. 79, 141.]
+
+[Note 624: Le Curial, dans _Les oeuvres de maistre Alain
+Chartier_, éd. Du Chesne, Paris, 1642, in-4º, p. 398.]
+
+Là se trouvaient les deux envoyés d'Orléans, messire Jamet du Tillay
+et le vieux seigneur Archambaud de Villars, capitaine de Montargis,
+Simon Charles, maître des requêtes, ainsi que de très hauts seigneurs,
+le comte de Clermont, le sire de Gaucourt et probablement le sire de
+La Trémouille et Monseigneur l'archevêque de Reims, chancelier du
+royaume[625]. Averti que la Pucelle venait, soit qu'il lui restât
+quelque défiance et qu'il hésitât encore, soit qu'il eût certaines
+personnes à entretenir d'abord, ou pour toute autre raison, le roi
+Charles s'enfonça dans la foule des seigneurs[626]. Jeanne fut
+introduite par le comte de Vendôme[627]. Robuste, le cou puissant et
+court, la poitrine ample, autant qu'il y pouvait paraître sous le
+jacque, elle portait petits draps, c'est-à-dire braies comme les
+hommes[628]. Ce qui devait surprendre plus encore que ses chausses,
+c'était sa coiffure. Un chaperon de laine sur la tête, elle montrait
+ses cheveux noirs coupés en sébile à la manière des varlets[629]. Les
+femmes de tout âge et de toute condition prenaient grand soin de tirer
+leurs cheveux sous le hennin, la coiffe, le voile, de manière qu'il
+n'en passât pas un fil. Et cette crinière libre sur une tête féminine
+était pour le temps une chose étrange[630].
+
+[Note 625: Jeanne cite comme présent La Trémoïlle et l'archevêque
+de Reims, mais elle cite aussi le duc d'Alençon qui certainement ne
+s'y trouvait pas.]
+
+[Note 626: _Procès_, t. III, p. 115.]
+
+[Note 627: _Ibid._, t. I, pp. 79 et 141.]
+
+[Note 628: Mathieu Thomassin, dans _Procès_, t. IV, pp. 304;
+_Chronique de Lorraine_, _ibid._, p. 330; Philippe de Bergame,
+_ibid._, p. 523.]
+
+[Note 629: _Relation du Greffier de la Rochelle_, dans _Revue
+Historique_, t. IV, p. 336.]
+
+[Note 630: Saint Paul, Épître aux Corynthiens, 11.--Labbe,
+_Collection des Conciles_, t. VII, p. 978.--Saumaise, _Epistola ad
+Andream Colvium super cap. XI, I ad Corynth. de cæsarie virorum et
+mulierum coma_, Lugd. Batavor, ex off. Elz. 1644, in-12.--_Quelques
+notes d'archéologie sur la chevelure féminine_ dans _Comptes rendus de
+l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres_, 1888, XVI, pp. 419,
+425.]
+
+Elle alla droit au roi, ôta son chaperon, fit la révérence à la
+paysanne, et dit:
+
+--Dieu vous donne bonne vie, gentil dauphin[631].
+
+[Note 631: _Procès_, t. I, p. 75; III, pp. 17, 92, 115.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, p. 67.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+273.--_Journal du siège_, p. 46.]
+
+On admira plus tard qu'elle l'eût reconnu au milieu des seigneurs
+vêtus plus richement que lui. Il est possible qu'il fût ce jour-là
+assez mal habillé. Nous savons qu'il faisait remettre des manches à
+ses vieux pourpoints[632]. En tout cas, il ne payait pas de mine. Fort
+laid, les yeux petits, vairons et troubles, le nez gros et bulbeux, ce
+prince de vingt-six ans tenait mal sur ses jambes décharnées et
+cagneuses, jointes à des cuisses creuses par deux genoux énormes qui
+ne voulaient point se séparer l'un de l'autre[633]. Qu'elle l'eût
+reconnu pour l'avoir déjà vu en peinture, c'est peu croyable. Les
+images des princes étaient rares en ce temps. Jeanne n'avait jamais
+feuilleté un de ces livres précieux où le roi Charles pouvait être
+peint à la miniature dans l'attitude d'un Mage offrant des présents à
+l'enfant Jésus[634]. Elle n'avait jamais vu très probablement aucun
+tableau peint sur bois à la ressemblance de son roi, les mains
+jointes, sous les courtines de son oratoire[635]. Et, par grand
+hasard, lui eût-on montré quelqu'un de ces portraits, ses yeux, faute
+d'habitude, n'y eussent pas distingué grand'chose. Il n'y a pas non
+plus à rechercher si les Chinonais lui décrivirent le costume
+ordinaire du roi et la façon du chapeau qu'il avait coutume de porter:
+car il gardait, comme tout le monde, son chapeau sur la tête dans les
+chambres, même pour dîner. Ce qui est le plus probable, c'est que des
+gens bien disposés pour elle la dirigèrent. De toute manière, le roi
+n'était pas si difficile à trouver, puisque ceux qui la virent, quand
+elle le trouva, n'en furent nullement ébahis.
+
+[Note 632: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p.
+195.]
+
+[Note 633: Th. Basin, t. I, p. 312.--Chastellain, t. II, p.
+178.--_Portrait historique du roi Charles VII_, par Henri Baude,
+publié par Vallet de Viriville dans _Nouvelles Recherches sur Henri
+Baude_, p. 6.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, p. 83.]
+
+[Note 634: Comme dans la miniature de Jean Fouquet, de plus de dix
+ans postérieure. Gruyer, _Les Quarante Fouquet de Chantilly_, Paris,
+1897, in-4º.]
+
+[Note 635: _Note sur un ancien portrait de Charles VII conservé au
+Louvre_, dans _Bulletin de la Société des Antiquaires de France_,
+1862, pp. 67 et suiv.]
+
+Lorsqu'elle eut fait son salut villageois, le roi lui demanda son nom
+et ce qu'elle voulait. Elle répondit:
+
+--Gentil dauphin, j'ai nom Jeanne la Pucelle et vous mande le Roi des
+cieux par moi que vous serez sacré et couronné à Reims et serez le
+lieutenant du Roi des cieux, qui est le Roi de France.
+
+Elle demanda qu'on la mît en oeuvre, promettant que par elle serait
+levé le siège d'Orléans[636].
+
+[Note 636: _Procès_, t. II, p. 103.--_Relation du Greffier de La
+Rochelle_, p. 337.--_Chronique de la Pucelle_, p. 273.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, pp. 67, 68.]
+
+Le roi la tira à part et l'interrogea assez longtemps. Il était
+naturellement doux, affable envers les humbles et les pauvres, mais
+non sans défiances ni soupçons.
+
+Durant cet entretien particulier, elle lui fit, dit-on, en le tutoyant
+avec une familiarité angélique, cette étrange révélation:
+
+--Je te dis, de la part de Messire, que tu es vrai héritier de France
+et fils de roi[637].
+
+[Note 637: _Procès_, t. III, p. 103.]
+
+Plus tard, l'aumônier de la Pucelle rapporta ce propos, disant le
+tenir de la Pucelle elle-même. Ce qui est certain, c'est que les
+Armagnacs en tirèrent bientôt un miracle en faveur de la maison des
+Lis. On prétendit que ces paroles, que Dieu lui-même prononçait par la
+bouche d'une innocente, correspondaient à une secrète et cruelle
+inquiétude du roi, que le fils de madame Ysabeau était troublé et
+contristé à l'idée que, peut-être, un sang royal ne coulait pas dans
+ses veines et que, à moins de sortir, par illumination céleste, des
+doutes que lui inspirait sa naissance, il était prêt à renoncer à son
+royaume comme à un bien usurpé[638]. On assura qu'à la révélation
+qu'il était vrai héritier de France, son visage avait resplendi de
+joie.
+
+[Note 638: L'abréviateur du Procès, dans _Procès_, t. IV, pp.
+258-259.--Basin, _Histoire de Charles VII et de Louis XI_, t. I, p.
+67.--_Journal du siège_, p. 48.]
+
+Sans doute, la reine Ysabeau était communément traitée par les
+prêcheurs armagnacs de «grande gorre» et d'Hérodiade gonflée
+d'impuretés; encore voudrait-on savoir d'où venait tout à coup à son
+fils cette curiosité bizarre? Il n'en avait pas demandé tant pour
+recevoir son héritage. Et, au besoin, tous les légistes de son parti
+l'eussent rassuré[639]: ils lui auraient démontré, par raisons tirées
+des lois et coutumes, qu'il était, de naissance, vrai héritier et
+droit successeur du feu roi, la filiation se prouvant par ce qui est
+manifeste, et non par ce qui est caché, sans quoi, il ne serait pas
+possible de régler les successions ni de discerner sûrement le
+légitime héritier d'un royaume ou d'un arpent de terre. Cependant on
+doit tenir compte que, à cette heure, il était très malheureux, et que
+le malheur agite les consciences et soulève les scrupules, et qu'enfin
+il pouvait douter de la justice de sa cause, puisque Dieu
+l'abandonnait. Mais si vraiment des doutes pénibles le tourmentaient,
+comment croire qu'il s'en délivra sur le dire d'une jeune fille dont
+il ne savait encore si elle était sage on folle, ni si même elle ne
+lui était pas envoyée par ses ennemis? Cette crédulité ne s'accorde
+guère avec ce que nous savons de son naturel soupçonneux. La première
+pensée qui devait venir à son esprit, c'est que des clercs avaient
+endoctriné la jeune fille.
+
+[Note 639: _Procès_, t. III, p. 116.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à
+Domremy_, p. LXI.]
+
+Peu d'instants après l'avoir congédiée, il appela le sire de Gaucourt
+et quelques autres de son Conseil et leur répéta ce qu'il venait
+d'entendre:
+
+--Elle m'a dit qu'elle m'était envoyée de par Dieu pour m'aider à
+recouvrer mon royaume[640].
+
+[Note 640: _Procès_, t. III, p. 209.]
+
+Il n'ajouta point qu'elle lui avait révélé un secret connu de lui
+seul.
+
+Les conseillers du roi, encore mal édifiés sur cette jeune fille,
+décidèrent qu'il fallait l'avoir sous la main, pour l'examiner dans
+ses moeurs et croyances[641].
+
+[Note 641: _Ibid._, t. III, p. 209.]
+
+Le sire de Gaucourt la retira de chez son hôtesse pour la loger dans
+une tour de ce Coudray que, depuis trois jours, elle voyait au-dessus
+de la ville[642]. Le Coudray, l'un des trois châteaux, n'était séparé
+du château du milieu, où logeait le roi, que par un fossé et des
+travaux de défense[643]. Gaucourt la confia à son lieutenant pour la
+ville de Chinon, Guillaume Bellier, majordome du roi[644]. Il lui
+donna pour la servir un de ses pages, un enfant de quinze ans,
+Immerguet, qu'on appelait aussi Minguet, d'un sobriquet de famille. On
+l'appelait encore Mugot, peut-être par corruption de _mango_, qui
+voulait dire «page» en bas-latin[645]. Il était, de son vrai nom,
+Louis de Coutes et sortait d'une vieille famille d'épée, attachée dès
+le siècle précédent à la maison d'Orléans. Son père, Jean, dit
+Minguet, seigneur de Fresnay-le-Gelmert, de la Gadelière et de Mitry,
+chambellan du duc d'Orléans, était mort depuis deux ans, très pauvre.
+Il avait laissé après lui une veuve et cinq enfants, trois garçons et
+deux filles, dont l'une, nommée Jeanne, était depuis 1421, la femme de
+messire Florentin d'Illiers, capitaine de Châteaudun. Ainsi donc Louis
+de Coutes, le petit page, et Catherine le Mercier, dame de Noviant, sa
+mère, qui sortait d'une noble famille d'Écosse, se trouvaient l'un et
+l'autre dans un pénible dénuement, bien que le duc d'Orléans en
+mémoire des loyaux services de son chambellan eût octroyé à la dame de
+Noviant un secours sur ses finances[646]. Jeanne gardait Minguet près
+d'elle tout le jour, mais, la nuit, elle couchait avec des femmes. La
+femme de Guillaume Bellier, qui était de bonne vie et pieuse, du moins
+le disait-on, veillait sur elle[647]. Au Coudray, le page la vit
+maintes fois à genoux. Elle priait et souvent elle pleurait
+abondamment[648]. Des personnages de grand état vinrent pendant
+plusieurs jours s'entretenir avec elle. Ils la trouvèrent habillée en
+garçon[649].
+
+[Note 642: _Ibid._, t. III, p. 66.]
+
+[Note 643: G. de Cougny, _Charles VII et Jeanne d'Arc à Chinon_,
+Tours, 1877, p. 40.]
+
+[Note 644: _Procès_, t. III, p. 17.]
+
+[Note 645: Du Cange, _Glossarium, ad verb_.]
+
+[Note 646: _Procès_, t. III, pp. 65, 73.--Mademoiselle A. de
+Villaret, _Louis de Coutes, page de Jeanne d'Arc_, Orléans, 1890,
+in-8º.]
+
+[Note 647: _Procès_, t. III, p. 17.]
+
+[Note 648: _Ibid._, t. III, p. 66.]
+
+[Note 649: _Chronique de la Pucelle_, pp. 274 et suiv.--Jean
+Chartier, _Chronique_, p. 68.]
+
+Depuis qu'elle était auprès du roi, certains lui demandaient s'il n'y
+avait point dans le pays d'où elle venait un bois nommé le
+Bois-Chenu[650].
+
+[Note 650: _Procès_, t. I, p. 68.]
+
+On lui faisait cette question parce qu'il courait alors une prophétie
+de Merlin concernant une pucelle qui devait venir du bois Chenu. Et
+les gens en étaient émus, car tout le monde alors prêtait attention
+aux prophéties et celles de Merlin l'Enchanteur étaient
+particulièrement estimées[651].
+
+[Note 651: _Ibid._, t. III, pp. 133, 340.--Thomassin, dans
+_Procès_, t. IV, p. 395.--Walter Bower, dans _Procès_, t. IV, p.
+489.--Christine de Pisan, dans _Procès_, t. V, p. 12.--La Borderie,
+_Les véritables prophéties de Merlin, examen des poèmes bretons
+attribues à ce barde_, dans _Revue de Bretagne_, 1883, t. LIII.]
+
+Merlin, né d'une femme par les oeuvres du diable, tirait de cette
+origine sa science profonde; à la pratique des nombres, qui donnent la
+clef de l'avenir, il joignait la connaissance de la physique par
+laquelle s'opèrent les enchantements; aussi lui était-il facile de
+changer les rochers en géants. Pourtant une dame le vainquit; la fée
+Viviane enchanta l'enchanteur et le retint charmé dans un buisson
+d'aubépine. C'est là un exemple, après tant d'autres, du pouvoir des
+femmes.
+
+Les insignes docteurs et les illustres maîtres estimaient que Merlin
+avait dévoilé bien des choses futures et prédit bien des événements
+dont quelques-uns n'étaient pas encore accomplis; et à ceux qui
+s'étonnaient qu'un fils du diable eût reçu le don de prophétie, ils
+répondaient que le Saint-Esprit est bien le maître de révéler ses
+secrets à qui il lui plaît, comme il l'a montré en faisant parler les
+Sibylles et en ouvrant la bouche à l'ânesse de Balaam.
+
+Merlin avait désigné notamment sire Bertrand Du Guesclin sous la
+figure d'un guerrier portant un aigle sur son écu, ce dont on s'avisa
+après les hauts faits du Connétable[652].
+
+[Note 652: Cuvelier, _Le poème de Du Guesclin_, v.
+3285.--Francisque-Michel et Th. Wright, _Vie de Merlin attribuée à
+Geoffroy de Monmouth, suivie des prophéties de ce barde, tirées de
+l'histoire des Bretons_, Paris, 1837, in-8º, pp. 67 et suiv.--La
+Villemarqué, _Myrdhin ou Merlin l'Enchanteur, son histoire, ses
+oeuvres, son influence_, n. éd., Paris, 1862, in-12.--D'Arbois de
+Jubainville, _Merlin est-il un personnage réel?_ dans _Revue des
+Questions Historiques_, 1868, pp. 559-568.--Lefèvre-Pontalis,
+_Morosini_, t. IV, annexe XVI.--«[Geoffroy de Monmouth] fit prédire
+par lui (Merlin) tous les événements de l'histoire de Bretagne jusqu'à
+l'année même où il écrivait (1135)... Le succès de l'_Historia regum_
+fut très grand dans le monde des clercs; on accepta ses fables pour
+vérité, et, s'émerveillant de l'exactitude des prophéties de Merlin
+jusqu'en 1135, on s'efforça de démêler ce qu'elles annonçaient pour
+les temps subséquents.» Gaston Paris, _La Littérature française au
+moyen âge_, 1890, pp. 86-104.]
+
+Les Anglais n'accordaient pas moins de créance que les Français aux
+prophéties de ce sage. Quand Arthur de Bretagne, comte de Richemont,
+fut pris à rançon et mené au roi Henri, celui-ci, voyant un sanglier
+sur les armes du duc, laissa éclater sa joie. Il avait présente à
+l'esprit la vaticination de Merlin, qui disait: «Un prince nommé
+Arthur, né de la Bretagne armoricaine, portant un sanglier sur son
+enseigne, doit conquérir Angleterre, et, après qu'il en aura débouté
+la génération des Anglais, la repeuplera du lignage breton[653].»
+
+[Note 653: Le Baud, _Histoire de Bretagne_, Paris, 1638. in-fol.
+p. 451.]
+
+Or, durant le carême de l'an 1429, courait parmi les Armagnacs cette
+prédiction extraite d'un livre de Merlin:
+
+«De la ville du Bois-Chenu sortira une pucelle pour donner ses soins à
+la guérison; laquelle, après avoir forcé toutes les citadelles,
+desséchera de son souffle toutes les fontaines. Elle se répandra en
+pleurs misérables et remplira l'île d'une clameur horrible. La tuera
+le cerf à dix cors, de qui quatre ramures porteront des diadèmes d'or,
+mais dont les six autres seront changées en cornes de buffles et
+troubleront d'un son funeste les îles de Bretagne. Se dressera la
+forêt danoise, qui parlera d'une voix humaine, disant: «Viens,
+Cambrie, joins à ton flanc Cornouailles[654].»
+
+[Note 654: _Procès_, t. III, pp. 340-342.]
+
+Dans cet obscur langage, Merlin annonce confusément qu'une vierge
+accomplira des actions grandes et extraordinaires avant de périr d'une
+main ennemie. Sur un seul point il est clair, ou le semble. C'est
+quand il dit que cette vierge sortira de la ville du Bois-Chenu.
+
+Si quelqu'un avait pu prendre cette prophétie à sa source et la lire
+dans le quatrième livre de l'_Historia Britonum_, où elle se trouvait
+effectivement sous le titre de _Guyntonia vaticinium_, il aurait vu
+qu'elle concernait la ville anglaise de Winchester et se serait
+aperçu que, dans les copies qu'on faisait courir en France, elle était
+dénaturée, tronquée et tout à fait détournée de son véritable sens.
+Mais personne ne s'avisa de vérifier le texte. Les livres étaient
+rares et les esprits dépourvus de critique. La leçon fautive à dessein
+fut acceptée pour la pure parole de Merlin et il en courut de
+nombreuses copies.
+
+Ces copies, d'où venaient-elles? Leur origine demeurera sans doute à
+jamais inconnue; mais un point est hors de doute: c'est qu'elles
+désignaient la fille de la Romée, qui du seuil de la maison paternelle
+voyait l'orée du Bois-Chenu. Elles ne venaient donc pas de très loin
+et ne couraient pas depuis longtemps[655]. Si cette prophétie de
+Merlin corrigée n'est pas celle que Jeanne entendit au village,
+annonçant qu'une Pucelle viendrait des Marches de Lorraine pour le
+salut du royaume, c'est sa cousine germaine; elles ont toutes deux un
+air de famille[656]; elles furent lancées l'une et l'autre dans un
+même esprit et dans une même intention et il faut bien y reconnaître
+l'indice d'un concert entre des clercs de la Meuse et des clercs de la
+Loire pour mettre en lumière la miraculée de Domremy.
+
+[Note 655: Morosini, t. IV, p. 324.]
+
+[Note 656: Pierre Migiet fond les deux prophéties en une seule
+qu'il dit avoir lue dans un livre, _Procès_, t. III, p. 133.]
+
+La chevauchée de Jeanne étant prédite par Merlin, il fallait qu'elle
+le fût aussi par Bède, car Bède et Merlin, en matière prophétique,
+marchaient toujours ensemble.
+
+Le moine de Yearmouth, Bède le Vénérable, vieux alors de six siècles,
+avait été de son vivant un puits de science. Il avait écrit sur la
+théologie et sur la chronologie, il avait parlé du jour et de la nuit,
+de la semaine et des mois, des signes du zodiaque, des épactes, du
+cycle lunaire et des fêtes mobiles. Dans son livre _De temporum
+ratione_, il avait traité des septième et huitième âges du monde,
+lesquels devaient suivre l'âge où il vivait. Il avait prophétisé.
+Durant le siège d'Orléans, des clercs répandirent sous son nom ces
+vers difficiles dans lesquels la venue de la Pucelle était annoncée:
+
+ _Bis sex cuculli, bis septem se sociabunt[657],
+ Gallorum pulli Tauro nova bella parabunt,
+ Ecce beant bella, tunc fert vexilla Puella._
+
+[Note 657: En adoptant la correction de M. Germain
+Lefèvre-Pontalis, _Chronique d'Antonio Morosini_, t. III, pp. 126,
+127; t. IV, pp. 316 et suiv.]
+
+Le premier de ces vers est un chronogramme, c'est-à-dire qu'il
+contient en lui-même une date. Pour la dégager, on prend les lettres
+numérales qui s'y trouvent, et l'on en fait la somme. Cette somme
+donnera la date.
+
+ _bIs seX CVCVLLI, bIs septeM se soClabVnt_
+
+ 1 + 10 + 100 + 5 + 100 + 5 + 50 + 50 + 1 + 1 + 1000 + 100 + 1 + 5 = 1429.
+
+Si l'on avait cherché ces vers dans les livres du vénérable Bède, on
+ne les y aurait pas trouvés; ils n'y sont pas; mais on ne songea pas
+plus à les y chercher qu'à chercher dans Merlin la Forêt Chenue[658].
+Et il fut entendu que Bède et Merlin annonçaient la Pucelle. Des bords
+de la Loire, en cette saison, vaticinations, carmes sibyllins,
+chronogrammes s'envolaient comme des pigeons et se répandaient dans
+tout le royaume. Le faux Bède parviendra en Bourgogne dès mai ou juin
+de cette même année. On le connaîtra plus tôt encore à Paris.
+Christine de Pisan, vieille et recluse en une abbaye de France,
+écrira, avant le dernier jour de juillet 1429, que Bède et Merlin
+avaient vu la Pucelle en esprit[659].
+
+[Note 658: _The complete works of Venerable Bede_, éd. Giles,
+Londres, 1843-44, 12 vol. in-8º, ap. _Patres Ecclesiæ anglicanæ_.]
+
+[Note 659: Christine de Pisan, dans _Procès_, t. V, p.
+12.--Morosini, t. III, p. 126.--Le Doyen de Saint Thibaud, dans
+_Procès_, t. IV, p. 423.--Herman Korner, dans le P. Ayroles, _La vraie
+Jeanne d'Arc_, pp. 279 et suiv.--Walter Bower, dans _Procès_, t. IV,
+p. 481.]
+
+Les clercs qui forgeaient alors des prophéties pour la Pucelle ne s'en
+tinrent pas au faux Bède et au Merlin contrefait. Ils étaient vraiment
+infatigables et nous possédons encore une pièce de leur métier, que
+par grand hasard, le temps n'a pas détruite. C'est un petit poème
+latin écrit dans le style obscur des devins, dont voici une vieille
+traduction française:
+
+ Une vierge vestue de vestemens d'homme et qui a les membres
+ appartenans à pucelle, par la monicion de Dieu, s'appareille de
+ relever le roy portant les fleurs-de-lis, qui est couché, et de
+ chasser ses ennemys maudis; et mesmement ceux qui maintenant
+ sont devant la cité d'Orléans, laquelle ils espavantent par
+ siège. Et se les hommes ont grand courage d'eux joindre à la
+ bataille, les faux Anglois seront succombés par mort, par le Dieu
+ de la bataille de la Pucelle, et les François les tresbucheront,
+ et adonc sera la fin de la guerre; et retourneront les anciennes
+ alliances et amour; pitié et autres droits retourneront; et
+ traiteront de la paix; et tous les hommes s'outroyeront
+ [s'octroyeront?] au roy de leur bon gré, lequel roy leur pèsera
+ et leur administrera justice à tous, et les nourrira de belle
+ paix. Et dorénavant nul Anglois ennemy portant le liépart ne
+ sera, qui présumera soy dire roy de France [Le translateur
+ ajoute:] et d'ensuir les armes; lesquelles armes la sainte
+ Pucelle appareille[660].
+
+[Note 660: Buchon, _Math. d'Escouchy, etc._, p. 537.--G.
+Lefèvre-Pontalis, _Eberhard Windecke_, pp. 21 à 31.--On trouve sur un
+feuillet de garde du Cartulaire de Thérouanne un texte latin de cette
+prophétie.]
+
+Ces fausses prophéties nous donnent un aperçu des moyens par lesquels
+on mit en oeuvre la jeune inspirée. On s'y prit sans doute un peu trop
+artificieusement à notre gré. Ces clercs ne regardaient qu'au but, qui
+était la paix du royaume et de l'Église. Il était nécessaire de
+préparer le miracle du salut commun. Ne soyons pas trop émus de
+découvrir ces fraudes pieuses sans lesquelles les merveilles de la
+Pucelle ne se seraient pas produites. Il faut toujours beaucoup d'art
+et même un peu de ruse pour accréditer l'innocence.
+
+Cependant, sur un rocher escarpé, au bord de la Durance, dans la
+chaire écartée de Saint-Marcellin, Jacques Gélu restait attaché au roi
+qu'il avait servi et soucieux des intérêts des maisons d'Orléans et
+de France. Il répondit aux deux hommes d'église, Jean Girard et Pierre
+l'Hermite, qu'il ne doutait pas que Dieu ne se manifestât en faveur de
+l'orphelin et de l'affligé et ne punît l'injurieuse entreprise de
+l'Anglais, que néanmoins on ne devait pas aisément ni à la légère
+croire aux discours d'une paysanne nourrie dans la solitude, que le
+sexe féminin était fragile et prompt à s'abuser, qu'il fallait ne pas
+se rendre ridicule aux yeux des étrangers. «Les Français, ajouta-t-il,
+sont déjà trop connus pour leur facilité naturelle à se laisser
+duper.» Il avisa enfin Pierre l'Hermite qu'il serait opportun que le
+roi jeûnât et fît pénitence pour être éclairé du Ciel et préservé
+d'erreur[661].
+
+[Note 661: _Procès_, t. III, p. 393-407, t. V, pp. 473.--Marcellin
+Fornier, _Histoire des Alpes-Maritimes ou Cottiennes_, t. II, pp. 313,
+314.]
+
+L'ancien conseiller delphinal n'était pas tranquille. Il écrivit
+directement au roi Charles et à la reine Marie pour les avertir du
+danger. Cette fille ne lui disait rien de bon; il se méfiait d'elle et
+pour trois raisons: premièrement, elle venait d'un pays que tenaient
+les ennemis du roi, Bourguignons et Lorrains; deuxièmement, c'était
+une bergère aisée à séduire; troisièmement, elle était fille. Il
+bailla comme exemple Alexandre de Macédoine, qu'une reine voulut
+empoisonner; elle avait été nourrie de venins par les ennemis du roi
+et puis envoyée à lui dans l'espoir qu'il se laisserait prendre aux
+amours de cette garce, vraie boîte à poisons[662]. Mais Aristote
+écarta l'abuseresse et ainsi délivra de mort son prince. Aussi sage
+qu'Aristote, l'archevêque d'Embrun recommanda au roi de ne pas
+converser seul à seule avec la fille. Il prescrivit qu'on ne la
+laissât pas approcher de trop près, qu'on l'examinât; que cependant
+elle ne fût pas rebutée.
+
+[Note 662: L'imprimé donne «grace» qui n'est pas possible. J'ai
+conjecturé garce, qui est extrêmement probable.]
+
+À ses lettres Gélu reçut une réponse prudente qui le rassura. Dans une
+nouvelle missive, il témoigna au roi qu'il était bien aise qu'on tînt
+la fille dans la suspicion et qu'on la laissât dans l'incertitude de
+lui croire ou de ne lui pas croire. Puis sentant renaître ses
+premières incertitudes: «Il n'est pas à propos, disait-il encore,
+qu'elle ait beaucoup d'accès au roi, jusqu'à ce qu'on soit bien
+acertainé de sa vie et de ses moeurs[663].»
+
+[Note 663: M. Fornier, _Histoire des Alpes-Maritimes ou
+Cottiennes_, _ibid._]
+
+Assurément le roi Charles tenait Jeanne dans l'incertitude de ce qu'on
+croyait d'elle. Mais il ne la soupçonnait d'aucune malice et il la
+recevait volontiers. Elle l'entretenait avec une angélique
+familiarité. Elle l'appelait gentil dauphin et, par cette gentillesse
+dont elle lui donnait, il faut entendre noblesse et splendeur
+royale[664]. Elle l'appelait aussi l'oriflamme, parce qu'il était pour
+elle l'oriflamme, ou, comme elle eût dit aujourd'hui, le
+drapeau[665]. L'oriflamme était la bannière royale. De tous ces gens
+qui étaient alors à Chinon, personne ne l'avait jamais vue, mais on en
+contait des merveilles. L'oriflamme était en forme de gonfalon à deux
+queues, faite d'une étoffe fine, précieuse et légère, qu'on nommait
+sandal, et toute bordée de houppes de soie verte. Elle était descendue
+du ciel; c'était la bannière de Clovis et de saint Charlemagne. Quand
+le roi allait en guerre, on la portait devant lui. Elle avait telle
+vertu, que les ennemis, à son approche, perdaient leur force et
+fuyaient épouvantés. On se rappelait qu'en l'an 1304, alors que le roi
+Philippe le Bel eut victoire des Flamands, le chevalier qui la portait
+fut tué. On le trouva le lendemain qui, mort, la pressait encore entre
+ses bras[666]. Elle avait flotté devant le roi Charles VI, avant ses
+malheurs, et depuis lors jamais plus elle n'avait été déployée.
+
+[Note 664: Greffier de l'Hôtel de Ville d'Albi, dans _Procès_, t.
+IV, p. 300.]
+
+[Note 665: Thomassin, dans _Procès_, t. IV, p. 304.]
+
+[Note 666: Du Cange, _Glossaire_, au mot: _auriflamma_.--Le Roux
+de Lincy et Tisserand, _Paris et ses historiens_, pp. 150, 251, 257,
+259. [_Histoire générale de Paris_.]]
+
+Un jour que la Pucelle et le roi conversaient ensemble, le duc
+d'Alençon entra dans la salle. Encore enfant, il avait été pris à
+Verneuil par les Anglais, qui l'avaient gardé cinq ans dans la tour du
+Crotoy[667]. Délivré depuis peu de temps, il chassait aux cailles près
+de Saint-Florent-lès-Saumur, quand un courrier vint lui apprendre
+qu'une jeune fille était envoyée au Roi, de par Dieu, pour mettre les
+Anglais hors de France[668]. Cette nouvelle l'intéressait autant que
+personne, car il avait épousé la fille du duc d'Orléans. Aussitôt il
+s'était rendu à Chinon pour voir ce qu'il en était. Le duc d'Alençon
+se montrait à son avantage dans les années légères de sa jeunesse;
+mais il ne fut jamais réputé bien sage. C'était un esprit faible et
+violent, vain, envieux, d'une extrême crédulité. Il était persuadé que
+l'herbe martagon met en la grâce des dames; et, plus tard, il se crut
+ensorcelé. Il avait une vilaine voix rauque[669]; il le savait et il
+en souffrait. Dès qu'elle le vit approcher, Jeanne demanda qui était
+ce seigneur. Le roi ayant répondu que c'était son cousin d'Alençon,
+elle salua le duc et lui dit:
+
+[Note 667: Perceval de Cagny, p. 136.--_Chronique de la Pucelle_,
+pp. 224, 249.]
+
+[Note 668: _Procès_, t. III, p. 91.]
+
+[Note 669: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. III,
+pp. 408, 409.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. VI, pp. 43,
+44.]
+
+--Vous, soyez le très bien venu. Plus on sera ensemble du sang du roi
+de France, mieux cela sera[670].
+
+[Note 670: _Procès_, t. III, p. 91.]
+
+En quoi elle se trompait du tout au tout. À cette parole de la Pucelle
+le dauphin dut sourire amèrement. Le sang de France, il savait ce
+qu'en valait la pinte!
+
+Le lendemain Jeanne vint à la messe du roi. Quand elle approcha de son
+dauphin, elle lui fit la révérence. Le roi la conduisit dans une
+chambre, dont il fit retirer tout le monde, hors le sire de la
+Trémouille et le duc d'Alençon.
+
+Alors Jeanne lui adressa plusieurs requêtes. Elle lui demanda
+particulièrement de faire don de son royaume au Roi des cieux.
+
+--Après quoi, ajouta-t-elle, le Roi des cieux fera pour vous ce qu'il
+a fait pour vos prédécesseurs et vous remettra en l'État de vos
+pères[671].
+
+[Note 671: _Procès_, t. III, pp. 91 et 92.--Eberhard Windecke, pp.
+152 et suiv.]
+
+En tenant ces propos spirituels, en exprimant ces préceptes de réforme
+et de vie nouvelle, elle répétait ce que des clercs lui avaient
+appris. Mais elle n'était pas profondément pénétrée de cette doctrine
+qui, trop subtile pour elle, devait bientôt s'effacer de son esprit et
+faire place à une ardeur moins monastique et plus chevaleresque.
+
+Ce même jour, elle accompagna le roi à la promenade et, dans la
+prairie, courut une lance avec tant de bonne grâce, que le duc
+d'Alençon, émerveillé, lui fit don d'un cheval[672].
+
+[Note 672: _Procès_, t. III, p. 92.]
+
+Peu de jours après, ce jeune seigneur la mena à l'abbaye de
+Saint-Florent-lès-Saumur[673], dont l'église était si admirée qu'un
+l'appelait la Belle-d'Anjou. C'est dans cette abbaye qu'habitaient
+alors sa mère et sa femme. Elles furent, dit-on, joyeuses de voir
+Jeanne. Mais elles n'avaient pas grande confiance dans l'issue de la
+guerre. La jeune dame d'Alençon lui dit:
+
+[Note 673: Perceval de Cagny, p. 148.]
+
+--Jeannette, je crains beaucoup pour mon mari. Il sort à peine de
+prison et il a fallu dépenser tant d'argent pour sa rançon, que je le
+prierais bien volontiers de rester au logis.
+
+À quoi Jeanne répondit:
+
+--Madame, soyez sans crainte. Je vous le rendrai sain et en tel ou
+meilleur état qu'il n'est[674].
+
+[Note 674: _Procès_, t. III, p. 96.]
+
+Elle appelait le duc d'Alençon son beau duc[675] et elle l'aimait pour
+l'amour du duc d'Orléans dont il avait épousé la fille. Elle l'aimait
+parce qu'il croyait en elle quand tous doutaient ou niaient; elle
+l'aimait parce que les Anglais lui avaient fait tort; elle l'aimait
+parce qu'elle lui voyait bonne envie de combattre. On contait que,
+pris à Verneuil par les Anglais, quand ils lui avaient offert de lui
+rendre sa liberté et ses biens s'il voulait se tourner de leur parti,
+il avait rejeté leurs offres[676]. Il était jeune comme elle; elle le
+jugeait comme elle sincère et généreux. Et peut-être l'était-il alors;
+sans doute il ne cherchait pas déjà des poudres pour sécher le
+roi[677].
+
+[Note 675: Perceval de Cagny, p. 151 et _passim_.]
+
+[Note 676: Monstrelet, t. IV, p. 240.]
+
+[Note 677: P. Dupuy, _Procès de Jean II duc d'Alençon_ 1458-1474,
+1658, in-4º.--Michelet, _Histoire de France_, t. V, p. 382.--Docteur
+Chereau, _Médecins du quinzième siècle_, dans l'_Union Médicale_, t.
+XIV, août 1862.--Joseph Guibert, _Jean II duc d'Alençon_, dans les
+_Positions de l'École des Chartes_, année 1893.]
+
+On décida que Jeanne serait conduite à Poitiers afin d'y être examinée
+par les docteurs[678]. Dans cette ville se tenait le Parlement et
+étaient réunis beaucoup de notables clercs en théologie, tant
+séculiers que réguliers[679]. De solennels docteurs et maîtres y
+furent convoqués par surcroît. Jeanne partit sous escorte. Elle crut
+d'abord qu'on la menait à Orléans. Elle rappelait l'ignorance et la
+foi de ces pauvres gens qui, ayant pris la croix, allaient et, à
+chaque ville qu'ils voyaient devant eux, pensaient que ce fût
+Jérusalem. À mi-chemin, elle demanda à ses guides où ils la
+conduisaient. Quand elle apprit que c'était à Poitiers:
+
+--En nom Dieu! dit-elle, je sais que j'y aurai bien affaire. Mais
+Messire m'aidera. Or, allons, de par Dieu[680]!
+
+[Note 678: _Procès_, t. III, p. 116 et 209.]
+
+[Note 679: Bélisaire Ledain, _Jeanne d'Arc à Poitiers_,
+Saint-Maixent, 1891, in-8º de 15 p.--Neuville, _Le Parlement royal à
+Poitiers_, dans _Revue Historique_, t. VI, p. 284.]
+
+[Note 680: _Chronique de la Pucelle_, p. 275.--_Journal du siège_,
+p. 48.--Monstrelet, t. IV, p. 316.]
+
+
+
+
+CHAPITRE VII
+
+LA PUCELLE À POITIERS.
+
+
+Depuis quatorze ans, la ville de Poitiers était la capitale de la
+France française. Le dauphin Charles y avait transféré le Parlement
+ou, du moins, y avait réuni quelques membres échappés du Parlement de
+Paris. Le Parlement de Poitiers n'était composé que de deux Chambres.
+Il aurait jugé comme le roi Salomon, si les plaideurs étaient venus
+lui soumettre leurs causes, mais ils ne venaient pas, de peur d'être
+pris en chemin par les routiers et les capitaines à la solde du roi,
+et parce que, dans le trouble du royaume, les différends ne se
+réglaient guère par justice. Les conseillers, qui pour la plupart
+avaient leurs terres près de Paris, ne savaient comment se vêtir et se
+nourrir. Rarement ils recevaient leurs gages et le casuel faisait
+défaut. Ils avaient beau inscrire sur leurs registres la formule:
+_Non deliberetur donec solvantur species_, les parties n'apportaient
+point d'espèces[681]. L'avocat général, messire Jean Jouvenel des
+Ursins, qui possédait belles terres et maisons en Île-de-France, Brie
+et Champagne, était tout piteux de voir la dame de bien et d'honneur
+sa femme, ses onze enfants et ses trois gendres, aller par les rues de
+la ville nu-pieds et dans de pauvres habits[682]. Quant aux docteurs
+et maîtres, qui avaient suivi la fortune du roi, c'est en vain qu'ils
+étaient des puits de science et des fontaines de clergie, puisque,
+faute d'une université où ils pussent enseigner, ils ne tiraient nul
+profit de leur éloquence et de leur savoir. La ville de Poitiers,
+devenue la première ville du royaume, avait un Parlement et n'avait
+pas d'Université, semblable à une dame de haute noblesse, mais borgne,
+le Parlement et l'Université étant les deux yeux d'une grande ville.
+Aussi nourrissaient-ils en leurs tristes loisirs un désir ardent de
+rétablir les affaires du roi avec les leurs, s'il plaisait au
+Seigneur. En attendant, exténués de froid et de faim, ils gémissaient
+et se lamentaient. Comme Israël dans le désert, ils soupiraient après
+le jour où Dieu, entendant leurs plaintes, dirait: «Ce soir vous
+mangerez de la chair et demain matin vous vous rassasierez de pain;
+et vous connaîtrez que je suis le Seigneur votre Dieu.» _Vespere
+comedetis carnes et mane saturabimini panibus: scietisque quod ego sum
+Dominus deus vester._ (_Exod._ XVI, 12.) C'est parmi ces fidèles et
+pauvres serviteurs d'un roi pauvre, que furent choisis pour la plupart
+les docteurs et clercs chargés d'examiner la Pucelle. Voici quels ils
+étaient: le seigneur évêque de Poitiers[683]; le seigneur évêque de
+Maguelonne[684]; maître Jean Lombard, docteur en théologie, autrefois
+professeur de théologie à l'Université de Paris[685]; maître Guillaume
+Le Marié, bachelier en théologie, chanoine de Poitiers[686]; maître
+Gérard Machet, confesseur du roi[687]; maître Jourdain Morin[688];
+maître Jean Érault, professeur de théologie[689]; maître Mathieu
+Mesnage, bachelier en théologie[690]; maître Jacques Meledon[691];
+maître Jean Maçon, docteur en droit civil et en droit canon, de grande
+renommée[692]; frère Pierre de Versailles, religieux de Saint-Denys en
+France, de l'ordre de Saint-Benoît, professeur de théologie, prieur
+du prieuré de Saint-Pierre de Chaumont, abbé de Talmont au diocèse de
+Laon, ambassadeur du très chrétien roi de France[693]; frère Pierre
+Turelure, de l'ordre de Saint-Dominique, inquisiteur de Toulouse[694];
+maître Simon Bonnet[695]; frère Guillaume Aimery, de l'ordre de
+Saint-Dominique, docteur en théologie, professeur de théologie[696];
+frère Seguin de Seguin, de l'ordre de Saint-Dominique, docteur en
+théologie, professeur de théologie[697]; frère Pierre Seguin,
+carme[698]; plusieurs conseillers du roi, licenciés en droit civil
+ainsi qu'en droit canon.
+
+[Note 681: Neuville, _Le Parlement royal à Poitiers_, dans _Revue
+Historique_, t. VI, p. 18.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_,
+t. II, pp. 571 et suiv.]
+
+[Note 682: Louis Batiffol, _Jean Jouvenel, prévôt des marchands de
+la ville de Paris_, Paris, 1894, in-8º.--Juvénal des Ursins, _Histoire
+de Charles VI_, pp. 359, 360.]
+
+[Note 683: _Procès_, t. III, p. 92.--_Gallia Christiana_, t. II,
+col. 1198.]
+
+[Note 684: _Ibid._, t. III, p. 92.--Le P. Ayroles, _La Pucelle
+devant l'Église de son temps_, p. 6.]
+
+[Note 685: _Ibid._, t. III, pp. 203, 204.]
+
+[Note 686: Le Maire, _Procès_, t. III, pp. 19 et 203.]
+
+[Note 687: _Procès_, t. III, pp. 74, 75.--Launoy, _Historia
+Collegii Navarrici_, lib. II, _passim_.]
+
+[Note 688: _Procès_, t. III, pp. 92, 102.]
+
+[Note 689: _Ibid._, t. III, pp. 74, 75.]
+
+[Note 690: _Ibid._, t. III, pp. 74, 92, 102.]
+
+[Note 691: _Ibid._, t. II, p. 203.]
+
+[Note 692: _Ibid._, t. III, pp. 27, 28.]
+
+[Note 693: _Procès_, t. III, pp. 19, 74, 92, 203.--_Gallia
+Christiana_, t. III, col. 1128.]
+
+[Note 694: _Ibid._, t. III, p. 203.--_Gallia Christiana_, t. III,
+col. 1129.]
+
+[Note 695: _Ibid._, t. III, p. 92.]
+
+[Note 696: _Ibid._, t. III, pp. 19, 83, 203.]
+
+[Note 697: _Ibid._, t. III, pp. 19, 203.--Le P. Chapotin, _La
+guerre de cent ans; Jeanne d'Arc et les Dominicains_, p. 132.]
+
+[Note 698: Le Chanoine Dunand, _La légende anglaise de Jeanne_,
+Paris, 1903, in-8º, p. 118.]
+
+C'était beaucoup de docteurs pour interroger une bergère. Cependant on
+doit songer qu'en ce temps où la théologie, inflexible et subtile,
+dominait toute connaissance humaine et obtenait du bras séculier qu'il
+fît suivre d'effets les opinions émises par elle, dès qu'une pauvre
+fille ignorante donnait à croire qu'elle voyait Dieu, la Vierge, les
+anges et les saints, il fallait qu'elle allât, dans un grand concours de
+docteurs, de miracles en miracles, à une mort bien odorante et à la
+béatification, ou, d'hérésies en hérésies, aux prisons ecclésiastiques
+et au bûcher des sorcières. Et comme les sacrés inquisiteurs étaient
+persuadés que le diable entre facilement dans les femmes, la malheureuse
+créature avait plus de chance d'être brûlée vive que de mourir en odeur
+de sainteté. Par exception singulière, Jeanne, devant les docteurs de
+Poitiers, ne courait pas grand risque d'être suspectée dans sa foi.
+Frère Pierre Turelure lui-même ne désirait pas trouver en ce moment
+devant lui une de ces hérétiques qu'il recherchait curieusement à
+Toulouse. Les illustres maîtres, en s'approchant d'elle, rentraient
+leurs griffes théologales. Ils étaient d'Église; mais ils étaient
+Armagnacs. C'était, pour la plupart, des hommes d'affaires, des
+négociateurs, de vieux conseillers du dauphin[699]. Qu'ils eussent,
+comme prêtres, une doctrine et des moeurs, qu'ils connussent des règles
+pour juger en matière de foi, ce n'est pas douteux. Mais à cette heure
+il ne s'agissait pas de guérir le mal hérétique, il s'agissait de
+chasser les Anglais. Jeanne était dans la grâce de monseigneur le duc
+d'Alençon et de monseigneur le Bâtard; les habitants d'Orléans
+l'attendaient comme le salut. Elle promettait de mener le roi à Reims,
+et il se trouvait que l'homme le plus puissant et le plus habile de
+France, le chancelier du royaume, messire Regnault de Chartres était
+archevêque, comte de Reims. Cela pesait d'un grand poids[700].
+
+[Note 699: O. Raguenet de Saint-Albin, _Les juges de Jeanne d'Arc
+à Poitiers, membres du Parlement ou gens d'Église?_, Orléans, 1894,
+in-8º, 46 p.]
+
+[Note 700: Voir plus haut, pp. 176-179.]
+
+Et qu'il en fût comme elle disait, que Dieu l'eût vraiment envoyée à
+l'aide des fleurs de Lis, au jugement de quiconque avait sens et
+clergie et tenait le parti français, ce n'était pas impossible, encore
+qu'extraordinaire. Personne ne niait que Dieu pût intervenir
+directement dans la conduite des royaumes, ayant dit lui-même: _Per me
+reges regnant._ En l'Église une et sainte, les docteurs de Poitiers
+pensaient judicieusement que le Seigneur protégeait les gens du
+dauphin, tandis que l'Université de Paris tout aussi judicieusement le
+croyait avec les Bourguignons et les Anglais. Il n'était pas
+nécessaire que son messager fût un ange. Ce pouvait être une créature
+humaine ou une bête, comme le corbeau qui nourrit Élie. Et qu'une
+fille eût charge de guerre, c'est ce qui s'accordait avec ce qu'on
+trouvait dans les livres touchant Camille, les Amazones et la reine
+Penthésilée, et avec ce qui est dit dans la Bible des femmes fortes
+suscitées par le Seigneur pour le salut d'Israël, Déborah, Jahel,
+Judith de Béthulie. Car il est écrit: «Ce ne sont point les jeunes
+hommes qui ont renversé celui dont la puissance était sur eux, ni les
+fils des géants qui l'ont frappé, ni les colosses qui se sont opposés
+à lui. Mais Judith, fille de Mérari, l'a détruit par la beauté de son
+visage.»
+
+Jeanne fut conduite à l'hôtel qu'habitait maître Jean Rabateau, non
+loin du Palais, au coeur de la ville[701]. Maître Jean Rabateau était
+avocat général lai; les causes criminelles lui appartenaient tandis
+que les causes civiles allaient à l'avocat général clerc, Jean
+Jouvenel. Avocats du roi, hommes du roi, ils le représentaient l'un et
+l'autre, lorsqu'il était en cause. Le roi était un mauvais client.
+Maître Jean Rabateau plaidait pour lui au criminel moyennant quatre
+cents livres par an. Il ne pouvait plaider que pour les fleurs de Lis
+et nul ne le soupçonnait de manger trop d'épices. S'il remplissait en
+outre les fonctions de conseiller du duc d'Orléans, il y gagnait peu.
+Comme la plupart des officiers du Parlement, il se trouvait pour
+l'heure fort dénué de biens. Étranger à Poitiers, il n'y possédait
+point de maison, et logeait dans un hôtel qui, appartenant à une
+famille Rosier, en avait pris le nom d'hôtel de la Rose. Au reste, la
+demeure était vaste. On y hébergeait les témoins qu'on voulait garder
+honorablement et sûrement. Jeanne y fut amenée, bien que le Parlement
+n'eût point à examiner l'affaire de cette jeune fille[702]. Cette fois
+encore, elle était remise aux mains d'un homme qui appartenait au duc
+d'Orléans autant qu'au roi de France. La femme de maître Jean
+Rabateau, comme toutes les femmes des hommes de robe, était de bonne
+renommée[703]. À _la Rose_, chaque jour après le dîner, Jeanne restait
+longtemps agenouillée. Elle se relevait, la nuit, pour prier, et elle
+passait de longues heures dans le petit oratoire de l'hôtel. C'est
+dans cette maison que les docteurs vinrent l'interroger. Quand on lui
+annonça leur venue, elle fut agitée d'une cruelle inquiétude. Madame
+sainte Catherine prit soin de la rassurer[704]; elle aussi avait
+disputé avec les docteurs, et les avait confondus. Il est vrai que
+ceux-là étaient des païens, mais très savants et d'un esprit bien
+subtil: car il est dit dans la vie de la sainte:
+
+[Note 701: _Procès_, t. III, pp. 19, 74, 82, 203.--_Chronique de
+la Pucelle_, p. 275.--B. Ledain, _Jeanne d'Arc à Poitiers_,
+Saint-Maixent, 1891, in-8º.]
+
+[Note 702: Voyez toutefois le _Mistère du siège_, pp. 397-406.]
+
+[Note 703: On peut d'autant moins soupçonner cette dame de ne
+point mériter sa bonne renommée qu'on ne sait rien d'elle et qu'on
+ignore même si c'est la première ou la seconde femme de maître Jean
+Rabateau: car il en eut deux. La première était fille de Benoît
+Pidelet.--Cf. B. Ledain, _La maison de Jeanne d'Arc à Poitiers_,
+Saint-Maixent, 1892, in-8º.--Henri Daniel-Lacombe, _L'hôte de Jeanne
+d'Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau_ (_Revue du Bas-Poitou_, avril
+1891, pp. 48, 66).--A. Barbier, _Jeanne d'Arc et l'hôtellerie de la
+Rose_, Poitiers, 1892, in-8º.]
+
+[Note 704: _Procès_, t. III, p. 82.]
+
+«L'empereur manda cinquante docteurs versés dans la science des
+Égyptiens et dans les arts libéraux. Et, quand elle apprit qu'elle
+devait disputer avec les sages, Catherine craignit de ne pouvoir
+défendre dignement contre eux la vérité de Jésus-Christ. Mais un ange
+lui apparut et lui dit:
+
+«Je suis l'archange saint Michel, envoyé par Dieu pour t'annoncer que
+tu sortiras de ce combat victorieuse et digne d'obtenir Notre-Seigneur
+Jésus-Christ, espoir et couronne de ceux qui combattent pour lui.» Et
+la vierge disputa avec les docteurs[705].»
+
+[Note 705: Voragine, _La légende dorée_ (Vie de sainte
+Catherine).]
+
+Les solennels docteurs et maîtres et les notables clercs du Parlement
+de Poitiers se rendaient par petits groupes dans la maison de Jean
+Rabateau, et chacun d'eux interrogeait Jeanne à son tour. Les premiers
+qui vinrent furent Jean Lombard, Guillaume le Maire, Guillaume Aimery,
+Pierre Turelure, Jacques Meledon. Frère Jean Lombard demanda:
+
+--Pourquoi êtes-vous venue? Le roi veut savoir ce qui vous a poussée à
+l'aller trouver.
+
+Jeanne répondit d'une manière qui parut grande à tous ces clercs:
+
+--Comme je gardais les animaux, une _Voix m'apparut_. La Voix me dit:
+«Dieu a grande pitié du peuple de France. Jeanne, il faut que tu
+ailles en France». Ayant ouï ces paroles, je me mis à pleurer. Alors
+la Voix me dit: «Vas à Vaucouleurs. Tu trouveras là un capitaine qui
+te conduira sûrement en France, près du roi. Sois sans crainte». J'ai
+fait ce qui m'était dit et suis arrivée au roi sans nul
+empêchement[706].
+
+[Note 706: _Procès_, t. III, p. 204.]
+
+Frère Guillaume Aimery prit ensuite la parole:
+
+--D'après vos dires, la Voix vous apprit que Dieu veut tirer le peuple
+de France de la calamité où il est. Mais si Dieu veut délivrer le
+peuple de France, il n'est pas nécessaire d'avoir des gens d'armes.
+
+--En nom Dieu! répliqua la Pucelle, les gens d'armes batailleront, et
+Dieu donnera victoire.
+
+Maître Guillaume se déclara satisfait[707].
+
+[Note 707: _Procès_, t. III, pp. 203-204.]
+
+Le 22 mars, maître Pierre de Versailles et maître Jean Érault se
+rendirent ensemble au logis de Jean Rabateau. L'écuyer Gobert
+Thibault, que Jeanne avait déjà vu à Chinon, y vint avec eux. C'était
+un homme jeune, très simple, et qui pour croire ne demandait point de
+signes. À leur venue, Jeanne alla un peu au-devant d'eux, et, frappant
+amicalement sur l'épaule du soldat:
+
+--Je voudrais bien, lui dit-elle, avoir plusieurs hommes d'aussi bonne
+volonté[708].
+
+[Note 708: _Ibid._, t. III, pp. 73-74.]
+
+Elle se sentait à l'aise avec les gens d'armes. Quant aux docteurs,
+elle ne pouvait les souffrir, et c'était pour elle un supplice
+lorsqu'ils venaient arguer. Bien que ces théologiens usassent de
+grands ménagements à son endroit, leurs éternelles interrogations
+lassaient sa patience; leur lenteur, leur pesanteur l'exaspérait. Elle
+leur savait très mauvais gré de ne pas croire en elle tout de suite,
+sans preuves, et de lui demander un signe qu'elle ne pouvait leur
+donner, puisque ni monseigneur saint Michel, ni madame sainte
+Catherine, ni madame sainte Marguerite, pendant les examens,
+n'apparaissait. Dans le retrait, dans l'oratoire et dans la campagne
+déserte, les hôtes du Paradis la visitaient en foule; anges et
+saintes, descendus du ciel, se pressaient autour d'elle. Mais, à la
+venue des docteurs, l'échelle de Jacob se retirait soudain. Et puis
+ils étaient des théologiens, et elle était une sainte. Les rapports
+sont toujours difficiles entre les chefs de l'Église militante et les
+dévotes femmes qui communiquent directement avec l'Église triomphante.
+Elle sentait que les révélations dont elle était favorisée abondamment
+donnaient des doutes, des soupçons, des défiances même à ses
+examinateurs les plus favorables. Elle n'osait pas trop leur conter
+les secrets de ses Voix, et elle confiait, derrière leur dos, à son
+beau duc d'Alençon, qu'elle savait et qu'elle pouvait beaucoup plus
+qu'elle n'avait dit à tous ces clercs[709]. Ce n'était pas à ceux-là
+qu'elle avait été envoyée; ce n'était pas pour ceux-là qu'elle était
+venue. Elle se trouvait gênée avec eux, et leurs façons d'être lui
+inspiraient cette mauvaise humeur empreinte dans plus d'une de ses
+réponses. Parfois, quand ils l'interrogeaient, elle se rencognait avec
+mutinerie au bout du banc et faisait la moue[710].
+
+[Note 709: _Procès_, t. III, p. 92.]
+
+[Note 710: _Chronique de la Pucelle_, p. 275.]
+
+--Nous sommes envoyés vers vous de la part du roi, dit maître Pierre
+de Versailles.
+
+Elle répondit de très mauvaise grâce:
+
+--Je crois bien voir que vous êtes encore envoyés pour m'interroger.
+Je ne sais ni A ni B[711].
+
+[Note 711: _Procès_, t. III, p. 74.]
+
+Mais à cette demande:
+
+--Pourquoi donc venez-vous
+
+Elle répliqua vivement:
+
+--Je viens de la part du Roi des cieux pour faire lever le siège
+d'Orléans et conduire le roi à Reims, pour son couronnement et son
+sacre. Maître Jean Érault, avez-vous du papier et de l'encre? Écrivez
+ce que je vais vous dire.
+
+Et elle dicta une brève apostrophe aux capitaines anglais: «Vous,
+Suffort, Clasdas et la Poule, je vous somme de par le Roi des cieux
+que vous en alliez en Angleterre[712].»
+
+[Note 712: _Procès_, t. III, p. 74.--Boucher de Molandon et A. de
+Beaucorps, _L'armée anglaise_, p. 111.--La Poule, comme il est ici
+nommé à la française, n'est autre que Suffort, c'est-à-dire William
+Pole, comte de Suffolk; à moins qu'on ne veuille désigner le frère de
+William, John Pole, qui n'était pas un des trois chefs du siège. Quant
+à Clasdas ou Glasdale, pour le nommer comme les Français, il servait
+sous les ordres du commandant des Tourelles. Ces erreurs peuvent être
+du fait de Jeanne; elles peuvent être aussi du témoin. On ne les
+retrouve pas dans la lettre aux Anglais.]
+
+Maître Jean Érault, qui écrivit sous sa dictée, était, comme la
+plupart d'entre eux, très bien disposé pour elle. De plus il avait des
+lumières. Il se rappelait cette Marie d'Avignon, surnommée la Gasque,
+qui avait fait au feu roi Charles VI des prophéties bien bonnes et
+mémorables. Or, la Gasque était allée dire au roi que le royaume
+éprouverait encore maintes calamités, et qu'elle avait vu des armes
+dans le ciel. Et elle avait conclu son apocalypse en ces termes:
+«Tandis que j'étais effrayée, croyant qu'il me fallait prendre ces
+armes, une voix me rassura, en disant: «Elles ne sont pas pour toi,
+mais pour une vierge qui viendra, et, par ces armes, délivrera le
+royaume de France.» Maître Jean Érault médita ces révélations
+merveilleuses et il en vint à croire que Jeanne était la vierge
+annoncée par Marie d'Avignon[713].
+
+[Note 713: _Procès_, t. III, p. 83.]
+
+Maître Gérard Machet, confesseur du roi, avait trouvé dans des écrits
+qu'une pucelle devait venir pour donner aide au roi de France. Il en
+fit la remarque à l'écuyer Gobert Thibault qui n'était pas un très
+gros personnage[714]; il la fit assurément à bien d'autres. Gérard
+Machet, docteur en théologie, autrefois vice-chancelier de
+l'Université, dont il était maintenant exclu, passait pour une des
+lumières de l'Église. Il aimait la cour[715], bien qu'il s'en
+défendît, et jouissait de la faveur du roi qui, pour récompenser ses
+bons services, venait de lui donner de quoi acheter une mule[716]. On
+est suffisamment édifié sur les dispositions des docteurs, quand on
+surprend le confesseur du roi répandant lui-même les prophéties
+fabriquées tout exprès pour accréditer la Pucelle du Bois-Chenu.
+
+[Note 714: _Ibid._, t. III, p. 75.]
+
+[Note 715: Lettres de Gérard Machet, Bibl. nat., fonds latin nº
+8577.--Launoy, _Regii Navarræ Gymnasii Parisiensis historia..._,
+Paris, 1682 (2 vol. in-4º), t. II, pp. 533, 557.--Du Boulay, _Hist.
+Univ. Parisiensis_, t. V, p. 875.--Vallet de Viriville, dans _Nouvelle
+Biographie générale_.]
+
+[Note 716: De Beaucourt, _Extrait du catalogue des actes de
+Charles VII_, p. 18.]
+
+On interrogea la jeune fille touchant ses Voix qu'elle appelait aussi
+son Conseil, et ses saintes, qu'elle se représentait à la ressemblance
+des figures taillées et peintes qui peuplaient les églises[717]. Les
+docteurs firent objection sur ce qu'elle avait rejeté tout vêtement de
+femme et fait tailler ses cheveux en rond, à la façon des jouvenceaux.
+Or il est écrit: «Une femme ne prendra point un habit d'homme, et un
+homme ne prendra point un habit de femme; car celui qui le fait est
+abominable devant Dieu.» (_Deuter._ XXII, 5.) Le concile de Gangres,
+tenu sous le règne de Valens, avait frappé d'anathème les femmes qui
+s'habillaient en hommes et se coupaient les cheveux[718]. Mais il
+importait de considérer que ce qui était abominable à Dieu ce n'était
+point le dehors, c'était le dedans; ce n'était point l'habit, c'était
+le mauvais dessein qui le faisait prendre. Les Pères de Gangres
+n'avaient condamné que les femmes qui s'habillaient en hommes et se
+coupaient les cheveux sous prétexte de vie ascétique. L'Église
+approuvait depuis lors que les religieuses coupassent leurs cheveux.
+Plusieurs saintes, inspirées par un mouvement extraordinaire du
+Saint-Esprit, avaient caché leur sexe sous des vêtements virils. On
+gardait à Saint-Jean-des-Bois, près Compiègne, la châsse de sainte
+Euphrosine d'Alexandrie, qui avait vécu trente-huit ans sous l'habit
+d'homme dans le couvent de l'abbé Théodose[719]. Pour ces raisons et
+sur ces exemples, les docteurs pensèrent: Puisque Jeanne prit cet
+habit non point pour offenser la pudeur d'autrui, mais pour garder la
+sienne, ne tournons pas à mal ce qui a été fait pour le bien, et ne
+condamnons point un acte que la pureté des intentions justifie.
+
+[Note 717: _Procès_, t. I, pp. 71, 72, 73, 171.]
+
+[Note 718: Labbe, _Sacro-Sancta Consilia_ (1671), II, 413-34.]
+
+[Note 719: Surius, _Vitæ S.S._ (1618), t. I, pp. 21-24.--Gabriel
+Brosse, _Histoire abrégée de la vie et de la translation de sainte
+Euphrosine, vierge d'Alexandrie, patronne de l'abbaye de
+Beaulieu-lès-Compiègne_, Paris, 1649, in-8º.]
+
+Certains examinateurs lui demandèrent pourquoi elle nommait Charles,
+dauphin, au lieu de lui donner son titre de roi. Ce titre, il le
+portait légitimement depuis le 30 octobre 1422, ayant ce jour, le
+neuvième depuis la mort du roi son père, à Mehun-sur-Yèvre, dans la
+chapelle royale, quitté sa robe noire pour une robe vermeille, pendant
+que les hérauts, levant la bannière de France, criaient: «Vive le
+roi!»
+
+Elle répondit:
+
+--Je ne l'appellerai pas roi, tant qu'il n'aura pas été sacré et
+couronné à Reims. C'est dans cette cité que j'entends le mener[720].
+
+[Note 720: _Procès_, t. III, p. 20.]
+
+Pour elle, il n'y avait point de roi de France sans ce sacre, dont
+elle avait ouï les miracles de la bouche de son curé qui, chaque
+année, récitait le panégyrique du bienheureux saint Remi, patron de la
+paroisse. Cette réponse était de sorte à contenter les examinateurs,
+car il importait, pour le spirituel et pour le temporel, que le roi
+fût sacré à Reims[721]. Et messire Regnault de Chartres devait le
+souhaiter ardemment.
+
+[Note 721: Il est à remarquer que la consultation des docteurs,
+telle que Thomassin l'a insérée dans le _Registre delphinal_, désigne
+Charles de Valois tour à tour et indifféremment par le titre de roi et
+par celui de dauphin (_Procès_, t. IV, p. 303).]
+
+Quand les clercs la contredisaient, elle opposait ses propres lumières
+à la doctrine de l'Église et elle leur disait:
+
+--Il y a aux livres de Notre-Seigneur plus qu'aux vôtres[722].
+
+[Note 722: _Procès_, t. III, p. 86.]
+
+Réponse hardie et brûlante, qu'il eût été dangereux de faire à des
+théologiens moins favorables que ceux-là; car peut-être y eussent-ils
+vu une offense aux droits de l'Église qui, gardienne des livres
+saints, en demeure l'interprète jalouse et ne souffre pas qu'on oppose
+l'autorité des Écritures aux décisions des Conciles[723]. Quels
+étaient les livres qu'elle jugeait, sans les avoir lus, contraires à
+ceux de Notre-Seigneur, dans lesquels elle paraissait lire à pleines
+pages par les yeux de l'esprit? Les sacrés canons, semblait-il, et les
+saintes décrétales. Cette parole d'une enfant contenait de quoi ruiner
+l'Église tout entière. Les docteurs de Poitiers, s'ils avaient été
+moins Armagnacs, auraient dès lors flairé Jeanne avec méfiance et
+trouvé qu'elle sentait la persinée. Mais ils servaient fidèlement les
+maisons d'Orléans et de France; leurs robes étaient percées, leurs
+marmites vides[724], ils n'espéraient plus qu'en Dieu, et craignaient,
+en rejetant cette jeune fille, de rebuter le Saint-Esprit. D'ailleurs,
+rien ne les empêchait de croire que Jeanne eût ainsi parlé par
+ignorance et simplicité, sans malice aucune. C'est pourquoi sans doute
+ils ne se scandalisèrent point.
+
+[Note 723: Le Père Didon, _Vie de Jésus_, t. 1er, préface.]
+
+[Note 724: Juvénal des Ursins, _Histoire de Charles VI_, p. 359.]
+
+À son tour, frère Seguin de Seguin interrogea la jeune fille. Il était
+Limousin, et son origine paraissait à son langage. Il parlait avec une
+lenteur pesante et employait des termes ignorés en Lorraine et en
+Champagne. Peut-être avait-il cet air épais et lourd qui rendait les
+gens de son pays un peu ridicules aux Français de la Loire, de la
+Seine et de la Meuse. À cette question:
+
+--Quelle langue parlent vos Voix?
+
+Jeanne répondit:
+
+--Une meilleure que la vôtre[725].
+
+[Note 725: _Procès_, t. III, p. 204.]
+
+Les saintes ont leurs moments d'impatience. Si le frère Seguin ne le
+savait pas encore, il l'apprit en ce jour. Aussi pourquoi doutait-il
+que madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite, qui étaient
+du parti des Français, parlassent français? Un tel doute était
+insupportable à Jeanne, et elle fit entendre à l'interrogateur que,
+lorsqu'on est Limousin, on ne s'enquiert point du parler des dames du
+ciel. Cependant il poursuivit son interrogatoire.
+
+--Croyez-vous en Dieu?
+
+--Oui, et mieux que vous, fit la Pucelle, qui, ne connaissant point le
+bon frère, semblait peut-être un peu prompte à s'estimer mieux
+croyante que lui. Mais elle était outrée qu'on pût douter de sa
+créance au Dieu qui l'avait envoyée. Sa réponse, à la bien entendre,
+attestait l'ardeur de sa foi. Frère Seguin l'entendit-il ainsi? Des
+contemporains disent qu'il se montra fort aigre personne. On a des
+raisons de croire, au contraire, qu'il était bon homme[726].
+
+[Note 726: C'était donc la destinée des Limousins d'être raillés
+par les Français de Champagne et de France! Après Frère Seguin, ce
+sera l'étudiant limousin à qui Pantagruel dit: «Tu es Limousin pour
+tous potaige, et tu veux icy contrefaire le Parisian.» Et ce sera M.
+de Pourceaugnac. La Fontaine écrit de Limoges, à sa femme, en 1663,
+que les Limousins ne sont ni malheureux ni disgraciés du Ciel, «comme
+on se le figure dans nos provinces». Mais il ajoute que leurs
+habitudes ne lui plaisent pas. Il semble que le Frère Seguin ait été
+d'abord piqué des moqueries et des vivacités de la jeune fille. Mais
+il ne lui garda pas rancune. «Le bon naturel du Limousin, dit Abel
+Hugo, ne sait pas nourrir longtemps un sentiment haineux.» _La France
+pittoresque: Haute-Vienne._--Cf. A. Précicou, _Rabelais et les
+Limousins_, Limoges, 1906, in-8º.]
+
+--Mais enfin, dit-il, Dieu ne veut pas qu'on vous croie, s'il ne
+paraît quelque signe montrant qu'il vous faut croire. Nous ne saurions
+conseiller au roi de vous confier, sur votre seule parole, des gens
+d'armes et de les mettre ainsi en péril.
+
+--En nom Dieu, répondit-elle, je ne suis pas venue à Poitiers pour
+faire signes. Mais menez-moi à Orléans, et je vous montrerai signes
+pour quoi je suis envoyée. Qu'on me donne des hommes en si grand
+nombre qu'on le jugera bon, et j'irai à Orléans.
+
+Et elle dit encore ce qu'elle disait sans cesse:
+
+--Les Anglais seront tous chassés et détruits. Le siège d'Orléans sera
+levé et la ville affranchie de ses ennemis, après que j'en aurai fait
+sommation de par le Roi du ciel. Le roi sera sacré à Reims, la ville
+de Paris remise en l'obéissance du roi, et le duc d'Orléans reviendra
+d'Angleterre[727].
+
+[Note 727: _Procès_, t. III, p. 205.]
+
+Longtemps, à l'exemple de frère Seguin de Seguin, plusieurs docteurs
+et maîtres la pressèrent de montrer un signe de sa mission. Ils
+estimaient en effet que, si Dieu l'avait choisie pour délivrer le
+peuple de France, il ne manquerait pas de rendre ce choix manifeste
+par un signe de sa main, ainsi qu'il avait fait pour Gédéon, fils de
+Josias. Quand Israël était humilié sous Madian, et lorsque, pour
+échapper à ses ennemis, le peuple de Dieu se cachait dans les cavernes
+des montagnes, l'Ange apparut à Gédéon sous un chêne et, parlant au
+nom du Seigneur lui dit: «Je serai avec toi et tu détruiras les
+madianites.» À quoi Gédéon répondit: «Si j'ai trouvé grâce devant toi,
+fais-moi connaître par un signe que c'est toi qui me parles.» Il fit
+cuire un chevreau, pétrit des pains sans levain, mit la chair dans une
+corbeille et le jus dans un vase, et déposa sous le chêne le vase et
+la corbeille. Alors l'Ange du Seigneur lui dit: «Prends la chair et
+les pains sans levain, pose-les sur cette pierre et verse dessus le
+jus de la chair.» Ce que Gédéon ayant fait, l'Ange toucha de son bâton
+la chair et les pains sans levain, et aussitôt il sortit un feu de la
+pierre qui consuma la chair et les pains. Et Gédéon connaissant qu'il
+avait vu l'Ange du Seigneur, s'écria: «Hélas! mon Dieu! car j'ai vu
+l'Ange du Seigneur face à face!» Et avec trois cents hommes, il
+détruisit le peuple madianite. Les docteurs avaient cet exemple
+présent à l'esprit[728].
+
+[Note 728: _Procès_, t. III, p. 20.]
+
+Mais pour la Pucelle, le signe de victoire, c'était la victoire même.
+Elle ne cessa de dire:
+
+--Le signe que je vous montrerai, ce sera Orléans secouru et le siège
+levé[729].
+
+[Note 729: _Ibid._, t. III, p. 20 et 205.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 278.--_Journal du siège_, p. 49.]
+
+La constance avec laquelle elle persévérait dans ce propos frappa la
+plupart des interrogateurs qui estimèrent qu'elle devait être pour
+eux, non pas une occasion de tiédeur et de doute, mais un exemple de
+ferveur et un sujet d'édification, et que, puisqu'elle promettait de
+montrer signe, il leur convenait de demander humblement à Dieu qu'il
+le lui envoyât, d'espérer comme elle, et, unis au roi et à tout le
+peuple de France, de demander les enseignes de victoire au Dieu qui
+délivra Israël. Ainsi tombaient les raisons du bon frère Seguin et de
+ceux qui, séduits par les conseils de la sagesse humaine, voulaient
+des preuves pour croire.
+
+Après un examen qui dura six semaines, les docteurs se déclarèrent
+édifiés[730].
+
+[Note 730: _Procès_, t. III, pp. 19-20.]
+
+Il y avait un point dont il convenait de s'assurer: il fallait savoir
+si, comme elle le disait, Jeanne était vierge. À la vérité, des
+matrones l'avaient déjà examinée lors de sa venue à Chinon, quand on
+ne savait pas seulement si elle était fille ou garçon, et quand on
+pouvait craindre même qu'elle ne fût une illusion en semblance de
+femme, produite par l'art des démons, ce que les savants ne pensaient
+pas impossible[731]. Il n'était pas mort depuis longtemps, ce chanoine
+qui croyait que parfois des chevaliers se transforment en ours et que
+des esprits parcourent cent lieues en une nuit, puis, tout à coup, se
+changent en truies et en fétus de paille[732]. On avait donc fait tout
+de suite le nécessaire. Mais il convenait de procéder à une visite
+exacte, prudente et sage, tant la chose était de conséquence.
+
+[Note 731: _Ibid._, t. I, p. 95; t. III, p. 209.]
+
+[Note 732: Mary Darmesteter, _Froissart_, Paris, 1894, in-12, p.
+96.]
+
+
+
+
+CHAPITRE VIII
+
+LA PUCELLE À POITIERS (_Suite_).
+
+
+Une croyance commune aux doctes et aux ignorants attachait des vertus
+singulières à l'état de virginité. Ces idées remontaient jusqu'à une
+antiquité vaste et profonde: l'origine s'en perdait dans un passé qui
+n'était point chrétien; c'était un legs immémorial, dont une part
+venait des Gaulois et des Germains, une autre part des Romains et des
+Grecs. Sur cette terre des Gaules, les blanches prêtresses des forêts
+avaient laissé quelque souvenir de leur beauté sacrée; et l'on voyait
+parfois encore flotter dans l'île de Sein, le long des bords brumeux
+de l'Océan, l'ombre pâle des neuf soeurs qui, aux jours passés,
+endormaient à leur volonté ou éveillaient la tempête.
+
+Selon ces croyances, écloses dans la jeunesse des peuples, le don de
+prophétie est réservé aux vierges. C'est le partage d'une Cassandre
+et d'une Velléda. Les Sibylles passaient pour avoir prophétisé la
+venue de Jésus-Christ; on les tenait, dans l'Église, pour les
+gardiennes de la révélation première au milieu des Gentils, et on les
+vénérait comme les soeurs augustes des prophètes d'Israël. La prose
+des Morts atteste l'une d'elles en même temps que le roi David.
+Quelles fraudes pieuses établirent leur gloire prophétique, c'est ce
+que nous devons ignorer ici autant que l'ignorait un Jean Gerson ou un
+Gérard Machet. Il nous faut voir, au contraire, avec les docteurs du
+XVe siècle, ces vierges annonçant la vérité aux nations qui les
+vénéraient sans les comprendre. Telle était l'antique tradition de
+l'Église chrétienne. Les Pères les plus anciens, Justin, Origène,
+Clément d'Alexandrie faisaient grand usage des oracles sibyllins, et
+les païens ne savaient trop que répondre quand Lactance leur opposait
+le témoignage de ces prophétesses des nations. Saint Jérôme, sur la
+foi de Varron, croyait fermement à leur existence. Saint Augustin met
+dans la _Cité de Dieu_ la Sibylle Érythrée qui, dit-il, annonça sans
+mélange d'erreurs la vie du Sauveur. Dès le XIIIe siècle, ces vierges
+antiques avaient pris place dans les cathédrales au côté des
+patriarches et des prophètes. Mais c'est au XVe que leurs images se
+montrent en foule, sculptées au portail des églises, taillées dans les
+stalles du choeur, peintes sur les murs des chapelles ou sur les
+verrières lumineuses. Chacune a son attribut distinctif. La Persique
+tient cette lanterne et la Libyque cette torche, qui percèrent les
+ténèbres de la gentilité. L'Agrippe, l'Européenne et l'Érythrée sont
+armées du glaive; la Phrygienne porte la croix pascale;
+l'Hellespontine présente un rosier fleuri; les autres montrent les
+signes visibles du mystère qu'elles ont annoncé: la Cumane, une
+crèche; la Delphique, la Samienne, la Tiburtine, la Cimmérienne, une
+couronne d'épines, un sceptre de roseau, des verges, une croix[733].
+
+[Note 733: Jean-Philippe de Lignan, Rome, 1481 (non paginé),
+feuillets 10 et suiv.--Sur l'assimilation de Jeanne d'Arc à la Sibylle
+antique, voir le clerc de Spire.--_Sibylla Francica_, dans _Procès_,
+t. III, p. 422.--Christine de Pisan, dans _Procès_, t. V, p,
+12.--Lanéry d'Arc, _Mémoires et consultations en faveur de Jeanne
+d'Arc_, pp. 8-10.--Barbier de Montault, _Iconographie des Sibylles_,
+dans _Revue de l'Art Chrétien_, XIII-XIV (1869-1870).--Barraud,
+_Notice sur les attributs avec lesquels on représente les Sibylles aux
+XVe et XVIe siècles_ dans _Bulletin archéologique de la commission
+hist. des Arts Mon._, t. IV (1848).--Cf. Morosini, t. IV, annexe XIV,
+p. 319.]
+
+L'économie même de la religion chrétienne, l'ordre de ses mystères où
+l'on voit l'humanité perdue par une femme et sauvée par une vierge, et
+toute chair enveloppée, dans la malédiction d'Ève, conduisait au
+triomphe de la virginité et à l'exaltation d'un état qui, pour parler
+comme un Père de l'Église, est dans la chair sans être charnel.
+
+«C'est la virginité, dit saint Grégoire de Nysse, qui fait que Dieu ne
+refuse pas de vivre avec les hommes. C'est elle qui donne aux hommes
+des ailes pour prendre leur vol vers le ciel.» La virginité élève
+l'apôtre Jean au-dessus même du prince des apôtres. Lors des
+funérailles de Marie, Pierre remit à Jean la branche de palmier et
+dit: «Il convient à celui qui est vierge de porter la palme de la
+Vierge[734].»
+
+[Note 734: Voragine, _La légende dorée_ (Assomption de la
+Vierge).]
+
+La vierge Marie, la Vierge par excellence, était, dans l'occident
+chrétien, depuis le XIIe siècle, l'objet d'un culte ardent et
+tendre[735]. Les grandes cathédrales du nord de la France, placées
+sous le vocable de Notre-Dame, célébraient leur fête patronale le jour
+de l'Assomption. Contre le pilier symbolique du grand portail
+s'élevait l'image de la Vierge avec son divin Enfant et le lis
+virginal. Parfois Ève figurait au-dessous, afin qu'on vît en même
+temps la faute et la rédemption, la seconde Ève rachetant la première,
+la vierge exaltée et la femme humiliée. Au tympan des portails se
+déroulent des scènes merveilleuses. La Vierge est agenouillée: près
+d'elle un lis fleurit dans un vase. L'ange, un lis à la main, lui dit
+_AVE_, retournant ainsi le nom d'_EVA_, _mutans Evae nomen_. Ou bien
+encore, les pieds posés sur le croissant de la lune, elle s'élève au
+plus haut des cieux: _Exaltata est super choros angelorum._ Plus loin,
+elle reçoit de Jésus-Christ la couronne précieuse: _Posuit in capite
+ejus coronam de lapide pretioso._ Les vitraux représentaient en joyaux
+de lumière les figures de la virginité de Marie: la pierre vue par
+Daniel, détachée de la montagne sans la main d'aucun homme, la toison
+de Gédéon, le buisson ardent de Moïse et la verge fleurie d'Aaron.
+
+[Note 735: Le curé de Saint-Sulpice, _Notre-Dame de France ou
+hist. du culte de la Sainte Vierge en France_, Paris, 1862, 7 vol.
+in-8º.--Abbé Mignard, _La Sainte Vierge_, Paris, 1877, in-8º, pp. 382
+et suiv.]
+
+Célébrée en des hymnes, des séquences et des litanies, avec une
+inépuisable abondance d'images, elle était la Rose mystique, la Tour
+d'ivoire, l'Arche d'alliance, la Porte du ciel, l'Étoile du matin.
+Elle était le Puits des eaux vives, la Fontaine du jardin, le Verger
+clos, la Gemme lumineuse, la Fleur des vertus, la Palme de douceur, le
+Myrte de tempérance, le Nard odorant.
+
+L'idée qu'en la virginité résidaient la grâce et la puissance prenait,
+dans la légende dorée, les formes les plus riches et les plus
+charmantes. Les hagiographies comblent des plus douces louanges les
+épouses de Jésus-Christ, celles-là surtout qui mirent sur la robe
+blanche de la virginité les roses rouges du martyre. C'était pendant
+la passion des vierges que s'accomplissaient les miracles de la grâce
+la plus abondante. Les anges apportent à Dorothée les roses célestes
+qu'elle répand sur ses bourreaux. Les vierges martyres commandent aux
+animaux. Les lions de l'amphithéâtre lèchent les pieds de sainte
+Thècle; les bêtes fauves du cirque se réunissent et nouent leurs
+queues ensemble pour préparer un trône à sainte Euphémie; des aspics,
+dans une fosse profonde, forment autour du col de sainte Christine
+d'agréables colliers. Le divin Époux pour lequel elles souffrent ne
+permet pas du moins qu'elles souffrent dans leur pudeur. Quand le
+bourreau arrache les vêtements d'Agnès, les cheveux de la sainte
+s'épaississent et lui font une robe miraculeuse; avant qu'on promène
+sainte Barbe nue par les rues, un ange lui apporte une tunique
+blanche. Ces Agnès et ces Dorothée, ces Catherine et ces Marguerite,
+cette légion d'innocentes victorieuses disposaient les âmes à croire
+au miracle d'une vierge plus forte que les archers. Sainte Geneviève
+n'avait-elle pas détourné de Paris Attila et ses guerriers barbares?
+
+Cette croyance en une vertu attachée à l'état de virginité se trouve
+vivement exprimée dans la fable, si répandue alors, de la Licorne et
+de la Pucelle.
+
+La licorne était un cheval-chèvre d'une blancheur immaculée; elle
+portait au front une merveilleuse épée. Les veneurs qui la voyaient
+passer dans les clairières n'avaient jamais pu l'atteindre, tant elle
+était rapide. Mais si une vierge, assise dans la forêt, appelait la
+licorne, la bête obéissait, inclinait sa tête sur le giron de
+l'enfant, se laissait prendre, enchaîner par d'aussi faibles mains. Au
+contraire, il ne fallait pas qu'une fille corrompue et non pucelle
+l'approchât: la licorne la tuait aussitôt[736].
+
+[Note 736: _De l'Unicorne qu'une jeune fille séduit_, dans le
+_Bestiaire_ de R. de Fournival (Paulin Paris, _Manuscrits français_,
+t. IV, p. 25.)--Berger de Xivrey, _Traditions tératologiques_, p.
+559.--J. Doublet, _Histoire de l'abbaye de Saint-Denys_, t. I, p.
+320.--Vallet de Viriville, _Nouvelles recherches sur Agnès Sorel_,
+dans _Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie_, t. VI, p.
+621.--A. Maury, _Croyances et légendes du moyen âge_, pp. 262 et
+suiv.]
+
+On disait même qu'une vierge avait le pouvoir de guérir les
+écrouelles en récitant à jeun et nue certaine formule magique, mais ce
+n'était pas parole d'Évangile[737].
+
+[Note 737: Leber, _Des cérémonies du sacre_, Paris, 1825, in-8º,
+p. 459.]
+
+Si les mystiques et les visionnaires exaltaient la virginité,
+l'Église, jalouse de gouverner les corps avec les âmes, condamnait les
+opinions contraires à la légitimité du mariage, dont elle avait fait
+un sacrement. Elle tenait pour des impies très détestables ceux qui
+réprouvaient absolument l'oeuvre de chair. Une fille était louable de
+garder sa virginité; encore fallait-il que ce ne fût pas pour des
+raisons pernicieuses et condamnables. Deux cents ans avant que régnât
+le roi Charles VII, une jeune fille de Reims éprouva qu'on peut pécher
+gravement contre l'Église de Dieu en refusant de forniquer avec un
+clerc dans une vigne. Voici l'histoire de cette jeune fille, telle
+qu'elle fut rapportée par le chanoine Gervais.
+
+Guillaume aux Blanches Mains, archevêque de Reims, oncle du roi
+Philippe de France, chevauchait un jour hors de sa ville pour se
+divertir. Un clerc de sa suite, nommé Gervais, qui était dans l'ardeur
+de la jeunesse, aperçut une belle jeune fille qui passait seule dans
+une vigne. Il alla vers elle, la salua, et lui demanda: «Qu'avez-vous
+donc à faire seule en si grande hâte?» Et, par propos congruents, il
+la sollicita courtoisement à l'amour.
+
+Sans même le regarder, elle lui répondit d'un maintien tranquille et
+d'une voix grave:
+
+--À Dieu ne plaise, ô bon jouvenceau, que je sois jamais l'amie de toi
+ou d'aucun autre homme, car si je perdais ma virginité et si ma chair
+était une fois corrompue, je serais vouée infailliblement et sans
+remède à la damnation éternelle.
+
+En entendant un tel langage il soupçonna la jeune fille d'appartenir à
+la secte impie des cathares que l'Église recherchait alors avec soin
+et punissait sévèrement. En effet, une des erreurs de ces hérétiques
+était de condamner tout commerce charnel. Impatient d'éclaircir ses
+doutes, Gervais provoqua aussitôt la jouvencelle à un débat sur
+l'enseignement de l'Église relativement à l'oeuvre de chair. Cependant
+l'archevêque Guillaume aux Blanches Mains fit retourner sa monture et
+poussa, suivi de ses religieux, jusqu'à la vigne où la jeune fille et
+le clerc disputaient ensemble. Lorsqu'il eut appris le sujet de leur
+dispute, il ordonna qu'on saisît cette jeune fille et qu'on l'amenât
+dans la ville. Là, il l'exhorta et s'efforça charitablement de la
+convertir à la foi catholique.
+
+Pourtant elle ne se soumit point.
+
+--Je ne suis pas, lui dit-elle, assez instruite dans la doctrine pour
+me défendre. Mais j'ai en ville une maîtresse qui réfutera très
+facilement, par de bonnes raisons, tous vos arguments. C'est une telle
+qui loge en telle maison.
+
+L'archevêque Guillaume envoya aussitôt quérir cette femme et, l'ayant
+interrogée, il reconnut que la jeune fille avait parlé d'elle
+exactement. Dès le lendemain il convoqua une assemblée de clercs et de
+nobles pour juger les deux femmes. Elles furent l'une et l'autre
+condamnées au feu. La maîtresse parvint à s'échapper, mais la jeune
+fille, n'ayant pu être, par persuasion ni promesses, tirée de sa
+pernicieuse erreur, fut livrée au bourreau. Elle mourut sans verser
+une larme, sans murmurer une plainte[738].
+
+[Note 738: L. Tanon, _Histoire des tribunaux de l'inquisition en
+France_, Paris, 1893, in-8º, p. 293.]
+
+On croyait communément alors que le diable prenait la virginité des
+filles qui se donnaient à lui et que c'était le premier acte par
+lequel il exerçait sa puissance sur ces malheureuses créatures[739].
+Cette façon d'agir était conforme à ce qu'on savait de son tempérament
+libidineux. Il y goûtait un plaisir accommodé à sa condition
+souffrante; il y obtenait de plus un avantage considérable, celui de
+désarmer sa victime, car la virginité est une cuirasse contre laquelle
+les traits de l'enfer se brisent comme paille. De la sorte on était
+presque assuré de ne point trouver dans un corps intact et pur une âme
+vouée au démon[740]. Il y avait donc un moyen, autant dire
+infaillible, de constater que la paysanne de Vaucouleurs n'était pas
+adonnée à la magie ni à la sorcellerie, qu'elle n'avait point fait de
+pacte avec le Malin. On y eut recours.
+
+[Note 739: Du Cange, _Glossaire_, au mot: _Matrimonium_.]
+
+[Note 740: Pierre Le Loyer, _Livre des spectres_, 1586, in-4º, pp.
+527, 551.]
+
+Jeanne fut vue, visitée, secrètement regardée, amplement examinée par
+de sages femmes, _mulieres doctas_, des vierges expertes, _peritas
+virgines_, des veuves et des épouses, _viduas et conjugatas_. Au
+premier rang de ces matrones se trouvaient la reine de Sicile et de
+Jérusalem, duchesse d'Anjou; la dame Jeanne de Preuilly, femme du sire
+de Gaucourt, gouverneur d'Orléans, laquelle était âgée de
+cinquante-sept ans environ, et la dame Jeanne de Mortemer, femme de
+messire Robert Le Maçon, seigneur de Trêves, homme d'un grand
+âge[741]. Celle-ci n'avait pas plus de dix-huit ans, et l'on eût cru
+qu'elle connaissait mieux le calendrier des vieillards que le
+formulaire des matrones. Ce qui semble étrange, c'est l'assurance avec
+laquelle les prudes femmes d'alors se livraient à une recherche que le
+roi Salomon, dans sa sagesse, estimait difficile.
+
+[Note 741: _Procès_, t. III, p. 102.--Vallet de Viriville, article
+_Le Maçon_, dans _Nouvelle Biographie générale_.]
+
+Jeanne de Domremy fut trouvée vraie et entière pucelle, sans apparence
+de corruption ni trace de violence[742].
+
+[Note 742: _Procès_, t. III, p. 210.--Eberhard Windecke, p.
+157.--Morosini, p. 99.]
+
+En même temps qu'elle subissait les interrogatoires des docteurs et
+l'examen des matrones, plusieurs religieux, envoyés dans son pays
+natal, y poursuivaient une enquête sur sa naissance, sa vie et ses
+moeurs[743]. Ils avaient été choisis parmi ces moines mendiants qui,
+sans cesse par voies et par chemins, pouvaient se mouvoir en pays
+ennemi sans éveiller la défiance des Anglais et des Bourguignons. En
+effet, ils ne furent point inquiétés et ils rapportèrent de Domremy et
+de Vaucouleurs des témoignages certains qui attestaient l'humilité, la
+dévotion, l'honnêteté et la simplicité de Jeanne. Ils en rapportèrent
+surtout des contes pieux qu'ils n'avaient pas eu grand'peine à
+trouver, car c'était ceux dont on ornait communément l'enfance des
+saints. Il est juste de faire à ces moines une très grande part dans
+les légendes de la première heure qui devinrent si vite populaires.
+Ils contèrent, dès lors, selon toute apparence, que, lorsque Jeanne
+était dans sa septième année, les loups n'approchaient point de ses
+moutons et que les oiseaux des bois, quand elle les appelait, venaient
+manger son pain dans son giron[744]. Ces fleurettes semblent bien
+d'origine franciscaine: on y retrouve le loup de Gubbio et les oiseaux
+prêchés par saint François. Peut-être ces mendiants fournirent-ils
+aussi quelques exemples du don de prophétie qui était en la Pucelle,
+et publièrent-ils que, se trouvant à Vaucouleurs, le jour des Harengs,
+elle avait su le grand dommage souffert par les Français à
+Rouvray[745]. La fortune de ces petits récits fut immense et
+soudaine.
+
+[Note 743: _Procès_, t. III, p. 82.]
+
+[Note 744: Lettre de Perceval de Boulainvilliers au duc de Milan,
+dans _Procès_, t. V, pp. 115, 121.--_Journal d'un bourgeois de Paris_,
+p. 237.]
+
+[Note 745: _Journal du siège_, p. 48.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 275.]
+
+Après cet examen et ces enquêtes, les docteurs conclurent:
+
+«Le roi, attendu la nécessité de lui et de son royaume, et considéré
+les continues prières de son pauvre peuple envers Dieu et tous autres
+aimant paix et justice, ne doit point débouter ni rejeter la Pucelle,
+qui se dit être envoyée de par Dieu pour lui donner secours, non
+obstant que ces promesses soient seules[746] oeuvres humaines; ni
+aussi ne doit croire en elle tant tôt et légèrement. Mais en suivant
+la sainte Écriture, il la doit éprouver par deux manières: c'est
+assavoir par prudence humaine, en enquérant de sa vie, de ses moeurs
+et de son intention, comme dit saint Paul l'Apôtre: _Probate spiritus,
+si ex Deo sunt_; et, par dévote oraison, requérir signe d'aucune
+oeuvre et espérance divine, par quoi on puisse juger qu'elle est venue
+de la volonté de Dieu. Aussi commanda Dieu à Achaz, qu'il demandât
+signe, quand Dieu lui faisait promesse de victoire, en lui disant:
+_Pete signum a Domino_; et semblablement fit Gédéon, qui demanda
+signe, et plusieurs autres, etc.
+
+[Note 746: _Seules_ est douteux dans le texte.]
+
+»Le roi, depuis la venue de ladite Pucelle, a observé et tenu les deux
+manières susdites: c'est assavoir probation par prudence humaine et
+par oraison, en demandant signe de Dieu. Quant à la première qui est
+par prudence humaine, il a fait éprouver ladite Pucelle de sa vie, de
+sa naissance, de ses moeurs, de son intention et l'a fait garder avec
+lui bien par l'espace de six semaines pour la montrer à toutes gens
+soit clercs, gens d'Église, gens de dévotion, gens d'armes, femmes,
+veuves et autres. Et publiquement et secrètement elle a conversé avec
+toutes gens. Mais en elle on ne trouve point de mal, et rien que bien,
+humilité, virginité, dévotion, honnêteté, simplesse; et de sa
+naissance et de sa vie plusieurs choses merveilleuses sont dites comme
+vraies.
+
+»Quant à la seconde manière de probation, le roi lui demanda signe, à
+quoi elle répond que, devant la ville d'Orléans, elle le montrera, et
+non pas avant ni en autre lieu: car ainsi lui est ordonné de par Dieu.
+
+»Le roi, attendu la probation faite, de ladite Pucelle, autant qu'il
+lui était possible, et nul mal ne trouvant en elle, et considéré sa
+réponse qui est de montrer signe divin devant Orléans; vu sa constance
+et sa persévérance en son propos, et ses requêtes instantes d'aller à
+Orléans, pour y montrer le signe de divin secours, ne la doit point
+empêcher d'aller à Orléans avec ses gens d'armes; mais la doit faire
+conduire honnêtement, en espérant en Dieu. Car avoir crainte d'elle ou
+la rejeter sans apparence de mal serait répugner au Saint-Esprit, et
+se rendre indigne de l'aide de Dieu, comme dit Gamaliel en un conseil
+des Juifs au regard des Apôtres[747].»
+
+[Note 747: _Procès_, t. III, pp. 391, 392; t. IV, pp. 306, 487,
+488.]
+
+En résumé, la conclusion des docteurs était que rien de divin ne
+paraissait encore dans les promesses de la Pucelle, mais qu'elle avait
+été examinée et trouvée humble, vierge, dévote, honnête, simple et
+toute bonne et que, puisqu'elle avait promis de montrer un signe de
+Dieu devant Orléans, il fallait l'y conduire, de peur de repousser
+avec elle les grâces de l'Esprit-Saint.
+
+Ces conclusions furent copiées à un grand nombre d'exemplaires et
+envoyées aux villes du royaume ainsi qu'aux princes de la chrétienté.
+L'empereur Sigismond, notamment, en reçut une copie[748]. Si, par une
+enquête de six semaines, suivie d'une conclusion favorable et
+solennelle, les docteurs de Poitiers voulurent mettre en lumière et en
+honneur la Pucelle, préparer, annoncer la merveille qu'ils avaient
+sous la main, la montrer de manière à réconforter les Français, ils
+réussirent parfaitement dans leur entreprise[749]. Cette longue
+information, ces minutieux examens rassurèrent en France les esprits
+défiants qui craignaient qu'une fille habillée en homme ne fût une
+diablesse, éblouirent les imaginations par l'espoir du miracle,
+touchèrent les coeurs en faveur de cette jeune fille qui sortait du
+creuset radieuse et comme environnée d'une lumière céleste. La
+victoire remportée par elle dans cette dispute avec les docteurs la
+faisait paraître une autre sainte Catherine[750]. Et comme ce n'était
+pas assez pour la foule avide de prodiges qu'elle eût répondu sagement
+aux questions difficiles, on imagina qu'elle avait été soumise à des
+épreuves étranges et telles qu'elle n'avait pu les surmonter que par
+miracle. C'est ainsi qu'on raconta quelques semaines après l'enquête,
+en Bretagne et en Flandres, l'histoire merveilleuse que voici: À
+Poitiers, comme elle se préparait à recevoir la communion, le prêtre
+avait une hostie consacrée et une autre qui ne l'était pas; il voulut
+lui donner celle qui n'était pas consacrée; elle la prit dans sa main
+et dit au prêtre que cette hostie n'était pas le corps du Christ son
+Rédempteur, mais que ce corps était dans l'hostie que le prêtre avait
+mise sous le corporal[751]. Comment douter après cela que Jeanne ne
+fût une grande sainte?
+
+[Note 748: Eberhard Windecke, pp. 32, 41.]
+
+[Note 749: Les conclusions de la commission de Poitiers se
+répandirent partout. Les traces de cette diffusion se retrouvent: en
+Bretagne (Buchon et _Chronique de Morosini_); en Flandre (_Chronique
+de Tournai_ et _Chronique de Morosini_); en Allemagne (Eb. Windecke);
+en Dauphiné (Buchon).]
+
+[Note 750: «_Altra santa Catarina_.» (Morosini, t. III, p.
+52.)--Sans aucun doute, c'est à sainte Catherine d'Alexandrie qu'elle
+est comparée en cet endroit, et non pas à sainte Catherine de Sienne.]
+
+[Note 751: Morosini, t. III, pp. 101.]
+
+À la clôture des enquêtes, une occasion favorable survint, dans les
+premiers jours d'avril, de jeter la Pucelle dans Orléans. On l'envoya
+d'abord à Tours, pour qu'elle s'y fît équiper et armer[752].
+
+[Note 752: _Procès_, t. III, pp. 66 et 210.]
+
+Soixante-six ans plus tard, un habitant de Poitiers, presque
+centenaire, contait à un jeune concitoyen qu'il avait vu la Pucelle
+monter à cheval tout armée de blanc pour aller à Orléans[753]. Il
+montrait au coin de la rue Saint-Étienne la pierre de laquelle elle
+s'était aidée pour se mettre en selle. Jeanne, à Poitiers, n'était
+point armée. Mais la pierre avait reçu du peuple poitevin le nom de
+«montoir de la Pucelle[754]». De quel pied alerte et joyeux la Sainte
+dut sauter de cette pierre sur le cheval qui l'emportait, loin des
+chats fourrés, vers les vaincus et les affligés qu'elle avait hâte de
+secourir!
+
+[Note 753: Jean Bouchet, _Annales d'Aquitaine_, dans _Procès_, t.
+IV, pp. 536-537.]
+
+[Note 754: M. de la Fontenelle de Vaudoré écrivait en 1845: «Or,
+sous la Restauration, à une époque où l'on pavait cette rue (la rue
+Saint-Estienne), nous étant aperçu que cette pierre (celle dont parle
+Bouchet) appelée par le peuple le montoir de la Pucelle, et formant un
+beau fragment de granit vert, étranger au pays, venait d'être brisée
+par les paveurs, nous en recueillîmes religieusement les fragments,
+afin d'en déposer une partie au musée de la ville et de réserver
+l'autre pour nous et les autres amateurs de reliques historiques.»
+(Guilbert, _Histoire des villes de France_, t. IV, Poitiers.)
+
+La pierre dont parle ici M. de la Fontenelle de Vaudoré et qui a été
+transportée à la Bibliothèque publique en 1823 était placée au coin de
+la rue du Petit-Maure. Si c'est vraiment celle que Jean Bouchet vit au
+coin de la rue Saint-Étienne, il faut qu'elle ait été déplacée, ce qui
+ne s'explique pas. Il y avait des bornes semblables devant tous les
+hôtels. Cf. B. Ledain, _La maison de Jeanne d'Arc à Poitiers_,
+Saint-Maixent, 1892, in-8º.--L'hôtel de la Rose s'élevait, selon M.
+Ledain, sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la maison nº 13 de la
+rue Notre-Dame-la-Petite.]
+
+
+
+
+CHAPITRE IX
+
+LA PUCELLE À TOURS.
+
+
+À Tours, la Pucelle logea en l'hôtel d'une dame qu'on nommait
+communément Lapau[755]. C'était Éléonore de Paul, une Angevine qui
+avait été demoiselle de la reine Marie d'Anjou. Ayant épousé Jean du
+Puy, seigneur de la Roche-Saint-Quentin, conseiller de la reine de
+Sicile, elle restait encore auprès de la reine de France[756].
+
+[Note 755: _Procès_, t. III, p. 66.]
+
+[Note 756: Vallet de Viriville, _Notices et extraits de chartes et
+de manuscrits appartenant au British Museum de Londres_, dans
+_Bibliothèque de l'École des Chartes_, t. VIII, pp. 139, 140.]
+
+La ville de Tours appartenait alors à la reine de Sicile qui
+s'enrichissait à mesure que son gendre se ruinait. Elle l'aidait en
+argent et il lui donnait des terres. C'est ainsi qu'en 1424 elle reçut
+le duché de Touraine avec toutes ses dépendances, sauf la châtellenie
+de Chinon[757]. Les bourgeois et manants de Tours avaient bon désir
+de la paix. En attendant qu'elle vînt, ils tâchaient à grand'peine
+d'échapper aux pilleries des gens d'armes. Ni le roi Charles ni la
+reine Yolande n'étaient capables de les défendre et il leur fallait se
+défendre eux-mêmes[758]. Quand un de ces chefs de bandes, qui
+ravageaient la Touraine et l'Anjou, était signalé par les guetteurs de
+la ville, les bourgeois fermaient leurs portes et veillaient à ce que
+les couleuvrines fussent en place. On parlementait; le capitaine, au
+bord du fossé, exposait qu'il était au service du roi, qu'il allait
+combattre les Anglais, qu'il demandait à coucher dans la ville avec
+ses hommes; on l'invitait poliment, du haut de la muraille, à passer
+outre et, pour qu'il ne fût pas tenté de forcer l'entrée, on lui
+offrait une somme d'argent[759]. De peur d'être écorchés, les
+bourgeois se faisaient tondre. C'est ainsi que, peu de jours avant la
+venue de Jeanne, ils donnèrent à l'Écossais Kennedy, qui ravageait les
+environs, deux cents livres pour qu'il allât un peu plus loin. Quand
+ils s'étaient débarrassés de leurs défenseurs, leur plus grand souci
+était de se garder des Anglais. Le 29 février de cette même année
+1429, ces bourgeois prêtèrent cent écus au capitaine La Hire qui, pour
+lors, faisait de son mieux dans Orléans. Et même à l'approche des
+Anglais, ils consentirent à recevoir quarante hommes de trait, de la
+compagnie du sire de Bueil, à la condition que Bueil logeât au Château
+avec vingt hommes et que les autres allassent dans les hôtelleries et
+ne prissent rien sans payer. Il en fut ainsi ou autrement, et le sire
+de Bueil s'en alla défendre Orléans[760].
+
+[Note 757: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, p. 77.]
+
+[Note 758: Vallet de Viriville, _Analyse et fragments tirés des
+Archives municipales de Tours_ dans _Cabinet Historique_, V, pp.
+102-121.]
+
+[Note 759: Quicherat, _Rodrigue de Villandrando_, Paris, 1879
+in-8º, pp. 14 et suiv.]
+
+[Note 760: _Le Jouvencel_, t. I, Introduction, p. xxij., note 1.]
+
+Dans l'hôtel de Jean du Puy, Jeanne reçut la visite d'un moine
+augustin, nommé Jean Pasquerel, qui revenait de la ville du
+Puy-en-Velay où il s'était rencontré avec Isabelle Romée et
+quelques-uns de ceux qui avaient mené Jeanne au roi[761].
+
+[Note 761: _Procès_, t. III, pp. 100 et suiv.]
+
+En cette ville, dans le sanctuaire d'Anis, on gardait une image de la
+mère de Dieu, rapportée d'Égypte par saint Louis et qui était ancienne
+et vénérable, car le prophète Jérémie l'avait taillée de ses mains
+dans du bois de sycomore, à la ressemblance de la vierge à naître
+qu'il avait vue en esprit[762]. Durant la semaine sainte, les pèlerins
+y affluaient de toutes les parties de la France et de l'Europe,
+seigneurs, clercs, gens d'armes, bourgeois et paysans, et beaucoup,
+par pénitence ou pauvreté, cheminaient à pied, le bourdon à la main et
+mendiaient leur pain aux portes. Des marchands de toutes sortes s'y
+rendaient et c'était tout ensemble un des plus fréquentés pèlerinages
+et une des plus riches foires du monde. Aux environs de la ville, les
+chemins ne suffisaient pas aux voyageurs qui envahissaient vignes,
+prés et jardins. En l'an 1407, le jour du pardon, deux cents personnes
+périrent étouffées[763].
+
+[Note 762: Francisque Mandet, _Histoire du Velay_, Le Puy,
+1860-1862 (7 vol. in-12), t. I, pp. 570 et suiv.--S. Luce, _Jeanne
+d'Arc à Domremy_, ch. XII.]
+
+[Note 763: Jean Juvénal des Ursins, année 1407.]
+
+En certaines années, la conception de Notre-Seigneur se trouvant
+commémorée en même temps que sa mort, la promesse du plus grand des
+mystères coïncidait avec sa consommation. Alors le vendredi saint
+devenait plus saint encore; on l'appelait le grand vendredi, et ceux
+qui le passaient dans le sanctuaire d'Anis gagnaient une indulgence
+plénière. Ce jour-là, les pèlerins s'y pressaient encore plus nombreux
+que de coutume. Or, en l'an 1429, le vendredi saint tombait le 25
+mars, jour de l'Annonciation[764].
+
+[Note 764: Nicole de Savigni, _Notes sur les exploits de Jeanne
+d'Arc et sur divers événements de son temps_, dans _Bulletin de la
+Société de l'Histoire de Paris_, I, 1874, p. 43.--Chanoine Lucot,
+_Jeanne d'Arc en Champagne_, Châlons, 1880, pp. 12 et 13.]
+
+Les rencontres que frère Pasquerel fit au Puy, pendant la semaine
+sainte, ne doivent donc pas nous sembler trop extraordinaires. Qu'une
+femme des champs accomplît un voyage de plus de cent lieues, à pied,
+par un pays infesté de gens d'armes et autres larrons, sur de
+mauvaises routes, dans la saison des neiges et des brumes, pour gagner
+son pardon, c'est ce qui se voyait tous les jours; et la Romée n'en
+était pas à son premier pèlerinage, si l'on s'en rapporte au surnom
+qu'elle portait déjà depuis longtemps[765]. Ne sachant point quels
+étaient ceux des compagnons de la Pucelle que rencontra le bon Frère,
+nous sommes libres de croire que Bertrand de Poulengy se trouvait du
+nombre. Nous ne le connaissons guère, mais son langage révèle une
+personne dévote[766].
+
+[Note 765: _Procès_, t. I, p. 191; t. II, p. 74, note.--La Romée
+peut avoir reçu son surnom pour une toute autre raison. Nous ne
+connaissons guère la mère de Jeanne que par des documents
+généalogiques extrêmement suspects.]
+
+[Note 766: Francis C. Lowell regarde l'idée du pèlerinage de la
+Romée au Puy comme «a characteristic exemple of the madness» de Siméon
+Luce (_Joan of Arc_, Boston, 1896, in-8º, p. 72, note.)--Toutefois,
+après une assez longue hésitation, j'ai, comme Luce, repoussé les
+corrections proposées par Lebrun de Charmettes et Quicherat, et admis
+sans changement le texte du procès.]
+
+Ces compagnons, s'étant mis sur un pied de familiarité avec Pasquerel,
+lui dirent: «Il vous faut nous accompagner auprès de Jeanne. Nous ne
+vous lâcherons pas que nous ne vous ayons conduit près d'elle.» Ils
+cheminèrent ensemble. Frère Pasquerel passa avec eux à Chinon, quand
+Jeanne n'y était plus; puis il alla à Tours où se trouvait son
+couvent.
+
+Les augustins, qui prétendaient avoir reçu leur règle de saint
+Augustin lui-même, portaient alors l'habit gris des franciscains.
+C'est dans leur ordre, que l'année précédente, le roi avait choisi le
+chapelain de son jeune fils, le dauphin Louis. Frère Pasquerel tenait
+en son couvent l'emploi de lecteur[767]. Il était prêtre. Fort jeune,
+sans doute, et d'humeur errante, comme alors beaucoup de moines
+mendiants, il avait le goût des choses merveilleuses et une extrême
+crédulité.
+
+[Note 767: _Procès_, t. III, p. 101.--Sur la signification du mot
+_Lector_, professeur de théologie, cf. Du Cange.]
+
+Les compagnons dirent à Jeanne:
+
+--Jeanne, nous vous avons amené ce bon père. Quand vous le connaîtrez
+bien vous l'aimerez bien.
+
+Elle répondit:
+
+--Le bon père me rend bien contente, j'ai déjà entendu parler de lui,
+et dès demain je veux me confesser à lui.
+
+Le lendemain, le bon père l'ouït en confession et chanta la messe
+devant elle. Il devint son aumônier et ne la quitta plus[768].
+
+[Note 768: _Procès_, t. III, pp. 101 et suiv.]
+
+Au XVe siècle, Tours était une des villes les plus industrieuses du
+royaume. Les habitants excellaient en toutes sortes de métiers. Ils
+tissaient des draps de soie d'or et d'argent. Ils fabriquaient aussi
+des harnais de guerre; et, sans égaler les armuriers de Milan, de
+Nuremberg et d'Augsbourg, ils étaient habiles à forger et à écrouir
+l'acier[769]. Là, un maître-armurier, par ordre du roi, fit sur mesure
+une armure à la Pucelle[770]. L'habillement de fer battu qu'il fournit
+se composait, selon l'usage du temps, d'un heaume et d'une cuirasse en
+quatre pièces, avec épaulières, bras, coudières, avant-bras,
+gantelets, cuissots, genouillères, grèves et solerets[771]. L'ouvrier,
+sans doute, ne songea pas à accuser la forme féminine. Mais les
+armures d'alors, bombées à la poitrine, minces de taille avec les
+tassettes évasées sur les hanches, ont toutes l'air, dans leur grâce
+mièvre et leur sveltesse étrange, d'armures de femmes et semblent
+faites pour la reine Penthésilée ou pour Camille romaine. L'armure de
+la Pucelle était une armure blanche, toute simple, ainsi qu'on en peut
+juger par le prix médiocre de cent livres tournois qu'elle coûta. Les
+deux harnais de Jean de Metz et de son compagnon, fournis en même
+temps par le même armurier, valaient ensemble cent vingt-cinq livres
+tournois[772]. Peut-être un de ces habiles et renommés drapiers de
+Tours prit-il mesure sur la jeune fille d'une huque ou houppelande,
+sorte de casaque de drap de soie, d'or et d'argent, que les capitaines
+passaient par-dessus la cuirasse. Ouverte par devant, la huque, pour
+avoir bon air, devait être déchiquetée en lambrequins qui flottaient
+follement autour du cavalier. Jeanne aimait les belles huques et plus
+encore les beaux chevaux[773].
+
+[Note 769: E. Giraudet, _Histoire de la ville de Tours_, Tours,
+1874, 2 vol., in-8º, _passim_.]
+
+[Note 770: _Procès_, t. III, pp. 67, 94, 210; t. IV, pp. 3, 301,
+363.]
+
+[Note 771: J. Quicherat, _Histoire du costume en France_, Paris,
+1875, gr. in-8º, pp. 270-271.]
+
+[Note 772: _Procès_, t. III, pp. 67, 94, 210.--_Relation du
+greffier de La Rochelle_, p. 60.--«Le harnais blanc des hommes d'armes
+du XVe siècle, si simple qu'il fût, coûtait fort cher, dix mille
+francs environ du pouvoir d'argent actuel. Mais dans cette somme
+comptait aussi le harnais complet de cheval.» (Maurice Maindron, _Pour
+l'histoire de l'armure_, dans le _Monde moderne_, 1896).]
+
+[Note 773: _Procès_, t. I, p. 76.--Lettre de Perceval de
+Boulainvilliers, _ibid._, t. V, p. 120.--Greffier de la Chambre des
+comptes de Brabant, _ibid._, t. IV, p. 428.--Le Fèvre de Saint-Remy,
+_ibid._, t. IV, p. 439.]
+
+Le roi l'invita à prendre un cheval dans ses écuries. Si certain poète
+latin dit vrai, elle choisit une bête illustre assurément par son
+origine, mais très vieille. C'était un destrier que Pierre de Beauvau,
+gouverneur d'Anjou et du Maine, avait donné à l'un des deux frères du
+roi, morts tous deux, l'un depuis déjà treize ans, l'autre depuis
+douze[774]. Ce cheval, ou un autre, fut mené dans la maison Lapau, et
+le duc d'Alençon l'y alla voir. Le cheval dut recevoir aussi son
+habillement, un chanfrein pour protéger la tête et une de ces selles
+de bois à pommeau évasé dans lesquelles le cavalier se trouvait
+parfaitement emboîté[775]. De l'écu, il n'en put être question. Cette
+pièce ne se portait plus qu'aux fêtes depuis que les armures de
+mailles, qui se rompaient sous les coups, étaient remplacées par les
+armures de plates, que rien n'entamait. Quant à l'épée, la plus noble
+pièce du harnais et la plus claire image de la force unie à la
+loyauté, Jeanne ne consentit pas à la tenir de l'armurier royal; elle
+voulut la recevoir de sainte Catherine elle-même.
+
+[Note 774: _Poème anonyme_ dans _Procès_, t. V, p. 38, et note.]
+
+[Note 775: Capitaine Champion, _Jeanne d'Arc écuyère_, pp. 146 et
+suiv.]
+
+On sait qu'à sa venue en France, elle s'était arrêtée à Fierbois et
+qu'elle avait entendu trois messes dans la chapelle de sainte
+Catherine[776]. La vierge d'Alexandrie possédait en ce lieu de
+Fierbois beaucoup d'épées, sans compter celle que Charles Martel lui
+avait donnée, disait-on, et qu'il n'aurait pas été facile de
+retrouver. Bonne Tourangelle en Touraine, elle était du parti des
+Armagnacs et se montrait en toutes rencontres favorable aux hommes
+d'armes qui tenaient pour le dauphin Charles. Les capitaines et les
+routiers du parti français, sachant qu'elle leur voulait du bien,
+l'invoquaient préférablement à toute autre, quand ils se trouvaient en
+danger de mort ou prisonniers de leurs ennemis. Elle ne les sauvait
+pas tous, mais elle en secourait plusieurs qui venaient lui rendre
+grâces, et, en signe de reconnaissance, lui offrir leurs harnais de
+guerre; de sorte que la chapelle de madame sainte Catherine
+ressemblait à une salle d'armes[777]. Les murs en étaient tout
+hérissés de fer, et, comme les dons affluaient depuis plus de
+cinquante années, depuis le temps du roi Charles V, il est probable
+que les sacristains décrochaient les anciennes armes pour faire place
+aux nouvelles et entassaient dans quelque magasin la vieille ferraille
+en attendant une occasion favorable de la vendre[778]. Sainte
+Catherine ne pouvait refuser une épée à la jeune fille qu'elle aimait
+jusqu'à descendre du paradis tous les jours et à toute heure pour la
+voir et l'entretenir sur terre et qui, à son tour, lui avait fait une
+bonne et dévote visite en ce lieu de Fierbois. Car il faut savoir que
+sainte Catherine, accompagnée de sainte Marguerite, n'avait pas cessé
+de fréquenter près de Jeanne à Chinon et à Tours. Elle faisait partie
+de toutes ces assemblées secrètes que la Pucelle appelait parfois son
+Conseil et plus souvent ses Voix, sans doute parce que ses oreilles et
+son esprit en étaient encore plus frappés que ses yeux, malgré l'éclat
+des lumières dont elle était parfois éblouie et bien qu'elle
+distinguât des couronnes au front des saintes. Les Voix désignèrent
+une épée entre toutes celles qui se trouvaient dans la chapelle de
+Fierbois. Messire Richard Kyrthrizian et frère Gille Lecourt, tous
+deux prêtres, étaient alors gouverneurs de la chapelle. Tel est le
+titre qu'ils se donnaient en signant les relations des miracles de
+leur sainte. Jeanne, par lettre missive, leur fit demander l'épée dont
+elle avait eu révélation. On la trouvera, disait-elle en sa lettre,
+sous terre, pas fort avant et derrière l'autel. Ce fut du moins là
+toutes les indications qu'elle put donner plus tard; encore ne lui
+souvenait-il plus bien si c'était derrière l'autel ou devant. Sut-elle
+montrer aux gouverneurs de la chapelle quelques signes auxquels ils
+reconnussent l'épée? Elle ne s'expliqua jamais sur ce point et sa
+lettre est perdue[779].
+
+[Note 776: _Procès_, t. I, pp. 56, 75-76-77.]
+
+[Note 777: Abbé Bourassé, _Les miracles de madame Sainte Katerine
+de Fierboys en Touraine_ (1375-1446), Tours, 1858, in-8º, _passim_.]
+
+[Note 778: _Chronique de la Pucelle_, p. 277.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 69.]
+
+[Note 779: _Procès_, t. I, p. 77.--_Les miracles de madame sainte
+Katerine_, _passim_.]
+
+Ce qui est certain, c'est qu'elle croyait avoir vu cette épée par
+révélation, et non pas autrement. Un armurier tourangeau, qu'elle ne
+connaissait point (elle affirma depuis ne l'avoir jamais vu), fut
+chargé de porter la lettre à Fierbois. Les gouverneurs de la chapelle
+lui remirent une épée marquée de cinq croix, ou de cinq petites épées
+sur la lame, assez près de la garde. En quel endroit de la chapelle
+l'avaient-ils trouvée? On ne sait. Un contemporain dit que ce fut dans
+un coffre, avec de vieilles ferrailles. Si elle avait été cachée et
+enfouie, ce n'était pas très anciennement; car il suffit de la frotter
+un peu pour en ôter la rouille. Les prêtres eurent à coeur de l'offrir
+très honorablement à la Pucelle[780]. Ils l'enfermèrent dans un
+fourreau de velours vermeil, semé de fleurs de lis, avant de la
+remettre à l'armurier, qui la venait prendre. Jeanne, en la recevant,
+la reconnut pour celle qu'elle avait vue par révélation divine et que
+les Voix lui avaient promise. Et elle le dit très haut à tout ce petit
+monde de moines et de soldats qui vivaient près d'elle. Cela sembla
+bien admirable et signe de victoire[781]. Des prêtres de la ville
+donnèrent, pour protéger l'épée de sainte Catherine, un second
+fourreau, celui-là de drap noir. Jeanne en fit faire un troisième de
+cuir très fort[782].
+
+[Note 780: _Procès_, t. I, pp. 76, 234, 236.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 277.--_Journal du siège_, p. 49.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, pp. 69-70.--Guerneri Berni, dans _Procès_, t. IV,
+p. 519.--_Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 267.--Morosini, t. III,
+p. 109.--_Relation du greffier de La Rochelle_, pp. 337,
+338.--_Chronique Messine_, éd. de Bouteiller, 1878, Orléans, in-8º, 26
+pages.]
+
+[Note 781: _Procès_, t. I, pp. 75, 235.]
+
+[Note 782: _Ibid._, t. I, p. 76.]
+
+L'histoire de cette épée se répandit au loin, grossie de fables
+étranges. C'était, disait-on, l'épée, longtemps endormie sous terre,
+du grand Charles Martel. Plusieurs pensaient que ce fût l'épée
+d'Alexandre et des preux du temps jadis. Tous la tenaient bonne et
+fortunée. Bientôt les Anglais et les Bourguignons, instruits de la
+chose, eurent idée que cette Pucelle avait consulté les démons pour
+voir ce qui était caché dans la terre, ou soupçonnèrent qu'elle avait
+elle-même malicieusement enfoui l'épée à l'endroit par elle désigné,
+afin de séduire les princes, le clergé et le peuple. Ils se
+demandaient avec inquiétude si ces cinq croix n'étaient pas des signes
+diaboliques[783]. Ainsi commençaient à se former les illusions
+contraires selon lesquelles Jeanne parut sainte ou sorcière.
+
+[Note 783: Morosini, t. III, pp. 108, 109.--_Chronique de
+Lorraine_, dans _Procès_, t. IV, p. 332.--Eberhard Windecke, p. 101.]
+
+Le roi ne lui avait confié aucun commandement. Se conformant à l'avis
+des docteurs, il ne l'empêchait pas d'aller à Orléans avec ses gens
+d'armes, et même il l'y faisait mener honorablement, afin qu'elle y
+montrât le signe qu'elle avait promis. Il lui donnait des gens pour la
+conduire, et non pour qu'elle les conduisît. Comment les eût-elle
+conduits, puisqu'elle ne savait point le chemin? Cependant elle fit
+faire un étendard selon le mandement de mesdames sainte Catherine et
+sainte Marguerite qui lui avaient dit: «Prends l'étendard de par le
+Roi du ciel!» Il était d'une grosse toile blanche, dite boucassin ou
+bougran, et bordé de franges de soie. Ayant reçu avis de ses Voix,
+Jeanne y fit mettre, par un peintre de la ville, ce qu'elle appelait
+«le Monde»[784], c'est-à-dire Notre-Seigneur, assis sur son trône,
+bénissant de sa dextre levée et tenant dans sa main senestre la boule
+du monde. À sa droite était un ange, et un ange à sa gauche, peints
+tous deux en la manière qu'on les voyait dans les églises, et
+présentant au Seigneur des fleurs de lis. Les noms Jhesus-Maria
+étaient écrits dessus ou à côté, et le champ était semé de fleurs de
+lis d'or[785]. Elle se fit peindre aussi des armoiries. C'était, dans
+un écu d'azur, une colombe d'argent, tenant en son bec une banderole
+où on lisait: «De par le Roi du ciel[786].» Elle mit cet écu sur
+l'avers de l'étendard dont Notre-Seigneur occupait la face. Un
+serviteur du duc d'Alençon, Perceval de Cagny, dit qu'elle fit faire
+aussi un étendard plus petit que l'autre, un pennon, sur lequel était
+l'image de Notre-Dame recevant le salut de l'Ange. Le Peintre de
+Tours, que Jeanne avait employé, venait d'Écosse et se nommait Hamish
+Power. Il fournit l'étoffe et fit les peintures des deux panonceaux,
+du grand et du petit; il reçut pour cela du trésorier des guerres
+vingt-cinq livres tournois[787]. Hamish Power avait une fille nommée
+Héliote, qui était près de se marier et dont Jeanne se souvint plus
+tard avec bonté[788].
+
+[Note 784: _Procès_, t. I, pp. 77, 179, 236; t. III, p. 103.]
+
+[Note 785: _Ibid._, t. I, pp. 78, 117.]
+
+[Note 786: _Ibid._, t. I, pp. 78, 117, 181, 300.--_Relation du
+greffier de La Rochelle_, p. 338.--Morosini, t. III, p. 110; t. IV,
+annexe XV, pp. 313, 315.]
+
+[Note 787: Perceval de Cagny, p. 150.--_Journal du siège_, p.
+70.--_Relation du Greffier d'Albi_, dans _Procès_, t. IV, p.
+301.--_Relation du greffier de La Rochelle_, p. 338.--_Chronique du
+doyen de Saint-Thibaud de Metz_, dans _Procès_, t. IV, p.
+322.--Extrait du 13e compte d'Hémon Raguier, dans _Procès_, t. V, p.
+258.]
+
+[Note 788: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. II,
+p. 65; _Un épisode de la vie de Jeanne d'Arc_, dans _Bibliothèque de
+l'École des Chartes_, t. IV 1re série, p. 488.]
+
+L'étendard était signe de ralliement. Longtemps les rois, les
+empereurs, les chefs de guerre seuls l'avaient pu lever. Le suzerain
+le faisait porter devant lui; les vassaux venaient sous les bannières
+de leurs seigneurs. Mais, en 1429, les bannières n'étaient plus en
+usage que dans les confréries, les corporations ou les paroisses, et
+ne marchaient que devant des troupes pacifiques. À la guerre, il n'en
+était plus question. Le moindre capitaine, le plus pauvre chevalier,
+avait son étendard. Devant Orléans, quand cinquante gens d'armes
+français couraient sus à une poignée de pillards anglais, des
+étendards volaient sur eux par les champs comme un essaim de
+papillons. On disait encore, en manière de proverbe, faire étendard
+pour dire s'enorgueillir[789]. En fait, un routier levait l'étendard
+sans blâme en menant seulement à la guerre une vingtaine de gens
+d'armes et de gens de trait à moitié nus. Jeanne en pouvait bien faire
+autant. Et si même elle tenait, comme il est croyable, son étendard
+pour signe de commandement souverain et si, l'ayant reçu du Roi du
+ciel, elle entendait le lever au-dessus de tous les autres, en
+restait-il un seul dans le royaume pour lui disputer ce rang?
+Qu'étaient-elles devenues, ces bannières féodales portées pendant
+quatre-vingts ans au premier rang des désastres, semées dans les
+champs de Crécy, ramassées sous les haies et les buissons par les
+coustillers de Galles et de Cornouailles, perdues dans les vignes de
+Maupertuis, foulées aux pieds des archers anglais dans la terre molle
+où s'enfonçaient les morts d'Azincourt, ramassées à pleines mains,
+sous les murs de Verneuil, par les maraudeurs de Bedford? C'est parce
+que toutes ces bannières étaient misérablement tombées, c'est parce
+qu'à Rouvray un prince du sang royal venait de traîner honteusement
+dans sa fuite les étendards des seigneurs, que se levait maintenant
+l'étendard de la paysanne.
+
+[Note 789: La Curne, au mot: _Étendard_.]
+
+
+
+
+CHAPITRE X
+
+LE SIÈGE D'ORLÉANS DU 7 MARS AU 28 AVRIL 1429.
+
+
+Depuis la déconfiture terrible et ridicule des gens du Roi dans la
+journée des Harengs, les bourgeois avaient perdu toute confiance en
+leurs défenseurs. Leur esprit agité, soupçonneux et crédule était
+hanté de tous les fantômes de la peur et de la colère. Brusquement,
+sans raison, ils se croyaient trahis. Un jour, on apprend qu'un trou,
+assez grand pour qu'un homme y pût passer, a été percé dans le mur de
+la ville à l'endroit où ce mur longe les dépendances de l'Aumône[790].
+Le peuple en foule y court, voit le trou et un pan de rempart refait à
+neuf, avec deux «canonnières», ne comprend pas, se croit vendu, livré,
+s'effraie, s'exaspère, hurle et cherche le religieux de l'infirmerie
+pour le mettre en pièces[791]. Peu de jours après, le jeudi saint, un
+bruit sinistre se répand: des traîtres vont remettre la ville aux
+mains des Anglais. Tout le monde court aux armes; soldats, bourgeois,
+manants, font la garde sur les boulevards, sur les murs, dans les
+rues. Le lendemain, le surlendemain le soupçon, l'effroi règnent
+encore[792].
+
+[Note 790: L'Hotel-Dieu d'Orléans, à côté de la Cathédrale.]
+
+[Note 791: _Journal du siège_, pp. 56, 57.]
+
+[Note 792: _Journal du siège_, p. 64.]
+
+Au commencement de mars, les assiégeants virent venir les vassaux de
+Normandie, que le Régent avait convoqués; mais ils ne fournissaient
+que six cent vingt-neuf lances et ne devaient le service que pour
+vingt-six jours. Sous la conduite de Scales, Pole et Talbot, les
+Anglais poursuivaient de leur mieux et selon leurs moyens les travaux
+d'investissement[793]. Le 10 mars, ils occupèrent, à une lieue à l'est
+de la ville, la côte escarpée de Saint-Loup qui ne leur fut pas
+disputée et commencèrent d'y élever une bastille qui dominait le
+fleuve en amont et les deux routes de Gien et de Pithiviers à leur
+rencontre, vers la porte de Bourgogne[794]. Le 20 mars, leur bastille
+de Londres, sur la route du Mans, était achevée. Du 9 au 15 avril,
+deux nouvelles bastilles s'élevèrent du côté du couchant, Rouen à neuf
+cents pieds à l'est de Londres, Paris à neuf cents pieds de Rouen.
+Vers le 20, ils fortifièrent Saint-Jean-le-Blanc au val de Loire et
+firent un guet pour garder le passage[795]. C'était peu au regard de
+ce qu'il leur restait à faire et ils manquaient de bras. Ils n'avaient
+pas trois mille hommes autour de la ville. Ils surprenaient les
+paysans qui, voyant venir le temps de labourer la vigne, allaient aux
+champs sans autre souci que la terre, et quand ils les avaient pris,
+ils les faisaient travailler[796]. De l'avis des hommes de guerre les
+plus avisés, ces bastilles ne valaient rien. Il n'y avait pas moyen
+d'y garder des chevaux; on ne pouvait les construire assez rapprochées
+pour se secourir les unes les autres; l'assiégeant risquant d'y être
+assiégé. Enfin les Anglais qui employaient ces fâcheuses machines n'y
+éprouvaient à l'usage que mécomptes et disgrâces. C'est ce dont
+s'aperçut un des défenseurs de la ville, le sire de Bueil quand il eut
+pris de l'expérience[797]. Et dans le fait, il y avait si peu de
+difficultés à traverser les lignes ennemies, que des marchands en
+risquaient la chance et conduisaient du bétail aux assiégés. Il entre
+dans la ville: le 7 mars, six chevaux chargés de harengs; le 15, six
+chevaux chargés de poudre; le 29, du bétail et des vivres; le 2 avril,
+neuf boeufs gras et des chevaux; le 5, cent un pourceaux et six boeufs
+gras; le 9, dix-sept pourceaux, des chevaux, des cochons de lait et du
+blé; le 13, des espèces pour solder la garnison; le 16, des bestiaux
+et des vivres; le 23, de la poudre et des vivres. Et plus d'une fois
+on prit à la barbe des Anglais les victuailles et munitions qui leur
+étaient destinées, tonneaux de vin, gibier, chevaux, arcs, trousses,
+voire vingt-six têtes de gros bétail[798].
+
+[Note 793: Boucher de Molandan, _L'armée anglaise vaincue par
+Jeanne d'Arc_, ch. II.--Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, pp.
+60, 107, 110, 112.]
+
+[Note 794: _Journal du siège_, pp. 57, 58.--Abbé Dubois, _Histoire
+du siège_, dissertation VI.]
+
+[Note 795: _Chronique de la Pucelle_, pp. 265, 267.--Morosini, t.
+IV, annexe XIII.]
+
+[Note 796: _Journal du siège_, p. 58.]
+
+[Note 797: _Le Jouvencel_, t. I, xxij; t. II, p. 44.]
+
+[Note 798: _Journal du siège_, pp. 56, 62.]
+
+Le siège coûtait très cher aux Anglais, quarante mille livres tournois
+par mois[799]. L'argent manquait; il fallut recourir aux plus fâcheux
+expédients. Le roi Henri venait d'ordonner, par lettres du 3 mars, que
+tous les officiers de Normandie lui fissent prêt d'un quartier de
+leurs gages[800]. Les gens d'armes, dans leurs taudis de planches et
+de terre, après avoir souffert du froid, commençaient à souffrir de la
+faim. La Beauce, l'Île-de-France, la Normandie, ruinées et ravagées,
+ne leur envoyaient pas beaucoup de boeufs et de moutons. Ils
+mangeaient mal et buvaient plus mal. Le vin de 1427 était rare; le vin
+nouveau si petit et si faible, qu'il sentait plus le verjus que le
+vin[801]. Or, un vieil Anglais a dit des soldats de sa nation: «Ils
+soupirent après leur soupe et leurs grasses tranches de boeuf: il faut
+qu'ils soient nourris comme des mulets et qu'ils portent leur provende
+pendue à leur cou, sinon ils vous ont un air piteux comme des souris
+noyées[802].»
+
+[Note 799: Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, pp. 50, 58.]
+
+[Note 800: Compte de Pierre Sureau, dans Jarry, _Le compte de
+l'armée anglaise_, pièce justificative nº VI et pp. 45-46.]
+
+[Note 801: _Journal d'un bourgeois de Paris_, pp. 221, 222 et
+suiv.]
+
+[Note 802: Shakespeare, _Henry VI_, première partie, scène II.]
+
+Une disgrâce subite les affaiblit encore. Le capitaine Poton de
+Saintrailles et les deux procureurs Guyon du Fossé et Jean de
+Saint-Avy, qui étaient allés en ambassade auprès du duc de Bourgogne,
+furent de retour à Orléans le 17 avril. Le duc avait bien accueilli
+leur requête et consenti à prendre la ville sous sa garde. Mais le
+Régent, à qui l'offre avait été faite, n'entendait pas de cette
+oreille. Il répondit qu'il serait bien marri d'avoir battu les
+buissons et que d'autres eussent les oisillons[803]. L'offre était
+donc repoussée. Toutefois l'ambassade n'avait point été inutile et ce
+n'était pas rien que d'avoir amené un nouveau désaccord entre le duc
+et le Régent. Les ambassadeurs revenaient accompagnés d'un héraut de
+Bourgogne qui sonna de sa trompette dans le camp anglais et commanda,
+de par son maître, à tout combattant sujet du duc, de lever le siège.
+Bourguignons, Picards, Champenois, quelques centaines d'hommes d'armes
+et d'archers partirent incontinent[804].
+
+[Note 803: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 65.]
+
+[Note 804: _Journal du siège_, pp. 69, 70.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 270.--Monstrelet, t. IV, pp. 317 et suiv.--Morosini, t.
+III, pp. 19, 20 et 21; t. IV, annexe XIV, p. 311.--Jarry, _Le compte
+de l'armée anglaise_, pp. 68 et suiv.--Boucher de Molandon, _L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc_, p. 145.]
+
+Le lendemain, à quatre heures du matin, les bourgeois, enhardis et croyant
+l'occasion bonne, attaquèrent le camp de Saint-Laurent-des-Orgerils.
+Ils tuèrent une partie du guet et pénétrèrent dans l'enceinte où ils
+trouvèrent des tasses d'argent, des robes de martre et beaucoup d'armes.
+Trop occupés à piller, ils ne se gardèrent pas et furent surpris par
+les ennemis accourus en grand nombre. Ils s'enfuirent poursuivis par les
+Anglais qui en tuèrent beaucoup. La ville fut pleine, ce jour-là, des
+lamentations des femmes qui pleuraient un père, un mari, un frère, des
+parents[805].
+
+[Note 805: _Journal du siège_, p. 70.]
+
+Il y avait là quarante mille hommes emmurés[806], entassés dans une
+enceinte qui n'en devait contenir qu'une quinzaine de mille, tout un
+peuple agité par la souffrance, assombri par des deuils domestiques,
+rongé d'inquiétude, et que d'incessants dangers, des alarmes
+perpétuelles rendaient fou. Bien que les guerres ne fussent pas alors
+aussi meurtrières qu'elles le devinrent par la suite, les Orléanais
+faisaient dans les sorties des pertes fréquentes et cruelles. Les
+boulets anglais qui, depuis la mi-mars, pénétraient plus avant dans la
+ville, n'étaient pas toujours inoffensifs. La veille de Pâques
+fleuries, une pierre de bombarde tua ou blessa cinq personnes, une
+autre sept[807]. Beaucoup d'habitants, comme le prévôt Alain Du Bey,
+mouraient de fatigue et du mauvais air[808].
+
+[Note 806: Jollois, _Histoire du siège_, part. VI, chap. I.--Abbé
+Dubois, _Histoire du siège_, diss. IX.--Loiseleur, _Compte des
+dépenses de Charles VII_, chap. V.--Lottin, _Recherches historiques sur
+la ville d'Orléans_, t. II, p. 205.--Morosini, t. III, p. 25, note 2.]
+
+[Note 807: _Journal du siège_, p. 64.]
+
+[Note 808: _Ibid._, p. 59.]
+
+Chacun dans la chrétienté était alors instruit que les crimes des
+hommes amènent sur le monde les tremblements de terre, les guerres,
+la famine et la peste. Le beau duc Charles jugeait, comme tout bon
+chrétien, que la France avait été frappée de grands maux en punition
+de ses péchés, qui étaient: grand orgueil, gloutonnerie, paresse,
+convoitise, mépris de la justice et luxure, dont le royaume abondait;
+et il raisonna, dans une ballade, du mal et du remède[809]. Les
+Orléanais croyaient fermement que cette guerre leur était envoyée de
+Dieu pour punir les pécheurs, qui avaient abusé de sa patience. Ils
+connaissaient la cause de leur mal et le moyen d'en guérir. Ainsi que
+l'enseignaient les bons frères prêcheurs et comme le duc Charles le
+coucha par écrit dans sa ballade, le remède était: bien vivre,
+s'amender, faire chanter et dire des messes pour les âmes de ceux qui
+avaient souffert dure mort au service du royaume, oublier la vie
+pécheresse, requérir pardon de Notre-Dame et des saints[810]. Ce
+remède, les habitants d'Orléans l'avaient employé. Ils avaient fait
+dire des messes en l'église Sainte-Croix pour l'âme des seigneurs,
+capitaines et gens d'armes tués à leur service et notamment pour ceux
+qui avaient péri d'une mort pitoyable à la bataille des Harengs. Ils
+avaient offert des cierges à Notre-Dame et aux saints patrons de la
+ville et promené autour des murs la châsse de monsieur Saint
+Aignan[811].
+
+[Note 809: Charles d'Orléans, _Poésies_, publiées par A.
+Champollion-Figeac, Paris, 1842, in-8º, p. 176.]
+
+[Note 810: Miniature du ms. des poésies de Charles d'Orléans, du
+British Museum, Royal 16 F ij, fol. 73 vº.]
+
+[Note 811: _Journal du siège_, pp. 43.--Symphorien Guyon,
+_Histoire de la ville d'Orléans_, t. II, p. 43.]
+
+Chaque fois qu'ils se sentaient en grand péril, ils l'allaient quérir
+dans l'église Sainte-Croix, la portaient en belle procession par la
+ville et les remparts[812]; puis, l'ayant ramenée dans la cathédrale,
+ils écoutaient sous le parvis le sermon d'un bon religieux choisi par
+les procureurs[813]. Ils faisaient des prières publiques et tenaient
+le ferme propos de s'amender. C'est pourquoi ils pensaient qu'au
+paradis, monsieur saint Euverte et monsieur saint Aignan, touchés de
+leur piété, intercédaient pour eux auprès de Notre-Seigneur; et ils
+croyaient entendre la voix des deux pontifes. Saint Euverte disait:
+
+[Note 812: _Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 297.]
+
+[Note 813: Comptes de Commune, _passim_, dans _Journal du siège_,
+pp. 210 et suiv.]
+
+--Père tout puissant, je vous prie et requiers de sauver la ville
+d'Orléans. Elle est mienne; j'en fus évêque, j'en suis patron. Ne la
+livrez point à ses ennemis.
+
+Saint Aignan disait ensuite:
+
+--Donnez la paix à ceux d'Orléans. Père, ô vous qui, par la bouche
+d'un enfant, m'avez nommé leur pasteur, faites qu'ils ne tombent pas
+aux mains des méchants.
+
+Les Orléanais s'attendaient bien à ce que le Seigneur ne cédât pas
+tout de suite aux prières des deux confesseurs. Connaissant la
+sévérité de ses jugements, ils craignaient qu'il ne répondît:
+
+--Le peuple de France est puni justement de ses péchés. Sa
+désobéissance à la sainte Église l'a perdu. Du petit au grand, c'est à
+qui, dans le royaume, se conduira le plus mal. Laboureurs, bourgeois,
+gens de pratique et prêtres s'y montrent avaricieux et durs; les
+princes, ducs et hauts seigneurs y sont orgueilleux, vains,
+maugréeurs, jureurs et félons. L'ordure de leur vie empuantit l'air.
+S'ils sont châtiés, c'est justice.
+
+Il fallait s'attendre à ce que le Seigneur parlât ainsi, parce qu'il
+était en colère et parce qu'en effet les Orléanais avaient beaucoup
+péché. Mais voici que Notre-Dame, qui aime le roi des fleurs de Lis,
+prie pour lui et pour le duc d'Orléans le Fils qui cherche en toutes
+choses à lui complaire:
+
+--Mon fils, je vous requiers tant que je puis de chasser les Anglais
+de la terre de France; ils n'y ont nul droit. S'ils prennent Orléans,
+ils prendront le reste à leur plaisance. Ô mon fils, doucement je vous
+prie de ne le point souffrir.
+
+Et Notre-Seigneur, à la requête de sa sainte mère, pardonne aux
+Français et consent à les sauver[814].
+
+[Note 814: _Mistère du siège_, vers 6964 et suiv.]
+
+Ainsi les clartés qu'on avait alors sur le monde spirituel pénétraient
+les conseils tenus dans le paradis. Plusieurs, et non des moins
+savants, pensaient qu'après un de ces conseils, Notre-Seigneur avait
+envoyé son archange à la bergère. Et qu'il voulût sauver le royaume
+par le bras d'une femme, on le pouvait croire. N'est-ce pas dans la
+faiblesse qu'il faisait éclater sa puissance? N'avait-il pas permis à
+David enfant d'abattre le géant Goliath et livré à Judith la tête
+d'Holopherne? Dans Orléans même, n'avait-il pas mis sur les lèvres
+d'un nouveau-né le nom du pasteur qui devait délivrer la ville
+assiégée par Attila[815]?
+
+[Note 815: Aug. Theiner, _Saint Aignan ou le siège d'Orléans par
+Attila, notice historique suivie de la vie de ce saint, tirées des
+mms. de la Bibliothèque du roi_, Paris, 1832, in-8º.]
+
+Le seigneur de Villars et messire Jamet du Tillay, revenus de Chinon,
+rapportèrent qu'ils avaient vu de leurs yeux la Pucelle et contèrent
+les merveilles de sa venue. Ils dirent comment elle avait fait si
+grand chemin, traversé à gué de grosses rivières, passé par beaucoup
+de villes et de villages du parti des Anglais, puis cheminé sans
+dommage dans ces pays français où se faisaient d'innombrables maux et
+pilleries; comment, menée au Roi, elle lui avait dit, par bien belles
+paroles, en faisant la révérence: «Gentil dauphin, Dieu m'envoie pour
+vous aider et secourir. Donnez-moi gens, car, par grâce divine et
+force d'armes, je lèverai le siège d'Orléans et puis vous mènerai
+sacrer à Reims, ainsi que me l'a commandé Dieu, qui veut que les
+Anglais s'en retournent en leur pays et vous laissent votre royaume
+en paix, lequel vous doit demeurer. Ou s'ils ne le laissent, il leur
+en mécherra»; et comment enfin interrogée par plusieurs prélats,
+chevaliers, écuyers, docteurs en lois et en décrets, elle avait été
+trouvée d'honnête contenance et sage en ses paroles. Ils vantèrent sa
+piété, sa candeur, cette simplicité qui laissait voir Dieu en elle, et
+cette adresse à conduire un cheval et à manier les armes dont chacun
+s'émerveillait[816].
+
+[Note 816: _Journal du siège_, p. 46.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 278.--Jean Chartier, _Chronique_, p. 66.]
+
+Nouvelles vinrent à la fin de mars que, menée à Poitiers, elle avait
+été interrogée par les docteurs et insignes maîtres, et leur avait
+répondu aussi affirmativement que sainte Catherine aux docteurs
+d'Alexandrie, et que, vu la bonté de ses paroles et la fermeté de ses
+promesses, le roi, mettant en elle sa confiance, l'avait fait armer
+pour qu'elle allât à Orléans où on la verrait bientôt montée sur un
+cheval blanc, portant au côté l'épée de sainte Catherine et tenant en
+sa main l'étendard qu'elle avait reçu du Roi des cieux[817].
+
+[Note 817: _Journal du siège_, pp. 47 et 48.--P. Mantellier,
+_Histoire du siège_, pp. 61 et suiv.]
+
+Ce qu'on rapportait de Jeanne paraissait aux gens d'Église merveilleux
+et non pas incroyable, puisqu'ils en trouvaient des exemples dans
+l'histoire sainte qui était pour eux toute l'histoire; ceux qui
+avaient des lettres puisaient dans leur savoir moins de raisons de
+nier que de douter ou de croire. Les simples concevaient de ces
+choses une admiration candide.
+
+Quelques-uns parmi les capitaines et même dans le peuple disaient que
+c'était dérision. Mais ils risquaient de se faire maltraiter. Les
+habitants croyaient en la Pucelle comme en Notre-Seigneur; ils
+attendaient d'elle secours et délivrance; ils l'appelaient dans une
+sorte de folie mystique et de délire religieux. La fièvre du siège
+était devenue la fièvre de la Pucelle[818].
+
+[Note 818: _Journal du siège_, p. 77.]
+
+Cependant la façon dont les gens du roi la mettaient en oeuvre
+prouvait que, se conformant à l'avis des théologiens, ils entendaient
+ne se pas départir des moyens conseillés par la prudence humaine. Elle
+devait entrer dans la ville avec un convoi de vivres et de munitions
+préparé alors à Blois, par l'ordre du roi et par les soins de la reine
+de Sicile[819]. Un nouvel effort se faisait dans toutes les provinces
+fidèles pour secourir et délivrer la cité courageuse. Gien, Bourges,
+Blois, Châteaudun, Tours, envoyaient des hommes et des vivres; Angers,
+Poitiers, La Rochelle, Albi, Moulins, Montpellier, Clermont, du
+soufre, du salpêtre, de l'acier, des armes[820]. Et, si les
+Toulousains ne donnèrent rien, c'est que la ville, comme le
+déclarèrent ingénument les notables consultés par les capitouls,
+n'avait pas de quoi, _non habebat de quibus_[821]. Les conseillers du
+roi et notamment monseigneur Regnault de Chartres, chancelier du
+royaume, formaient une nouvelle armée. Ce qu'on n'avait pu faire avec
+les Auvergnats, on le tenterait avec les Angevins et les Manceaux. La
+reine de Sicile, duchesse de Touraine et d'Anjou, s'y prêtait bien
+volontiers. Orléans pris, elle risquait fort de perdre ses terres
+auxquelles elle était très attachée. Aussi ne marchandait-elle ni
+l'argent, ni les hommes, ni les vivres. Passé la mi-avril, un
+bourgeois d'Angers, nommé Jean Langlois, vint apporter des lettres
+avisant les procureurs que le blé donné par elle allait venir. Jean
+Langlois reçut de la ville un cadeau et les procureurs lui offrirent à
+dîner à l'Écu Saint-Georges. Ce blé faisait partie du grand convoi que
+devait accompagner la Pucelle[822].
+
+[Note 819: _Procès_, t. III, p. 93.--_Geste des nobles_, dans la
+_Chronique de la Pucelle_, p. 250.--Comptes de forteresses,
+(1428-1430) dans Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne
+d'Arc_, pp. 30 et suiv.]
+
+[Note 820: _Chronique de la Pucelle_, p. 287.--_Journal du siège_,
+p. 81.--Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne d'Arc_,
+pp. 28-29.--P. Mantellier, _Histoire du siège_, p. 230.]
+
+[Note 821: _Le siège d'Orléans, Jeanne d'Arc et les capitouls de
+Toulouse_, par A. Thomas, dans _Annales du Midi_, 1889, p. 232.--Il ne
+paraît pas que Saint-Flour, sollicitée, ait contribué: elle avait
+assez à faire de se garder des routiers qui rôdaient autour d'elle.
+Cf. _Villandrando et les écorcheurs à Saint-Flour_, par M. Boudet,
+Clermond-Ferrand, 1895, in-8º, pp. 18 et suiv.]
+
+[Note 822: Quittances de la ville d'Orléans en 1429, dans Boucher
+de Molandon, _Première expédition de Jeanne d'Arc_, p. 36.]
+
+Vers la fin du mois, sur l'ordre de Monseigneur le Bâtard, les
+capitaines des garnisons françaises de la Beauce et du Gâtinais se
+rendirent dans la ville pour appuyer l'armée de Blois, dont la venue
+était annoncée. Le 28, messire Florent d'Illiers[823], capitaine de
+Châteaudun, fit son entrée avec quatre cents combattants[824].
+
+[Note 823: Florent d'Illiers, issu d'une ancienne famille du pays
+chartrain, avait épousé Jeanne, fille de Jean de Coutes et soeur de ce
+petit page que le sire de Gaucourt avait donné à la Pucelle (A. de
+Villaret).]
+
+[Note 824: _Journal du siège_, p. 73.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 278.]
+
+Qu'allait-il advenir d'Orléans? Le siège, mal conduit, causait aux
+Anglais les plus cruels mécomptes. Leurs capitaines s'apercevaient de
+reste qu'ils ne réduiraient pas la ville au moyen de ces bastilles
+entre lesquelles tout passait, hommes, vivres, munitions, et avec une
+armée qui fondait dans la boue des taudis et que les maladies, les
+désertions réduisaient à trois mille, trois mille deux cents hommes au
+plus. Ils avaient perdu presque tous leurs chevaux. Loin de pouvoir
+continuer l'attaque, ils n'étaient plus en état de se défendre dans
+leurs malheureuses tours de bois, plus profitables, comme disait Le
+Jouvencel, aux assiégés qu'aux assiégeants[825].
+
+[Note 825: _Le Jouvencel_, t. II, p. 44.]
+
+Tout leur espoir, incertain et lointain, était dans l'armée de renfort
+que le Régent formait péniblement à Paris[826]. Cependant on trouvait
+le temps long dans la ville assiégée. Les gens de guerre qui la
+défendaient étaient braves, mais à bout d'inventions et ne sachant
+plus que tenter; les bourgeois faisaient bonne garde, mais ils
+tenaient mal à découvert; ils ne se doutaient pas de l'état
+désastreux où les assiégeants étaient réduits; la fièvre que leur
+donnaient l'inquiétude, les privations et le mauvais air les abattait.
+Ils voyaient déjà les Coués prenant la ville d'assaut, tuant, pillant,
+violant. À tout moment ils se croyaient trahis. Le calme et le
+sang-froid leur manquaient pour reconnaître les avantages de leur
+situation, qui étaient énormes: la ville gardait ses communications
+avec le dehors et pouvait se ravitailler et se renforcer indéfiniment.
+Au surplus, une armée de secours, en bonne avance sur celle des
+Anglais, allait bientôt venir, amenant force têtes de bétail, assez
+puissante en hommes et abondante en munitions pour enlever en quelques
+jours les forteresses anglaises.
+
+[Note 826: Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, pp. 75 et
+suiv.]
+
+Avec cette armée, le roi envoyait la Pucelle annoncée.
+
+
+
+
+CHAPITRE XI
+
+LA PUCELLE À BLOIS.--LA LETTRE AUX ANGLAIS.--LE DÉPART POUR ORLÉANS.
+
+
+La Pucelle, avec son escorte de routiers et de mendiants, arriva à
+Blois en même temps que Messire Regnault de Chartres, chancelier de
+France, et le sire de Gaucourt, gouverneur d'Orléans[827]. Elle était
+sur les terres du prince qu'elle avait grand souci de délivrer: le
+Blésois appartenait au duc Charles, prisonnier des Anglais. Les
+marchands amenaient dans la ville boeufs, vaches, moutons, brebis,
+pourceaux à foison, du grain, de la poudre et des armes[828]. L'amiral
+de Culant et le seigneur Ambroise de Loré étaient venus d'Orléans
+surveiller l'approvisionnement. La Reine de Sicile s'était rendue à
+Blois. Le Roi qui, à cette époque, ne la consultait guère, lui
+dépêcha pourtant le duc d'Alençon, avec mission de se concerter avec
+elle pour l'envoi des secours[829]. Le sire de Rais, de la maison de
+Laval et de la lignée des ducs de Bretagne, seigneur de vingt-quatre
+ans à peine, vint, libéral et magnifique, amenant, avec une belle
+compagnie d'Anjou et du Maine, les orgues de sa chapelle, les enfants
+de la maîtrise, les petits chanteurs de la psallette[830]. Le maréchal
+de Boussac, les capitaines La Hire et Poton arrivèrent d'Orléans[831].
+Une armée de sept mille hommes fut réunie sous les murs de la
+ville[832]. Pour partir on n'attendait plus que l'argent nécessaire au
+paiement des vivres et à la solde des troupes. Les capitaines et gens
+d'armes ne servaient pas à crédit; quant aux marchands, s'ils
+risquaient de perdre leurs victuailles et la vie avec, c'était pour
+argent comptant[833]. Point de pécune point de bétail, et les chariots
+ne roulaient pas.
+
+[Note 827: _Procès_, t. III, p. 4.]
+
+[Note 828: _Journal du siège_, _passim_.--_Chronique de Tournai_,
+éd. de Smedt (t. III, du _Recueil des chroniques de Flandre_), p. 409.]
+
+[Note 829: _Procès_, t. III, p. 93.]
+
+[Note 830: Wavrin dans _Procès_, t. IV, p. 407.--Monstrelet, t.
+IV, p. 316.--_Chronique de la Pucelle_, p. 278.--Jean Chartier,
+_Chronique_, p. 68.--_Mistère du siège_, v. 11431 et suiv.--Abbé
+Bossard, _Gilles de Rais, maréchal de France, dit Barbe-Bleue_
+(1404-1440), Paris, 1886, in-8º, pp. 31, 106.]
+
+[Note 831: _Procès_, t. III, p. 74.]
+
+[Note 832:
+
+ Jeanne dit (dans son _Procès_) de 10 à 12 000 hommes.
+ Monstrelet 7 000 hommes.
+ Eberhard Windecke 3 000 hommes.
+ Morosini 12 000 hommes.]
+
+[Note 833: «Car vous ne trouverez nulz marchans qu'ils se mettent
+en ceste peine ne en ce danger, s'ilz n'ont l'argent contant.» _Le
+Jouvencel_, t. I, p. 184.]
+
+Au mois de mars, Jeanne avait dicté à l'un des maîtres de Poitiers
+une brève sommation à l'adresse des capitaines anglais[834]. Elle la
+développa en une lettre qu'elle montra à quelques-uns de son parti, et
+qu'elle envoya ensuite de Blois, par un héraut, au camp de
+Saint-Laurent-des-Orgerils. Cette lettre était adressée au roi Henri,
+au Régent et aux trois chefs qui depuis la mort de Salisbury
+conduisaient le siège, Scales, Suffolk et Talbot. En voici le
+texte[835]:
+
+ + JHESUS MARIA +
+
+ Roy d'Angleterre, et vous, duc de Bedford, qui vous dictes régent
+ le royaume de France; vous Guillaume de la Poule, conte de
+ Sulford; Jehan, sire de Talebot; et vous, Thomas, sire d'Escales,
+ qui vous dictes lieutenans dudit duc de Bedfort, faictes raison
+ au Roy du ciel[836]; rendez à la Pucelle qui est cy envoiée de
+ par Dieu, le Roy du ciel, les clefs de toutes les bonnes
+ villes[837] que vous avez prises et violées[838] en France. Elle
+ est ci venue de par Dieu, pour réclamer le sanc royal[839]. Elle
+ est toute preste de faire paix, se vous lui voulez faire raison,
+ par ainsi que France vous mectrés jus, et paierez ce que vous
+ l'avez tenu[840]. Et entre vous, archiers, compaignons de guerre,
+ gentilz et autres[841] qui estes devant la ville d'Orléans, alez
+ vous ent en vostre païs, de par Dieu; et se ainsi ne le faictes,
+ attendez les nouvelles[842] de la Pucelle qui vous ira voir
+ briefment à voz bien grans dommaiges. Roy d'Angleterre, se ainsi
+ ne le faictes, je sui chief de guerre, et en quelque lieu que je
+ actaindray voz gens en France, je les en ferai aler, vuellent ou
+ non vuellent; et si ne vuellent obéir je les feray tous occire.
+ Je sui cy envoiée de par Dieu, le Roy du ciel, corps pour corps,
+ pour vous bouter hors de toute France. Et s'i vuellent obéir, je
+ les prandray à mercy. Et n'aiez point en vostre oppinion, que
+ vous ne tendrez[843] point le royaume de France [de] Dieu, le Roy
+ du ciel, filz sainte Marie[844]; ainz le tendra le roy Charles,
+ vray héritier[845]; car Dieu, le Roy du ciel, le veult, et lui
+ est révélé par la Pucelle; lequel[846] entrera à Paris à bonne
+ compagnie. Se vous ne voulez croire les nouvelles de par Dieu et
+ la Pucelle, en quelque lieu que vous trouverons, nous
+ ferrons[847] dedens et y ferons ung si grant hahay[848], que
+ encore a-il mil ans[849] que en France ne fu si grant, se vous
+ ne faictes raison. Et croyez fermement que le Roy du ciel
+ envoiera plus de force à la Pucelle, que vous ne lui sariez mener
+ de tous assaulx, à elle et à ses bonnes gens d'armes; et aux
+ horions[850] verra-on qui ara[851] meilleur droit de Dieu du
+ ciel[852]. Vous, duc de Bedfort, la Pucelle vous prie et vous
+ requiert que vous ne vous faictes mie destruire. Se vous lui
+ faictes raison, encore pourrez venir en sa compaignie, l'où que
+ les Franchois[853] feront le plus bel fait que oncques fu fait
+ pour la chrestienté. Et faictes response se vous voulez faire
+ paix en la cité d'Orléans; et se ainsi ne le faictes, de vos bien
+ grans dommages vous souviengne briefment. Escript ce mardi
+ sepmaine saincte.
+
+[Note 834: _Procès_, t. III, p. 74.]
+
+[Note 835: On a de cette lettre huit textes anciens:
+
+1º Le texte introduit dans les pièces du procès de Rouen (_P._ I, p.
+240);
+
+2º Un texte probablement de la main d'un chevalier de Saint-Jean de
+Jérusalem; ce texte n'existe plus, mais on en a deux copies du XVIIIe
+siècle (_P._ V, p. 95);
+
+3º Le texte inséré dans le _Journal du siège_ (_P._ IV, p. 139);
+
+4º Le texte qui se trouve dans la _Chronique de la Pucelle_ (_P._ IV,
+p. 215);
+
+5º Le texte qui fut inscrit dans le _Registre Delphinal_ de Thomassin
+(_P._ IV, p. 306);
+
+6º Le texte du Greffier de La Rochelle (_Revue Historique_, t. IV);
+
+7º Le texte de la Chronique de Tournai (_Recueil des Chroniques de
+Flandre_, t. III, p. 407);
+
+8º Le texte inséré dans le _Mistère du Siège_.
+
+Mentionnons aussi une traduction en allemand, contemporaine (Eberhard
+Windecke).
+
+Je donne ici le texte du Procès, lequel représente l'original. Les
+autres textes diffèrent trop de celui-ci et sont trop différents les
+uns des autres pour qu'il soit possible d'indiquer les variantes
+autrement qu'en donnant les huit textes en entier. Au reste, ces
+différences pour la plupart n'ont pas grande importance.]
+
+[Note 836: Comparez:
+
+ Dangier, je vous gecte mon gant,
+ Vous appelant de traïson,
+ Devant le Dieu d'amours puissant
+ _Qui me fera de vous raison_.
+
+ (Poésies de Charles d'Orléans, publ. par A. Champollion-Figeac,
+ 1842, in-8º, p. 17.)]
+
+[Note 837: C'est le roi de France qui nommait «bonnes» celles de
+ses villes qu'il voulait honorer.]
+
+[Note 838: Comparez: «Et ardirent la ville et _violèrent
+l'abbaye_» (Froissart, cité par Littré).
+
+On trouve déjà dans la Chanson de Roland:
+
+ Les castels pris, les cités violées.]
+
+[Note 839: La délivrance du duc d'Orléans.]
+
+[Note 840: _France_ est régime.--_Jus_, opposé à _sus_. _Mettre
+jus_, laisser de côté.--_Tenu_, dû. Que vous laisserez la France
+tranquille et payerez ce que vous devez.--Le _Journal du siège_ omet
+le mot France et rend ainsi la phrase inintelligible. Cette omission
+est le fait d'un texte sans doute fort ancien dont procèdent notamment
+_La Chronique de la Pucelle_ et le Greffier de La Rochelle que cette
+phrase tronquée a visiblement embarrassé.]
+
+[Note 841: _Gentil_ opposé à vilain. _Gentils et autres_, nobles
+et vilains.--Sans aucun doute, il faut ici prendre les termes de
+_compagnons_ et de _gentils_ dans leur vrai sens et ne pas croire
+qu'ils aient été mis par antiphrase, comme dans cet endroit de
+Froissart: «Il (le duc de Lancastre) entendit comme il pourroit estre
+saisy de quatre _gentils compaignons_ qui estranglé avoyent son oncle,
+le duc de Clocestre, au chasteau de Calais» (Froissart, dans La
+Curne).]
+
+[Note 842: _Attendez les nouvelles de la Pucelle..._, et plus bas:
+_Si vous ne voulés croire lez nouvelles de par Dieu de la Pucelle..._
+Ce mot de «_Nouvelles_» s'entendait alors comme aujourd'hui, mais il
+avait aussi le sens de «prodiges», ainsi qu'on voit dans cette phrase:
+«En celle année apparurent maintes _nouvelles_ à Rosay en Brie: le vin
+fut mué en sang et le pain en chair sensiblement ou (au) sacrement de
+l'autel» (_Chroniques de Saint Denys_, dans La Curne).]
+
+[Note 843: _Tendrez_..., _tendra_: tiendrez, tiendra.]
+
+[Note 844: _Fils sainte Marie_, comme _Hôtel Dieu_, _les fils
+Aymon_, etc.]
+
+[Note 845: Comprenez: Et n'ayez point en votre opinion, ne croyez
+pas que vous tiendrez de Dieu le royaume de France, car c'est le roi
+Charles qui le tiendra de Dieu.]
+
+[Note 846: Lequel roi Charles.]
+
+[Note 847: _Ferrons_, frapperons.]
+
+[Note 848: Un grand cri de guerre. Il faut corriger _hahut_ dans
+_Procès_, t. III, p. 107.--Comparez «Ceux qui avoient fait le guet
+devers l'ost ouïrent le cri à le _hahay_» (Froissart, liv. I, dans La
+Curne).
+
+ Princes à ce mot me convint eveillier
+ Pour un _hahay_ que j'oy escrier
+ Par nuit, en l'ost, assez près de Coulogne.
+
+ (Eustache Deschamps, dans La Curne.)
+
+ La dame d'Orlyens s'aparut sans delay
+ Tout droit en parlement, et fist un grand _hahay_.
+
+ (_Geste des ducs de Bourgogne_, dans Godefroy.)]
+
+[Note 849: Grande et indéterminée longueur de temps. Il est bien
+inutile de chercher ce qui se passa en France mille ans auparavant. Ni
+Jeanne ni les moines n'y songeaient.]
+
+[Note 850: Comparez: «Se mirent en grands et rudes _orions_,
+tellement qu'il sembloit la bataille estre mortelle» (_Histoire du
+chevalier Bayard_, dans La Curne).]
+
+[Note 851: Le futur _ara_ pour _aura_ est picard, mais se trouve
+ailleurs qu'en Picardie (Communication de M. E. Langlois, professeur à
+la Faculté des Lettres de Lille).]
+
+[Note 852: Comprenez: De la part de Dieu, et il n'y aura pas lieu
+de suppléer _ou de vous_. Pourtant la copie du Chevalier de
+Saint-Jean, le _Journal du siège_, la _Chronique de la Pucelle_
+ajoutent ces trois mots. Avec cette addition, le sens me semble moins
+bon.]
+
+[Note 853: _Franchois_ est de Picardie et de la partie orientale
+de la Normandie.]
+
+Telle est cette lettre d'un accent nouveau, qui proclame la royauté de
+Jésus-Christ et déclare la guerre sainte. Il est difficile de savoir
+si Jeanne la dicta de sa propre inspiration ou sur le conseil des
+clercs. On serait d'abord tenté d'attribuer à des religieux l'idée
+première d'une sommation qui est une application littérale des
+préceptes inscrits dans le Deutéronome:
+
+«Quand vous vous approcherez d'une ville pour l'assiéger, d'abord vous
+lui offrirez la paix.
+
+»Si elle l'accepte et qu'elle vous ouvre ses portes, tout le peuple
+qui s'y trouvera sera sauvé et vous sera assujetti moyennant le
+tribut.
+
+»Si elle ne veut point recevoir les conditions de la paix et qu'elle
+commence à vous déclarer la guerre, vous l'assiégerez.
+
+»Et lorsque le Seigneur, votre Dieu, vous l'aura livrée entre les
+mains, vous ferez passer tous les mâles au fil de l'épée,
+
+»En réservant les femmes, les enfants, les bêtes et tout le reste de
+ce qui se trouvera dans la ville.»
+
+ (_Deuter._, XX, 10-14.)
+
+Il est certain du moins que, à cet égard, la Pucelle exprime ses
+propres sentiments. Elle dira plus tard: «Je demandais la paix et, si
+on me la refusait, j'étais prête à combattre[854].» Mais comme elle
+dicta cette lettre et ne put la lire, il y a lieu de rechercher si
+les clercs qui tinrent la plume n'y mirent pas du leur.
+
+[Note 854: _Procès_, t. I, pp. 55, 84, 240.]
+
+On peut soupçonner une main ecclésiastique en deux ou trois passages.
+Plus tard la Pucelle ne se rappelait pas avoir dicté «corps pour
+corps», ce qui n'a pas grande importance. Mais elle déclara qu'elle
+n'avait pas dit: «Je suis chef de guerre», et qu'elle avait dicté:
+«Rendez au Roi», et non pas: «Rendez à la Pucelle[855]». Sa mémoire,
+qui n'était pas toujours bonne, la trompait peut-être. Pourtant, elle
+paraissait bien sûre de ce qu'elle disait, et elle répéta par deux
+fois que «chef de guerre» et «rendez à la Pucelle» n'étaient pas dans
+sa lettre, et il est possible que ces termes fussent du fait des
+moines qui se tenaient près d'elle. Ces religieux errants se
+souciaient médiocrement d'une querelle de fiefs, et leur plus grand
+souci n'était pas que le roi Charles rentrât en possession de son
+héritage. Ils voulaient sans doute le bien du royaume de France; mais,
+assurément, ils voulaient d'un meilleur coeur le bien de la
+chrétienté, et nous verrons que si ces moines mendiants, frère
+Pasquerel et plus tard frère Richard, s'attachèrent à la Pucelle, ce
+fut dans l'espoir de l'employer au profit de l'Église. Aussi ne
+serait-il pas surprenant qu'ils eussent tout d'abord pris soin de la
+déclarer chef de guerre et même de l'investir d'un pouvoir spirituel
+supérieur au pouvoir temporel du roi, ce qui est impliqué dans cette
+phrase: «Rendez à la Pucelle... les clefs des bonnes villes.»
+
+[Note 855: _Procès_, t. I, pp. 55, 56, 84.]
+
+Cette lettre même indique une des espérances, entre autres, qu'ils
+fondaient sur elle. Ils comptaient qu'après avoir accompli sa mission
+en France, elle prendrait la croix et irait à la conquête de
+Jérusalem, entraînant à sa suite toutes les armées de l'Europe
+chrétienne[856]. En ce moment même, un disciple de Bernardin de
+Sienne, un franciscain, nouvellement venu de Syrie[857], frère
+Richard, qui devait bientôt se rencontrer avec la Pucelle, prêchait à
+Paris, annonçant la fin prochaine du monde et exhortant les fidèles à
+combattre l'Antéchrist[858]. Il faut se rappeler que les Turcs, qui
+avaient vaincu les chevaliers chrétiens à Nicopolis et à Sémendria,
+menaçaient Constantinople et terrifiaient l'Europe entière. Papes,
+empereurs, rois, sentaient la nécessité de tenter contre eux un grand
+effort.
+
+[Note 856: Morosini, t. III, pp. 64, 82 et suiv.--Christine de
+Pisan, dans _Procès_, t. V, p. 16.--Sur l'idée de Croisade, Cf. N.
+Jorga, _Philippe de Mézières_, 1896, in-8º; _Notes et extraits pour
+servir à l'histoire des Croisades au XVe siècle_, Paris, 1899-1902, 3
+vol. in-8º (Extrait de la _Revue de l'Orient Latin_).]
+
+[Note 857: _Pii Secundi commentarii_, éd. 1614, p. 440.--Wadding,
+_Annales Minorum_, t. V, pp. 130 et suiv.]
+
+[Note 858: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 233.--S. Luce,
+_Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. XV, CCXXXVII.--Voir les planches des
+nombreux livrets populaires sur l'Antéchrist au XVe siècle (Brunet,
+_Manuel du Libraire_, t. I, col. 316).]
+
+On disait en Angleterre que le roi Henri V avait fait à madame
+Catherine de France, entre Saint-Denys et Saint-Georges, un garçon
+demi-anglais demi-français, qui irait jusqu'en Égypte tirer le Grand
+Turc par la barbe[859]. Ce victorieux Henri V, sur son lit de mort,
+entendait les clercs réciter les psaumes de la pénitence. Quand il
+ouït ce verset: _Benigne fac Domine in bona voluntate tua ut
+aedificentur muri Jerusalem_, il murmura d'une voix expirante: «J'ai
+toujours eu dessein d'aller en Syrie et de reprendre la ville sainte
+aux infidèles[860].» Ce fut sa dernière parole. Les hommes sages
+conseillaient l'union des princes chrétiens contre le Croissant. En
+France, l'archevêque d'Embrun, qui avait siégé aux conseils du
+dauphin, maudissait l'insatiable cruauté de la nation anglaise et ces
+guerres entre chrétiens, dont se réjouissaient les ennemis de la croix
+de Jésus-Christ[861].
+
+[Note 859: Félix Rabbe, _Jeanne d'Arc en Angleterre_, Paris, 1891,
+p. 12.]
+
+[Note 860: Monstrelet, t. IV, p. 112.--Vallet de Viriville,
+_Histoire de Charles VII_, t. I, p. 340.]
+
+[Note 861: Le P. Marcellin Fornier, _Histoire des Alpes-Maritimes
+ou Cottiennes_, t. II, pp. 315 et suiv.]
+
+Appeler les Anglais et les Français à prendre ensemble la croix,
+c'était proclamer qu'après quatre-vingt-onze ans de violences et de
+crimes le cycle des guerres profanes était fermé et que la chrétienté
+se retrouvait telle qu'aux jours où Philippe de Valois et Édouard
+Plantagenet promettaient au pape de s'unir contre les infidèles.
+
+Mais quand la Pucelle conviait les Anglais à se joindre aux Français
+dans une entreprise sainte et guerrière, on pouvait prévoir l'accueil
+que recevrait des Godons cette convocation angélique. Et, lors du
+siège d'Orléans, les Français de leur côté, pour de bonnes raisons, ne
+songeaient pas à prendre la croix avec les Coués[862].
+
+[Note 862: Dans toutes les copies de la lettre aux Anglais qui
+nous sont parvenues, hors dans celle du Procès, à cet endroit: «Encore
+que pourrez venir, etc.» le texte est complètement défiguré.]
+
+Le style de cette lettre ne fut pas très goûté des connaisseurs. Le
+Bâtard d'Orléans en trouvait toutes les paroles bien simples et
+quelques années plus tard un bon légiste français la jugea écrite en
+gros et lourd langage et mal ordonné[863]. Nous ne pouvons prétendre
+en mieux juger que le légiste et que le Bâtard, qui avait des lettres;
+pourtant nous nous demandons si ce qui leur semblait mauvais dans ces
+façons de dire ce n'était pas qu'elles s'éloignaient du ton ordinaire
+des chancelleries. La lettre de Blois se ressent, il est vrai, de
+l'humilité où se tenait encore la prose française, quand elle n'était
+pas soulevée par un Alain Chartier, mais on n'y trouve pas de terme ni
+de tournure qui ne se rencontre dans les bons auteurs du temps. Le
+langage peut n'en pas être très bien ordonné, mais l'allure en est
+vive. Au reste rien n'y sent les bords de la Meuse; il n'y subsiste
+aucune trace du parler lorrain et champenois[864]. C'est français de
+clerc.
+
+[Note 863: _Procès_, t. IV, p. 7.--Mathieu Thomassin, _Registre
+Delphinal_, dans _Procès_, t. IV, p. 304.]
+
+[Note 864: Elle contient au contraire des formes qu'on ne
+rencontrerait pas sous la plume d'un Picard, d'un Bourguignon, d'un
+Lorrain ou d'un Champenois, tel le participe _envoyée_. Les formes et
+la graphie sont bien d'un clerc français (Communication de M. E.
+Langlois).]
+
+Tandis qu'Isabelle de Vouthon s'en était allée en pèlerinage au Puy,
+ses deux plus jeunes enfants, Jean et Pierre, avaient pris aussi le
+chemin de la France, pour rejoindre leur soeur, dans l'idée de faire
+fortune auprès d'elle et du roi. De même frère Nicolas de Vouthon,
+cousin germain de Jeanne, religieux profès en l'abbaye de Cheminon, se
+rendit auprès de la jeune dévote[865]. Pour attirer ainsi toute cette
+parenté, avant même d'avoir donné signe de son pouvoir, il fallait que
+Jeanne eût des cautions aux bords de la Meuse et que de vénérables
+personnes ecclésiastiques et de bons seigneurs lorrains répondissent
+de son crédit en France. Ces garants de sa mission, elle les trouvait
+sans aucun doute dans ceux qui l'avaient endoctrinée et accréditée par
+prophétie; et peut-être frère Nicolas de Vouthon lui-même était-il du
+nombre.
+
+[Note 865: _Procès_, t. V, p. 252.--E. de Bouteiller et G. de
+Braux, _Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc_, pp. XX,
+9 et 10. Source très suspecte.]
+
+Tenant dans l'armée état de sainte fille, elle avait en sa compagnie
+un chapelain, frère Jean Pasquerel[866]; deux pages, Louis de Coutes
+et Raymond[867]; ses deux frères, Pierre et Jean; deux hérauts,
+Ambleville et Guyenne[868]; deux écuyers, Jean de Metz et Bertrand de
+Poulengy. Jean de Metz pourvoyait à la dépense aux frais de la
+couronne[869]. Elle avait aussi quelques valets à son service. Un
+écuyer, nommé Jean d'Aulon, que le roi lui donna pour intendant, vint
+la rejoindre à Blois[870]. C'était le plus pauvre écuyer du
+royaume[871]. Il appartenait entièrement au sire de La Trémouille qui
+le secourait d'argent, mais avait bon renom d'honneur et de
+sagesse[872]. Jeanne attribuait les défaites des Français à ce qu'ils
+chevauchaient avec des femmes de mauvaise vie et blasphémaient le
+saint nom de Dieu. Et loin de lui être particulière, cette opinion
+régnait parmi les personnes de savoir et de dévotion, qui rapportaient
+notamment le désastre de Nicopolis à ce que, en chemin, les chrétiens
+avaient fait des cruautés, mené des ribaudes et joué à des jeux
+dissolus[873].
+
+[Note 866: _Procès_, t. III, p. 101.]
+
+[Note 867: _Ibid._, t. III, pp. 65, 67, 124.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 277.--A. de Villaret, _Louis de Coutes, page de Jeanne
+d'Arc_, Orléans, 1890, in-8º.]
+
+[Note 868: _Procès_, t. III, pp. 26-27.]
+
+[Note 869: Extraits des comptes de Hémon Raguier, _Procès_, t. V,
+pp. 257, 258.]
+
+[Note 870: _Procès_, t. III, p. 211.]
+
+[Note 871: _Ibid._, t. III, p. 15.]
+
+[Note 872: Duc de la Trémoïlle, _Les La Trémouille pendant cinq
+siècles, Guy VI et Georges_ (1343-1446), Nantes, 1890, pp. 196, 201.]
+
+[Note 873: Juvénal des Ursins, année 1396.]
+
+À plusieurs reprises, de 1420 à 1425, le dauphin avait défendu de
+maugréer, de renier, de blasphémer le nom de Dieu, de la Vierge Marie,
+des saints et des saintes, sous peine d'une amende à laquelle
+s'ajoutaient, en certains cas, des châtiments corporels. Les lettres
+qui portaient cette défense alléguaient que les blasphèmes attiraient
+des guerres, des pestes et des famines, et que les blasphémateurs
+étaient responsables en partie des maux qui affligeaient le
+royaume[874]. Aussi la Pucelle allait-elle parmi les gens d'armes, les
+exhortant à chasser les femmes qui suivaient l'armée et à ne plus
+prononcer en vain le nom du Seigneur. Elle leur recommandait de
+confesser leurs péchés et de mettre leur âme en état de grâce,
+affirmant que Dieu les aiderait et que si leur âme était en bon état,
+ils obtiendraient la victoire[875].
+
+[Note 874: _Ordonnances des rois de France_, t. XI, p. 105; t.
+XIII, p. 247.--S. de Bouillerie, _La répression du blasphème dans
+l'ancienne législation_ dans _Revue historique et archéologique du
+Maine_, 1884, pp. 369 et suiv.--De Beaucourt, _Histoire de Charles
+VII_, t. I, p. 370; t. II, p. 189.--A. Longnon, _Paris pendant la
+domination anglaise_, Paris, 1878, in-8º, pp. 11 et 56.]
+
+[Note 875: _Procès_, t. III, pp. 78, 104, 105.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 283.--On l'associa de très bonne heure à La Hire, comme
+au plus vaillant homme de France, et l'on imagina qu'elle le fit
+confesser et l'habitua à ne plus jurer le nom de Dieu. Ce sont là de
+petits contes édifiants (_Procès_, t. III, p. 32; t. IV, p. 327).]
+
+Jeanne porta son étendard à l'église Saint-Sauveur et le donna à bénir
+aux prêtres[876]. La petite confrérie, formée à Tours, se grossit à
+Blois des gens d'Église et des religieux qui, échappés en foule des
+abbayes voisines à l'approche des Anglais, souffraient le froid et la
+faim. Il en était d'ordinaire ainsi. Constamment des nuées de moines
+s'abattaient sur les armées. Beaucoup d'églises et la plupart des
+abbayes gisaient détruites. Celles des mendiants, situées hors des
+villes, avaient toutes péri, dépouillées et incendiées par les Anglais
+ou renversées par les habitants des villes, avec tous les faubourgs
+sous la menace d'un siège. Les religieux sans asile ne trouvaient
+point d'accueil dans les cités avares de leur bien; il leur fallait
+tenir la campagne avec les gens d'armes et suivre l'armée. La règle en
+souffrait et la piété n'y gagnait rien. Ces clercs affamés et
+vagabonds ne menaient pas toujours, parmi les soudoyers, les ribaudes
+et les convoyeurs, une vie édifiante. Ceux qui accompagnèrent la
+Pucelle ne valaient sans doute ni mieux ni pis que les autres, et
+comme ils avaient grand'faim ils songeaient premièrement à
+manger[877]. À l'égard de la sainte fille mêlée à cette troupe
+vagabonde, les gens d'armes pouvaient éprouver tous les sentiments,
+hors celui de la surprise, tant ils étaient habitués à voir
+religieuses et religieux cheminer en leur compagnie. Il est vrai que
+de celle-ci on annonçait des merveilles. Plusieurs y ajoutaient foi,
+d'autres se moquaient et disaient tout haut: «Voilà un vaillant
+champion pour récupérer le royaume de France[878].»
+
+[Note 876: _Procès_, t. III, p. 103.--Boucher de Molandon,
+_Première expédition de Jeanne d'Arc_, p. 47.--L.-A. Bosseboeuf,
+_Jeanne d'Arc en Touraine_, Tours, 1899, pp. 34 et suiv.]
+
+[Note 877: Le P. Denifle, _La désolation des églises, monastères,
+hôpitaux, en France, vers le milieu du XVe siècle_, Mâcon, 1897,
+in-8º, Introduction.]
+
+[Note 878: _Procès_, t. IV, p. 327.--Tringant, _Le Jouvencel_, t.
+II, p. 277, dit seulement que peu de gens d'armes allaient volontiers
+secourir Orléans, ce qui n'est pas bien exact.]
+
+La Pucelle fit faire une bannière sous laquelle les religieux pussent
+se rassembler et appeler les gens d'armes à la prière. Cette bannière
+était blanche; il y avait dessus Jésus en croix entre Notre-Dame et
+saint Jean[879].
+
+[Note 879: _Procès_, t. I, pp. 78, 117, 181.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 281.--Morosini, t. III, pp. 110, 111; t. IV, pp.
+313-315.--G. Martin, _L'étendard de Jeanne d'Arc_, dans _Notes d'art
+et d'arch._, 1834, pp. 65-71, 81-88, pl.]
+
+Le duc d'Alençon retourna vers le roi pour lui faire savoir l'embarras
+où l'on était. Le roi envoya les sommes nécessaires; on pouvait enfin
+partir[880]. Deux routes, toutes deux libres au départ, l'une sur la
+rive droite, l'autre sur la rive gauche de la Loire, conduisaient à
+Orléans. En prenant la rive droite, on se trouvait, au bout de cinq à
+six lieues, au bord de la plaine de Beauce, occupée par les Anglais,
+qui avaient garnisons à Marchenoir, Beaugency, Meung, Montpipeau,
+Saint-Sigismond, Janville, et l'on risquait d'y rencontrer l'armée qui
+venait au secours des Anglais d'Orléans. Une telle rencontre faisait
+peur depuis le jour des Harengs. En prenant la rive gauche, on
+s'avançait par la Sologne, restée au pouvoir du roi Charles, et,
+pourvu qu'on s'écartât un peu du fleuve, on passait hors de vue des
+petites garnisons anglaises de Beaugency et de Meung. Il est vrai
+qu'il fallait ensuite traverser la Loire, mais, en remontant le fleuve
+à deux lieues au levant de la ville assiégée, on pouvait tenter sans
+trop d'inconvénient le passage entre Orléans et Jargeau. Après
+délibération, il fut décidé qu'on prendrait la rive gauche et qu'on
+irait par la Sologne. On arrêta aussi qu'on emporterait les vivres en
+deux fois, de peur d'un trop lent débarquement si près des bastilles
+ennemies[881]. Le mercredi 27 avril[882], on partit. Les prêtres,
+bannière en tête, ouvrirent la marche en chantant le _Veni creator
+Spiritus_[883]. La Pucelle chevauchait avec eux, armée de blanc, et
+portant son étendard. Les hommes d'armes et les hommes de trait
+venaient ensuite, escortant six cents voitures de vivres et de
+munitions et quatre cents têtes de bétail[884]. La longue file des
+lances, des chariots et des troupeaux passa le pont de Blois, et se
+déroula dans la plaine infinie. Après avoir fait huit lieues sur une
+route ravinée, à l'heure du couvre-feu, quand, au soleil couchant, la
+Loire fut de cuivre entre ses joncs noirs, les prêtres chantèrent
+_Gabriel angelus_ et l'armée fit halte[885].
+
+[Note 880: _Procès_, t. III, p. 93.--_Chronique du doyen de
+Saint-Thibaud_, dans _Procès_, t. IV, p. 327.]
+
+[Note 881: _Procès_, t. III, pp. 5, 67, 78, 105, 212; Martial
+d'Auvergne, _ibid._, t. V, p. 53.--_Chronique de la fête_, _ibid._, p.
+290.--_Chronique de la Pucelle_, p. 281.--Jean Chartier, _Chronique_,
+t. I, p. 71.--Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne
+d'Arc_, pp. 38 et suiv.]
+
+[Note 882: Le 28 avril, selon Eberhard Windecke, p. 165. Le 27,
+si, comme le dit Pasquerel, l'armée coucha deux nuits aux champs.]
+
+[Note 883: _Procès_, t. III, p. 105.]
+
+[Note 884: Eberhard Windecke, p. 167.]
+
+[Note 885: _Procès_, t. III, p. 104.]
+
+Cette nuit-là, on coucha dans les champs. Jeanne, qui n'avait pas
+voulu quitter son armure, se réveilla tout endolorie. Elle entendit
+la messe et reçut la communion des mains de son aumônier, avec
+plusieurs gens d'armes. Puis l'armée se remit en marche vers
+Orléans[886].
+
+[Note 886: _Procès_, t. III, p. 67.]
+
+
+
+
+CHAPITRE XII
+
+LA PUCELLE À ORLÉANS.
+
+
+Le jeudi 28 avril au soir, Jeanne put voir des hauteurs d'Olivet les
+clochers de la ville, les tours de Saint-Paul et de Saint-Pierre-Empont,
+où les guetteurs signalaient sa venue. L'armée suivit les pentes qui
+descendent vers la Loire et s'arrêta au port du Bouchet, tandis que les
+chariots et le bétail continuaient leur chemin sur la berge jusque vers
+l'Île-aux-Bourdons, devant Chécy, à une lieue en amont[887]. C'est là
+que devait se faire le débarquement. Au signal des guetteurs,
+monseigneur le Bâtard, accompagné de Thibaut de Termes et de quelques
+autres capitaines, sortit de la ville par la porte de Bourgogne, sauta
+dans une barque à Saint-Jean-de-Braye et alla tenir conseil avec les
+sires de Rais et de Loré, qui commandaient le convoi[888].
+
+[Note 887: _Procès_, t. III, pp. 4 et 5.--Boucher de Molandon,
+_Bulletin de la Société archéologique de l'Orléanais_, t. IV, p. 427,
+et IX, p. 73.--Le même, _Première expédition de Jeanne d'Arc_, pp. 41
+et suiv.--_Mistère du siège_, vers. 11480 et suiv.]
+
+[Note 888: _Journal du siège_, p. 75.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 283.--_Chronique de l'établissement de la fête_, dans _Procès_, t.
+V, p. 289.]
+
+Cependant la Pucelle venait de s'apercevoir qu'elle était sur la rive
+de Sologne et qu'on l'avait trompée en chemin. Elle en ressentait de
+la douleur et de la colère. On l'avait trompée, cela était sûr. Mais
+l'avait-on fait exprès? Avait-on voulu vraiment la tromper? On
+rapporte qu'elle avait exprimé la volonté de passer par la Beauce, et
+non par la Sologne, et qu'il lui avait été répondu: «Jeanne,
+rassurez-vous; nous vous menons par la Beauce[889].» Est-ce possible?
+Pourquoi les seigneurs se seraient-ils joués de la sorte d'une sainte
+fille que le roi avait mise sous leur garde et qui inspirait déjà du
+respect à la plupart d'entre eux? Certains, il est vrai, croyant
+qu'elle se moquait, l'eussent volontiers moquée. Mais, si l'un de
+ceux-là lui avait fait cette trufferie, de lui mettre la Sologne en
+Beauce, comment ne se serait-il trouvé personne pour la désabuser?
+Comment frère Pasquerel, son aumônier; comment son intendant,
+l'honnête écuyer d'Aulon, se seraient-ils rendus complices de cette
+grossière plaisanterie? Tout cela ne se comprend guère, et quand on y
+songe, ce qui se comprend le moins, c'est que Jeanne eût expressément
+demandé qu'on allât à Orléans par la Beauce. Puisqu'elle ignorait sa
+route à ce point qu'en passant le pont de Blois elle ne se douta pas
+qu'elle allait en Sologne, il y a peu d'apparence qu'elle se
+représentât assez précisément l'assiette d'Orléans pour préférer y
+entrer par le couchant ou par le midi. Une jeune fille qui seule
+connaît la porte par laquelle on entrera dans la ville assiégée et à
+qui de méchants capitaines font prendre un chemin pour un autre, cela
+ressemble trop à un conte de ma mère l'oie. Jeanne ne se faisait pas
+d'Orléans une idée plus claire que de Babylone. Il est vraisemblable
+de supposer un malentendu. Elle n'avait parlé ni de Sologne ni de
+Beauce. Ses Voix lui avaient dit que les Anglais ne bougeraient point.
+Elles ne lui avaient point montré le portrait de la ville; elles ne
+lui avaient donné ni plans ni cartes: les gens de guerre n'en usaient
+point. Jeanne, sans doute, avait dit aux capitaines et aux prêtres ce
+qu'elle devait bientôt répéter au Bâtard: «Je veux aller là où sont
+Talbot et les Anglais.» Et les prêtres, les gens d'armes, avaient
+répondu très sincèrement: «Jeanne, nous allons où sont Talbot et les
+Anglais[890].» Ils avaient cru bien dire, puisque Talbot conduisait le
+siège, et qu'on l'aurait, pour ainsi dire, devant soi, de quelque côté
+qu'on approchât de la ville. Mais apparemment ils n'avaient pas bien
+compris ce qu'avait dit la Pucelle, et la Pucelle n'avait pas bien
+compris ce qu'ils avaient répondu. Car maintenant, de se voir séparée
+de la ville par les eaux et les sables du fleuve, elle se montrait
+irritée et dolente. Que pouvait-elle trouver de si fâcheux à cela?
+Ceux qui l'approchèrent en ce moment ne le découvrirent pas, et
+peut-être ses raisons ont-elles été méconnues parce qu'elles étaient
+spirituelles et mystiques. Certes, elle n'estimait pas qu'on eût
+commis une faute militaire en amenant par la Sologne les troupes et
+les vivres. Elle ne connaissait point les chemins; elle ne pouvait
+donc savoir quel était le meilleur. Des positions de l'ennemi, des
+travaux d'attaque et des travaux de défense elle ignorait tout; elle
+venait d'apprendre à l'instant sur quelle rive du fleuve la ville
+était assise. Il fallait pourtant qu'elle crût avoir une grave raison
+de se plaindre, car elle s'approcha du seigneur Bâtard et lui demanda
+vivement:
+
+[Note 889: _Chronique de la Pucelle_, p. 281.--_Procès_, t. III,
+p. 78.]
+
+[Note 890: _Procès_, t. III, pp. 5-6.]
+
+--Est-ce vous qui êtes le Bâtard d'Orléans?
+
+--C'est moi, réjoui de votre venue.
+
+--Est-ce vous qui avez donné conseil que je vinsse ici, par ce côté de
+la rivière, et que je ne vinsse pas droit là où sont Talbot et les
+Anglais?
+
+--Moi et de plus sages ont donné ce conseil, croyant faire pour le
+mieux et le plus sûrement.
+
+Mais Jeanne:
+
+--En nom Dieu! le conseil de Messire est plus sûr et plus sage que le
+vôtre. Vous avez cru me tromper et vous vous êtes trompés vous-mêmes.
+Car je vous apporte un meilleur secours qu'il n'en vint oncques à
+chevalier ou à cité, c'est le secours du Roi des cieux, lequel
+secours procède de Dieu lui-même, qui, non vraiment pour l'amour de
+moi, mais à la requête de saint Louis et de saint Charlemagne, a eu
+pitié de la ville d'Orléans et n'a pas voulu souffrir que les ennemis
+eussent à la fois le corps du duc et sa ville[891].
+
+[Note 891: _Procès_, t. III, p. 5.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+284.--Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne d'Arc_, p.
+49.]
+
+On entend: ce qui la fâchait, c'était de n'avoir point été menée droit
+devant Talbot et les Anglais. Elle venait d'apprendre que Talbot était
+sur la rive droite avec son camp. Et, en parlant de Talbot et des
+Anglais, elle entendait désigner seulement les Anglais qui étaient
+avec Talbot, puisqu'en descendant au Val de Loire, près du guet de
+Saint-Jean-le-Blanc, elle avait aperçu la bastille des Augustins et
+les Tourelles du bout du pont et qu'elle ne pouvait pas douter qu'il
+n'y eût aussi des Anglais sur la rive gauche. Il reste à savoir
+pourquoi elle avait tant désiré se montrer tout d'abord à Talbot et à
+ses Anglais et pourquoi maintenant elle était si marrie d'être séparée
+de lui par la Loire. Jugeait-elle que le camp retranché de
+Saint-Laurent-des-Orgerils, où commandaient Scales, Suffolk et Talbot,
+devait être tout de suite attaqué? Elle n'avait pu se faire
+d'elle-même cette idée, puisqu'elle ne connaissait pas les lieux, et
+aucun homme d'armes n'avait pu lui mettre cette folie en tête,
+d'attaquer un camp retranché en menant des boeufs et des chariots.
+Elle n'avait pas songé non plus, comme on l'a dit tant de fois, à
+forcer le passage entre la bastille Saint-Pouair à l'orée des bois,
+puisqu'elle ignorait les bastilles et les forêts comme le reste. Et si
+tel avait été son dessein, elle l'aurait dit clairement au Bâtard, car
+elle savait se faire entendre, et même les bonnes gens trouvaient
+qu'elle parlait bien. Quelle était donc sa pensée? Il n'est pas
+impossible de la pénétrer, si l'on songe à ce que pouvait être en ce
+moment la pensée d'une sainte, ou si seulement on se rappelle les
+paroles et les actes par lesquels Jeanne avait annoncé et préparé sa
+mission. Elle avait dit aux docteurs de Poitiers: «Le siège d'Orléans
+sera levé et la ville affranchie de ses ennemis après que j'en aurai
+fait sommation de par le Roi du ciel[892].» Elle avait mandé, de par
+le Roi du ciel, à Scales, à Suffolk et à Talbot de lever le siège;
+elle leur avait écrit qu'elle était toute prête à faire la paix et les
+avait sommés de retourner en Angleterre. Maintenant elle demandait
+réponse à Talbot, à Suffolk et à Scales. Puisque les Anglais ne lui
+avaient point renvoyé son héraut, elle venait à eux, à leurs chefs,
+comme un héraut de Messire; elle venait requérir qu'ils fissent paix.
+Et s'ils ne voulaient faire paix, elle était prête à combattre. C'est
+seulement après leur refus qu'elle serait assurée de vaincre, non par
+raisons humaines, mais parce que son Conseil le lui avait promis.
+Peut-être même, peut-être espérait-elle qu'en se montrant aux
+capitaines anglais, son étendard à la main, accompagnée de madame
+sainte Catherine, de madame sainte Marguerite et de monseigneur saint
+Michel archange, elle les persuaderait de quitter la France; que,
+tombant à genoux, Talbot obéirait, non certes à elle, mais à Celui qui
+l'envoyait, et qu'ainsi elle ferait ce pourquoi elle était venue sans
+que coulât une goutte de ce sang français qui lui était cher et sans
+que les Anglais, dont elle avait pitié, perdissent ni leurs corps ni
+leurs âmes. En tout cas, il fallait obéir à Dieu et pratiquer la
+charité: la victoire était à ce prix. Et cette pieuse victoire qu'elle
+apportait, cette victoire angélique, les chefs de son parti, par une
+fausse prudence, la lui arrachaient des mains. Ils l'empêchaient
+d'accomplir sa mission, de donner, peut-être, le signe promis et
+l'entraînaient avec eux dans des entreprises moins sûres et moins
+belles. De là sa douleur et sa colère.
+
+[Note 892: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 68.--_Journal du
+siège_, p. 48.]
+
+Même après la déconvenue de son entrée, elle ne se croyait pas dispensée
+d'offrir la paix aux ennemis, afin d'être agréable à Dieu[893]. Et
+puisqu'elle ne pouvait aller tout de suite au camp de Talbot, elle
+voulut se montrer devant le guet de Saint-Jean-le-Blanc[894].
+
+[Note 893: Opinion de Martin Berruyer, dans Lanéry d'Arc,
+_Mémoires et consultations_, chap. VII.]
+
+[Note 894: _Procès_, t. III, pp. 78 et 214.]
+
+Il n'y avait plus personne derrière les palissades. Mais, si elle y
+était allée et si elle y avait trouvé des ennemis, elle leur aurait
+d'abord offert la paix. La conduite qu'elle tint ensuite dans la ville
+en est la preuve certaine. Elle ne venait pas mettre au service des
+Orléanais des plans de campagne ou des ruses de guerre; sa part dans
+l'oeuvre de la délivrance était plus haute et plus pure. Elle
+apportait à des hommes faibles, malheureux, égoïstes et souffrants,
+les invincibles forces de l'amour et de la foi, la vertu du sacrifice.
+
+Monseigneur le Bâtard, qui regardait la mission de Jeanne comme
+purement religieuse et qu'on aurait bien étonné en lui disant qu'il
+devait consulter cette paysanne sur le fait de la guerre, fit mine de
+ne point entendre les reproches qu'elle lui adressait et alla pourvoir
+à ce que les opérations fussent exécutées conformément aux
+dispositions prises.
+
+Tout avait été soigneusement concerté et préparé, mais voici que
+survenait une anicroche. Les chalands que les Orléanais devaient
+envoyer à Chécy pour embarquer les vivres n'avaient pas encore
+démarré[895]. Ils n'allaient qu'à la voile et, comme le vent soufflait
+d'amont, ils ne pouvaient pas naviguer. On ne savait pas s'ils le
+pourraient bientôt, et le temps était cher. Jeanne dit avec confiance
+à ceux qui s'inquiétaient:
+
+--Attendez un peu. Car, en nom Dieu, tout entrera dans la ville[896].
+
+[Note 895: _Procès_, t. III, p. 78.--_Journal du siège_, pp.
+74-75.--_Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 290.]
+
+[Note 896: _Procès_, t. III, p. 105.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 284.]
+
+Elle avait raison. Le vent tourna; on déploya la toile, et les
+chalands remontèrent le fleuve sous une brise d'arrière qui les
+poussait assez fort pour qu'un bateau en pût traîner deux ou trois à
+sa remorque[897]. Ils passèrent sans encombre devant la bastille
+Saint-Loup. Monseigneur le Bâtard monta dans un de ces bateaux avec
+Nicole de Giresme, grand prieur de France en l'ordre de Rhodes, et la
+flottille aborda au port de Chécy, où elle resta mouillée toute la
+nuit[898]. Il fut décidé que l'armée de secours camperait cette nuit
+au port du Bouchet afin de garder le convoi en aval, tandis qu'un
+détachement se tiendrait vers les îles de Chécy pour veiller en amont,
+et regarder du côté de Jargeau. La Pucelle, en compagnie de quelques
+capitaines, avec un détachement de gens d'armes et de trait, suivit la
+berge et arriva devant l'Île-aux-Bourdons[899].
+
+[Note 897: Boucher de Molandon, _La délivrance d'Orléans et
+l'institution de la fête du 8 mai, Chronique anonyme du XVe siècle_,
+Orléans, 1883, in-8º, pp. 28, 29.]
+
+[Note 898: _Procès_, t. III, p. 6.]
+
+[Note 899: _Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p.
+290.--Morosini, t. III, p. 23, note 5.--Boucher de Molandon, _Première
+expédition de Jeanne d'Arc_, pp. 52-56.]
+
+Les seigneurs qui avaient amené le convoi décidèrent qu'on partirait
+tout de suite après le débarquement. L'armée, ayant fait sa besogne,
+retournerait à Blois pour y prendre ce qui restait de vivres et de
+munitions; car on n'avait pas tout emporté en une fois. Apprenant que
+ces soldats, en compagnie desquels elle était venue, s'en allaient,
+elle voulut partir avec eux, et après avoir tant demandé qu'on la
+menât à Orléans, arrivée aux portes de la ville, elle ne pensait plus
+qu'à s'en aller. Ainsi l'âme des mystiques tourne aux souffles de
+l'Esprit; cette fois, comme toujours, Jeanne obéissait à des raisons
+purement spirituelles. Elle ne voulait pas se séparer de ces gens
+d'armes, parce qu'elle les croyait réconciliés avec Dieu, et qu'elle
+n'était pas sûre d'en retrouver d'autres aussi contrits. Or, pour
+elle, la victoire ou la défaite dépendaient uniquement de l'état de
+grâce ou de péché où se trouvaient les combattants; les mener à
+confesse, c'était tout son art militaire; elle n'avait point d'autre
+science pour combattre derrière des murs ou en rase campagne.
+
+--Quant à ce qui est d'entrer dans la ville, dit-elle, il me ferait
+mal de laisser mes gens et ne le dois faire. Ils sont tous confessés
+et, en leur compagnie, je ne craindrais pas toute la puissance des
+Anglais[900].
+
+[Note 900: _Procès_, t. III, p. 6.]
+
+En fait, comme on le pense bien, confessés ou non, près d'elle ou loin
+d'elle, ces soudards commettaient tous les péchés compatibles avec la
+simplicité d'esprit; mais l'innocente n'en voyait rien; ouverts aux
+choses invisibles, ses yeux étaient fermés aux choses sensibles.
+
+Elle était soutenue dans sa résolution de retourner à Blois par les
+capitaines qui l'avaient amenée et qui la voulaient emmener, alléguant
+les ordres du roi. Comme elle portait chance, ils tenaient à la
+garder. Monseigneur le Bâtard voyait au contraire de graves
+inconvénients et même des dangers à ce qu'elle s'éloignât. Dans l'état
+où il avait laissé les habitants d'Orléans, si on tardait à leur
+montrer leur Pucelle, cris, menaces, émeutes, violences, mouvements de
+fureur et de désespoir, tout était à craindre, même des massacres. Il
+demanda en grâce aux capitaines de trouver bon, dans l'intérêt du roi,
+que Jeanne entrât à Orléans, et il obtint, sans trop de peine, qu'ils
+retournassent à Blois sans elle. Mais Jeanne ne se rendit pas si vite.
+Il la supplia de se décider à passer la Loire. Elle refusa et fit une
+telle résistance qu'il dut s'apercevoir qu'il n'est pas facile de
+manier une sainte. Il fallut que l'un des chefs qui l'avaient amenée,
+le sire de Rais ou le sire de Loré, joignît ses prières à celle du
+Bâtard et lui dît:
+
+--Allez-y sûrement, car nous vous promettons de retourner bientôt vers
+vous[901].
+
+[Note 901: _Procès_, t. III, p. 78.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+280.--_Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 285.--Boucher de
+Molandon, _Première expédition de Jeanne d'Arc_, pp. 61-62.]
+
+Enfin, quand elle sut que le frère Pasquerel partirait avec eux,
+pensant que ses gens seraient bien confessés, elle consentit à
+rester[902]. Elle passa la Loire avec ses frères, sa petite
+compagnie, le Bâtard, le maréchal de Boussac, le capitaine La Hire, et
+débarqua à Chécy qui était alors un très gros bourg, ayant deux
+églises, un Hôtel-Dieu, une léproserie[903]. Elle fut reçue par un
+riche bourgeois nommé Guy de Cailly, dans le manoir de Reuilly où elle
+passa la nuit[904].
+
+[Note 902: _Procès_, t. III, p. 105.--_Mistère du siège_, v.
+11616.]
+
+[Note 903: Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne
+d'Arc_, pp. 62 et 99, note XIV, et dans _Bulletin de la Société
+archéologique de l'Orléanais_, t. IV, p. 429; t. IX, p. 73.]
+
+[Note 904: _Journal du siège_, p. 75.--Ch. du Lys, _Traité
+sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la
+Pucelle d'Orléans et de ses frères_, Paris, 1628, in-4º, p. 50.--Abbé
+Dubois, _Histoire du siège_, p. 344.--P. Mantellier, _Histoire du
+siège_, p. 86.--Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne
+d'Arc_, p. 65, pièces justificatives, note XV.]
+
+Le 29 au matin, les chalands qui avaient mouillé à Chécy traversèrent
+la Loire, et les convoyeurs les chargèrent de vivres, de munitions et
+de bétail[905]. La Loire était haute[906]. Les chalands purent dériver
+à charge par le chenal navigable qui longeait la rive gauche. Les
+oseraies et les bouleaux de l'Île-aux-Boeufs les cachaient aux Anglais
+de la bastille Saint-Loup qui, d'ailleurs, avaient en ce moment
+beaucoup à faire. La garnison de la ville, pour les distraire,
+escarmouchait contre eux. On s'y battait assez rudement; il y avait
+morts, blessés et prisonniers des deux partis et les Anglais perdaient
+un étendard[907]. Les chalands passèrent à découvert sous le guet de
+Saint-Jean-le-Blanc, qui était abandonné[908], tournèrent à tribord
+entre l'Île-aux-Boeufs et l'îlette des Martinets, pour redescendre, en
+côtoyant la rive droite, sous l'Île-aux-Toiles jusqu'à la Tour-Neuve,
+dont le pied baignait dans la Loire, à l'angle sud-est de la ville.
+Puis ils se mirent à l'abri dans les fossés de la porte de
+Bourgogne[909].
+
+[Note 905: _Journal du siège_, pp. 75-76.]
+
+[Note 906: Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne
+d'Arc_, p. 68.]
+
+[Note 907: _Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 290.]
+
+[Note 908: _Journal du siège_, pp. 74, 75.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 69.--_Chronique de la Pucelle_, pp. 284-285.]
+
+[Note 909: Boucher de Molandon, _Première expédition de Jeanne
+d'Arc_, pp. 51 et suiv.]
+
+Toute la journée, le manoir de Reuilly fut assiégé par une foule de
+bourgeois orléanais qui, n'y pouvant tenir, étaient venus, au péril de
+leur vie, voir la Pucelle promise. Elle quitta Chécy seulement à six
+heures du soir. Les capitaines voulaient ne la faire entrer dans la
+ville que la nuit tombée, de peur qu'on ne s'écrasât devant elle et
+qu'il n'y eût de grands désordres[910]. Ils passèrent sans doute par
+les larges vallées qui descendent au midi de Semoy, sur les confins
+des paroisses de Saint-Marc et de Saint-Jean-de-Braye. Chemin faisant,
+elle disait à ceux qui chevauchaient avec elle:
+
+--Ne craignez rien. Il ne vous arrivera aucun mal[911].
+
+[Note 910: _Journal du siège_, p. 75.]
+
+[Note 911: _Ibid._, p. 76.]
+
+En fait, le passage n'était dangereux qu'aux piétons. Les gens de
+cheval ne risquaient guère d'être poursuivis par les Anglais, qui,
+dans leurs bastilles, manquaient de chevaux.
+
+Ce vendredi 29 avril, elle entra de nuit dans Orléans par la porte de
+Bourgogne; elle était armée de toutes pièces, et montée sur un cheval
+blanc[912]. Un cheval blanc était la monture des hérauts d'armes et
+des archanges[913]. Le Bâtard l'avait placée à sa droite. Elle faisait
+porter devant elle son étendard, sur lequel on voyait deux anges
+tenant chacun à la main une fleur de lis, et son pennon avec l'image
+de la Salutation angélique. Puis venaient le maréchal de Boussac, Guy
+de Cailly, Pierre et Jean d'Arc, Jean de Metz et Bertrand de Poulengy,
+le sire d'Aulon, les seigneurs, capitaines, écuyers, gens de guerre et
+citoyens qui étaient allés au-devant d'elle à Reuilly[914]. À sa
+rencontre, se pressaient les bourgeois et les bourgeoises d'Orléans,
+portant des torches et montrant autant de joie que s'ils eussent vu
+Dieu lui-même descendre dans leur ville[915]. Ils avaient souffert de
+grands maux et craint de n'être point secourus, mais déjà ils se
+sentaient réconfortés et comme désassiégés par la vertu divine qu'on
+leur avait dit être en cette pucelle. Ils la regardaient avec un pieux
+amour. Hommes, femmes, enfants se précipitaient, s'étouffaient pour
+la toucher, elle et son cheval blanc, comme on touche les reliques des
+saints. Dans cette presse une torche mit le feu au pennon. Ce que
+voyant, la Pucelle donna de l'éperon et allongea le pas jusqu'à la
+flamme qu'elle éteignit avec une adresse qui parut merveilleuse; car
+tout en elle émerveillait[916]. Gens d'armes et bourgeois ravis
+l'accompagnèrent en foule, par la ville, à l'église Sainte-Croix, où
+premièrement elle alla rendre grâces à Dieu, puis à l'hôtel de Jacques
+Boucher, où son logis était préparé[917].
+
+[Note 912: _Journal du siège_, pp. 76-77.]
+
+[Note 913: Et maintenant encore les trompettes montent des chevaux
+blancs (_Histoire de Jeanne d'Arc_, par Lebrun de Charmettes, 1817,
+in-8º, t. II, p. 21).]
+
+[Note 914: _Procès_, t. III, p. 7.--_Journal du siège_, p.
+76.--_Chronique de la Pucelle_, p. 287.--Jean Chartier, _Chronique_,
+t. I, p. 72.--Morosini, t. III, pp. 28-30.]
+
+[Note 915: _Procès_, t. III, p. 24.]
+
+[Note 916: _Journal du siège_, p. 77.]
+
+[Note 917: _Chronique de l'établissement de la fête_, p. 28.]
+
+Jacques, ou comme on disait, Jacquet Boucher, depuis plusieurs années
+trésorier du duc d'Orléans, était très riche homme et avait épousé la
+fille d'un des plus notables bourgeois de la cité[918]. Demeuré dans
+sa ville durant tout le siège, il contribuait à la dépense, faisait
+des dons de blé, d'avoine et de vin, avançait des deniers pour achats
+de poudre et d'armes. La garde des remparts appartenant aux bourgeois,
+Jacques Boucher avait charge de tenir en état de défense la porte
+Renart où il demeurait et qui se trouvait la plus exposée aux attaques
+des Anglais. Son hôtel, un des plus beaux et des plus grands de la
+ville, autrefois habité par une famille Regnart ou Renart qui avait
+donné son nom à la porte, était situé dans la rue des Talmeliers, tout
+proche l'enceinte. Les capitaines y tenaient conseil, quand ils ne se
+réunissaient pas dans l'hôtel du chancelier Guillaume Cousinot, rue de
+la Rose[919]. Le logis de Jacques Boucher était sans doute bien garni
+de vaisselle d'argent et de tapisseries historiées. Dans une des
+salles, il y avait, paraît-il, une peinture représentant trois femmes
+et portant cette inscription: _Justice, Paix, Union_[920].
+
+[Note 918: _Procès_, t. I, p. 101; t. III, pp. 34, 68, 124 et
+suiv.; p. 211.--_Chronique de la Pucelle_, p. 285.--Boucher de
+Molandon, _Jacques Boucher, sieur de Guilleville, trésorier général du
+district d'Orléans..._, dans _Mémoires de la Société archéologique de
+l'Orléanais_, t. XXII, 1889, p. 373.--Boucher de Molandon, _Première
+expédition de Jeanne d'Arc_, p. 101, note XVI; pièces justificatives,
+p. 108.]
+
+[Note 919: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 73.--_Chronique de
+la Pucelle_, éd. Vallet de Viriville, p. 20 [Notice sur G. Cousinot le
+Chancelier]; Cf. _Nouvelle Biographie générale_.--Vallet de Viriville,
+_Essais critiques sur les historiens originaux du règne de Charles
+VII_, dans _Bibliothèque de l'École des Chartes_, 1857, 4e série, t.
+III, pp. 11-14; 105-111.]
+
+[Note 920: _Procès_, t. I, p. 101; t. III, pp. 68, 124 et suiv.;
+t. IV, pp. 153, 219, 227.--_Journal du siège_, pp. 77, 78.--Boucher de
+Molandon, _Première expédition de Jeanne d'Arc_, pp. 69, 101, note
+XVI.]
+
+La Pucelle fut reçue en cette maison avec ses deux frères, les deux
+compagnons qui l'avaient amenée au roi et leurs valets. Elle s'y fit
+désarmer[921]. La femme et la fille de Jacques Boucher passèrent la
+nuit avec elle. Jeanne partagea le lit de l'enfant, qui avait neuf ans
+et se nommait Charlotte, du nom du duc Charles, que servait son
+père[922]. C'était l'usage alors que l'hôte partageât son lit avec
+son hôte, l'hôtesse avec son hôtesse. La civilité le voulait; les rois
+n'y manquaient pas plus que les bourgeois. On enseignait aux enfants
+comment il fallait se comporter avec son compagnon de lit, tenir sa
+juste place, ne pas bouger et dormir la bouche fermée[923].
+
+[Note 921: G. Lefèvre-Pontalis (_Chronique d'Antonio Morosini_, t.
+III, p. 101, note) reconnaît dans la _Chronique de la Pucelle_ (XLIV,
+p. 285) un mauvais emploi d'un trait cité par Dunois dans sa
+déposition et qu'il faut laisser à la date du 7 mai où Dunois l'a
+placé (_Procès_, t. III, p. 9).]
+
+[Note 922: _Procès_, t. III, pp. 34, 68.]
+
+[Note 923: Franklin, _La vie privée d'autrefois_, t. II et XIX,
+_passim_.--H. Havard, _Dictionnaire de l'ameublement_, au mot: _lit_.]
+
+Ainsi l'argentier ducal accueillit la Pucelle en son hôtel et
+l'hébergea aux frais de la ville. Les chevaux de Jeanne furent mis
+dans l'écurie d'un bourgeois nommé Jean Pillas. Quant aux frères
+d'Arc, ils ne demeurèrent point avec leur soeur, mais logèrent en
+l'hôtel de Thévenin Villedart. La ville les défraya de tout, leur
+fournit notamment les souliers et les houseaux dont ils avaient besoin
+et leur fit don de quelques écus d'or. Trois compagnons de la Pucelle,
+fort dénués, qui la vinrent trouver à Orléans, reçurent de quoi
+manger[924].
+
+[Note 924: Comptes de forteresse, dans _Procès_, t. V, pp. 259,
+260.]
+
+Le lendemain, 30 avril, les milices orléanaises furent debout au petit
+jour. Depuis la veille au soir tout était renversé dans la ville; la
+révolte, longtemps contenue, éclatait. Les bourgeois, qui, dès le mois
+de février, avaient pris la chevalerie en défiance et en haine, la
+secouaient enfin et la brisaient[925]. Il n'y avait plus ni lieutenant
+du roi, ni gouverneur, ni seigneurs, ni chefs de guerre; il n'y avait
+plus qu'un pouvoir et qu'une force: la Pucelle. La Pucelle était
+capitaine de la commune. Cette fillette, cette pastoure, cette
+béguine que les nobles amenaient pour qu'elle leur portât bonheur,
+leur causait le plus grand dommage qu'ils pussent éprouver; elle les
+réduisait à rien. Dès la matinée du 30, ils eurent tout lieu de
+s'apercevoir que la révolution bourgeoise était accomplie. Les milices
+attendaient la Pucelle pour la mettre à leur tête et marcher tout de
+suite avec elle contre les Godons. Les capitaines essayèrent de leur
+faire comprendre qu'il fallait attendre l'armée de Blois et les gens
+du maréchal de Boussac qui étaient partis, la nuit, à la rencontre de
+cette armée. Les bourgeois en armes ne voulaient rien entendre et
+réclamaient à grands cris la Pucelle. Elle ne parut point. Monseigneur
+le Bâtard, qui avait la langue dorée, lui avait conseillé de ne se pas
+montrer[926]. Ce fut le dernier avantage que les chefs prirent sur
+elle. Encore, en paraissant leur céder, n'avait-elle, cette fois,
+comme les autres, agi qu'à sa volonté. Quant aux bourgeois, avec ou
+sans la Pucelle, ils voulaient se battre. Le Bâtard ne put les en
+empêcher. Ils sortirent, accompagnés par les Gascons du capitaine La
+Hire et les gens de messire Florent d'Illiers; ils attaquèrent
+courageusement la bastille Saint-Pouair, que les Anglais nommaient
+Paris et qui se dressait à quatre cents toises des murs; ils
+culbutèrent le poste avancé et approchèrent la bastille de si près
+qu'on leur apportait déjà de la ville des fagots et de la paille pour
+incendier les barrières. Mais les Anglais, au cri de Saint-Georges,
+sortirent en bon ordre et, après un rude et sanglant combat,
+repoussèrent l'attaque des bourgeois et des routiers[927].
+
+[Note 925: _Journal du siège_, pp. 43-44.]
+
+[Note 926: _Procès_, t. III, pp. 7 et 211.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 287.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, pp. 74-75.]
+
+[Note 927: _Journal du siège_, p. 78.--_Chronique de la fête_,
+dans _Procès_, t. V, pp. 291-292.--Lettre écrite d'Allemagne dans
+_Procès_, t. V, p. 347.]
+
+La Pucelle n'en avait rien su. Venue de Dieu sur son cheval blanc, en
+messagère armée et pacifique, elle n'estimait ni juste ni pieux de
+combattre les Anglais avant qu'ils eussent refusé ses offres de paix.
+Ce jour, comme la veille, tout son désir était d'aller saintement vers
+Talbot. Elle demanda nouvelle de sa lettre et apprit que les
+capitaines anglais n'en avaient tenu nul compte et qu'ils avaient
+gardé son héraut Guyenne[928]. Voici ce qui était arrivé.
+
+[Note 928: _Procès_, t. III, pp. 27, 108.--_Journal du siège_, p.
+79.]
+
+Cette lettre, que le Bâtard trouvait faite de paroles bien simples,
+produisit sur les Anglais un effet prodigieux. Elle les remplit de
+fureur et d'épouvante. Ils retinrent le héraut qui l'avait portée, et,
+bien que la coutume et l'usage fussent de respecter la personne de ces
+officiers, alléguant que le messager de la sorcière ne pouvait être
+qu'un hérétique, ils le firent mettre aux fers et, après une manière
+de procès, le condamnèrent au feu comme complice de l'abuseresse[929].
+Même, ils dressèrent le poteau où il devait être lié. Toutefois,
+avant d'exécuter la sentence, ils jugèrent bon de consulter
+l'Université de Paris, comme l'évêque de Beauvais devait la consulter,
+en pareille matière, dix-huit mois plus tard[930]. La peur les rendait
+méchants. Ces malheureux, que l'on traitait de diables, craignaient
+les diables. Ils soupçonnaient les Français à l'esprit subtil d'être
+nécromanciens et sorciers, et disaient que les Armagnacs avaient fait
+mourir le grand roi Henri V par des vers magiques. Redoutant que leurs
+ennemis n'usassent contre eux de sortilèges et d'enchantements, ils
+portaient sur eux, pour se préserver de tout mal des bandes de
+parchemin couvertes de formules conjuratoires qu'on nommait des
+«periapts»[931]. Le plus efficace, de ces amulettes, était le premier
+chapitre de l'évangile de saint Jean. À cette époque, les étoiles les
+menaçaient et les mathématiciens lisaient dans le ciel leur ruine
+prochaine. Leur défunt roi Henri V avait, du temps qu'il étudiait à
+Oxford, appris les règles de la divination par les astres. Il gardait
+dans ses coffres pour son usage particulier deux astrolabes, l'un
+d'argent et l'autre d'or. Quand sa femme, Catherine de France, fut
+près d'accoucher, il opéra lui-même «l'élection à la fois sidérale et
+topique», relative à la venue de l'enfant dans le monde. Et, comme
+d'ailleurs une prophétie courait l'Angleterre[932], disant que Windsor
+perdrait ce que Monmouth avait gagné, il défendit à la reine de faire
+ses couches à Windsor. Mais on ne peut détourner la destinée. L'enfant
+royal naquit à Windsor. Son père était en France quand il en apprit la
+nouvelle; il en conçut de funestes présages et fit venir Jean Halbourd
+de Troyes, ministre général des trinitaires ou mathurins, «excellent
+en astrologie», qui, ayant dressé le thème de nativité, ne put que
+confirmer le roi dans ses noirs pressentiments[933]. Et voici que les
+temps étaient venus. Windsor régnait; il fallait s'attendre à tout
+perdre. Merlin l'avait prédit, qu'une vierge les devait bouter hors de
+France et de tout point les défaire. Quand vint la Pucelle, ils
+pâlirent d'effroi; capitaines et soldats perdirent tout courage[934].
+Tels qui n'avaient peur d'homme au monde tremblaient devant cette
+fille, la tenant pour sorcière. C'eût été trop leur demander que de la
+tenir pour sainte et envoyée du Ciel. Il suffisait qu'ils la prissent
+pour une magicienne très savante[935]. À ceux qu'elle venait secourir,
+elle semblait une fille de Dieu; à ceux qu'elle venait détruire, elle
+apparaissait comme un monstre horrible en forme de femme. Ce double
+aspect fit toute sa force: angélique pour les Français et diabolique
+pour les Anglais, elle se montrait aux uns et aux autres invincible et
+surnaturelle.
+
+[Note 929: _Chronique de la Pucelle_, p. 284.--_Procès_, t. III,
+p. 26.]
+
+[Note 930: Martial de Paris, dit d'Auvergne, _Vigiles de Charles
+VII_, éd. Coustelier, 1724, t. I, p. 98.]
+
+[Note 931: La Curne, au mot: _Periapt_.--Shakespeare, _Henry VI_,
+première partie, scène XXIV.]
+
+[Note 932: Shakespeare, _Henry VI_, première partie, scène XI.]
+
+[Note 933: Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I,
+p. 306.--Carlier, _Histoire du Valois_, t. II, p. 442.]
+
+[Note 934: Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, p. 61.]
+
+[Note 935: Shakespeare, _Henry VI_, première partie, scène I.]
+
+Dans la soirée du 30, elle envoya au camp de
+Saint-Laurent-des-Orgerils son héraut Ambleville pour réclamer
+Guyenne, qui avait porté la lettre de Blois et qui n'était pas revenu.
+Ambleville avait aussi mission de dire à sir John Talbot, au comte de
+Suffolk et au seigneur de Scales, que de la part de Dieu, la Pucelle
+les sommait de partir et d'aller en Angleterre; autrement que mal leur
+adviendrait. Les Anglais renvoyèrent Ambleville avec un mauvais
+message.
+
+--Les Anglais, dit-il à la Pucelle, gardent mon compagnon pour le
+brûler.
+
+Elle répondit:
+
+--En nom Dieu, ils ne lui feront nul mal.
+
+Et elle ordonna à Ambleville de retourner[936].
+
+[Note 936: _Procès_, t. III, p. 26.--_Journal du siège_, p.
+79.--_Chronique de la Pucelle_, pp. 285-286.]
+
+Elle était indignée, et sans doute grandement déçue. Certes elle
+n'avait point prévu que Talbot et les chefs du siège feraient un tel
+accueil à une lettre inspirée par mesdames sainte Catherine et sainte
+Marguerite et par monseigneur saint Michel; mais elle avait tant de
+charité au coeur, qu'elle voulut offrir encore la paix aux Anglais.
+Dans son innocence, elle ne pouvait croire que les avertissements
+qu'elle donnait de par Dieu ne fussent point enfin entendus.
+D'ailleurs, quoi qu'il en dût advenir, elle voulait faire son devoir
+jusqu'au bout. Elle sortit à la nuit par la porte du Pont et alla
+jusqu'au boulevard de la Belle-Croix. Il n'était pas rare qu'on
+s'interpellât d'un parti à l'autre. La Belle-Croix était à portée de
+voix des Tourelles. La Pucelle monta sur la barrière et cria aux
+Anglais:
+
+--Rendez-vous, de par Dieu, vos vies sauves seulement.
+
+Mais ceux de la garnison et le capitaine William Glasdall lui-même lui
+crachèrent de basses injures et d'horribles menaces.
+
+--Vachère! Si nous te tenons jamais, nous te ferons brûler.
+
+Elle leur répondit qu'ils mentaient. Mais ils étaient sérieux et
+sincères; ils croyaient fermement que cette fille armait contre eux
+des légions de diables[937].
+
+[Note 937: _Procès_, t. III, p. 108.--_Journal d'un bourgeois de
+Paris_, p. 237.--_Journal du siège_, p. 79.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 290.]
+
+Le dimanche 1er mai, monseigneur le Bâtard alla au-devant de l'armée
+de Blois[938]. Il connaissait le pays; actif et prudent, il tenait à
+surveiller l'entrée de ce convoi comme il avait surveillé l'entrée de
+l'autre. Il partit avec une petite escorte. Adroitement, pour flatter
+les Orléanais dans leur amour et leur piété, pour se mettre, autant
+dire, sous la sauvegarde de leur sainte, ne se risquant point à
+l'emmener elle-même, il emmena du moins quelqu'un à elle, son
+intendant, le sire Jean d'Aulon[939]. Il saisissait la première
+occasion de montrer son bon vouloir à l'endroit de la Pucelle, sentant
+que désormais on ne pouvait rien faire qu'avec elle et sous son ombre.
+
+[Note 938: _Procès_, t. III, p. 7.--_Journal du siège_, p. 79.]
+
+[Note 939: _Procès_, t. III, p. 211.]
+
+La ferveur des citoyens ne tiédissait point. Ce jour encore, dans le
+grand désir de voir la sainte, ils se pressèrent en foule devant
+l'hôtel de Jacques Boucher avec autant de violence que les pèlerins du
+Puy dans le sanctuaire de la Vierge noire. On craignit que les portes
+ne fussent enfoncées. Le cri d'un peuple montait vers elle. C'est
+alors qu'elle se montra bonne, sage, égale à sa mission et vraiment
+née pour le salut de tous. Ce peuple fou, en l'absence des capitaines
+et des hommes d'armes, n'attendait qu'un signe d'elle pour courir
+tumultueusement aux bastilles, s'y briser, s'y meurtrir. Ce signe,
+malgré les visions guerrières qui l'obsédaient, elle ne le fit pas.
+Tout enfant qu'elle était et ignorante des choses de la guerre et de
+toute chose humaine, elle trouva en elle le sentiment et la force
+d'éviter le désastre. Elle mena cette foule d'hommes, non point aux
+bastilles anglaises, mais aux lieux saints de la cité. Elle
+chevauchait par les rues, accompagnée de plusieurs chevaliers et
+écuyers; la foule des hommes et des femmes se jetait sur son passage
+et ne pouvait se rassasier de la voir. On s'émerveillait de ce qu'elle
+pût se tenir à cheval de si noble façon, comme elle faisait, et se
+comporter en toutes ses manières ainsi qu'un homme d'armes, et l'on se
+serait écrié que c'était un vrai saint Georges, si l'on n'eût eu
+soupçon que monsieur saint Georges s'était tourné Anglais[940].
+
+[Note 940: _Journal du siège_, p. 80--P. Mantellier, _Histoire du
+siège_, pp. 92-95.]
+
+Ce dimanche, elle alla, pour la deuxième fois, offrir la paix aux
+ennemis du royaume. Elle sortit par la porte Renart et s'avança sur la
+route de Blois, dans le faubourg incendié, vers la bastille anglaise
+qui, ceinte d'un double fossé, s'élevait sur un coteau, au carrefour
+nommé la croix Boissée ou Buissée, parce que les Orléanais y avaient
+dressé une croix que, chaque année, ils ornaient de buis bénit, le jour
+de Pâques fleuries. Elle voulait sans doute atteindre cette bastille et,
+peut-être, se rendre au camp de Saint-Laurent-des-Orgerils qui
+s'étendait entre la croix Boissée et la Loire et où étaient, comme elle
+avait dit, Talbot et les Anglais. Car elle ne désespérait pas encore de
+se faire entendre des chefs du siège. Mais au pied du coteau, en un lieu
+dit la Croix-Morin, elle rencontra des Godons qui gardaient le passage.
+Là, gravement, religieusement, saintement, elle les somma de se retirer
+devant les armées du Seigneur.
+
+--Rendez-vous, la vie sauve tant seulement. Retournez de par Dieu en
+Angleterre. Si non, je ferai que vous serez affligés[941].
+
+[Note 941: _Ibid._, p. 80.]
+
+Ces gens d'armes lui répondirent, ainsi qu'avaient fait ceux des
+Tourelles, par des paroles injurieuses. L'un d'eux, le bâtard de
+Granville, lui cria:
+
+--Veux-tu donc que nous nous rendions à une femme?
+
+Ils appelèrent les Français qui étaient avec elle maquereaux et
+mécréants, pour leur faire honte d'accompagner une ribaude et une
+sorcière. Mais soit qu'ils crussent que ses charmes la rendaient
+invulnérable, soit qu'ils tinssent pour honteux de férir quiconque
+portait un message, pas plus cette fois que les autres ils ne tirèrent
+sur elle[942].
+
+[Note 942: _Procès_, t. III, p. 68.--_Journal du siège_, p. 79.]
+
+Ce dimanche, Jacquet le Prestre, varlet de la ville, offrit le vin à
+la Pucelle[943]. Les procureurs et les citoyens ne savaient mieux
+faire pour honorer celle qu'ils regardaient comme leur capitaine.
+Ainsi en usaient-ils avec les seigneurs, les rois et les reines qu'ils
+recevaient dans leurs murailles. Le vin était alors grandement estimé
+pour sa noblesse et sa bienfaisance. Jeanne, en formant un souhait,
+disait volontiers: «Dussé-je ne pas boire de vin d'ici à
+Pâques[944]!...» Mais de fait, elle ne buvait point de vin pur et
+mangeait peu[945].
+
+[Note 943: Extraits des comptes de forteresse, dans _Procès_, t.
+V, p. 259.]
+
+[Note 944: _Procès_, t. I, p. 64.]
+
+[Note 945: _Procès_, t. III, pp. 9, 15, 18, 22, 60; t. V, p.
+120.--_Chronique de la Pucelle_, p. 285.--Morosini, p. 101.--_Relation
+du greffier de La Rochelle_, p. 337.]
+
+Durant ces jours d'attente, la Pucelle ne se reposa pas un moment. Le
+lundi 2 mai, elle monta à cheval et alla aux champs pour voir les
+bastilles anglaises. Le peuple la suivit en masse, sans crainte,
+joyeux d'être près d'elle. Et quand elle eut regardé tout à son aise,
+elle rentra dans la ville et se rendit à l'église cathédrale où elle
+entendit les vêpres[946].
+
+[Note 946: _Journal du siège_, p. 80.--P. Mantellier, _Histoire du
+siège_, p. 95.]
+
+Le lendemain, 3 mai, jour de l'invention de la sainte Croix, qui était
+la fête de la cathédrale, elle suivit la procession avec les
+procureurs et les habitants. Là, maître Jean de Macon, chantre de la
+cathédrale[947], l'aborda en ces termes:
+
+--Ma fille, êtes-vous venue pour lever le siège?
+
+[Note 947: Charles Cuissard, _Notes chronologiques sur Jean de
+Macon_, dans _Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais_, t.
+XI, 1897, pp. 529, 545.]
+
+Elle répondit:
+
+--En nom Dieu, oui[948]!
+
+[Note 948: _Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p.
+291.--Lottin, _Recherches_, t. I, p. 30.]
+
+Les Orléanais croyaient tous que les Anglais étaient innombrables
+autour de la ville comme les étoiles dans le ciel; le notaire
+Guillaume Girault n'attendait plus qu'un miracle[949]; Jean Luillier,
+marchand drapier[950] de son état, estimait impossible que les
+concitoyens pussent tenir longtemps contre des ennemis à ce point
+plus forts qu'eux[951]. Messire Jean de Macon s'effrayait
+pareillement de la puissance et de la multitude des Godons.
+
+[Note 949: Note de Guill. Girault, notaire, dans _Procès_, t. IV,
+p. 282.--_Journal du siège_, p. 135.]
+
+[Note 950: _Procès_, t. V, pp. 112-113.]
+
+[Note 951: _Procès_, t. III, p. 23.]
+
+--Ma fille, dit-il à la Pucelle, ils sont forts et bien fortifiés, et
+ce sera une grande affaire que de les mettre dehors[952].
+
+[Note 952: _Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 291.]
+
+Si le notaire Guillaume Girault, si le drapier Jean Luillier, si
+messire Jean de Macon, au lieu de nourrir des imaginations tristes,
+avaient fait le compte des assiégés et des assiégeants, ils auraient
+reconnu que ceux-ci étaient moins nombreux que ceux-là, et que l'armée
+de Scales, de Suffolk, de Talbot, semblait maigre et chétive au regard
+des armées que le roi Henri V avait jadis menées aux grands sièges;
+ils se seraient aperçus, en y regardant un peu, que les bastilles
+horrifiquement nommées Londres et Paris n'étaient capables d'arrêter
+au passage ni blé, ni boeufs, ni pourceaux, ni gens d'armes, que des
+marchands avec leurs bestiaux insultaient chaque jour ces gigantesques
+mannequins; et qu'enfin les affaires des Orléanais étaient pour
+l'heure en meilleur état que celles des Anglais. Mais ils n'avaient
+rien observé par eux-mêmes et ils s'en tenaient au sens commun, qui
+est rarement le sens du juste et du vrai. La Pucelle n'entra pas dans
+les fausses raisons de messire Jean de Macon. Des Anglais, elle n'en
+savait pas plus que lui; cependant, comme elle était une sainte, elle
+répondit avec tranquillité:
+
+--Il n'est rien d'impossible à la puissance de Dieu[953].
+
+[Note 953: _Procès_, t. III, p. 23.]
+
+Et maître Jean de Macon l'approuva de penser ainsi.
+
+ * * * * *
+
+Ce qui rendait la situation trouble, dangereuse, effrayante, c'est que
+les bourgeois se croyaient trahis. Ils se rappelaient le comte de
+Clermont, l'homme des Harengs, et ils soupçonnaient les gens du roi de
+les abandonner encore; ils se voyaient, après avoir tant fait et tant
+payé, livrés aux Anglais. Cette idée les rendait fous[954]. Le bruit
+courait que le maréchal de Boussac, parti avec monseigneur le Bâtard
+au-devant du second convoi de vivres, et qui devait revenir le mardi
+3, ne reviendrait pas. On disait que le chancelier de France voulait
+licencier l'armée. C'était absurde: le Conseil du roi et celui de la
+reine de Sicile faisaient au contraire de vigoureux efforts pour
+délivrer la cité; mais de longues souffrances et un horrible danger
+troublaient les esprits. On craignait aussi plus raisonnablement qu'il
+n'arrivât malheur en chemin à ceux de Blois, comme il était arrivé aux
+autres, à Rouvray. Les inquiétudes des bourgeois envahirent les
+compagnons de la Pucelle. Un des meilleurs d'entre eux, le sire
+d'Aulon, son intendant, lui laissa voir ses craintes: elle n'en fut
+point effleurée. Elle répondit avec la tranquillité radieuse des
+illuminées:
+
+--Le maréchal viendra. Et je sais bien qu'il ne lui arrivera aucun
+mal[955].
+
+[Note 954: _Journal du siège_, pp. 51-52.]
+
+[Note 955: _Procès_, t. III, p. 79.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+286.--P. Mantellier, _Histoire du siège_, p. 85.]
+
+Ce jour-là, on vit entrer les petites garnisons de Gien, de
+Château-Regnard et de Montargis[956]. Mais l'armée de Blois ne vint
+point. Le lendemain au petit jour, elle fut signalée dans la plaine de
+Beauce. Et, en effet, le sire de Rais, ramené par le maréchal de
+Boussac et monseigneur le Bâtard, longeait avec ses hommes d'armes la
+forêt d'Orléans[957]. Les bourgeois, à cette nouvelle, durent tous
+s'écrier que la Pucelle avait eu raison de vouloir passer au nez de
+Talbot, puisque maintenant les capitaines suivaient le chemin qu'elle
+avait indiqué. En fait il en était un peu autrement qu'on ne croyait.
+Une partie seulement de l'armée de Blois s'était risquée à forcer le
+passage entre les bastilles de l'ouest: le convoi avec son escorte
+venait, comme l'autre, par la Sologne et devait entrer par eau dans la
+ville, et l'on avait raisonnablement maintenu, pour débarquer les
+vivres, les dispositions qui s'étaient à l'usage trouvées excellentes
+une première fois[958].
+
+[Note 956: _Journal du siège_, p. 81.]
+
+[Note 957: _Chronique de la Pucelle_, p. 287.--_Journal du siège_,
+p. 81.--Abbé Dubois, _Histoire du siège_, dissertation IX.--Lottin,
+_Recherches_, t. I, p. 205.--Loiseleur, _Comptes des dépenses_, ch.
+VII.]
+
+[Note 958: Le 4 mai, comme le 29 avril, les blés descendirent par
+la Loire. En effet, on trouve dans un mandement de paiement mention
+des «nottoniers qui amenèrent les blés qui furent amenés de Blois le
+iiije jour de may» (Boucher de Molandon, _Première expédition de
+Jeanne d'Arc_, pp. 58-59).]
+
+Le capitaine La Hire et plusieurs chefs demeurés dans la ville
+allèrent avec cinq cents combattants au-devant du sire de Rais, du
+maréchal de Boussac et du Bâtard. La Pucelle monta à cheval et partit
+avec eux. Ils traversèrent les lignes anglaises vers Saint-Ladre et,
+ayant rencontré l'armée un peu au delà, ils retournèrent à la ville de
+compagnie. Les prêtres, et parmi eux le frère Pasquerel, portant la
+bannière, passèrent les premiers sous la bastille de Paris, en
+chantant des psaumes[959].
+
+[Note 959: _Procès_, t. III, pp. 105, 211.]
+
+Jeanne dîna dans l'hôtel de Jacques Boucher avec son intendant Jean
+d'Aulon. Quand on eut retiré la nappe, le Bâtard étant venu chez le
+trésorier, causa un moment avec elle, gracieux et courtois, mais ne
+disant que ce qu'il voulait dire.
+
+--J'ai su de vrai, fit-il, par gens dignes de foi, que Falstolf doit
+venir bientôt vers les Anglais qui font le siège, pour les renforcer
+et les ravitailler, et qu'il est déjà à Janville.
+
+Jeanne, à cette nouvelle, montra une grande joie et dit en riant:
+
+--Bâtard, Bâtard, en nom Dieu, je te commande que sitôt que tu sauras
+la venue de Falstolf, tu me le fasses savoir. Car, s'il passe sans que
+je le sache, je te promets que je te ferai ôter la tête.
+
+Sans paraître fâché de ce badinage un peu rude, il lui répondit
+qu'elle n'eût crainte, qu'il le lui ferait bien savoir[960].
+
+[Note 960: _Procès_, t. III, p. 212.]
+
+Sir John Falstolf était déjà signalé le 26 avril. C'est surtout pour
+ne pas le rencontrer qu'on avait passé par la Sologne. Il se peut
+qu'on l'eût encore signalé le 4 mai, sans plus de raison. Mais le
+Bâtard savait autre chose. Le blé du second convoi était, comme celui
+du premier, descendu par le fleuve; on avait décidé en conseil que les
+capitaines attaqueraient dans l'après-dînée la bastille Saint-Loup,
+pour opérer une diversion, ainsi qu'on avait fait le 29 avril[961].
+L'attaque était déjà commencée. De cela le Bâtard ne souffla mot à la
+Pucelle. Il lui apparaissait qu'elle était la seule puissance debout
+dans la ville, mais il croyait que dans la guerre, elle ne dût vaquer
+qu'au spirituel[962].
+
+[Note 961: _Ibid._, t. III, p. 212.--_Journal du siège_, p. 78.]
+
+[Note 962: _Chronique de la Pucelle_, p. 288.]
+
+Après qu'il se fut retiré, Jeanne, fatiguée de sa chevauchée matinale,
+se mit sur son lit avec son hôtesse pour dormir un peu. Le sire Jean
+d'Aulon, qui était fort las, s'étendit sur une couchette, dans la même
+chambre, pensant prendre le repos dont il avait besoin. Mais à peine
+s'était-il endormi que la Pucelle sauta du lit et l'éveilla à grand
+bruit. Il lui demanda ce qu'elle voulait.
+
+--En nom Dieu! répondit-elle tout agitée, mon Conseil m'a dit que
+j'allasse contre les Anglais, mais je ne sais si je dois aller à
+leurs bastilles ou contre Falstolf, qui les doit ravitailler[963].
+
+[Note 963: _Procès_, t. III, pp. 212-213.]
+
+Elle avait rêvé et assisté en songe à ce qu'elle appelait son Conseil,
+c'est-à-dire à la venue des saintes. Elle avait entendu, dans son
+rêve, madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite. Il était
+arrivé cette fois ce qui arrivait toujours. Les saintes ne lui avaient
+dit que ce qu'elle savait elle-même; elles ne lui avaient rien révélé
+de ce qu'elle avait besoin d'apprendre, elles ne l'avaient pas avertie
+qu'en ce moment même les Français attaquaient la bastille Saint-Loup
+et souffraient grand dommage. Et elles s'en étaient allées, les
+bienheureuses, la laissant dans l'erreur et l'ignorance de ce qui
+était, dans l'incertitude de ce qu'il fallait faire. Ce n'était pas le
+bon sire d'Aulon qui pouvait la tirer d'embarras. On ne l'appelait
+pas, lui non plus, aux conseils des capitaines. Il ne lui répondit
+rien, et se mit à l'armer le plus vite qu'il put. Il avait déjà
+commencé, quand ils entendirent une grande rumeur et des cris qui
+montaient de la rue. Ils apprirent des passants qu'on se battait du
+côté de Saint-Loup et que les ennemis faisaient beaucoup de mal aux
+Français. Jean d'Aulon, sans en demander davantage, alla tout de suite
+se faire armer par son écuyer. Presque en même temps Jeanne descendit
+et demanda:
+
+--Où sont ceux qui me doivent armer? Le sang de nos gens coule[964].
+
+[Note 964: _Procès_, t. III, p. 106.]
+
+Elle trouva dans la rue frère Pasquerel, son chapelain, avec quelques
+prêtres, et son page Mugot, à qui elle cria:
+
+--Ha! sanglant garçon, vous ne me disiez pas que le sang de France fût
+répandu!... En nom Dieu, nos gens ont fort affaire[965].
+
+[Note 965: _Ibid._, t. III, p. 68.]
+
+Elle lui commanda d'amener son cheval et acheva de se faire armer par
+la femme et la fille de son hôte. Le page, à son retour, la trouva
+tout équipée. Elle l'envoya chercher son étendard, qui était resté
+dans sa chambre. Il le lui passa par la fenêtre. Elle le prit et lança
+son cheval sur la grand'rue, vers la porte de Bourgogne, d'un tel pas,
+que le feu jaillissait du pavé[966].
+
+[Note 966: _Chronique de la Pucelle_, p. 288.]
+
+--Courez après elle! cria la femme de l'argentier[967].
+
+[Note 967: _Procès_, t. III, p. 69.]
+
+Le sire d'Aulon ne l'avait pas vue partir. Il s'imagina, on ne sait
+pourquoi, qu'elle était sortie à pied et qu'ayant rencontré dans la
+rue un page monté sur un cheval, elle l'en avait fait descendre et
+avait pris le cheval[968]. Pour aller de la porte Renart à la porte de
+Bourgogne, il fallait traverser la ville dans toute sa largeur. Jeanne
+qui, depuis trois jours, parcourait les rues d'Orléans, tira son
+chemin tout droit. Jean d'Aulon et le page, qui la poursuivaient à
+grande hâte, ne la rejoignirent qu'à la porte. Comme ils y arrivaient,
+ils rencontrèrent un blessé qu'on emmenait. La Pucelle demanda aux
+porteurs qui était cet homme. Ils répondirent que c'était un Français.
+Elle dit alors:
+
+--Je n'ai jamais vu sang de Français que les cheveux ne me levassent
+sur la tête[969].
+
+[Note 968: _Ibid._, t. III, p. 212.]
+
+[Note 969: _Procès_, t. III, pp. 212-213.]
+
+La Pucelle et le sire d'Aulon poussèrent, avec quelques gens d'armes
+de leur compagnie, par les champs, sur Saint-Loup. Chemin faisant ils
+virent des hommes de leur parti. Le bon écuyer, peu accoutumé aux
+grandes batailles, ne se rappelait pas en avoir jamais vu autant à la
+fois[970].
+
+[Note 970: _Ibid._, t. III, p. 213.]
+
+Depuis une heure, les Bretons et les Manceaux du sire de Rais
+escarmouchaient devant la bastille. Les derniers arrivés, selon
+l'usage, faisaient le guet[971]. Mais, si ces combattants, venus le
+matin dans la ville, avaient attaqué sans prendre le temps de
+souffler, c'est apparemment qu'ils étaient pressés. Ils faisaient ce
+qu'on avait fait le 29 avril et pour la même raison[972], c'est-à-dire
+qu'ils occupaient les Anglais pendant le passage des chalands chargés
+de blé qui, en ce moment même, descendaient la rivière jusqu'au fossé
+de l'enceinte. Du haut de leur colline escarpée, dans leur forte
+bastille, les Anglais s'étaient défendus facilement malgré leur petit
+nombre, et les gens du roi n'avaient guère tenu, puisque la Pucelle et
+le sire d'Aulon les trouvaient répandus par les champs. Elle les
+rassembla et les ramena. C'étaient ses amis: ils avaient voyagé
+ensemble, chanté ensemble des hymnes et des psaumes, entendu ensemble
+la messe dans les champs. Ils savaient qu'elle portait chance: ils la
+suivirent. En marchant à leur tête, elle eut d'abord une pensée
+religieuse. La bastille était construite sur l'église et le monastère
+des Dames de Saint-Loup. Elle fit publier à son de trompe qu'on ne
+prît rien dans l'église[973]. Il lui souvenait que, pour avoir pillé
+l'église de Notre-Dame de Cléry, Salisbury avait fait une mauvaise
+fin; et elle avait à coeur de préserver de male mort ses hommes
+d'armes[974]. C'était la première fois qu'elle voyait des gens
+combattre et, sitôt entrée dans la bataille, elle en devint le chef
+parce qu'elle était la meilleure. Elle fit mieux que les autres, non
+qu'elle en sût davantage; elle en savait moins. Mais elle avait plus
+grand coeur. Quand chacun songeait à soi, seule elle songeait à tous;
+quand chacun se gardait, elle ne se gardait de rien, s'étant offerte
+tout entière par avance. Et cette enfant, qui, comme toute créature
+humaine, craignait la souffrance et la mort, à qui ses Voix, ses
+pressentiments avaient annoncé qu'elle serait blessée, alla droit en
+avant et demeura, sous les traits d'arbalète et les plombées de
+couleuvrines, debout au bord du fossé, son étendard à la main, pour
+rallier les combattants[975]. Par elle ce qui n'était qu'une diversion
+devenait une attaque à fond. On donna l'assaut.
+
+[Note 971: Gruel, _Chronique d'Arthur de Richemont_, p. 72.]
+
+[Note 972: _Journal du siège_, p. 75.]
+
+[Note 973: _Procès_, t. III, p. 124, 126.--Abbé Dubois, _Histoire
+du siège_, dissertation VI.--Morosini, t. IV, annexe XIII.--_Journal
+du siège_, pp. 83-84.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 72.]
+
+[Note 974: Robert Blondel, _De reductione Normanniæ_, dans
+_Procès_, t. IV, p. 347.--_Journal du siège_, p. 13.--_Chronique de la
+fête_, dans _Procès_, t. V, pp. 286 et suiv.]
+
+[Note 975: _Procès_, t. III, pp. 109, 127.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 295.--Greffier de la Chambre des comptes de Brabant, dans
+_Procès_, t. IV, p. 426.--Eberhard Windecke, p. 172.]
+
+Lorsqu'il sut que la bastille Saint-Loup était attaquée, sir John Talbot
+sortit du camp de Saint-Laurent-des-Orgerils. Il avait beaucoup de
+chemin à faire sur ses lignes et le long de la forêt avant d'atteindre
+la bastille en péril. Il se mit en marche et ramassa sur son passage les
+garnisons des bastilles de l'ouest. Les guetteurs de la ville virent ces
+mouvements et sonnèrent l'alarme; le maréchal de Boussac sortit par la
+porte Parisis, au nord, et alla vers Fleury s'opposer à la marche de
+Talbot. Le capitaine anglais se disposait à forcer le passage quand il
+vit une épaisse fumée s'élever au-dessus de la bastille Saint-Loup. Il
+comprit que les Français l'avaient prise et brûlée, et il retourna
+tristement au camp de Saint-Laurent-des-Orgerils[976].
+
+[Note 976: Perceval de Cagny dit: «Tentost après [l'arrivée de la
+Pucelle au bord des fosses] ceulx de la place se vouldrent rendre à
+elle: elle ne les voult recevoir à rançon et dist qu'elle les
+prendroit maulgré eulx, et fist renforcier son assault. Et incontinent
+fut la place prinse et presque touz mis à mort.» Cela est peu
+croyable. Les Anglais se seraient rendus au dernier goujat de l'ost
+des Armagnacs, plutôt que de se rendre à la Pucelle, et celle-ci
+n'aurait pas refusé vraisemblablement de les prendre à rançon.
+D'ailleurs, Perceval de Cagny n'a pas la moindre idée de ce qui se
+passa le 4 mai. Il croit, par exemple, que la Pucelle commença
+l'attaque.--_Perceval de Cagny_, pp. 144 et suiv.--_Journal du siège_,
+p. 82.--_Chronique de la Pucelle_, p. 289.--_Chronique de la fête_,
+dans _Procès_, t. V, p. 294.]
+
+L'assaut avait duré trois heures. Après l'incendie de la bastille, les
+Anglais grimpèrent dans le clocher de l'église. Les Français les y
+dénichèrent à grand'peine, mais sans péril aucun. Ils firent une
+quarantaine de prisonniers et tuèrent tout le reste. De voir tant
+d'ennemis morts, la Pucelle était toute dolente. Elle plaignait ces
+pauvres gens qui étaient morts sans confession[977]. Quelques Godons,
+revêtus d'habits et d'ornements ecclésiastiques, allèrent au-devant
+d'elle. Elle s'aperçut bien que c'étaient des soldats affublés des
+aumusses et des étoles qu'ils avaient trouvées dans la sacristie de
+l'abbaye aux Dames. Mais elle feignit de les prendre pour ce qu'ils se
+donnaient. Elle les reçut et les fit conduire en son hôtel, sans
+permettre qu'on leur fît aucun mal. Par une moquerie charitable:
+
+[Note 977: _Procès_, t. III, p. 106.]
+
+--On ne doit rien demander, dit-elle, aux gens d'Église[978].
+
+[Note 978: _Chronique de la Pucelle_, p. 289.]
+
+Avant de quitter la place, elle se confessa au frère Pasquerel, son
+chapelain. Et elle le chargea de faire ce mandement à tous les hommes
+d'armes: «Confessez vos péchés et rendez grâces à Dieu de la victoire
+obtenue. Sinon la Pucelle ne vous aidera plus et ne demeurera pas en
+votre compagnie[979].»
+
+[Note 979: _Procès_, t. III, p. 106.]
+
+La bastille de Saint-Loup, attaquée par plus de quinze cents Français,
+avait été défendue par trois cents Anglais seulement. Ce qui donne à
+croire qu'ils la défendirent mal, c'est qu'il n'y eut, dit-on, du
+parti des Français, que deux ou trois hommes tués[980]. Cet avantage,
+les gens du roi de France ne l'avaient point obtenu par profond
+calcul, ni à grand effort d'intelligence; et ils ne l'avaient pas payé
+cher. Pourtant il était énorme. C'étaient les communications des
+assiégeants avec Jargeau coupées, c'était le cours supérieur de la
+Loire ouvert et le commencement de la délivrance. Mieux encore,
+c'était la preuve faite que ces diables dont on avait eu si grande
+peur étaient des hommes misérables, qu'on pouvait prendre comme des
+souris, enfumer comme des guêpes dans leur nid. Cet inespéré bonheur
+était dû à la Pucelle. Elle avait tout fait, puisque sans elle on
+n'aurait rien fait. C'est elle qui, dans son ignorance plus savante
+que la science des routiers et des capitaines, avait changé la vaine
+escarmouche en attaque profonde et donné victoire en donnant
+confiance.
+
+[Note 980: À la prise de la bastille Saint-Loup:
+
+ Nombre des Nombre des
+ Français combattants. morts français.
+
+ Journal du Siège. 1500 sans compter
+ les nobles.
+ Lettre de Charles VII. 2
+ Le correspondant de Morosini. 3500.
+ Eberhard Windecke. 2
+
+ Nombre des Nombre des
+ Anglais combattants. pertes anglaises.
+
+ Frère Pasquerel. 100 hommes d'élite. 100 tués ou pris.
+ Jean d'Aulon. Tous tués ou pris.
+ G. Girault. 120 tués ou pris.
+ Lettre de Charles VII. Tous tués ou pris.
+ Journal du Siège. 114 tués, 40 pris.
+ Relation de la fête du 8 mai. De 120 à 140. Tous tués ou pris.
+ Perceval de Cagny. 3000. Tous tués ou pris.
+ Chronique de la Pucelle. 160 tués.
+ Monstrelet. De 300 à 400. Tous tués ou pris.
+ Eberhard Windecke. 170 morts, 1300 pris.
+ Les Vigiles de Charles VII. 60 tués, 22 pris.]
+
+Le soir même, les procureurs envoyèrent des ouvriers à Saint-Loup,
+pour détruire les fortifications conquises[981].
+
+[Note 981: Comptes de forteresse, dans _Journal du siège_, p.
+284.]
+
+Rentrée de nuit en son logis, Jeanne avertit son aumônier que, le
+lendemain, jour de l'Ascension de Notre-Seigneur, elle s'abstiendrait
+de s'armer et de guerroyer, par révérence de cette fête. Elle ordonna
+que nul ne pensât à sortir de la ville, à attaquer ou faire assaut,
+qu'il ne se fût d'abord confessé. Elle ajouta qu'il fallait que les
+gens d'armes prissent garde que des femmes dissolues n'allassent point
+à leur suite, de peur qu'à cause de leurs péchés Dieu ne leur fît
+perdre la bataille[982].
+
+[Note 982: _Procès_, t. III, p. 107.--_Chronique de la Pucelle_,
+pp. 289, 290.]
+
+Au besoin, la Pucelle veillait elle-même à ce que ses prescriptions au
+sujet des ribaudes et des blasphémateurs fussent exactement
+observées. Plusieurs fois elle chassa des femmes venues à la suite de
+l'armée. Elle semonçait les gens d'armes qui juraient et
+blasphémaient. Un gentilhomme se mit un jour, en pleine rue, à jurer
+et à renier Dieu. Jeanne, qui l'entendit, lui sauta à la gorge:
+
+--Ah! maître, osez-vous bien renier notre Sire et notre Maître? En nom
+Dieu, vous vous en dédirez avant que je parte d'ici.
+
+Une bourgeoise, qui passait en ce moment dans la rue, vit cet homme,
+qui lui parut un très grand seigneur, recevoir humblement les
+reproches de la sainte et témoigner de son repentir[983].
+
+[Note 983: _Procès_, t. III, p. 34.]
+
+Le lendemain, jour de l'Ascension, les capitaines tinrent conseil en
+l'hôtel du chancelier Cousinot, rue de la Rose[984]. Là se trouvaient,
+avec le chancelier, monseigneur le Bâtard, le sire de Gaucourt, le
+sire de Rais, le sire de Graville, le capitaine La Hire, messire
+Ambroise de Loré et plusieurs autres. On décida d'attaquer le
+lendemain les Tourelles du bout du pont, la clé du siège. Il parut
+nécessaire de tenir en respect, pendant l'attaque, les Anglais du camp
+de Saint-Laurent-des-Orgerils. La veille, Talbot, parti de
+Saint-Laurent, n'avait pu venir à temps à Saint-Loup, parce qu'il lui
+avait fallu suivre une longue courbe, en contournant la ville du
+couchant à l'orient. Mais la rivière, qu'ils avaient perdue la veille
+en amont, les ennemis la tenaient encore en aval. De Saint-Laurent,
+ils pouvaient la passer, par l'Île-Charlemagne, aussi rapidement que
+les Français la passeraient par l'Île-aux-Toiles, et se trouver en
+grande puissance au Portereau. C'est ce qu'il fallait empêcher, et
+l'on devait, s'il était possible, attirer à Saint-Laurent-des-Orgerils
+les garnisons des Augustins et des Tourelles. À cet effet, on résolut
+de simuler l'attaque du camp de Saint-Laurent et d'y porter la commune
+orléanaise et les gens des communes, c'est-à-dire des villages, avec
+manteaux, fagots, échelles. Cependant, la noblesse traverserait la
+Loire, par l'Île-aux-Toiles, aborderait au Portereau, sous le guet de
+Saint-Jean-le-Blanc, que les Anglais avaient évacué, se porterait sur
+la bastille des Augustins, et, si elle la pouvait prendre, attaquerait
+les Tourelles[985]. Il y aurait ainsi la bataille des bourgeois et la
+bataille des nobles; celle-ci vraie, l'autre feinte, toutes deux
+utiles, une seule belle et digne de la chevalerie. Le plan ainsi
+tracé, quelques capitaines furent d'avis qu'il serait bon d'envoyer
+quérir la Pucelle pour lui dire ce qu'on avait décidé[986]. Et
+vraiment elle s'était assez bien montrée la veille pour qu'on ne la
+tînt plus à l'écart. D'autres jugeaient qu'il n'était pas prudent de
+l'instruire de ce qui devait être fait contre les Tourelles. Car il
+importait que l'entreprise restât secrète, et l'on devait craindre que
+la sainte fille n'en parlât à ses amis de la commune. Finalement, on
+fut d'accord pour lui faire connaître les décisions qui concernaient
+la milice orléanaise, puisqu'en effet elle en était le chef, et pour
+lui taire ce que les bourgeois ne pouvaient savoir sans inconvénient.
+
+[Note 984: C'est par erreur que Quicherat dit (_Procès_, t. IV, p.
+57 note) que ce conseil fut tenu chez Jacques Boucher. Cf. _Journal du
+siège_, p. 83.--Jean Chartier, _Chronique_, p. 73.--Boucher de
+Molandon, dans _Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais_,
+t. XXII, p. 373.]
+
+[Note 985: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 74.]
+
+[Note 986: _Ibid._, t. I, pp. 74-75, assertions très douteuses.]
+
+Jeanne se tenait dans une chambre de l'hôtel, avec la femme du
+chancelier. Messire Ambroise de Loré l'alla chercher, et, quand elle
+fut venue, le chancelier lui annonça qu'on attaquerait le lendemain le
+camp de Saint-Laurent-des-Orgerils. Elle devina qu'on ne lui disait
+pas tout. Elle avait sa finesse; d'ailleurs, puisqu'ils lui avaient
+jusqu'alors tout caché, il était assez naturel qu'elle soupçonnât
+qu'ils lui cachaient encore quelque chose. Cette défiance la fâcha.
+Pensait-on qu'elle n'était pas capable de garder un secret? Elle parla
+d'un ton âpre:
+
+--Dites ce que vous avez conclu et appointé. Je cèlerais bien plus
+grande chose[987].
+
+[Note 987: Jean Chartier, _Chronique_, t. I. pp. 74-75, très
+douteux.]
+
+Et, sans s'asseoir, elle allait et venait dans la salle.
+
+Monseigneur le Bâtard voyait plus d'inconvénient à la fâcher qu'à lui
+dire la vérité. Il lui donna raison sans donner tort à personne:
+
+--Jeanne, ne vous courroucez pas. On ne peut pas tout dire en une
+fois. Ce que le chancelier vous a dit a été conclu et appointé. Mais
+si ceux de l'autre côté [de l'eau, ceux de la Sologne] se départent
+pour venir aider la grande bastille de Saint-Laurent et ceux de par
+ici, nous avons appointé de passer la rivière, pour besogner ce que
+nous pourrons sur ceux de par delà [sur ceux des Augustins et des
+Tourelles]. Et nous semble que cette conclusion est bonne et
+profitable.
+
+La Pucelle répondit qu'elle était contente, qu'il lui semblait que
+cette conclusion était bonne et qu'elle dût être ainsi exécutée[988].
+
+[Note 988: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 75.]
+
+On verra que le secret de la délibération ne fut pas gardé, et que les
+nobles ne purent faire ce qu'ils avaient conclu, ou du moins qu'ils ne
+le purent faire comme ils l'avaient conclu.
+
+Ce jour de l'Ascension, la Pucelle envoya pour la dernière fois aux
+Anglais un message de paix, qu'elle dicta au frère Pasquerel en cette
+manière:
+
+ Vous, hommes d'Angleterre, qui n'avez nul droit en le royaume de
+ France, le Roi des cieux vous prescrit et vous mande par moi,
+ Jeanne la Pucelle, que vous quittiez vos bastilles et retourniez
+ en vos pays, sans quoi, je ferai un tel hahai, qu'il y en aura
+ perpétuelle mémoire. C'est ce que pour la troisième et dernière
+ fois je vous écris, et ne vous écrirai plus.
+
+Ainsi signé: Jhesus-Maria. Jeanne la Pucelle.
+
+Et plus bas:
+
+ Je vous aurais envoyé ma lettre plus honnêtement. Mais vous
+ retenez mes hérauts. Vous avez retenu mon héraut Guyenne.
+ Veuillez me l'envoyer et je vous enverrai quelques-uns de vos
+ gens pris à la bastille Saint-Loup: ils ne sont pas tous
+ morts[989].
+
+[Note 989: _Procès_, t. III, p. 107.]
+
+Jeanne alla à la Belle-Croix, prit une flèche, y attacha sa lettre par
+un fil et ordonna à un archer de la lancer aux Anglais, en criant:
+
+--Lisez! Ce sont nouvelles!
+
+Les Anglais reçurent la flèche, ils détachèrent la lettre, et, l'ayant
+lue, ils se mirent à crier:
+
+--Ce sont nouvelles de la putain des Armagnacs.
+
+En les entendant, les larmes lui vinrent aux yeux et elle pleura. Mais
+bientôt elle vit ses saintes, qui lui parlèrent de Notre-Seigneur, et
+elle fut consolée.
+
+--J'ai eu des nouvelles de Messire, dit-elle avec joie[990].
+Monseigneur le Bâtard réclama lui-même le héraut de la Pucelle,
+menaçant, si on ne le renvoyait, de garder les hérauts que les Anglais
+lui avaient dépêchés pour traiter de l'échange des prisonniers. On
+prétend même qu'il menaça de mettre à mort ces prisonniers. Mais
+Ambleville ne revint point[991].
+
+[Note 990: _Ibid._, t. III, p. 108.]
+
+[Note 991: _Chronique de la Pucelle_, p. 286.--_Journal du siège_,
+p. 79.]
+
+
+
+
+CHAPITRE XIII
+
+LA PRISE DES TOURELLES ET LA DÉLIVRANCE D'ORLÉANS.
+
+
+Le lendemain, vendredi 6 mai, levée à la pointe du jour, la Pucelle se
+confessa à son aumônier et entendit la messe qu'il chanta devant les
+religieux et les gens d'armes de sa compagnie[992]. Déjà la commune
+ardente était debout, en armes. Qu'elle les eût ou non avertis, les
+bourgeois, violemment décidés à passer la Loire pour attaquer
+eux-mêmes les Tourelles, couraient en foule à la porte de Bourgogne.
+Ils la trouvèrent fermée. Le sire de Gaucourt la gardait avec des gens
+d'armes. La noblesse, dans le doute que les bourgeois éventeraient son
+entreprise et voudraient s'y joindre, avait pris ses mesures pour les
+en empêcher. La porte était close et bien défendue. Les citoyens,
+obstinés à se battre, à reprendre de leurs mains ces Tourelles, leur
+joyau, recoururent à celle devant qui s'ouvraient les portes et
+tombaient les murailles; ils envoyèrent chercher la Sainte. Elle vint,
+candide et terrible, marcha droit sur le vieux sire de Gaucourt, et,
+sans vouloir l'écouter:
+
+--Vous êtes, lui dit-elle, un méchant homme, d'empêcher ces gens de
+sortir. Mais veuillez-le ou ne le veuillez pas: ils sortiront et
+feront aussi bien qu'on a fait l'autre jour[993].
+
+[Note 992: _Procès_, t. III, p. 108.]
+
+[Note 993: _Procès_, t. III, pp. 70, 117.--_Chronique de la fête_,
+dans _Procès_, t. V, p. 294.--_Journal du siège_; p. 83.--_Chronique
+de la Pucelle_, p. 288.--P. Mantellier, _Histoire du siège_, p. 105.]
+
+Animés par la voix de Jeanne et fortifiés par sa présence, les
+bourgeois se jetèrent sur Gaucourt et ses gens d'armes en poussant des
+cris de mort. Le vieux seigneur vit qu'il n'aurait pas raison d'eux;
+ne pouvant mettre ces gens-là de son sentiment, il se mit du leur.
+Faisant ouvrir les portes toutes grandes, il cria aux bourgeois:
+
+--Venez, je serai votre capitaine.
+
+Et il sortit avec le sire de Villars et le sire d'Aulon à la tête des
+gens d'armes qui avaient gardé la porte et de toute la milice communale.
+Des bateaux étaient amarrés au pied de la Tour-Neuve, à l'angle oriental
+des remparts. On aborda dans l'Île-aux-Toiles et de là, on franchit, sur
+un pont formé par deux bateaux, le bras étroit de la rivière qui
+séparait l'Île-aux-Toiles de la rive de Sologne[994]. Les premiers
+arrivés entrèrent dans la forteresse abandonnée de Saint-Jean-le-Blanc,
+et se donnèrent, en attendant les autres, l'amusement de la
+détruire[995]. Puis, quand tout le monde eut passé la Loire, la commune
+marcha de bon coeur contre la bastille des Augustins, assise en avant
+des Tourelles, sur les ruines du couvent, et qu'il fallait enlever
+d'abord, si l'on voulait attaquer les ouvrages du bout du pont. Mais les
+Anglais sortirent de leurs retranchements, s'avancèrent de deux traits
+d'arc et lancèrent flèches et carreaux si dru que les Orléanais ne
+purent tenir sous cette effroyable volée. Ils lâchèrent pied,
+s'enfuirent jusqu'au pont de bateaux, et, de peur d'être jetés à l'eau,
+regagnèrent l'Île-aux-Toiles[996]. Plus aguerris, les hommes d'armes du
+sire de Gaucourt, et avec eux le sire de Villars, le sire d'Aulon et un
+vaillant homme d'Espagne, le seigneur Alonzo de Partada, se rangèrent
+sur la levée de Saint-Jean-le-Blanc et tinrent ferme contre l'ennemi.
+Ils tenaient encore, bien qu'ils fussent en très petit nombre, quand,
+vers trois heures de l'après-dînée, le capitaine La Hire et la Pucelle
+passèrent l'eau avec les routiers, et, voyant les Français ainsi
+travaillés et les Anglais en bataille, montèrent sur leurs chevaux,
+qu'ils avaient passés avec eux, couchèrent leurs lances et poussèrent
+droit a l'ennemi. Les bourgeois rassurés suivirent tous et firent
+reculer les Anglais. Mais arrivés devant la bastille ils furent encore
+repoussés. La Pucelle inquiète galopait de la bastille à la berge et de
+la berge à la bastille, et appelait la chevalerie. Les seigneurs
+n'arrivaient pas. Il est vrai qu'on avait renversé leurs projets,
+culbuté leur ordre de bataille et qu'il leur fallait bien un moment pour
+se reconnaître. Enfin, elle vit flotter dans l'île les bannières de
+monseigneur le Bâtard, du maréchal de Boussac et du sire de Rais.
+L'artillerie vint aussi, et maître Jean de Montesclère avec sa
+couleuvrine et les ouvriers apportant tous les engins nécessaires pour
+donner l'assaut. Quatre mille hommes furent réunis autour des Augustins.
+Toutefois on avait perdu beaucoup de temps; on n'en était qu'aux
+approches et le soleil baissait à l'horizon[997].
+
+[Note 994: _Journal du siège_, p. 83-84.--Abbé Dubois, _Histoire
+du siège_, p. 535.--Jollois, _Histoire du siège_, p. 39.]
+
+[Note 995: _Chronique de la Pucelle_, pp. 288, 289.]
+
+[Note 996: Jean Chartier, _Chronique_, t I, p. 76.--_Journal du
+siège_, pp. 84-85.]
+
+[Note 997: _Procès_, t. III, p. 214.]
+
+Les gens du sire de Gaucourt se tenaient en arrière pour couvrir les
+assiégeants, au cas où les Anglais du bout du pont viendraient au
+secours de ceux des Augustins. Mais une querelle s'éleva parmi eux.
+Les uns, comme le sire d'Aulon et le seigneur Alonzo, jugeaient bon de
+rester à leur poste. Les autres avaient honte de se croiser les bras.
+De là des paroles arrogantes et des bravades. Finalement, le seigneur
+Alonzo et un homme d'armes s'étant défiés à qui ferait mieux,
+coururent, la main dans la main, vers la bastille. La couleuvrine de
+maître Jean, d'une seule plombée, dégagea la palissade. Aussitôt, les
+deux champions forcèrent le passage[998].
+
+[Note 998: _Procès_, t. III, pp. 78, 215.]
+
+--Entrez hardiment! criait la Pucelle[999].
+
+[Note 999: _Ibid._, t. III, p. 78.--Berry, dans _Procès_, t. IV,
+p. 43.]
+
+Et elle planta son étendard sur la douve. Le sire de Rais la suivit de
+près. Le nombre des Français allait croissant. Ils attaquèrent
+vivement la bastille et bientôt la prirent d'assaut. Il leur fallut
+ensuite assaillir l'un après l'autre les bâtiments du monastère où les
+Godons s'étaient retranchés. Enfin, ils tuèrent ou firent prisonniers
+tous les ennemis, hors un petit nombre, qui se réfugia dans les
+Tourelles. Ils trouvèrent, dans les taudis, beaucoup des leurs
+enfermés. Après les avoir fait sortir, ils mirent le feu à la
+bastille, annonçant ainsi à tous les Anglais un nouveau désastre. Ce
+fut, dit-on, la Pucelle qui donna l'ordre d'incendier la bastille pour
+arrêter le pillage auquel les hommes se ruaient furieusement[1000].
+
+[Note 1000: _Chronique de la Pucelle_, p. 291.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 72.--_Journal du siège_, pp. 84, 85. Très
+douteux.]
+
+On faisait un grand gain. Mais la confiance tardait à renaître. En
+regardant, sous le ciel noir, aux lueurs de l'incendie, le boulevard
+des Tourelles qu'ils voyaient de près pour la première fois, les
+hommes d'armes furent effrayés. Certains disaient:
+
+--Un mois ne suffira pas pour le prendre[1001]!
+
+[Note 1001: _Perceval de Cagny_, p. 146.]
+
+Les seigneurs, capitaines et gens d'armes, rentrèrent dans la ville
+pour passer une nuit tranquille. Les gens de trait et le gros de la
+commune restaient au Portereau. La Pucelle aurait bien voulu rester
+aussi, pour être plus sûre de recommencer le lendemain[1002]. Mais,
+voyant que les capitaines laissaient aux champs leurs chevaux et leurs
+pages, elle les suivit à Orléans[1003]. Piquée au pied par une
+chausse-trape[1004], accablée de fatigue, se sentant faible, elle ne
+jeûna pas ce jour-là, contrairement à l'habitude qu'elle avait de
+jeûner le vendredi[1005]. Si l'on en croit frère Pasquerel, peu
+croyable sur ce point, tandis qu'elle achevait de souper dans son
+hôtel, elle vit venir à elle un seigneur dont on ne dit pas le nom,
+qui lui parla en ces termes:
+
+[Note 1002: _Procès_, t. III, p. 79.]
+
+[Note 1003: _Ibid._, t. III, p. 70.--_Chronique de la fête_, p.
+33.]
+
+[Note 1004: _Chronique de la Pucelle_, p. 291.]
+
+[Note 1005: _Procès_, t. III, p. 108.]
+
+--Les capitaines se sont rassemblés en conseil. Ils ont reconnu qu'on
+était en bien petit nombre au regard des Anglais et que c'était par
+grande grâce de Dieu qu'on avait obtenu quelque avantage. La ville
+étant pleine de vivres, nous pouvons fort bien tenir en attendant le
+secours du roi. Dès lors, le conseil ne trouve pas expédient que les
+gens d'armes fassent demain une sortie.
+
+Jeanne répondit:
+
+--Vous avez été à votre conseil, et j'ai été au mien, et croyez que le
+conseil de Messire sera accompli et tiendra et que votre conseil
+périra.
+
+Et se tournant vers le frère Pasquerel, qui était près d'elle:
+
+--Levez-vous demain de plus grand matin encore que vous n'avez fait
+aujourd'hui, et faites du mieux que vous pourrez. Tenez-vous toujours
+près de moi, car demain j'aurai beaucoup à faire et plus ample chose
+que j'aie jamais eue, et demain il sortira du sang de mon corps[1006].
+
+[Note 1006: _Procès_, t. III, pp. 108, 109.
+
+Le frère Pasquerel, que je suis ici, rapporte en ces termes, les
+paroles de Jeanne: _Exibit crastina die sanguis a corpore meo supra
+mammam._ Je le soupçonne véhémentement d'avoir ajouté à la prédiction.
+Il aimait trop les miracles et les prophéties. Le 28 avril, la Pucelle
+dit que le vent tournerait, et le vent tourna. Frère Pasquerel ne se
+contente pas de ce médiocre prodige. Il raconte que Jeanne souleva la
+Loire. Nous savons par ailleurs, que la Loire était haute. Que Jeanne
+ait longtemps d'avance annoncé qu'elle serait blessée, on ne peut le
+nier. Le fait, énoncé dans une lettre de Lyon, à la date du 22 avril
+1429, fut consigné dans un registre de la Cour des comptes du Brabant.
+Mais elle n'indiqua pas le jour. _Dixit... quod ipsa ante Aureliam in
+conflictu telo vulnerabitur_ (_Procès_, t. IV, p. 426).]
+
+Il n'était pas vrai que les Anglais fussent en plus grand nombre que
+les Français; ils étaient bien moins nombreux au contraire. Autour
+d'Orléans, il n'y avait guère plus de trois mille hommes. Le secours
+du roi étant arrivé, les capitaines n'avaient pas pu dire qu'on
+l'attendait. Il est vrai qu'ils hésitaient à attaquer dès le lendemain
+les Tourelles, mais c'était de crainte que, pendant l'attaque, les
+Anglais de Talbot n'entrassent dans la ville déserte, puisque la
+commune, refusant de marcher sur Saint-Laurent, s'était toute jetée au
+Portereau. Le Conseil de la Pucelle ne s'embarrassait point de ces
+difficultés. Madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite ne
+craignaient rien. Douter, c'est craindre: elles ne doutaient de rien.
+Quoi qu'on ait dit, elles ignoraient la tactique et la stratégie.
+Elles n'avaient pas lu Végèce, _De re militari_. Si elles avaient lu
+Végèce, la ville était perdue. Son Végèce c'était sainte Catherine.
+
+Durant la nuit, il fut crié par les rues qu'on portât à ceux qui
+étaient restés au Portereau pain, vin, munitions, fourrages et toutes
+choses dont ils eussent besoin. Des bateaux passaient sans cesse d'une
+rive à l'autre. Hommes, femmes, enfants allaient ravitailler les
+postes[1007].
+
+[Note 1007: _Journal du siège_, p. 84.]
+
+Le lendemain, samedi 7 mai, au soleil levant, Jeanne entendit la messe
+du frère Pasquerel et communia dévotement[1008]. L'hôtel de Jacques
+Boucher était assailli par les procureurs et par de notables
+bourgeois. Après une nuit de fatigue et d'inquiétude, ils venaient
+d'apprendre une nouvelle qui les exaspérait. Ils avaient entendu dire
+que les capitaines voulaient différer l'assaut des Tourelles, et ils
+appelaient la Pucelle à grands cris pour secourir le peuple
+abandonné, trahi, vendu[1009]. Ce qui était vrai, c'est que
+Monseigneur le Bâtard et les capitaines, ayant observé durant la nuit
+un grand mouvement d'Anglais en aval de la Loire, se confirmaient dans
+la crainte que Talbot ne donnât l'assaut aux murailles, du côté de la
+porte Renart, pendant que les Français occuperaient en forces la rive
+gauche de la Loire. Ils s'étaient aperçus, au lever du soleil, que les
+Anglais avaient détruit, la nuit, leur boulevard de Saint-Privé, au
+sud de l'Île-Charlemagne[1010]. Cela encore leur donnait véhémentement
+à croire que l'ennemi se concentrait au couchant dans le camp de
+Saint-Laurent et dans sa grande bastille de Londres. Depuis longtemps
+les bourgeois s'irritaient des lenteurs que les gens du roi mettaient
+à les délivrer. Et sans doute, les capitaines étaient moins pressés
+qu'eux d'en finir. Les capitaines vivaient de la guerre et les
+bourgeois en mouraient; cela faisait une grande différence. Les
+procureurs demandèrent à la Pucelle d'achever sans retard leur
+délivrance qu'elle avait commencée. Ils lui dirent:
+
+--Nous avons tenu conseil et nous vous requérons de vouloir accomplir
+la charge que vous avez de par Dieu et aussi du roi.
+
+[Note 1008: _Procès_, t. III, p. 109.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 295.]
+
+[Note 1009: _Chronique de la Pucelle_, p. 292.--_Procès_, t. III,
+p. 215.--_Journal du siège_, pp. 84-85.]
+
+[Note 1010: _Chronique de la Pucelle_, p. 291.]
+
+--En nom Dieu, je le ferai, dit-elle.
+
+Et, aussitôt, elle monta à cheval et, employant une très vieille façon
+de dire, elle s'écria:
+
+--Qui m'aime me suive[1011]!
+
+[Note 1011: _Chronique de l'établissement de la fête_, p. 34.--Le
+Roux de Lincy, _Proverbes_, t. II, p. 395.]
+
+Comme elle sortait de l'hôtel du trésorier, on lui apporta une alose.
+Elle dit, en souriant, à son hôte:
+
+--En nom Dieu! on la mangera à souper. Je vous ramènerai un Godon qui
+en mangera sa part.
+
+Elle ajouta:
+
+--Nous repasserons ce soir par le pont[1012].
+
+[Note 1012: _Procès_, t. III, p. 124.]
+
+Il y avait cent quatre-vingt-dix-neuf jours qu'on ne le pouvait faire.
+Cette parole fut trouvée bonne et heureuse.
+
+La bourgeoisie s'était alarmée trop vite. Malgré l'inquiétude que leur
+donnaient Talbot et ceux de Saint-Laurent, les seigneurs traversèrent
+la Loire de bon matin, et allèrent retrouver au Portereau leurs
+chevaux et leurs pages qui y avaient passé la nuit avec les gens de
+trait et les gens de la commune. Ils y furent tous, le Bâtard, le sire
+de Gaucourt et les sires de Rais, de Graville, de Guitry, de Coarraze,
+de Villars, d'Illiers, de Chailly, l'amiral de Culant, les capitaines
+La Hire et Poton[1013]. La Pucelle se tenait en leur compagnie. Les
+procureurs leur firent parvenir une quantité énorme d'engins:
+fascines, flèches, traits, martinets, cognées, plomb, poudre,
+couleuvrines, canons, échelles[1014]. L'attaque commença de bonne
+heure. Ce qui la rendait difficile, ce n'était pas le nombre des
+Anglais retranchés dans leur boulevard et logés dans les tourelles; il
+n'y avait là guère que cinq cents hommes[1015], commandés, il est
+vrai, par lord Moleyns, et, sous lui, par lord Poynings et par le
+capitaine Glasdall, qu'en France on nommait Glassidas, de petite
+naissance et le premier des Anglais pour le courage[1016]. Les
+assaillants, bourgeois, gens d'armes, gens de trait, étaient dix fois
+plus nombreux. C'était fort à l'honneur du peuple de France, qu'on eût
+réuni tant de combattants; mais une telle masse d'hommes ne pouvait
+être employée à la fois. Les chevaliers ne valaient pas grand'chose
+contre des murailles de terre; et les bourgeois, très ardents,
+n'étaient pas très solides. Enfin, le Bâtard, prudent et réfléchi,
+craignait Talbot. En effet, si Talbot avait su, si Talbot avait voulu,
+il aurait pris la ville pendant que les Français essayaient de prendre
+les Tourelles. La guerre n'est qu'une suite de hasards, mais dans
+cette journée, on avait eu vraiment trop peu de souci d'agir de
+concert. La masse énorme des combattants n'était pas une force
+irrésistible, puisque personne, pas même le Bâtard, ne savait la
+faire mouvoir, ni l'employer. À cette époque, le succès d'une bataille
+dépendait d'un très petit nombre de combattants. La veille, deux ou
+trois hommes d'armes avaient décidé de tout.
+
+[Note 1013: Berry, dans _Procès_, t. IV, pp. 43, 44.]
+
+[Note 1014: _Chronique de la Pucelle_, p. 292.--_Journal du
+siège_, p. 284 et _passim_.]
+
+[Note 1015: _Journal du siège_, p. 87.--Lettre de Charles VII aux
+Narbonnais (10 mai 1429) dans _Procès_, t. V, pp. 101 et
+suiv.--_Chronique de la fête_ dans _Procès_, t. V. p. 294.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, p. 77.--Morosini, t. III, p. 32, note 1.]
+
+[Note 1016: Jarry, _Le compte de l'armée anglaise_, pp. 94, 95,
+136, 206.--Boucher de Molandon, _L'armée anglaise..._, pp. 94 et
+suiv.]
+
+En fait, devant ces fossés, l'armée des Français semblait une foule
+énorme de curieux, regardant quelques gens d'armes essayer l'escalade.
+Malgré le nombre des troupes, l'assaut se réduisit longtemps à une
+suite de combats singuliers. Vingt fois des hommes de bonne volonté
+s'approchèrent de la douve et vingt fois ils furent obligés de
+reculer[1017]. Il y eut des blessés et des morts, mais non point en
+grand nombre. Les seigneurs, qui faisaient la guerre toute leur vie,
+la faisaient prudemment, les routiers ménageaient leurs hommes. Les
+bourgeois n'étaient pas très aguerris[1018]. Seule la Pucelle se
+donnait tout entière. Elle disait sans cesse:
+
+--Ayez bon coeur. Ne vous retirez pas. Vous aurez la bastille de
+bref[1019].
+
+[Note 1017: _Journal du siège_, p. 85.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 293.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 77.--Morosini, t. III,
+pp. 31 et suiv.]
+
+[Note 1018: Comptes de forteresse, dans _Journal du siège_, pp.
+296, 300.--Vergniaud-Romagnési, _Notice historique sur le fort des
+Tourelles_, Paris, in-8º, 1832, p. 50.]
+
+[Note 1019: _Chronique de la Pucelle_, p. 293.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, pp. 76, 77.]
+
+À midi tout le monde s'en fut dîner. Puis, vers une heure, on se remit
+à la besogne. La Pucelle porta la première échelle, et, comme elle la
+posait contre la douve, elle fut atteinte, à l'épaule, au-dessus du
+sein droit, d'un vireton tiré si roide, qu'un demi-pied de bois lui
+traversa la chair. Elle savait qu'elle devait être blessée; elle
+l'avait prédit à son roi, ajoutant qu'il l'employât tout de même. Elle
+l'avait annoncé aux gens d'Orléans[1020], elle l'avait dit la veille à
+son aumônier et certes, depuis cinq jours, elle faisait bien tout ce
+qu'il fallait pour que la prophétie s'accomplît. Les Anglais, voyant
+que le vireton avait pénétré dans la chair, en furent grandement
+rassurés: ils croyaient qu'une sorcière, si on pouvait lui tirer du
+sang, tout son pouvoir s'évanouissait. Les Français en avaient grande
+tristesse. On la porta un peu à l'écart. Le frère Pasquerel et le page
+Mugot se tenaient près d'elle. Sentant la douleur, elle craignit et
+pleura[1021]. Des soldats, comme d'ordinaire il s'en trouve beaucoup
+dans les combats auprès des blessés, l'entouraient; quelques-uns
+voulurent la charmer. C'était une pratique habituelle aux gens de
+guerre de marmotter des patenôtres sur les blessures pour les fermer.
+On charmait par incantations et conjurations. Les paters de sang
+avaient la vertu d'arrêter les hémorragies. On employait aussi des
+billets couverts de caractères magiques. Mais c'était recourir à la
+puissance des diables et commettre un péché mortel; Jeanne ne voulut
+point être charmée.
+
+[Note 1020: _Procès_, t. I, p. 79, t. III, p. 109;--Le Greffier de
+la Chambre des comptes de Brabant, dans _Procès_, t. V, pp.
+425-426.--Eberhard Windecke, 172.]
+
+[Note 1021: _Procès_, t. III, p. 109.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 292.]
+
+--J'aimerais mieux mourir, dit-elle, que de faire chose que je saurais
+péché ou contraire à la volonté de Dieu.
+
+Elle dit encore:
+
+--Je sais bien que je dois mourir. Mais je ne sais ni quand ni
+comment; je ne sais l'heure. Si l'on peut donner, sans péché, remède à
+ma blessure, je veux bien être guérie[1022].
+
+[Note 1022: _Procès_, t. III, pp. 109-110.]
+
+On lui ôta son armure. On appliqua sur la plaie de l'huile d'olive
+avec du lard, et, le pansement fait, elle se confessa au frère
+Pasquerel en pleurant et en gémissant. Bientôt elle vit venir à elle
+ses conseillères du ciel, qui portaient des couronnes et répandaient
+une bonne odeur, madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite;
+et elle fut réconfortée. Elle se fit armer et retourna à l'assaut.
+
+Le soleil baissait et, depuis le matin, les Français se fatiguaient en
+vain contre les palissades du boulevard. Monseigneur le Bâtard, voyant
+ses hommes las et la nuit proche, et craignant sans doute les Anglais
+du camp de Saint-Laurent-des-Orgerils, résolut de ramener l'armée à
+Orléans. Il fit sonner la retraite. Déjà la trompette appelait les
+combattants au Portereau. La Pucelle vint à lui et le pria d'attendre
+encore un peu.
+
+--En nom Dieu! dit-elle, vous entrerez bien bref dedans. N'ayez
+crainte, et n'auront les Anglais plus de force sur vous.
+
+D'après certains, elle ajouta: «C'est pourquoi, reposez vous un peu;
+buvez et mangez[1023].»
+
+[Note 1023: _Procès_, t. III, p. 25.--_Journal du siège_, pp. 85,
+86.--Eberbard Windecke, p. 173.]
+
+Tandis qu'ils se rafraîchissaient, elle demanda son cheval, monta
+dessus et, laissant son étendard à un homme de sa compagnie, elle alla
+seule, par le coteau, dans les vignes qui n'avaient pu être labourées
+à la coutume en avril et où les petites feuilles de mai commençaient à
+s'ouvrir. Là, dans le calme du soir, parmi les échalas formés en
+faisceaux et les pieds bas des vignes alignées, qui buvaient la
+première chaleur de la terre, elle se mit en oraison et tendit
+l'oreille aux voix du ciel[1024]. D'ordinaire le tumulte et les cris
+l'empêchaient de comprendre ce que lui disaient son ange et ses
+saintes. Elle ne les entendait bien que dans la solitude au tintement
+des cloches lointaines et dans les sons légers et rythmés qui montent,
+le soir, des champs et des prairies[1025].
+
+[Note 1024: _Procès_, t. III, p. 8.--Je rejette absolument les
+faits allégués par Charles du Lys, relativement à Guy de Cailly, qui
+aurait accompagné Jeanne dans les vignes et vu les anges descendre
+vers elle. Les lettres d'anoblissement de Guy de Cailly sont
+apocryphes.--Charles du Lys, _Traité sommaire_, pp. 50, 52.]
+
+[Note 1025: _Procès_, t. I, pp. 52, 62, 153, 480; t. II, pp. 420,
+424.]
+
+Pendant son absence, le sire d'Aulon, qui ne pouvait pas renoncer
+encore à gagner la journée, imagina un dernier expédient. C'était un
+des moindres seigneurs de l'armée; mais alors, à la bataille, chacun
+faisait à sa tête et selon son coeur. L'étendard de la Pucelle
+flottait encore devant le boulevard. L'homme qui le portait, tombant
+de fatigue, l'avait passé à un homme d'armes, surnommé le Basque, de
+la compagnie du sire de Villars[1026]. Le sire d'Aulon, regardant cet
+étendard béni par les prêtres et qu'on tenait pour heureux, songea
+que, s'il était porté en avant, les gens de guerre le suivraient, tant
+ils y avaient d'amour, et, pour ne pas le perdre, escaladeraient le
+boulevard. À cette idée, il s'approcha du Basque et lui dit:
+
+--Si j'entrais là, et allais au pied du boulevard, me suivrais-tu?
+
+[Note 1026: _Procès_, t. III, p. 216.--Le comte Couret, _Un
+fragment inédit des anciens registres de la Prévôté d'Orléans_,
+Orléans, 1897, pp. 12, 20, 21 et _passim_.]
+
+Le Basque promit de le faire. Le sire d'Aulon descendit aussitôt dans
+le fossé et, se couvrant de sa targette, qui le garantissait des
+pierres, s'avança vers la douve[1027].
+
+[Note 1027: _Procès_, t. III, p. 216.]
+
+La Pucelle, ayant fait une courte prière, revint, après un demi-quart
+d'heure, parmi les gens d'armes et leur dit:
+
+--Les Anglais n'ont plus de force. Approchez les échelles[1028].
+
+[Note 1028: _Journal du siège_, p. 86.]
+
+C'était vrai. Il leur restait si peu de poudre que leurs derniers
+boulets, chassés par une charge trop faible, tombaient court comme des
+pierres jetées à la main[1029]. Ils n'avaient plus que des tronçons
+d'armes. Elle alla au boulevard. Mais, arrivée au bord du fossé,
+voyant tout à coup aux mains d'un inconnu son étendard qui lui était
+cher, mille fois plus cher que son épée, et le croyant en péril, elle
+courut le reprendre, s'approcha du Basque au moment où il descendait
+dans le fossé, saisit l'étendard par ce qu'on appelait la queue,
+c'est-à-dire le bout de la toile, et tira de toutes ses forces, en
+criant:
+
+--Ha! mon étendard, mon étendard!
+
+[Note 1029: _Chronique de la Pucelle_, p. 293.]
+
+Le Basque tenait ferme, ne sachant pas qui tirait ainsi d'en haut. Et
+la Pucelle ne lâchait point. Les seigneurs et capitaines, voyant
+l'étendard secoué, crurent que c'était un signal et se rallièrent.
+Cependant le sire d'Aulon était arrivé à la douve. Il pensait que le
+Basque l'avait suivi pas à pas. Mais, s'étant retourné, il le vit
+arrêté de l'autre côté du fossé et lui cria:
+
+--Hé! Basque, est-ce là ce que tu m'avais promis?
+
+À cet appel le Basque tira si fort qu'il fit lâcher prise à la Pucelle
+et porta l'étendard jusqu'à la douve[1030]. Jeanne comprit et fut
+rassurée. Elle dit à ceux qui étaient près d'elle:
+
+--Donnez-vous garde quand la queue de mon étendard touchera contre le
+boulevard.
+
+[Note 1030: _Procès_, t. III, pp. 216, 217.]
+
+Un gentilhomme lui répondit:
+
+--Jeanne, la queue y touche.
+
+Alors elle s'écria:
+
+--Tout est vôtre et y entrez[1031]!
+
+[Note 1031: _Chronique de la Pucelle_, p. 293.--_Journal du
+siège_, p. 86.]
+
+Aussitôt, seigneurs et bourgeois, gens d'armes, gens de trait, gens
+des communes se jetèrent éperdument dans le fossé et grimpèrent en tel
+nombre et si vivement aux palissades, qu'ils semblaient une compagnie
+d'oisillons s'abattant sur une haie[1032]. Et les Français entrés dans
+l'enceinte virent s'éloignant, mais tournés encore fièrement vers eux,
+les lords Moleyns et Poynings, sir Thomas Giffart, bailli de Mantes,
+et le capitaine Glasdall, qui couvraient la retraite des leurs vers
+les Tourelles[1033]. Glasdall tenait à la main le vieil étendard de
+Chandos, qui, après avoir flotté sur quatre-vingts ans de victoires,
+reculait devant l'étendard d'une enfant[1034]. Car elle était là,
+debout sur le rempart, la Pucelle. Et les Anglais se demandaient
+épouvantés quelle était cette sorcière qui ne perdait pas son pouvoir
+avec son sang et guérissait par des charmes ses profondes blessures.
+Cependant elle les regardait avec douceur et tristesse et criait d'une
+voix pleine de sanglots:
+
+[Note 1032: _Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 294.]
+
+[Note 1033: _Journal du siège_, p. 87.]
+
+[Note 1034: Lettre de Charles VII aux habitants de Narbonne, 10
+mai 1429, dans _Procès_, t. III, p. 25; t. V, pp. 101, 103.]
+
+--Glassidas! Glassidas! rends-t'y, rends-t'y au Roi des cieux. Tu
+m'as appelée putain. J'ai grande pitié de ton âme et de celle des
+tiens[1035].
+
+[Note 1035: _Procès_, t. III, p. 110.]
+
+En même temps, des murs de la ville et du boulevard de la Belle-Croix,
+les boulets pleuvaient sur les Tourelles[1036]. Montargis et Rifflart
+leur crachaient des pierres; le nouveau canon de maître Guillaume
+Duisy leur jetait, de la poterne Chesneau, des boulets de cent vingt
+livres[1037]. Les Tourelles étaient assaillies du côté du pont. Une
+gouttière fut jetée sur l'arche rompue par les Anglais, et messire
+Nicole de Giresme, le moine chevalier, y passa le premier[1038]. Ceux
+qui le suivirent mirent le feu à la palissade qui, de ce côté, barrait
+l'accès du fort. Ainsi, les six cents Anglais, épuisés d'armes et de
+forces, se voyaient attaqués en avant et en arrière. Ils l'étaient
+aussi par-dessous, de façon sournoise et terrible. Des gens d'Orléans
+avaient chargé un grand chaland de poix, d'étoupes, de fagots, d'os de
+cheval, de savates, de résine, de soufre, de quatre-vingt-dix-huit
+livres d'huile d'olive et de telles autres choses pouvant faire feu et
+fumée; ils l'avaient conduit sous le pont de bois jeté par l'ennemi
+entre les Tourelles et le boulevard: ils l'y avaient amarré et y
+avaient mis le feu. Au moment de la retraite des Anglais, ce brûlot
+incendia le pont. À travers la fumée et la flamme, les six cents
+passèrent sur le tablier brûlant. Et quand enfin William Glasdall,
+lord Poynings et lord Moleyns, avec trente ou quarante capitaines,
+quittant les derniers le boulevard perdu, mirent à leur tour le pied
+sur le pont, les planches charbonnées croulèrent sous eux et tous,
+avec l'étendard de Chandos, s'abîmèrent dans la Loire[1039].
+
+[Note 1036: _Chronique de la Pucelle_, pp. 293, 294; Morosini, t.
+III, p. 31.]
+
+[Note 1037: _Journal du siège_, p. 17.--Jollois, _Histoire du
+siège_, p. 12.]
+
+[Note 1038: _Ibid._, p. 87.--_Chronique de la Pucelle_, p. 294.]
+
+[Note 1039: _Procès_, t. III, p. 25.--_Chronique de
+l'établissement de la fête_ dans _Procès_, t. V, p. 294.--_Chronique
+de la Pucelle_, p. 294.--_Journal du siège_, pp. 87, 88.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, p. 78.--Perceval de Cagny, p.
+145.--Eberhart Windecke, p. 173.--Monstrelet, t. IV, p.
+321.--Morosini, t. III, pp. 31 et suiv.]
+
+Jeanne, émue de pitié, pleura sur l'âme de Glassidas et sur celle des
+Anglais noyés avec lui[1040]. Près d'elle, les capitaines
+s'affligeaient aussi de la mort de ces braves, songeant qu'ils leur
+avaient fait grand tort en se noyant, car leur rançon eût rapporté
+grande finance[1041].
+
+[Note 1040: _Procès_, t. III, p. 110.]
+
+[Note 1041: _Journal du siège_, p. 87.]
+
+Échappés sur des charbons ardents aux Français du boulevard, les six
+cents tombèrent sur les Français du pont. Quatre cents furent tués,
+les autres pris. La journée avait coûté aux Orléanais une centaine
+d'hommes[1042].
+
+[Note 1042: Le nombre des Anglais qui défendirent les Tourelles
+est porté, dans le _Journal du siège_, à 4 ou 500; dans la Lettre de
+Charles VII, à 600; dans la _Relation de la fête du 8 mai_, à 800;
+dans la _Chronique de la Pucelle_, à 500.--Le nombre des Français,
+qu'il est impossible d'évaluer exactement, était plus de dix fois
+supérieur.
+
+Les pertes des Anglais sont portées:
+
+Par Guillaume Girault, à 300 morts et pris;
+
+Par Berry, à 400 ou 500 morts et pris;
+
+Par Jean Chartier, à 400 environ tués et les autres pris;
+
+Par la _Chronique de la Pucelle_, à 300 tués, 200 prisonniers;
+
+Par le _Journal du siège_, à 400 ou 500 tués, hors un petit nombre
+prisonniers;
+
+Par Monstrelet, à 600 ou 800 morts ou pris, dans les mss.; à 1.000
+dans les éditions imprimées;
+
+Par Bower, à 600 et plus tués.
+
+Les pertes des Français sont portées:
+
+Par Perceval de Cagny, de 16 à 20 morts;
+
+Par Eberhard Windecke, à 5 tués et quelques blessés;
+
+Par Monstrelet, à 100 environ.
+
+À l'estimation de la Pucelle, dans les diverses affaires où elle prit
+part à Orléans, des Français «cent et même plus» furent blessés.]
+
+Quand les derniers cris des vaincus se furent éteints, dans la nuit
+sombre, au bord de la Loire rougie de flammes, les capitaines
+français, étonnés de leur victoire, regardaient du côté de
+Saint-Laurent-des-Orgerils et craignaient encore que sir John Talbot
+ne saillît de son camp et ne vînt venger ceux qu'il n'avait pas
+secourus. Durant cette longue attaque, sur laquelle s'était levé et
+couché le soleil, Talbot, le comte de Suffolk et les Anglais de
+Saint-Laurent n'étaient pas sortis de leurs retranchements. Les
+Tourelles prises, les vainqueurs se tenaient sur leurs gardes,
+attendant encore Talbot[1043]. Mais ce Talbot, dont le nom servait aux
+mères françaises pour effrayer leurs enfants, ne bougea pas. On
+l'avait beaucoup craint en cette journée, et il avait lui-même craint
+que les Français ne lui prissent son camp et ses bastilles du couchant
+s'il en retirait du monde pour secourir les Tourelles[1044].
+
+[Note 1043: _Journal du siège_, p. 88.]
+
+[Note 1044: Perceval de Cagny, p. 147.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 295.]
+
+L'armée se disposa à rentrer dans la ville. Le pont, dont trois arches
+étaient rompues, fut rendu praticable en trois heures. Bien avant dans
+la nuit, la Pucelle, ainsi qu'elle l'avait prédit, entra par le pont
+dans la ville[1045]. Pareillement se trouvaient véritables toutes ses
+prophéties, quand l'accomplissement dépendait de son courage et de sa
+bonne volonté. Les capitaines l'accompagnaient, suivis de tous les
+hommes d'armes et de trait, de tous les bourgeois et des prisonniers
+qu'on amenait deux à deux. Les cloches de la cité sonnèrent; le clergé
+et le peuple chantèrent le _Te Deum_[1046]. Après Dieu et sa benoîte
+mère, ils remercièrent très humblement Monsieur saint Aignan et
+Monsieur saint Euverte, évêques, en leur vie mortelle, et patrons
+célestes de la ville. Les citoyens estimaient que, devant et durant le
+siège, ils leur avaient donné assez de cire et assez promené leur
+châsse pour mériter leur puissante entremise et obtenir par eux
+victoire et délivrance. Ce qui rendait manifeste l'intervention de ces
+deux confesseurs, c'est qu'on avait vu, dans le ciel, planer sur les
+Tourelles, au moment de l'assaut, deux évêques resplendissant de
+lumière[1047].
+
+[Note 1045: _Journal du siège_, p. 88.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 295.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 78.]
+
+[Note 1046: _Chronique de l'établissement de la fête_, dans
+_Procès_, t. V, pp. 294 et suiv.]
+
+[Note 1047: _Chronique de la Pucelle_, p. 295.--_Journal du
+siège_, p. 88.]
+
+Jeanne fut ramenée à l'hôtel de Jacques Boucher, où un chirurgien
+pansa à nouveau la blessure qu'elle avait reçue au-dessus du sein.
+Elle prit quatre ou cinq tranches de pain trempées dans du vin mêlé
+d'eau, et ne but ni ne mangea autre chose[1048].
+
+[Note 1048: _Chronique de la Pucelle_, _Ibid._]
+
+Le lendemain, dimanche 8 mai, fête de l'apparition de Saint-Michel, on
+apprit, au matin, dans Orléans, que les Anglais, sortis des bastilles
+du couchant qui leur restaient encore, se rangeaient en belle
+ordonnance, étendards déployés, devant les fossés de la ville. Ceux
+d'Orléans, hommes d'armes et gens de la commune, avaient grande envie
+de tomber dessus. À la pointe du jour, le maréchal de Boussac et
+nombre de capitaines sortirent et se rangèrent devant eux[1049].
+
+[Note 1049: _Journal du siège_, p. 89.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 296.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, pp. 78, 79.--_Le
+Jouvencel_, I, p. 208. Il faut tenir pour historique le passage qui
+commence par ces mots: «Le sire de Rocquencourt dit:».]
+
+La Pucelle alla aux champs avec les prêtres. N'ayant pu mettre sa
+cuirasse sur son épaule blessée, elle était seulement armée d'une de
+ces légères cottes de mailles, qu'on appelait jaserans[1050].
+
+[Note 1050: _Procès_, t. III, p. 9.]
+
+Des gens d'armes lui demandèrent:
+
+--Est-ce mal de combattre aujourd'hui dimanche?
+
+Elle répondit:
+
+--Il faut entendre la messe[1051].
+
+[Note 1051: _Ibid._, t. III, p. 29.]
+
+Elle n'était pas d'avis qu'on les attaquât.
+
+--Pour l'amour et honneur du saint dimanche, ne commencez point la
+bataille. N'attaquez pas les Anglais, mais, si les Anglais vous
+attaquent, défendez-vous fort et hardiment, et n'ayez nulle peur, et
+vous serez les maîtres[1052].
+
+[Note 1052: _Journal du siège_, p. 89.]
+
+Une de ces pierres consacrées, de forme plate et carrée, bordée de
+métal, que les clercs portaient en voyage, fut posée sur une table, en
+un carrefour, dans les champs, au pied d'une croix[1053]. Les
+officiants chantèrent, en grande solennité, hymnes, répons et
+oraisons, et la Pucelle, avec tous les religieux et tous les hommes
+d'armes, ouït deux messes dites à cet autel[1054].
+
+[Note 1053: _Le Jouvencel._]
+
+[Note 1054: _Chronique de la Pucelle_, p. 296.]
+
+Après le _Deo gratias_, elle recommanda d'observer les Anglais.
+
+--Or, regardez, s'ils ont le visage devers nous, ou le dos.
+
+On lui répondit qu'ils avaient le dos tourné et qu'ils s'en allaient.
+
+Elle leur avait dit trois fois: «Allez-vous-en d'Orléans vos vies
+sauves.» Maintenant elle voulait qu'on les laissât aller sans leur en
+demander davantage.
+
+--Il ne plaît pas à Messire qu'on les combatte aujourd'hui, dit-elle.
+Vous les aurez une autre fois. Allons rendre grâces à Dieu[1055].
+
+[Note 1055: _Ibid._, p. 296.]
+
+Les Godons s'en allaient. Ils avaient tenu conseil la nuit et résolu
+de partir[1056]. Après avoir fait front une heure durant aux Orléanais
+pour donner un air menaçant à leur retraite et la faire respecter, ils
+s'en allaient, gardant un bel ordre de marche. Le capitaine La Hire et
+le sire de Loré, curieux de savoir quelle route ils prenaient et de
+voir s'ils ne laissaient rien traîner derrière eux, chevauchèrent à
+leur poursuite avec cent ou cent vingt lances durant deux ou trois
+lieues. Les Anglais se retiraient sur Meung[1057].
+
+[Note 1056: _Chronique de l'établissement de la fête_, dans
+_Procès_, t. V, pp. 294, 295.--_Chronique de la Pucelle_, p. 296.]
+
+[Note 1057: _Procès_, t. III, pp. 71, 97, 110.--_Journal du
+siège_, p. 89.--_Chronique de la Pucelle_, p. 297.--Morosini, t. III,
+p. 34.--Walter Bower, _Scotichronicon_ dans _Procès_, t. IV, pp.
+478-479.--Eberhard Windecke, p. 177.]
+
+Les bourgeois, manants, gens des communes, se précipitèrent en foule
+dans les bastilles abandonnées. Les Godons y avaient laissé leurs
+malades et leurs prisonniers. Les Orléanais y trouvèrent aussi des
+munitions et même des vivres, qui n'étaient pas sans doute en grande
+abondance ni excellents. Mais, dit un Bourguignon, «si en firent bonne
+chère, car il ne leur avait guère coûté[1058]». Les armes, les canons,
+les bombardes furent portés dans la ville, les bastilles démolies,
+pour qu'aucun ennemi désormais ne pût s'y loger[1059].
+
+[Note 1058: Lettre de Charles VII aux Narbonnais, dans _Procès_,
+t. V, p. 101.--Monstrelet, t. IV, p. 323.]
+
+[Note 1059: _Journal du siège_, pp. 209 et suiv.]
+
+Ce jour, furent faites très belles et solennelles processions et fut
+ouï le sermon d'un bon frère[1060]. Les clercs, seigneurs, capitaines,
+procureurs, gens d'armes et bourgeois visitèrent les églises avec
+grande dévotion, et le peuple cria: «Noël[1061]!»
+
+[Note 1060: _Journal du siège_, p. 216.--_Chronique de la fête_
+dans _Procès_, t. V, p. 295.]
+
+[Note 1061: _Procès_, t. III, p. 110.--_Journal du siège_, p. 92.]
+
+Ainsi la ville d'Orléans fut délivrée ce 8 mai, au matin, deux cent
+neuf jours après que le siège y eut été mis et neuf jours après la
+venue de la Pucelle.
+
+
+
+
+CHAPITRE XIV
+
+LA PUCELLE À TOURS ET À SELLES-EN-BERRY.--LES TRAITÉS DE JACQUES GÉLU
+ET DE JEAN GERSON.
+
+
+Le dimanche 8 mai, au matin, les Anglais s'en étaient allés, tirant
+sur Meung et Beaugency. Dans l'après-midi du même jour, messire
+Florent d'Illiers avec ses gens d'armes quitta la ville délivrée et
+gagna tout de suite sa capitainerie de Châteaudun, pour la défendre
+contre les Godons qui tenaient garnison à Marchenoir et allaient
+s'abattre sur le Dunois. Le lendemain, les autres capitaines de la
+Beauce et du Gâtinais retournèrent dans leurs villes et
+forteresses[1062].
+
+[Note 1062: _Journal du siège_, p. 91.--G. Met-Gaubert, _Notice
+sur Florent d'Illiers_, Chartres, 1864, in-8º.]
+
+Le lundi neuf du même mois, les combattants amenés par le sire de
+Rais, n'étant plus nourris ni payés, s'en allèrent chacun de son côté;
+et la Pucelle ne demeura pas davantage[1063]. Après avoir assisté à la
+procession faite par les habitants pour remercier Dieu, elle prit
+congé de ceux vers qui elle était venue à l'heure de l'épreuve et de
+l'affliction et qu'elle laissait délivrés et pleins d'allégresse. Ils
+pleuraient de joie, lui rendaient grâce et s'offraient à elle pour
+qu'elle fît d'eux et de leurs biens à sa volonté. Et elle les
+remerciait avec douceur[1064].
+
+[Note 1063: _Chronique de la Pucelle_, p. 298.]
+
+[Note 1064: _Journal du siège_, pp. 91, 92.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 71.]
+
+De Chinon le roi fit envoyer aux habitants des villes demeurées en son
+obéissance, et notamment à ceux de La Rochelle et à ceux de Narbonne,
+une lettre écrite à trois reprises, entre le soir du 9 mai et la
+matinée du 10, à mesure que les nouvelles lui arrivaient. Par cette
+lettre, il annonçait la prise des bastilles de Saint-Loup, des
+Augustins et des Tourelles et invitait les bourgeois des villes à
+louer Dieu et à honorer les vertueux faits accomplis là, notamment
+ceux de la Pucelle qui «avait toujours été en personne à l'exécution
+de toutes ces choses[1065]». Ainsi la chancellerie royale marquait la
+part de Jeanne dans la victoire. Ce n'était nullement celle d'un
+capitaine; elle n'exerçait de commandement d'aucune sorte. Mais, venue
+de Dieu, du moins le pouvait-on croire, sa présence apportait aide et
+réconfort.
+
+[Note 1065: Lettre de Charles VII aux habitants de Narbonne, dans
+_Procès_, t. V, pp. 101, 104.--Arcère, _Histoire de la Rochelle_, t.,
+p. 271.--Moynès, _Inventaire des archives de l'Aude_, annexes, p.
+390.--_Procession d'actions de grâces à Brignoles (Var) en l'honneur
+de la délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc_ (1429). Communication
+faite au Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne (avril 1893), par
+F. Mireur, Draguignan, 1894, in-8º, p. 175.]
+
+En compagnie de quelques seigneurs, elle se rendit à Blois, y passa
+deux jours[1066], puis s'en fut à Tours, où le roi était
+attendu[1067]. Lorsqu'elle y entra, le vendredi avant la Pentecôte,
+Charles, parti de Chinon, n'était pas encore arrivé. Elle chevaucha
+vers lui, sa bannière à la main, et, quand elle le rencontra, elle ôta
+son bonnet et inclina le plus qu'elle put la tête sur son cheval. Le
+roi souleva son chaperon, la fit relever et l'embrassa. On dit qu'il
+eut grande joie à la voir, mais en réalité on ne sait ce qu'il pensait
+d'elle[1068].
+
+[Note 1066: _Procès_, t. III, p. 80.--_Journal du siège_, p. 91.]
+
+[Note 1067: _Ibid._, t. III, pp. 72, 76, 80.]
+
+[Note 1068: Eberhard Windecke, p. 177 et _Chronique de Tournai_,
+éd. de Smedt, pp. 407 et suiv. (t. III des _Chroniques de Flandre_).]
+
+En ce mois de mai 1429, il reçut de messire Jacques Gélu un traité de
+la Pucelle que probablement il ne lut pas, mais que son confesseur lut
+pour lui. Messire Jacques Gélu, autrefois conseiller delphinal et
+présentement seigneur archevêque d'Embrun[1069], commença par craindre
+que cette bergère ne fût envoyée au roi par ses ennemis pour
+l'empoisonner ou qu'elle ne fût une sorcière pleine de diables. Il
+conseilla d'abord de l'examiner avec prudence, sans la repousser
+précipitamment, car les apparences sont trompeuses et la grâce divine
+suit souvent des voies extraordinaires. Maintenant, après avoir connu
+les conclusions des docteurs de Poitiers, appris la délivrance
+d'Orléans et ouï le cri du commun peuple, messire Jacques Gélu ne
+gardait plus de doutes sur l'innocence et la bonté de cette jeune
+fille et, voyant que les docteurs différaient de sentiment sur elle,
+il rédigea un bref traité, qu'il envoya au roi, avec une très ample,
+très humble et très insigne épître dédicatoire.
+
+[Note 1069: _Procès_, t. III, pp. 394, 407; t. V, p. 413.--Le P.
+Marcellin Fornier, _Histoire des Alpes-Maritimes ou Cottiennes_, t.
+II, p. 320.--Le P. Ayroles, _La Pucelle devant l'Église de son temps_,
+pp. 39, 52.]
+
+Il y avait, environ ce temps-là, un labyrinthe tracé à l'équerre et au
+compas dans le pavé de la cathédrale de Reims[1070]. Les pèlerins,
+s'ils étaient attentifs et patients, en parcouraient tous les chemins.
+Le traité de l'archevêque d'Embrun est de même un labyrinthe
+scolastique très régulier, dans lequel on avance pour reculer et l'on
+recule pour avancer, sans trop s'égarer, pourvu qu'on y marche avec
+assez de patience et d'attention. Gélu, comme tous les scolastiques,
+donne d'abord les raisons contraires aux siennes et c'est seulement
+quand il a longuement suivi son adversaire qu'il s'achemine dans son
+propre sens. Ce serait trop faire que de s'engager à sa suite dans les
+détours de son labyrinthe. Mais puisque les familiers du roi le
+consultaient, puisqu'il s'adressait au roi et que le roi et son
+conseil réglèrent, peut-être, leur créance à Jeanne et leur conduite
+envers elle d'après ce traité théologique, on veut savoir ce qu'ils y
+trouvèrent professé et recommandé à cette occasion singulière.
+
+[Note 1070: L. Paris, _Notice sur le dédale ou labyrinthe de
+l'église de Reims_, dans _Ann. des Inst. provinc._, 1857, t. IX, p.
+233.]
+
+Considérant d'abord le bien de l'Église, Jacques Gélu estime que Dieu
+a suscité la Pucelle pour confondre les mal croyants, dont le nombre,
+selon lui, n'était pas petit. «À la confusion de ceux, dit-il, qui
+croient en Dieu comme s'ils n'y croyaient pas, le Très-Haut, qui porte
+écrit sur sa cuisse: _Je suis le Roi des rois et le Seigneur des
+Dominations_, se plut à secourir le roi de France par une enfant
+nourrie dans le fumier.» L'archevêque d'Embrun découvre cinq raisons
+pour lesquelles le roi a obtenu le secours divin; ce sont: la justice
+de sa cause, les mérites éclatants de ses prédécesseurs, les prières
+des âmes dévotes et les soupirs des opprimés, l'injustice des ennemis
+du royaume, l'insatiable cruauté de la nation anglaise.
+
+Que Dieu ait choisi une pucelle pour détruire des armées, ce dessein
+ne surprend point en lui. «Il a créé des insectes tels que les mouches
+et les puces, par lesquels il abat la superbe des hommes.» Ces petites
+créatures nous importunent et nous fatiguent au point de nous empêcher
+d'étudier ou d'agir. Un homme, quelle que soit sa constance, ne peut
+reposer dans une chambre infestée de puces. Par le moyen d'une jeune
+paysanne, sortie d'humbles et infimes parents, soumise à un vil
+labeur, ignorante, simple au delà de ce qu'on peut dire, il a voulu
+abaisser les superbes, les ramener à l'humilité et leur rendre sa
+Majesté présente, en sauvant ceux qui périssaient.
+
+Que le Très-Haut ait révélé à une vierge ses desseins sur le royaume
+des Lis, n'en soyons pas surpris: il accorde volontiers aux vierges le
+don de prophétie. Il lui plut de découvrir aux sibylles les mystères
+cachés à la gentilité tout entière. Sur l'autorité de Nicanor,
+d'Euripide, de Chrysippe, de Nenius, d'Apollodore, d'Eratosthène,
+d'Héraclide Pontique, de Marcus Varron et de Lactance, messire Jacques
+Gélu enseigne que les sibylles furent au nombre de dix: la Persique,
+la Libyque, la Delphique, la Cinicienne, l'Érythrée, la Samienne, la
+Cumane, l'Hellespontique, la Phrygienne et la Tiburtine, qui
+prophétisèrent, au milieu des gentils, la glorieuse incarnation de
+Notre-Seigneur, la résurrection des morts et la consommation des
+siècles. Cet exemple lui paraît très digne d'être médité.
+
+Quant à Jeanne, elle est en elle-même inconnaissable. Aristote
+l'enseigne: rien n'est dans l'intellect qui n'ait été d'abord dans la
+sensation, et la sensation ne pénètre pas au delà des apparences.
+Mais, où l'esprit ne peut entrer directement, il atteint par détour.
+Autant que l'humaine fragilité permet de le savoir, à regarder ses
+oeuvres, la Pucelle est de Dieu. Bien qu'appliquée aux armes, elle ne
+conseille jamais la cruauté; elle est miséricordieuse aux ennemis qui
+se rendent à merci, et elle offre la paix. Enfin, l'archevêque
+d'Embrun croit que cette Pucelle est un ange envoyé par le Seigneur
+Dieu des armées pour le salut du peuple; non qu'elle en ait la nature;
+mais elle en fait l'office.
+
+Sur la conduite à tenir en cette merveilleuse occasion, le docteur est
+d'avis que le roi observe dans la guerre les règles de la prudence
+humaine. Il est écrit: «Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.» Un
+esprit industrieux aurait été donné en vain à l'homme, s'il ne s'en
+servait point dans ses entreprises. Il faut délibérer longtemps ce qui
+doit être exécuté soudain. Ce n'est ni par des voeux ni par des
+supplications de femme que s'obtient le secours de Dieu. Par action et
+conseil on accède à l'issue prospère.
+
+Mais il ne faut pas repousser l'inspiration de Dieu. C'est pourquoi il
+doit être fait selon le vouloir de la Pucelle, alors même que ce
+vouloir paraîtrait douteux et sans grande apparence de vérité. Si la
+Pucelle est trouvée stable dans ses paroles, que le roi la suive et se
+confie à elle comme à Dieu pour la conduite du fait auquel elle a été
+commise. S'il survient au roi quelque doute, qu'il incline vers la
+sagesse divine plutôt qu'à l'humaine prudence, car il n'y a pas de
+mesure de l'une à l'autre, comme il n'y a pas de proportion du fini à
+l'infini. Aussi faut-il croire que Celui qui envoya cette enfant saura
+lui inspirer des conseils meilleurs que les conseils des hommes. Et
+l'archevêque d'Embrun tire de ses raisonnements aristotéliques cette
+conclusion bicéphale:
+
+«D'une part, pour ce qui est de préparer les batailles, d'employer
+machines, échelles et tous autres engins de guerre, de jeter des
+ponts, d'envoyer aux combattants des vivres en quantité suffisante,
+d'avoir bonnes finances, toutes choses sans lesquelles les entreprises
+ne sauraient réussir que par miracle, nous faisons suffisamment
+entendre qu'il y faut pourvoir par prudence humaine.
+
+»Mais lorsqu'on voit, d'autre part, la sagesse divine s'apprêter à
+agir spécialement, la prudence humaine doit s'humilier et renoncer.
+C'est alors, disons-nous, que le conseil de la Pucelle doit être
+demandé, recherché, requis préférablement à tout autre. Celui qui
+donne la vie donne la nourriture. À ses ouvriers il fournit les
+outils. C'est pourquoi nous devons espérer dans le Seigneur. Il fit
+sienne la cause du roi. Il inspirera à ceux qui la tiennent tout ce
+qu'il faudra faire pour la gagner. Dieu ne laisse point ses oeuvres
+imparfaites.»
+
+Et l'archevêque termine son traité en recommandant spécialement au roi
+la Pucelle comme inspiratrice de saintes pensées et révélatrice
+d'oeuvres pies. «Nous donnons ce conseil au roi, que chaque jour il
+accomplisse une oeuvre agréable à Dieu, et que de cela il confère avec
+la Pucelle; que les avis qu'il en recevra, il les mette en usage
+pieusement et dévotement, pour que Dieu ne lui retire pas sa main,
+mais lui continue sa grâce[1071].»
+
+[Note 1071: Bibl. Nat., fonds latin, nº 6199, folio 36.--_Procès_,
+t. III, pp. 395-410.--Lanéry d'Arc, _Mémoires et consultations_, pp.
+365 et suiv.--Le P. Ayroles, _La Pucelle devant l'Église de son
+temps_, pp. 31-52.]
+
+Le grand docteur Gerson, ancien chancelier de l'université, achevait
+alors à Lyon, dans le couvent des Célestins, dont son frère était
+prieur, sa vie pleine de travaux et de fatigues[1072]. L'an 1408, curé
+de Saint-Jean-en-Grève, à Paris, en prononçant dans son église
+paroissiale l'oraison funèbre du duc d'Orléans, assassiné par l'ordre
+du duc de Bourgogne, il souleva la fureur du peuple et courut grand
+risque d'être massacré. Au concile de Constance, impatient d'envoyer
+l'hérétique au feu «par une cruauté miséricordieuse[1073]», il pressa
+la condamnation de Jean Huss, sans égard au sauf-conduit que celui-ci
+avait reçu de l'Empereur, estimant avec tous les pères assemblés, que
+selon le droit naturel divin et humain nulle promesse ne doit être
+tenue au préjudice de la foi catholique. Il poursuivit au synode, avec
+une même ardeur, la condamnation des propositions de Jean Petit sur la
+légitimité du tyrannicide. Au temporel comme au spirituel, il
+professait l'unité d'obédience et le respect des autorités établies.
+Comparant, dans un de ses sermons, le royaume de France à la statue de
+Nabuchodonosor, il fait des marchands et des artisans les jambes du
+colosse, «qui sont partie de fer, partie de terre, pour leur labeur et
+humilité à servir et à obéir...» Fer signifie labeur et terre
+humilité. Tout le mal est venu de ce que le roi et les notables
+citoyens ont été tenus en servitude par l'outrageuse entreprise des
+gens de petit état[1074].
+
+[Note 1072: I. Launoy, _Historia Navarrici Gymnasii_, lib. IV, ch.
+V.--J.-B. Lecuy, _Essai sur la vie de Jean Gerson, chancelier de
+l'église et de l'université de Paris, sur sa doctrine, sur ses
+écrits..._, Paris, 1832, 2 vol. in-8º.--Vallet de Viriville, _Histoire
+de Charles VII_, t. II, p. 94.--A.-L. Masson, _Jean Gerson, sa vie,
+son temps, ses oeuvres_, Lyon, 1894, in-8º.]
+
+[Note 1073: Du Boulay, _Historia Universitatis Parisiensis_, t.
+IV, p. 270.]
+
+[Note 1074: Gerson, _Opera_, t. IV, pp. 668-678.]
+
+Maintenant, accablé de misères et de tristesses, il instruisait les
+jeunes enfants. «C'est par eux, disait-il, qu'il faut commencer la
+réforme[1075].»
+
+[Note 1075: Gerson, _Adversus corruptionem Juventutis_.--A.
+Lafontaine, _De Johanne Gersonio puerorum adulescentiumque
+institutore..._ La Chapelle-Montligeon, 1902, in-8º.]
+
+La délivrance de la cité ducale dut réjouir le vieux défenseur du
+parti d'Orléans. Les conseillers du dauphin, désireux de mettre en
+oeuvre la Pucelle, lui communiquèrent les délibérations de Poitiers et
+lui demandèrent son avis comme à un bon serviteur de la maison de
+France. En réponse, il composa un traité succinct de la Pucelle.
+
+Dans cet écrit, il prend soin tout d'abord de distinguer entre ce qui
+est de foi et ce qui est de dévotion. En matière de foi, le doute
+n'est pas permis. Quant à ce qui est de dévotion, comme on dit
+vulgairement: «Qui ne le croit n'est pas damné.» Pour qu'une chose
+soit de dévotion, trois conditions sont requises: il faut 1º qu'elle
+soit édifiante; 2º qu'elle soit probable et attestée par la rumeur
+publique ou le témoignage des fidèles; 3º qu'il ne s'y mêle rien de
+contraire à la foi. À ces conditions, il convient de n'en porter ni
+réprobation ni approbation opiniâtres, mais plutôt de s'en rapporter à
+l'Église.
+
+Par exemple, sont matières de dévotion et non de foi, la conception de
+la très sainte Vierge, les indulgences, les reliques. Une relique est
+vénérée en un lieu ou dans un autre ou dans plusieurs lieux à la fois.
+Le Parlement de Paris a naguère disputé sur le chef de monseigneur
+saint Denys, vénéré à Saint-Denys en France et dans la cathédrale de
+Paris. C'est matière de dévotion[1076].
+
+[Note 1076: _Gallia Christiana_, t. VII, col. 142.--Jean Juvénal
+des Ursins, année 1406.]
+
+D'où il faut conclure que l'on peut pieusement et salutairement, en
+matière de dévotion, admettre le fait de cette Pucelle, surtout en
+regardant aux fins, qui sont la restitution du royaume à son roi et la
+très juste expulsion ou débellation de ses très obstinés ennemis.
+
+D'autant plus qu'on n'a pas trouvé qu'elle usât de sortilèges prohibés
+par l'Église ni de superstitions publiquement réprouvées, ni qu'elle
+agît avec cautèle, par fourberie, pour son gain propre, lorsqu'en gage
+de sa foi, elle expose son corps aux plus grands dangers.
+
+Et, si plusieurs apportent divers témoignages sur son caquet, sa
+légèreté, son astuce, c'est le lieu d'alléguer cet adage de Caton:
+«Nos arbitres, ce n'est pas ce que chacun dit.» Selon la parole de
+l'Apôtre, on ne doit pas mettre en cause le serviteur de Dieu. Bien
+plutôt il convient ou de s'abstenir ou de soumettre aux supérieurs
+ecclésiastiques, comme il est permis, les points douteux. Ainsi fut
+fait, dans le principe, pour la canonisation des saints. Le canon des
+saints n'est pas de nécessité de foi, à strictement parler, mais de
+pieuse dévotion. Toutefois il ne doit pas être réprouvé par homme
+quelconque, à tort et à travers.
+
+Pour en venir au cas présent, il faut remarquer les circonstances
+suivantes:
+
+Premièrement. Le conseil royal et les gens de guerre furent induits à
+croire et à obéir, et ils affrontèrent le risque d'être défaits sous
+la conduite d'une fillette, ce qui eût été grande vergogne.
+
+Deuxièmement. Le peuple exulte, et sa pieuse créance semble conspirer
+à la louange de Dieu et à la confusion des ennemis.
+
+Troisièmement. Les ennemis se cachent, même leurs princes, et sont
+agités de diverses terreurs. Ils tombent en faiblesse comme des femmes
+grosses, conformément aux imprécations contenues dans le cantique que
+chanta sur le tympanon Marie, soeur de Moïse, dans un choeur de
+danseurs et de chanteurs: «Chantons au Seigneur, car il a été
+glorieusement magnifié. Que tombent sur ses ennemis la crainte et la
+terreur!» Et nous aussi, chantons le cantique de Marie, avec une
+dévotion consonante à notre fait.
+
+Quatrièmement enfin. Et cela est à peser: Cette Pucelle et les soldats
+attachés à elle ne quittent point les voies de la prudence humaine, et
+ils ne tentent pas Dieu. D'où il est visible que cette Pucelle ne
+s'obstine pas au delà de ce qu'elle répute être monition ou
+inspirations reçues de Dieu.
+
+On pourrait exposer encore plusieurs circonstances de sa vie, depuis
+l'enfance, qui ont été recueillies abondamment. Il n'en sera rien
+rapporté ici.
+
+Il est à propos de tirer exemple de Déborah et de sainte Catherine,
+qui convertit miraculeusement cinquante docteurs ou rhéteurs, de
+Judith et de Judas Macchabée. Dans leur fait, selon l'ordre constant,
+se trouvèrent beaucoup de circonstances d'ordre purement naturel.
+
+À un premier miracle ne succèdent pas toujours d'autres miracles
+attendus des hommes. Alors même que la Pucelle serait déçue dans son
+attente et la nôtre (puisse-t-il n'en pas advenir ainsi!), il n'en
+faudrait pas conclure que les premiers effets furent produits par le
+malin esprit et non par influence céleste, mais préférablement croire
+que nos espérances aient péri à cause de notre ingratitude et de nos
+blasphèmes, ou par quelque juste et impénétrable jugement de Dieu!
+Nous le supplions de détourner de nous sa colère et de nous regarder
+favorablement.
+
+Tirons des enseignements premièrement pour le roi et les princes du
+sang royal; deuxièmement, pour la milice du roi et du royaume;
+troisièmement, pour le clergé et le peuple; quatrièmement, pour la
+Pucelle. De ces enseignements, unique est la fin: mener bonne vie,
+dévote à Dieu, juste au prochain, sobre, vertueuse et tempérante à
+soi-même. Et quant à l'enseignement spécial à la Pucelle, il faut que
+la grâce, que Dieu a manifestée en elle, soit employée non en vanités
+soucieuses, non en profits mondains, non en haines de partis, non en
+séditions cruelles, non en vengeance des actes accomplis, non en
+glorifications ineptes, mais en mansuétude et oraisons, avec actions
+de grâce, et que chacun contribue, par libérale subvention de biens
+temporels, à l'instauration de la paix en son lit de justice, afin
+que, délivrés des mains de nos ennemis, Dieu nous étant plus propice,
+nous le servions dans la sainteté et la justice.
+
+En terminant son traité, Gerson examine brièvement un point de droit
+canon qui avait déjà été touché par les docteurs de Poitiers. Il
+établit qu'il n'est pas défendu à la Pucelle de porter un habit
+d'homme.
+
+Premièrement. L'ancienne loi interdisait à la femme de porter un habit
+d'homme et à l'homme un habit de femme. Cette loi, en tant que
+judicielle, cesse d'être en vigueur dans la nouvelle loi.
+
+Deuxièmement. En tant que morale, cette loi demeure obligatoire. Mais
+elle ne concerne, en ce cas, que l'indécence de l'habit.
+
+Troisièmement. En tant que judicielle et morale, cette loi n'interdit
+pas de porter l'habit viril et militaire à cette Pucelle que le Roi du
+ciel élut porte-étendard pour fouler à ses pieds les ennemis de la
+justice. Où la divine vertu opère, les moyens sont conformes aux
+fins.
+
+Quatrièmement. On peut alléguer des exemples tirés des histoires
+sainte et profane, rappeler Camille et les Amazones.
+
+Jean Gerson termina ce traité le dimanche de la Pentecôte, huit jours
+après la délivrance d'Orléans. Ce fut son dernier écrit. Il mourut au
+mois de juillet de cette même année 1429, la soixante-cinquième de sa
+vie[1077].
+
+[Note 1077: _Oeuvres de Gerson_, éd. Ellies Dupin, Paris, 1706,
+in-folio, t. IV, p. 864.--_Procès_, t. III, p. 298; t. V, p. 412.--Le
+P. Ayroles, _La Pucelle devant l'Église de son temps_, p. 24.]
+
+C'est le testament politique du grand universitaire en exil. La
+victoire de la Pucelle réjouit les derniers jours de sa vie. Il chante
+de sa voix presque éteinte le cantique de Marie. Mais à la joie que
+lui cause le bon événement, se mêlent les tristes pressentiments de sa
+vieille sagesse. En même temps qu'il voit en la Pucelle bien venue un
+sujet d'allégresse et d'édification pour le peuple, il craint que les
+espérances qu'elle inspire ne soient bientôt déçues. Et il avertit
+ceux qui maintenant l'exaltent dans le triomphe de ne point se
+détourner d'elle aux mauvaises heures.
+
+Son argumentation maigre et sèche n'est pas différente au fond de la
+grasse et molle argumentation de Jacques Gélu. On trouve dans l'une et
+dans l'autre les mêmes raisonnements et les mêmes preuves et les deux
+docteurs s'accordent dans leurs conclusions qui sont celles des
+maîtres de Poitiers.
+
+Pour les docteurs de Poitiers, pour l'archevêque d'Embrun, pour
+l'ancien chancelier de l'Université, pour tous les théologiens
+armagnacs, le fait de la Pucelle n'est pas matière de foi. Comment le
+pourrait-il être avant que le pape et le concile en eussent décidé? On
+est libre d'y croire comme de n'y pas croire. Mais c'est un sujet
+d'édification, et il convient de le méditer non dans un esprit aride,
+et qui doute obstinément, mais avec bonne volonté et selon la foi
+chrétienne. Sur le conseil de Gerson, les âmes bénévoles croiront que
+la Pucelle vient de Dieu, comme elles croient que le chef de
+Monseigneur saint Denys est offert en même temps à la vénération des
+fidèles dans l'église cathédrale de Paris et dans l'église abbatiale
+de Saint-Denys en France. Elles ne s'attacheront pas tant à la vérité
+littérale qu'à la vérité spirituelle et elles ne pécheront pas par
+trop de curiosité.
+
+En somme, ni le traité de Jacques Gélu, ni celui de Jean Gerson ne
+donnent de grandes clartés au roi et à son conseil. Les exhortations
+n'y manquent point: mais elles reviennent toutes à dire: «Soyez sages
+et pieux, pensez avec humilité, force et prudence.» Sur le point qui
+importait le plus, l'emploi à faire de la Pucelle dans la conduite de
+la guerre, l'archevêque d'Embrun enseigne doctement: «Accomplissez ce
+que la Pucelle ordonne et ce que la prudence commande et pour le
+surplus faites oeuvres pies et belles oraisons.» Il y avait là de quoi
+embarrasser un capitaine comme le sire de Gaucourt et même un bon
+prud'homme tel que le seigneur de Trèves. Il apparaît que ces clercs
+laissaient au roi toute liberté de jugement et d'action et qu'ils lui
+conseillaient finalement non de croire à la Pucelle, mais d'y laisser
+croire le peuple et les gens d'armes.
+
+Le roi garda Jeanne près de lui durant les dix jours qu'il demeura
+dans sa ville de Tours. Cependant le conseil délibérait sur la
+conduite à tenir[1078]. On n'avait point d'argent. Charles en trouvait
+encore assez facilement pour faire des présents aux gentilshommes de
+son hôtel, mais il avait grand'peine à s'en procurer pour payer les
+dépenses de la guerre[1079]. Il devait des gages à ses gens d'Orléans.
+Ceux-là avaient peu reçu et beaucoup dépensé. Ils en étaient du leur,
+et réclamaient leur paiement. Aux mois de mai et de juin, par quatre
+fois, le roi répartit aux capitaines qui avaient défendu la ville des
+sommes montant à quarante et un mille six cent trente et une
+livres[1080]. Il était victorieux à bon marché. La défense d'Orléans
+lui coûta cent dix mille livres en tout. Les bourgeois de la ville
+firent le reste; ils donnèrent jusqu'à leurs petites cuillers
+d'argent[1081].
+
+[Note 1078: _Procès_, t. III, pp. 12, 72, 76, 80.--_Chronique de
+la Pucelle_, p. 298.--_Journal du siège_, p. 93.--_Chronique de la
+fête_, dans _Procès_, t. V, p. 299.--Lettre écrite par les agents
+d'une ville allemande, dans _Procès_, t. V, p. 349.--_Chronique de
+Tournai_ (_Recueil des Chroniques de Flandre_, t. III, p.
+412).--Eberhard Windecke, p. 177.--De Beaucourt, _Histoire de Charles
+VII_, t. II, p. 215.]
+
+[Note 1079: _De Beaucourt_, _Histoire de Charles VII_, pp. 634 et
+suiv.]
+
+[Note 1080: Loiseleur, _Compte des dépenses_, pp. 147 et suiv.]
+
+[Note 1081: _Procès_, t. V, pp. 256 et suiv., et Relevé des
+comptes de commune et de forteresse, dans _Journal du siège_.--A. de
+Villaret, _loc. cit._, p. 61.--Couret, _Un fragment inédit des anciens
+registres de la Prévôté d'Orléans_.]
+
+Il eût été expédient sans doute de chercher à détruire cette terrible
+armée de sir John Falstolf qui avait causé naguère tant de peur à ceux
+d'Orléans. Mais on ne savait pas où elle se trouvait. Elle était
+disparue entre Orléans et Paris. Il eût fallu la chercher; ce n'était
+pas possible; on n'y songea pas. L'art de la guerre ne comportait pas
+alors des opérations si savantes. Il fut question d'aller en
+Normandie, idée si naturelle que dans le peuple on croyait déjà le
+dauphin à Rouen[1082]. Finalement on décida de reprendre les châteaux
+que les Anglais tenaient sur la Loire en amont et en aval d'Orléans,
+Jargeau, Meung, Beaugency[1083]. Entreprise utile et qui ne présentait
+pas grandes difficultés, à moins qu'on eût sur les bras l'armée de sir
+John Falstolf, ce que personne ne pouvait dire.
+
+[Note 1082: Morosini, t. III, p. 61.]
+
+[Note 1083: _Procès_, t. III, pp. 9, 10.]
+
+Sans plus attendre, monseigneur le Bâtard alla sur Jargeau avec un peu
+de chevalerie et les routiers de Poton; mais la Loire était haute et
+remplissait les fossés. N'ayant pas d'engins de siège, ils se
+retirèrent après avoir fait quelque mal aux Anglais et tué le
+capitaine de la ville[1084].
+
+[Note 1084: _Journal du siège_, p. 93.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 300.]
+
+La Pucelle n'entrait pas volontiers dans les raisons des capitaines.
+Elle n'écoutait que ses Voix, qui lui disaient des paroles infiniment
+simples. Elle ne pensait qu'à accomplir sa mission. Ce n'était pas
+pour supputer les ressources du trésor royal, ordonner les aides et
+les tailles, traiter avec les gens d'armes, les marchands et les
+convoyeurs, faire des plans de campagne, négocier des trêves, que
+madame sainte Catherine, madame sainte Marguerite et monseigneur saint
+Michel archange l'avaient envoyée en France: c'était pour qu'elle
+conduisît le dauphin à son sacre. Aussi était-ce à Reims qu'elle le
+voulait mener; non qu'elle sût comment on y pouvait aller, mais elle
+pensait que Dieu la guiderait. Tout retard, toute lenteur, toute
+délibération même la désolait et l'irritait. Fréquentant chez le roi,
+elle le pressait avec douceur. Maintes fois elle lui dit:
+
+--Je durerai un an, guère plus. Qu'on pense à bien besoigner pendant
+cette année[1085]!
+
+[Note 1085: _Procès_, t. III, p. 99.]
+
+Et elle dénombrait les quatre charges dont elle avait à s'acquitter en
+cet espace de temps. C'était, après avoir délivré Orléans, chasser les
+Godons hors de France, faire couronner et sacrer le roi à Reims et
+tirer le duc d'Orléans des mains des Anglais[1086]. Un jour, n'y
+pouvant tenir, elle alla trouver le roi tandis qu'il était dans un de
+ces retraits clos par des boiseries sculptées, qu'on pratiquait dans
+les grandes salles des châteaux, et qui servaient aux réunions
+familières. Elle heurta l'huis, entra presque aussitôt et trouva le
+roi qui conversait avec maître Gérard Machet, son confesseur,
+monseigneur le Bâtard, le sire de Trèves et un seigneur de ses plus
+familiers, nommé messire Christophe d'Harcourt. Elle s'agenouilla et,
+tenant le roi embrassé par les jambes (car elle savait à quoi la
+politesse l'obligeait), elle lui dit:
+
+--Gentil dauphin, n'assemblez plus tant et de si longs conseils. Mais
+venez tout de suite à Reims recevoir votre digne sacre[1087].
+
+[Note 1086: _Ibid._, p. 99.]
+
+[Note 1087: _Procès_, t. III, p. 12.--_Journal du siège_, p.
+93.--_Chronique de la Pucelle_, p. 299.]
+
+Le roi lui fit bon visage, mais ne répondit rien. Le seigneur
+d'Harcourt, averti que la Pucelle conversait avec des anges et des
+saintes, fut curieux de savoir si vraiment la pensée de mener le roi à
+Reims lui venait de ses visiteurs célestes. Employant pour les
+désigner le mot dont elle se servait elle-même:
+
+--Est-ce votre Conseil, lui demanda-t-il, qui vous parle de telles
+choses?
+
+Elle répondit:
+
+--Oui, et je suis beaucoup aiguillonnée à cet endroit.
+
+Le seigneur d'Harcourt reprit aussitôt:
+
+--Ne voudriez-vous pas dire ici, en présence du roi, la manière de
+votre Conseil, quand il vous parle?
+
+Jeanne rougit à cette demande.
+
+Voulant lui épargner tout embarras et toute contrainte, le roi lui dit
+doucement:
+
+--Jeanne, vous plaît-il bien de déclarer ce qu'on vous demande, en
+présence des personnes ici présentes?
+
+Mais Jeanne s'adressant au seigneur d'Harcourt:
+
+--Je vois bien ce que vous voulez savoir, lui dit-elle, et je vous le
+dirai volontiers.
+
+Et tout de suite elle fit sentir au roi le tourment qu'elle éprouvait
+de n'être pas crue et elle révéla sa consolation intérieure:
+
+--Quand je suis contristée en quelque manière de ce qu'on ne croit pas
+facilement ce que je dis par mandement de Messire, je me retire à
+part, et me plains à Messire de n'être facilement crue de ceux à qui
+je parle. Et mon oraison faite, aussitôt j'entends une voix qui me
+dit: «Fille de Dieu, va!» Et à l'entendre, j'ai grand'joie. Et même je
+voudrais toujours rester en cet état[1088].
+
+[Note 1088: _Procès_, t. III, p. 12.]
+
+Tandis qu'elle répétait les paroles de la Voix, Jeanne levait les yeux
+au ciel. Les seigneurs présents furent frappés de l'expression céleste
+que prenait alors le regard de la jeune fille. Pourtant ces yeux
+noyés, cet air de ravissement dont s'émerveillait monseigneur le
+Bâtard, ce n'était pas une extase, c'était l'imitation d'une extase.
+Scène à la fois pleine d'artifice et de naïveté, qui montre et la
+douceur du roi, bien incapable de faire la moindre peine à cette
+enfant, et la légèreté avec laquelle les seigneurs de la cour
+croyaient ou feignaient de croire aux plus étranges merveilles et qui
+surtout fait apparaître que, dès ce moment, on ne regardait pas comme
+un mal, dans le conseil du roi, que la petite sainte donnât au projet
+du sacre l'autorité d'une révélation divine.
+
+La Pucelle accompagna le roi à Loches, et elle resta auprès de lui
+jusqu'après le vingt-troisième jour de mai[1089].
+
+[Note 1089: _Procès_, t. III, pp. 9, 11, 80.]
+
+Le peuple croyait en elle. Quand elle sortait dans les rues de Loches,
+les habitants se jetaient dans les jambes de son cheval; ils baisaient
+les mains et les pieds de la sainte. Maître Pierre de Versailles,
+religieux de Saint-Denys en France, un des interrogateurs de Poitiers,
+la voyant qui recevait ces marques de vénération, la blâma
+théologalement:
+
+--Vous faites mal, lui dit-il, de souffrir telles choses, qui ne vous
+sont pas dues. Prenez-y garde: vous induisez les hommes en idolâtrie.
+
+Jeanne, pensant à l'orgueil qui pourrait s'insinuer dans son coeur,
+répondit:
+
+--En vérité je ne saurais m'en garder, si Messire ne m'en
+gardait[1090].
+
+[Note 1090: _Procès_, t. III, p. 84.]
+
+Elle voyait avec humeur que certaines bonnes femmes vinssent à elle
+pour la saluer; cela lui semblait une espèce d'adoration dont elle
+s'effrayait. Mais elle ne repoussait pas les pauvres gens qui venaient
+à elle; elle ne leur faisait pas de déplaisir et plutôt les supportait
+à son pouvoir[1091].
+
+[Note 1091: _Ibid._, t. I, p. 102.]
+
+Le renom de sa sainteté s'était répandu par toute la France avec une
+promptitude merveilleuse. Beaucoup de personnes pieuses portaient sur
+elles des médailles de plomb ou d'autre métal à sa ressemblance, selon
+l'usage établi pour honorer la mémoire des saints[1092]. On plaçait
+dans les chapelles ses images peintes ou taillées. À la collecte de la
+messe, le prêtre récitait «l'oraison de la Pucelle pour le royaume de
+France»:
+
+«Dieu, auteur de la paix, qui détruis, sans arc ni flèche, les ennemis
+qui mettent leur espoir en eux-mêmes[1093], nous te demandons,
+seigneur, de nous protéger dans notre adversité, et, de même que tu as
+délivré ton peuple par la main d'une femme, tends à Charles notre roi
+ton bras victorieux, afin que nos ennemis, qui s'assurent en leur
+multitude et se glorifient de leurs flèches et leurs lances, soient
+par lui surmontés à l'heure présente et qu'il lui soit donné, à la fin
+de ses jours de parvenir glorieusement avec son peuple jusqu'à toi,
+qui es la voie, la vérité et la vie. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ,
+etc[1094].»
+
+[Note 1092: _Ibid._, t. I, p. 191.--A. Forgeais, _Collection de
+plombs historiés trouvés dans la Seine_, Paris, 1869 (5 vol. in-8º),
+t. II, IV et _passim_.--Vallet de Viriville, _Notes sur deux médailles
+de plomb relatives à Jeanne d'Arc_, Paris, 1861, in-8º, 30 p. [Extrait
+de la _Revue Archéologique_.]]
+
+[Note 1093: _Procès_, t. V, p. 104. Je lis _in se sperantes_.]
+
+[Note 1094: _Procès_, t. V, p. 104.--Lanéry d'Arc, _Le culte de
+Jeanne d'Arc au XVe siècle_, 1886, in-8º.]
+
+ * * * * *
+
+On consultait alors les saints et les saintes dans toutes les
+difficultés de la vie. Plus on les jugeait innocents et simples, plus
+on leur demandait conseil. Car on était mieux assuré, s'ils ne
+savaient rien dire, que c'était Dieu qui parlait par leur bouche. On
+pensait que la Pucelle n'avait pas d'esprit; c'est pourquoi on la
+croyait capable de résoudre les questions les plus difficiles avec une
+infaillible sagesse. On voyait que, sans savoir faire la guerre, elle
+la faisait mieux que les capitaines, et l'on en concluait que tout ce
+qu'elle accomplirait dans sa sainte ignorance, elle l'accomplirait
+excellemment. C'est ainsi qu'à Toulouse un capitoul s'avisa de la
+consulter en matière financière. Les gardes de la monnaie de cette
+ville ayant reçu ordre de frapper de nouvelles espèces inférieures de
+beaucoup à celles qui avaient cours jusque-là, les bourgeois s'en
+émurent; d'avril à juin les capitouls s'employèrent à faire rapporter
+cette mesure. Et le 2 juin, le capitoul Pierre Flamenc demanda en
+conseil qu'on écrivît à la Pucelle pour lui exposer les inconvénients
+survenus du fait de la mutation des monnaies et pour lui demander d'y
+apporter remède. En faisant cette proposition au Capitole, Pierre
+Flamenc pensait qu'une sainte était de bon conseil sur toute matière
+et particulièrement en matière d'espèces monnayées, surtout si elle se
+trouvait l'amie du roi, comme c'était le cas de la Pucelle[1095].
+
+[Note 1095: A. Thomas, _Le siège d'Orléans, Jeanne d'Arc et les
+capitouls de Toulouse_, dans _Annales du Midi_, 1889, pp. 235, 236.]
+
+Jeanne envoya de Loches, un petit anneau d'or a la dame de Laval qui
+sans doute lui avait demandé un objet qu'elle eût touché[1096].
+Jeanne, dame de Laval, avait épousé, cinquante-quatre ans en çà, sire
+Bertrand Du Guesclin dont la mémoire était précieuse aux Français et
+qu'on nommait, dans la maison d'Orléans, le dixième preux. Madame
+Jeanne n'égalait point en renommée Tiphaine Raguenel, astrologienne et
+fée[1097], première femme de sire Bertrand. C'était une dame avare et
+colérique. Chassée par les Anglais de sa terre de Laval, elle vivait
+retirée à Vitré avec sa fille Anne, qui s'était mise dans le cas de
+lui déplaire quand, treize ans auparavant, jeune veuve, elle avait
+épousé secrètement un petit cadet sans terres. Ce qu'ayant découvert,
+madame Jeanne enferma sa fille dans un cachot et reçut le cadet à
+coups d'arbalète. Après quoi les deux dames vécurent paisiblement
+ensemble[1098].
+
+[Note 1096: Lettre des Laval, dans _Procès_, t. V, p.
+109.--Bertrand de Broussillon, _La maison de Laval, les
+Montfort-Laval_, Paris, 1900, in-8º, t. III, p. 75.--C'est par erreur
+que Quicherat (_Procès_, t. V, p. 105) donne à la veuve de Du Guesclin
+le nom de Anne, et à la mère de Guy et d'André le nom de Jeanne.]
+
+[Note 1097: Cuvelier, _Poème de Duguesclin_, vers 2325 et seq.]
+
+[Note 1098: Bertrand de Broussillon, _La maison de Laval_, in-8º,
+1900, t. III, _loc. cit._]
+
+De Loches la Pucelle se rendit à Selles en Berry, assez grosse ville
+sur la rive gauche du Cher, où les trois états du royaume s'étaient
+assemblés peu de temps auparavant[1099] et où se faisait le
+rassemblement des troupes.
+
+[Note 1099: Lettre de Gui de Laval, dans _Procès_, t. V, p.
+105.--Lucien Jeny et P. Lanéry d'Arc, _Jeanne d'Arc en Berry_, Paris,
+s. d., in-8º, p. 53.]
+
+Le samedi 4 juin, elle reçut un héraut que les habitants d'Orléans lui
+envoyaient pour lui donner nouvelles des Anglais[1100]. Comme chef de
+guerre, ils ne connaissaient qu'elle.
+
+[Note 1100: Comptes de forteresse, dans _Procès_, t. V, p. 262.]
+
+Cependant, entourée de moines, elle menait, au milieu des gens
+d'armes, une vie bonne, singulière et monastique. Elle mangeait et
+buvait peu[1101]. Elle communiait une fois la semaine et se confessait
+fréquemment[1102]. En entendant la messe, au moment de l'élévation, à
+confesse et quand elle recevait le corps de Notre-Seigneur, elle
+pleurait à grande abondance de larmes. Chaque soir, à l'heure de
+vêpres, elle se retirait dans une église et faisait sonner les cloches
+pendant une demi-heure environ pour appeler les religieux mendiants
+qui suivaient l'armée. Puis elle se mettait en oraison, tandis que les
+bons frères chantaient une antienne en l'honneur de la Vierge
+Marie[1103].
+
+[Note 1101: _Procès_, t. III, pp. 3, 9, 15, 18, 22, 69, 219 et
+_passim_.]
+
+[Note 1102: _Ibid._, t. V, aux mots: _Confession_ et _Communion_.]
+
+[Note 1103: _Procès_, t. III, p. 14; t. II, pp. 420, 424.]
+
+Bien qu'elle pratiquât, à son pouvoir, les austérités que commande une
+dévotion spéciale, elle se montrait magnifiquement vêtue, comme un
+seigneur, ayant en effet seigneurie de par Dieu. Elle portait habit de
+gentilhomme, c'est-à-dire petit chapeau, pourpoint et chausses
+ajustées, très nobles huques de drap d'or et de soie bien fourrées et
+souliers lacés en dehors du pied[1104]. En la voyant ainsi vêtue, les
+personnes les plus austères du parti dauphinois ne se scandalisaient
+point. Elles lisaient dans l'Écriture qu'Esther et Judith, inspirées
+du Seigneur, se chargèrent de parures, il est vrai dans l'ordre de
+leur sexe et afin d'induire Assuérus et Holopherne en concupiscence
+pour le salut d'Israël. Et elles estimaient que si Jeanne se couvrait
+d'ornements virils afin de paraître aux gens d'armes un ange venant
+donner la victoire au roi très chrétien, loin de céder aux vanités du
+monde, elle considérait uniquement, comme Esther et Judith, l'intérêt
+du peuple saint et la gloire de Dieu. Mais les clercs anglais et
+bourguignons, tournant l'édification en scandale, disaient que
+c'était une femme dissolue en ses habits et ses moeurs.
+
+[Note 1104: _Ibid._, t. I, pp. 220, 253; t. II, pp. 294,
+438.--_Relation du greffier de La Rochelle_, p. 60.--Analyse d'une
+lettre de Regnault de Chartres, dans Rogier (_Procès_, t. V,
+168-169).--Martin le Franc, _Le champion des dames_, dans _Procès_, t.
+V, p. 48.]
+
+Depuis sept ans déjà, saint Michel archange et les saintes Catherine
+et Marguerite, portant des couronnes riches et précieuses, venaient à
+elle et lui parlaient. C'était dans le son des cloches, à l'heure de
+complies et de matines, quelle entendait le mieux leurs paroles[1105].
+Les cloches alors, grandes ou petites, métropolitaines, paroissiales
+ou conventuelles, bourdons, campanes, campanelles et moineaux, sonnées
+à la volée ou carillonnées en cadence, de leurs voix graves ou
+claires, parlaient à tout le monde et de toutes choses. Elles étaient
+le chant aérien du calendrier ecclésiastique et civil. Elles
+convoquaient les clercs et les fidèles aux offices, lamentaient les
+morts et louaient Dieu: elles annonçaient les foires et les travaux
+des champs; elles faisaient voler par le ciel les grandes nouvelles,
+et, dans ces temps de guerre, elles appelaient aux armes, sonnaient
+l'alarme. Amies du laboureur, elles dissipaient l'orage, écartaient la
+grêle; elles chassaient la peste. Les démons qui volent sans cesse
+dans l'air et guettent les hommes, elles les mettaient en fuite, et
+l'on attribuait à leur son béni la vertu d'apaiser les violents[1106].
+Madame sainte Catherine, qui chaque jour visitait Jeanne, était la
+patronne des cloches et des sonneurs. Aussi beaucoup de cloches
+portaient son nom. Jeanne, dans le son de ses cloches, comme dans le
+bruit des feuilles, entendait ses Voix. Rarement elle les entendait
+sans voir une lumière du côté d'où elles venaient[1107]. Ces voix
+l'appelaient «Jeanne, fille de Dieu[1108]!» Souvent l'archange et les
+saintes lui apparaissaient. Pour leur bienvenue elle leur faisait la
+révérence en fléchissant le jarret et en s'inclinant; elle les
+accolait par les genoux, sachant qu'il y a plus de respect à accoler
+par le bas que par le haut. Elle sentait la bonne odeur et la douce
+chaleur de leurs corps glorieux[1109].
+
+[Note 1105: _Procès_, t. I, pp. 61, 62, 481.]
+
+[Note 1106: P. Blavignac, _La cloche_, Genève, 1877, in-8º.--L.
+Morillot, _Étude sur l'emploi des clochettes_, dans _Bulletin hist.
+archéolog. du diocèse de Dijon_, 1887. in-8º.]
+
+[Note 1107: _Procès_, t. I, pp. 52, 64, 153 et _passim_.]
+
+[Note 1108: _Ibid._, t. I, p 130.]
+
+[Note 1109: _Ibid._, t. I, p. 186.]
+
+Saint Michel archange ne venait pas seul. Des anges l'accompagnaient
+en grande multitude et si petits qu'ils dansaient comme des étincelles
+aux yeux éblouis de la jeune fille. Quand les saintes et l'archange
+s'éloignaient, elle pleurait du regret qu'ils ne l'eussent pas
+emportée avec eux[1110]. Ainsi Judith fut visitée par l'ange dans le
+camp d'Holopherne.
+
+[Note 1110: _Ibid._, t. I, pp. 72, 75.]
+
+Tout comme le seigneur d'Harcourt, l'écuyer Jean d'Aulon demanda un
+jour, à Jeanne, ce qu'était son Conseil. Elle lui répondit qu'elle
+avait trois conseillers, dont l'un demeurait toujours avec elle. Un
+autre allait et venait souventes fois; le troisième était celui avec
+lequel les deux autres délibéraient.
+
+Le sire d'Aulon, plus curieux que le roi, la pria et requit de lui
+vouloir une fois montrer ce Conseil.
+
+Elle lui répondit:
+
+--Vous n'êtes pas assez digne et vertueux pour le voir[1111].
+
+[Note 1111: _Procès_, t. III, pp. 219, 220.]
+
+Le bon écuyer n'en demanda pas davantage. S'il avait lu la Bible, il
+aurait su que le serviteur d'Élisée ne voyait pas les anges que voyait
+le prophète (_Rois_, 1. IV).
+
+Jeanne s'imaginait que son Conseil s'était, au contraire, manifesté au
+roi et à la Cour.
+
+--Mon roi, dit-elle plus tard, mon roi et bien d'autres ont vu et
+entendu les Voix qui venaient à moi. Le comte de Clermont était alors
+près de lui avec deux ou trois autres[1112].
+
+[Note 1112: _Ibid._, t. I, p. 57.]
+
+Elle le croyait. Mais, en réalité, elle ne fit voir ses Voix à
+personne, pas même, quoi qu'on en ait dit, à ce Guy de Cailly qui la
+suivait depuis Chécy[1113].
+
+[Note 1113: _Ibid._, t. V, p. 342. Les lettres d'anoblissement de
+Guy de Cailly sont très suspectes.--Vallet de Viriville, _Petit
+traité..._, p. 92.]
+
+Jeanne s'entretenait dévotement avec le frère Pasquerel. Elle lui
+témoignait souvent le désir que l'Église après sa mort priât pour elle
+et pour tous les Français tués à la guerre.
+
+--Si je venais à quitter ce monde, lui disait-elle, je voudrais bien
+que le roi fît faire des chapelles où l'on prierait Messire pour le
+salut des âmes de ceux qui sont morts à la guerre ou pour la défense
+du royaume[1114].
+
+[Note 1114: _Procès_, t. III, p. 112.]
+
+Cela était dans les voeux de toute âme pieuse. Quel chrétien au monde
+n'aurait pas tenu pour bonne et salutaire la pratique des obits?
+Aussi, sur ce point de dévotion, la Pucelle se rencontrait avec le duc
+Charles d'Orléans, qui, dans une de ses complaintes, recommande de
+faire chanter et dire des messes pour les âmes de ceux qui souffrirent
+dure mort au service du royaume[1115].
+
+[Note 1115: _Ibid._, t. III, p. 112.--_Poésies de Charles
+d'Orléans_, éd. A. Champollion-Figeac, p. 174.]
+
+Elle dit un jour au bon frère:
+
+--Il est dans mon fait de porter certain secours.
+
+Et Pasquerel, qui pourtant avait étudié la Bible, s'écria tout
+surpris:
+
+--On ne vit jamais rien de semblable à ce qui se voit en votre fait.
+On ne lit rien de tel en aucun livre.
+
+Jeanne lui répondit plus hardiment encore qu'aux clercs de Poitiers:
+
+--Messire a un livre dans lequel jamais n'a lu aucun clerc, tant
+soit-il parfait en cléricature[1116].
+
+[Note 1116: _Ibid._, t. III, pp. 108, 109.]
+
+Elle tenait sa mission de Dieu seul et lisait dans un livre fermé à
+tous les docteurs de l'Église. Sur l'avers de son étendard, que ses
+mendiants aspergeaient d'eau bénite, elle avait fait peindre une
+colombe portant dans son bec une banderole où se lisaient ces mots:
+«par le Roi du ciel[1117].» C'étaient là des armoiries qu'elle tenait
+de son Conseil et dont l'emblème et la devise semblaient lui convenir,
+puisqu'elle se disait envoyée de Dieu et qu'elle avait donné à Orléans
+le signe promis à Poitiers. Pourtant le roi lui changea cet écu contre
+des armes représentant une couronne soutenue par une épée entre deux
+fleurs de Lis et disant clairement le secours que la pucelle de Dieu
+apportait au royaume de France. Elle quitta, dit-on, à regret ses
+armes reçues par révélation[1118].
+
+[Note 1117: _Procès_, t. I, pp. 78, 117, 182.]
+
+[Note 1118: _Ibid._, t. I, p. 117, 300; t. V, p. 227.]
+
+Elle prophétisait et comme il arrive à tous les prophètes, elle
+n'annonçait pas toujours ce qui devait arriver. Ce fut le sort du
+prophète Jonas lui-même. Et les docteurs expliquent comment les
+prophéties des véritables prophètes peuvent ne pas toutes être vraies.
+
+Elle disait:
+
+--Avant que le jour de la Saint-Jean-Baptiste de l'an 29 arrive, il ne
+doit pas y avoir un Anglais si fort et si vaillant soit-il, qui se
+laisse voir par la France, soit en campagne, soit en bataille[1119].
+
+[Note 1119: Greffier de la Chambre des comptes de Brabant, dans
+_Procès_, t. IV, p. 426.--Morosini, t. III, pp. 33, 46, 62.]
+
+La nativité de saint Jean-Baptiste se célèbre le 24 juin.
+
+
+
+
+CHAPITRE XV
+
+LA PRISE DE JARGEAU.--LE PONT DE MEUNG.--BEAUGENCY.
+
+
+Le lundi 6 juin, le roi logea à Saint-Aignan, près
+Selles-en-Berry[1120]. Parmi les gentilshommes de sa compagnie se
+trouvaient les deux fils de cette dame Anne de Laval qui, dans son
+veuvage, avait eu le tort d'aimer un cadet sans terres. André, le plus
+jeune, venait d'essuyer, à vingt ans, une disgrâce commune à presque
+tous les seigneurs d'alors, et que le second mari de sa grand'mère,
+sire Bertrand Du Guesclin, avait lui-même plusieurs fois éprouvée.
+Fait prisonnier, dans le château de Laval, par sire John Talbot, il
+s'était beaucoup endetté pour fournir les seize mille écus d'or de sa
+rançon[1121].
+
+[Note 1120: Lettre de Gui et André de Laval aux dames de Laval,
+dans _Procès_, t. V, p. 106.--L. Jeny et Lanéry d'Arc, _Jeanne d'Arc
+en Berry_, Paris, 1892, in-8º, p. 54.]
+
+[Note 1121: Bertrand de Broussillon, _La maison de Laval_, t. III,
+p. 21.]
+
+Ayant grand besoin de gagner, les deux jeunes seigneurs offraient
+leurs services au roi qui les reçut fort bien, ne leur donna pas un
+écu, mais leur dit qu'il leur ferait voir la Pucelle; et comme il se
+rendait de Saint-Aignan à Selles avec eux, il manda la sainte[1122],
+qui aussitôt, armée de toutes pièces sauf la tête, la lance à la main,
+chevaucha à la rencontre du roi. Elle fit bonne chère aux deux jeunes
+seigneurs et retourna avec eux à Selles. Elle reçut l'aîné, le
+seigneur Guy, dans la maison qu'elle habitait, devant l'église, et fit
+venir le vin. Ainsi en usaient les princes entre eux. On servait des
+tasses de vin et les convives y trempaient des tranches de pain, qu'on
+appelait des soupes[1123]. En offrant le vin, la Pucelle dit au
+seigneur Guy:
+
+--Je vous en ferai bientôt boire à Paris.
+
+[Note 1122: Lettre de Gui et André de Laval, dans _Procès_, t. V,
+pp. 106 et suiv.]
+
+[Note 1123: N. Villiaumé, _Histoire de Jeanne d'Arc_, p. 88.]
+
+Elle lui apprit que trois jours auparavant, elle avait envoyé à la
+dame Jeanne de Laval un anneau d'or:
+
+--C'est bien petite chose, ajouta-t-elle avec grâce. Je lui aurais
+volontiers envoyé mieux, considéré sa recommandation[1124].
+
+[Note 1124: C'est-à-dire, considéré la réputation, l'estime où on la
+tenait. Comparez Froissart, cité dans La Curne, _Glossaire, ad. v._ «Six
+bourgeois de la ville de Calais et de plus grande recommandation.»]
+
+Ce même jour, à l'heure de vêpres, elle partit de Selles pour
+Romorantin, avec une compagnie nombreuse de gens d'armes et de gens
+des communes, commandée par le maréchal de Boussac. Elle était
+entourée de moines mendiants et un de ses frères l'accompagnait. Armée
+de blanc, et coiffée d'un chaperon, on lui amena son cheval à la porte
+de sa maison. C'était un grand coursier noir qui ne voulait pas se
+laisser monter et se défendait très fort. Elle le fit mener à la croix
+qui s'élevait devant l'église au bord du chemin, et là, se mit en
+selle. De quoi le seigneur Guy fut assez émerveillé, voyant que le
+coursier ne se mouvait pas plus que s'il eût été lié. Elle tourna la
+tête de son cheval vers le porche et cria d'une voix qui sonnait clair
+comme une voix de femme:
+
+--Vous, les prêtres et gens d'église, faites processions et prières à
+Dieu.
+
+Puis, gagnant la route:
+
+--Tirez avant, dit-elle, tirez avant!
+
+Elle tenait à la main une petite hache. Son page portait son étendard
+roulé[1125].
+
+[Note 1125: Lettre de Gui et d'André de Laval, dans _Procès_, t.
+V, pp. 106, 107.]
+
+On se réunit à Orléans. Le jeudi 9 au soir, Jeanne passa le pont
+qu'elle avait passé le 8 mai. Le samedi 11, l'armée partit pour
+Jargeau. Elle se composait des lances amenées par le duc d'Alençon, le
+comte de Vendôme, le Bâtard, le maréchal de Boussac, le capitaine La
+Hire, messire Florent d'Illiers, messire Jamet du Tillay, messire
+Thudal de Kermoisan de Bretagne, ainsi que des contingents fournis
+par les communes, en tout peut-être huit mille combattants, dont
+plusieurs portant guisarmes, haches, arbalètes et maillets de
+plomb[1126]. Le commandement en fut donné au jeune duc d'Alençon qui
+n'était pas bien sensé[1127]. Mais il se tenait à cheval, et c'était
+alors la seule science indispensable à un chef de guerre. Les
+habitants d'Orléans faisaient encore les frais de l'expédition. Ils
+donnèrent trois mille livres pour payer les gens d'armes, sept muids
+de blé pour les nourrir. Et, sur leur demande, le roi leur imposa une
+nouvelle taille de trois mille livres[1128]. Ils envoyèrent des
+ouvriers de tous corps de métiers, maçons, charpentiers, maréchaux, à
+leurs gages. Ils prêtèrent leur artillerie. Des couleuvrines, des
+canons, la Bergère et la grosse bombarde traînée à quatre chevaux,
+partirent sous la conduite des canonniers Megret et Jean
+Boillève[1129]. Ils fournirent des munitions et des engins, traits,
+échelles, pioches, pelles, pics, le tout poinçonné, car ils étaient
+gens d'ordre. Et c'est à la Pucelle qu'ils envoyèrent tout le matériel
+de siège. Ils ne connaissaient en cette affaire ni le duc d'Alençon,
+ni même le frère de leur seigneur, le noble Bâtard. Ils ne
+connaissaient que Jeanne, et c'est à Jeanne qu'ils dépêchèrent, sous
+la ville assiégée, deux des leurs, Jean Leclerc et François
+Joachim[1130]. Après les citoyens d'Orléans, ce fut le sire de Rais
+qui contribua le plus aux dépenses du siège de Jargeau[1131]. Ce
+malheureux seigneur dépensait sans compter, et de riches bourgeois
+gagnaient gros à lui prêter sur gages. Il devait bientôt se vouer au
+diable pour rétablir ses affaires.
+
+[Note 1126: _Mistère du siège_, vers 15761.--_Journal du siège_,
+p. 95.--_Chronique de la Pucelle_, p. 299.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 81.--Monstrelet, t. III, p. 338.]
+
+[Note 1127: A. Duveau, _Le jugement du duc d'Alençon_, dans _Bull.
+soc. archéol. du Vendômois_ (1874), XIII, pp. 132 et suiv.]
+
+[Note 1128: Loiseleur, _Compte des dépenses faites par Charles VII
+pour secourir Orléans_, p. 158.]
+
+[Note 1129: _Journal du siège_, p. 97.]
+
+[Note 1130: Extraits des livres de comptes, dans _Procès_, t. V,
+pp. 262, 263.--A. de Villaret, _Campagnes de Jeanne d'Arc sur la
+Loire_, pp. 77-80.--Loiseleur, _Compte des dépenses_, p. 149.]
+
+[Note 1131: Abbé Bossard, _Gille de Rais_, Paris, 1886, p.
+32.--Lea, _Histoire de l'Inquisition_, trad. Reinach, t. III, pp. 566
+et suiv.]
+
+La ville de Jargeau, qu'on allait reprendre à grandes forces, s'était
+rendue aux Anglais sans nulle résistance, le 5 octobre de la
+précédente année[1132]. Le pont conduisant de la ville sur la rive de
+Beauce était muni de deux châtelets[1133]. La ville elle-même,
+entourée de murs et de tours, n'était pas très forte, mais les Anglais
+l'avaient mise en état de défense. Avertis que les gens du roi de
+France la venaient assiéger, le comte de Suffolk et ses deux frères
+s'y jetèrent avec cinq cents chevaliers, écuyers et autres gens
+d'armes, et deux cents archers d'élite[1134]. Le duc d'Alençon prit
+les devants et chevaucha à la tête de six cents lances. La Pucelle se
+tenait en sa compagnie. La première nuit ils couchèrent dans les
+bois[1135]. Le lendemain, à la pointe du jour, monseigneur le Bâtard,
+messire Florent d'Illiers et plusieurs autres capitaines les
+rejoignirent. Ils avaient grande hâte d'atteindre Jargeau. Soudain on
+apprend que sir John Falstolf, venant de Paris avec deux mille
+combattants, amène des vivres et de l'artillerie à Jargeau, et qu'il
+approche[1136].
+
+[Note 1132: _Chronique de la Pucelle_, p. 258.]
+
+[Note 1133: Berry, dans _Procès_, t. IV, p. 45.]
+
+[Note 1134: _Journal du siège_, p. 96.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 299.--_Chronique de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 295.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, p. 82.--Berry, dans _Procès_, t. IV, p.
+44.--Monstrelet, t. IV, p. 325.]
+
+[Note 1135: _Procès_, t. III, p. 94.--Perceval de Cagny, pp. 150,
+151.]
+
+[Note 1136: _Journal du siège_, _Chronique de la Pucelle_, Berry,
+Jean Chartier, _loc. cit._--Wavrin du Forestel, _Anchiennes
+croniques_, t. I, p. 284.--Fauquembergue, dans _Procès_, t. IV, p.
+452.]
+
+C'était cette même armée qui avait tant inquiété Jeanne, le 4 mai,
+parce que ses saintes ne lui avaient pas dit où était Falstolf. Les
+capitaines tinrent conseil. Plusieurs jugeaient qu'il fallait renoncer
+au siège et aller à la rencontre de Falstolf. Quelques-uns décampèrent
+sans attendre davantage. Jeanne exhorta les gens d'armes à continuer
+leur marche sur Jargeau. Elle ne savait pas mieux que les autres où
+était pour lors cette armée de sir John Falstolf; ses raisons
+n'étaient point de ce monde.
+
+--Ne craignez quelque multitude que ce soit, dit-elle, et ne faites
+point difficulté de donner l'assaut aux Anglais, car Messire conduit
+cet ouvrage.
+
+Et elle dit encore:
+
+--Si je n'étais certaine que Messire conduit cet ouvrage, j'aimerais
+mieux garder les brebis que de m'exposer à de si grands dangers.
+
+Elle se faisait écouter du duc d'Alençon mieux qu'elle n'avait fait
+d'aucun des chefs de l'armée d'Orléans[1137]. On rappela ceux qui
+étaient partis et l'on poursuivit la marche sur Jargeau[1138].
+
+[Note 1137: Perceval de Cagny, p. 148 et _passim_.--_Chronique de
+la Pucelle_, p. 300.]
+
+[Note 1138: _Procès_, t. III, p. 95.]
+
+Les faubourgs de la ville étaient ouverts. Mais les gens du roi de
+France, quand ils s'en approchèrent, trouvèrent les Anglais qui,
+rangés en avant des masures, les contraignirent à reculer. Ce que
+voyant, la Pucelle prit son étendard et se jeta sur les ennemis en
+recommandant aux hommes d'armes d'avoir bon courage. Les gens du roi
+de France purent loger cette nuit-là dans les faubourg[1139]. Ils ne
+firent pour ainsi dire aucune garde et, de l'aveu du duc d'Alençon,
+ils étaient en grand danger, si les Anglais étaient sortis[1140]. La
+Pucelle avait raison plus qu'elle ne croyait. Tout dans son armée
+allait à la grâce de Dieu.
+
+[Note 1139: La nuit du vendredi 10 au samedi 11.]
+
+[Note 1140: _Procès_, t. III, p. 95.]
+
+Dès le lendemain matin les assiégeants firent avancer les machines et
+les bombardes. Les canons d'Orléans tirèrent sur la ville qui fut très
+endommagée. En trois coups la Bergère fit choir la plus grosse tour de
+l'enceinte[1141].
+
+[Note 1141: _Procès_, _ibid._--_Journal du siège_, p. 97.]
+
+Les gens des communes arrivèrent devant Jargeau le samedi 11. Aussitôt
+sans demander conseil, ils coururent aux fossés et donnèrent l'assaut.
+Ils y allèrent de trop bon coeur, s'y prirent mal, ne furent pas aidés
+par les gens d'armes et revinrent en mauvais état[1142].
+
+[Note 1142: Perceval de Cagny, p. 150.]
+
+Dans la nuit du samedi, la Pucelle, qui avait coutume de sommer
+l'ennemi avant de le combattre, s'approcha du fossé et cria aux
+Anglais:
+
+--Rendez la place au Roi du ciel et au roi Charles, et vous en allez.
+Autrement il vous mescherra[1143].
+
+[Note 1143: _Ibid._, p. 150.]
+
+Les Anglais ne tinrent nul compte de cette sommation. Pourtant ils
+avaient grande envie d'entrer en accommodement. Le comte de Suffolk alla
+trouver monseigneur le Bâtard et lui dit de ne point donner l'assaut, et
+que la ville lui serait rendue. Les Anglais demandaient un délai de
+quinze jours, après quoi ils s'engageaient à se retirer sur l'heure, eux
+et leurs chevaux, à la condition, sans doute, de n'être pas secourus à
+cette date[1144]. Ces capitulations conditionnelles étaient fréquentes
+dans les deux partis. Le sire de Baudricourt en avait signé une
+semblable à Vaucouleurs quand Jeanne y vint[1145]. Dans ce cas, c'eût
+été une duperie de consentir à la demande du noble comte au moment où
+sir John Falstolf arrivait avec des vivres et des canons[1146]. Que le
+Bâtard donnât dans le panneau, on l'a dit; mais ce n'est pas croyable.
+Il était bien trop avisé pour cela. Toutefois, le lendemain dimanche,
+douzième du mois, le duc d'Alençon et les seigneurs, tenant conseil sur
+ce qu'il y avait à faire pour prendre la ville, apprirent que le
+capitaine La Hire conférait avec le comte de Suffolk. Ils en furent très
+mécontents[1147]. Le capitaine La Hire, qui ne pouvait traiter en son
+propre nom, puisqu'il n'était pas chef de l'armée, avait sans doute les
+pouvoirs de monseigneur le Bâtard. Celui-ci commandait pour le duc,
+prisonnier des Anglais, tandis que le duc d'Alençon commandait pour le
+roi, et l'on conçoit qu'il y eût conflit.
+
+[Note 1144: _Procès_, t. I, pp. 79, 95.]
+
+[Note 1145: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CLXVIII.]
+
+[Note 1146: _Journal du siège_, _Chronique de la Pucelle_, J.
+Chartier. Monstrelet, _loc. cit._]
+
+[Note 1147: _Procès_, t. III, p. 95.]
+
+La Pucelle, toujours disposée à recevoir les ennemis à merci et
+toujours prête à combattre, disait:
+
+--Qu'ils s'en aillent de Jargeau en leurs petites cottes, la vie
+sauve, s'ils veulent! Sinon ils seront pris d'assaut[1148].
+
+[Note 1148: _Ibid._, t. I, pp. 79-80, 234.]
+
+Le duc d'Alençon, sans seulement s'enquérir des clauses de la
+capitulation, fit rappeler le capitaine La Hire.
+
+Il vint et aussitôt on apporta les échelles. Les hérauts sonnèrent la
+trompette et crièrent: «À l'assaut!»
+
+La Pucelle déploya son étendard et, toute armée, la tête recouverte
+d'un de ces casques légers qu'on nommait chapelines[1149], elle
+descendit dans le fossé avec les gens du roi et les gens des communes,
+sous les traits des arbalètes et les pierres des canons; elle se
+tenait au coté du duc d'Alençon, lui disant:
+
+[Note 1149: _Procès_, t. III, p. 97.--Perceval de Cagny, pp.
+150-151.]
+
+--En avant! gentil duc, à l'assaut!
+
+Le duc, qui n'avait pas le coeur aussi ferme qu'elle, trouvait qu'elle
+allait peut-être un peu vite en besogne. Il le lui laissa entendre.
+
+Alors elle l'encouragea:
+
+--Ne craignez point. L'heure est favorable quand il plaît à Dieu, et
+il est à propos d'ouvrer quand Dieu le veut. Ouvrez et Dieu ouvrera.
+
+Et le voyant mal assuré en cet assaut, elle lui rappela la promesse
+qu'elle avait faite naguère à son sujet dans l'abbaye de
+Saint-Florent-lès-Saumur.
+
+--Oh! gentil duc, avez-vous peur? Ne savez-vous pas que j'ai promis à
+votre femme de vous ramener sain et sauf[1150]?
+
+[Note 1150: _Ibid._, t. III, pp. 95-96.]
+
+Au vif de l'attaque, elle observa sur la muraille une de ces bombardes
+très longues et minces, qui se chargeaient par la culasse et qu'on
+appelait veuglaires. Voyant que ce veuglaire crachait des pierres à
+l'endroit même où elle se trouvait avec le beau cousin du roi, elle
+sentit le danger, mais ne le sentit point pour elle.
+
+--Éloignez-vous, dit-elle vivement. Cette machine va vous tuer.
+
+Le duc ne s'était pas écarté de trois toises, qu'un gentilhomme
+d'Anjou, le sire Du Lude, ayant pris la place quittée, fut tué par une
+pierre du veuglaire[1151]. Le duc d'Alençon admira cette prophétie.
+Sans doute la Pucelle était venue pour le sauver, et elle n'était pas
+venue pour sauver le sire Du Lude. Les anges du Seigneur viennent pour
+le salut des uns et la perte des autres. Comme les gens du roi de
+France touchaient au mur, le comte de Suffolk fit crier qu'il voulait
+parler au duc d'Alençon. Il ne fut pas écouté et l'assaut
+continua[1152].
+
+[Note 1151: _Procès_, t. III, pp. 96, 97.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 301.--_Journal du siège_, p. 97.]
+
+[Note 1152: _Procès_, t. III, p. 97.]
+
+Il y avait quatre heures qu'on s'efforçait[1153], quand Jeanne, son
+étendard à la main, monta sur une échelle appuyée à la douve. Une
+pierre lancée sur sa chapeline l'abattit avec ses panonceaux. On la
+croyait écrasée, mais elle se releva vivement et cria aux hommes
+d'armes:
+
+--Amis, amis, sus, sus! Messire a condamné les Anglais. À cette heure,
+ils sont nôtres. Ayez bon coeur[1154].
+
+[Note 1153: _Journal du siège_, p. 100.]
+
+[Note 1154: _Procès_, t. III, p. 97.--_Journal du siège_, p.
+98.--_Chronique de la Pucelle_, pp. 301-302.--Perceval de Cagny, pp.
+150-151.]
+
+Le mur fut escaladé et les gens du roi de France se répandirent dans
+la ville. Les Anglais s'enfuirent vers la Beauce, et les Français se
+lancèrent à leur poursuite. Guillaume Regnault, écuyer d'Auvergne,
+atteignit sur le pont le comte de Suffolk et le prit.
+
+--Êtes-vous gentilhomme? demanda Suffolk.
+
+--Oui.
+
+--Êtes-vous chevalier?
+
+--Non.
+
+Le comte de Suffolk le fit chevalier et se rendit à lui[1155].
+
+[Note 1155: _Journal du siège_, p. 99.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 302.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 82.--Berry, dans
+_Procès_, t. IV, p. 65.]
+
+Bientôt le bruit courut que le comte de Suffolk s'était rendu à la
+Pucelle à genoux[1156]. On publia même qu'il avait demandé à se rendre
+à elle comme à la plus vaillante dame qui fût au monde[1157]. Mais il
+est croyable qu'il se serait rendu au dernier valet de l'armée plutôt
+qu'à une femme qu'il tenait pour endiablée sorcière.
+
+[Note 1156: Fragment d'une lettre sur des prodiges advenus en
+Poitou, dans _Procès_, t. V, p. 122.]
+
+[Note 1157: _Relation du greffier de La Rochelle_, p.
+340.--Morosini, t. III, p. 70.--_Procès_, t. V, pp. 121-122.]
+
+John Pole, frère de Suffolk, fut pris aussi sur le pont. Un troisième
+frère du duc, Alexander Pole, fut tué au même endroit ou se noya dans
+la Loire[1158]. La garnison se rendit à merci. Il en fut cette fois
+comme d'ordinaire. On ne se faisait pas grand mal pendant la
+bataille; ensuite, les vainqueurs se rattrapaient. Cinq cents Anglais
+furent massacrés; seuls leurs gentilshommes furent reçus à rançon. Et
+les Français se prirent de querelle à leur sujet. Les seigneurs les
+gardaient tous pour eux; les gens des communes en réclamaient leur
+part, et, ne l'obtenant point, se mirent à tout assommer. Ce que les
+nobles purent sauver fut conduit par eau, de nuit, à Orléans. La ville
+fut entièrement saccagée; la vieille église, qui avait servi de
+magasin aux Godons, toute pillée[1159].
+
+[Note 1158: _Procès_, t. III, p. 72.--Perceval de Cagny, p.
+151.--_Journal du siège_, p. 99.--Monstrelet, t. IV, p.
+328.--Morosini, t. III, pp. 128, 129.]
+
+[Note 1159: _Journal du siège_, p. 99.]
+
+Tant tués que blessés, les Français n'avaient pas perdu vingt
+hommes[1160].
+
+[Note 1160: Perceval de Cagny, p. 151.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 302.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I. pp. 82, 83.--Berry, dans
+_Procès_, t. IV, p. 65.]
+
+Sans désemparer la Pucelle, avec la chevalerie, retourna à Orléans. À
+l'occasion de la prise de Jargeau, les procureurs ordonnèrent une
+procession publique. Un beau sermon fut fait par frère Robert
+Baignart, Jacobin[1161].
+
+[Note 1161: Comptes de la ville d'Orléans, à la suite du _Journal
+du siège_, édit. Charpentier et Cuissard, p. 229.--Le R. P. Chapotin,
+_La guerre de cent ans_, _Jeanne d'Arc et les Dominicains_, Paris,
+1889, in-8º, p. 82.]
+
+Les habitants d'Orléans firent présent au duc d'Alençon de six
+tonneaux de vin; à la Pucelle de quatre; au comte de Vendôme de
+deux[1162].
+
+[Note 1162: A. de Villaret, _Campagne des Anglais..._, pièces
+justificatives, p. 51.]
+
+En considération des bons et agréables services que la sainte fille
+avait rendus, les conseillers du duc Charles, prisonnier des Anglais,
+lui donnèrent une huque verte et une robe de drap cramoisi de Flandre
+ou fine Bruxelles vermeille. Jean Luillier, qui fournit l'étoffe,
+demanda: pour deux aunes de fine Bruxelles, à quatre écus l'aune, huit
+écus; pour la doublure de la robe, deux écus; pour une aune de vert
+perdu deux écus, ce qui faisait douze écus d'or[1163]. Jean Luillier
+était un jeune marchand drapier qui aimait grandement la Pucelle et la
+regardait comme un ange de Dieu. Il avait bon coeur: mais la peur des
+Anglais lui donnait la berlue et il en voyait plus qu'il n'y en
+avait[1164]. Un de ses parents faisait partie du conseil élu en 1429.
+Il devait lui-même être nommé procureur un peu plus tard[1165].
+
+[Note 1163: _Procès_, t. V, pp. 112-113.]
+
+[Note 1164: _Ibid._, t. III, p. 23.]
+
+[Note 1165: _Ibid._, t. V, p. 306.]
+
+Jean Bourgeois, tailleur, demanda, tant pour la façon de la robe et de
+la huque que pour fourniture de satin blanc, sandal et autres étoffes,
+un écu d'or[1166].
+
+[Note 1166: _Ibid._, t. V, pp. 112, 114.]
+
+Précédemment la ville avait donné à la Pucelle pour faire les «orties»
+de ses robes une demi-aune de deux verts, valant trente-cinq sols
+parisis[1167]. Les orties étaient la devise du duc d'Orléans; le vert
+et le vermeil ou cramoisi, ses couleurs[1168]. Ce vert ne gardait pas
+sa claire nuance première; il allait s'assombrissant avec la fortune
+de la maison. On avait vu le vert gai, puis le vert brun, et enfin le
+vert perdu, qui tirait sur le noir et signifiait deuil et
+douleur[1169]. On donna à la Pucelle le vert perdu. Elle portait la
+livrée d'Orléans, ainsi que les officiers du duché et les miliciens de
+la ville, et de la sorte, on faisait d'elle un merveilleux héraut
+d'armes et comme un ange héraldique.
+
+[Note 1167: Comptes de forteresse, dans _Procès_, t. V, p. 259.]
+
+[Note 1168: _Procès_, t. V, pp. 106, 259.--_Catalogue des Arch.
+de Joursanvault_, t. I, p. 129, n{os} 603, 607, 619, 645,
+772.--Dambreville, _Abrégé de l'histoire des ordres de chevalerie_, p.
+167.--P. Mantelier, _Histoire du siège_, p. 92.]
+
+[Note 1169: Vert perdu, feuille morte, dans La Curne.]
+
+La huque de vert perdu et la robe brodée d'orties, elle dut les porter
+volontiers et de bon coeur pour l'amour du duc Charles à qui les
+Anglais avaient fait si grand déplaisir. Venue pour défendre
+l'héritage du prince prisonnier, elle disait que, de par Jésus, le bon
+duc d'Orléans était à sa charge, et comptait bien le délivrer. Son
+dessein était de sommer tout d'abord les Anglais de le rendre et,
+s'ils n'y consentaient point, de passer la mer et de l'aller chercher
+avec une armée en Angleterre. Au cas où ce moyen lui manquerait, elle
+en avait imaginé un autre, avec le congé de ses saintes. Elle aurait
+demandé à son roi qu'il la laissât faire des prisonniers, comptant en
+faire assez pour les échanger contre le duc Charles. Mesdames sainte
+Catherine et sainte Marguerite lui avaient promis que, de cette
+manière, elle le délivrerait dans un terme plus bref que celui de
+trois ans et plus long que le terme d'une année[1170]. Rêves pieux
+d'une enfant endormie au son des cloches villageoises! Trouvant juste
+de travailler et de souffrir pour ôter les princes de peine et
+d'ennui, elle disait, en bonne servante:
+
+--Je sais bien que Dieu aime mieux mon roi et le duc d'Orléans que
+moi, en ce qui regarde l'aise du corps, et je le sais par révélation.
+
+[Note 1170: _Procès_, t. I, pp. 133, 254.]
+
+Et parlant du duc prisonnier, elle disait aussi:
+
+--Mes Voix m'ont fait beaucoup de révélations sur lui; elles m'en ont
+fait sur le duc Charles plus que sur homme vivant, excepté mon
+roi[1171].
+
+[Note 1171: _Ibid._, t. I, p. 55.]
+
+Dans le fait, madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite lui
+avaient seulement conté les malheurs tant connus du prince. Le fils de
+Valentine de Milan et la fille d'Isabelle Romée étaient séparés par un
+abîme plus large et plus profond que l'océan qui s'étendait entre eux.
+Ils vivaient aux deux bouts du monde des âmes; et toutes les saintes
+du paradis n'eussent pas réussi à les expliquer l'un à l'autre.
+
+C'était pourtant un bon prince que le duc Charles, un prince
+débonnaire, bienveillant et pitoyable. Plus qu'aucun autre il
+possédait le don de plaire: il charmait par sa grâce, encore que de
+pauvre mine et de faible complexion. Sa nature s'accordait si mal
+avec sa destinée, qu'on peut dire qu'il endurait sa vie et ne la
+vivait pas. Son père assassiné la nuit, rue Barbette, à Paris, par
+l'ordre du duc Jean; sa mère morte de douleur et de colère, parmi les
+cordelières, la chantepleure, les deux S de Soupirs et Souci, emblèmes
+et devises de son deuil, qui révélaient l'élégance d'un esprit
+ingénieux jusque dans le désespoir; les Armagnacs, les Bourguignons,
+les Cabochiens s'entre-égorgeant autour de lui, voilà ce qu'il avait
+vu presque enfant encore. Puis il avait été blessé et pris à la
+bataille d'Azincourt.
+
+Et depuis quatorze ans, mené de châteaux en châteaux, d'un bout à
+l'autre de l'île brumeuse, enfermé dans des murs épais, étroitement
+gardé, recevant deux ou trois Français à longs intervalles et n'en
+pouvant entretenir aucun sans témoins, il se sentait vieux avant
+l'âge, flétri par le malheur. Il disait: «Fruit abattu vert encore, je
+fus mis à mûrir sur la paille de la prison. Je suis un fruit d'hiver».
+Captif, il souffrait sans espoir, sachant que le roi Henri V, en
+mourant, avait recommandé à son frère de ne le rendre à aucun
+prix[1172].
+
+[Note 1172: A. Champollion-Figeac, _Louis et Charles, ducs
+d'Orléans, leur influence sur les arts, la littérature et l'esprit de
+leur siècle_, Paris, 1844, 1 vol. in-8º et atlas, pp. 300-337.]
+
+Doux à autrui, doux à lui-même, il se réfugiait dans sa propre pensée,
+qui était aussi riante et claire que sa vie était triste et sombre. Au
+fond des durs châteaux de Windsor et de Bolingbroke, à la tour de
+Londres, aux côtés de ses geôliers, il vivait et respirait dans le
+monde ingénieux du Roman de la Rose. Vénus, Cupidon, Espoir,
+Bon-Accueil, Plaisance, Pitié, Danger, Tristesse, Soin, Mélancolie,
+Doux-Regard entouraient le pupitre, sur lequel, dans l'embrasure
+profonde d'une fenêtre, sans un rayon de soleil, il écrivait ses
+ballades fraîches et fines comme des enluminures. Ce qui vraiment
+existait pour lui c'était l'allégorie. Il errait dans la forêt de
+Longue-Attente; il s'embarquait dans la nef de Bonne-Nouvelle. Il
+était poète et chantait sa dame Beauté avec courtoisie. À lire ses
+vers, on eût dit qu'il n'était captif que du seigneur Amour[1173].
+
+[Note 1173: _Les poésies de Chartes d'Orléans_, éd. A.
+Champollion-Figeac, Paris, 1842, in-8º.--Pierre Champion, _Le
+manuscrit autographe des poésies de Charles d'Orléans_, Paris, 1907,
+in-8º.]
+
+Dans l'ignorance où on le laissait des affaires de son duché, si
+quelque soin l'occupait encore, c'était de recueillir les livres du
+roi Charles V, volés par le duc de Bedfort et vendus aux marchands de
+Londres, ou d'ordonner qu'on enlevât de Blois, à l'approche des
+Anglais, ses belles tapisseries, avec la librairie de son père, et de
+les faire porter à Saumur. Ce qu'il aimait le plus au monde, après
+Beauté, c'était les riches tentures et les manuscrits ornés de
+miniatures délicates[1174]. Ce qu'il regrettait, c'était le beau
+soleil de France, le beau mois de mai, les danses et les dames. Il
+était guéri de prouesse et de chevalerie.
+
+[Note 1174: Le Roux de Lincy, _La bibliothèque de Charles
+d'Orléans à son château de Blois, en 1427_, Paris, 1843, in-8º.--Comte
+de Laborde, _Les ducs de Bourgogne, études sur les lettres, les arts
+et l'industrie pendant le XVe siècle_, Paris, 1852, t. III, pp. 235 et
+suiv.--_Inventaires et documents relatifs aux joyaux et tapisseries
+des princes d'Orléans-Valois_, Paris, in-8º.]
+
+On a voulu croire que, lorsque vint la Pucelle, il reçut des nouvelles
+de son duché; on a même supposé qu'un fidèle domestique lui fit tenir
+la chronique des événements heureux de mai et de juin 1428[1175]. Mais
+rien n'est moins certain. Il est probable au contraire, que les
+Anglais ne laissèrent parvenir à lui aucun message et qu'il ignorait
+tout ce qui se passait dans les deux royaumes[1176].
+
+[Note 1175: _Chronique de la Pucelle_, Introduction, par Vallet de
+Viriville, pp. 8, 19 et suiv.]
+
+[Note 1176: Cela est certain pour l'année 1433 (_Poésies complètes
+de Charles d'Orléans_, éd. Charles d'Héricault, Paris, 1874, 2 vol.
+in-8º, introduction).]
+
+Et il n'était peut-être pas aussi curieux qu'on pourrait le croire des
+nouvelles de la guerre. Il n'espérait rien des gens d'armes, et ne
+comptait point sur ses beaux cousins de France pour le délivrer par
+faits d'armes et batailles. Il savait trop bien comment ils s'y
+prenaient. C'était de la paix qu'il attendait, pour son peuple et pour
+lui, la délivrance. Il pensait que, puisque les pères étaient morts,
+les fils pouvaient oublier et pardonner. Il gardait bon espoir en son
+cousin de Bourgogne et il n'avait pas tort, car enfin la fortune des
+Anglais en France dépendait du duc Philippe. Il était résigné, ou, du
+moins, il devait un peu plus tard se résigner à reconnaître la
+suzeraineté du roi d'Angleterre. Il faut moins considérer la faiblesse
+des hommes que la force des choses. Et le prisonnier ne croyait jamais
+trop faire pour obtenir la paix, «vrai trésor de joie»[1177].
+
+[Note 1177: _Poésies de Charles d'Orléans_, éd. A.
+Champollion-Figeac, pp. 175-176.]
+
+Non, en dépit de ses révélations, Jeanne ne se faisait pas un portrait
+au vrai de son beau duc. Ils ne devaient jamais se voir; mais s'ils
+avaient pu se rencontrer, ils se seraient bien mal entendus et
+seraient demeurés impénétrables l'un à l'autre. La pensée rustique et
+franche de Jeanne ne pouvait s'accorder avec la pensée d'un si haut
+seigneur et d'un poète si courtois. Ils ne pouvaient s'entendre parce
+qu'elle était simple et qu'il était subtil, parce qu'elle était
+prophétesse et qu'il était nourri de gai savoir et de bonnes lettres,
+parce qu'elle croyait et qu'il était comme ne croyant pas, parce
+qu'elle était une fille des communes, et une sainte rapportant toute
+souveraineté à Dieu, et qu'il concevait le droit selon les coutumes
+féodales, usages, alliances et traités[1178]; parce qu'ils ne se
+faisaient pas tous deux la même idée du monde et de la vie. Le bon duc
+n'aurait vu goutte au fait de la Pucelle envoyée par Messire pour
+recouvrer son duché, et Jeanne n'aurait jamais pu s'expliquer les
+façons du duc Charles envers ses cousins d'Angleterre et de
+Bourgogne. Il valait mieux qu'ils ne se vissent jamais.
+
+[Note 1178: Toute paix était pour lui une bonne paix; même celle
+de 1420, celle du traité de Troyes (Pierre Champion, _Le manuscrit
+autographe des poésies de Charles d'Orléans_, Paris, 1907, in-8º, p.
+32).]
+
+Depuis la prise de Jargeau, la Loire était libre en amont. Pour que la
+ville d'Orléans fût en sûreté, il fallait aussi dégager le fleuve en
+aval, où les Anglais tenaient encore Meung, Beaugency et La Charité.
+Le mardi quatorzième de juin, à l'heure des vêpres, l'armée prit les
+champs[1179].
+
+[Note 1179: Perceval de Cagny, p. 152: «Je veux demain, après
+dîner, aller voir ceux de Meung.» Le tour de langage qui est attribué
+à Jeanne, dans cette chronique, appartient en propre au clerc qui la
+rédigea.]
+
+On passa par la Sologne et l'on fut, le soir même, devant le pont de
+Meung, établi en amont de la ville et séparé des murs par une large
+prairie. Comme la plupart des ponts, il était défendu à chaque bout
+par un châtelet, et les Anglais l'avaient muni d'un boulevard de
+terre, ainsi qu'ils avaient fait aux Tourelles d'Orléans[1180].
+Pourtant ils le gardèrent mal et les gens du roi de France en
+forcèrent aisément le passage avant la nuit. Ils y laissèrent garnison
+et allèrent gîter en Beauce, presque sous la ville. Le jeune duc
+d'Alençon se logea dans une église avec quelques hommes d'armes, sans
+se garder, selon sa coutume. Il y fut surpris et en grand péril[1181].
+
+[Note 1180: _Procès_, t. III, pp. 71, 97, 110.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 305.--_Journal du siège_, p. 101.--Berry, dans _Procès_,
+t. IV, p. 44.--Walter Bower, _Scotichronicon_, dans _Procès_, t. IV,
+p. 479.--Eberhard Windecke, p. 176.]
+
+[Note 1181: _Procès_, t. III, p. 97.]
+
+La garnison, peu nombreuse, était commandée par lord Scales et par le
+jeune fils de Warwick. Le lendemain, de bonne heure, les gens du roi,
+passant à une portée de canon de la ville de Meung, s'en furent droit
+à Beaugency où ils arrivèrent dans la matinée[1182].
+
+[Note 1182: _Procès_, t. III, pp. 97, 98.]
+
+La vieille petite ville, assise sur le penchant d'une colline et
+ceinte de vignes, de jardins, de champs de blé, penchait devant eux
+vers la verte vallée du Ru, et dressait à leur vue sa tour carrée, de
+mine assez fière, bien qu'accoutumée à se laisser prendre. Les
+faubourgs n'étaient pas fortifiés; mais les Français, quand ils y
+pénétrèrent, furent criblés de carreaux, de flèches et de viretons par
+les archers embusqués dans les maisons et les masures. Il y eut, d'un
+parti et de l'autre, morts et blessés. Finalement les Anglais se
+retirèrent dans le château et dans les bastilles du pont[1183].
+
+[Note 1183: _Journal du siège_, p. 101.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 304.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 83.]
+
+Le duc d'Alençon mit des gardes devant le château, pour surveiller les
+Anglais. À ce moment, il vit venir à lui deux seigneurs bretons, les
+sires de Rostrenen et de Kermoisan, qui lui dirent:
+
+--Le connétable demande logis à ceux du siège[1184].
+
+[Note 1184: _Procès_, t. III, pp. 97, 98.--Gruel, _Chronique de
+Richemont_, p. 70.]
+
+Arthur de Bretagne, sire de Richemont, connétable de France, ayant
+guerroyé tout l'hiver en Poitou contre les gens du sire de La
+Trémouille, venait, malgré la défense du roi, se joindre aux gens du
+roi[1185]. Il avait passé la Loire à Amboise et arrivait devant
+Beaugency avec six cents gens d'armes et quatre cents hommes de
+trait[1186]. Sa venue mit les capitaines dans l'embarras. Il y en
+avait qui le tenaient pour homme de grand vouloir et courage. Mais
+beaucoup vivaient du sire de La Trémouille, entre autres le pauvre
+écuyer Jean d'Aulon. Le duc d'Alençon voulait se retirer, alléguant
+l'ordre du roi de ne pas recevoir en sa société le connétable.
+
+[Note 1185: E. Cosneau, _Le connétable de Richemont_, pp. 93 et
+suiv.]
+
+[Note 1186: _Procès_, t. III, pp. 315, 316.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 84.--_Journal du siège_, pp. 101, 102.--Perceval
+de Cagny, p. 153.]
+
+--Si le connétable vient, je m'en irai, dit-il à Jeanne.
+
+Et il fit réponse aux deux gentilshommes bretons, qu'au cas où le
+connétable viendrait prendre logis, la Pucelle et ceux du siège le
+combattraient[1187].
+
+[Note 1187: _Procès_, t. III, p. 98.--E. Cosneau, _Le connétable
+de Richemont_, p. 168.]
+
+Il y était si décidé qu'il monta à cheval, pour courir sus aux
+Bretons. La Pucelle s'apprêtait à le suivre, par révérence pour lui et
+le roi. Mais plusieurs capitaines, jugeant que ce n'était pas l'heure
+de coucher la lance contre le connétable de France, retinrent le duc
+d'Alençon[1188].
+
+[Note 1188: Gruel, _Chronique de Richemont_, pp. 70 et suiv.]
+
+Le lendemain, une vive alerte agita le camp. Les hérauts criaient: «À
+l'arme!» On apprit que les Anglais venaient en grand nombre. Le jeune
+duc voulait encore se retirer plutôt que d'accueillir le connétable.
+Jeanne, cette fois, l'en dissuada:
+
+--Il faut s'entr'aider, lui dit-elle[1189].
+
+[Note 1189: _Procès_, t. III, p. 98.]
+
+Il écouta ce conseil et alla, suivi d'elle, de monseigneur le Bâtard,
+et des sires de Laval, au devant du connétable. Près de la maladrerie
+de Beaugency, ils rencontrèrent une belle chevauchée. À leur approche,
+un petit homme noir, renfrogné, lippu, descendit de cheval. C'était
+Arthur de Bretagne. La Pucelle le vint embrasser par les jambes, comme
+elle avait coutume de faire aux grands de la terre et du ciel, qu'elle
+fréquentait[1190]. Ainsi en usait tout seigneur quand il rencontrait
+plus noble que lui[1191].
+
+[Note 1190: Gruel, _Chronique de Richemont_, p. 71.--E. Cosneau,
+_Le connétable de Richemont_, p. 169.]
+
+[Note 1191: «Lors le saluèrent et le vindrent accoller par les
+jambes». J. de Bueil, _Le Jouvencel_, t. I, p. 191.]
+
+Le connétable lui parla en bon catholique, dévot à Dieu et à l'Église:
+
+--Jeanne, on m'a dit que vous me vouliez combattre. Je ne sais si vous
+êtes de par Dieu, ou non. Si vous êtes de par Dieu, je ne vous crains
+de rien. Car Dieu fait mon bon vouloir. Si vous êtes de par le diable,
+je vous crains encore moins[1192].
+
+[Note 1192: Gruel, _Chronique de Richemont_, pp. 71-72.--J'ai
+suivi Gruel, peu sûr d'ordinaire, mais très vraisemblable en cet
+endroit et qui, du moins, ne nous jette pas en pleine hagiographie.]
+
+Il avait le droit de parler de la sorte, s'efforçant de ne jamais
+donner au diable puissance sur lui. Il montrait à Dieu son bon vouloir
+en recherchant les sorciers et les sorcières plus curieusement que ne
+faisaient les évêques et les inquisiteurs du mal hérétique. Il en fit
+brûler en France, en Poitou et en Bretagne, plus qu'homme
+vivant[1193].
+
+[Note 1193: Gruel, _Chronique de Richemont_, p. 228.]
+
+Le duc d'Alençon n'osa ni le renvoyer ni lui accorder le logis pour la
+nuit. Les nouveaux venus, selon la coutume, devaient le guet. Le
+connétable, avec sa compagnie, fit le guet cette nuit devant le
+château[1194].
+
+[Note 1194: _Ibid._, p. 72.--E. Cosneau, _Le connétable de
+Richemont_, p. 170.]
+
+Le jeune duc d'Alençon chevauchait, sans plus. Ici encore les vrais
+faiseurs de la guerre et pourvoyeurs du siège étaient les bourgeois
+d'Orléans. Les procureurs de la ville avaient fait conduire par eau, à
+Meung et à Beaugency, les engins nécessaires, échelles, pics, pioches,
+et ces grands pavas dont les assiégeants se couvraient comme la tortue
+de son écaille. Ils avaient envoyé leurs canons et leurs bombardes. Le
+joyeux canonnier maître Jean de Montesclère était là[1195]. Ils
+faisaient parvenir aux gens du roi des vivres qu'ils adressaient
+expressément à la Pucelle. Le procureur Jean Boillève vint apporter
+dans un chaland des pains et du vin[1196]. Toute la journée du
+vendredi 17, les bombardes et les canons jetèrent des pierres sur les
+assiégés. L'attaque se poursuivait en même temps du côté de la vallée
+et, par le moyen des chalands, du côté de la rivière. Ce 17 juin, à
+minuit, sir Richard Guethin, bailli d'Évreux, qui commandait la
+garnison, offrit de capituler. Il fut accordé que les Anglais
+rendraient le château et le pont et qu'ils s'en iraient le lendemain,
+emmenant chevaux et harnais avec chacun son bien valant au plus un
+marc d'argent. Ils étaient requis en outre de jurer ne point reprendre
+les armes avant dix jours. À ces conditions, le lendemain, au soleil
+levant, ils passèrent, au nombre de cinq cents, sur le pont levis et
+se retirèrent à Meung dont le château, mais non le pont, était resté
+aux Anglais[1197]. Prudemment, le connétable envoya quelques hommes
+renforcer la garnison du pont de Meung[1198]. Sir Richard Guethin et
+le capitaine Math Gouth furent retenus comme otages[1199].
+
+[Note 1195: _Journal du siège_, p. 97.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 301.]
+
+[Note 1196: A. de Villaret, _Campagne des Anglais_, pp. 87-88 et
+pièces justificatives, pp. 153, 158.]
+
+[Note 1197: _Chronique de la Pucelle_, p. 305.--_Journal du
+siège_, p. 102.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 84.--Wavrin du
+Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, pp. 279, 282.--Monstrelet, t.
+III, pp. 325 et suiv.]
+
+[Note 1198: Gruel, _Chronique de Richemont_, p. 72.]
+
+[Note 1199: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+279.]
+
+La garnison de Beaugency s'était trop pressée de se rendre. À peine
+était-elle partie, qu'un homme d'armes de la compagnie du capitaine
+La Hire vint dire au duc d'Alençon:
+
+--Les Anglais marchent sur nous. Nous allons les avoir en face. Ils
+sont bien là-bas mille hommes d'armes.
+
+Jeanne, l'entendant parler sans saisir ses paroles, demanda:
+
+--Que dit cet homme d'armes?
+
+Et quand elle le sut, se tournant vers Arthur de Bretagne, qui était
+près d'elle:
+
+--Ah! beau connétable, vous n'êtes pas venu de par moi; mais puisque
+vous êtes venu, vous serez le bien venu[1200].
+
+[Note 1200: _Procès_, t. III, p. 98.]
+
+Ce que les Français avaient devant eux, c'était sir John Talbot et sir
+John Falstolf avec toute l'armée anglaise.
+
+
+
+
+CHAPITRE XVI
+
+LA BATAILLE DE PATAY.--L'OPINION DES CLERCS D'ITALIE ET
+D'ALLEMAGNE.--L'ARMÉE DE GIEN.
+
+
+Sir John Falstolf, ayant quitté Paris le 9 juin, s'achemina par la
+Beauce, avec cinq mille combattants. Il amenait abondance de vivres et
+de traits aux Anglais de Jargeau. Apprenant en route que la ville
+s'était rendue, il laissa ses bagages à Étampes et se porta sur
+Janville où sir John Talbot vint le rejoindre avec quarante lances et
+deux cents archers[1201].
+
+[Note 1201: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, éd.
+Dupont, t. I, p. 281.--Berry, dans _Procès_, t. IV, p. 44.--Jean
+Chartier, _Chronique_; t. I, p. 85.--_Journal du siège_, pp.
+102-103.--_Chronique de la Pucelle_, p. 306.--Gruel, _Chronique de
+Richemont_, p. 72.--Fauquembergue, dans _Procès_, t. IV, p.
+452.--Morosini, t. III, pp. 71-73.]
+
+Là, ils furent instruits que les Français avaient pris le pont de
+Meung et mis le siège devant Beaugency. Sir John Talbot voulait
+marcher au secours de ceux de Beaugency et les délivrer, avec l'aide
+de Dieu et de monseigneur saint Georges. Sir John Falstolf était
+d'avis d'abandonner sir Richard Guethin et la garnison à leur sort,
+et de ne point combattre pour l'heure. Voyant les siens craintifs et
+les Français envigourés, il estimait que les Anglais n'avaient rien de
+mieux à faire que d'attendre dans les villes, châteaux et forteresses
+qui leur restaient, les renforts promis par le Régent.
+
+--Nous ne sommes qu'une poignée de gens au regard des Français,
+disait-il. Si la fortune nous devient mauvaise, tout ce que le feu roi
+Henri a conquis en France à grand labeur et long terme sera en voie de
+perdition[1202].
+
+[Note 1202: Monstrelet, t. IV, p. 331.--Wavrin du Forestel,
+_Anchiennes croniques_, t. I, p. 283 et suiv.]
+
+Il ne fut pas écouté et l'armée marcha sur Beaugency. Elle se trouvait
+non loin de la ville, le dimanche dix-neuvième d'août, au moment où la
+garnison en sortait avec seulement chevaux, harnais et bagages d'un
+marc d'argent pour chaque homme[1203].
+
+[Note 1203: _Chronique de la Pucelle_, J. Chartier, Gruel,
+Morosini, Berry, Monstrelet, Wavrin, _loc. cit._--_Lettre de Jacques
+de Bourbon, comte de la Marche à Guill. de Champeaux, évêque de Laon_,
+d'après un manuscrit de Vienne par Bougenot, dans _Bull. du Com. des
+travaux hist. et scientif. Hist. et phil. 1892_, pp. 56-65 (traduction
+française par S. Luce, dans la _Revue Bleue_, 13 février 1892, pp.
+201-204).]
+
+Les gens du roi de France, avertis que cette armée approchait, se
+portèrent à sa rencontre. Après une courte chevauchée les éclaireurs
+signalèrent, à une lieue environ de Patay, les étendards et les
+pennons d'Angleterre qui flottaient sur la plaine. Alors les Français
+gravirent une colline d'où ils purent observer l'ennemi. Le capitaine
+La Hire et le jeune sire de Termes dirent à la Pucelle:
+
+--Les Anglais viennent. Ils sont en ordre de bataille et prêts à se
+battre.
+
+Elle répondit, à sa coutume:
+
+--Frappez hardiment; ils prendront la fuite.
+
+Et elle ajouta que ce ne serait pas long[1204].
+
+[Note 1204: _Procès_, t. III, p. 120.--Monstrelet, t. IV, p.
+328.--Le clerc qui rédigea la déposition de Thibault de Termes,
+ignorant cette affaire, mit ces propos à la rencontre de Patay. À
+Patay, Jeanne et La Hire n'étaient pas près l'un de l'autre.]
+
+Les Anglais, croyant que les Français leur offraient la bataille,
+mirent pied à terre. Les archers plantèrent leurs pieux dans le sol,
+la pointe inclinée vers l'ennemi. C'est ainsi que, d'ordinaire, ils se
+préparaient à combattre, et ils n'avaient pas fait autrement à la
+journée des Harengs. Le soleil baissait déjà[1205].
+
+[Note 1205: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+286.]
+
+Le duc d'Alençon n'était nullement décidé à descendre dans la plaine.
+En présence du Connétable, de monseigneur le Bâtard et des capitaines,
+il consulta la sainte fille, qui tourna sa réponse en énigme:
+
+--Ayez tous de bons éperons.
+
+Pensant qu'elle parlait des éperons du comte de Clermont, des éperons
+de Rouvray, le duc d'Alençon lui demanda:
+
+--Que dites-vous? Nous tournerons donc le dos?
+
+--Nenni, répondit-elle.
+
+Ses Voix, en toute occasion, lui conseillaient une invariable
+confiance.
+
+--Nenni. En nom Dieu, allez sur eux, car ils s'enfuiront et
+n'arrêteront pas et seront déconfits, sans guère de perte pour vos
+gens; et pour ce, faut-il vos éperons pour les suivre[1206].
+
+[Note 1206: _Procès_, t. III, p. 11.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 243.--Il est clair que cet endroit de la déposition de Dunois et de
+la _Chronique de la Pucelle_ ne s'applique pas à la journée du 18,
+comme on l'a cru. «Tous les corps anglais, dit Dunois, se réunirent en
+une seule armée. Nous crûmes qu'ils voulaient nous offrir la
+bataille.» Il parle évidemment de ce qui s'est passé le 17 août. La
+déposition du duc d'Alençon brouille tout. On ne comprend pas que la
+Pucelle ait dit des Anglais, le 18: «Dieu nous les envoie», quand ils
+fuyaient.]
+
+Selon l'avis des maîtres et docteurs, il convenait d'écouter la
+Pucelle sans quitter les voies de la prudence humaine. Les chefs de
+l'armée, soit qu'ils jugeassent l'occasion mauvaise, soit qu'ils
+craignissent encore, après tant de défaites, de livrer une bataille
+rangée, ne descendirent point de leur colline. À deux hérauts
+d'Angleterre venus de la part de trois chevaliers qui offraient de
+combattre en combat singulier, il fut répondu:
+
+--Allez vous coucher pour aujourd'hui, car il est assez tard. Mais
+demain, au plaisir de Dieu et de Notre-Dame, nous nous verrons de plus
+près[1207].
+
+[Note 1207: Ceux qui attribuent ce mot à la Pucelle ont mal lu
+Wavrin, _Anchiennes croniques_, t. I, p. 287.]
+
+Les Anglais, certains qu'ils ne seraient pas attaqués, quittèrent la
+place et s'en allèrent loger, pour la nuit, à Meung[1208].
+
+[Note 1208: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+287.--Monstrelet, t. IV, pp. 326 et suiv.]
+
+Les Français les y allèrent chercher le lendemain samedi 18, jour de
+saint Hubert; ils ne les y trouvèrent pas. Les Godons avaient déguerpi
+de bon matin et s'en étaient allés avec canons, munitions et vivres,
+vers Janville où ils comptaient se retrancher[1209].
+
+[Note 1209: _Chronique de la Pucelle_, _Journal du siège_, Gruel,
+J. Chartier, Berry, _loc. cit._]
+
+L'armée du roi Charles forte de douze mille hommes[1210] se mit
+aussitôt à leur poursuite, sur la route de Paris par la plaine de
+Beauce, inculte, buissonneuse, et giboyeuse, couverte de broussailles
+et de taillis, belle pourtant au gré des chevaucheurs anglais et
+français qui la vantaient à l'envi[1211].
+
+[Note 1210: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+289.--Fauché-Prunelle, _Lettres tirées des archives de l'évêché de
+Grenoble_, dans _Bull. acad. Delph._, t. II, 1847, pp. 458 et
+suiv.--Lettre de Charles VII à la ville de Tours, dans _Procès_, t. V,
+pp. 262, 263.]
+
+[Note 1211: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+289.]
+
+Sur la plaine infinie où la terre glisse au regard et fuit, voyant le
+ciel devant elle, le ciel nuageux des plaines qui fait rêver de
+chevauchées merveilleuses par les montagnes de l'air, la Pucelle
+s'écria:
+
+--En nom Dieu, s'ils étaient pendus aux nuées, nous les aurions[1212].
+
+[Note 1212: _Procès_, t. III, pp. 10, 98, 99.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 306.--_Chronique Normande_, ch. XLVIII, éd. Vallet de
+Viriville.--Monstrelet, t. III, pp. 325 et suiv.--Morosini, t. III,
+pp. 72, 73.--Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, pp.
+289-290.--On met cette parole au moment où les Anglais furent
+rejoints, sans s'apercevoir qu'alors elle n'a plus aucun sens.]
+
+Comme la veille elle prophétisa.
+
+--Le gentil roi aura aujourd'hui plus grande victoire qu'il eût de
+longtemps. Et m'a dit mon Conseil qu'ils sont tous nôtres.
+
+Elle prédit que des Français il y aurait peu ou point de tués.
+
+Le capitaine Poton et le sire Arnault de Gugem allèrent en éclaireurs.
+Les plus experts hommes de guerre et parmi eux monseigneur le Bâtard
+et le maréchal de Boussac, montés sur fleur de coursiers, formèrent
+l'avant-garde. Puis, sous la conduite du capitaine La Hire, qui
+connaissait le pays, s'avançait le principal corps d'armée, composé
+des lances du duc d'Alençon, du comte de Vendôme, du Connétable de
+France, avec les archers et les arbalétriers. Enfin venait
+l'arrière-garde commandée par les seigneurs de Graville, de Laval, de
+Rais et de Saint-Gilles[1213].
+
+[Note 1213: Lettre de Jacques de Bourbon dans la _Revue Bleue_, 13
+février 1892, pp. 201-204.--Monstrelet, t. IV, p. 327.--Wavrin du
+Forestel, _Anchiennes croniques_, p. 289.]
+
+La Pucelle, qui avait bon coeur, voulut aller en avant; on l'en
+empêcha. Elle ne conduisait pas les gens d'armes; les gens d'armes la
+conduisaient, la tenant non pour chef de guerre, mais pour
+porte-bonheur. Elle dut, grandement contristée, prendre place à
+l'arrière-garde, sans doute dans la compagnie du sire de Rais, où
+d'abord on l'avait mise[1214]. Tout le monde se hâtait fort, craignant
+que l'ennemi n'échappât.
+
+[Note 1214: _Procès_, t. III, p. 71.--_Journal du siège_, p.
+140.--_Chronique de la Pucelle_, p. 307.--_Deux documents sur Jeanne
+d'Arc_, dans _Revue Bleue_, 13 février 1892.]
+
+Après avoir chevauché près de cinq lieues, par une chaleur accablante,
+laissé à gauche Saint-Sigismond et dépassé Saint-Péravy, les soixante
+ou quatre-vingts coureurs du capitaine Poton, atteignirent l'endroit
+où le terrain, entièrement plat jusque-là, s'abaisse et la route
+dévale dans un bas-fond dit de la Retrève. Ils ne pouvaient voir le
+creux de la Retrève; mais au delà le sol se relève doucement et ils
+voyaient poindre à moins d'une demi-lieue le clocher de Lignerolles,
+sur la plaine boisée dite Climat-du-Camp. À une lieue, droit devant
+eux, se devinait la petite ville de Patay[1215].
+
+[Note 1215: _Procès_, t. III, pp. 11, 71, 98.--_Chronique de la
+Pucelle_, pp. 306 et suiv.--_Journal du siège_, pp. 103 et suiv.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, p. 85.--Le comte de Vassal, _La bataille
+de Patay_, Orléans, 1890.]
+
+Il était deux heures après midi. Par aventure, les cavaliers de Poton
+et de Gugem lancent un cerf qui, débuchant d'un taillis, va fondre
+dans le creux de la Retrève. Alors de ce creux s'élève une clameur. Ce
+sont les soldats anglais qui se disputent à grands cris le gibier
+lancé sur eux. Avertis ainsi de la présence de l'ennemi, les coureurs
+français s'arrêtent et détachent aussitôt quelques-uns des leurs pour
+annoncer à l'armée qu'ils ont surpris les Godons et que c'est l'heure
+de besogner[1216].
+
+[Note 1216: Monstrelet, t. IV, p. 328.]
+
+Voici ce qui s'était passé du côté des Anglais. Ils se retiraient en
+bon ordre sur Janville, l'avant-garde conduite par un chevalier à
+l'étendard blanc[1217]. Puis venaient l'artillerie et les vivres
+voiturés par les marchands, puis le corps de bataille, commandé par
+sir John Talbot et sir John Falstolf. L'arrière-garde, exposée à subir
+un rude choc, n'était formée que d'Anglais d'Angleterre[1218]. Elle
+suivait à une assez longue distance. Ses coureurs, ayant vu les
+Français sans être vus, avertirent sir John Talbot, qui se trouvait
+alors entre le hameau de Saint-Péravy et la ville de Patay. Sur cet
+avis, arrêtant la marche de l'armée, il donna l'ordre à l'avant-garde
+de se ranger, avec les chariots et les canons, à l'orée des bois de
+Lignerolles. Position excellente: adossés à la futaie, les combattants
+ne craignaient point d'être pris à revers[1219]; et ils se
+retranchaient derrière les charrois. Le corps de bataille n'alla pas
+si avant. Il fit halte à un demi-quart de lieue de Lignerolles, dans
+le creux de la Retrève. Il y avait, à cet endroit, au bord de la
+route, des haies vives. Sir John Talbot s'y porta avec cinq cents
+archers d'élite et mit pied à terre pour attendre les Français qui
+devaient forcément passer là. Il comptait défendre la voie jusqu'à ce
+que l'arrière-garde eût rejoint le corps de bataille et pensait se
+rabattre ensuite sur l'armée en côtoyant les haies.
+
+[Note 1217: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+291.]
+
+[Note 1218: _Ibid._, pp. 291-292.]
+
+[Note 1219: Monstrelet, t. IV, p. 329.]
+
+Les archers s'apprêtaient à planter en terre, selon leur habitude, ces
+pieux aiguisés, dont ils tournaient la pointe contre le poitrail des
+chevaux ennemis, quand les Français, avertis par les éclaireurs de
+Poton, fondirent sur eux comme une trombe, les culbutèrent et les
+mirent en pièces[1220].
+
+[Note 1220: Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+292.--Monstrelet, t. III, pp. 329, 350.]
+
+En ce moment, sir John Falstolf, à la tête du corps de bataille, se
+disposait à rejoindre l'avant-garde: sentant déjà sur lui la cavalerie
+française, il donna de l'éperon et lança à fond de train sa troupe sur
+Lignerolles. Quand ils la virent venir ainsi débridée, ceux de
+l'étendard blanc crurent qu'elle était en déroute. Ils prirent peur
+et, quittant la lisière du bois, se jetèrent dans les halliers de
+Climat-du-Camp pour gagner en grand désordre la route de Paris. Sir
+John Falstolf poussa dans la même direction avec le principal corps
+d'armée. Il n'y eut pas de bataille. Ayant passé sur les cadavres des
+archers de Talbot, les Français entrèrent dans l'Angleterre éperdue
+comme dans un troupeau de moutons et tuèrent à plaisir. Ils tuèrent
+deux mille de ces gens de petit état que les Godons avaient coutume
+d'amener ainsi de leur pays mourir en France. Quand ceux du principal
+corps d'armée, que conduisait La Hire, arrivèrent à Lignerolles, ils
+ne trouvèrent devant eux que huit cents fantassins, qu'ils
+culbutèrent. Des douze à treize mille Français cheminant sur la route,
+quinze cents à peine prirent part au combat, ou plutôt au massacre.
+Sir John Talbot, qui avait sauté sur son cheval sans chausser ses
+éperons, fut fait prisonnier par les capitaines La Hire et
+Poton[1221]. Les seigneurs de Scales et de Hungerford, lord
+Falcombridge, sir Thomas Guérard, Richard Spencer et Fitz Walter
+furent également pris à rançon. On fit de douze à quinze cents
+prisonniers[1222].
+
+[Note 1221: «Aux alentours de Lignerolles, on a trouvé des fers de
+chevaux, un dard de javelot, des ferrements de chariots, des boulets.»
+P. Mantellier, _Histoire du siège_, Orléans, 1867, in-12, p. 139.]
+
+[Note 1222: _Procès_, t. III, p. 11.--Gruel, _Chronique de Richemont_,
+pp. 73-74.--Perceval de Cagny, pp. 154 et suiv.--_Chronique Normande_,
+dans _Procès_, t. IV, p. 340.--Eberhard Windecke, p. 180.--Lefèvre de
+Saint-Remy, t. II, pp. 144, 145.--Fauquembergue, dans _Procès_, t. IV,
+p. 452.--_Commentaires de Pie II_, dans _Procès_, t. IV, p.
+512.--Morosini, t. III, pp. 72-75.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+306.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 86.--Monstrelet, t. IV, pp.
+330-333.--Wavrin du Forestel, _Anchiennes croniques_, t. I, p.
+293.--Lettre de J. de Bourbon, dans la _Revue Bleue_, 13 février 1892.
+Lettre de Charles VII à Tours et aux Dauphinois, dans _Procès_, t. V,
+pp. 345, 346.]
+
+Deux cents hommes d'armes tout au plus donnèrent la chasse aux fuyards
+jusqu'aux portes de Janville. Hors l'avant-garde, qui s'était enfuie
+la première, l'armée anglaise était entièrement détruite. Du parti des
+Français, le sire de Termes, présent à l'affaire, assure qu'il n'y eut
+qu'un mort, un homme de sa compagnie. Perceval de Boulainvilliers,
+conseiller chambellan du roi, dit qu'il y en eut trois[1223].
+
+[Note 1223: _Procès_, t. III, p. 118; t. V, p. 120.]
+
+Quand la Pucelle arriva, on tuait encore. Elle vit un Français qui
+conduisait des prisonniers, frapper l'un d'eux à la tête si rudement,
+que l'homme tomba comme mort. Elle descendit de cheval et fit
+confesser l'Anglais. Elle lui soutenait la tête et le consolait selon
+son pouvoir. Voilà la part qu'elle prit à la bataille de Patay[1224].
+Ce fut celle d'une sainte fille.
+
+[Note 1224: _Ibid._, t. III, p. 71.]
+
+Les Français passèrent la nuit dans la ville. Sir John Talbot amené au
+duc d'Alençon et au Connétable, le jeune duc lui dit:
+
+--Vous ne croyiez pas, ce matin, qu'ainsi vous adviendrait.
+
+Talbot répondit:
+
+--C'est la fortune de la guerre[1225].
+
+[Note 1225: _Ibid._, t. III, p. 99.]
+
+Quelques Godons arrivèrent hors d'haleine à Janville[1226]. Mais les
+habitants, à qui ils avaient laissé en partant leur argent et leurs
+biens, leur formèrent la porte au nez et firent serment de fidélité au
+dauphin Charles.
+
+[Note 1226: Boucher de Molandon, _Janville, son donjon, son
+château, ses souvenirs du XVe siècle_, Orléans, 1886, in-8º.]
+
+Les capitaines anglais de deux petites places de la Beauce, Montpipeau
+et Saint-Sigismond, mirent le feu à leur ville et s'enfuirent[1227].
+
+[Note 1227: _Journal du siège_, p. 105.--_Chronique de la
+Pucelle_, pp. 307, 308.]
+
+De Patay, l'armée victorieuse se rendit à Orléans. Les habitants
+attendaient le roi. Ils avaient accroché des tapisseries pour son
+entrée[1228]. Mais le roi et le sire chambellan, craignant, non sans
+motif, une agression du Connétable, restèrent enfermés dans le château
+de Sully[1229], d'où ils sortirent le 22 juin pour se rendre à
+Châteauneuf. La Pucelle rejoignit, ce jour même, le roi à
+Saint-Benoît-sur-Loire[1230]. Il la reçut avec sa douceur coutumière
+et lui dit:
+
+[Note 1228: _Chronique de la Pucelle_, pp. 307-308.--_Journal du
+siège_, p. 105.]
+
+[Note 1229: De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, pp.
+222 et suiv.--E. Cosneau, _Le connétable de Richemont_, p. 172.]
+
+[Note 1230: _Procès_, t. III, p. 116.]
+
+--J'ai pitié de vous et de la peine que vous endurez.
+
+Et il la pressa de se reposer.
+
+En l'entendant parler, elle pleura. Elle pleura, dit-on, de sentir ce
+que l'affabilité du roi contenait pour elle d'indifférence et
+d'incroyance.
+
+Mais gardons-nous d'attribuer aux larmes des extatiques et des
+miraculées une cause intelligible à la commune raison humaine. Charles
+lui apparaissait revêtu d'une ineffable splendeur, tel que le plus
+saint des rois. Comment eût-elle supposé un instant qu'il manquait de
+foi puisqu'elle lui avait montré ses anges cachés au vulgaire.
+
+--N'en doutez point, lui dit-elle avec assurance, vous aurez tout
+votre royaume et serez de bref couronné[1231].
+
+[Note 1231: _Ibid._, t. III, pp. 76, 116.]
+
+Assurément le roi Charles n'était pas pressé de recouvrer son royaume
+par chevalerie. Mais son conseil en ce moment n'avait nulle intention
+de se débarrasser de la Pucelle; il s'en servait au contraire
+adroitement pour donner du coeur aux Français, épouvanter les Anglais
+et montrer à tous que Dieu, monseigneur saint Michel et madame sainte
+Catherine, étaient Armagnacs. En mandant aux bonnes villes la victoire
+de Patay, la chancellerie royale ne souffla mot du Connétable, et ne
+nomma pas davantage monseigneur le Bâtard[1232]. Elle désigna la
+Pucelle comme chef de la bataille avec les deux princes du sang royal,
+le duc d'Alençon et duc de Vendôme. C'est donc qu'on en faisait
+étendard. Et certes elle valait aussi cher et plus cher qu'un grand
+capitaine, puisque le connétable tenta de s'emparer d'elle. Il chargea
+de l'entreprise un homme à lui, Andrieu de Beaumont, précédemment
+employé à enlever le sire de La Trémouille. Mais Andrieu de Beaumont,
+comme il avait manqué le chambellan, manqua la Pucelle[1233].
+
+[Note 1232: Lettre de Charles VII aux Dauphinois, publiée par
+Fauché-Prunelle, dans _Bull. de l'Acad. Delphinale_, t. II, p. 459;
+aux habitants de Tours (Archives de Tours, _Registre des comptes_,
+XXIV), dans _Cabinet Historique_, I, C, p. 109; à ceux de Poitiers,
+Redet, dans les _Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest_,
+t. III, p. 406.--_Relation du greffier de La Rochelle_, dans _Revue
+Historique_, t. IV, p. 459.]
+
+[Note 1233: _Journal du siège_, pp. 106, 108.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 89.--Gruel, _Chronique de Richemont_, p.
+74.--Monstrelet, t. IV, pp. 344, 347.--E. Cosneau, _Le connétable de
+Richemont_, pp. 181, 182.]
+
+Probablement elle ne sut rien elle-même de ce guet-apens. Elle demanda
+au roi qu'il reçût en grâce le Connétable, requête qui témoigne d'une
+grande innocence. Richemont regagna par ordre sa seigneurie de
+Parthenay[1234].
+
+[Note 1234: 1431, 8 mai. Arrêt condamnant André de Beaumont à la
+peine capitale comme criminel de lèse-majesté (Arch. nat. J. 366). La
+copie intégrale de cette pièce m'a été communiquée par M. P.
+Champion.]
+
+Le duc Jean de Bretagne, marié à une soeur de Charles de Valois,
+n'avait pas toujours eu à se louer des conseillers de son beau-frère
+qui, en l'an 1420, le trouvant un peu trop bourguignon, lui
+cherchèrent près de Nantes, un pont de Montereau[1235]. Il n'était en
+réalité, ni armagnac, ni bourguignon, ni français, ni anglais, mais
+breton. En 1423, il reconnut le traité de Troyes, mais deux ans plus
+tard, le duc de Richemont, son frère, ayant passé au roi français et
+reçu de lui l'épée de connétable, le duc Jean se rendit auprès de
+Charles de Valois à Saumur, et lui fit hommage de son duché[1236]. En
+somme, il se tira fort adroitement des pas les plus difficiles et sut
+rester étranger à la querelle des deux rois qui prétendaient l'un et
+l'autre l'y engager. Tandis que la France et l'Angleterre
+s'entredétruisaient, tranquille, il relevait la Bretagne de ses
+ruines[1237].
+
+[Note 1235: Monstrelet, t. IV, p. 30.--De Beaucourt, _Histoire de
+Charles VII_, t. I, pp. 202 et suiv.]
+
+[Note 1236: Dom Morice, _Histoire de Bretagne_, t. II, col.
+1135-6.--De Beaucourt, _loc. cit._, t. II, chap. VII.]
+
+[Note 1237: Bellier-Dumaine, _L'administration du duché de
+Bretagne sous le règne de Jean V_ (1399-1442), dans les _Annales de
+Bretagne_, t. XIV-XVI (1898-99), _passim_ et 3e partie: Le commerce,
+l'industrie, l'agriculture, l'instruction publique et Jean V (t. XVI,
+p. 246) et 4e partie, ch. III: Les villes, les paroisses rurales et
+Jean V (t. XVI, p. 495).]
+
+La Pucelle lui inspira beaucoup de curiosité et d'admiration. Peu de
+temps après la bataille de Patay, il envoya vers elle Hermine, son
+héraut d'armes, et frère Yves Milbeau, son confesseur, pour lui faire
+compliment de sa victoire. Le bon frère avait mission d'interroger la
+jeune fille.
+
+Il lui demanda si c'était de par Dieu qu'elle était venue secourir le
+roi.
+
+Jeanne répondit qu'oui.
+
+--S'il en est ainsi, répliqua frère Yves Milbeau, monseigneur le duc
+de Bretagne notre droit seigneur est disposé à aider le roi de son
+service. Il ne peut venir de son propre corps, car il est dans un
+grand état d'infirmité. Mais il doit envoyer son fils aîné avec une
+grande armée.
+
+Le bon frère parlait légèrement et faisait là pour son duc une fausse
+promesse. Il était vrai seulement que beaucoup de nobles bretons
+venaient se mettre au service du roi Charles.
+
+En entendant ces paroles, la petite sainte commit une étrange méprise.
+Elle crut que frère Yves avait voulu dire que le duc de Bretagne était
+son droit seigneur à elle comme à lui, ce qui eût été vraiment hors de
+sens. Sa loyauté s'en révolta:
+
+--Le duc de Bretagne n'est pas mon droit seigneur, répliqua-t-elle
+vivement. C'est le roi qui est mon droit seigneur.
+
+Ainsi qu'on peut croire, la conduite prudente du duc de Bretagne
+n'était pas jugée favorablement en France. On disait que c'était mal
+fait à lui de n'avoir pas obéi au ban de guerre du roi et d'avoir
+traité avec les Anglais. Jeanne le pensait et elle le dit sans détours
+à frère Yves:
+
+--Le duc ne devait pas raisonnablement attendre si longtemps pour
+envoyer ses gens aider le roi de leur service[1238].
+
+[Note 1238: Eberhard Windecke, pp. 178, 179.]
+
+À quelques jours de là, le sire de Rostrenen, qui avait accompagné le
+Connétable à Beaugency et à Patay et Comment-Qu'il-Soit, héraut de
+Richard de Bretagne, comte d'Étampes, vinrent de la part du duc Jean
+stipuler relativement au mariage projeté entre François, son fils
+aîné, et Bonne de Savoie, fille du duc Amédée. Comment-Qu'il-Soit
+était chargé de présenter à la Pucelle une dague et des chevaux[1239].
+
+[Note 1239: _Procès_, t. V, p. 264.--Eberhard Windecke, pp. 68-70,
+179.--Morosini, t. III, p. 90.--Dom Lobineau, _Histoire de Bretagne_,
+t. I, p. 587.--Dom Morice, _Histoire de Bretagne_, t. I, pp. 508,
+580.]
+
+Il y avait en 1428, à Rome, un clerc français compilateur d'une de ces
+cosmographies qui abondaient alors et se ressemblaient toutes. La
+sienne, qui commençait, selon l'usage, à la création, allait jusqu'au
+pontificat du pape Martin V alors vivant. «Sous ce pontificat, y
+disait l'auteur, la fleur et le lis du monde, le royaume de France,
+opulent entre les plus opulents et devant qui l'univers s'inclinait, a
+été jeté bas par le tyran Henri qui l'a envahi, n'étant pas seigneur
+légitime même du royaume d'Angleterre». Puis, cet homme d'église voue
+les Bourguignons à une éternelle infamie et lance contre eux les plus
+terribles malédictions. «Que leurs yeux soient crevés, qu'ils meurent
+de male mort!» À ce langage, on reconnaît un bon Armagnac et peut-être
+un clerc dépouillé et chassé par les ennemis du royaume. En apprenant
+la venue de la Pucelle et la délivrance d'Orléans, transporté de joie
+et d'admiration, il rouvre sa cosmographie et y consigne ses arguments
+en faveur de cette prodigieuse Pucelle dont les actions lui paraissent
+plus divines qu'humaines, mais sur laquelle il sait peu de choses. Il
+la met en comparaison avec Déborah, Judith, Esther et Penthésilée. «On
+trouve, dit-il, dans les livres des Gentils que Penthésilée, et mille
+vierges avec elle, vinrent au secours du roi Priam et combattirent si
+courageusement qu'elles mirent en pièces les Myrmidons et tuèrent plus
+de deux mille Grecs.» Selon lui la Pucelle passe de beaucoup
+Penthésilée en courage et hauts faits. Elle réfute brièvement ceux qui
+soutiennent qu'elle a été envoyée par le Diable[1240].
+
+[Note 1240: L. Delisle, _Un nouveau témoignage relatif à la
+mission de Jeanne d'Arc_, dans _Bibliothèque de l'École des Chartes_,
+t. XLVI, p. 649.--Le P. Ayroles, _La Pucelle devant l'Église de son
+temps_, pp. 53, 60.]
+
+La prophétesse de Charles, en un moment, remplit de sa renommée la
+chrétienté tout entière. Tandis qu'au temporel les peuples
+s'entredéchiraient, l'unité d'obédience faisait de l'Europe une
+république spirituelle n'ayant qu'une doctrine et qu'une langue, et
+qui se gouvernait par les Conciles. Le souffle de l'Église passait
+partout. En Italie, en Allemagne, il n'était bruit que de la Sibylle
+de France et les clercs, à l'envi, dissertaient sur sa nature et ses
+actes, qui intéressaient si grandement la foi chrétienne. En ces
+temps-là, les peintres représentaient parfois sur les murs des
+cloîtres les Arts Libéraux en figure de très nobles Dames. Ils
+peignaient, au milieu de ses soeurs, Logique assise dans une haute
+chaire, coiffée de l'antique turban, vêtue d'une robe éclatante, et
+tenant d'une main le scorpion, de l'autre le lézard en signe que sa
+science est d'atteindre l'adversaire au vif et de ne pas se laisser
+prendre. À ses pieds, Aristote, les yeux levés sur elle, disputait en
+nombrant ses arguments sur ses doigts[1241]. Cette dame austère
+rendait tous ses disciples semblables les uns aux autres. Rien n'était
+alors plus méprisable et plus odieux qu'une idée singulière.
+L'originalité n'existait à aucun degré dans les esprits. Les clercs
+qui traitèrent de la Pucelle le firent tous suivant la même méthode,
+avec les mêmes arguments, sous l'autorité des mêmes textes sacrés et
+profanes. La conformité ne saurait aller plus loin. Ils avaient tous
+le même esprit, non le même coeur; l'esprit argumente et c'est le
+coeur qui décide. Ces scolastiques, plus secs que leurs parchemins,
+étaient pourtant des hommes; ils se déterminaient par sentiment, par
+passions, par des intérêts spirituels ou temporels. Tandis que les
+docteurs armagnacs démontraient que dans le cas de la Pucelle, les
+raisons de croire l'emportaient sur celles de ne pas croire, les
+maîtres allemands ou italiens, étrangers à la querelle du Dauphin de
+Viennois, demeuraient dans le doute, n'étant mus ni par haine ni par
+amour.
+
+[Note 1241: Cathédrale du Puy.--E.-F. Corpet, _Portraits des Arts
+libéraux d'après les écrivains du moyen âge_, dans _Annales
+archéologiques_, 1857, t. XVII, pp. 89-103.--Em. Male, _Les Arts
+libéraux dans la statuaire du moyen âge_, dans _Revue archéologique_,
+1891.]
+
+Un docteur en théologie, nommé Henri de Gorcum, qui enseignait à
+Cologne, rédigea, dès le mois de juin 1429, un mémoire sur la Pucelle.
+Les esprits étaient divisés en Allemagne, sur la question de savoir si
+cette jeune fille appartenait à l'humanité nature ou si elle n'était
+pas plutôt un être céleste en forme de femme; si ses faits
+s'expliquaient humainement ou par l'action d'une puissance supérieure
+à l'homme, et, dans ce cas, si la puissance était bonne ou si elle
+était mauvaise. Maître Henri de Gorcum composa son traité pour fournir
+dans les deux sens des arguments tirés de l'Écriture Sainte, et il
+s'abstint de conclure[1242].
+
+[Note 1242: _Procès_, t. III, pp. 411-421.--Le P. Ayroles, _La
+Pucelle devant l'église de son temps_, t. I, pp. 61-68.]
+
+En Italie, mêmes doutes, même incertitude sur les faits de la Pucelle.
+Certains disaient que ce n'étaient que faussetés et pures inventions.
+On disputait à Milan s'il fallait croire les nouvelles qui venaient de
+France. Les notables de la ville résolurent d'envoyer, pour s'en
+informer, un moine franciscain, frère Antonio de Rho, bon humaniste
+et prédicateur zélé pour la pureté des moeurs.
+
+Le seigneur Jean Corsini, sénateur du duché d'Arezzo, poussé par une
+semblable curiosité, consulta un savant clerc milanais, nommé
+Cosme-Raymond de Crémone. Ce clerc cicéronien lui répondit en
+substance:
+
+«Clarissime seigneur, ce serait chose nouvelle, dit-on, que Dieu
+choisisse une bergère pour rendre à un prince son royaume. Pourtant
+nous voyons que le berger David fut sacré roi. On rapporte que la
+Pucelle, conduisant une petite troupe, défit une nombreuse armée. On
+peut expliquer la victoire par l'avantage de la position, la
+soudaineté de l'attaque. Mais ne disons pas que les ennemis ont été
+surpris, que le coeur leur a manqué, choses toutefois possibles;
+admettons qu'il y ait miracle: quoi d'étonnant? N'est-il pas plus
+admirable encore qu'avec une mâchoire d'âne, Samson ait tué tant de
+Philistins?
+
+»La Pucelle a, dit-on, le pouvoir de révéler les choses futures. Qu'il
+vous souvienne des Sibylles, notamment de celles d'Érythrée et de
+Cumes. Elles étaient païennes. Pourquoi serait-il moins accordé à une
+chrétienne? Cette femme est une bergère. Jacob, alors qu'il gardait
+les troupeaux de Laban, s'entretenait familièrement avec Dieu.
+
+»À ces exemples et à ces raisons, qui m'inclinent à donner fiance aux
+nouvelles qui courent, se joint une raison tirée de la physique. J'ai
+lu souvent dans les livres qui traitent d'astrologie, que, par bénigne
+influence des astres, certains hommes de naissance intime sont devenus
+les égaux des plus hauts princes et furent considérés comme des hommes
+divins, chargés d'une mission céleste. Guido de Forli, habile
+astronome, en cite un très grand nombre. C'est pourquoi j'estimerais
+n'encourir nul reproche en croyant que c'est l'influence des astres
+qui a fait entreprendre à la Pucelle ce qu'on rapporte d'elle.»
+
+Et, concluant sur le fait de Jeanne, le clerc de Crémone dit qu'il ne
+le tient pas pour avéré sans le tenir comme entièrement à
+rejeter[1243].
+
+[Note 1243: Le P. Ayrolles, t. IV, _La vierge guerrière_, pp. 240
+et suiv.]
+
+ * * * * *
+
+Jeanne demeurait ferme dans son propos d'aller à Reims pour y faire
+sacrer le roi. Elle ne jugeait pas qu'il valût mieux faire la guerre
+en Champagne qu'en Normandie. Elle ne se représentait pas assez
+clairement la figure du royaume pour en décider. Et l'on ne pensera
+pas que ses anges et ses saintes eussent plus de géographie qu'elle.
+Elle avait hâte de mener le roi à Reims pour être sacré, parce qu'elle
+ne croyait pas qu'il fût roi avant d'avoir reçu son sacre[1244]. La
+pensée de le faire oindre du saint chrême lui était venue lorsqu'elle
+était encore dans son village et bien avant qu'Orléans fût assiégé.
+Cette inspiration était de source purement spirituelle et ne
+répondait en aucune manière à l'état de choses créé par la délivrance
+d'Orléans et la victoire de Patay.
+
+[Note 1244: _Procès_, t. III, p. 20.--_Journal du siège_, pp. 93,
+94.]
+
+Pour bien faire, il aurait fallu, le 18 juin, sans reprendre haleine,
+marcher sur Paris. On était à trente lieues seulement de la grande
+ville qui, à ce moment, n'eût pas même songé à se défendre. Le régent,
+la tenant pour déjà prise, s'enfermait dans la bastille de
+Vincennes[1245]. On avait manqué l'occasion. Les conseillers du roi,
+les princes du sang de France, surpris par la victoire, encore
+incertains de ce qu'il fallait faire, délibéraient. Assurément, aucun
+d'eux ne songeait à reconquérir par les armes, à bref délai,
+l'héritage entier du roi Charles. Les forces dont ils disposaient et
+les conditions mêmes de la société où ils vivaient ne leur
+permettaient pas de concevoir une semblable entreprise. Les seigneurs
+du grand conseil ne ressemblaient pas à ces pauvres moines qui, dans
+leur cloître en ruines, rêvaient un âge de concorde et de paix[1246].
+Ils n'étaient point des songeurs; ils ne croyaient ni ne désiraient
+que la guerre prît fin. Mais ils entendaient la faire avec le moins
+possible de risques et de dépenses. Ils se disaient qu'il y aurait
+toujours des gens pour endosser le haubergeon et aller à la picorée;
+qu'on prendrait et reprendrait toujours des villes dans le royaume,
+qu'à chaque jour suffit sa peine, qu'il faut se battre doucement pour
+se battre longtemps, que, neuf fois sur dix, on gagne plus par
+négociations et traités que par vaillantises d'armes, qu'il faut
+conclure habilement des trêves et les rompre à propos, s'attendre à
+perdre quelquefois et laisser de la besogne aux jeunes. Ainsi
+pensaient les bons serviteurs du roi Charles.
+
+[Note 1245: Fauquembergue, dans _Procès_, t. IV, p. 451.--_Journal
+d'un bourgeois de Paris_, p. 239.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+291.--De Barante, _Histoire des ducs de Bourgogne_, t. III, p. 323.]
+
+[Note 1246: Le P. Denifle, _La désolation des églises_,
+introduction.]
+
+Certains d'entre eux voulaient qu'on portât la guerre en
+Normandie[1247]; ils y avaient songé dès le mois de mai, avant la
+campagne de la Loire, et certes ils ne manquaient pas d'arguments. En
+Normandie on tranchait l'arbre anglais à sa racine. Il était très
+possible de recouvrer tout de suite une partie de cette contrée où les
+Godons avaient très peu de monde. En 1424, les garnisons normandes se
+montaient en tout à quatre cents lances et douze cents archers[1248].
+Depuis lors, elles n'avaient pas dû être beaucoup renforcées. Le
+Régent ramassait des hommes partout et déployait une activité
+merveilleuse. Mais il manquait d'argent et ses soldats désertaient à
+l'envi[1249]. Dans le pays de conquête, les Coués, aussitôt sortis de
+leurs places fortes, se trouvaient en territoire ennemi. Depuis les
+frontières de la Bretagne, du Maine et du Perche, jusqu'au Ponthieu
+et à la Picardie, sur les rives de la Mayenne, de l'Orne, de la Dive,
+de la Touque, de l'Eure et de la Seine, des partisans tenaient la
+campagne, guetteurs de chemins, larrons, pillards, meurtriers,
+brigands[1250]. Les Français eussent trouvé partout l'aide de ces
+hardis compagnons, ainsi que le bon vouloir des paysans et des curés
+de campagne. Mais il fallait s'attendre à demeurer longtemps devant
+des villes très fortes, qu'une petite garnison suffisait à défendre.
+Or, les gens d'armes redoutaient la lenteur des sièges, et le trésor
+royal n'était pas en état de soutenir ces opérations coûteuses. La
+Normandie était ruinée; plus de bétail, plus de moissons. Les
+capitaines et leurs gens voudraient-ils aller dans ce pays de famine?
+Et quel besoin le roi avait-il de reprendre une province misérable?
+
+[Note 1247: _Procès_, t. III, pp. 12, 13.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 300.--Jean Chartier, _Chronique_, p. 87.--Morosini, t.
+III, p. 63, note 2.]
+
+[Note 1248: _Procès_, t. III, pp. 12, 13.--Wallon, _Jeanne d'Arc_,
+1875, t. I, p. 213.]
+
+[Note 1249: Rymer, _Foedera_, 18 juin 1429.--Morosini, t. III, pp.
+132-133; t. IV, annexe XVII.--G. Lefèvre-Pontalis, _La panique
+anglaise en mai 1429_, Paris, 1894, in-8º.]
+
+[Note 1250: G. Lefèvre-Pontalis, _La guerre des partisans dans la
+Haute Normandie_ (1424-1429) dans _Bibliothèque de l'École des
+Chartes_, depuis 1893.]
+
+Ces partisans enfin, prêts à tendre la main aux Français, n'étaient
+guère engageants. On savait que brigands ils étaient, brigands ils
+resteraient et que, la Normandie reconquise, il faudrait les
+exterminer jusqu'au dernier, sans honneur ni profit. En ce cas, ne
+valait-il pas mieux laisser les Godons aux prises avec eux?
+
+D'autres seigneurs demandaient qu'on allât en Champagne[1251]. Et,
+quoi qu'on ait dit, les apocalypses de la Pucelle n'étaient pour rien
+dans leur détermination. Les conseillers du roi conduisaient Jeanne,
+loin de se laisser conduire par elle. Ils l'avaient une première fois
+détournée de la route de Reims en lui donnant du travail sur la Loire.
+Ils pouvaient la dériver encore sur la Normandie sans seulement
+qu'elle s'en aperçût, tant elle ignorait les chemins et les pays. Si
+plusieurs recommandaient la campagne champenoise, c'était non sur la
+foi des anges et des saintes, mais pour des raisons humaines. Peut-on
+les nommer? Sans doute il y avait des seigneurs et des capitaines qui
+consultaient l'intérêt du roi et du royaume, mais il était si
+difficile à chacun de ne pas le confondre avec son propre intérêt, que
+l'on sera bien près de connaître ceux qui décidèrent la marche sur
+Reims quand on saura ceux à qui cette marche devait profiter. Certes,
+ce n'était pas au duc d'Alençon, qui aurait beaucoup mieux aimé
+reprendre son duché avec le secours de la Pucelle[1252]. Ce n'était
+pas non plus à monseigneur le Bâtard ni au sire de Gaucourt, ni au roi
+lui-même, qui devaient surtout désirer, pour la sûreté du Berry et de
+l'Orléanais, qu'on enlevât La Charité au terrible Perrinet
+Gressart[1253]. On peut supposer, au contraire, que la reine de Sicile
+ne voyait pas d'un mauvais oeil le roi son gendre pousser vers le
+nord-est. Cette dame espagnole était prise de la folie angevine.
+Rassurée, pour l'instant, sur le sort de son duché d'Anjou, elle
+poursuivait avec âpreté, et au grand dommage du royaume de France,
+l'établissement de son fils René dans le duché de Bar et dans
+l'héritage de Lorraine, et il ne devait pas lui déplaire que le roi
+Charles lui tînt la route libre de Gien à Troyes et à Châlons. Mais
+elle avait perdu tout pouvoir sur son gendre depuis l'exil du
+Connétable, et l'on ne voit pas qui l'aurait servie dans le conseil,
+au mois de mai 1429[1254]. Au reste, sans chercher davantage, nous
+trouvons le personnage qui, plus que tout autre, devait être d'avis
+que le roi fût sacré, et qui, plus que tout autre, se trouvait en état
+de faire prévaloir son avis. C'était celui-là même à qui il
+appartenait de tenir la Sainte Ampoule entre ses mains sacrées,
+messire Regnault de Chartres, archevêque duc de Reims, chancelier du
+royaume.
+
+[Note 1251: Perceval de Cagny, pp. 149, 157.]
+
+[Note 1252: Perceval de Cagny, p. 170.]
+
+[Note 1253: _Chronique de la Pucelle_, p. 310.]
+
+[Note 1254: E. Cosneau, _Le connétable de Richemont_, pp. 179 et
+suiv.]
+
+C'était un homme d'une intelligence rare, appliqué aux affaires, très
+habile négociateur, avide de biens, moins soucieux de vains honneurs
+que d'avantages solides; avare, peu scrupuleux, qui, aux environs de
+la cinquantaine, n'avait rien perdu de son activité dévorante: il
+venait de le montrer en se dépensant avec une belle ardeur pour la
+défense d'Orléans. Doué de la sorte, comment n'eût-il pas exercé dans
+le Gouvernement une action puissante?
+
+Archevêque duc de Reims depuis quinze ans, il attendait encore le
+premier sou de ses énormes revenus. Il criait misère, bien qu'il fût
+riche; il adressait au pape des suppliques à fendre l'âme[1255]. Si la
+Pucelle avait été jugée favorablement par les maîtres de Poitiers,
+monseigneur Regnault y était bien pour quelque chose. Les clercs
+n'eussent pas, sans lui, proposé au roi de l'essayer. Et ce n'est pas
+faire une supposition trop hasardeuse que de croire que, si l'on
+décida la marche sur Reims dans les conseils du roi, ce fut que le
+chancelier du royaume approuva par sagesse humaine ce que la Pucelle
+proposait par inspiration divine.
+
+[Note 1255: Le P. Denifle, _La désolation des églises_,
+introduction.]
+
+Et, dans le fait, la campagne du sacre, qui n'allait point sans grands
+dommages et fâcheux inconvénients offrait aussi de précieux avantages
+et surtout des facilités secrètes. Par malheur, elle laissait libre
+tout le pays de France occupé par les Anglais et elle donnait à
+ceux-ci le temps de se refaire et de recevoir des secours d'outre-mer.
+Et l'on verra bientôt qu'ils mirent ce temps à profit[1256]. Quant aux
+avantages, il s'en présentait plusieurs et de diverses sortes. Et
+d'abord Jeanne exprimait en vérité le sentiment des pauvres clercs et
+du commun peuple en disant que par son sacre le dauphin gagnerait
+beaucoup[1257]. L'huile de la Sainte Ampoule devait communiquer au roi
+une splendeur, une majesté dont le rayonnement s'étendrait sur la
+France et sur la chrétienté tout entière. La royauté, dans ce temps,
+était d'ordre spirituel autant que d'ordre temporel, et la foule des
+hommes pensait, ainsi que Jeanne, que les rois ne sont rois que par
+l'onction sainte. Aussi pouvait-on dire que Charles de Valois
+recevrait plus de force d'une goutte d'huile que de dix mille lances.
+De cela les conseillers du roi devaient tenir grand compte; encore
+fallait-il considérer le temps et le lieu. Ne pouvait-on pas faire la
+cérémonie ailleurs qu'à Reims? Ne pouvait-on pas accomplir ce qu'on
+appelait le «mystère», dans cette ville sauvée par l'intercession de
+ses bienheureux patrons, Saint-Aignan et Saint-Euverte? Deux rois
+issus de Hugues Capet, Robert le Sage et Louis le Gros, avaient été
+couronnés à Orléans[1258]. Mais le souvenir de leur consécration
+royale se perdait dans la nuit des âges, tandis que le peuple gardait
+la mémoire d'une longue suite de rois très chrétiens sacrés dans la
+ville où la colombe divine avait apporté l'huile sainte à
+Clovis[1259]. D'ailleurs le seigneur archevêque et duc de Reims
+n'aurait jamais souffert que le roi reçût les onctions autrement que
+de sa main et dans sa cathédrale.
+
+[Note 1256: Morosini, t. IV, Annexe XVII.]
+
+[Note 1257: _Procès_, t. III, pp. 20, 300.--_Chronique de la
+Pucelle_, pp. 322, 323.--_Journal du siège_, pp. 93, 114.]
+
+[Note 1258: Le Maire, _Antiquités d'Orléans_, chap. XXV, p. 100.]
+
+[Note 1259: Pie II, _Commentarii_, dans _Procès_, t. IV, pp.
+513-514.--Pierre des Gros, _Jardin des nobles_, dans P. Paris,
+_Manuscrits français de la bibliothèque du roi_, t. II, p. 149, et
+_Procès_, t. IV, pp. 533-534.]
+
+Il fallait donc aller à Reims; il fallait devancer les Anglais qui
+avaient résolu d'y amener leur roi enfant, pour qu'il y fût sacré
+selon le cérémonial[1260]. Mais les Français, en pénétrant dans la
+Normandie, auraient fermé au jeune roi Henri le chemin, déjà mal sûr
+pour lui, de Paris et de Reims, et vraiment il eût été puéril de dire
+que le sacre ne pouvait être retardé de quelques semaines. Si l'on
+renonçait à gagner des terres et des villes en Normandie, ce n'était
+donc pas seulement pour aller à la conquête de la Sainte Ampoule. Le
+seigneur archevêque de Reims avait d'autres considérations à
+présenter, celle-ci par exemple: En se plaçant hardiment entre le duc
+de Bourgogne et les Anglais ses alliés, on pouvait se flatter de
+produire quelque impression sur l'esprit du prince et de lui fournir,
+comme sujet de méditations salutaires, la vue de Charles, fils de
+Charles, roi de France, chevauchant à la tête d'une puissante armée.
+
+[Note 1260: William Wyrcester, dans _Procès_, t. IV, p. 475.--Pie
+II, _Commentarii_, dans _Procès_, t. IV, p. 513.]
+
+Pour atteindre la cité du bienheureux Remi, il fallait parcourir plus
+de cent lieues en pays rebelle, mais sans aucun risque d'y rencontrer
+de longtemps des gens d'armes ennemis. Anglais et Bourguignons
+levaient des troupes à force, engageaient, «endentaient». Pour le
+présent, ils n'avaient personne à opposer aux français. La Champagne,
+beau pays, peu boisé, avait beaucoup de blé, beaucoup de cultures,
+beaucoup de vin, beaucoup de gros bétail[1261]; elle n'était pas
+ruinée comme la Normandie; les hommes d'armes avaient chance de s'y
+nourrir, surtout si, comme on y comptait, les bonnes villes se
+laissaient tirer des vivres. Elles possédaient de grands biens; leurs
+greniers regorgeaient de blé. Quoiqu'elles reconnussent le roi Henri
+pour leur seigneur, elles ne se sentaient aucun attachement aux
+Anglais et aux Bourguignons; elles se gouvernaient elles-mêmes.
+C'étaient de riches marchandes qui ne voulaient que la paix et se
+donnaient au plus fort. À cette époque, elles soupçonnaient que la
+force passait aux Armagnacs. Elles avaient un clergé et des bourgeois
+à qui l'on pouvait parler. Il ne s'agissait pas de les assiéger avec
+de l'artillerie, des mines et des fossés, mais de les circonvenir avec
+de belles lettres d'amnistie, beaux traités de commerce et beaux
+engagements de respecter les privilèges du clergé. Avec elles on ne
+risquait pas de pourrir dans des taudis et de flamber dans des
+bastilles. On s'attendait à ce qu'elles ouvrissent leurs portes et,
+moitié amour, moitié peur, donnassent de l'argent au roi leur
+seigneur.
+
+[Note 1261: Voyages du héraut Berry, Bibl. nat. ms. fr. 5873, fol.
+7.]
+
+La campagne était déjà préparée; elle l'était très habilement. On
+avait noué des intelligences, à Troyes, à Châlons; le roi Charles
+reçut de quelques notables de Reims avis, par lettres et messages, que
+s'il venait, ils lui feraient ouvrir les portes de leur ville. Il
+accueillit même trois ou quatre bourgeois qui lui dirent:
+
+--Allez sûrement vers notre ville de Reims. Nous nous faisons fort de
+vous mettre en dedans[1262].
+
+[Note 1262: Jean Rogier dans _Procès_, t. IV, pp. 284-285.]
+
+Ces assurances enhardirent le Conseil royal; et la marche en Champagne
+fut résolue.
+
+L'armée se rassembla à Gien; elle y croissait tous les jours. Les
+seigneurs de Bretagne et de Poitou arrivaient abondamment, la plupart
+en petite compagnie, sur un mauvais bidet[1263]. Les plus pauvres,
+équipés en archers, venaient faire, faute de mieux, le service des
+gens de trait. Les vilains et les gens de métier s'offraient. De la
+Loire à la Seine et de la Seine à la Somme, la terre n'était plus
+cultivée qu'autour des châteaux et des forteresses; la plupart des
+champs restaient en jachères; en beaucoup d'endroits on ne tenait plus
+ni foires ni marchés; les ouvriers chômaient partout. La guerre, ayant
+détruit tous les métiers, devenait l'unique métier. «Chacun dit
+Eustache Deschamps, veut devenir écuyer. Il n'y a presque plus
+d'artisans[1264].» Il vint au lieu du rassemblement trente mille
+hommes, dont beaucoup de piétons, beaucoup de gens des communes, qui
+servaient pour la nourriture. Encore faut-il compter les moines, les
+valets, les femmes, la séquelle. Et tout ce monde avait grand'faim.
+Le roi se rendit à Gien, et il y manda la reine qui était à
+Bourges[1265].
+
+[Note 1263: _Chronique de la Pucelle_, p. 312.--Jean Chartier,
+_Chronique_, pp. 93-94.--_Journal du siège_, p. 108.--Cagny, p.
+157.--Morosini, pp. 84-85.--Loiseleur, _Compte des dépenses_, pp. 90,
+91.]
+
+[Note 1264: Eustache Deschamps, éd. Queux de Saint-Hilaire et G.
+Raynaud, t. I, pp. 159, 217 et _passim_.--Th. Basin, _Histoire de
+Charles VII et de Louis XI_, t. I, p. 44.--Lettre de Nicolas de
+Clamanges à Gerson, LIV.]
+
+[Note 1265: _Chronique de la Pucelle_, p. 308.--_Perceval de
+Cagny_, p. 155.--_Journal du siège_, p. 180--Morosini, t. III, p. 85.]
+
+Il pensait l'emmener à Reims pour qu'elle y fût sacrée avec lui, à
+l'exemple de la reine Blanche de Castille, de Jeanne de Valois et de
+la reine Jeanne, femme du roi Jean. Toutefois, les reines pour la
+plupart n'avaient pas été couronnées à Reims; la reine Ysabeau, mère
+du roi vivant, avait reçu la couronne des mains de l'archevêque de
+Rouen, dans la Sainte-Chapelle de Paris[1266]. Avant elle, les épouses
+des rois, à l'exemple de Berthe, femme de Pépin le Bref, venaient de
+préférence à Saint-Denys recevoir la couronne d'or, de saphir et de
+perles donnée par Jeanne d'Évreux aux religieux de l'abbaye[1267].
+Tantôt les reines étaient couronnées avec leur époux, tantôt elles
+l'étaient seules et à part; plusieurs ne l'avaient jamais été.
+
+[Note 1266: S.-J. Morand, _Histoire de la Sainte-Chapelle royale
+du Palais_, Paris, 1790, in-4º, pp. 77 et _passim_.]
+
+[Note 1267: Le P. J. Doublet, _Histoire de l'abbaye de Saint-Denys
+en France_, Paris, 1625, in-fol., ch. L, pp. 373 et suiv.--Dom
+Félibien, _Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denis_, 1706, in-fol.,
+pp. 203, 275, 543.]
+
+Pour que le roi Charles pensât emmener la reine Marie dans cette
+chevauchée, il fallait qu'il ne craignît ni fatigues trop rudes ni
+trop grands périls. Pourtant, au dernier moment, on changea d'avis. La
+reine, étant venue à Gien, fut renvoyée à Bourges; le roi se mit en
+chemin sans elle[1268].
+
+[Note 1268: _Journal du siège_, p. 107.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 310.]
+
+ Quand le roy s'en vint en France,
+ Il feit oindre ses houssiaulx,
+ Et la royne lui demande:
+ Où veult aller cest damoiseaulx[1269]?
+
+[Note 1269: Cité d'après la _Chronique Messine_, par Vallet de
+Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I, p. 424, note 1.]
+
+La reine ne demandait rien. Elle était laide et de faible vouloir.
+Mais la chanson dit qu'en partant le roi fit graisser ses vieux
+houssiaux, faute d'en pouvoir mettre de neufs. Ces plaisanteries sur
+la pauvreté du roi de Bourges, tout anciennes qu'elles étaient,
+pouvaient paraître bonnes encore[1270]. Le roi n'était pas devenu
+riche. C'était l'usage de payer d'avance aux gens d'armes une partie
+des sommes convenues pour leurs gages. À Gien il fut fait un paiement
+de trois francs par homme d'armes. La somme parut maigre, mais on
+comptait gagner en route[1271].
+
+[Note 1270: Voir plus bas, pp. 170-171.]
+
+[Note 1271: _Chronique de la Pucelle_, p. 313.--Perceval de Cagny,
+p. 157.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 87.]
+
+Le vendredi 24 juin, la Pucelle partit d'Orléans pour Gien. Le
+lendemain, elle dicta de Gien une lettre aux habitants de Tournai pour
+les instruire que les Anglais avaient été chassés de leurs places sur
+la Loire et déconfits en bataille, pour les inviter à venir au sacre
+du roi Charles à Reims et pour leur recommander de se maintenir loyaux
+Français.
+
+Voici cette lettre:
+
+ + JHESUS + MARIA.
+
+ Gentilz loiaux Franchois de la ville du Tournay, la Pucelle vous
+ faict savoir des nouvelles de par dechà, que en viij jours elle a
+ cachié les Anglois hors de toutez les places qu'ilz tenoient sur
+ la rivire de Loire par assaut ou aultrement; où il en a eu mains
+ mors et prinz, et lez a desconfis en bataille. Et croiés que le
+ conte de Suffort, Lapoulle son frère, le sire de Tallebord, le
+ sire de Scallez et messires Jean Falscof et plusieurs chevaliers
+ et capitainez ont esté prinz, et le frère du conte de Suffort et
+ Glasdas mors. Maintenés vous bien loiaux Franchois, je vous en
+ pry, et vous pry et vous requiers que vous soiés tous prestz de
+ venir au sacre du gentil roy Charles à Rains où nous serons
+ briefment, et venés au devant de nous quand vous saurés que nous
+ aprocherons. À Dieu vous commans, Dieu soit garde de vous et vous
+ doinst grace que vous puissiés maintenir la bonne querelle du
+ royaume de France. Escript à Gien le XXVe jour de juing.
+
+ _Sur l'adresse_: Aux loiaux Franchois de la ville de
+ Tournay[1272].
+
+[Note 1272: _Procès_, t. V, p. 125.--_Registre des Consaux,
+extraits analytiques des anciens Consaux de la ville de Tournay_, éd.
+H. Vandenbroeck, t. II, p. 329.--F. Hennebert, _Une lettre de Jeanne
+d'Arc aux Tournaisiens_, dans _Arch. hist. et littéraires du Nord de
+la France_, 1837, t. I, p. 525.--De Beaucourt, _Histoire de Charles
+VII_, t. III, p. 516]
+
+Une lettre de la même teneur dut être envoyée par la chancellerie
+monacale de la Pucelle à toutes les villes restées favorables au roi
+Charles, et les religieux durent faire eux-mêmes la liste de ces
+villes[1273]. Certes ils ne pouvaient oublier la ville du domaine
+royal, qui, dans les Flandres, en pleine domination bourguignonne,
+demeurait fidèle à son légitime seigneur. La ville de Tournai, cédée à
+Philippe le Bon par le Gouvernement anglais, en 1423, n'avait pas
+reconnu son nouveau maître. Jean de Thoisy, son évêque, résidait
+auprès du duc Philippe[1274]; mais elle restait «chambre du Roi» et
+l'attachement de ses habitants à la fortune du dauphin était connu de
+tous, exemplaire et fameux[1275]. Les consuls d'Albi, dans une note
+très brève, qu'ils rédigèrent sur les merveilles de l'année 1429,
+prirent soin de marquer que cette ville du nord, si lointaine, qu'ils
+ne savaient pas bien où elle était située, tenait pour la France, au
+milieu des ennemis de la France. «Le fait est, écrivirent-ils, que les
+Anglais occupaient tout le pays de Normandie et de Picardie, fors
+Tournay[1276].»
+
+[Note 1273: Lettre de Charles VII aux Dauphinois, publiée par
+Fauché-Prunelle, dans _Bulletin de l'Acad. Delphinale_, t. II, p. 459;
+aux habitants de Tours, dans le _Cabinet Historique_, t. I, C, p. 109;
+à ceux de Poitiers, par Redet, dans les _Mémoires de la Société des
+Antiquaires de l'Ouest_, t. III, p. 106.--_Relation du greffier de La
+Rochelle_, dans _Revue Historique_, t. IV, p. 459.]
+
+[Note 1274: Monstrelet, t. IV, p. 352.]
+
+[Note 1275: Morosini, t. III, pp. 184-185.--_Chronique de Tournai_,
+éd. de Smedt (_Recueil des Chroniques de Flandre_, t. III,
+_passim_).--_Troubles à Tournai_ (1422-1430), dans _Mémoires de la
+Société historique et littéraire de Tournai_, t. XVII (1882).--_Extraits
+des anciens registres des Consaux_, éd. Vandenbroeck, t. II,
+_passim_.--Monstrelet, chap. LXVII et LXIX.--A. Longnon, _Paris sous la
+domination anglaise_, pp. 143, 144.]
+
+[Note 1276: Le greffier de l'hôtel de ville d'Albi, dans _Procès_,
+t. IV, p. 301.]
+
+Ceux du bailliage de Tournai, jaloux en effet de jouir des franchises
+et des privilèges que le roi de France leur avait accordés, n'eussent
+voulu pour rien au monde se disjoindre de la Couronne. Ils
+protestaient de leur fidélité et faisaient de belles processions pour
+le bien du roi et le recouvrement de son royaume; mais là s'arrêtait
+leur dévouement, et quand leur seigneur Charles leur réclamait
+instamment les arrérages de leurs contributions, dont il disait avoir
+très grand besoin, leurs magistrats en délibéraient et décidaient de
+demander de nouveaux délais, les plus longs possibles[1277].
+
+[Note 1277: H. Vandenbroeck, _Extraits analytiques des anciens
+registres des Consaux de la ville de Tournai_, t. II, pp. 328-330.]
+
+Il n'est pas douteux que la Pucelle n'ait dicté elle-même cette
+missive. On voit qu'elle y attribue à elle seule la victoire, toute la
+victoire. Sa candeur l'y obligeait. À son sens, Dieu avait tout fait,
+et il avait tout fait par elle. «La Pucelle a chassé les Anglais de
+toutes les places qu'ils tenaient.» Elle seule pouvait montrer une foi
+si naïve en elle-même. Frère Pasquerel n'aurait pas écrit avec cette
+sainte simplicité.
+
+Il est remarquable que, dans cette lettre, sir John Falstolf est
+compté parmi les prisonniers. Cette erreur n'est pas particulière à
+Jeanne. Le roi mande à ses bonnes villes que trois capitaines anglais
+furent pris, Talbot, le sire de Scalles et Falstolf. Perceval de
+Boulainvilliers, dans son épître latine au duc de Milan, met Falstolf,
+qu'il nomme Fastechat, au nombre des mille prisonniers faits par les
+Dauphinois. Enfin, une missive, envoyée vers le 25 juin d'une des
+villes du diocèse de Luçon, témoigne d'une grande incertitude sur le
+sort de Talbot, Falstolf et Scalles, «qu'on dit être pris ou
+morts[1278]». Les Français avaient mis la main, peut-être, sur un
+seigneur qui ressemblait à John Falstolf de visage ou de nom; ou bien
+quelque homme d'armes, pour être reçu à rançon, avait dit être
+Falstolf. La lettre de la Pucelle parvint le 7 juillet à Tournai. Le
+lendemain, les consaux[1279] de la ville décidèrent d'envoyer une
+ambassade au roi Charles de France[1280].
+
+[Note 1278: Lettre de Perceval de Boulainvilliers, dans _Procès_,
+t. V, p. 120.--Fragment d'une lettre sur des prodiges advenus en
+Poitou, _ibid._, p. 122.--Morosini, t. III, pp. 74-76.]
+
+[Note 1279: _Consau_ pour Conseil, Assemblée. _Consaux_ a signifié
+également conseillers (La Curne).]
+
+[Note 1280: Hennebert, _Archives historiques et littéraires du
+Nord de la France_, 1837, t. I, p. 520.--_Extraits des anciens
+registre des consaux_, éd. Vandenbroeck, t. II, _loc. cit._]
+
+Le 27 juin ou environ, la Pucelle fit porter au duc de Bourgogne des
+lettres pour qu'il fût au sacre du roi. Elle ne reçut point de
+réponse[1281]. Le duc Philippe était l'homme du monde le plus
+incapable de correspondre avec la Pucelle. Qu'elle lui écrivît
+obligeamment, c'était une marque de son bon esprit. Enfant, dans son
+village, elle avait été l'ennemie des Bourguignons avant d'être
+l'ennemie des Anglais, cependant elle voulait le bien du royaume et la
+réconciliation des Français.
+
+[Note 1281: _Procès_, t. V, p. 126.]
+
+Le duc de Bourgogne ne pouvait facilement pardonner le guet-apens de
+Montereau, mais à aucun moment de sa vie il n'avait voué une haine
+irréconciliable au parti français. L'entente était devenue très
+possible depuis l'année 1425, alors que son beau-frère, le Connétable
+de France, avait chassé du Conseil royal les assassins du duc Jean.
+Quant au dauphin Charles, il se défendait d'avoir eu part au crime
+et, parmi les Bourguignons, il passait pour idiot[1282]. Dans le fond
+de son coeur, le duc Philippe n'aimait pas les Anglais. Il leur avait
+refusé, après la mort du roi Henri V, de prendre la régence de France.
+On sait l'aventure de la comtesse Jacqueline qui faillit le brouiller
+tout à fait avec eux[1283]. La maison de Bourgogne cherchait depuis de
+longues années à mettre la main sur les Pays-Bas. Le duc Philippe y
+parvint enfin en mariant son cousin germain Jean, duc de Brabant, avec
+Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, Hollande et Zélande, et
+dame de Frise. Jacqueline, qui ne pouvait souffrir son mari, s'enfuit
+en Angleterre, et, ayant fait casser son mariage par l'antipape Benoit
+XIII, épousa le duc de Glocester, frère du Régent.
+
+[Note 1282: Dom Plancher, _Histoire de Bourgogne_, IV, p.
+lvi-lvij.--E. Cosneau, _Le connétable de Richemont_, pp. 114 et suiv.]
+
+[Note 1283: Dom Plancher, _Histoire de Bourgogne_, t. IV, preuves,
+p. LV.]
+
+Bedford, aussi sage que Glocester était fol, s'efforçait au contraire
+de retenir le magnifique duc dans l'alliance anglaise; mais la haine
+secrète qu'il ressentait pour le Bourguignon éclatait par soudains
+accès. Qu'il ait voulu le faire assassiner et que le duc de Bourgogne
+l'ait su, ce n'est pas prouvé. On assure, tout au moins, qu'à ce
+prudent duc de Bedford il échappa, un jour, de dire que le duc
+Philippe pourrait bien s'en aller en Angleterre boire de la bière plus
+que son saoul[1284]. Il venait de le mécontenter très maladroitement
+en ne lui laissant pas prendre la ville d'Orléans[1285]. Il s'en
+mordait les doigts et, tout repentant d'avoir refusé au duc le nombril
+de la Loire et le coeur de la France, il s'empressa de lui offrir la
+Champagne, que les Français s'en allaient prendre: c'était, en effet,
+le moment d'en faire un présent au grand ami[1286].
+
+[Note 1284: De Barante, _Histoire des ducs de Bourgogne_, t. V, p.
+270.--Desplanques, _Projet d'assassinat de Philippe le Bon par les
+Anglais (1424-1426)_, dans les _Mémoires couronnés par l'Académie de
+Bruxelles_, XXXIII (1867).]
+
+[Note 1285: _Journal du siège_, p. 70.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 270.--Morosini, t. III, pp. 20 et suiv.]
+
+[Note 1286: Monstrelet, t. IV. pp. 332, 333.--De Beaucourt,
+_Histoire de Charles VII_, t. II. p. 36, note 7.]
+
+Cependant le magnifique duc ne pensait qu'à ses Flandres. Le pape
+Martin avait déclaré nul le mariage de la comtesse Jacqueline avec
+Glocester, et Glocester épousait une autre femme. Le Gargantua de
+Dijon remettait la main sur les terres de cette belle Jacqueline. Il
+restait l'allié des Anglais, comptant se servir d'eux et ne pas les
+servir, et se réservait, s'il y trouvait avantage, de combattre les
+Français avant de se réconcilier avec eux; il n'y voyait aucun mal.
+Après les Flandres c'étaient les dames et les belles peintures comme
+celles des frères Van Eyck qu'il avait le plus à gré. On imagine ce
+qu'une lettre de la Pucelle des Armagnacs devait peser sur son
+esprit[1287].
+
+[Note 1287: Monstrelet, t. IV, pp. 308-309.--Quenson, _Notice sur
+Philippe le Bon, la Flandre et ses fêtes_, Douai, 1840, in-8º.--De
+Reiffenberg, _Les enfants naturels du duc Philippe le Bon_ dans
+_Bulletin de l'Académie de Bruxelles_, t. XIII (1846).]
+
+
+
+
+CHAPITRE XVII
+
+LA CONVENTION D'AUXERRE.--FRÈRE RICHARD.--LA CAPITULATION DE TROYES.
+
+
+Le 27 juin, l'avant-garde, commandée par le maréchal de Boussac, le
+sire de Rais, les capitaines La Hire et Poton, partit de Gien et se
+dirigea sur Montargis, dans le dessein d'occuper Sens. On se ravisa
+presque aussitôt et l'on se tourna vers Auxerre. Le roi se mit en
+marche le surlendemain, avec les princes du sang royal, une nombreuse
+chevalerie, la grosse bataille, comme on disait, et le sire de la
+Trémouille, qui conduisait toute l'entreprise[1288]. L'armée arriva le
+1er juillet devant Auxerre[1289]. La Pucelle, qui avait accompagné
+l'avant-garde, voyait la ville entourée de coteaux de vignes et de
+champs de blé, dresser ses murailles, ses tours, ses toits et ses
+clochers au penchant d'une colline. Cette cité devant laquelle elle
+chevauchait au soleil d'été, tout armée, comme un beau saint Maurice,
+au milieu d'une ample chevalerie, elle l'avait vue, sous un ciel
+sombre et pluvieux quand, trois mois auparavant, habillée en galopin
+d'écurie, elle allait, sur un mauvais cheval, en compagnie de quelques
+pauvres routiers, vers le dauphin Charles[1290].
+
+[Note 1288: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 90.--Perceval de
+Cagny, pp. 158-159.--Morosini, t. III, pp. 142, 143.]
+
+[Note 1289: _Chronique de la Pucelle_, p. 314.--_Journal du
+siège_, pp. 108-109.--Monstrelet, t. IV, p. 330.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 92.--Morosini, t. III, p. 142 et note 3.]
+
+[Note 1290: _Procès_, t. I, pp. 54, 222.]
+
+Le comté d'Auxerre appartenait, depuis l'an 1424, au duc de Bourgogne,
+qui l'avait reçu en don du Régent et y exerçait son autorité au moyen
+d'un bailli et d'un capitaine[1291].
+
+[Note 1291: Abbé Lebeuf, _Histoire ecclésiastique et civile
+d'Auxerre_, t. II, p. 251; t. III, pp. 302, 506.]
+
+Le seigneur évêque, messire Jean de Corbie, précédemment évêque de
+Mende, passait pour favorable au dauphin[1292]. Le Chapitre de la
+cathédrale professait au contraire des sentiments bourguignons[1293].
+Douze jurés, élus par la communauté des bourgeois et des habitants,
+administraient la ville. On conçoit sans peine le sentiment qu'ils
+éprouvèrent à la venue de l'armée royale: ce fut l'épouvante. Les
+hommes d'armes, qu'ils portassent la croix blanche ou la croix rouge,
+inspiraient une juste terreur aux gens des villes qui, pour détourner
+de leurs murs ces larrons sacrilèges et homicides, étaient capables
+des plus rudes efforts, même de mettre la main à l'escarcelle.
+
+[Note 1292: Chardon, _Histoire de la ville d'Auxerre_, Auxerre,
+1834 (2 vol. in-8º), t. II, p. 258.]
+
+[Note 1293: Dom Plancher, _Histoire de Bourgogne_, t. IV, p.
+76.--Chardon, _Histoire de la ville d'Auxerre_, t. II, pp. 257 et
+suiv.--Vallet de Viriville, _Histoire de Charles VII_, t. I, p. 383.]
+
+À ceux d'Auxerre le roi manda par ses hérauts de le recevoir comme
+leur naturel et droiturier seigneur. Un tel mandement, appuyé sur des
+lances, les embarrassait fort. À refuser comme à consentir, ces bonnes
+gens couraient de grands risques. Changer d'obéissance n'était pas une
+chose à faire légèrement; il y allait de leurs biens et de leur vie.
+Prévoyant le danger et sentant leur faiblesse, ils étaient entrés dans
+la ligue communale formée par les cités champenoises contre la
+disgrâce de recevoir des gens d'armes et les périls d'avoir deux
+maîtres ennemis. Ils se présentèrent devant le roi Charles et
+promirent de lui faire telle et pareille obéissance que ceux des
+villes de Troyes, Châlons et Reims[1294].
+
+[Note 1294: _Journal du siège_, p. 108.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 313.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p.
+90.--Monstrelet, t. IV, p. 436.--Abbé Lebeuf, _Histoire ecclésiastique
+d'Auxerre_, t. II, p. 51.--Chardon, _Histoire de la ville d'Auxerre_,
+t. II, p. 259.]
+
+Ce n'était pas obéir; ce n'était pas non plus se mettre en état de
+rébellion. On négocia; les ambassadeurs allaient de la ville au camp
+et du camp à la ville; finalement, les jurés, qui ne manquaient pas
+d'esprit, proposèrent un arrangement acceptable et que les princes
+concluaient entre eux à tout moment, la trêve.
+
+Ils dirent au Roi:
+
+--Nous vous prions et requérons de vouloir bien passer outre, et nous
+vous demandons de conclure abstinence de guerre.
+
+Et, pour rendre leur prière plus agréable, ils donnèrent deux mille
+écus au sire de la Trémouille qui les garda, dit-on, sans vergogne. De
+plus, les habitants consentaient à fournir des vivres à l'armée,
+contre espèces sonnantes; et c'était à considérer, car la famine
+régnait dans le camp[1295]. Cette trêve ne faisait pas l'affaire des
+gens d'armes qui y perdaient une belle occasion de dérober et piller.
+Des murmures s'élevèrent; plusieurs seigneurs et capitaines disaient
+qu'il ne serait pas difficile de prendre la ville et qu'il fallait
+essayer. La Pucelle, à qui ses Voix annonçaient perpétuellement la
+victoire, ne cessait d'appeler les soldats aux armes[1296]. Sans
+aucunement s'émouvoir, le Roi conclut la trêve proposée, ne se
+souciant pas d'obtenir par force plus qu'il n'avait gagné par douceur.
+S'il avait attaqué la ville, peut-être l'aurait-il prise et tenue à sa
+merci; mais c'était le pillage, l'incendie, le meurtre et le viol
+certains. Et les Bourguignons seraient venus la reprendre sur ses
+talons, y piller, brûler, violer, massacrer de nouveau. Que
+d'exemples on avait de ces malheureuses villes enlevées et perdues
+tout aussitôt, ruinées par les Français, ruinées par les Anglais et
+les Bourguignons, où chaque bourgeois gardait dans son coffre, pour
+s'en coiffer tour à tour, béret rouge et béret blanc! Fallait-il donc
+sans cesse renouveler ces massacres et ces abominations dont le
+ressentiment faisait exécrer les Armagnacs dans toute l'Île de France
+et rendait si difficile au roi légitime la recouvrance de sa ville de
+Paris? Le Conseil royal ne le crut pas; il pensa au contraire que
+Charles de Valois réussirait mieux à reprendre son bien en montrant en
+même temps sa mansuétude et sa force et en poursuivant avec une royale
+clémence jusqu'à la ville de Reims sa marche armée et pacifique.
+
+[Note 1295: Morosini, t. III, p. 149.--Jean Chartier, _Chronique_,
+t. I, p. 90.--_Chronique de la Pucelle_, p. 313.--Monstrelet, t. IV,
+p. 336.--Gilles de Roye, dans _Collection des chroniques belges_, pp.
+206, 207.--Chardon, _Histoire de la ville d'Auxerre_, t. II, p. 260.]
+
+[Note 1296: Jean Chartier, _Journal du siège_, _Chronique de la
+Pucelle_, _loc. cit._]
+
+Après être demeurés trois jours sous les murs de la ville, les soldats
+rassasiés passèrent l'Yonne et s'en furent sous la ville de
+Saint-Florentin qui se mit aussitôt dans l'obéissance du roi. Le 4
+juillet, ils atteignirent le village de Saint-Phal, à quatre heures de
+Troyes[1297].
+
+[Note 1297: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp.
+290-292.--Monstrelet, t. IV. p. 336.--_Journal du siège_, p.
+109.--_Chronique de la Pucelle_, p. 314.--Jean Chartier, _Chronique_,
+t. I, p. 91.--_Procès_, t. V, pp. 264-265.]
+
+En cette ville forte, quatre cents hommes au plus tenaient garnison,
+tous natifs du royaume de France: il n'y avait pas, il n'y avait
+jamais eu d'Anglais en Champagne; un bailli, messire Jean de
+Dinteville; deux capitaines, les sires de Rochefort et de Plancy,
+commandaient, dans la ville, pour le roi Henri et pour le duc de
+Bourgogne[1298]. Troyes était marchande: la draperie faisait sa
+richesse. Sans doute cette industrie déclinait depuis longtemps,
+atteinte par la concurrence et le déplacement des marchés; la misère
+publique et l'insécurité des routes précipitaient sa ruine. Pourtant
+la corporation des drapiers demeurait puissante et donnait au Conseil
+un grand nombre de magistrats[1299].
+
+[Note 1298: Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes et de la
+Champagne méridionale_, Paris, 1872 (5 vol. in-8º), t. II. p. 182.]
+
+[Note 1299: F. Bourquelot, _Les foires de Champagne_, Paris, 1865,
+t. Ier, p. 65.--Louis Batiffol, _Jean Jouvenel, prévôt des marchands_,
+Paris, 1894, in-8º.]
+
+Ces marchands avaient juré, en 1420, le traité qui assurait à la
+maison de Lancastre la couronne de France; ils se trouvaient à la
+merci des Bourguignons et des Anglais. Pour tenir ces grandes foires
+où ils portaient leurs draps, il leur fallait vivre en paix avec leurs
+voisins de Bourgogne, et, si les Godons avaient fermé les ports de
+Seine à leurs ballots, ils fussent morts de faim. Aussi les notables
+de la ville étaient-ils devenus Anglais. Ce n'était pas à dire qu'ils
+dussent le rester toujours. De grands changements s'étaient accomplis
+dans le royaume depuis quelques semaines, et les Gilles Laiguisé, les
+Hennequin, les Jouvenel, ne se piquaient pas de demeurer immuables
+dans leurs sentiments parmi les mutations de la fortune qui ôtaient la
+force aux uns pour la communiquer aux autres. Les victoires des
+Français leur donnaient à réfléchir. Le menu peuple, les ouvriers
+tisseurs, teinturiers, corroyeurs, nombreux le long des ruisseaux qui
+traversaient la cité, avaient le coeur bourguignon. Quant aux hommes
+d'Église, s'ils ne se sentaient émus d'aucun amour pour les Armagnacs,
+ils n'en étaient pas moins enclins à croire que le roi Charles venait
+à eux par un décret spécial de la providence divine.
+
+Le seigneur évêque de Troyes était messire Jean Laiguisé, fils de
+maître Huet Laiguisé, un des premiers jureurs du traité de 1420[1300].
+Le Chapitre l'avait élu sans attendre la licence du régent, qui
+s'éleva contre l'élection et menaça de confisquer les biens des
+chanoines, non que le nouveau pontife lui déplût; messire Jean
+Laiguisé avait sucé sur le sein de l'alme Université de Paris la haine
+des Armagnacs et le respect de la rose de Lancastre. Mais monseigneur
+de Bedford ne tolérait pas ce mépris des droits du souverain.
+
+[Note 1300: _Gallia Christiana_, t. XIII, col.
+514-516.--Courtalon-Delaistre, _Topographie historique du diocèse de
+Troyes_ (Troyes, 1783, 3 vol. in-8º), t. I, p. 384.--Th. Boutiot,
+Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 477-478.--De Pange, _Le
+pays de Jeanne d'Arc, le fief et l'arrière-fief_, Paris, 1902, in-8º,
+p. 33.]
+
+Peu de temps après, il souleva la réprobation de l'Église de France
+tout entière et fut jugé par les évêques pire que les plus cruels
+tyrans dont il est parlé dans l'Écriture, Pharaon, Nabuchodonosor,
+Artaxercès qui, châtiant Israël, avaient toutefois épargné les
+lévites. Plus méchant qu'eux et plus impie, monseigneur de Bedford
+attentait aux privilèges de l'Église gallicane, c'est-à-dire que, au
+profit du Saint-Siège, il dépouillait les ordinaires de la collation
+des bénéfices, levait un double décime sur le clergé de France, et
+demandait aux gens d'Église de lui faire abandon des biens reçus par
+eux depuis quarante ans. Qu'il agît de la sorte avec l'agrément du
+pape, sa conduite n'en était pas moins exécrable au sentiment des
+seigneurs évêques de France, décidés à en appeler du pape mal informé
+au pape mieux informé, et qui tenaient l'autorité de l'évêque de Rome,
+petite auprès de l'autorité du Concile. Ils gémissaient: l'abomination
+de la désolation était dans la Gaule chrétienne. Monseigneur de
+Bedford, pour pacifier l'Église de France, soulevée contre lui,
+convoqua à Paris les évêques de la province ecclésiastique de Sens,
+qui comprenait les diocèses de Paris, de Troyes, d'Auxerre, de Nevers,
+de Meaux, de Chartres et d'Orléans[1301].
+
+[Note 1301: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p. CCXX et preuves,
+_ccix_, pp. 238-239.--Robillard de Beaurepaire, _Les États de
+Normandie sous la domination anglaise_, Évreux, 1859, in-8º.]
+
+Messire Jean Laiguisé se rendit à cette convocation. Le synode se tint
+à Paris, dans le prieuré de Saint-Éloi, sous la présidence du
+métropolitain, du 1er mars au 23 avril 1429[1302]. Les évêques
+rassemblés représentèrent à monseigneur le Régent le malheureux état
+des seigneurs ecclésiastiques, à qui les paysans, pillés par les gens
+de guerre, ne payaient plus leurs redevances, les terres d'Église
+abandonnées, le service divin cessé dans les campagnes, faute
+d'argent pour la célébration du culte. Ils furent unanimes à refuser
+le double décime au régent et au pape, menaçant d'en appeler du pape
+au concile. Quant à dépouiller les clercs de tous les biens qu'ils
+avaient reçus depuis quarante ans, ils déclarèrent que ce serait une
+impiété et ils avertirent charitablement monseigneur de Bedford du
+sort réservé dès ce monde aux impies par le juste jugement de Dieu.
+«Le Prince, lui dirent-ils, doit détourner de lui les misères et
+calamités advenues aux princes de plusieurs royaumes qui affligèrent
+de telles réquisitions l'Église que Dieu a délivrée par son précieux
+sang de la servitude du Démon, desquels les uns périrent par le
+glaive, plusieurs furent traînés en captivité, les autres dépouillés
+de leurs très illustres souverainetés. C'est pourquoi ils ne doivent
+pas croire qu'ils méritent la grâce de la divine Majesté, ceux-là qui
+s'efforcent de réduire en servitude l'Église son épouse[1303].»
+
+[Note 1302: Labbe et Cossart, _Sacro-Sancta-Consilia_, t. XII,
+col. 392.]
+
+[Note 1303: Labbe et Cossart, _Sacro-Sancta-Consilia_, t. XII,
+col. 390, 399.]
+
+Les sentiments de Jean Laiguisé à l'égard du régent d'Angleterre
+étaient ceux du synode. Il n'en faut pas conclure que l'évêque de
+Troyes voulût la mort du pécheur, ni même qu'il fût l'ennemi des
+Anglais[1304]. L'Église use communément de prudence à l'endroit des
+puissances temporelles. Sa mansuétude est grande et sa patience
+inlassable. Elle menace longtemps avant que de frapper et admet
+l'impie à résipiscence dès qu'il donne signe de repentir. Mais on
+pouvait croire que, si Charles de Valois prenait pouvoir et volonté de
+protéger l'Église de France, le seigneur évêque et le chapitre de
+Troyes craindraient, en lui résistant, de résister à Dieu lui-même,
+car toute puissance vient de Dieu qui _deposuit potentes_.
+
+[Note 1304: De Pange, _Le pays de Jeanne d'Arc, le fief et
+l'arrière-fief_, p. 33.]
+
+Le roi Charles ne s'était point aventuré en Champagne sans prendre ses
+sûretés; il savait sur qui compter en cette ville de Troyes. Il avait
+reçu des avis, des promesses; il entretenait des relations secrètes
+avec plusieurs bourgeois de la cité, et non des moindres[1305]. Dans
+la première quinzaine de mai, un notaire royal et dix clercs et
+notables marchands, qui se rendaient vers lui, avaient été arrêtés au
+sortir de leurs murailles, sur la route de Paris, par un capitaine au
+service des Anglais, le sire de Chateauvillain[1306]. Probablement que
+d'autres, plus heureux, purent accomplir leur mission. Il n'est pas
+difficile de deviner les questions agitées dans ces conciliabules. Les
+marchands demandaient que, au cas où le roi Charles deviendrait leur
+maître, il leur garantît l'entière liberté de leur trafic; les clercs
+voulaient être assurés qu'il respecterait les biens de l'Église. Et le
+roi, sans doute, ne ménageait point les promesses.
+
+[Note 1305: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 285.]
+
+[Note 1306: Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II,
+pp. 316 et suiv.]
+
+La Pucelle s'arrêta avec une partie de l'armée devant le château fort
+de Saint-Phal, appartenant à Philibert de Vaudrey, capitaine de la
+ville de Tonnerre, au service du duc de Bourgogne[1307]. En ce lieu de
+Saint-Phal, elle vit venir à elle un cordelier qui, craignant qu'elle
+ne fût le diable, faisait des signes de croix, jetait de l'eau bénite
+et n'osait approcher sans l'avoir exorcisée. C'était frère Richard qui
+venait de Troyes[1308]. Il y a intérêt à dire ce qu'était ce
+religieux, autant qu'on peut le savoir.
+
+[Note 1307: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 287, 288.--Th.
+Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II, p. 490.--A. Assier,
+_Une cité champenoise au XVe siècle_, Troyes, 1875, in-12.]
+
+[Note 1308: _Procès_, t. I, pp. 99, 100.--_Relation du greffier de
+La Rochelle_, p. 338.--_Chronique de la Pucelle_, p. 315.--_Journal du
+siège_, pp. 109-110.]
+
+On ignore le lieu de sa naissance[1309]. Disciple du frère Vincent
+Ferrier et du frère Bernardin de Sienne, comme eux il enseignait
+l'avènement prochain de l'Antéchrist et le salut des fidèles par
+l'adoration du saint nom de Jésus[1310]. Après avoir fait le
+pèlerinage de Jérusalem, il vint en France et prêcha dans la ville de
+Troyes l'avent de 1428. L'avent, qu'on nomme parfois aussi le carême
+de la Saint-Martin, commence le dimanche qui tombe entre le 27
+novembre et le 3 décembre, et dure quatre semaines pendant lesquelles
+les chrétiens se préparent à célébrer le mystère de la Nativité.
+
+[Note 1309: Ed. Richer dit qu'il se nommait Roch Richard, licencié
+en théologie; _Histoire manuscrite de la Pucelle_ (Bibl. Nat., fr.
+10448), livre I, folios 50 et suiv.--Abbé Dunand, _Histoire de Jeanne
+d'Arc_, t. II, p. 214.--Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_,
+t. II, p. 499.]
+
+[Note 1310: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 235.--Th. Basin,
+_Histoire de Charles VII et de Louis XI_, t. I, p. 104.--Vallet de
+Viriville, _Procès de condamnation de Jeanne d'Arc_, 1867,
+Introduction; _Notes sur deux médailles de plomb relatives à Jeanne
+d'Arc_, Paris, 1861, p. 22.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, p.
+CCXXXIX.]
+
+--Semez, disait-il, semez, bonnes gens; semez foison de fèves, car
+Celui qui doit venir viendra bien bref[1311].
+
+[Note 1311: _Journal du siège_, p. 110.]
+
+Par les fèves qu'il fallait semer, il entendait les bonnes oeuvres
+qu'il convenait d'accomplir avant que Notre-Seigneur vînt, sur les
+nuées, juger les vivants et les morts. Or, il importait de semer les
+oeuvres sans tarder, car bientôt serait la moisson. La venue de
+l'Antéchrist devait précéder de peu de temps la fin du monde et la
+consommation des siècles. Au mois d'avril 1429, frère Richard se
+rendit à Paris; le synode de la province de Sens tenait alors ses
+dernières séances. Que le bon frère ait été appelé dans la grande
+ville par l'évêque de Troyes présent au synode, c'est possible, mais
+il ne paraît pas que ce moine errant y fût venu pour défendre les
+droits de l'Église gallicane[1312].
+
+[Note 1312: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 233.--Labbe,
+Boutiot, _loc. cit._]
+
+Le 16 avril, il fit son premier sermon à Sainte-Geneviève; le
+lendemain et jours suivants, jusqu'au dimanche 24, il prêcha tous les
+matins, de cinq heures à dix et onze heures, en plein air, sur un
+échafaud adossé au charnier des Innocents, à l'endroit de la danse
+macabre. Autour de l'estrade, haute d'une toise et demie, se
+pressaient cinq ou six mille personnes auxquelles il annonçait la
+venue prochaine de l'Antéchrist et la fin du monde[1313]. «En Syrie,
+disait-il, j'ai rencontré des Juifs qui cheminaient par troupe; je
+leur demandai où ils allaient et ils me répondirent: «Nous nous
+rendons en foule à Babylone, parce qu'en vérité, le Messie est né
+parmi les hommes, et il nous restituera notre héritage, et il nous
+rétablira dans la terre de promission.» Ainsi parlaient ces Juifs de
+Syrie. Or, l'Écriture nous enseigne que celui qu'ils appellent le
+Messie est en effet l'Antéchrist de qui il est dit qu'il naîtra à
+Babylone, capitale du royaume de Perse, qu'il sera nourri à Bethsaïde
+et s'établira dans sa jeunesse à Coronaïm. C'est pourquoi
+Notre-Seigneur a dit: «_Vhe! vhe! tibi Bethsaïda. Vhe! Coronaïm_».
+L'an 1430, ajoutait frère Richard, apportera les plus grandes
+merveilles qu'on ait jamais vues[1314]. Les temps étaient proches. Il
+était né, l'homme de péché, le fils de perdition, le méchant, la bête
+vomie par l'abîme, l'abomination de la désolation; il sortait de la
+tribu de Dan, dont il est écrit: «Que Dan devienne semblable à la
+couleuvre du chemin et au serpent du sentier!» Bientôt reviendraient
+sur la terre les prophètes Élie et Énoch, Moïse, Jérémie et saint Jean
+l'Évangéliste; et bientôt se lèverait ce jour de colère, qui
+réduirait le siècle en poudre, selon le témoignage de David et de la
+Sibylle[1315]. Et le bon frère concluait qu'il fallait se repentir,
+faire pénitence, renoncer aux faux biens. Enfin, c'était, au sentiment
+des clercs, un prud'homme, savant en oraisons; et ses sermons
+tournaient le peuple à la dévotion plus, croyait-on, que ceux de tous
+les sermonneurs qui, depuis cent ans, avaient prêché dans la ville. Il
+était à propos qu'il vînt, car, en ce temps-là, le peuple de Paris
+s'adonnait avec fureur aux jeux de hasard; les clercs eux-mêmes s'y
+livraient sans honte, et l'on avait vu, sept ans auparavant, un
+chanoine de Saint-Merry, grand amateur de dés, tenir un jeu dans sa
+propre maison[1316]. Et malgré la guerre et la famine, les femmes de
+Paris se chargeaient de parures; le soin de leur beauté les occupait
+bien plus que le salut de leur âme.
+
+[Note 1313: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 234.]
+
+[Note 1314: _Ibid._, p. 235.]
+
+[Note 1315: Th. Basin, _Histoire des règnes de Charles VII et de
+Louis XI_, t. IV, pp. 103, 104.]
+
+[Note 1316: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 236.]
+
+Frère Richard tonnait surtout contre les damiers des hommes et les atours
+des dames. Un jour, notamment, qu'il prêchait à Boulogne-la-Petite, il
+cria sus aux dés et aux hennins et parla si bien que le coeur de ceux
+qui l'écoutaient en fut changé. De retour au logis, les bourgeois
+jetèrent dans la rue leurs tables à jeu, leurs damiers, leurs cartes,
+leurs billards et leurs billes, leurs dés et leurs cornets, et ils en
+firent un grand feu devant leur porte. Plus de cent de ces feux
+restèrent allumés dans les rues pendant trois ou quatre heures. Les
+femmes suivirent le bon exemple: ce jour-là et le lendemain, elles
+brûlèrent publiquement leurs atours de tête, bourreaux, truffaux, pièces
+de cuir ou de baleine dont elles dressaient le devant de leurs
+chaperons; les demoiselles quittèrent leurs cornes et leurs queues,
+ayant enfin honte de s'attifer en diablesses[1317].
+
+[Note 1317: _Journal d'un bourgeois de Paris_, pp. 234-235.]
+
+Le bon frère fit brûler pareillement les racines de mandragores que
+beaucoup de gens gardaient alors chez eux. Ces racines présentent
+parfois l'aspect d'un petit homme très laid, d'une difformité bizarre
+et diabolique. C'est là, peut-être, ce qui fit qu'on leur attribua des
+vertus singulières. On les habillait magnifiquement, de fin lin et de
+soie, et l'on conservait ces poupées, dans la croyance qu'elles
+portaient bonheur et procuraient des richesses. Les sorcières en
+faisaient grand commerce et ceux qui croyaient que la Pucelle était
+sorcière l'accusaient très faussement de porter sur elle une
+mandragore. Frère Richard haïssait ces racines magiques d'autant plus
+véhémentement qu'il leur reconnaissait le pouvoir de procurer des
+richesses, sources de tous les maux de ce monde. Cette fois encore sa
+parole fut entendue; et beaucoup de Parisiens rejetèrent avec
+épouvante les mandragores qu'ils avaient payées fort cher à ces
+vieilles femmes qui veulent trop savoir[1318].
+
+[Note 1318: _Procès_, t. I, pp. 89, 213.--_Journal d'un bourgeois
+de Paris_, p. 236.]
+
+Pour mieux édifier les Parisiens, il leur faisait prendre des
+médailles d'étain, sur lesquelles était frappé le nom de Jésus, objet
+de sa dévotion particulière[1319].
+
+[Note 1319: _Journal d'un bourgeois de Paris_, pp. 242,
+243.--Vallet de Viriville, _Notes sur deux médailles de plomb
+relatives à Jeanne d'Arc_, dans _Revue Archéologique_, 1861, pp. 429,
+433.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, chap. X.]
+
+Ayant prêché dix fois en ville et une fois dans le village de
+Boulogne, le bon frère annonça qu'il s'en retournait en Bourgogne et
+prit congé des Parisiens.
+
+--Je prierai pour vous, dit-il, priez pour moi. _Amen_.
+
+Alors toutes gens, les grands et les petits, pleuraient amèrement et
+abondamment comme si chacun d'eux eût porté en terre son plus doux
+ami. Il pleura avec eux et consentit à retarder un peu son
+départ[1320].
+
+[Note 1320: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 236.]
+
+Le dimanche 1er mai, il devait parler pour la dernière fois au dévot
+peuple de Paris. Il avait donné rendez-vous à ses fidèles à
+Montmartre, au lieu même où monseigneur saint Denys avait souffert le
+martyre. La montagne était, par le malheur des temps, presque
+inhabitée. Dès la veille au soir, plus de six mille personnes s'y
+rendirent pour s'assurer d'une bonne place et passèrent la nuit, les
+uns dans des masures abandonnées, le plus grand nombre dans les
+champs à la belle étoile. Le matin étant venu, ils ne virent point
+paraître frère Richard et l'attendirent en vain. Déçus et contristés,
+ils apprirent enfin que défense de prêcher avait été faite au bon
+frère[1321]. Il n'avait rien dit dans ses sermons qui pût déplaire aux
+Anglais. Les habitants de Paris qui l'avaient entendu, le croyaient
+bon ami du régent et du duc de Bourgogne. Peut-être qu'il prit la
+fuite, ayant appris que la faculté de théologie voulait procéder
+contre lui. En effet, il professait des opinions singulières et
+dangereuses sur la fin du monde[1322].
+
+[Note 1321: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 237.]
+
+[Note 1322: Il reste à savoir comment l'auteur du journal dit
+d'_Un bourgeois de Paris_ n'en fut pas scandalisé, tout bon
+universitaire qu'il était, mais, au contraire, s'édifia des propos de
+ce bon père.--Th. Basin, _Histoire des règnes de Charles VII et de
+Louis XI_, t. IV, p. 104.]
+
+Frère Richard s'en fut à Auxerre. Et il alla prêchant par la Bourgogne
+et la Champagne. S'il était du parti du roi Charles il ne le laissa
+point paraître. Car, au mois de juin, les Champenois et spécialement
+les habitants de Châlons le considéraient comme un prud'homme attaché
+au duc de Bourgogne. Et nous avons vu que le 4 juillet il soupçonna la
+Pucelle d'être un diable ou une possédée[1323].
+
+[Note 1323: J. Rogier dans _Procès_, t. IV, p. 290.]
+
+Elle ne s'y trompa pas. En voyant le bon frère se signer et jeter de
+l'eau bénite, elle comprit qu'il la prenait pour une chose horrible en
+manière de femme, pour un fantôme formé par l'esprit du mal et à tout
+le moins pour une sorcière. Pourtant elle n'en fut pas offensée comme
+elle l'avait été des soupçons de messire Jean Fournier. À ce prêtre,
+qui l'avait entendue en confession, elle ne pardonnait pas de douter
+qu'elle fût bonne chrétienne[1324]. Mais frère Richard ne la
+connaissait pas; il ne l'avait jamais vue. D'ailleurs elle s'habituait
+à ces façons. Le Connétable, frère Yves Milbeau, tant, d'autres qui
+venaient à elle lui demandaient si elle était de Dieu ou du
+diable[1325]. Elle dit au bon prêcheur, sans colère, avec un peu de
+moquerie:
+
+[Note 1324: _Procès_, t. II, p. 446.]
+
+[Note 1325: Gruel, _Chronique de Richemont_, p. 71.--Eberhard
+Windecke, pp. 178, 179.]
+
+--Approchez hardiment, je ne m'envolerai pas[1326].
+
+[Note 1326: _Procès_, t. I, p. 100.]
+
+En même temps, frère Richard reconnaissait à l'épreuve de l'eau bénite
+et du signe de la croix que cette jeune fille n'était point un diable
+et qu'il n'y avait point de diable en elle. Et, comme elle se disait
+venue de Dieu, il la crut pleinement et la tint pour un ange du
+Seigneur[1327].
+
+[Note 1327: _Ibid._, t. I, p. 100.]
+
+Il lui confia la raison de sa venue[1328]: Ceux de Troyes doutaient
+qu'elle fût chose de Dieu; il s'était rendu à Saint-Phal pour s'en
+éclaircir. Maintenant il savait qu'elle était chose de Dieu, et ce
+n'était pas pour l'étonner; il tenait comme certain que l'année 1430
+amènerait les plus grandes merveilles qu'on eût jamais vues, et il
+s'attendait à rencontrer un jour ou l'autre le prophète Élie marchant
+et conversant parmi les vivants[1329]. Dès ce moment, il s'attacha
+résolument au parti de la Pucelle et du dauphin. Il croyait le monde
+trop près de son terme pour s'intéresser au rétablissement du fils de
+l'Insensé dans son héritage; ce n'étaient pas les vaticinations de la
+Pucelle touchant le royaume de France qui l'attiraient vers cette
+sainte fille, mais il comptait que, après avoir établi la royauté de
+Jésus-Christ sur la terre des Lis, la prophétesse Jeanne et Charles,
+vicaire temporel de Jésus-Christ, conduiraient le peuple chrétien à la
+délivrance du Saint-Sépulcre, oeuvre méritoire, qu'il convenait
+d'accomplir avant la consommation des siècles.
+
+[Note 1328: _Ibid._, t. I, pp. 99, 100.--_Relation du greffier de
+la Rochelle_, p. 342.]
+
+[Note 1329: _Journal d'un bourgeois de Paris_, p. 235.]
+
+Jeanne dicta une lettre par laquelle, se disant au service du Roi du
+ciel et parlant au nom de Dieu lui-même, elle mandait aux bourgeois et
+habitants de la ville de Troyes, en termes doux et pressants, de faire
+obéissance au roi Charles de France, et les avertissait que, bon gré
+mal gré, elle entrerait avec le roi dans toutes les villes du saint
+royaume et ferait bonne paix.
+
+Voici cette lettre[1330]:
+
+ JHESUS + MARIA
+
+ Très chiers et bons amis, s'il ne tient à vous, seigneurs,
+ bourgeois et habitans de la ville de Troies, Jehanne la Pucelle
+ vous mande et fait sçavoir de par le roy du Ciel, son droitturier
+ et souverain seigneur, duquel elle est chascun jour en son
+ service roial, que vous fassiés vraye obéissance et
+ recongnoissance au gentil roy de France quy sera bien brief à
+ Reins et à Paris, quy que vienne contre, et en ses bonnes villes
+ du sainct royaume, à l'ayde du roy Jhesus. Loiaulx François,
+ venés au devant du roy Charles et qu'il n'y ait point de faulte;
+ et ne vous doubtés de voz corps ne de voz biens, se ainsi le
+ faictes. Et se ainsi ne le faictes, je vous promectz et certiffie
+ sur voz vies que nous entrerons à l'ayde de Dieu en toultes les
+ villes quy doibvent estre du sainct royaulme, et y ferons bonne
+ paix fermes, quy que vienne contre. À Dieu vous commant, Dieu
+ soit garde de vous, s'il luy plaist. Responce brief. Devant la
+ cité de Troyes, escrit à Saint-Fale, le mardi quatriesme jour de
+ juillet[1331].
+
+[Note 1330: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 287.]
+
+[Note 1331: Il faut lire le lundi 4 juillet.]
+
+Au dos:
+
+ Aux seigneurs, bourgeois de la cité de Troyes.
+
+La Pucelle remit cette lettre au frère Richard, qui se chargea de la
+porter aux habitants[1332].
+
+[Note 1332: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 287, 288, 290.]
+
+De Saint-Phal, suivant la voie romaine, l'armée s'avança vers
+Troyes[1333]. À cette nouvelle, le Conseil de la ville s'assembla le
+mardi 5, de bon matin, et envoya aux habitants de Reims une missive
+dont voici le sens:
+
+«Nous attendons aujourd'hui les ennemis du roi Henri et du duc de
+Bourgogne pour être assiégés par eux. À l'entreprise de ces ennemis,
+quelque puissance qu'ils aient, vu et considéré la juste querelle que
+nous tenons et les secours de nos princes qui nous ont été promis,
+nous sommes délibérés de nous garder de bien en mieux en l'obéissance
+du roi Henri et du duc de Bourgogne, jusques à la mort, comme nous
+avons juré sur le précieux corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
+priant les habitants de Reims d'avoir souci de nous, comme frères et
+loyaux amis, et d'envoyer par devers monseigneur le Régent et le duc
+de Bourgogne, pour les requérir et supplier de prendre pitié de leurs
+pauvres sujets et de les venir secourir[1334].»
+
+[Note 1333: Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II,
+p. 493.]
+
+[Note 1334: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 288-289.]
+
+Ce même jour, de Brinion-l'Archevêque où il avait pris logis, le roi
+Charles fit porter dès le matin, par ses hérauts, aux membres du
+Conseil de la ville de Troyes, des lettres closes, signées de sa main
+et scellées de son sceau, par lesquelles il leur faisait savoir que,
+sur l'avis de son Conseil, il avait entrepris d'aller à Reims pour y
+recevoir son sacre, que son intention était d'entrer le lendemain dans
+la cité de Troyes et qu'à cette fin il leur mandait et commandait de
+lui rendre l'obéissance qu'ils lui devaient et de se disposer à le
+recevoir. Il s'efforçait prudemment de les rassurer sur ses
+intentions, qui n'étaient point de tirer vengeance des choses passées.
+Il n'en avait point la volonté, disait-il; mais qu'ils se
+gouvernassent envers leur souverain comme ils devaient, il mettrait
+tout en oubli et les tiendrait en sa bonne grâce[1335].
+
+[Note 1335: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 292.--Th. Boutiot,
+_Histoire de la ville de Troyes_, t. II, p. 494.]
+
+Le Conseil refusa aux hérauts du roi Charles l'entrée de la ville,
+mais il reçut les lettres, les lut, en délibéra et fit connaître aux
+hérauts la délibération prise, dont voici la substance:
+
+«Les seigneurs chevaliers et écuyers qui sont en la ville, de par le
+roi Henri et le duc de Bourgogne, ont avec nous, habitants de Troyes,
+juré de ne faire entrer dans notre ville plus fort que nous, sans
+l'exprès commandement du duc de Bourgogne. Eu égard à leur serment,
+ceux qui sont dans la ville n'oseraient y mettre le roi Charles.»
+
+Et les conseillers ajoutèrent pour leur excuse:
+
+«Quelque vouloir que nous ayons, nous, habitants, il nous faut
+regarder aux hommes de guerre qui sont dans la ville, plus forts que
+nous.»
+
+Les conseillers firent afficher la lettre du roi Charles et,
+au-dessous, leur réponse[1336].
+
+[Note 1336: _Ibid._, t. IV, p. 289.]
+
+Ils lurent en Conseil la lettre que la Pucelle avait dictée de
+Saint-Phal et remise au frère Richard. Le religieux n'avait pas
+préparé ces bourgeois à la recevoir favorablement, car ils en rirent
+beaucoup.
+
+--Il n'y a, dirent-ils, à cette lettre ni rime ni raison. Ce n'est que
+moquerie[1337].
+
+[Note 1337: _Ibid._, p. 290.]
+
+Ils la jetèrent au feu sans y faire de réponse. Ils disaient de Jeanne
+qu'elle était cocarde[1338], c'est-à-dire toute niaise. Et ils
+ajoutaient:
+
+--Nous la certifions être une folle pleine du diable[1339].
+
+[Note 1338: Dans le _Mistère du siège d'Orléans_ l'anglais
+Fauquembergue traite aussi Jeanne de «coquarde»:
+
+ Y nous fault prandre la coquarde,
+ Qui veult les François gouverner. Vers 12689-90.]
+
+[Note 1339: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 290.]
+
+Ce même jour, à neuf heures du matin, l'armée commença de passer le
+long des murs et à prendre logis autour de la ville[1340].
+
+[Note 1340: _Ibid._--Th. Boutiot, _Histoire de la ville de
+Troyes_, t. II, p. 492.]
+
+Ceux qui campèrent au sud-ouest, vers les Hauts-Clos, purent admirer
+la cité qui dressait au milieu d'une vaste plaine ses longues
+murailles, ses portes guerrières, ses hautes tours et son beffroi. Ils
+voyaient à leur droite l'église de Saint-Pierre dont l'ample vaisseau,
+sans flèches ni tours, s'élevait au-dessus des toits[1341]. C'est là
+que huit ans auparavant avaient été célébrées les fiançailles du roi
+Henri V d'Angleterre avec madame Catherine de France. Car, en cette
+ville de Troyes, la reine Ysabeau et le duc Jean avaient fait signer
+au roi Charles VI, privé de sens et de mémoire, l'abandon du royaume
+des Lis au roi d'Angleterre et la déchéance de Charles de Valois.
+Madame Ysabeau avait assisté aux fiançailles de sa fille, vêtue d'une
+robe de damas de soie bleue et d'une houppelande de velours noir
+fourrée de quinze cents ventres de menu vair, après quoi elle avait
+fait venir, pour se distraire, ses oiseaux chanteurs, chardonnerets,
+pinsons, tarins et linots[1342].
+
+[Note 1341: L. Pigeotte, _Étude sur les travaux d'achèvement de la
+cathédrale de Troyes_, p. 9.--A. Babeau, _Les vues d'ensemble de
+Troyes_, Troyes, 1892, in-8º, p. 13.--A. Assier, _Une cité champenoise
+au XVe siècle_, Paris, 1875, in-8º.]
+
+[Note 1342: _Comptes de l'argenterie de la reine_, dans Jean
+Chartier, _Chronique_, t. III, pp. 236, 237.--De Barante, _Histoire
+des ducs de Bourgogne_, t. III, pp. 122, 125.--Vallet de Viriville,
+_Histoire de Charles VII_, t. I, p. 216.--Th. Boutiot, _Histoire de la
+ville de Troyes_, t. II, pp. 418, 419.]
+
+À l'arrivée des Français, la plupart des habitants étaient sur les
+murs, regardant, moins en ennemis qu'en curieux, et semblaient ne rien
+craindre; ils cherchaient surtout à voir le roi[1343].
+
+[Note 1343: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 289.]
+
+La ville était forte; le duc de Bourgogne pourvoyait depuis longtemps
+à ce qu'elle fût en état de défense. En 1417 et 1419 ceux de Troyes,
+comme en 1428 ceux d'Orléans, avaient rasé leurs faubourgs et démoli
+toutes les maisons situées hors de la ville à deux ou trois cents pas
+des remparts. L'arsenal était pourvu; les magasins regorgeaient de
+vivres, mais la garnison anglo-bourguignonne ne se composait que de
+trois cent cinquante à quatre cents hommes[1344].
+
+[Note 1344: Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II,
+pp. 391, 418, 419.--A. Assier, _Une cité champenoise au XVe siècle_,
+p. 8.]
+
+Ce même jour encore, à cinq heures de l'après-midi, les conseillers de
+la ville de Troyes mandèrent aux habitants de Reims l'arrivée des
+Armagnacs, leur envoyèrent copie de la lettre de Charles de Valois, de
+la réponse qu'ils y avaient faite et de la lettre de la Pucelle,
+qu'ils n'avaient donc pas brûlée tout de suite; et leur firent part de
+la résolution où ils étaient de résister jusqu'à la mort, au cas où
+ils fussent secourus.
+
+Ils écrivirent semblablement aux habitants de Châlons pour les aviser
+de la venue du dauphin, et ils leur firent connaître que la lettre de
+Jeanne la Pucelle avait été portée à Troyes par frère Richard le
+prêcheur[1345].
+
+[Note 1345: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 289, 290.]
+
+Ces écritures revenaient à dire: Comme tout bourgeois en pareille
+occurrence, nous risquons d'être pendus par les Bourguignons et par
+les Armagnacs, de quoi nous aurions grand regret. Pour conjurer autant
+que possible cette disgrâce, nous donnons à entendre au roi Charles de
+Valois, que nous ne lui ouvrons pas nos portes, parce que la garnison
+nous en empêche, et que nous sommes les plus faibles, ce qui est vrai.
+Et nous faisons connaître à nos seigneurs le Régent et le duc de
+Bourgogne que, la garnison étant trop faible pour nous garder, ce qui
+est vrai, nous demandons à être secourus, ce qui est loyal, et nous
+comptons bien ne pas l'être, car alors il nous faudrait subir un siège
+et risquer d'être pris d'assaut, ce qui est une cruelle extrémité pour
+des marchands. Mais ayant demandé à être secourus et ne l'étant pas,
+nous nous rendrons sans encourir de reproche. Le point important est
+de faire déguerpir la garnison, heureusement petite. Quatre cents
+hommes, c'est peu pour nous défendre, c'est trop pour nous rendre.
+Quant à charger les habitants de la ville de Reims de demander secours
+pour eux et pour nous, c'est montrer à notre seigneur de Bourgogne
+notre bonne volonté et nous n'y risquons rien, car nous savons de
+reste que nos compères les Rémois s'arrangent comme nous pour demander
+aide et n'en point recevoir, et qu'ils guettent le moment d'ouvrir
+leurs portes au roi Charles, qui a une forte armée. Et pour tout dire,
+nous résisterons jusqu'à la mort si nous sommes secourus, ce qu'à Dieu
+ne plaise!
+
+Ainsi pensaient finement ces âmes champenoises.
+
+Les bourgeois tirèrent quelques boulets de pierre sur les Français; la
+garnison escarmoucha quelque peu et rentra dans la ville[1346].
+
+[Note 1346: _Journal du siège_, p. 109.--_Chronique de la
+Pucelle_, pp. 314-315.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 91.--Th.
+Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II, p. 497.]
+
+Cependant l'armée du roi Charles criait famine[1347]. Le conseil qu'on
+avait reçu du seigneur archevêque d'Embrun de pourvoir aux vivres par
+les moyens de la prudence humaine était plus facile à donner qu'à
+suivre. Il y rivait dans le camp bien six à sept mille hommes qui de
+huit jours n'avaient mangé de pain. Les gens d'armes se nourrissaient,
+vaille que vaille, d'épis de blé pilés encore verts et de fèves
+nouvelles qu'ils trouvaient en abondance. On se rappela alors que,
+durant le carême de la Saint-Martin, frère Richard avait dit aux gens
+de Troyes: «Semez des fèves largement: Celui qui doit venir viendra
+bientôt.» Ce que le bon frère avait dit des semailles au sens
+spirituel fut pris au sens littéral; par un beau coq-à-l'âne, ce qui
+s'entendait de la venue du Messie fut appliqué à la venue du roi
+Charles. Frère Richard passa pour le prophète des Armagnacs et les
+gens d'armes crurent de bonne foi que ce prêcheur évangélique avait
+fait pousser les fèves qu'ils cueillaient et pourvu à leur nourriture
+par sa prud'homie, sagesse et pénétration dans les conseils du Dieu
+qui donna dans le désert la manne au peuple d'Israël[1348].
+
+[Note 1347: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 91.]
+
+[Note 1348: _Journal du siège_, pp. 109, 110.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 315.--Jean Chartier, _Chronique_, pp. 91, 92.]
+
+Le roi, qui logeait à Brinion depuis le 4 juillet, arriva devant
+Troyes, après dîner, le vendredi 8[1349]. Ce jour même il tint conseil
+avec les chefs de guerre et les princes du sang royal pour aviser si
+l'on resterait devant la ville jusqu'à ce qu'on obtînt, soit par
+promesses, soit par menaces, qu'elle se soumît, ou si l'on passerait
+outre, la laissant de côté comme Auxerre[1350].
+
+[Note 1349: Perceval de Cagny, p. 157.--Voyez toutefois Morosini,
+t. III, p. 143, note.]
+
+[Note 1350: _Procès_, t. III, pp. 13, 117.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 92.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+315.--Chartier et la _Chronique de la Pucelle_, font parler Regnault
+de Chartres et Robert Le Maçon avec une extrême invraisemblance. Le
+chancelier n'a pas pu dire qu'on n'avait pas «gens en nombre
+suffisant» et, dans ce Conseil de guerre il n'a pu être question de
+retourner à Gien. Il s'agissait de savoir, comme le dit Dunois, si
+l'on irait tout de suite sur Reims et non si l'on retournerait à Gien,
+selon l'opinion de Chartier.]
+
+La discussion avait beaucoup duré quand la Pucelle survint et
+prophétisa:
+
+--Gentil dauphin, dit-elle, ordonnez à vos gens d'assaillir la ville
+de Troyes et ne durez pas davantage en de trop longs conseils, car, en
+nom de Dieu, avant trois jours, je vous ferai entrer dans la ville,
+qui sera vôtre par amour ou par puissance et courage. Et en sera la
+fausse Bourgogne bien sotte[1351].
+
+[Note 1351: _Procès_, t. III, pp. 13, 117.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 317.--_Journal du siège_, p. 110.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 94.]
+
+Pourquoi, contre l'habitude, l'avait-on appelée au Conseil? Il
+s'agissait de tirer quelques coups de canon et de faire mine
+d'escalader les murs, de donner enfin un semblant d'assaut. On le
+devait bien aux habitants de Troyes, à ces bourgeois, à ces gens
+d'Église, qui ne pouvaient décemment céder qu'à la force; et il
+fallait effrayer le menu peuple qui restait Bourguignon de coeur.
+Probablement le seigneur de Trèves ou quelque autre jugeait que la
+petite sainte, en se montrant sous les remparts, inspirerait aux
+ouvriers tisseurs de Troyes une terreur religieuse.
+
+On n'eut qu'à la laisser faire. Au sortir du Conseil, elle monta à
+cheval et, sa lance à la main, courut aux fossés, suivie d'une foule
+de chevaliers, d'écuyers et d'artisans[1352]. L'attaque fut préparée
+contre le mur du nord-ouest, entre la porte de la Madeleine et celle
+de Comporté[1353]. Jeanne, qui croyait fermement que par elle la ville
+serait prise, excita toute la nuit les gens à apporter des fagots et à
+mettre l'artillerie en place. Elle criait: «À l'assaut!» et faisait le
+geste de jeter des fascines dans les fossés[1354].
+
+[Note 1352: _Procès_, t. III, pp. 13, 14, 117.--Jean Chartier,
+_Chronique_; t. I, p. 96. _Journal du siège_, p. 111.--_Chronique de
+la Pucelle_, p. 78.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II,
+p. 225.]
+
+[Note 1353: Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II,
+p. 497, note.--A. Assier, _Une cité champenoise au XVe siècle_, Paris,
+1875, in-8º, p. 26.]
+
+[Note 1354: _Procès_, t. III, p. 117.]
+
+Cette menace produisit l'effet attendu. Les gens de petit état, voyant
+déjà la ville prise et s'attendant à ce que les Français vinssent
+piller, massacrer, violer, selon l'usage, se réfugièrent dans les
+églises. Quant aux clercs et aux notables, ils n'en demandèrent pas
+davantage[1355].
+
+[Note 1355: _Ibid._, t. III, p. 117.--Jean Chartier, _Chronique_,
+t. I, p. 96.--J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 296.]
+
+Charles de Valois ayant fait savoir qu'on pouvait aller à lui en toute
+sûreté, le seigneur évêque Jean Laiguisé, messire Guillaume
+Andouillette, maître de l'Hôtel-Dieu, le doyen du chapitre, les
+membres du clergé, les notables, se rendirent auprès du roi[1356].
+
+[Note 1356: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 295.--_Procès_,
+pp. 13, 14, 17.--Chartier, _Journal du siège_, _Chronique de la
+Pucelle_.--Camusat, _Mél. hist._ part. II, fol. 214.]
+
+Jean Laiguisé prit la parole. Il venait faire la révérence au roi et
+avait à coeur d'excuser ceux de la ville.
+
+--Il ne tient pas à eux, dit-il, que le roi n'y entre à son bon
+plaisir. Le bailli et les gens de la garnison, qui sont bien de trois
+à quatre cents, gardent les portes et s'opposent à ce qu'on les
+ouvre. Qu'il plaise au roi d'avoir patience jusqu'à ce que j'aie parlé
+à ceux de la ville. J'espère qu'aussitôt que je leur aurai parlé, ils
+donneront l'entrée et feront obéissance en sorte que le roi sera
+content d'eux[1357].
+
+[Note 1357: _Relation du greffier de La Rochelle_, dans _Revue
+Historique_, t. IV, p. 342.--_Chronique de la Pucelle_, _Journal du
+siège_, Chartier, Gilles de Roye dans Chartier, t. III, p. 205.]
+
+Le roi, répondant à l'évêque, lui exposa les raisons de son voyage et
+les droits qu'il avait sur la ville de Troyes.
+
+--Je pardonnerai sans réserve, ajouta-t-il, tout ce qui fut fait au
+temps passé. Je tiendrai les habitants de Troyes en paix et franchise,
+à l'exemple du roi saint Louis[1358].
+
+[Note 1358: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 296.]
+
+Jean Laiguisé demanda que les gens d'église qui avaient régales ou
+collations du feu roi Charles VI les gardassent et que ceux qui les
+avaient du roi Henri d'Angleterre prissent lettres du roi Charles et
+qu'ils gardassent leurs bénéfices, au cas même où le roi en eût fait
+collation à d'autres.
+
+Le roi y consentit, et le seigneur évêque crut voir un nouveau Cyrus.
+
+Il rapporta ce colloque au Conseil de la ville qui délibéra et conclut
+de rendre obéissance au roi, attendu son bon droit et moyennant qu'il
+ferait absolution générale de tous les cas, ne laisserait point de
+garnison et abolirait les aides, excepté la gabelle[1359].
+
+[Note 1359: _Ordonnances des rois de France_, t. XIII, p.
+142.--Th. Boutiot. _Histoire de la ville de Troyes_, t. II, p.
+500.--A. Roserot, _Le plus ancien registre des délibérations du
+Conseil de la ville de Troyes_, dans _Coll. de Doc. inédits sur la
+ville de Troyes_, t. III, p. 175.]
+
+Sur quoi, le Conseil fit connaître, par lettres, cette résolution aux
+habitants de Reims en les exhortant à en prendre une semblable.
+
+«Ainsi, dirent-ils, nous aurons même seigneur; vous préserverez vos
+corps et vos biens, comme nous avons fait. Car autrement nous étions
+perdus. Nous ne regrettons point notre soumission. Il nous déplaît
+seulement d'avoir tant tardé. Vous serez joyeux de faire de même,
+d'autant que le roi Charles est le prince de la plus grande
+discrétion, entendement et vaillance qui de longtemps soit sorti de la
+noble maison de France[1360].»
+
+[Note 1360: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 295, 296.]
+
+Frère Richard s'en fut trouver la Pucelle. Sitôt qu'il l'aperçut, et
+de fort loin, il s'agenouilla devant elle. Quand elle le vit, elle
+s'agenouilla pareillement devant lui, et ils se firent grande
+révérence. Rentré dans la ville, le bon frère prêcha abondamment le
+peuple et l'exhorta à se mettre en l'obéissance du roi Charles.
+
+--Dieu, dit-il, avise à son succès. Il lui a donné pour l'accompagner
+et conduire à son sacre une sainte Pucelle qui, comme je le crois
+fermement, a autant de puissance à pénétrer les secrets de Dieu,
+qu'aucun saint du Paradis, excepté saint Jean l'Évangéliste[1361].
+
+[Note 1361: _Relation du greffier de La Rochelle_, dans _Revue
+Historique_, t. IV, p. 342.]
+
+C'était le moins que le bon frère laissât au-dessus de la Pucelle le
+premier des saints, l'apôtre qui avait reposé sa tête sur la poitrine
+de Jésus, le prophète qui devait revenir sur la terre, à la
+consommation des siècles, avant peu.
+
+--Si elle voulait, disait encore frère Richard, elle pourrait faire
+entrer tous les gens d'armes du roi par-dessus les murs, et comme il
+lui plairait. Elle peut beaucoup d'autres choses encore.
+
+Ceux de la ville avaient grande foi et confiance en ce bon père qui
+parlait bien. Ce qu'il disait de la Pucelle leur parut admirable et
+les tourna à l'obéissance d'un roi si bien accompagné. Ils crièrent
+tous d'une voix[1362]:
+
+--Vive le roi Charles de France!
+
+[Note 1362: _Relation du greffier de La Rochelle_, dans _Revue
+Historique_, t. IV, p. 342.]
+
+Il fallait maintenant traiter avec le bailli, qui n'était pas
+intraitable, puisqu'il avait souffert cette allée et venue de la ville
+au camp et du camp à la ville, et trouver un moyen honnête de se
+débarrasser de la garnison. À cet effet, précédée du seigneur évêque,
+la commune alla très nombreuse vers le bailli et les capitaines et les
+somma de mettre la ville en sûreté[1363]. Ce dont ils étaient bien
+incapables, car de délivrer une ville qui ne voulait pas être délivrée
+et de chasser trente mille Français, ils ne le pouvaient vraiment
+faire.
+
+[Note 1363: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 296-297.]
+
+Comme les habitants l'avaient prévu, le bailli se trouvait dans un
+grand embarras. Ce que voyant, les conseillers de la ville lui dirent:
+
+--Si vous ne voulez tenir le traité que vous avez fait pour le bien
+public, nous mettrons les gens du roi dans la ville, que vous le
+veuillez ou non.
+
+Le bailli et les capitaines se refusèrent à trahir les Anglais et les
+Bourguignons qu'ils servaient, mais ils consentirent à s'en aller.
+C'est tout ce qu'on leur demandait[1364].
+
+[Note 1364: _Procès_, t. III, pp. 13 et 117; t. IV, pp. 296,
+297.--Jean Chartier, _Chronique_, t. III, p. 205.--Th. Boutiot,
+_Histoire de la ville de Troyes_, t. II, pp. 499, 500.--M. Poinsignon,
+_Histoire générale de la Champagne et de la Brie_, Châlons, 1885, t.
+I, pp. 352 et suiv.--A. Assier, _Une cité champenoise au XVe siècle_,
+Paris, 1875, in-12, pp. 16, 17.]
+
+La ville ouvrit ses portes au roi Charles. Le dimanche 10 juillet de
+très bon matin, la Pucelle entra la première dans Troyes, avec les
+communes dont elle était aimée si chèrement. Frère Richard
+l'accompagnait. Elle mit les gens de trait le long des rues que devait
+suivre le cortège, afin que le roi de France traversât la ville entre
+une double haie de ces piétons qui l'avaient suivi et grandement
+aidé[1365].
+
+[Note 1365: _Procès_, t. I, p. 102.--_Chronique de la Pucelle_, p.
+319.]
+
+Tandis que Charles de Valois entrait par une porte la garnison
+bourguignonne sortait par une autre[1366]. Comme il avait été convenu,
+les gens du roi Henri et du duc Philippe emportaient leurs armes et
+leurs biens. Or, dans leurs biens, ils comprenaient les prisonniers du
+parti français, qu'ils avaient reçus à rançon. Ils n'avaient pas tout
+à fait tort, semble-t-il, selon les usages et coutumes de la guerre,
+mais c'était pitié de voir ces gens du roi Charles emmenés ainsi
+captifs à la venue de leur seigneur. La Pucelle en fut avertie et son
+bon coeur s'émut. Elle courut à la porte de la ville où déjà les gens
+de guerre étaient réunis avec armes et bagages. Elle y trouva les
+seigneurs de Rochefort et Philibert de Moslant, les interpella, leur
+cria de laisser les gens du dauphin. Les capitaines n'entendaient pas
+de cette oreille-là.
+
+[Note 1366: Chartier, _Journal du siège_, _Chronique de la
+Pucelle_, _loc. cit._]
+
+--C'est fraude et malice, lui dirent-ils, de venir ainsi contre le
+traité.
+
+Cependant les prisonniers priaient à genoux la sainte de les garder.
+
+--En nom Dieu, s'écria-t-elle, ils ne partiront pas[1367].
+
+[Note 1367: Jean Chartier, _Chronique_, t. I, pp. 95,
+96.--_Journal du siège_, p. 112.--_Chronique de la Pucelle_, p. 319.]
+
+Durant cette altercation, un écuyer bourguignon faisait à part lui sur
+la Pucelle des Armagnacs des réflexions qu'il révéla par la suite.
+«C'est par ma foi, songeait-il, la plus simple chose que je vis
+oncques. En son fait il n'y a ni rime ni raison, non plus qu'en le
+plus sot que je vis oncques. Je ne la compare pas à si vaillante femme
+comme madame d'Or, et les Bourguignons ne font que se moquer de ceux
+qui ont peur d'elle[1368].»
+
+[Note 1368: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 296-297.]
+
+Pour entendre la finesse de cette plaisanterie il faut savoir que
+madame d'Or, haute comme une botte, tenait l'emploi de sotte auprès de
+monseigneur Philippe[1369].
+
+[Note 1369: Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 168.--S. Luce,
+_Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. CLXXIII, CLXXIV.--P. Champion, _Notes
+sur Jeanne d'Arc_, 1. _Madame d'Or et Jeanne d'Arc_, dans _le Moyen
+Âge_, juillet-août, 1907, pp. 193-199.]
+
+La Pucelle ne put s'entendre, au sujet des prisonniers, avec les
+seigneurs de Rochefort et de Moslant. Ils avaient pour eux le droit de
+la guerre. Elle n'avait pour elle que les raisons de son bon coeur. Ce
+débat parut fort plaisant aux gens d'armes des deux obéissances. Quand
+il en fut instruit, le roi Charles sourit et dit que, pour appointer
+les parties, il payerait la rançon des prisonniers, qui fut fixée à un
+marc d'argent par tête. Les Bourguignons, en recevant cette somme,
+louèrent fort le roi de France de ses grandes manières[1370].
+
+[Note 1370: _Chronique de la Pucelle_, p. 319.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 96.--_Journal du siège_, p. 112.--«Un prince de
+façon», Martial d'Auvergne, _Vigiles_, t. I, pp. 106, 107.]
+
+Ce même jour de dimanche, environ neuf heures du matin, le roi Charles
+fit son entrée. Il avait revêtu ses habits de fête, éclatants de
+velours, d'or et de pierreries; le duc d'Alençon et la Pucelle, tenant
+sa bannière à la main, chevauchaient à ses côtés; il était suivi de
+toute sa chevalerie. Les habitants allumèrent des feux de joie et
+dansèrent des rondes; les petits enfants crièrent: «Noël!» frère
+Richard prêcha[1371].
+
+[Note 1371: _Procès_, t. I, p. 102.--Lettre de trois gentilshommes
+angevins, dans _Procès_ t. V, p. 130.--_Relation du greffier de La
+Rochelle_, p. 342.--_Chronique de la Pucelle_, p. 319.--Morosini, t.
+III, p. 176.--Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II,
+pp. 504 et suiv.]
+
+La Pucelle fit ses dévotions dans les églises. En une de ces églises
+elle tint un enfant sur les fonts du baptême. On lui demandait
+souvent, comme à une princesse ou à une sainte femme, d'être marraine
+d'enfants qu'elle ne connaissait pas et qu'elle ne devait jamais
+revoir. Elle donnait de préférence aux garçons le nom de Charles, pour
+l'honneur de son roi, et aux filles son nom de Jeanne. Elle nommait
+parfois aussi ses filleuls comme les mères voulaient[1372].
+
+[Note 1372: _Procès_, t. I, p. 103.]
+
+Le lendemain, 11 juillet, l'armée, qui était restée aux champs sous le
+commandement de messire Ambroise de Loré, traversa la ville. L'entrée
+des gens d'armes était un fléau aussi redouté des bourgeois que la
+peste noire[1373]. Le roi Charles, qui traitait les habitants de
+Troyes avec d'extrêmes ménagements, prit soin de contenir le fléau.
+Par son commandement, les hérauts crièrent que nul ne fût si hardi,
+sous peine de la hart, d'entrer dans les maisons et de rien prendre
+contre le gré et la volonté de ceux de la ville[1374].
+
+[Note 1373: T. Babeau, _Le guet et la milice bourgeoise à Troyes_,
+pp. 4 et suiv.]
+
+[Note 1374: _Relation du greffier de La Rochelle_, p.
+342.--_Chronique de la Pucelle_; p. 319.--_Journal du siège_, p.
+112.--Th. Boutiot, _Histoire de la ville de Troyes_, t. II, p.
+505.--A. Roserot, _Le plus ancien registre des délibérations du
+Conseil de Troyes_, dans _Coll. de Documents inédits de la ville de
+Troyes_, t. III, pp. 175 et suiv.]
+
+
+
+
+CHAPITRE XVIII
+
+LA CAPITULATION DE CHÂLONS ET DE REIMS.--LE SACRE.
+
+
+Au sortir de Troyes, l'armée royale s'engagea dans la Champagne
+pouilleuse, traversa l'Aube vers Arcis et prit son logis dans Lettrée,
+à cinq lieues de Châlons. De Lettrée, le roi envoya son héraut
+Montjoie à ceux de Châlons pour leur demander de le recevoir et de lui
+rendre pleine obéissance[1375].
+
+[Note 1375: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 298.--Morosini, t.
+III, p. 179.--Éd. de Barthélémy, _Histoire de la ville de
+Châlons-sur-Marne_, pièces just. nº 25, pp. 334-335.]
+
+Les villes de Champagne se tenaient comme les doigts de la main. Quand
+le dauphin était encore à Brinion-l'Archevêque, les habitants de
+Châlons en avaient été instruits par leurs amis de Troyes. Ceux-ci les
+avaient même avertis que frère Richard, le prêcheur, leur avait porté
+une lettre de Jeanne la Pucelle. Sur quoi ceux de Châlons écrivirent
+aux habitants de Reims:
+
+«Nous avons été fort ébahis du frère Richard. Nous pensions que ce fût
+un très bon prud'homme. Mais il est devenu sorcier. Nous vous mandons
+que les habitants de Troyes font forte guerre aux gens du dauphin.
+Nous avons intention de résister de toute notre puissance à ces
+ennemis[1376].»
+
+[Note 1376: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 290, 291.--Varin,
+_Archives législatives de la ville de Reims, Statuts_, t. I, pp. 596
+et suiv. [_Coll. des documents inédits sur l'Histoire de France_,
+1845].]
+
+Ils ne pensaient pas un mot de ce qu'ils écrivaient et ils savaient
+que ceux de Reims n'en croyaient rien. Mais il importait de montrer
+une grande loyauté au duc de Bourgogne avant de recevoir un autre
+maître.
+
+L'évêque comte de Châlons vint à Lettrée au-devant du roi, et lui
+remit les clés de la ville. C'était Jean de Montbéliard-Sarrebrück,
+des sires de Commercy[1377].
+
+[Note 1377: _Gallia Christiana_, t. V, col. 891-895.--_Chronique
+de la Pucelle_, pp. 319-320.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p.
+96.--L. Barbat, _Histoire de la ville de Châlons_, 1855 (2 vol.
+in-4º), t. I, p. 350.--S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pièces just.
+nº 33.--Morosini, t. III, p. 182, n. 2.]
+
+Le 14 juillet, le roi entra avec son armée dans la ville de
+Châlons[1378]. La Pucelle y trouva quatre ou cinq paysans de son
+village, qui venaient la voir, entre autres Jean Morel, un de ses
+parrains. Laboureur de son état, âgé de quarante-trois ans environ, il
+s'était enfui avec la famille d'Arc à Neufchâteau, au passage des
+gens de guerre. Jeanne lui donna une robe rouge, qu'elle avait
+portée[1379]. Elle vit aussi à Châlons un autre laboureur plus jeune
+que Morel d'une dizaine d'années, Gérardin d'Épinal, qu'elle appelait
+son compère, comme elle appelait Isabellette, femme de Gérardin, sa
+commère, pour la raison qu'elle avait tenu sur les fonts leur fils
+Nicolas et qu'une marraine est une mère en esprit. Au village, Jeanne
+se défiait de Gérardin, qui était Bourguignon; à Châlons, elle lui
+montra plus de confiance et, l'entretenant des progrès de l'armée, lui
+dit qu'elle ne craignait rien hors la trahison[1380]. Elle avait déjà
+de sombres pressentiments; sans doute elle sentait que désormais la
+candeur de son âme et la simplicité de sa pensée étaient trop rudement
+combattues par la malice des hommes et les forces confuses des choses;
+déjà monseigneur saint Michel, madame sainte Catherine et madame
+sainte Marguerite ne lui parlaient plus avec autant de clarté que
+devant, faute de pénétrer dans les chancelleries de France et de
+Bourgogne, qui n'étaient pas choses du ciel.
+
+[Note 1378: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, p. 298.--Lettre de
+trois gentilshommes angevins, dans _Procès_, t. V, p. 130.--Perceval
+de Cagny, p. 158.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, pp.
+96-97.--_Chronique des Cordeliers_, fol. 85 vº.--E. de Barthélémy,
+_Châlons pendant l'invasion anglaise_, Châlons, 1851, p. 16.]
+
+[Note 1379: _Procès_, t. II, pp. 391-392.]
+
+[Note 1380: _Ibid._, t. II, pp. 421-423.]
+
+Ceux de Châlons, à l'exemple de leurs amis de Troyes, écrivirent aux
+habitants de Reims qu'ils avaient reçu le roi de France et qu'ils leur
+conseillaient de faire de même. En cette lettre, ils disaient qu'ils
+avaient trouvé le roi Charles doux, gracieux, pitoyable et
+miséricordieux; et, dans le fait, ce roi prenait en douceur ses
+villes de Champagne. Ceux de Châlons ajoutaient qu'il était de haut
+entendement, beau de sa personne et de beau maintien[1381]. C'était
+beaucoup dire.
+
+[Note 1381: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 295, 296.--Varin,
+_Archives de Reims, Statuts_, t. I, p. 601.--H. Jadart, _Jeanne d'Arc
+à Reims_, pp. 13 et suiv.]
+
+Les habitants de Reims se comportaient avec prudence. À la venue du
+roi de France, en même temps qu'ils lui envoyaient des messagers pour
+l'avertir que les portes de la ville lui seraient ouvertes, ils
+donnaient avis à leur seigneur le duc Philippe, ainsi qu'aux chefs
+anglais et bourguignons, des progrès de l'armée royale, selon ce
+qu'ils en pouvaient savoir, et ils leur mandaient de fermer le passage
+aux ennemis[1382]. Mais ils n'étaient pas pressés d'obtenir des
+secours pour la défense de leur ville, comptant que, s'ils n'en
+recevaient pas, ils se rendraient au roi Charles sans encourir aucun
+blâme des Bourguignons, et qu'ainsi ils n'auraient rien à craindre de
+l'un et l'autre parti. Pour l'heure, ils gardaient deux loyautés, ce
+qui n'était pas trop d'une en ces conjonctures difficiles et
+périlleuses. Quand on voit comme ces villes de Champagne pratiquaient
+ingénieusement l'art de changer de maître, il est bon de savoir que de
+cet art dépendait le salut de leurs corps et de leurs biens.
+
+[Note 1382: J. Rogier, _loc. cit._--Varin, p. 599.]
+
+Dès le 1er juillet, le capitaine Philibert de Moslant leur écrivit de
+Nogent-sur-Seine, où il se trouvait avec sa compagnie bourguignonne,
+que, s'ils avaient besoin de lui, il les viendrait secourir en bon
+chrétien[1383]. Ils firent mine de ne pas entendre. Après tout, le
+seigneur Philibert n'était pas leur capitaine. Ce qu'il en pensait
+faire n'était, comme il le disait, que par charité chrétienne. Les
+notables de Reims, qui ne voulaient pas être sauvés, avaient à se
+garder surtout de leur naturel sauveur, le sire de Chastillon, grand
+queux de France, capitaine de la ville[1384]. Et il fallait qu'ils lui
+demandassent secours de façon qu'ils n'obtinssent pas ce qu'ils
+demandaient, de peur d'être comme les Israélites de qui il est écrit:
+_Et tribuit eis petitionem eorum_.
+
+[Note 1383: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 286 et
+suiv.--Varin, pp. 600 et s.]
+
+[Note 1384: H. Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, p. 18.--Dom Marlot,
+_Hist. Metrop. Remensis_, t. II, pp. 709 et suiv.]
+
+Alors que l'armée royale était encore sous Troyes, un héraut se
+présenta devant la ville de Reims, portant une lettre donnée par le
+roi, à Brinion-l'Archevêque, le lundi 4 juillet. Cette lettre fut
+remise au Conseil. «Vous pouvez bien avoir reçu nouvelle, disait le
+roi Charles aux habitants de Reims, de la bonne fortune et victoire
+qu'il a plu à Dieu nous donner sur les Anglais, nos anciens ennemis,
+devant la ville d'Orléans et, depuis lors, à Jargeau, Beaugency et
+Meung-sur-Loire, en chacun desquels lieux nos ennemis ont reçu très
+grand dommage; tous leurs chefs et des autres jusqu'au nombre de
+quatre mille y sont morts ou demeurés prisonniers. Ces choses étant
+advenues plus par grâce divine que par oeuvre humaine, selon l'avis
+des princes de notre sang et lignage et des conseillers de notre
+Grand-Conseil, nous nous sommes acheminés pour aller en la ville de
+Reims recevoir notre sacre et couronnement. C'est pourquoi nous vous
+mandons que, sur la loyauté et obéissance que vous nous devez, vous
+vous disposiez à nous recevoir dans la manière accoutumée, et comme
+vous avez fait à l'égard de nos prédécesseurs[1385].»
+
+[Note 1385: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV. p. 291.--L. Paris,
+dans _Cabinet Historique_, 1855, t. I, p. 68.]
+
+Et le roi Charles, usant envers le peuple de Reims de la même
+bénignité prudente qu'il avait montrée à ceux de Troyes, faisait
+pleine promesse de pardon et d'oubli.
+
+«Que les choses passées, disait-il, et la crainte que j'en eusse
+encore mémoire ne vous arrêtent pas. Soyez assurés que, si vous vous
+conduisez envers moi comme vous devez, je vous traiterai en bons et
+loyaux sujets.»
+
+Même il leur demandait d'envoyer des notables traiter avec lui: «Si,
+pour être mieux informés de nos intentions, quelques-uns de la ville
+de Reims voulaient venir vers nous avec le héraut que nous vous
+envoyons, nous en serions très content. Ils y pourront aller sûrement
+en tel nombre qu'il leur plaira[1386].»
+
+[Note 1386: J. Rogier dans _Procès_, t. IV, p. 291.]
+
+Au reçu de cette lettre, le Conseil fut convoqué, mais il se trouva
+que les échevins ne furent point en nombre pour délibérer; ce qui les
+tira d'un grand embarras. Ensuite de quoi ils firent assembler la
+commune par quartiers, et ils obtinrent des bourgeois ainsi consultés
+cette déclaration cauteleuse: «Nous entendons vivre et mourir avec le
+Conseil et les notables. Nous nous comporterons selon leur avis, en
+bonne union et paix, sans murmurer ni faire de réponse, si ce n'est
+par l'avis et ordonnance du capitaine de Reims et de son
+lieutenant[1387].»
+
+[Note 1387: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 292, 293.--H.
+Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, pp. 17 et suiv.]
+
+Le sire de Chastillon, capitaine de la ville, était alors à
+Château-Thierry avec ses lieutenants, Jean Cauchon et Thomas de
+Bazoches, tous deux écuyers. Les habitants de Reims jugèrent utile de
+mettre sous ses yeux la lettre du roi Charles; leur bailli, Guillaume
+Hodierne, se rendit auprès du soigneur capitaine et la lui montra. Le
+bailli répondit parfaitement au sentiment des habitants de Reims: il
+demanda au sire de Chastillon de venir, mais il le lui demanda de
+manière que le sire de Chastillon ne vînt pas. C'était le point
+essentiel; car, à ne le pas appeler, on se mettait en trahison
+ouverte, et, s'il venait, on risquait de subir un siège plein de
+calamités et de dangers.
+
+À ces fins, le bailli déclara que les habitants de Reims, désireux de
+communiquer avec leur capitaine, le recevraient accompagné de
+cinquante chevaux seulement; en quoi ils montraient leur bon vouloir;
+ayant le droit de ne point recevoir garnison dans leur ville, ils
+consentaient à y laisser entrer cinquante lances, ce qui allait bien à
+deux cents combattants. Le sire de Chastillon, comme les habitants
+l'avaient prévu, jugea qu'en l'occurrence ce n'était pas assez pour sa
+sûreté et il mit, comme conditions à sa venue, que la ville fût
+emparée et munie, qu'il y entrât avec trois ou quatre cents
+combattants, qu'il en eût la garde ainsi que du château, avec cinq ou
+six notables pris, autant dire, comme otages. À ces conditions il
+était, disait-il, prêt à vivre et à mourir pour eux[1388].
+
+[Note 1388: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 292-293.--Varin,
+_Archives de Reims_, pp. 910, 912.--H. Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_,
+p. 18.]
+
+Il s'achemina avec sa compagnie jusque auprès de la ville et là fit
+savoir aux habitants qu'il était venu les aider. Il leur manda que
+dans cinq ou six semaines sans faute, une belle et grande armée
+anglaise, débarquée à Boulogne, marcherait à leur secours[1389].
+
+[Note 1389: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 292, 294.--H.
+Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, pp. 18-19.]
+
+À la vérité les Anglais levaient des troupes autant qu'ils pouvaient
+et faisaient flèche de tout bois. Ils armaient, disait-on, jusqu'aux
+prêtres. Le Régent employait à sa guerre les croisés débarqués en
+France, que le cardinal de Winchester conduisait contre les
+Hussites[1390]. Et, comme bien on pense, le conseil du roi Henri ne
+négligeait pas d'avertir les habitants de Reims des armements qu'il
+ordonnait. Le 3 juillet, il les avisait que des troupes étaient en
+passage de mer, et le 10, Colard de Mailly, bailli de Vermandois, leur
+faisait savoir que ces troupes étaient déjà passées. Mais ces
+nouvelles ne donnaient pas grande confiance aux Champenois dans la
+force des Anglais et lorsque le sire de Chastillon leur promit, à
+quarante jours, une grande et belle armée d'outre-mer, le roi Charles
+chevauchait à quelques lieues de leur ville avec trente mille
+combattants. Le sire de Chastillon s'aperçut qu'il était joué, ce dont
+il avait eu déjà quelque soupçon. Les habitants de Reims refusèrent de
+le recevoir. Il ne lui restait plus qu'à tourner bride et à rejoindre
+les Anglais[1391].
+
+[Note 1390: Fauquembergue, dans _Procès_, t. IV, p. 451.--Jean
+Chartier, _Chronique_, t. I, pp. 101-102.--_Journal du siège_, p.
+118.--Rymer, _Foedera_, t. X, p. 424.--S. Bougenot, _Notices et
+Extraits des manuscrits intéressant l'Histoire de France conservés à
+la bibliothèque impériale de Vienne_, p. 62.--Raynaldi, _Annales
+ecclesiatici_, t. IX, pp. 77, 78.--Morosini, t. IV, annexe XVII.]
+
+[Note 1391: J. Rogier, dans _Procès_, t. IV, pp. 294, 298.]
+
+Le 12 juillet, ils reçurent de monseigneur Regnault de Chartres,
+archevêque duc de Reims, une lettre les priant de se disposer à la
+venue du roi[1392].
+
+[Note 1392: _Ibid._--L. Paris, _Cabinet Historique_, 1865, p. 77.]
+
+Ce même jour, le Conseil de ville s'étant assemblé le greffier
+commença d'inscrire sur le registre des délibérations le procès-verbal
+de la séance:
+
+«..... Après ce qu'on a exposé à Monseigneur de Chastillon, comment il
+estoit capitaine, et les seigneurs et autre multitude de peuple
+qui[1393].....»
+
+[Note 1393: H. Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, p. 19.]
+
+Il n'en écrivit pas davantage. Trouvant difficile de témoigner leur
+loyauté aux Anglais en préparant le sacre du roi Charles et contraire
+à la prudence de reconnaître un nouveau prince sans y être forcés, les
+citoyens renonçaient tout à coup à la parole qui est d'argent et se
+réfugiaient dans un silence d'or.
+
+Le samedi 16, le roi Charles prit gîte à quatre lieues de la ville du
+sacre, au château de Sept-Saulx, construit plus de deux cents ans
+auparavant par les prédécesseurs guerriers de messire Regnault et dont
+le fier donjon commandait le passage de la Vesle[1394]. Il y reçut les
+bourgeois de Reims qui vinrent en grand nombre lui offrir pleine et
+entière obéissance[1395]. Puis il se remit en marche avec la Pucelle
+et toute son armée, et ayant franchi sa dernière étape sur la chaussée
+qui côtoyait la Vesle, il entra dans la grande cité champenoise au
+tomber du jour, par la porte méridionale nommée Dieulimire, qui,
+devant lui, abaissa ses ponts et leva ses deux herses[1396].
+
+[Note 1394: Perceval de Cagny, p. 159.--Jean Chartier,
+_Chronique_, p. 97.--_Chronique de la Pucelle_, p. 320.--_Chronique
+des Cordeliers_, fol. 85 vº.--_Journal du siège_, p. 112.--Bergier,
+_Poème sur la tapisserie de Jeanne d'Arc_, p. 112.--H. Jadart, _Jeanne
+d'Arc à Reims_, pp. 20, 21.--F. Pinon, _Notice sur Sept-Saulx_, dans
+_Travaux de l'Académie de Reims_, t. VI, p. 328.]
+
+[Note 1395: J. Rogier, dans _Procès_, pp. 298 et suiv.--Dom
+Marlot, _Histoire de la Ville de Reims_, t. IV, Reims, 1846 (4 vol.
+in-4º), t. III, p. 174.]
+
+[Note 1396: H. Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, p. 23.]
+
+La tradition voulait que le sacre fut célébré, de préférence, un
+dimanche, et cette règle se trouvait mentionnée dans un cérémonial qui
+avait servi, croyait-on, pour le sacre de Louis VIII et qui faisait
+autorité[1397]. Les habitants de Reims travaillèrent pendant la nuit,
+afin que tout fût prêt pour le lendemain[1398]. Leur amour subit du
+roi de France les aiguillonnait et surtout la peur qu'il demeurât
+quelques jours dans la ville avec son armée. Ils ressentaient à
+recevoir et à garder des gens d'armes dans leurs murs une crainte
+commune aux bourgeois de toutes les villes, qui, dans leur épouvante,
+ne distinguaient point les hommes de guerre armagnacs des hommes de
+guerre anglais et bourguignons[1399]. Aussi furent-ils diligents à
+préparer toutes choses, avec la ferme intention d'en payer le moins
+possible. Attendu que le sacre ne leur rapportait «ni profit ni
+honneur[1400]», les échevins, d'habitude, en rejetaient la charge sur
+l'archevêque, qui en tenait, disaient-ils, les émoluments comme pair
+de France[1401].
+
+[Note 1397: _Chronique de la Pucelle_, pp. 322-323, note.--«Ce
+rituel date bien du XIIIe siècle. Il nous a été conservé dans un
+manuscrit de la bibliothèque de Reims qui paraît avoir été écrit vers
+1274.» Communication de M. H. Jadart.--Varin, _Archives de Reims_, t.
+I, p. 522.--Dom Marlot, _Histoire de la ville de Reims_, t. III, p.
+566, et t. IV, Pièces just., nº 142.--H. Jadart, _Jeanne d'Arc à
+Reims_, p. 7.]
+
+[Note 1398: _Chronique de la Pucelle_, p. 321.--Perceval de Cagny,
+p. 159.--Lettre de trois gentilhommes angevins, dans _Procès_, t. V,
+p. 128.]
+
+[Note 1399: _Procès_, t. I, p. 91.]
+
+[Note 1400: Thirion, _Les frais du sacre_, dans _Travaux de
+l'Académie de Reims_, 1894.--Voir dans Varin, _Archives de Reims_, la
+table des matières au mot: _Sacre_.--Dom Marlot, _Histoire de la ville
+de Reims_, t. III, pp. 461, 566, 640, 651, 819; t. IV, pp. 25, 31,
+45.]
+
+[Note 1401: _Chronique de la Pucelle_, p. 321, note 2.]
+
+Les ornements royaux déposés, après le sacre du feu roi, dans le
+trésor de Saint-Denys, étaient aux mains des Anglais. La couronne de
+Charlemagne, brillante de rubis, de saphirs et d'émeraudes, fleuronnée
+de quatre fleurs de Lis, que recevaient les rois de France à leur
+couronnement, les Anglais voulaient la mettre sur la tête de leur roi
+Henri; ils se préparaient à ceindre le roi enfant de l'épée de
+Charlemagne, l'illustre Joyeuse, qui dormait dans son fourreau de
+velours violet, sous la garde de l'abbé bourguignon de Saint-Denys.
+Aux Anglais aussi le sceptre que surmontait un Charlemagne d'or en
+habit d'empereur, la verge de justice terminée par une main en corne
+de licorne, l'agrafe dorée du manteau de saint Louis et les éperons
+d'or, et le _Pontifical_ contenant, dans sa reliure de vermeil
+émaillée, les cérémonies du sacre[1402]. On dut se contenter d'une
+couronne conservée dans le trésor de la cathédrale[1403]. Quant aux
+autres insignes de la royauté de Clovis, de saint Charlemagne et de
+saint Louis, on les représenterait comme on pourrait et il n'était pas
+mauvais après tout que ce sacre gagné dans une chevauchée se sentît
+des travaux et des misères qu'il avait coûtés et que la cérémonie
+participât en quelque chose de la pauvreté héroïque des hommes d'armes
+et des gens des communes, qui y avaient conduit le dauphin.
+
+[Note 1402: C. Leber, _Des cérémonies du sacre ou Recherches
+historiques et antiques sur les moeurs, les coutumes, les institutions
+et le droit public des Français, dans l'ancienne monarchie_,
+Paris-Reims, 1825, in-8º.--A. Lenoble, _Histoire du sacre et du
+couronnement des rois et des reines de France_, Paris, 1825, in-8º.]
+
+[Note 1403: _Procès_, t. I, p. 91.--Varin, _Archives de Reims_, t.
+III. pp. 559 et suiv.]
+
+Les rois étaient sacrés par l'huile, car l'huile signifie renommée,
+gloire et sapience. Le matin, les seigneurs de Rais, de Boussac, de
+Graville et de Culant furent députés par le roi pour aller quérir la
+Sainte Ampoule[1404].
+
+[Note 1404: _Chronique de la Pucelle_, p. 321.--_Journal du
+siège_, p. 113.--Varin, _Archives de Reims_, t. II, p. 509; t. III, p.
+555.]
+
+C'était une fiole de cristal que le grand prieur de Saint-Remi tenait
+enfermée dans le tombeau de l'apôtre derrière le maître-autel de
+l'église abbatiale. Cette fiole contenait le saint chrême, dont le
+bienheureux Remi avait oint le roi Clovis, et elle était enchâssée
+dans un reliquaire en forme de colombe, parce qu'on avait vu la
+colombe du Paraclet apporter l'huile destinée au sacrement du premier
+roi chrétien. Il est vrai qu'on trouvait en de vieux livres qu'un ange
+était descendu du ciel avec l'ampoule miraculeuse[1405]; mais ces
+incertitudes ne troublaient point les esprits, et l'on ne doutait pas,
+dans le peuple chrétien, que le saint chrême n'eût des vertus
+merveilleuses. On savait, par exemple, qu'il ne diminuait point à
+l'usage, et que la fiole restait toujours pleine, en présage et gage
+de la pérennité du royaume de France. Selon les observations des
+témoins, lors du sacre du feu roi Charles, l'huile n'avait pas diminué
+après les onctions[1406].
+
+[Note 1405: Flodoard, _Hist. ecclesiæ Remensis_, dans _coll.
+Guizot_, t. V, pp. 41 et suiv.--Eustache Deschamps, Ballade 172, t. I,
+p. 305, t. II, p. 104.--Dom Marlot, _Histoire de la ville de Reims_,
+t. II, p. 48, nº 1.--Vertot, dans _Académie des Inscriptions_, t. II.]
+
+[Note 1406: Froissart, l. II, ch. LXXIV.]
+
+À neuf heures du matin, Charles de Valois entra dans l'église avec une
+suite nombreuse. Le roi d'armes de France appela par leurs noms,
+devant le maître-autel, les douze pairs du royaume. Des six pairs
+laïques, aucun ne répondit. À leur place se présentèrent le duc
+d'Alençon, les comtes de Clermont et de Vendôme, les sires de Laval,
+de la Trémouille et de Maillé.
+
+Des six pairs ecclésiastiques, trois répondirent à l'appel du roi
+d'armes: l'archevêque duc de Reims, l'évêque comte de Châlons,
+l'évêque duc de Laon. Les évêques détaillants de Langres, de Chaumont
+et de Noyon furent suppléés. En l'absence d'Arthur de Bretagne,
+connétable de France, l'épée fut tenue par Charles, sire
+d'Albret[1407].
+
+[Note 1407: Lettres de trois gentilshommes angevins, dans
+_Procès_, t. V, pp. 127, 129.--Monstrelet, t. IV, ch. LXIV.--Perceval
+de Cagny, p. 159.--_Relation du greffier de La Rochelle_, p.
+343.--_Chronique de Tournai_ (t. III du _Recueil des Chroniques de
+Flandre_), p. 414.--_Gallia Christiana_, t. IX, col. 551; t. XI, col.
+698.]
+
+Devant l'autel se tenait Charles de Valois, revêtu d'habits fendus sur
+la poitrine et les épaules. Il jura, premièrement, de conserver à
+l'Église paix et privilèges; deuxièmement, de préserver le peuple des
+exactions et de ne le pas trop charger; troisièmement, de gouverner
+avec justice et miséricorde[1408].
+
+[Note 1408: _Chronique de la Pucelle_, p. 322, note
+1.--_Collection de Champagne_, vol. 125, Sacre des rois, fol. 86.]
+
+Il fut armé chevalier par son cousin d'Alençon[1409].
+
+[Note 1409: Perceval de Cagny, p. 159.--_Chronique de la pucelle_,
+p. 322--_Journal du siège_, p. 114.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I,
+p. 97.]
+
+Puis l'archevêque lui fit les onctions avec l'huile mystique, dont le
+Saint-Esprit fortifie les prêtres, les rois, les prophètes et les
+martyrs et, nouveau Samuel, consacra le nouveau Saül, manifestant que
+toute puissance est de Dieu et que, à l'exemple de David, les rois
+sont les pontifes, les annonciateurs et les témoins du Seigneur. Cette
+effusion d'huile, dont étaient consacrés les rois, dans Israël,
+rendait brillants et forts les rois de la France très chrétienne
+depuis Charlemagne, depuis Clovis, car, s'il reçut de saint Remi non
+proprement le sacre, mais le baptême et la confirmation, Clovis fut
+consacré en même temps chrétien et roi par le bienheureux évêque, au
+moyen de l'huile sainte, envoyée par Dieu lui-même à ce prince et à
+ses successeurs[1410].
+
+[Note 1410: Chifletius, _De ampula Remensi nova et acurata
+disquisitio_, Anvers, 1651, in-4º.]
+
+Et Charles reçut les onctions présage de force et de victoire, car il
+est écrit au livre des Rois: «Samuel prit la fiole d'huile, la versa
+sur la tête de Saül et dit: Voici que le Seigneur t'a sacré prince sur
+son héritage, et tu délivreras son peuple des mains des ennemis qui
+l'environnent. _Ecce unxit te Dominus super hereditatem suam in
+principem, et liberabis populum suum de manibus inimicorum ejus, qui
+in circuitu ejus sunt._» (_Reg._ I, X, 1, 6.)
+
+Durant le mystère, comme on disait en ancien langage[1411], la Pucelle
+demeurait au côté du roi. Elle tint un moment déployé son étendard
+blanc devant lequel le vieil étendard de Chandos avait reculé. Puis
+d'autres tinrent l'étendard à leur tour, son page Louis de Coutes, qui
+ne la quittait jamais, frère Richard le prêcheur, qui l'avait suivie à
+Châlons et à Reims[1412]. Dans un de ses rêves, elle avait donné
+naguère une couronne éblouissante à son roi; elle s'attendait à ce que
+cette couronne fût apportée dans l'église par des messagers
+célestes[1413]. Les saintes ne recevaient-elles pas communément des
+couronnes de la main des anges? Un ange offrit à sainte Cécile une
+couronne tressée de roses et de lis. Un ange donna à la vierge
+Catherine la couronne impérissable, que la sainte posa sur la tête de
+l'Impératrice de Rome. Mais la couronne étrangement riche et
+magnifique que Jeanne attendait ne vint point.
+
+[Note 1411: Lettre de trois gentilshommes angevins, dans _Procès_,
+t. V, p. 129.--F. Boyer, _Variante inédite d'un document sur le Sacre
+de Charles VII_, Clermont et Orléans, 1881, in-8º.]
+
+[Note 1412: _Procès_, t. I, p. 104, 300.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 322.--Lettre de trois gentilshommes angevins, dans
+_Procès_, t. V, p. 129.--Varin, D. Marlot, H. Jadart, _loc. cit._]
+
+[Note 1413: _Procès_, t. I, p. 108.]
+
+L'archevêque prit sur l'autel la couronne de prix modique fournie par
+le chapitre, et l'éleva à deux mains sur la tête du roi. Les douze
+pairs en cercle autour du prince y portèrent le bras pour la soutenir.
+Les trompettes éclatèrent, et le peuple cria: «Noël[1414]!»
+
+[Note 1414: Lettre de trois gentilshommes angevins, dans _Procès_,
+t. V, p. 129.]
+
+Ainsi fut oint et couronné Charles de France, issu de la royale lignée
+du noble roi Priam de Troie la Grande.
+
+Le mystère fut terminé à deux heures après midi[1415]. On rapporte
+qu'alors la Pucelle s'agenouilla et, embrassant le roi par les jambes,
+lui dit avec des larmes:
+
+--Gentil roi, maintenant est fait le plaisir de Dieu, qui voulait que
+je levasse le siège d'Orléans et vous amenasse en cette cité de Reims
+recevoir votre saint sacre, en montrant que vous êtes vrai roi et
+celui auquel le royaume de France doit appartenir[1416].
+
+[Note 1415: Morosini, t. III, p. 181.--Lettre de trois
+gentilshommes, _loc. cit._]
+
+[Note 1416: _Chronique de la Pucelle_, pp. 322, 323.--_Journal du
+siège_, p. 114.]
+
+Le roi fit les présents d'usage. Il offrit au Chapitre un tapis de
+satin vert, ainsi que des ornements de velours rouge et de damas
+blanc. De plus, il posa sur l'autel un vase d'argent du prix de treize
+écus d'or. Le seigneur archevêque s'en empara malgré les réclamations
+des chanoines, mais il ne lui servit de rien de l'avoir pris, car il
+lui fallut le rendre[1417].
+
+[Note 1417: Dom Marlot, _Histoire de la ville de Reims_, t. IV, p.
+175.--H. Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, p. 107.]
+
+Après la cérémonie, Charles ceignit la couronne, revêtit le manteau
+royal, bleu comme le ciel, fleuri de lis d'or, et traversa sur son
+coursier les rues de la ville de Reims. Le peuple en liesse criait:
+«Noël!» comme il avait crié à l'entrée de monseigneur le duc de
+Bourgogne.
+
+Ce jour-là, le sire de Rais fut fait maréchal de France et le sire de
+la Trémouille comte; l'aîné des deux fils de madame de Laval, à qui la
+Pucelle avait offert le vin à Selles-en-Berri, fut fait comte aussi.
+Le capitaine La Hire reçut le comté de Longueville avec tout ce qu'il
+prendrait en Normandie[1418].
+
+[Note 1418: _Chronique de la Pucelle_, p. 322.--_Journal du
+siège_, p. 114.--Perceval de Cagny, p. 159.--Lettre de trois
+gentilshommes angevins, dans _Procès_, t. V, p. 129.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 97.--Vallet de Viriville, _Histoire de Charles
+VII_, t. II, p. 99, note 2.]
+
+Le roi Charles fut servi à dîner en l'hôtel épiscopal, dans l'ancienne
+salle du Tau, par le duc d'Alençon et le comte de Clermont[1419]. La
+table royale, selon la coutume, se prolongeait dans la rue et le
+festin débordait sur toute la ville. C'était un jour de franche lippée
+et de commune frairie. Dans les maisons, sous les portes, sur les
+bornes, on faisait ripaille, on se ruait en cuisine; il se dévorait
+boeufs par douzaines, moutons par centaines, poules et lapins par
+milliers. On se bourrait d'épices, et comme on avait grand'soif, on
+humait à plein pot les vins de Bourgogne et notamment le parfumé vin
+de Beaune. Le très vieux cerf de la cour archiépiscopale, qui était de
+bronze et creux, on le transportait, à chaque couronnement, dans la
+rue du Parvis; on le remplissait de vin, et le peuple y venait boire
+comme à la fontaine. Finalement les bourgeois et habitants de la cité
+du bienheureux Remi, riches et pauvres, empiffrés, saouls de viandes
+et de vin, ayant hurlé «Noël!» à plein gosier, tombaient endormis sur
+les fûts et les victuailles dont, le lendemain, les échevins moroses
+allaient disputer aigrement les restes aux gens du roi[1420].
+
+[Note 1419: Monstrelet, t. IV, p. 339.--H. Jadart, _Jeanne d'Arc à
+Reims_, p. 32.]
+
+[Note 1420: Thirion, _Les frais du sacre_ dans _Travaux de
+l'Académie de Reims_, 1894.--Dom Marlot, _Histoire de la ville de
+Reims_, t. IV, p. 45, n. 1.--Varin, _Arch. adm. de la ville de Reims_,
+t. III, p. 39.]
+
+Jacques d'Arc était venu voir ce couronnement auquel sa fille avait
+tant ouvré. Il logeait à l'enseigne de l'_Âne rayé_, rue du Parvis,
+dans une hôtellerie tenue par Alix, veuve de Raulin Morieau. En même
+temps que sa fille, il revit son fils Pierre[1421]. Ce cousin que
+Jeanne appelait son oncle et qui l'avait accompagnée auprès de sire
+Robert à Vaucouleurs, Durand Lassois, était pareillement venu aux
+fêtes du sacre. Il parla au roi et lui conta tout ce qu'il savait de
+sa cousine[1422]. Jeanne trouva aussi à Reims un jeune compatriote,
+Husson Le Maistre, chaudronnier dans le village de Varville, à trois
+lieues de Domremy. Elle ne le connaissait pas, mais il avait bien
+entendu parler d'elle, et il était très familier avec Jacques et
+Pierre d'Arc[1423].
+
+[Note 1421: _Procès_, t. III, p. 198; t. V, pp. 141, 266.--H.
+Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, pp. 47, 48.--L'abbé Cerf, _Le vieux
+Reims_, 1875, pp. 35 et 110.]
+
+[Note 1422: _Procès_, t. II, p. 445.]
+
+[Note 1423: _Ibid._, t. III, p. 198.]
+
+Jacques d'Arc était un des notables de son village et peut-être le plus
+entendu aux affaires[1424]. Il ne s'était pas rendu à Reims à seule fin
+de voir sa fille chevaucher par les rues de la cité en habit d'homme; il
+venait demander au roi pour lui, pour ceux de son village, dépouillés
+par les gens de guerre, une exemption d'impôts. Cette demande, que la
+Pucelle transmit au roi, fut agréée. Le 31 du même mois, le roi
+ordonnait que les habitants de Greux et de Domremy fussent francs de
+toutes tailles, aides, subsides et subventions[1425]. Les Élus de la
+ville payèrent sur les deniers publics les dépenses de Jacques d'Arc,
+et, quand il fut sur son départ, ils lui donnèrent un cheval pour
+retourner chez lui[1426].
+
+[Note 1424: S. Luce, _Jeanne d'Arc à Domremy_, pp. L et suiv.;
+preuve, LI, pp. 97, 106; supplément aux preuves, pp. 359,
+362.--Boucher de Molandon, _Jacques d'Arc, père de la Pucelle, sa
+notabilité personnelle_, Orléans, 1885, in-8º.]
+
+[Note 1425: _Procès_, t. V, pp. 137, 139.]
+
+[Note 1426: _Ibid._, t. I, pp. 141, 266, 267.]
+
+Durant les cinq ou six jours qu'elle demeura à Reims, la Pucelle se
+montra au peuple. Les humbles, les simples venaient à elle; les bonnes
+femmes lui prenaient les mains et faisaient toucher leurs anneaux au
+sien[1427]. Elle portait au doigt un petit anneau que sa mère lui
+avait donné; il était de laiton, autrement appelé aurichalque[1428].
+L'aurichalque était, comme on disait, l'or des pauvres. Cet anneau
+n'avait pas de pierre et portait au chaton les noms de _Jhesus Maria_,
+avec trois croix. Elle y tenait souventes fois les regards pieusement
+fixés parce qu'un jour elle l'avait fait toucher par madame sainte
+Catherine[1429]. Et que la sainte l'eût vraiment touché, ce n'était
+pas incroyable, puisqu'il était manifeste que peu de temps auparavant,
+en l'an 1413, soeur Colette, qui professait la chasteté virginale,
+avait reçu de l'apôtre vierge un riche anneau d'or, en signe
+d'alliance spirituelle avec le Roi des rois. Soeur Colette faisait
+toucher cet anneau aux religieux et aux religieuses de son ordre, et
+elle le confiait aux messagers qu'elle envoyait au loin, afin de les
+préserver des périls de la route[1430]. La Pucelle attribuait aussi à
+son anneau de grandes vertus; toutefois elle ne s'en servait point
+pour opérer des guérisons[1431].
+
+[Note 1427: _Ibid._, t. I, p. 103.]
+
+[Note 1428: Du Cange, _Glossarium_, aux mots: _Auriacum_,
+_electrum_ et _leto_.--Vallet de Viriville, _Les anneaux de Jeanne
+d'Arc_, dans _Mémoires de la Société des Antiquaires de France_, t.
+XXX, janvier 1867.]
+
+[Note 1429: _Procès_, t. I, pp. 185, 238; Walter Bower, _ibid._,
+t. IV, p. 480.]
+
+[Note 1430: _Sanctissimæ virginis Coletæ vita_, Paris, in-8º,
+gothique sans date, feuillet 8, verso.--_Bollandistes_, AA. SS., mars,
+t. I, p. 611.]
+
+[Note 1431: _Procès_, t. I, p. 104.]
+
+On attendait d'elle les menus services qu'il était d'usage de demander
+aux saintes gens et parfois aux sorciers. Avant la cérémonie du sacre,
+les nobles et les chevaliers avaient reçu des gants, selon la coutume.
+L'un d'eux perdit les siens; il demanda, ou d'autres demandèrent pour
+lui, qu'elle les lui fît retrouver. Elle ne dit point qu'elle le
+ferait; cependant la chose fut sue et diversement jugée[1432].
+
+[Note 1432: _Ibid._, t. I, p. 104.--H. Jadart, _Jeanne d'Arc à
+Reims_, p. 37.]
+
+Après le sacre du roi, si, mêlé au peuple dans la rue du Parvis,
+quelque clerc méditatif leva les yeux sur la haute face historiée de
+la cathédrale, déjà très vieille alors pour des hommes qui,
+connaissant mal les chroniques, mesuraient le temps sur la durée de
+la vie humaine, il vit sûrement, à gauche de l'arc aigu qui surmonte
+la rose, l'image colossale de Goliath dressé fièrement dans son armure
+à écailles, et cette même figure répétée à droite de l'arc, dans
+l'attitude d'un homme chancelant et qui tombe[1433]. Alors ce clerc
+dut se rappeler ce qui est écrit au premier livre des Rois:
+
+[Note 1433: «Ces sculptures (Goliath et David) ont été
+certainement exécutées à la fin du XIIIe siècle» (L. Demaison, _Notice
+historique sur la cathédrale de Reims_, Reims, _s. d._, in-4º, p. 44).
+La rose est de 1280 (H. Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, p. 41).]
+
+«Les Philistins assemblèrent toutes leurs troupes pour combattre
+Israël. Or, il arriva qu'un homme, qui était bâtard, sortit du camp
+des Philistins. Il s'appelait Goliath; il était de Geth, et il avait
+six coudées et une palme de haut. Il était revêtu d'une cuirasse à
+écailles qui pesait cinq mille sicles d'airain. Et il vint disant:
+«J'ai jeté l'opprobre aux armées d'Israël. Donnez-moi un homme qui
+vienne combattre contre moi en un combat singulier.»
+
+»Or, David enfant s'en était allé à Bethléem pour paître les troupeaux
+de son père. Mais David, s'étant levé dès la pointe du jour, laissa à
+un serviteur le soin de son troupeau. Il vint au lieu appelé Magala,
+où l'armée s'était avancée pour donner la bataille. Et voyant Goliath,
+il demanda: «Qui est ce Philistin incirconcis qui jette l'opprobre aux
+armées du Dieu vivant?»
+
+»Ces paroles de David ayant été entendues, elles furent rapportées à
+Saül. Et Saül l'ayant fait venir devant lui, David lui parla de cette
+manière: «Que personne ne s'épouvante de ce Philistin, car moi, ton
+serviteur, je suis prêt à aller le combattre.» Saül lui dit: «Tu ne
+saurais résister à ce Philistin ni combattre contre lui, parce que tu
+es un enfant, et que celui-ci est un homme nourri à la guerre depuis
+sa jeunesse.» David répondit: «J'irai contre lui et je ferai cesser
+l'opprobre d'Israël.» Saül dit donc à David: «Va! et que le Seigneur
+soit avec toi!»
+
+»David prit son bâton, choisit dans le torrent cinq pierres très
+polies et, tenant à la main sa fronde, il marcha contre les
+Philistins.
+
+»Et Goliath, lorsqu'il eut aperçu David, voyant que c'était un bel
+enfant aux cheveux roux, lui dit: «Suis-je un chien, pour que tu
+viennes à moi avec un bâton?» Mais David répondit au Philistin: «Tu
+viens à moi avec l'épée, la lance et le bouclier. Mais moi, je viens à
+toi au nom du Seigneur des armées, du Dieu des batailles d'Israël,
+auquel tu as insulté aujourd'hui. Le Seigneur te livrera entre mes
+mains. Et que toute cette assemblée d'hommes reconnaisse que ce n'est
+point par l'épée, ni par la lance que Dieu sauve! Cette guerre est sa
+guerre et il vous livrera dans nos mains.»
+
+»Le Philistin s'avança donc et marcha contre David. Et David lança une
+pierre avec sa fronde et en frappa le Philistin au front. Et Goliath
+tomba le visage contre terre.»
+
+Alors le clerc qui méditait ces paroles du Livre songeait que,
+toujours semblable à lui-même, le Seigneur qui sauva Israël et abattit
+Goliath par la fronde d'un berger enfant avait suscité la fille d'un
+laboureur pour la délivrance du très chrétien royaume et l'opprobre du
+Léopard[1434].
+
+[Note 1434: Voir le sacre de David et celui de Louis XII, par un
+peintre inconnu, vers 1498, au Musée de Cluny.--H. Bouchot,
+_L'Exposition des Primitifs français. La peinture en France sous les
+Valois_, liv. II, planche C.]
+
+La Pucelle avait fait écrire de Gien, vers le 27 juin, au duc de
+Bourgogne, pour l'inviter à se rendre au sacre du roi. N'ayant pas
+reçu de réponse, elle dicta, le jour même du sacre, une deuxième
+lettre au duc. Voici cette lettre:
+
+ + JHESUS MARIA.
+
+ Haultet reboubté prince, duc de Bourgoingne, Jehanne la Pucelle
+ vous requiert de par le Roy du ciel, mon droicturier et souverain
+ seigneur, que le roy de France et vous, faciez bonne paix ferme,
+ qui dure longuement. Pardonnez l'un à l'autre de bon cuer,
+ entièrement, ainsi que doivent faire loyaulx chrestians; et s'il
+ vous plaist à guerroier, si alez sur les Sarrazins. Prince de
+ Bourgoingne, je vous prie, supplie et requiers tant humblement
+ que requérir vous puis, que ne guerroiez plus ou saint royaume de
+ France, et faictes retraire incontinent et briefment voz gens qui
+ sont en aucunes places et forteresses dudit saint royaume; et de
+ la part du gentil roy de France, il est prest de faire paix à
+ vous, sauve son honneur, s'il ne tient en vous. Et vous faiz à
+ savoir de par le Roy du ciel, mon droicturier et souverain
+ seigneur, pour vostre bien et pour vostre honneur et sur voz vie,
+ que vous n'y gaignerez point bataille à l'encontre des loyaulx
+ François, et que tous ceulx qui guerroient oudit saint royaume de
+ France, guerroient contre le roy Jhesus, roy du ciel et de tout
+ le monde, mon droicturier et souverain seigneur. Et vous prie et
+ requiers à jointes mains, que ne faictes nulle bataille ne ne
+ guerroiez contre nous, vous, vos gens ou subgiez; et croiez
+ seurement que, quelque nombre de gens que amenez contre nous,
+ qu'ilz n'y gagneront mie, et sera grant pitié de la grant
+ bataille et du sang qui y sera respendu de ceulx qui y vendront
+ contre nous. Et a trois semaines que je vous avoye escript et
+ envoié bonnes lettres par ung hérault, que feussiez au sacre du
+ roy qui, aujourd'hui dimenche, xvije jour de ce présent mois de
+ juillet, ce fait en la cité de Reims: dont je n'ay eu point de
+ response, ne n'ouy oncques puis nouvelles dudit hérault. À Dieu
+ vous commens et soit garde de vous, s'il lui plaist; et prie Dieu
+ qu'il y mecte bonne pais. Escript audit lieu de Reims, ledit
+ xvije jour de juillet.»
+
+ _Sur l'adresse:_ «Au duc de Bourgoigne[1435].»
+
+[Note 1435: _Procès_, t. V, pp. 126-127.--Hennebert, _Une lettre
+de Jeanne d'Arc aux Tournaisiens_, dans _Arch. hist. et litt. du Nord
+de la France et du Midi de la Belgique_, nouv. série, t. I, 1837, p.
+525.--Fac-similé dans l'_Album des Archives départementales_, nº 123.]
+
+Sainte Catherine de Sienne, à Reims, n'aurait pas écrit autrement. La
+Pucelle, bien qu'elle n'aimât pas les Bourguignons, sentait à sa
+manière et fortement combien la paix avec le duc de Bourgogne était
+désirable. C'est à mains jointes qu'elle le prie de ne plus faire la
+guerre en France. «S'il vous plaît de guerroyer, lui dit-elle, allez
+sur les Sarrasins.» Elle avait déjà conseillé aux Anglais de s'unir
+aux Français pour faire la croisade. La destruction des infidèles
+était alors le rêve des âmes douces et pacifiques, et beaucoup de
+bonnes personnes comptaient que le fils riche et puissant du vaincu de
+Nicopolis ferait payer cher aux Turcs leur antique victoire[1436].
+
+[Note 1436: Morosini, t. III, pp. 82, 83.--Eberhard Windecke, p.
+61, note 9, et p. 108.--Christine de Pisan, dans _Procès_, t. V, p.
+416.--Jorga, _Notes et extraits pour servir à l'histoire des croisades
+au XVe siècle_, Paris, 1899-1902, 3 vol. in-8º.]
+
+Par sa lettre, la Pucelle annonce, de la part du roi du ciel, au duc
+Philippe que, s'il combat contre le roi, il perdra la bataille. Ses
+voix lui avaient prédit la victoire de la France sur la Bourgogne;
+elles ne lui avaient pas révélé qu'au moment même où elle dictait sa
+lettre, les ambassadeurs du duc Philippe se trouvaient à Reims;
+c'était pourtant la vérité[1437].
+
+[Note 1437: _Mémoires du Pape Pie II_, dans _Procès_, t. IV, pp.
+514, 515.--Morosini, t. III, p. 190.]
+
+Le duc Philippe, estimant que le roi Charles, maître de la Champagne,
+était un prince à ménager, lui envoya, à Reims, David de Brimeu,
+bailli d'Artois, à la tête d'une ambassade, pour le saluer et lui
+faire des ouvertures de paix[1438]. Les Bourguignons reçurent du
+chancelier et du Conseil un accueil empressé. On espérait que la paix
+serait conclue avant leur départ. Les seigneurs angevins le mandèrent
+aux reines Yolande et Marie[1439]. Ce n'était pas connaître le
+magnifique renard de Dijon. Les Français n'étaient pas encore assez
+forts, les Anglais assez faibles. Il fut convenu qu'une ambassade
+serait envoyée en août au duc de Bourgogne dans la ville d'Arras.
+Après quatre jours de conférences, une trêve de quinze jours fut
+signée et l'ambassade quitta Reims[1440]. Dans le même moment, le duc
+renouvelait solennellement à Paris sa plainte contre Charles de
+Valois, assassin de son père, et s'engageait à amener une armée au
+secours des Anglais[1441].
+
+[Note 1438: _Procès_, t. IV, pp. 514, 515.--Monstrelet, t. IV, p.
+340.--_Relation du greffier de La Rochelle_, p. 37.--Lettre de trois
+gentilshommes angevins, dans _Procès_, t. V, p. 130.--Troisième compte
+de Jean Abonnel, dans De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II,
+p. 404, nº 3.]
+
+[Note 1439: Lettre de trois gentilshommes angevins, dans _Procès_,
+t. V, p. 130.]
+
+[Note 1440: Le 20 ou le 21.--Monstrelet, t. IV, pp. 348 et
+suiv.--De Beaucourt, _Histoire de Charles VII_, t. II, pp. 404 et
+suiv.]
+
+[Note 1441: Fauquembergue, dans _Procès_, t. IV, p. 455.--_Journal
+d'un bourgeois de Paris_, pp. 240, 241.--Stevenson, _Letters and
+Papers_, t. II, pp. 101 et suiv.--Rymer, _Foedera_, t. IV, part. IV,
+p. 150.]
+
+Laissant à Reims, comme capitaine, Antoine de Hellande, neveu de
+l'archevêque duc[1442], le roi de France sortit de la ville le 20
+juillet et se rendit à Saint-Marcoul-de-Corbeny où les rois avaient
+coutume de toucher les écrouelles au lendemain de leur sacre[1443].
+
+[Note 1442: Archives de Reims, Compte des deniers patrimoniaux, t.
+I, années 1428-29.--_Procès_, t. V, p. 141.--Monstrelet, t. IV, p.
+339.--H. Jadart, _Jeanne d Arc à Reims_, p. 51.]
+
+[Note 1443: _Procès_, t. III, p. 199.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 323.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 97.--_Journal du siège_,
+p. 114.--Martial d'Auvergne, _Vigiles_, t. I, p. 111.]
+
+Monseigneur saint Marcoul guérissait les scrofules[1444]. Il était de
+race royale, mais sa puissance, révélée longtemps après mort, lui
+venait surtout de son nom, et l'on pensait que saint Marcoul était
+désigné pour guérir les affligés qui portaient des marques au cou,
+ainsi que saint Clair pour rendre la vue aux aveugles et saint Fort
+pour donner la vigueur aux enfants. Le roi de France partageait avec
+lui le pouvoir de guérir les scrofules et comme il le tenait de
+l'huile apportée du ciel par une colombe, on estimait que cette vertu
+agissait davantage au moment du sacre, d'autant plus qu'il risquait de
+la perdre par paillardise, désobéissance à l'église chrétienne ou
+autres dérèglements: c'est ce qui était arrivé au roi Philippe
+Ier[1445]. Les rois d'Angleterre touchaient aussi les écrouelles; le
+roi Édouard III notamment opéra sur des scrofuleux couverts de plaies
+des cures admirables. Pour ces raisons, le mal des scrofules était dit
+mal Saint-Marcoul ou mal royal. Les vierges, ainsi que les rois,
+avaient le pouvoir de guérir le mal royal. Mais il fallait que la
+vierge, ayant jeûné, se mît nue et prononçât ces mots: _Negat Apollo
+pestem passe recrudescere, quam nuda virgo restringat_[1446]. Il était
+à craindre qu'il n'y eût là quelque sorcellerie, comme à charmer les
+blessures, tandis que le pouvoir de saint Marcoul et du roi de France
+venait de Dieu. On sent la différence[1447].
+
+[Note 1444: _Gallia Christ._ IX, pp. 239, 51.--Le Poulle, _Notice
+sur Corbeny, son prieuré, et le pèlerinage de Saint-Marcoul_,
+Soissons, 1883, in-8º.--E. de Barthélemy, _Notice historique sur le
+pèlerinage de Saint-Marcoul et Corbeny_, dans _Ann. Soc. Acad. de
+Saint-Quentin_, 1878.]
+
+[Note 1445: A. Du Laurent, _De mirabili strumas sanandi vi solis
+regibus Galliarum christianissimis divinitus concessa liber_, Paris,
+1607, in-8º.--Cerf, _Du toucher des écrouelles par le roi de France_,
+dans _Trav. Acad. de Reims_, 1865-1867.--Dom Marlot, _Histoire de la
+ville de Reims_, t. III, pp. 196 et suiv.]
+
+[Note 1446: G. Leber, _Des cérémonies du sacre_, p. 459.]
+
+[Note 1447: L'abbé J.-B. Thiers, _Traité des superstitions selon
+l'Écriture sainte_, Paris, 1697, t. I, pp. 518-519.]
+
+Le roi Charles fit ses dévotions, ses oraisons et ses offrandes à
+monseigneur saint Marcoul et toucha les écrouelles. Il reçut à Corbeny
+la soumission de la ville de Laon. Puis il s'en fut, le lendemain 22,
+à une petite ville forte de la vallée de l'Aisne, nommée Vailly, qui
+appartenait à l'archevêque duc de Reims. Il reçut à Vailly la
+soumission de la ville de Soissons[1448]. Comme le disait alors un
+prophète armagnac, «les clés des portes guerrières reconnaissaient les
+mains qui les avaient forgées[1449]».
+
+[Note 1448: Perceval de Cagny, p. 160.--_Chronique de la Pucelle_,
+pp. 323-324.--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, p. 98.--_Journal du
+siège_, p. 115.--_Chronique des Cordeliers_, fol. 486 rº.--Morosini,
+t. III, p. 182, note 3.]
+
+[Note 1449: Bréhal, dans _Procès_, t. III, p. 345.]
+
+
+
+
+CHAPITRE XIX
+
+LA LÉGENDE DE LA PREMIÈRE HEURE.
+
+
+Il est toujours difficile de savoir comment à la guerre les choses se
+sont passées; dans ce temps-là c'était tout à fait impossible de se
+faire une idée un peu raisonnable des actions accomplies. Il y avait à
+Orléans, sans doute, quelques personnes assez avisées pour
+s'apercevoir que les engins abondants et subtils, rassemblés par les
+procureurs, avaient été d'un grand secours; mais les habitants
+admirent généralement que la délivrance s'était opérée par miracle, et
+ils en rapportèrent le mérite premièrement à leurs benoîts patrons,
+Monsieur saint Aignan et Monsieur saint Euverte, et après eux, à
+Jeanne la Pucelle de Dieu, ne concevant pas aux faits accomplis sous
+leurs yeux d'explication plus simple, plus facile, plus
+naturelle[1450].
+
+[Note 1450: _Journal du siège_, pp. 16, 88.--_Chronique de
+l'établissement de la fête_, dans _Procès_, t. V, p. 296.--Lottin,
+_Récits historiques sur Orléans_, t. I, p. 279.]
+
+Guillaume Girault, ancien procureur de la ville et notaire au
+Châtelet, écrivit et signa de son nom une relation très brève de la
+délivrance, y consignant que, le mercredi, veille de l'Ascension, la
+bastille Saint-Loup fut prise comme par miracle à force d'armes,
+«présente et aidant Jeanne la Pucelle, envoyée de Dieu» et que, le
+samedi suivant, le siège que les Anglais avaient mis aux Tourelles du
+bout du pont fut levé «par le plus évident miracle qui ait apparu
+depuis la Passion». Et Guillaume Girault atteste que la Pucelle
+conduisait la besogne[1451]. Quand les témoins, les acteurs eux-mêmes
+ne se rendaient point un compte exact des événements, quelle idée
+pouvait-on s'en faire au loin?
+
+[Note 1451: _Procès_, t. IV, pp. 282, 283.]
+
+Les nouvelles des victoires françaises volaient avec une étonnante
+rapidité[1452]. À la brièveté des relations authentiques l'éloquence
+des clercs facondeux et l'imagination populaire amplement suppléaient.
+La campagne de la Loire et le voyage du sacre ne furent guère connus
+d'abord que par des fables, et le peuple ne put les concevoir que
+comme des événements surnaturels.
+
+[Note 1452: La délivrance d'Orléans annoncée de Bruges à Venise le
+10 mai (Morosini, t. III, pp. 23-24).]
+
+Dans les lettres envoyées par la chancellerie royale aux villes du
+royaume et aux princes de la chrétienté, le nom de Jeanne la Pucelle
+était associé à tous les faits d'armes. Jeanne elle-même, par sa
+chancellerie monastique, faisait savoir à tous les grandes choses
+qu'elle croyait fermement avoir accomplies[1453].
+
+[Note 1453: _Procès_, t. V, pp. 123, 139, 145, 147, 156, 159,
+161.]
+
+On pensait que tout s'était fait par elle, que le roi l'avait
+consultée en toutes choses quand, en réalité, les conseillers du roi
+et les capitaines ne lui demandaient guère son avis, l'écoutaient peu
+et la montraient à propos. On rapportait tout à elle seule. Sa
+personne, présente à des actions avérées et qui semblaient inouïes,
+fut emportée en un vaste cycle de fables surprenantes et disparut dans
+une forêt de contes héroïques[1454].
+
+[Note 1454: Morosini, t. III, pp. 60, 61.]
+
+Il y avait alors des âmes contrites qui, attribuant aux péchés du
+peuple tous les maux du royaume, cherchaient la salut commun dans
+l'humilité, le repentir et la pénitence[1455]. Elles attendaient la
+fin de l'iniquité et le règne de Dieu sur la terre. Jeanne procéda, du
+moins à ses débuts, de ces bonnes personnes. S'exprimant parfois en
+réformatrice mystique, elle disait que Jésus est roi du saint royaume
+de France, que le roi Charles est son lieutenant et n'a le royaume
+qu'en «commande». Elle prononçait des paroles qui donnaient à croire
+que sa mission était toute de charité, de paix et d'amour; celles-ci,
+par exemple: «J'ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des
+indigents[1456]. «Ces doux pénitents, qui rêvaient un monde pur,
+fidèle et bénin, faisaient de Jeanne leur prophétesse et leur sainte.
+Ils lui prêtaient des propos édifiants qu'elle n'avait jamais tenus.
+
+[Note 1455: Saint-Vincent Ferrier; Saint-Bernardin de Sienne.]
+
+[Note 1456: _Procès_, t. III, p. 88.]
+
+«Quand la Pucelle vint auprès du roi, disaient-ils, elle lui fit faire
+trois promesses: la première, de se démettre de son royaume, d'y
+renoncer et de le rendre à Dieu, de qui il le tenait; la deuxième, de
+pardonner à tous ceux des siens qui s'étaient tournés contre lui et
+l'avaient affligé; la troisième, qu'il s'humiliât assez, pour que tous
+ceux, pauvres et riches, amis et ennemis, qui viendraient à lui, il
+les reçût en grâce[1457].»
+
+[Note 1457: Eberbard Windecke, pp. 52-53.--Cf. La déposition du
+duc d'Alençon, _Procès_, t. III, p. 91.]
+
+Ou bien encore, ils la mettaient en action dans des apologues naïfs et
+charmants, comme celui-ci:
+
+«Un jour, la Pucelle demanda au roi de lui faire un présent, et le roi
+y ayant consenti, elle réclama comme don le royaume de France. Le roi,
+surpris, ne révoqua point sa promesse. La Pucelle voulut qu'ayant reçu
+ce don, l'acte en fût solennellement dressé par les quatre notaires du
+roi et que lecture fût faite de cet acte. Tandis que le roi entendait
+cette lecture, elle le montra aux assistants et dit: «Voilà le plus
+pauvre chevalier du royaume.» Et, après un peu de temps, en présence
+des notaires, disposant du royaume de France, elle le remit à Dieu.
+Puis, agissant au nom de Dieu, elle en investit le roi Charles et
+ordonna que de cette transmission acte solennel fût dressé par
+écrit[1458].»
+
+[Note 1458: L. Delisle, _Un nouveau témoignage relatif à la
+mission de Jeanne d'Arc_, dans _Bibliothèque de l'École des Chartes_,
+t. XLVI, p. 649.--Le P. Ayrolles, _La Pucelle devant l'Église de son
+temps_, pp. 57-58.]
+
+Jeanne, avait annoncé, croyait-on, qu'à la Saint-Jean-Baptiste de l'an
+1429, il ne demeurerait pas un Anglais en France[1459]. Ces hommes de
+bonne volonté s'attendaient à ce que les promesses de leur sainte
+fussent réalisées au jour fixé par elle. Ils annoncèrent qu'elle
+avait, le 23 juin, fait son entrée dans la ville de Rouen et que, le
+lendemain, jour de la Saint-Jean-Baptiste, les habitants de Paris
+avaient de bon coeur ouvert leurs portes au roi de France. Au mois de
+juillet on en faisait des récits dans Avignon[1460]. Les réformateurs,
+assez nombreux, ce semble, en France et dans la chrétienté, croyaient
+savoir que la Pucelle donnerait une constitution monastique aux
+Anglais et aux Français, dont elle ferait un seul peuple de béguins et
+de béguines, une même confrérie de pénitents et de pénitentes. Voici
+quelles étaient, selon eux, les intentions des deux partis et les
+principales clauses du traité:
+
+[Note 1459: Grellier de la Chambre des comptes de Brabant, dans
+_Procès_, t. IV, p. 426.]
+
+[Note 1460: Morosini, t. III, pp. 38, 46, 61.]
+
+«Le roi Charles de Valois pardonne à tous, et il ne lui souvient plus
+des injures reçues. Les Anglais et les Français, tournés à contrition
+et pénitence, s'appliquent à conclure une bonne et droite paix. La
+Pucelle leur en a imposé elle-même les conditions. Conformément à sa
+volonté, Anglais et Français, durant une ou deux années, porteront un
+habit gris, avec une petite croix cousue dessus; le vendredi de
+chaque semaine, ils ne prendront que du pain et de l'eau; ils vivront
+en bonne union avec leurs femmes et ne dormiront point avec d'autres.
+Ils promettent à Dieu de ne faire nulle guerre, si ce n'est pour la
+défense de leur patrimoine[1461].»
+
+[Note 1461: Morosini, t. III, pp. 64-65.]
+
+Pendant la campagne du sacre, l'accord survenu entre les gens du roi
+et les habitants d'Auxerre demeurant ignoré, on rapportait, vers la
+fin de juillet, que, la ville prise d'assaut, quatre mille cinq cents
+bourgeois avaient été occis et mêmement quinze cents hommes d'armes
+tant chevaliers qu'écuyers des partis de Bourgogne et de Savoie. On
+nommait parmi les gentilshommes morts messire Humbert Maréchal, le
+seigneur de Varambon et un très fameux homme de guerre, le Viau de
+Bar. On racontait des histoires de trahisons et de massacres, des
+aventures horrifiques dans lesquelles la Pucelle était associée au
+valet de coeur déjà fameux. On disait qu'elle avait fait couper la
+tête à douze traîtres[1462]. C'était de vrais romans de chevalerie,
+dont voici un exemple:
+
+Environ deux mille Anglais entouraient le camp du roi, guettant s'ils
+n'y pourraient causer quelque dommage. Alors, la Pucelle fit appeler
+le capitaine La Hire et lui dit:
+
+--Tu as fait, en ton temps, de très nobles choses, mais au jour
+d'aujourd'hui, Dieu t'en a préparé à faire une plus notable que
+celles que jamais tu fis. Prends tes gens d'armes et va à tel bois, à
+deux lieues d'ici, tu y trouveras deux mille Anglais, tous la lance en
+main; tu les prendras tous et tu les tueras.
+
+[Note 1462: _Ibid._, t. III, pp. 144 et suiv.]
+
+La Hire alla vers les Anglais et tous furent pris et tués, ainsi
+qu'avait dit la Pucelle[1463].
+
+Voilà les contes de Mélusine qu'on faisait d'elle, pour la joie des
+hommes simples et violents qui se complaisaient à l'idée d'une Pucelle
+coupe-têtes et tranche-montagne!
+
+[Note 1463: Morosini, t. III, pp. 150, 153.]
+
+Le bruit courait qu'après le sac d'Auxerre, le duc de Bourgogne avait
+été vaincu et pris dans une grande bataille, que le Régent était mort,
+que les Armagnacs étaient entrés dans Paris[1464]. La capitulation de
+Troyes fut enveloppée de prodiges. À la venue des Français, les
+habitants virent, disait-on, du haut de leurs remparts une grande
+compagnie d'hommes d'armes, bien cinq à six mille, tenant chacun à la
+main un pennon blanc. Au départ des Français ils les revirent rangés à
+un trait d'arc derrière le roi Charles. Aussi merveilleux que les
+chevaliers à l'écharpe blanche que les Bretons avaient vus peu de
+temps auparavant chevaucher dans le ciel, ces chevaliers aux blancs
+pennons, quand le roi partit, s'évanouirent[1465].
+
+[Note 1464: _Ibid._, t. III, pp. 166, 167.]
+
+[Note 1465: Fragment d'une lettre sur des prodiges advenus en
+Poitou, dans _Procès_, t. V, pp. 121-122.--_Relation du greffier de La
+Rochelle_, _op. cit._, p. 343.]
+
+Tout ce qu'avaient cru, dans leur simplicité, les Orléanais subitement
+désassiégés, tout ce qu'avaient conté les mendiants des Armagnacs et
+les clercs du dauphin, fut avidement recueilli, accru, amplifié. Trois
+mois après sa venue à Chinon, Jeanne eut sa légende qui, vivace,
+fleurie et touffue, se répandit au dehors, en Italie, en Flandre, en
+Allemagne[1466]. Dans l'été de 1429, cette légende était entièrement
+trouvée. Toutes les parties éparses de ce qu'on peut appeler
+l'évangile de l'enfance existaient déjà.
+
+[Note 1466: Morosini, t. III, p. 78, note I.--Eberhard Windecke,
+_passim_.--Fauché-Prunelle, _Lettres tirées des Archives de Grenoble_,
+dans _Bull. Acad. delph._, t. II, 1847, 1849, pp. 459, 460.--Lettre
+écrite par les agents d'une ville allemande, dans _Procès_, t. V, p.
+347.--Lettre de Jean Desch, secrétaire de la ville de Metz, _ibid._,
+pp. 352, 355.]
+
+Âgée de sept ans, Jeanne menait paître les troupeaux; les loups
+n'approchaient point de ses moutons; les oiseaux des bois, quand elle
+les appelait, venaient manger son pain dans son giron. Le pouvoir
+était en elle d'écarter les méchants. Personne sous le toit où elle
+reposait n'avait à craindre la fraude et la malice des hommes[1467].
+
+[Note 1467: Lettres de Perceval de Boulainvilliers au duc de
+Milan, dans _Procès_, t. V, pp. 114, 116.]
+
+Les miracles qui accompagnent la naissance de Jeanne, quand c'est un
+poète latin qui les célèbre, revêtent la majesté romaine et prennent
+le caractère de prodiges antiques; et c'est un spectacle assez étrange
+que de voir, en 1429, un humaniste appeler les Muses ausoniennes sur
+le berceau de la fille de Zabillet Romée.
+
+«Le tonnerre gronda, la mer frémit, la terre trembla, le ciel
+s'enflamma, le monde donna des signes de joie; une ardeur inconnue
+mêlée d'épouvante agita les peuples ravis. Ils chantent de doux poèmes
+et forment des danses rythmées en signe du salut destiné à la race
+française par cette naissance céleste[1468].»
+
+[Note 1468: Poème anonyme sur l'arrivée de la Pucelle et la
+délivrance d'Orléans, _Procès_, t. V, p. 27, vers 70 et suiv.]
+
+On fit plus. Dès la première heure on voulut que les merveilles qui
+avaient signalé la nativité de Jésus se fussent renouvelées lors de la
+venue de Jeanne au monde. On imagina qu'elle était née dans la nuit de
+Noël; les bergers du village, émus d'une joie indicible dont ils
+ignoraient la cause, couraient dans l'ombre pour découvrir la
+merveille inconnue. Les coqs, hérauts de cette allégresse nouvelle,
+font éclater à l'heure inaccoutumée des chants inouïs, et, battant des
+ailes, durant deux heures semblent vaticiner. Ainsi l'enfant eut dans
+sa crèche son adoration des bergers[1469].
+
+[Note 1469: Lettre de Perceval de Boulainvilliers, dans _Procès_,
+t. V, p. 116.]
+
+De sa venue en France on avait beaucoup à conter. On croyait savoir
+que, dans le château de Chinon, elle avait reconnu le roi qu'elle
+n'avait jamais vu auparavant, et qu'elle était allée droit à lui, bien
+qu'il se cachât sous des habits sans richesse, dans la foule des
+seigneurs[1470]. On disait qu'elle avait donné un signe au roi,
+qu'elle lui avait révélé un secret et qu'à la révélation de ce secret,
+connu de lui seul, il avait été inondé d'une joie céleste; et sur
+cette entrevue de Chinon, tandis que les assistants n'avaient guère à
+dire, plusieurs, qui ne s'y étaient pas trouvés, étaient
+inépuisables[1471].
+
+[Note 1470: _Procès_, t. III, pp. 116, 192.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 273.--_Journal du siège_, p. 47.--Jean Chartier,
+_Chronique_, t. I, p. 67.--_Relation du greffier de La Rochelle_, pp.
+336, 337.--Martial d'Auvergne, _Vigiles_, t. I, p. 96.]
+
+[Note 1471: _Procès_, t. III, pp. 103, 116, 209 et
+_passim_.--_Journal du siège_, p. 48.--Th. Basin, _Histoire de Charles
+VII_, t. I, p. 68.--_Mirouer des femmes vertueuses_, dans _Procès_, t.
+IV, p. 271.--Pierre Sala, _ibid._, p. 280.--Morosini, t. III, p.
+104.--Eberhard Windecke, p. 153.]
+
+Le 7 mai, à quatre heures après midi, une colombe blanche se posa sur
+l'étendard de la Pucelle; et l'on vit, le même jour, pendant l'assaut,
+deux oiseaux blancs voltiger sur ses épaules[1472]. Les saintes
+étaient fréquentées des colombes. Un jour que sainte Catherine de
+Sienne se tenait agenouillée dans la maison du foulon, une colombe
+blanche comme la neige se posa sur la tête de l'enfant[1473].
+
+[Note 1472: _Journal du siège_, p. 294.--_Chronique de
+l'établissement de la fête_ dans _Procès_, t. V, p. 294.]
+
+[Note 1473: _AA. SS._, 3 avril.--Didron, _Iconographie
+chrétienne_, pp. 438-439.--Alba Mignati, _Sainte Catherine de Sienne_,
+p. 16.]
+
+Un petit conte qui courait alors est intéressant en ce qu'on y voit
+l'idée qu'on se faisait des relations du roi et de la Pucelle et aussi
+comme exemple des déformations que peut subir, en passant de bouche en
+bouche, le récit d'un fait véritable. Voici l'historiette, telle
+qu'elle a été recueillie par un marchand allemand:
+
+Un jour, en une certaine ville, la Pucelle, avisée que les Anglais
+étaient proches, prit les champs, et aussitôt, tous les gens d'armes
+qui se trouvaient dans la ville sautèrent à cheval pour la suivre.
+Pendant ce temps le roi, qui dînait à table, apprenant que chacun
+allait en compagnie de la Pucelle, fit fermer les portes de la cité.
+
+On en avertit la Pucelle qui répondit sans se troubler:
+
+--Avant qu'il soit heure de none, il sera au roi tel besoin de venir à
+moi, qu'il me suivra tout de suite, son manteau à peine jeté sur lui,
+et sans éperons.
+
+Ainsi en advint-il. Car les gens d'armes enfermés dans la ville
+mandèrent au roi qu'il fît immédiatement ouvrir les portes, sinon
+qu'ils le détruiraient. Les portes furent ouvertes et tous les gens
+d'armes coururent vers la Pucelle, sans se soucier du roi, qui jeta
+son manteau sur lui et les suivit.
+
+Ce jour-là un grand nombre d'Anglais furent détruits[1474].
+
+[Note 1474: Eberhard Windecke, p. 103.]
+
+On reconnaît dans ce conte le souvenir très altéré des faits qui se
+passèrent le 6 mai, à Orléans. Les bourgeois couraient en foule à la
+porte Bourgogne, décidés à passer la Loire pour attaquer les
+Tourelles. Trouvant la porte fermée, ils se jetèrent furieux sur le
+sire de Gaucourt qui la gardait. Le vieux seigneur fit ouvrir la porte
+toute grande et leur dit: «Venez, je serai votre capitaine[1475].»
+Dans le conte, les bourgeois sont devenus des gens d'armes, et ce
+n'est plus le sire de Gaucourt qui fait méchamment fermer la porte,
+c'est le roi; il n'a pas à s'en féliciter, et l'on est surpris de
+trouver dès la première heure cette idée toute formée dans l'esprit du
+peuple, que bien loin d'aider la Pucelle à chasser les Anglais, le roi
+lui suscitait des obstacles et était toujours le dernier à la suivre.
+
+[Note 1475: _Procès_, t. III, pp. 116-117.]
+
+Entrevue dans ce chaos de récits plus confus que les nuées d'un ciel
+orageux, Jeanne apparaissait comme une merveille inouïe. Elle
+prophétisait et plusieurs de ses prophéties étaient déjà accomplies.
+Elle avait annoncé la délivrance d'Orléans, et Orléans était délivré.
+Elle avait annoncé qu'elle serait blessée, et elle avait reçu une
+flèche au-dessus de la mamelle gauche. Elle avait annoncé qu'elle
+mènerait le roi à Reims, et le roi avait été sacré dans cette ville.
+Elle avait fait d'autres prophéties encore touchant le royaume de
+France, comme de délivrer le duc d'Orléans, d'entrer dans Paris, de
+chasser tous les Anglais hors du saint royaume, et l'on en attendait
+l'accomplissement[1476].
+
+[Note 1476: _Procès_, t. I, pp. 55, 84 et suiv., 133, 174, 232, 251,
+252, 254, 331; t. III, pp. 99, 205, 254, 257 et _passim_.--_Journal du
+siège_, pp. 34, 44, 45, 48.--_Chronique de la Pucelle_, pp. 212,
+295.--Perceval de Cagny, p. 141.--Monstrelet, t. IV, p. 320.--Lefèvre de
+Saint-Remy, t. II, p. 143.--Le Greffier de la Chambre des comptes de
+Brabant, dans _Procès_, t. IV, p. 426.--_Chronique de Tournai_ (t. III
+du _Recueil des Chroniques de Flandre_), p. 411.--Morosini, t. III, p.
+121.]
+
+Elle prophétisait tous les jours, notamment au sujet de plusieurs
+hommes qui lui avaient manqué de respect et qui étaient morts de male
+mort[1477].
+
+[Note 1477: Morosini, t. III, p. 57.]
+
+À Chinon, tandis qu'elle était menée au roi, un homme d'armes qui
+chevauchait devant le château, pensant la reconnaître, demanda:
+
+--N'est-ce point là la Pucelle? Jarnidieu, si je la tenais une nuit,
+je ne la laisserais pas pucelle.
+
+Alors Jeanne prophétisa et dit:
+
+--Ha! en nom Dieu, tu le renies, et tu es si près de ta mort!
+
+Moins d'une heure après, cet homme tomba à l'eau et se noya[1478].
+
+[Note 1478: Déposition du frère Pasquerel, dans _Procès_, t. III,
+p. 102.]
+
+Ce miracle fut mis tout de suite en vers latins. Dans le poème, où se
+déroule l'histoire merveilleuse de Jeanne jusqu'à la délivrance
+d'Orléans, le paillard qui renia Dieu et fit, comme tous les
+blasphémateurs, une mauvaise fin, est noble et se nomme
+Furtivolus[1479].
+
+[Note 1479: Poème anonyme sur la Pucelle, dans _Procès_, t. V, p.
+39, vers 105 et suiv.]
+
+ _...generoso sanguine natus, Nomine Furtivolus, veneris moderator
+ iniquus._
+
+Le capitaine Glasdall appela Jeanne putain et renia son Créateur.
+Jeanne lui annonça qu'il mourrait sans saigner, et Glasdall se noya
+dans la Loire[1480].
+
+[Note 1480: Dépositions de J. Luillier et de frère Pasquerel, dans
+_Procès_, t. III, pp. 25, 108.]
+
+Imitations manifestes des historiettes contées dans les vies des
+saints qu'on lisait alors. Une femme hérétique ayant tiré saint
+Ambroise par son vêlement, le bienheureux évêque lui dit: «Crains que,
+par un jugement de Dieu, il ne te survienne quelque châtiment.» Le
+lendemain cette femme mourut et le bienheureux Ambroise la conduisit
+au tombeau[1481].
+
+[Note 1481: _La légende dorée_, vie de Saint Ambroise.]
+
+Une religieuse encore vivante et qui devait mourir en odeur de
+sainteté, soeur Colette de Corbie, avait rencontré son Furtivolus et
+l'avait puni, mais avec douceur. Un jour qu'elle priait dans une
+église de Corbie, un étranger s'approcha d'elle et lui tint des propos
+contraires à la chasteté. «Plaise à Dieu, lui répondit-elle, de vous
+faire connaître la laideur du langage que vous venez de tenir.»
+L'étranger, pris de honte, gagna la porte. Mais une main invisible
+l'arrêta sur le seuil. Comprenant alors la grandeur de son péché, il
+demanda pardon à la sainte et put sortir librement de l'église[1482].
+
+[Note 1482: Abbé J.-Th. Bizouard, _Histoire de sainte Colette et
+des clarisses en Franche-Comté, d'après des documents inédits et des
+traditions locales_, Paris, 1888, in-8º.]
+
+Après que l'armée royale eut quitté Gien, la Pucelle avait annoncé,
+disait-on, qu'une grande bataille serait livrée entre Auxerre et
+Reims[1483]. Quand des prédictions, comme celle-ci, ne se vérifiaient
+pas, on les oubliait. D'ailleurs il était admis alors que les vrais
+prophètes pouvaient prophétiser parfois à faux. Le théologien subtil
+distinguait entre les prophéties de prédestination qui se réalisent
+toujours et celles de commination qui, étant conditionnelles, peuvent
+ne pas se réaliser, sans qu'on doive accuser de mensonge la bouche qui
+les fit[1484]. On admirait qu'une enfant des champs découvrît les
+choses futures et l'on s'écriait avec l'apôtre: « Je vous loue, ô
+Père, de ce que vous avez dérobé vos secrets aux sages et aux
+prudents, et de ce que vous les avez révélés aux petits.»
+
+[Note 1483: Morosini, t. III, pp. 148, 156.--Eberhard Windecke,
+pp. 103, 105, 187.--Noël Valois, _Un nouveau témoignage sur Jeanne
+d'Arc_, p. 17.]
+
+[Note 1484: Lanéry d'Arc, _Mémoires et consultations_, pp. 220,
+222.--Théodore de Leliis, dans _Procès_, t. II, pp. 39, 42.--Le P.
+Ayrolles, _La Pucelle devant l'Église de son temps_, p. 342.--Abbé
+Hyacinthe Chassagnon, _Les voix de Jeanne d'Arc_, Lyon, 1896, in-8º,
+pp. 312, 313.]
+
+Les prophéties de la Pucelle se répandirent en un moment dans toute la
+chrétienté[1485]. Un clerc de Spire composa sur elle un traité
+intitulé _Sibylla Francica_, et divisé en deux rôles. Le premier rôle
+fut rédigé, au plus tard, dans le mois de juillet de l'année 1429. Le
+second est daté du 17 septembre de la même année. Ce clerc croit que
+la Pucelle exerçait la divination par l'astrologie. Il avait ouï dire
+à un religieux français, de l'ordre des Prémontrés, que Jeanne se
+plaisait, la nuit, à observer le ciel. Il remarque qu'elle ne
+prophétisa jamais que sur le royaume de France et il donne comme
+sortie de la bouche de la Pucelle la vaticination que voici: «Après
+avoir accompli vingt années de royauté, le dauphin dormira avec ses
+pères. Après lui, son fils aîné, maintenant enfant de six ans, régnera
+avec plus grande gloire, honneur et puissance royale qu'aucun des rois
+de France depuis Charlemagne[1486].»
+
+[Note 1485: Eberhard Windecke, pp. 138 et suiv.--Morosini, t. III.
+pp. 62-63.]
+
+[Note 1486: _Procès_, t. III, pp. 422 et suiv., pp. 433, 434, 465;
+t. V, pp. 475, 476.]
+
+La Pucelle avait le don de voir certaines choses qui s'accomplissaient
+loin d'elle.
+
+Elle sut, à Vaucouleurs, le jour même de la bataille des Harengs,
+qu'un grand meschef advenait au dauphin[1487].
+
+[Note 1487: _Journal du siège_, p. 44.--_Chronique de la Pucelle_,
+p. 272.]
+
+Un jour qu'elle mangeait assise auprès du roi, elle se mit à rire à la
+dérobée. Le roi, s'en avisant, lui demanda:
+
+--Bien-aimée, pourquoi riez-vous de si grand coeur?
+
+Elle répondit qu'elle le lui dirait après le repas.
+
+Et quand on apporta l'aiguière:
+
+--Sire, fit-elle, en ce jour, cinq cents Anglais sont noyés en la mer,
+qui voulaient passer par delà, en votre terre, pour vous porter
+dommage. Voilà pourquoi j'ai ri. Dans trois jours, il vous viendra
+nouvelles certaines que c'est vérité.
+
+Et il en fut ainsi[1488].
+
+[Note 1488: Eberhard Windecke, p. 117.]
+
+Une autre fois, comme elle était dans une ville éloignée de plusieurs
+lieues du château où se tenait le roi, faisant sa prière avant de
+s'endormir, elle apprit par révélation que des ennemis du roi le
+voulaient empoisonner à son dîner. Aussitôt elle appela ses frères et
+les dépêcha au roi pour l'aviser de ne prendre aucune nourriture avant
+sa venue.
+
+Quand elle parut devant lui, il était à table avec onze personnes
+autour de lui.
+
+--Sire, dit-elle, faites emporter les mets.
+
+Elle les donna à des chiens qui les mangèrent et moururent aussitôt.
+
+Alors désignant un chevalier qui se tenait près du roi et deux autres
+convives:
+
+--Ceux-là, dit-elle, voulaient vous empoisonner.
+
+Le chevalier avoua sur l'heure que c'était la vérité, et il fut traité
+selon ses mérites[1489].
+
+[Note 1489: Eberhard Windecke, p. 97.]
+
+Elle avait reconnu qu'un prêtre était concubinaire[1490]; et,
+rencontrant un jour, au camp, une fille habillée en homme, elle avait
+su par illumination que cette fille était grosse et qu'ayant déjà
+accouché d'un enfant, elle l'avait fait périr[1491].
+
+[Note 1490: _Procès_, t. I, p. 146.]
+
+[Note 1491: Eberhard Windecke, p. 97.]
+
+On attribuait aussi à la Pucelle la faculté de découvrir les objets
+cachés. Elle-même se l'était attribuée lors de son passage à Tours.
+Elle avait, disait-elle, connu par révélation une épée enfouie sous
+terre dans la chapelle de Sainte-Catherine-de-Fierbois, et s'était
+armée de cette épée. On pensait que c'était l'épée dont Charles Martel
+avait frappé les Sarrasins. D'autres soupçonnaient que ce fût celle
+d'Alexandre le Grand[1492].
+
+[Note 1492: _Procès_, t. I, pp. 76, 234.--_Chronique de la
+Pucelle_, p. 277--Jean Chartier, _Chronique_, t. I, pp. 69,
+70.--_Journal du siège_, pp. 49, 50.--_Relation du greffier de La
+Rochelle_, pp. 337-338.--Morosini, t. III, pp. 108-109.--Abbé
+Bourassé, _Les miracles de madame Sainte Katerine_, Introduction.]
+
+Jeanne avait connu pareillement avant le sacre, disait-on, une
+couronne précieuse, célée à tous les yeux. Et voici le conte que l'on
+faisait à ce sujet:
+
+Un évêque gardait la couronne de saint Louis. On ne savait pas bien
+quel évêque c'était, mais on savait que la Pucelle lui avait envoyé un
+messager avec une lettre pour le prier de rendre la couronne. L'évêque
+répondit au messager que la Pucelle avait rêvé. Elle réclama une
+deuxième fois le saint joyau et l'évêque fit même réponse. Alors elle
+écrivit aux bourgeois de la ville épiscopale que, si la couronne
+n'était pas rendue au roi, le Seigneur leur enverrait un châtiment, et
+aussitôt il tomba dans le pays une grêle si abondante, que ce fut
+grande merveille. Communément c'étaient les sorciers qui faisaient
+grêler. Cette fois la grêle était une plaie envoyée par le Dieu qui
+affligea dix plaies à l'Égypte. Après quoi la Pucelle fit tenir aux
+bourgeois de la ville une troisième lettre dans laquelle elle leur
+décrivait la forme et la façon de la couronne que l'évêque tenait
+cachée, et les avertissait que, si elle n'était pas rendue au roi, il
+leur adviendrait pis qu'il n'était advenu. L'évêque, qui croyait que
+le merveilleux chapeau d'or n'était connu que de lui, admira que la
+forme et la façon en fussent décrites dans cette lettre. Il se
+repentit de sa méchanceté, pleura abondamment et ordonna que la
+couronne fût envoyée au Roi et à la Pucelle[1493].
+
+[Note 1493: Morosini, t. III, pp. 160, 163.]
+
+Nous discernons sans trop de peine de quels éléments ce conte a pu se
+former. La couronne de Charlemagne, que les rois de France ceignaient
+dans la cérémonie du sacre, était à Saint-Denys en France, aux mains
+des Anglais. Jeanne se vantait d'avoir donné au dauphin à Chinon une
+couronne précieuse, apportée par des anges. Elle disait que cette
+couronne avait été envoyée à Reims pour le couronnement, mais qu'on
+n'avait pas pu l'attendre[1494]. Quant au cel de la couronne par un
+évêque, cela ne fut-il pas inspiré par ce qu'on savait de l'avidité de
+messire Regnault de Chartres, archevêque de Reims, qui avait pris un
+vase d'argent déposé par le roi sur l'autel, après la cérémonie, et
+destiné au chapitre de la cathédrale[1495]?
+
+[Note 1494: _Procès_, t. I, p. 91.]
+
+[Note 1495: Dom Marlot, _Histoire de l'église de Reims_, t. IV, p.
+175.--H. Jadart, _Jeanne d'Arc à Reims_, appendice XVII.]
+
+On parlait aussi de gants perdus à Reims et d'une tasse que Jeanne
+avait retrouvés[1496].
+
+[Note 1496: _Procès_, t. I, p. 104.]
+
+Pucelle guerrière et pacifique, béguine, prophétesse, magicienne, ange
+du Seigneur, ogresse, chacun dans le peuple la voit à sa façon, la
+rêve à son image. Les âmes pieuses lui prêtent une invincible douceur
+et les trésors divins de la charité, les simples la font simple comme
+eux; les hommes violents et grossiers se la représentent ainsi qu'une
+géante burlesque et terrible. Pourra-t-on désormais apercevoir
+quelques traits de son véritable visage? La voilà dès la première
+heure et pour toujours, peut-être, enfermée dans le buisson fleuri des
+légendes!
+
+
+FIN DU TOME PREMIER
+
+
+
+
+TABLE DU TOME PREMIER
+
+
+ PRÉFACE. i
+
+ I.--L'ENFANCE. 1
+
+ II.--LES VOIX. 33
+
+ III.--PREMIER SÉJOUR À VAUCOULEURS.--FUITE À
+ NEUFCHÂTEAU.--VOYAGE À TOUL.--SECOND SÉJOUR À
+ VAUCOULEURS. 70
+
+ IV.--VOYAGE À NANCY.--ITINÉRAIRE DE VAUCOULEURS À
+ SAINTE-CATHERINE-DE-FIERBOIS. 105
+
+ V.--LE SIÈGE D'ORLÉANS, DU 12 OCTOBRE 1428 AU 6 MARS 1429. 122
+
+ VI.--LA PUCELLE À CHINON.--PROPHÉTIES. 167
+
+ VII.--LA PUCELLE À POITIERS. 215
+
+ VIII.--LA PUCELLE À POITIERS (_Suite_). 236
+
+ IX.--LA PUCELLE À TOURS. 252
+
+ X.--LE SIÈGE D'ORLÉANS, DU 7 MARS AU 28 AVRIL 1429. 267
+
+ XI.--LA PUCELLE À BLOIS.--LA LETTRE AUX ANGLAIS.--LE DÉPART
+ POUR ORLÉANS. 282
+
+ XII.--LA PUCELLE À ORLÉANS. 300
+
+ XIII.--LA PRISE DES TOURELLES ET LA DÉLIVRANCE D'ORLÉANS. 345
+
+ XIV.--LA PUCELLE À TOURS ET À SELLES-EN-BERRY.--LES TRAITÉS
+ DE JACQUES GÉLU ET DE JEAN GERSON. 371
+
+ XV.--LA PRISE DE JARGEAU.--LE PONT DE MEUNG.--BEAUGENCY. 403
+
+ XVI.--LA BATAILLE DE PATAY.--L'OPINION DES CLERCS D'ITALIE
+ ET D'ALLEMAGNE.--L'ARMÉE DE GIEN. 430
+
+ XVII.--LA CONVENTION D'AUXERRE.--FRÈRE RICHARD.--LA
+ CAPITULATION DE TROYES. 469
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+ XVIII.--LA CAPITULATION DE CHÂLONS ET DE REIMS.--LE SACRE. 505
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+ XIX.--LA LÉGENDE DE LA PREMIÈRE HEURE. 534
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+ SUR LA PIERRE BLANCHE. 1 --
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+ LA VIE LITTÉRAIRE. 4 --
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+ I.--L'ORME DU MAIL. 1 vol.
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+ III.--L'ANNEAU D'AMÉTHYSTE. 1 --
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+
+
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+
+ CLIO (_Illustrations en couleurs de Mucha_) 1 vol.
+
+ HISTOIRE COMIQUE (_Pointes sèches et eaux-fortes de
+ Edgar Chahine_) 1 --
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+IMPRIMERIE CHAIX, RUE BERGÈRE, 20, PARIS.--2716-2-08.--(Encre
+Lorilleux).
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+Title: Vie de Jeanne d'Arc
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+Author: Anatole France
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK VIE DE JEANNE D'ARC ***
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+
+<p class="p4 center">ANATOLE FRANCE<br>
+<span class="smaller">DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE</span></p>
+
+
+<h1>VIE<br>
+DE<br>
+JEANNE D'ARC</h1>
+
+
+<p class="center">I</p>
+
+
+<p class="p4 smaller center">PARIS CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS 3, RUE AUBER, 3</p>
+
+<p class="p4 small center"><i>Published february fifth, copyright nineteen hundred and eight.
+Privilege of copyright in the United States reserved under the Act
+approved March third nineteen hundred and five by Manzi, Joyant et
+C<sup>ie</sup>.</i></p>
+
+<p class="small center">Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays, y
+compris la Hollande.</p>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="pageI" name="pageI"></a>(p. I)</span> PRÉFACE</h2>
+
+<p>Mon premier devoir serait de faire connaître les sources de cette
+histoire; mais L'Averdy, Buchon, J. Quicherat, Vallet de Viriville,
+Siméon Luce, Boucher de Molandon, MM. Robillard de Beaurepaire, Lanéry
+d'Arc, Henri Jadart, Alexandre Sorel, Germain Lefèvre-Pontalis, L.
+Jarry et plusieurs autres savants, ont publié et illustré les
+documents de toute sorte d'après lesquels on peut écrire la vie de
+Jeanne d'Arc. Je m'en réfère à leurs travaux qui forment une opulente
+bibliothèque<a id="footnotetag1" name="footnotetag1"></a><a href="#footnote1" title="Lien vers la note 1"><span class="smaller">[1]</span></a> et, sans entreprendre une nouvelle étude littéraire de
+ces documents, j'indiquerai <span class="pagenum"><a id="pageII" name="pageII"></a>(p. II)</span> seulement, d'une façon rapide et
+générale, les raisons qui m'ont dirigé dans l'usage que j'ai cru
+devoir en faire. Ces documents sont: 1<sup>o</sup> le procès de condamnation;
+2<sup>o</sup> les chroniques; 3<sup>o</sup> le procès de réhabilitation; 4<sup>o</sup> les lettres,
+actes et autres pièces détachées.</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Le procès de condamnation<a id="footnotetag2" name="footnotetag2"></a><a href="#footnote2" title="Lien vers la note 2"><span class="smaller">[2]</span></a> est un trésor pour l'historien. Les
+questions des interrogateurs ne sauraient être étudiées avec trop de
+soin: elles procèdent d'informations faites à Domremy et en divers
+pays de France où Jeanne avait passé, et qui n'ont point été
+conservées. Les juges de 1431, est-il besoin de le dire? ne
+recherchaient en Jeanne que l'idolâtrie, l'hérésie, la sorcellerie et
+les autres crimes contre l'Église; ils n'en examinèrent pas moins tout
+ce qu'ils purent connaître de la vie de cette jeune fille, enclins,
+comme ils l'étaient, à découvrir du mal dans chacun des actes et dans
+chacune des paroles de celle qu'ils voulaient perdre pour déshonorer
+son roi. Tout le monde sait le prix des réponses de la Pucelle; elles
+sont d'une héroïque sincérité et, le plus souvent, d'une clarté
+limpide. Cependant, il n'y faut pas tout prendre à la <span class="pagenum"><a id="pageIII" name="pageIII"></a>(p. III)</span>
+lettre. Jeanne, qui ne regarda jamais l'évêque ni le promoteur comme
+ses juges, n'était pas assez simple pour leur dire l'entière vérité.
+C'était déjà, de sa part, beaucoup de candeur que de les avertir
+qu'ils ne sauraient pas tout<a id="footnotetag3" name="footnotetag3"></a><a href="#footnote3" title="Lien vers la note 3"><span class="smaller">[3]</span></a>. Il faut reconnaître aussi qu'elle
+manquait étrangement de mémoire. Je sais bien qu'un greffier admirait
+qu'elle se rappelât très exactement, au bout de quinze jours, ce
+qu'elle avait répondu à l'interrogateur<a id="footnotetag4" name="footnotetag4"></a><a href="#footnote4" title="Lien vers la note 4"><span class="smaller">[4]</span></a>. C'est possible, bien
+qu'elle variât quelquefois dans ses dires. Il n'en est pas moins
+certain qu'il ne lui restait, après un an, qu'un souvenir confus de
+certains faits considérables de sa vie. Enfin, ses hallucinations
+perpétuelles la mettaient le plus souvent hors d'état de distinguer le
+vrai du faux.</p>
+
+<p>L'instrument du procès est suivi d'une information sur plusieurs
+paroles dites par Jeanne <i>in articulo mortis</i><a id="footnotetag5" name="footnotetag5"></a><a href="#footnote5" title="Lien vers la note 5"><span class="smaller">[5]</span></a>. Cette information ne
+porte pas la signature des greffiers. De ce fait la pièce est
+irrégulière au point de vue de la procédure; elle n'en constitue pas
+moins un document historique d'une authenticité certaine. Je crois que
+les choses se sont passées à peu près comme ce procès-verbal
+extra-judiciaire les rapporte. On y trouve exposée la seconde
+rétractation de Jeanne et <span class="pagenum"><a id="pageIV" name="pageIV"></a>(p. IV)</span> cette rétractation ne fait point de
+doute, puisque Jeanne est morte administrée. Ceux mêmes qui ont, au
+procès de réhabilitation, signalé l'irrégularité de cette pièce, n'en
+ont nullement taxé le contenu de fausseté.</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Les chroniqueurs d'alors, tant français que bourguignons, étaient
+des chroniqueurs à gages. Tout grand seigneur avait le sien. Tringant
+dit que son maître «ne donnoit point d'argent pour soy faire mettre ès
+croniques»<a id="footnotetag6" name="footnotetag6"></a><a href="#footnote6" title="Lien vers la note 6"><span class="smaller">[6]</span></a>, et qu'il n'y fut pas mis à cause de cela. La plus
+vieille chronique où il soit parlé de la Pucelle est celle de Perceval
+de Cagny, serviteur de la maison d'Alençon, écuyer d'écurie du duc
+Jean<a id="footnotetag7" name="footnotetag7"></a><a href="#footnote7" title="Lien vers la note 7"><span class="smaller">[7]</span></a>. Elle fut rédigée en l'an 1436, c'est-à-dire six ans seulement
+après la mort de Jeanne. Mais elle ne le fut pas par lui; il n'avait,
+de son propre aveu, «le sens, mémoire, ne l'abillité de savoir faire
+metre par escript ce, ne autre chose mendre de plus de la moitié<a id="footnotetag8" name="footnotetag8"></a><a href="#footnote8" title="Lien vers la note 8"><span class="smaller">[8]</span></a>».
+C'est l'ouvrage d'un clerc qui rédige avec soin. On n'est pas surpris
+qu'un chroniqueur aux gages de la maison d'Alençon expose de la façon
+la moins favorable au roi et à son conseil les différends qui
+s'élevèrent entre le sire de la Trémouille et le duc d'Alençon au
+sujet de la Pucelle. <span class="pagenum"><a id="pageV" name="pageV"></a>(p. V)</span> Mais on aurait attendu d'un scribe, qui
+est censé écrire sous la dictée d'un domestique du duc Jean, un récit
+moins inexact et moins vague des faits d'armes accomplis par la
+Pucelle en compagnie de celui qu'elle appelait son beau duc. Bien que
+cette chronique fût écrite à une époque où l'on n'imaginait pas que le
+procès de 1431 pût être un jour révisé, la Pucelle y est considérée
+comme opérant par des moyens surnaturels et ses actes y révèlent un
+caractère hagiographique qui leur ôte toute vraisemblance. Au reste,
+la portion de la chronique dite de Perceval de Cagny, qui traite de la
+Pucelle, est brève: vingt-sept chapitres de quelques lignes chacun.
+Quicherat croit que c'est la meilleure chronique qu'on ait sur Jeanne
+d'Arc<a id="footnotetag9" name="footnotetag9"></a><a href="#footnote9" title="Lien vers la note 9"><span class="smaller">[9]</span></a>, et peut-être, en effet, que les autres valent moins encore.</p>
+
+<p>Gilles le Bouvier, roi d'armes du pays de Berry<a id="footnotetag10" name="footnotetag10"></a><a href="#footnote10" title="Lien vers la note 10"><span class="smaller">[10]</span></a>, qui avait
+quarante-trois ans en 1429, est un peu plus judicieux que Perceval de
+Cagny, et, bien qu'il brouille souvent les dates, mieux au fait des
+opérations militaires. Mais il est trop sommaire pour nous apprendre
+grand'chose.</p>
+
+<p>Jean Chartier, chantre de Saint-Denys<a id="footnotetag11" name="footnotetag11"></a><a href="#footnote11" title="Lien vers la note 11"><span class="smaller">[11]</span></a>, exerçait l'office <span class="pagenum"><a id="pageVI" name="pageVI"></a>(p. VI)</span>
+de chroniqueur de France en 1449. C'est donc, comme on eût dit deux
+siècles plus tard, un historiographe du roi. Il y paraît à la manière
+dont il rapporte la fin de Jeanne d'Arc. Après avoir dit qu'elle fut
+longtemps gardée en prison par les ordres de Jean de Luxembourg, il
+ajoute: «Lequel Luxembourg la vendit aux Angloiz, qui la menèrent à
+Rouen, où elle fut durement traictée; et tellement que, après grant
+dillacion de temps, sans procez, maiz de leur voulenté indeue, la
+firent ardoir en icelle ville de Rouen publiquement... qui fut bien
+inhumainement fait, veu la vie et gouvernement dont elle vivoit, car
+elle se confessoit et recepvoit par chacune sepmaine le corps de
+Nostre Seigneur, comme bonne catholique<a id="footnotetag12" name="footnotetag12"></a><a href="#footnote12" title="Lien vers la note 12"><span class="smaller">[12]</span></a>.» Quand Jean Chartier dit
+que les Anglais la brûlèrent sans procès, il entend apparemment que le
+bailli de Rouen ne prononça pas de sentence. Pour ce qui est du procès
+d'Église, pour ce qui est des deux causes de lapse et de relapse, il
+n'en souffle mot, et c'est aux Anglais qu'il reproche d'avoir brûlé
+sans jugement une bonne catholique. On voit, par cet exemple, dans
+quel embarras la sentence de 1431 mettait le gouvernement du roi
+Charles. Mais que penser d'un historien qui, gêné par le procès de
+Jeanne, le supprime? Jean Chartier est <span class="pagenum"><a id="pageVII" name="pageVII"></a>(p. VII)</span> un esprit extrêmement
+faible et futile; il semble croire que l'épée de sainte Catherine
+était fée et qu'en la rompant Jeanne perdit tout son pouvoir<a id="footnotetag13" name="footnotetag13"></a><a href="#footnote13" title="Lien vers la note 13"><span class="smaller">[13]</span></a>; il
+recueille les fables les plus puériles. Cependant le fait n'est pas
+sans intérêt que le chroniqueur en titre des rois de France, écrivant
+vers 1450, attribue à la Pucelle une grande part dans la délivrance
+d'Orléans, la conquête des places sur la Loire et la victoire de
+Patay, rapporte que le roi forma l'armée de Gien «par l'admonestement
+de ladite Pucelle<a id="footnotetag14" name="footnotetag14"></a><a href="#footnote14" title="Lien vers la note 14"><span class="smaller">[14]</span></a>», et dise expressément que Jeanne fut «cause» du
+couronnement et du sacre<a id="footnotetag15" name="footnotetag15"></a><a href="#footnote15" title="Lien vers la note 15"><span class="smaller">[15]</span></a>. C'était là sûrement l'opinion professée
+à la cour de Charles VII, et il ne reste plus qu'à savoir si elle
+était sincère et fondée en raison, ou si le roi de France ne jugeait
+pas avantageux de devoir son royaume à la Pucelle, hérétique au regard
+des chefs de l'Église universelle, mais de bonne mémoire pour le menu
+peuple de France, plutôt qu'aux princes du sang et aux chefs de
+guerre, dont il ne se souciait pas de vanter les services après la
+révolte de 1440, cette praguerie, où l'on avait vu le duc de Bourbon,
+le comte de Vendôme, le duc d'Alençon, que la Pucelle appelait son
+beau duc, et jusqu'au prudent comte de Dunois, s'unir aux routiers
+pour faire la <span class="pagenum"><a id="pageVIII" name="pageVIII"></a>(p. VIII)</span> guerre à leur souverain avec plus d'ardeur
+qu'ils ne l'avaient jamais faite aux Anglais.</p>
+
+<p>Le <i>Journal du siège</i><a id="footnotetag16" name="footnotetag16"></a><a href="#footnote16" title="Lien vers la note 16"><span class="smaller">[16]</span></a> fut sans doute tenu en 1428 et 1429, mais la
+rédaction qui nous est parvenue date de 1467. Ce qui s'y rapporte à
+Jeanne, antérieurement à sa venue à Orléans, est interpolé; et
+l'interpolateur fut assez maladroit pour placer au mois de février
+l'arrivée de Jeanne à Chinon, qui eut lieu le 6 mars, et pour assigner
+la date du jeudi 10 mars au départ de Blois, qui ne s'effectua qu'à la
+fin d'avril. Le journal, du 28 avril au 7 mai, est moins incertain
+dans sa chronologie et les erreurs de calendrier qui s'y trouvent
+encore peuvent être attribuées au copiste. Mais les faits rapportés à
+ces dates, parfois en désaccord avec les pièces de comptabilité et
+souvent empreints de merveilleux, témoignent d'un état avancé de la
+légende. Il est impossible, par exemple, d'attribuer à un témoin du
+siège l'erreur commise par le rédacteur relativement à la chute du
+pont des Tourelles<a id="footnotetag17" name="footnotetag17"></a><a href="#footnote17" title="Lien vers la note 17"><span class="smaller">[17]</span></a>. Ce qui est dit, à la page 97 de l'édition P.
+Charpentier et C. Cuissart, des relations entretenues par les
+habitants avec les hommes d'armes ne semble pas à sa place et pourrait
+bien avoir été mis là pour effacer le souvenir des dissentiments
+<span class="pagenum"><a id="pageIX" name="pageIX"></a>(p. IX)</span> graves qui s'étaient produits dans la dernière semaine. À
+partir du 8 mai, le journal n'est plus du tout un journal; c'est une
+suite de morceaux empruntés à Chartier, à Berry et au procès de
+réhabilitation. L'épisode du grand et gros Anglais que maître Jean de
+Montesclère tue au siège de Jargeau est visiblement tiré de la
+déposition que Jean d'Aulon fit en 1456, et cet emprunt est fait au
+mépris de la vérité, puisque Jean d'Aulon dit expressément que le
+grand et gros Anglais fut tué aux Augustins<a id="footnotetag18" name="footnotetag18"></a><a href="#footnote18" title="Lien vers la note 18"><span class="smaller">[18]</span></a>.</p>
+
+<p>La chronique appelée <i>Chronique de la Pucelle</i><a id="footnotetag19" name="footnotetag19"></a><a href="#footnote19" title="Lien vers la note 19"><span class="smaller">[19]</span></a>, comme si elle
+était la chronique par excellence de l'héroïne, est extraite d'une
+histoire intitulée <i>Geste des nobles François</i>, et qui remonte jusqu'à
+Priam de Troye. Mais elle n'en fut pas tirée sans changements ni
+additions. Ce travail fut opéré après 1467. Quand on aura démontré que
+la <i>Chronique de la Pucelle</i> est d'un Cousinot, enfermé dans Orléans
+pendant le siège, ou même de deux Cousinot, oncle et neveu, selon les
+uns, père et fils, selon les autres, il n'en restera pas moins vrai
+qu'elle est en grande partie copiée du <i>Journal du siège</i>, de Jean
+Chartier et du procès de réhabilitation. Cet ouvrage ne fait pas grand
+honneur à son auteur, quel qu'il soit, car on <span class="pagenum"><a id="pageX" name="pageX"></a>(p. X)</span> ne peut pas
+beaucoup vanter un faiseur d'histoires qui raconte deux fois les mêmes
+événements avec des circonstances différentes et inconciliables, sans
+paraître le moins du monde s'en apercevoir. La <i>Chronique de la
+Pucelle</i> s'arrête brusquement au retour du roi en Berry après l'échec
+devant Paris.</p>
+
+<p>Il faut placer le <i>Mistère du siège</i><a id="footnotetag20" name="footnotetag20"></a><a href="#footnote20" title="Lien vers la note 20"><span class="smaller">[20]</span></a> parmi les chroniques. C'est,
+en effet, une chronique dialoguée et rimée, qui présenterait un grand
+intérêt, du moins pour son ancienneté, si l'on pouvait, comme on l'a
+voulu, en faire remonter la composition à l'année 1435. Dans ce poème
+de 20529 vers, les éditeurs et, à leur suite, plusieurs érudits ont
+cru reconnaître «certain mistaire<a id="footnotetag21" name="footnotetag21"></a><a href="#footnote21" title="Lien vers la note 21"><span class="smaller">[21]</span></a>» joué à Orléans lors du sixième
+anniversaire de la délivrance. Mais de ce que le maréchal de Rais, qui
+se plaisait à faire représenter magnifiquement des farces et des
+mystères, soit demeuré du mois de septembre 1434 jusqu'au mois d'août
+1435 dans la cité du duc Charles, faisant grande dépense<a id="footnotetag22" name="footnotetag22"></a><a href="#footnote22" title="Lien vers la note 22"><span class="smaller">[22]</span></a>, et que
+la ville ait acheté de ses deniers, en 1439, «un estandart et bannière
+qui furent à Monseigneur de Reys pour faire <span class="pagenum"><a id="pageXI" name="pageXI"></a>(p. XI)</span> la manière de
+l'assault comment les Tourelles furent prinses sur les Anglois<a id="footnotetag23" name="footnotetag23"></a><a href="#footnote23" title="Lien vers la note 23"><span class="smaller">[23]</span></a>»,
+on ne peut tirer la preuve que, en 1435 ou en 1439, le 8 mai, une
+pièce de théâtre fut représentée, ayant le Siège pour sujet et pour
+héroïne la Pucelle. Si pourtant on veut faire de «la manière de
+l'assault comment les Tourelles furent prises» un mystère, plutôt
+qu'une cavalcade ou tout autre divertissement, et voir dans le
+«certain mistaire» de 1435 une représentation du Siège mis et levé par
+les Anglais, on obtiendra de cette façon un mystère du siège. Encore
+faudra-t-il voir si c'est celui dont nous possédons le texte.</p>
+
+<p>Comme parmi les cent quarante personnages parlants, de l'&oelig;uvre qui
+nous est parvenue, se trouve le maréchal de Rais, on a supposé que
+l'ouvrage fut écrit et représenté antérieurement au procès qui se
+termina par la sentence exécutée au-dessus des ponts de Nantes, le 20
+octobre 1440. En effet, nous a-t-on dit, comment, après sa mort
+ignominieuse, montrer aux Orléanais le vampire de Machecoul combattant
+pour leur délivrance? Comment associer dans une action héroïque la
+Pucelle et Barbe-Bleue? Il est embarrassant de répondre à une
+semblable question, parce que nous ne savons pas ce que pouvait
+supporter, en ce genre de choses, la rudesse <span class="pagenum"><a id="pageXII" name="pageXII"></a>(p. XII)</span> des vieux âges.
+Notre texte, convenablement interrogé, nous dira peut-être lui-même
+s'il est antérieur ou postérieur à 1440.</p>
+
+<p>Le bâtard d'Orléans fut fait comte de Dunois le 14 juillet 1439<a id="footnotetag24" name="footnotetag24"></a><a href="#footnote24" title="Lien vers la note 24"><span class="smaller">[24]</span></a>.
+Les vers du <i>Mistère</i>, où on lui donne ce titre, ne peuvent donc être
+plus anciens que cette date. Ils abondent et, par une singularité
+qu'on n'explique pas, se trouvent tous dans le premier tiers de
+l'ouvrage. Quand Dunois paraît ensuite, il redevient le Bâtard. De ce
+fait, voilà cinq mille vers que les éditeurs de 1862 considèrent comme
+ajoutés postérieurement au texte primitif, bien qu'ils ne se
+distinguent des autres ni par la langue, ni par le style, ni par la
+prosodie, ni par aucune qualité. Mais le reste du poème remonte-t-il à
+1435 ou 39?</p>
+
+<p>Je n'en crois rien. Aux vers 12093 et 12094, la Pucelle annonce à
+Talbot qu'il mourra par la main «des gens du roi». Cette prophétie n'a
+pu être faite qu'après l'événement: elle constitue une manifeste
+allusion à la fin de l'illustre capitaine, et ces vers sont sûrement
+postérieurs à l'année 1453.</p>
+
+<p>Un clerc Orléanais, six ans après le siège, n'aurait pas travesti
+Jeanne en dame de haute naissance.</p>
+
+<p>Aux vers 10199 et suivants du <i>Mistère du siège</i> la <span class="pagenum"><a id="pageXIII" name="pageXIII"></a>(p. XIII)</span> Pucelle
+répond au premier président du Parlement de Poitiers qui l'interroge
+sur sa maison:</p>
+
+<p class="poem10">
+ Quant est de l'ostel de mon père,<br>
+ Il est en pays de Barois;<br>
+ Gentilhomme et de noble afaire<br>
+ Honneste et loyal François<a id="footnotetag25" name="footnotetag25"></a><a href="#footnote25" title="Lien vers la note 25"><span class="smaller">[25]</span></a>.</p>
+
+<p>Pour qu'un clerc en arrivât à écrire de telles choses, il fallait que
+la famille de Jeanne fût depuis très longtemps anoblie et la première
+génération noble éteinte, ce qui advint en 1469; il fallait qu'il
+pullulât des du Lys, dont on ménageait les prétentions ridicules. Ces
+du Lys ne se contentaient point de remonter à leur tante; ils
+rattachaient le bonhomme Jacquot d'Arc à la vieille noblesse barroise.</p>
+
+<p>Bien que ces paroles de Jeanne sur «l'hôtel de son père» s'accordent
+assez mal avec d'autres scènes du même mystère, ce long ouvrage paraît
+être tout d'une venue.</p>
+
+<p>Il fut vraisemblablement compilé sous le règne de Louis XI par un
+orléanais qui possédait assez bien son sujet. Il y aurait intérêt à
+étudier ses sources plus attentivement qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Ce
+poète semble avoir connu un <i>Journal du siège</i> très différent de celui
+que nous possédons.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageXIV" name="pageXIV"></a>(p. XIV)</span> Son mystère fut-il représenté dans les trente dernières
+années du siècle, aux fêtes instituées en commémoration de la prise
+des Tourelles? Le sujet, le ton, l'esprit, tout y est parfaitement
+approprié. Il semble toutefois étrange qu'un poème fait pour célébrer
+à la date du 8 mai la délivrance d'Orléans, place expressément cette
+délivrance à la date du 9. C'est ce que fait l'auteur du <i>Mistère du
+siège</i>, quand il met ces vers dans la bouche de la Pucelle:</p>
+
+<p class="poem10">
+ ..... Ayez en souvenance...<br>
+ Comment Orléans eult délivrance...<br>
+ L'an mil iiijc xxix;<br>
+ Faites en mémoire tous dis;<br>
+ Des jours de may ce fut le neuf<a id="footnotetag26" name="footnotetag26"></a><a href="#footnote26" title="Lien vers la note 26"><span class="smaller">[26]</span></a>.</p>
+
+<p>Voilà les principaux chroniqueurs du parti français qui ont écrit sur
+la Pucelle. Je puis me dispenser de citer les autres qui sont plus
+tardifs ou qui, traitant seulement de quelques épisodes de la vie de
+Jeanne, ne peuvent être examinés avec utilité qu'au moment où l'on
+entre dans le détail des faits. Dès à présent, sans nous inquiéter de
+ce qu'il peut y avoir à prendre dans la <i>Chronique de l'établissement
+de la fête</i><a id="footnotetag27" name="footnotetag27"></a><a href="#footnote27" title="Lien vers la note 27"><span class="smaller">[27]</span></a>, dans la <i>Relation</i> du greffier de La Rochelle<a id="footnotetag28" name="footnotetag28"></a><a href="#footnote28" title="Lien vers la note 28"><span class="smaller">[28]</span></a>, et
+dans quelques autres <span class="pagenum"><a id="pageXV" name="pageXV"></a>(p. XV)</span> textes contemporains, nous sommes à même
+de nous apercevoir que, si nous ne savions de Jeanne d'Arc que ce
+qu'ont dit d'elle les chroniqueurs français, nous la connaîtrions à
+peu près comme nous connaissons Çakia Mouni.</p>
+
+<p>Ce ne sont pas les chroniqueurs bourguignons qui nous la peuvent
+expliquer. Mais on trouve chez eux quelques renseignements utiles. De
+ces chroniqueurs du parti de Bourgogne, le premier en date est le
+clerc picard auteur d'une Chronique anonyme dite <i>des Cordeliers</i><a id="footnotetag29" name="footnotetag29"></a><a href="#footnote29" title="Lien vers la note 29"><span class="smaller">[29]</span></a>,
+parce que l'unique manuscrit qui la renferme provient d'un couvent de
+ces religieux, à Paris. C'est une cosmographie qui va de la création
+du monde à l'année 1431. M. Pierre Champion<a id="footnotetag30" name="footnotetag30"></a><a href="#footnote30" title="Lien vers la note 30"><span class="smaller">[30]</span></a> a établi que
+Monstrelet s'en est servi. Ce clerc picard a connu diverses choses et
+vu certaines pièces diplomatiques. Mais il brouille étrangement les
+faits et les dates. Ses informations sur la vie militaire de la
+Pucelle sont de source française et populaire. On lui a accordé
+quelque crédit pour son récit du saut de Beaurevoir qui, s'il était
+exact, écarterait toute idée que Jeanne s'est jetée du haut du donjon
+dans un accès de désespoir ou de <span class="pagenum"><a id="pageXVI" name="pageXVI"></a>(p. XVI)</span> folie<a id="footnotetag31" name="footnotetag31"></a><a href="#footnote31" title="Lien vers la note 31"><span class="smaller">[31]</span></a>. Toutefois, ce
+récit ne peut se concilier avec les déclarations de Jeanne.</p>
+
+<p>Monstrelet<a id="footnotetag32" name="footnotetag32"></a><a href="#footnote32" title="Lien vers la note 32"><span class="smaller">[32]</span></a>, «plus baveux que ung pot de moutarde<a id="footnotetag33" name="footnotetag33"></a><a href="#footnote33" title="Lien vers la note 33"><span class="smaller">[33]</span></a>» est une
+fontaine de sapience au regard de Jean Chartier. S'il se sert de la
+<i>Chronique des Cordeliers</i>, il la redresse, et présente les faits avec
+ordre. Ce qu'il savait de Jeanne se réduisait à peu de chose. Il
+croyait de bonne foi qu'elle avait été servante d'auberge. Il n'a
+qu'un mot sur les indécisions de la guerrière à Montépilloy, mais ce
+mot, qui ne se trouve nulle part ailleurs, nous a été extrêmement
+précieux. Il l'a vue au camp de Compiègne, malheureusement il n'a pas
+su ou il n'a pas voulu dire quelle impression elle avait produite sur
+lui.</p>
+
+<p>Wavrin du Forestel<a id="footnotetag34" name="footnotetag34"></a><a href="#footnote34" title="Lien vers la note 34"><span class="smaller">[34]</span></a>, qui rédigea des additions à Froissart, à
+Monstrelet et à Mathieu d'Escouchy, était à Patay; il n'y vit point
+Jeanne. Il ne la connaît que par ouï-dire et très mal. Nous n'avons
+donc pas à tenir grand compte de ce qu'il rapporte de messire Robert
+de Baudricourt, lequel, à l'en croire, endoctrina la Pucelle et lui
+enseigna la manière de paraître «inspirée <span class="pagenum"><a id="pageXVII" name="pageXVII"></a>(p. XVII)</span> de la Providence
+divine<a id="footnotetag35" name="footnotetag35"></a><a href="#footnote35" title="Lien vers la note 35"><span class="smaller">[35]</span></a>». Par contre, il donne des renseignements précieux sur les
+faits militaires qui suivirent la délivrance d'Orléans.</p>
+
+<p>Le Fèvre de Saint-Remy, conseiller du duc de Bourgogne et roi d'armes
+de la Toison-d'Or<a id="footnotetag36" name="footnotetag36"></a><a href="#footnote36" title="Lien vers la note 36"><span class="smaller">[36]</span></a>, était peut-être à Compiègne quand Jeanne fut
+prise et il a parlé d'elle comme d'une vaillante fille.</p>
+
+<p>Georges Chastellain copie Le Fèvre de Saint-Remy<a id="footnotetag37" name="footnotetag37"></a><a href="#footnote37" title="Lien vers la note 37"><span class="smaller">[37]</span></a>.</p>
+
+<p>L'auteur du <i>Journal</i> dit <i>d'un bourgeois de Paris</i><a id="footnotetag38" name="footnotetag38"></a><a href="#footnote38" title="Lien vers la note 38"><span class="smaller">[38]</span></a>, en qui l'on
+reconnaît un clerc cabochien, n'avait entendu parler de Jeanne que par
+les docteurs et maîtres de l'Université de Paris. Aussi était-il fort
+mal renseigné. C'est regrettable. Cet homme est unique dans son temps
+pour l'énergie des passions et du langage, pour la vigueur de la
+colère et de la pitié, pour son sens profondément populaire.</p>
+
+<p>Je dois signaler un écrit qui n'est ni français ni bourguignon, mais
+italien. Je veux parler de la <i>Chronique d'Antonio Morosini</i>, publié
+par M. Germain Lefèvre-Pontalis <span class="pagenum"><a id="pageXVIII" name="pageXVIII"></a>(p. XVIII)</span> avec des notes d'une
+admirable érudition. Cette chronique ou pour mieux dire les courriers
+qu'elle renferme, sont singulièrement précieux pour l'historien, non
+parce que les actions attribuées à la Pucelle y sont vraies, mais au
+contraire parce qu'elles y sont fausses, parce qu'elles sont toutes
+imaginaires et fabuleuses. On ne trouve pas dans la <i>Chronique de
+Morosini</i><a id="footnotetag39" name="footnotetag39"></a><a href="#footnote39" title="Lien vers la note 39"><span class="smaller">[39]</span></a> un fait, un seul fait, concernant Jeanne, qui soit
+présenté dans son véritable caractère et sous un jour naturel. Et
+cependant les correspondants de Morosini sont des hommes d'affaires,
+des Vénitiens subtils et avisés. Il apparaît à les lire que, sur la
+«demoiselle», comme ils la nomment, à la fois fameuse et inconnue,
+courent par tout le monde chrétien d'innombrables fictions imitées
+tantôt des romans de chevalerie, tantôt de la <i>Légende dorée</i>.</p>
+
+<p>Un autre texte, publié aussi par M. Germain Lefèvre-Pontalis avec
+autant de conscience que de talent, le <i>Journal</i> d'un négociant
+allemand, nommé Eberhard de Windecke<a id="footnotetag40" name="footnotetag40"></a><a href="#footnote40" title="Lien vers la note 40"><span class="smaller">[40]</span></a>, présente le même phénomène.
+Rien de ce qui y est rapporté de la Pucelle n'est probable ni
+vraisemblable. Dès qu'elle paraît, un cycle de contes populaires
+<span class="pagenum"><a id="pageXIX" name="pageXIX"></a>(p. XIX)</span> se forme sur son nom; Eberhard se plaît visiblement à les
+conter. Nous devons ainsi à d'honnêtes marchands étrangers de savoir
+que, à aucun moment de son existence, Jeanne ne fut connue autrement
+que par des fables et que, si elle remua les foules, ce fut par le
+bruit des innombrables légendes qui naissaient sur ses pas et volaient
+devant elle. Et il y a lieu de réfléchir sur cette éclatante obscurité
+qui dès le début enveloppa la Pucelle, ces nuages radieux du mythe
+qui, en la cachant, la faisaient apparaître.</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Avec ses mémoires, ses consultations et ses cent quarante
+témoignages, fournis par cent vingt-trois témoins, le procès de
+réhabilitation<a id="footnotetag41" name="footnotetag41"></a><a href="#footnote41" title="Lien vers la note 41"><span class="smaller">[41]</span></a> offre un riche recueil de documents. M. Lanéry
+d'Arc a fort bien fait de publier intégralement les mémoires des
+docteurs ainsi que le traité de l'archevêque d'Embrun, les
+propositions de maître Henri de Gorcum et la <i>Sibylla Francica</i><a id="footnotetag42" name="footnotetag42"></a><a href="#footnote42" title="Lien vers la note 42"><span class="smaller">[42]</span></a>.
+Le procès de 1431 nous apprend de reste ce que les théologiens du
+parti de l'Angleterre pensaient de la Pucelle; sans les consultations
+de Théodore de Leliis et de Paul Pontanus et les opinions insérées au
+procès posthume on ignorerait l'idée que se faisaient d'elle les
+docteurs d'Italie et de France; et il importe de connaître <span class="pagenum"><a id="pageXX" name="pageXX"></a>(p. XX)</span>
+les sentiments de l'Église tout entière sur une fille qu'elle a
+condamnée vivante, durant la puissance anglaise, et réhabilitée morte,
+après les victoires des Français.</p>
+
+<p>Quant aux cent vingt-trois témoins qui furent entendus à Domremy, à
+Vaucouleurs, à Toul, à Orléans, à Paris, à Rouen, à Lyon, gens
+d'Église, princes, capitaines, bourgeois, paysans, artisans, ils
+apportent sans doute des clartés sur une multitude de points. Mais,
+nous sommes obligés de le reconnaître, ils ne satisfont pas, tant s'en
+faut, toutes nos curiosités, et cela pour plusieurs raisons. D'abord
+ils répondaient à un questionnaire dressé en vue d'établir un certain
+nombre de faits dans l'ordre de la justice ecclésiastique. Le sacré
+inquisiteur qui conduisait le procès était curieux; il ne l'était pas
+de la même manière que nous. C'est une première raison de
+l'insuffisance des témoignages à notre sens<a id="footnotetag43" name="footnotetag43"></a><a href="#footnote43" title="Lien vers la note 43"><span class="smaller">[43]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y en a d'autres. Les témoins se montrent, pour la plupart, simples
+à l'excès et sans discernement. Dans cette foule de gens de tout âge
+et de toute condition on est attristé de trouver si peu d'esprits
+judicieux et lucides. Il semble que les âmes fussent alors baignées
+dans un demi-jour où rien ne paraissait distinct. La <span class="pagenum"><a id="pageXXI" name="pageXXI"></a>(p. XXI)</span> pensée
+comme la langue avait d'étranges puérilités. On ne peut pénétrer un
+peu avant dans cet âge obscur sans se croire parmi des enfants. Au
+long d'interminables guerres, la misère et l'ignorance avaient
+appauvri les esprits et réduit l'homme à une extrême maigreur morale.
+Le costume des nobles et des riches, étriqué, déchiqueté, ridicule,
+trahit la gracilité absurde du goût et la faiblesse de la raison<a id="footnotetag44" name="footnotetag44"></a><a href="#footnote44" title="Lien vers la note 44"><span class="smaller">[44]</span></a>.
+Un des caractères les plus saisissants de ces petites intelligences,
+c'est la légèreté: elles sont incapables d'attention; elles ne
+retiennent rien. Il faudrait n'avoir pas lu les écrits du temps pour
+n'être pas frappé de cette infirmité presque générale.</p>
+
+<p>Aussi tout n'est-il pas bien sérieux dans ces cent quarante
+témoignages. La fille de Jacques Boucher, argentier du duc d'Orléans,
+dépose en ces termes: «La nuit je couchais seule avec Jeanne. Je n'ai
+jamais remarqué en elle rien de mal ni dans ses paroles ni dans ses
+actes. Tout y était simplicité, humilité, chasteté<a id="footnotetag45" name="footnotetag45"></a><a href="#footnote45" title="Lien vers la note 45"><span class="smaller">[45]</span></a>.» Cette
+demoiselle avait neuf ans lorsqu'elle s'aperçut, avec un discernement
+précoce, que sa compagne de lit était simple, humble et chaste.</p>
+
+<p>Cela est sans conséquence. Mais pour montrer combien <span class="pagenum"><a id="pageXXII" name="pageXXII"></a>(p. XXII)</span> on est
+déçu quelquefois par les témoins sur lesquels on devait compter le
+plus, je citerai frère Pasquerel<a id="footnotetag46" name="footnotetag46"></a><a href="#footnote46" title="Lien vers la note 46"><span class="smaller">[46]</span></a>. Frère Pasquerel est le chapelain
+de Jeanne. Vous vous attendez à ce qu'il parle en homme qui a vu et
+qui sait. Frère Pasquerel met l'examen de Poitiers avant l'audience
+que donna le roi à la Pucelle dans le château de Chinon<a id="footnotetag47" name="footnotetag47"></a><a href="#footnote47" title="Lien vers la note 47"><span class="smaller">[47]</span></a>. Oubliant
+que l'armée de secours se trouvait tout entière dans Orléans depuis le
+4 mai, il suppose que, dans la soirée du vendredi 6, on l'attendait
+encore<a id="footnotetag48" name="footnotetag48"></a><a href="#footnote48" title="Lien vers la note 48"><span class="smaller">[48]</span></a>. On peut juger par là de l'ordre qui règne dans la tête de
+ce religieux. Le pis est qu'il invente des miracles; il veut faire
+croire au monde que, lors de l'arrivée du convoi de vivres sous
+Orléans, survint, par l'intervention de la Pucelle, pour renflouer les
+chalands, une crue soudaine de la Loire, que personne n'a remarquée,
+excepté lui<a id="footnotetag49" name="footnotetag49"></a><a href="#footnote49" title="Lien vers la note 49"><span class="smaller">[49]</span></a>.</p>
+
+<p>La déposition de Dunois<a id="footnotetag50" name="footnotetag50"></a><a href="#footnote50" title="Lien vers la note 50"><span class="smaller">[50]</span></a> cause aussi quelque déception. On sait que
+Dunois était un des hommes les plus <span class="pagenum"><a id="pageXXIII" name="pageXXIII"></a>(p. XXIII)</span> intelligents et les
+plus avisés de son temps et qu'il passait pour beau parleur. Il avait
+défendu, non sans habileté, la ville d'Orléans et fait toute la
+campagne du sacre. Il faut que sa déposition ait été bien maltraitée
+par le traducteur et par les scribes. Sans cela on serait obligé de
+croire que le prudent seigneur la fit faire par son chapelain. Il y
+parle du «grand nombre des ennemis» en des termes plus convenables à
+un chanoine de la cathédrale ou à un marchand drapier, qu'au capitaine
+chargé d'assurer la défense et tenu de connaître les forces réelles
+des assiégeants. Tout ce qui, dans cette pièce, a trait au transport
+des vivres, le 28 avril, est à peu près inintelligible. Et Dunois n'a
+pas pu dire que la première étape de l'armée de Gien avait été Troyes.
+Rapportant un propos que lui tint la Pucelle après le sacre, il la
+fait parler comme si ses frères l'attendaient à Domremy, tandis qu'ils
+chevauchaient près d'elle en France. Par une étrange maladresse, pour
+prouver que Jeanne avait des visions, il conte une historiette qui,
+tout au contraire, laisserait croire que cette jeune paysanne était
+une simulatrice habile et donnait, à la demande des seigneurs, le
+spectacle de l'extase, comme l'Esther du regretté docteur Luys<a id="footnotetag51" name="footnotetag51"></a><a href="#footnote51" title="Lien vers la note 51"><span class="smaller">[51]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageXXIV" name="pageXXIV"></a>(p. XXIV)</span> J'ai dit, dans cet ouvrage, à propos du procès de
+réhabilitation, ce qu'il faut penser des dépositions des greffiers, de
+l'huissier Massieu, du frère Isambard de la Pierre, du frère Martin
+Ladvenu<a id="footnotetag52" name="footnotetag52"></a><a href="#footnote52" title="Lien vers la note 52"><span class="smaller">[52]</span></a> et de tous ces brûleurs de sorcières et vengeurs de Dieu,
+qui travaillèrent à la réhabilitation d'aussi bon c&oelig;ur qu'ils
+avaient travaillé à la condamnation.</p>
+
+<p>Dans bien des cas, au sujet d'événements considérables, les témoins
+parlent tout à fait à l'encontre de la réalité. Un marchand drapier
+d'Orléans, nommé Jean Luillier, vient devant les commissaires, hardi
+comme l'archer de Bagnolet, et déclare que les habitants ni la
+garnison ne pouvaient résister contre les ennemis assemblés en si
+grand nombre<a id="footnotetag53" name="footnotetag53"></a><a href="#footnote53" title="Lien vers la note 53"><span class="smaller">[53]</span></a>. Or, sur ce point important il est démenti par les
+documents les plus sûrs, qui établissent que les Anglais étaient au
+contraire bien faibles et bien dénués autour d'Orléans<a id="footnotetag54" name="footnotetag54"></a><a href="#footnote54" title="Lien vers la note 54"><span class="smaller">[54]</span></a>.</p>
+
+<p>Si les témoignages du second procès sentent souvent l'artifice et
+l'apprêt, s'ils sont parfois hors de toute vérité, ce n'est pas
+seulement le tort de ceux qui les portèrent; c'est aussi le tort de
+ceux qui les reçurent. Ceux-ci les avaient sollicités avec trop d'art.
+Ces témoignages <span class="pagenum"><a id="pageXXV" name="pageXXV"></a>(p. XXV)</span> valent ce que valent les témoignages dans un
+procès d'inquisition. Ils représentent en certains endroits la pensée
+des juges autant, peut-être, que celle des témoins.</p>
+
+<p>Ce que, en l'espèce, les juges s'efforçaient surtout d'établir,
+c'était que Jeanne n'avait rien compris quand on lui avait parlé de
+l'Église et du pape, et qu'elle avait refusé d'obéir à l'Église
+militante parce qu'elle croyait que l'Église militante c'était messire
+Cauchon et ses assesseurs. Enfin il fallait la montrer à peu près
+idiote. C'était là un très utile expédient de procédure
+ecclésiastique. Et il y avait encore une autre raison, une raison très
+forte, de la faire passer pour une fille dénuée d'intelligence, une
+innocente. Ce second procès, comme le premier, répondait à des
+intentions politiques; il avait pour objet de faire connaître que
+Jeanne était venue au secours du roi de France, non par suggestion
+diabolique, mais par inspiration céleste. En conséquence, on s'efforça
+de montrer qu'elle n'avait pas d'esprit, pour que l'Esprit Saint fût
+plus manifeste en elle. Les interrogateurs s'y appliquèrent
+constamment. Ils surent amener les témoins à dire à tout propos
+qu'elle était simple, très simple. <i>Una simplex bergereta</i><a id="footnotetag55" name="footnotetag55"></a><a href="#footnote55" title="Lien vers la note 55"><span class="smaller">[55]</span></a>, dit
+l'un. <i>Erat multum simplex et ignorans</i><a id="footnotetag56" name="footnotetag56"></a><a href="#footnote56" title="Lien vers la note 56"><span class="smaller">[56]</span></a>, dit l'autre.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageXXVI" name="pageXXVI"></a>(p. XXVI)</span> Et puisque cette innocente était envoyée de Dieu pour
+délivrer ou prendre des villes, pour conduire des gens d'armes, il
+fallait qu'ignorante du reste, elle eût la science infuse de la guerre
+et montrât dans les batailles la force et le conseil qu'elle tenait
+d'En Haut. On dut donc obtenir des dépositions établissant qu'elle
+était plus habile à guerroyer qu'aucun homme au monde.</p>
+
+<p>Demoiselle Marguerite la Touroulde l'affirme<a id="footnotetag54a" name="footnotetag54a"></a><a href="#footnote54a" title="Lien vers la note 54a"><span class="smaller">[54a]</span></a>. Le duc d'Alençon
+déclare que la Pucelle était très experte tant à manier la lance qu'à
+former une armée, à ordonner une bataille et à préparer l'artillerie,
+et qu'elle étonnait les vieux capitaines par son art à mettre les
+canons en place<a id="footnotetag54b" name="footnotetag54b"></a><a href="#footnote54b" title="Lien vers la note 54b"><span class="smaller">[54b]</span></a>. Ce seigneur entend bien que c'était par miracle
+et qu'il en faut rendre grâce à Dieu seul. Car, s'il eût fallu
+rapporter le mérite des victoires à Jeanne elle-même, il n'en eût pas
+tant dit.</p>
+
+<p>Et, puisque le Seigneur avait choisi la Pucelle pour accomplir un si
+grand ouvrage, c'était donc qu'il avait reconnu en elle la vertu qu'il
+préfère en ses vierges. Dès lors il ne suffisait pas qu'elle eût été
+chaste; il était nécessaire qu'elle l'eût été miraculeusement; il
+était nécessaire qu'elle eût poussé la chasteté et la <span class="pagenum"><a id="pageXXVII" name="pageXXVII"></a>(p. XXVII)</span>
+sobriété dans le boire et le manger jusqu'à la sainteté. Aussi les
+témoins viennent-ils publier à l'envi: <i>Erat casta, erat castissima.
+Ille loquens non credit aliquam mulierem plus esse castam quam ista
+Puella erat. Erat sobria in potu et cibo. Erat sobria in cibo et
+potu</i><a id="footnotetag54c" name="footnotetag54c"></a><a href="#footnote54c" title="Lien vers la note 54c"><span class="smaller">[54c]</span></a>.</p>
+
+<p>Il fallait enfin qu'une telle pureté manifestât par des privilèges
+singuliers sa céleste origine. À cette nécessité répondent de nombreux
+témoignages. De rudes hommes d'armes, Jean de Novelompont, Bertrand de
+Poulengy, Jean d'Aulon, de hauts seigneurs, le comte de Dunois et le
+duc d'Alençon, viennent affirmer, sur la foi du serment, que Jeanne ne
+leur inspirait pas de désirs charnels. Ces vieux capitaines s'en
+étonnent; ils vantent leur vigueur passée et s'émerveillent que leurs
+jeunes ardeurs aient été une fois endormies par une pucelle. Cela ne
+leur semble pas naturel, cela ne leur paraît pas humainement possible.
+À les entendre décrire les effets que Jeanne produisait sur eux, on
+croit voir sainte Marthe enchaînant la Tarasque. Dunois, très occupé
+dans sa déposition de noter les miracles, ne manque pas de signaler
+celui-là comme un des plus propres à confondre la raison. S'il n'a ni
+convoité ni sollicité cette jeune fille, il ne voit qu'une explication
+à ce fait unique, c'est que Jeanne était sacrée, <i>res <span class="pagenum"><a id="pageXXVIII" name="pageXXVIII"></a>(p. XXVIII)</span>
+divina</i>. Pour exprimer leur soudaine continence, Jean de Novelompont
+et Bertrand de Poulengy emploient l'un et l'autre identiquement les
+mêmes formes de langage, affectées et contournées. Et voici qu'un
+écuyer de l'écurie du roi, Gobert Thibaut, vient déclarer qu'on
+parlait beaucoup dans l'armée de cette grâce divine spécialement
+dévolue aux Armagnacs<a id="footnotetag57" name="footnotetag57"></a><a href="#footnote57" title="Lien vers la note 57"><span class="smaller">[57]</span></a> et refusée aux Anglais et aux Bourguignons,
+si l'on en juge par les entreprises amoureuses d'un gentilhomme de
+Picardie et de Jeannotin, tailleur à Rouen<a id="footnotetag58" name="footnotetag58"></a><a href="#footnote58" title="Lien vers la note 58"><span class="smaller">[58]</span></a>.</p>
+
+<p>Tout cela, comme on voit, répond à la pensée des juges, et ce sont, si
+je puis dire, des vérités théologiques, plutôt que des vérités
+naturelles.</p>
+
+<p>Les dépositions, qui, comme celles de Jean de Novelompont et de
+Bertrand de Poulengy, contiennent des passages rédigés en termes
+identiques, abondent d'ordinaire dans les enquêtes inquisitoriales.
+Elles sont rares, je dois le dire, dans le procès de réhabilitation,
+peut-être parce que les témoins ont été entendus à de longs
+intervalles de temps, dans diverses contrées, et sans doute aussi
+parce que la cause de la Pucelle n'exigeait pas de grands efforts de
+procédure, la partie adverse ayant fait défaut.</p>
+
+<p>Il est fâcheux que toutes les dépositions recueillies dans cette
+enquête, hors celle de Jean d'Aulon, aient <span class="pagenum"><a id="pageXXIX" name="pageXXIX"></a>(p. XXIX)</span> été traduites en
+latin; elles y ont perdu l'accent original et les nuances fines de la
+pensée.</p>
+
+<p>Parfois le greffier se contente de dire que le témoin dépose comme le
+précédent. C'est ainsi que tous les bourgeois déposent sur la
+délivrance de la ville d'Orléans, comme le marchand drapier qui,
+précisément, n'était pas très au fait des circonstances dans
+lesquelles sa ville avait été délivrée. C'est ainsi encore que le sire
+de Gaucourt, après une brève déclaration, dépose comme Dunois, qui
+pourtant avait dit des choses bien particulières pour être ainsi
+communes à deux témoins<a id="footnotetag59" name="footnotetag59"></a><a href="#footnote59" title="Lien vers la note 59"><span class="smaller">[59]</span></a>.</p>
+
+<p>Certains témoignages, à ce qu'il semble, ont été tronqués. Celui de
+frère Pasquerel s'arrête court à Paris, et l'on croirait que le bon
+frère a quitté la Pucelle immédiatement après l'attaque de la Porte
+Saint-Honoré, si l'on n'avait pas sa signature au bas de la lettre
+latine aux Hussites. Ce n'est pas par hasard assurément, que, dans une
+si longue suite de questions et de réponses, il n'est pas dit un mot
+du départ de Sully ni de la campagne qui commença à Lagny et finit à
+Compiègne<a id="footnotetag60" name="footnotetag60"></a><a href="#footnote60" title="Lien vers la note 60"><span class="smaller">[60]</span></a>.</p>
+
+<p>On voit que cette abondante enquête doit être consultée avec prudence,
+et qu'il ne faut pas s'attendre à <span class="pagenum"><a id="pageXXX" name="pageXXX"></a>(p. XXX)</span> y trouver des
+éclaircissements sur toutes les circonstances de la vie de Jeanne.</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Les livres de comptes, lettres, actes et autres pièces
+authentiques de l'époque donnent seuls sur bien des points quelque
+précision à l'histoire de la Pucelle. C'est par les pièces d'archives
+que publia Siméon Luce et par le bail du château de l'Île que nous
+savons dans quelles circonstances Jeanne a grandi<a id="footnotetag61" name="footnotetag61"></a><a href="#footnote61" title="Lien vers la note 61"><span class="smaller">[61]</span></a>. Ni les deux
+procès, ni les chroniques ne nous avaient révélé la situation horrible
+où se trouvait le village de Domremy de 1412 à 1425.</p>
+
+<p>C'est par les comptes de forteresse tenus à Orléans<a id="footnotetag62" name="footnotetag62"></a><a href="#footnote62" title="Lien vers la note 62"><span class="smaller">[62]</span></a> et par les
+endentures de l'administration anglaise<a id="footnotetag63" name="footnotetag63"></a><a href="#footnote63" title="Lien vers la note 63"><span class="smaller">[63]</span></a> que <span class="pagenum"><a id="pageXXXI" name="pageXXXI"></a>(p. XXXI)</span> nous
+pouvons estimer approximativement les forces respectives des
+défenseurs et des assiégeants et rectifier à cet égard les assertions
+des chroniqueurs et des témoins de la réhabilitation.</p>
+
+<p>C'est par les lettres qu'au <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> siècle copia Rogier dans les
+archives de Reims que nous pouvons savoir comment Troyes, Châlons et
+Reims se rendirent au roi et nous apercevoir que Jean Chartier ne
+rapporte pas exactement, tant s'en faut, la capitulation de Troyes et
+que Dunois est, à cet égard, pour un témoin tel que lui, d'une
+insuffisance étrange<a id="footnotetag64" name="footnotetag64"></a><a href="#footnote64" title="Lien vers la note 64"><span class="smaller">[64]</span></a>.</p>
+
+<p>C'est à la faveur de quatre ou cinq documents d'archives que nous
+discernons, çà et là, quelques vagues lueurs dans l'obscurité profonde
+qui recouvre la malheureuse campagne de l'Aisne et de l'Oise.</p>
+
+<p>C'est par les registres capitulaires de Rouen, les testaments des
+chanoines et diverses autres pièces, que M. Robillard de Beaurepaire
+sut trouver dans les archives de la Seine-Inférieure, qu'on peut
+rectifier plusieurs erreurs des deux procès<a id="footnotetag65" name="footnotetag65"></a><a href="#footnote65" title="Lien vers la note 65"><span class="smaller">[65]</span></a>.</p>
+
+<p>Que d'autres pièces volantes je pourrais encore noter <span class="pagenum"><a id="pageXXXII" name="pageXXXII"></a>(p. XXXII)</span>
+comme précieuses à l'historien! Raison de plus pour se défier des
+pièces fausses ou falsifiées, comme, par exemple, les lettres
+d'anoblissement de Guy de Cailly<a id="footnotetag66" name="footnotetag66"></a><a href="#footnote66" title="Lien vers la note 66"><span class="smaller">[66]</span></a>.</p>
+
+<p>Si rapide qu'ait été cet examen des sources, je crois avoir dit
+l'essentiel. En résumé, la Pucelle, de son vivant même, ne fut guère
+connue que par des fables. Ses plus anciens chroniqueurs, bien
+incapables de faire &oelig;uvre de critiques, rapportèrent comme des
+réalités les légendes de la première heure.</p>
+
+<p>C'est dans le procès de Rouen et dans quelques pièces de comptabilité,
+quelques lettres missives, quelques actes privés ou publics, que nous
+trouverons le plus de vérité. Le procès de réhabilitation sera aussi
+d'un grand secours pour l'histoire, à la condition qu'on n'oublie
+jamais comment et pourquoi ce procès fut fait.</p>
+
+<p>Au moyen de ces documents on peut se représenter, en somme, assez
+précisément Jeanne d'Arc dans son caractère et dans sa vie.</p>
+
+<p>Ce qui ressort surtout des textes, c'est qu'elle fut une sainte. Elle
+fut une sainte avec tous les attributs de la sainteté au <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup>
+siècle. Elle eut des visions, et ces visions ne furent ni feintes ni
+contrefaites; elle crut réellement entendre des voix qui lui parlaient
+et qui <span class="pagenum"><a id="pageXXXIII" name="pageXXXIII"></a>(p. XXXIII)</span> ne sortaient pas d'une bouche humaine. Ces voix
+l'entretenaient le plus souvent d'une façon distincte et intelligible
+pour elle. C'était dans les bois qu'elle les entendait le mieux, ou
+quand sonnaient les cloches. Elle voyait des figures en manière,
+a-t-elle dit, de choses multiples et minimes, comme des étincelles
+perçues dans un éblouissement. Sans nul doute, elle avait aussi des
+visions d'une autre nature, puisque nous tenons d'elle qu'elle voyait
+saint Michel sous les apparences d'un prud'homme, c'est-à-dire d'un
+bon chevalier, sainte Catherine et sainte Marguerite, le front ceint
+d'une couronne. Elle les voyait qui lui faisaient la révérence; elle
+les embrassait par les jambes et sentait leur bonne odeur.</p>
+
+<p>Qu'est-ce à dire sinon qu'elle avait des hallucinations de l'ouïe, de
+la vue, du toucher et de l'odorat? Chez elle, de tous les sens, le
+plus affecté c'est l'ouïe: elle dit que ses voix lui apparaissent;
+elle les nomme parfois aussi son conseil; elle les entend très bien à
+moins qu'on ne fasse du bruit autour d'elle. Le plus souvent elle leur
+obéit; quelquefois elle leur résiste. Il est douteux que ses visions
+fussent aussi distinctes. Soit qu'elle ne le voulût pas, soit qu'elle
+ne le pût pas, elle n'en donna jamais aux juges de Rouen une
+description bien nette ni bien précise. Ce qu'elle sut peindre le
+mieux ce furent encore les anges porte-couronne <span class="pagenum"><a id="pageXXXIV" name="pageXXXIV"></a>(p. XXXIV)</span> qu'elle
+avoua ensuite n'avoir jamais vus que dans son imagination.</p>
+
+<p>À quel âge ces troubles lui vinrent-ils? On ne peut pas le dire avec
+précision. Mais ce fut très probablement au sortir de l'enfance, et
+nous sommes avertis par le témoignage de Jean d'Aulon, que Jeanne ne
+sortit jamais tout à fait de l'enfance<a id="footnotetag67" name="footnotetag67"></a><a href="#footnote67" title="Lien vers la note 67"><span class="smaller">[67]</span></a>.</p>
+
+<p>Bien que, le plus souvent, il soit hasardeux de tirer d'une donnée
+historique les éléments d'une étude clinique, plusieurs savants ont
+tenté de définir l'état pathologique qui rendait cette jeune fille
+apte à subir de fausses perceptions de l'ouïe et de la vue<a id="footnotetag68" name="footnotetag68"></a><a href="#footnote68" title="Lien vers la note 68"><span class="smaller">[68]</span></a>. Comme
+la psychiatrie a fait en ces dernières années de rapides progrès, je
+me suis adressé à un savant éminent qui connaît l'état actuel de cette
+science, à laquelle il a apporté lui-même d'importantes contributions.
+J'ai demandé au docteur Georges Dumas, professeur à la Sorbonne, si la
+science dispose d'éléments suffisants pour établir rétrospectivement
+le diagnostic de Jeanne. Il m'a envoyé en réponse une lettre qu'on
+lira dans l'appendice I de cet ouvrage<a id="footnotetag69" name="footnotetag69"></a><a href="#footnote69" title="Lien vers la note 69"><span class="smaller">[69]</span></a>.</p>
+
+<p>Je n'ai pas qualité pour aborder ce sujet. Du moins <span class="pagenum"><a id="pageXXXV" name="pageXXXV"></a>(p. XXXV)</span>
+puis-je, sans sortir de ma compétence, présenter, relativement aux
+hallucinations de Jeanne d'Arc, une observation qui m'a été suggérée
+par l'étude des textes. Cette observation est d'une conséquence
+infinie; je la contiendrai rigoureusement dans les limites que me
+tracent la nature et l'objet de cet ouvrage.</p>
+
+<p>Les visionnaires qui se croient investis d'une mission divine se
+distinguent des autres illuminés par des caractères singuliers. Si
+l'on étudie les mystiques de ce genre, si on les rapproche les uns des
+autres, on s'apercevra qu'ils présentent entre eux des traits de
+ressemblance qu'on peut suivre jusque dans des détails très menus,
+qu'ils se répètent tous dans certaines de leurs paroles et dans
+certains de leurs actes, et peut-être, en reconnaissant le
+déterminisme étroit auquel sont soumis les mouvements de ces
+hallucinés, éprouve-t-on quelque surprise à voir la machine humaine
+fonctionner, sous l'action d'un même agent mystérieux, avec cette
+uniformité fatale. Jeanne appartient à ce groupe religieux, et il est
+intéressant de la comparer à cet égard à sainte Catherine de
+Sienne<a id="footnotetag70" name="footnotetag70"></a><a href="#footnote70" title="Lien vers la note 70"><span class="smaller">[70]</span></a>, à sainte Colette de Corbie<a id="footnotetag71" name="footnotetag71"></a><a href="#footnote71" title="Lien vers la note 71"><span class="smaller">[71]</span></a>, à Yves Nicolazic, le
+paysan de Kernanna<a id="footnotetag72" name="footnotetag72"></a><a href="#footnote72" title="Lien vers la note 72"><span class="smaller">[72]</span></a>, à Suzette Labrousse, l'inspirée de l'Église
+<span class="pagenum"><a id="pageXXXVI" name="pageXXXVI"></a>(p. XXXVI)</span> constitutionnelle<a id="footnotetag73" name="footnotetag73"></a><a href="#footnote73" title="Lien vers la note 73"><span class="smaller">[73]</span></a> et à tant d'autres voyants et
+voyantes de cet ordre qui ont entre eux un air de famille. Trois
+visionnaires surtout sont étroitement apparentés avec Jeanne. Le
+premier en date est un vavasseur de Champagne, qui avait mission de
+parler au roi Jean. J'ai suffisamment fait connaître ce saint homme
+dans le présent ouvrage. Le second est un maréchal ferrant de Salon,
+qui avait mission de parler à Louis XIV; le troisième, un paysan de
+Gallardon, nommé Martin, qui avait mission de parler à Louis XVIII. On
+trouvera en appendice, des notices sur ce maréchal et sur ce
+laboureur, qui tous deux eurent des apparitions et montrèrent un signe
+au roi<a id="footnotetag74" name="footnotetag74"></a><a href="#footnote74" title="Lien vers la note 74"><span class="smaller">[74]</span></a>. Les ressemblances que ces trois hommes, malgré la
+contrariété des sexes, présentent avec Jeanne d'Arc sont intimes et
+profondes, elles tiennent à leur nature même; et les différences, qui
+semblent au premier aspect séparer si largement Jeanne de ces
+visionnaires, sont d'ordre esthétique, <span class="pagenum"><a id="pageXXXVII" name="pageXXXVII"></a>(p. XXXVII)</span> social,
+historique, par conséquent extérieures et contingentes. Sans doute il
+y a d'eux à elle contraste d'apparence et de fortune; ils présentent
+autant de disgrâce qu'elle exerce de charme et c'est un fait qu'ils
+échouèrent misérablement tandis qu'elle grandit en force et fleurit en
+légende. Mais c'est le propre de l'esprit scientifique de reconnaître
+dans le plus bel individu et dans le plus misérable avorton d'une même
+espèce des caractères communs, attestant l'identité d'origine.</p>
+
+<p>De notre temps, les libres penseurs, empreints pour la plupart de
+spiritualisme, se refusent à reconnaître en Jeanne non seulement cet
+automatisme qui détermine les actes d'une voyante comme elle, non
+seulement les influences d'une hallucination perpétuelle, mais
+jusqu'aux suggestions de l'esprit religieux. Ce qu'elle faisait par
+sainteté et dévotion, ils veulent qu'elle l'ait fait par enthousiasme
+raisonné. De telles dispositions se remarquent chez l'honnête et
+savant Quicherat qui met, à son insu, beaucoup de philosophie
+éclectique dans la piété de la Pucelle. Cette façon de voir ne fut pas
+sans inconvénients. Elle amena les historiens de libre pensée à
+exagérer jusqu'à l'absurde les facultés intellectuelles de cette
+enfant, à lui attribuer ridiculement des talents militaires et à
+substituer à la naïve merveille du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle un phénomène
+polytechnique. Les historiens catholiques de notre temps sont plus
+dans la nature et <span class="pagenum"><a id="pageXXXVIII" name="pageXXXVIII"></a>(p. XXXVIII)</span> dans la vérité quand ils font de la
+Pucelle une sainte. Par malheur, l'idée de la sainteté s'est beaucoup
+affadie dans l'Église depuis le concile de Trente, et les historiens
+orthodoxes sont peu disposés à rechercher les variations de l'Église
+catholique à travers les âges. Aussi nous la rendent-ils béate et
+moderne. Si bien que, pour trouver la plus étrangement travestie de
+toutes les Jeanne d'Arc, on hésiterait entre leur miraculeuse
+protectrice de la France chrétienne, patronne des officiers et des
+sous-officiers, modèle inimitable des élèves de Saint-Cyr, et la
+druidesse romantique, la garde nationale inspirée, la canonnière
+patriote des républicains, s'il ne s'était trouvé un Père jésuite pour
+faire une Jeanne d'Arc ultramontaine<a id="footnotetag75" name="footnotetag75"></a><a href="#footnote75" title="Lien vers la note 75"><span class="smaller">[75]</span></a>.</p>
+
+<p>Je n'ai pas soulevé de doutes sur la sincérité de <span class="pagenum"><a id="pageXXXIX" name="pageXXXIX"></a>(p. XXXIX)</span> Jeanne.
+On ne peut la soupçonner de mensonge: elle crut fermement recevoir sa
+mission de ses voix. Il est plus difficile de savoir si elle ne fut
+pas dirigée à son insu. Ce que nous connaissons d'elle avant son
+arrivée à Chinon se réduit à très peu de chose. On est porté à croire
+qu'elle avait subi certaines influences; c'est le cas de toutes les
+visionnaires: un directeur, qu'on ne voit pas, les mène. Il en dut
+être ainsi de Jeanne. On l'entendit qui disait, à Vaucouleurs, que le
+dauphin avait le royaume en <i>commende</i><a id="footnotetag76" name="footnotetag76"></a><a href="#footnote76" title="Lien vers la note 76"><span class="smaller">[76]</span></a>. Ce n'était pas les gens de
+son village qui lui avaient appris ce terme. Elle récitait une
+prophétie qu'elle n'avait pas inventée et qui, visiblement, avait été
+fabriquée pour elle.</p>
+
+<p>Elle dut fréquenter des prêtres fidèles à la cause du dauphin Charles
+et qui surtout souhaitaient la fin de la guerre. Les abbayes étaient
+incendiées, les églises pillées, le service divin aboli<a id="footnotetag77" name="footnotetag77"></a><a href="#footnote77" title="Lien vers la note 77"><span class="smaller">[77]</span></a>. Ces
+pieuses gens qui soupiraient après la paix, voyant que le traité de
+Troyes ne l'avait pu donner, l'attendaient seulement de l'expulsion
+des Anglais. Et ce qu'il y eut de rare, d'extraordinaire et comme
+d'ecclésiastique et de religieux en cette jeune paysanne, ce n'est pas
+qu'elle se <span class="pagenum"><a id="pageXL" name="pageXL"></a>(p. XL)</span> crût appelée à chevaucher et à guerroyer, c'est
+que dans «sa grande pitié», elle annonçât la fin prochaine de la
+guerre, par la victoire et le sacre du roi, alors que les seigneurs
+des deux pays et les gens d'armes des deux partis n'avaient ni soupçon
+ni désir que la guerre finît jamais.</p>
+
+<p>La mission dont elle se croyait chargée par l'ange et à laquelle elle
+consacrait sa vie, était extraordinaire, sans doute, étonnante,
+inouïe; mais non toutefois au-dessus de ce que des saints et des
+saintes avaient déjà tenté dans l'ordre des affaires humaines. Jeanne
+d'Arc fleurit au déclin des grands âges catholiques, alors que la
+sainteté, qui s'accompagnait volontiers de toutes sortes de
+bizarreries, d'illusions et de folies, était encore souverainement
+puissante sur les âmes. Et de quels miracles n était-elle pas capable
+quand elle agissait par la force du c&oelig;ur et par les grâces de
+l'esprit? Du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> au <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, les serviteurs de Dieu
+accomplissent des travaux merveilleux. Saint Dominique, pris d'une
+fureur sacrée, extermine l'hérésie par le fer et le feu; saint
+François d'Assise institue, pour un jour, la pauvreté sur le monde;
+saint Antoine de Padoue défend les artisans et les marchands contre
+l'avarice et la cruauté des seigneurs et des évêques; sainte Catherine
+ramène le Pape à Rome. Était-il donc impossible à une sainte fille,
+avec l'aide de Dieu, de <span class="pagenum"><a id="pageXLI" name="pageXLI"></a>(p. XLI)</span> rétablir dans le malheureux royaume
+de France le pouvoir royal institué par Notre-Seigneur lui-même et de
+faire sacrer le nouveau Joas échappé à la mort pour le salut du peuple
+saint?</p>
+
+<p>C'est ainsi que les Français pieux, en 1428, concevaient la mission de
+la Pucelle. Elle se donnait pour une dévote fille, inspirée de Dieu.
+Il n'y avait rien d'incroyable à cela. En annonçant qu'elle avait
+révélations de monseigneur saint Michel sur le fait de la guerre, elle
+inspirait aux gens d'armes armagnacs et aux bourgeois d'Orléans autant
+de confiance que pouvait en communiquer aux mobiles de la Loire, dans
+l'hiver de 1871, un ingénieur républicain, inventeur d'une poudre sans
+fumée ou d'un canon perfectionné. Ce qu'on attendait de la science en
+1871 on l'attendait de la religion en 1428, de sorte que le Bâtard
+d'Orléans put songer à employer Jeanne aussi naturellement que
+Gambetta pensa à recourir aux connaissances techniques de M. de
+Freycinet.</p>
+
+<p>Ce qu'on ne remarque pas assez, c'est que le parti français la mit en
+&oelig;uvre très adroitement. Les clercs de Poitiers, tout en l'examinant
+avec lenteur sur ses m&oelig;urs et sa foi, la faisaient valoir. Ces
+clercs de Poitiers n'étaient pas des religieux étrangers au monde,
+c'était le Parlement du roi légitime, c'étaient les exilés de
+l'Université, des hommes très engagés dans les <span class="pagenum"><a id="pageXLII" name="pageXLII"></a>(p. XLII)</span> affaires du
+royaume, très compromis dans les révolutions, dépouillés et ruinés, et
+fort impatients de rentrer dans leurs biens; et le plus habile homme
+du Conseil, l'archevêque duc de Reims, chancelier du royaume, les
+dirigeait. Par la durée et la solennité de leurs interrogatoires, ils
+attiraient sur Jeanne la curiosité, l'intérêt, l'espoir des âmes
+émerveillées<a id="footnotetag78" name="footnotetag78"></a><a href="#footnote78" title="Lien vers la note 78"><span class="smaller">[78]</span></a>.</p>
+
+<p>La ville d'Orléans avait, pour se défendre, des murs, des fossés, des
+canons, des gens d'armes et de l'argent. Les Anglais n'avaient pu ni
+l'enlever d'assaut ni l'investir. Entre leurs bastilles passaient des
+convois, des compagnies. On fit entrer Jeanne dans la ville avec une
+belle armée de secours. Elle amenait des troupeaux de b&oelig;ufs, de
+moutons et de porcs. Les habitants crurent recevoir un ange du
+Seigneur. Cependant les assiégeants étaient épuisés d'hommes et
+d'argent. Ils avaient perdu tous leurs chevaux. Loin de pouvoir tenter
+désormais une nouvelle attaque, ils n'avaient pas la force de tenir
+longtemps dans leurs bastilles. À la fin d'avril, il y avait quatre
+mille Anglais devant Orléans, et peut-être moins, car il s'en partait,
+comme on disait, tous les jours; et les déserteurs allaient par
+troupes <span class="pagenum"><a id="pageXLIII" name="pageXLIII"></a>(p. XLIII)</span> piller les villages. Dans le même temps, la ville
+était défendue par six mille gens d'armes et gens de trait et plus de
+trois mille hommes des milices bourgeoises. À Saint-Loup, il y eut
+quinze cents Français contre quatre cents Anglais; aux Tourelles, cinq
+mille Français contre quatre ou cinq cents Anglais. En se retirant,
+les Godons abandonnaient à leur sort les petites garnisons de Jargeau,
+de Meung et de Beaugency. On peut juger de l'état de l'armée anglaise
+par la bataille de Patay, qui ne fut point une bataille, mais un
+massacre, et où Jeanne n'arriva que pour gémir sur la cruauté des
+vainqueurs. Néanmoins, les lettres du roi aux bonnes villes lui
+attribuèrent une part de la victoire. C'était donc que le Conseil
+royal faisait étendard de sa sainte Pucelle.</p>
+
+<p>Au fond, que pensaient d'elle ceux qui l'employaient, les Regnault de
+Chartres, les Robert Le Maçon, les Gérard Machet? Sans doute, ils
+n'étaient pas en état de discerner l'origine des illusions dont elle
+était enveloppée. Et, bien qu'il se trouvât alors des athées parmi les
+gens d'Église, l'apparition de saint Michel archange n'était pas pour
+étonner la plupart d'entre eux. Rien alors ne paraissait plus naturel
+qu'un miracle. Mais de près les miracles ne se voient pas. Ils avaient
+cette jeune fille sous les yeux; ils s'apercevaient que, pour sainte
+et bonne qu'elle fût, elle n'exerçait point un pouvoir surhumain.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageXLIV" name="pageXLIV"></a>(p. XLIV)</span> Tandis que les gens d'armes et tout le commun peuple
+l'accueillaient comme la Pucelle de Dieu et l'ange envoyé du ciel pour
+le salut du royaume, ces bons seigneurs ne songeaient qu'à profiter
+des sentiments de confiance qu'elle inspirait et qu'ils ne
+partageaient guère. La voyant ignorante au possible et la jugeant,
+sans doute, moins intelligente qu'elle n'était, ils entendaient la
+conduire à leur idée. Ils durent bientôt s'apercevoir que ce n'était
+pas toujours facile. Elle était une sainte; les saintes sont
+intraitables. Quels furent au vrai les rapports du Conseil royal avec
+la Pucelle? Nous l'ignorons et c'est un secret qui ne sera jamais
+pénétré. Les juges de Rouen croyaient savoir qu'elle recevait des
+lettres de saint Michel<a id="footnotetag79" name="footnotetag79"></a><a href="#footnote79" title="Lien vers la note 79"><span class="smaller">[79]</span></a>. Il est possible qu'on ait abusé
+quelquefois de sa simplicité. Nous avons des raisons de croire que la
+marche sur Reims ne lui fut pas suggérée en France; mais il est
+certain que le chancelier du royaume, messire Regnault de Chartres,
+archevêque de Reims, avait grande envie d'être rétabli sur le siège du
+bienheureux Remi et de jouir de ses bénéfices.</p>
+
+<p>Dans le fait, cette campagne du sacre ne fut qu'une suite de
+négociations appuyées par des lances. On voulut montrer aux bonnes
+villes un roi saint et pacifique. <span class="pagenum"><a id="pageXLV" name="pageXLV"></a>(p. XLV)</span> Si l'on avait eu envie de
+se battre, on serait allé sur Paris ou en Normandie.</p>
+
+<p>Cinq ou six témoins, capitaines, magistrats, ecclésiastiques et une
+honnête veuve déposèrent à l'enquête de 1456 que Jeanne était entendue
+au fait de guerre. Ils s'accordèrent à dire qu'elle montait à cheval
+et maniait la lance mieux que personne. Un maître des requêtes révéla
+qu'elle émerveillait l'armée par la longueur du temps qu'elle pouvait
+rester en selle. Ce sont là des mérites qu'on ne saurait lui refuser
+et l'on ne contestera pas non plus cette diligence, cette ardeur, que
+Dunois vante en elle à l'occasion d'une démonstration faite, la nuit,
+devant Troyes. Quant à l'opinion, que cette jeune fille était très
+habile à rassembler et à conduire une armée et s'entendait surtout à
+diriger l'artillerie, elle est plus difficile à partager et il en
+faudrait un autre garant que ce pauvre duc d'Alençon qui ne passa
+jamais pour un homme raisonnable<a id="footnotetag80" name="footnotetag80"></a><a href="#footnote80" title="Lien vers la note 80"><span class="smaller">[80]</span></a>. Ce que nous venons de dire du
+procès de réhabilitation fait suffisamment comprendre ces étranges
+appréciations. Il était entendu que Jeanne recevait de Dieu ses
+inspirations militaires. On ne craignait plus dès lors de les admirer
+trop et on les vantait un peu à tort et à travers.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageXLVI" name="pageXLVI"></a>(p. XLVI)</span> Le duc d'Alençon fut après tout bien modéré en faisant de la
+Pucelle un artilleur distingué. Dès l'année 1429 un humaniste du parti
+de Charles VII disait dans la langue de Cicéron qu'elle égalait et
+surpassait, pour la gloire des armes, Hector, Alexandre, Hannibal et
+César. «<i>Non Hectore reminiscat et gaudeat Troja, exultet Graecia
+Alexandro, Annibale Africa, Italia Caesare et Romanis ducibus omnibus
+glorietur, Gallia etsi ex pristinis multos habeat, hac tamen una
+Puella contenta, audebit se gloriari et laude bellica caeteris
+nationibus se comparare, verum quoque, si expediet, se
+anteponere</i><a id="footnotetag81" name="footnotetag81"></a><a href="#footnote81" title="Lien vers la note 81"><span class="smaller">[81]</span></a>.»</p>
+
+<p>Jeanne, toujours en prières et en extase, n'observait pas l'ennemi,
+elle ne connaissait pas les chemins, elle ne tenait aucun compte des
+effectifs engagés, ne se souciait ni de la hauteur des murs ni de la
+largeur des fossés. On entend aujourd'hui des officiers discuter le
+génie tactique de la Pucelle<a id="footnotetag82" name="footnotetag82"></a><a href="#footnote82" title="Lien vers la note 82"><span class="smaller">[82]</span></a>. Elle n'avait qu'une tactique,
+c'était d'empêcher les hommes de blasphémer le Seigneur et de mener
+avec eux des ribaudes; elle croyait qu'ils seraient détruits pour
+leurs péchés mais que, s'ils combattaient en état de grâce, ils
+auraient <span class="pagenum"><a id="pageXLVII" name="pageXLVII"></a>(p. XLVII)</span> la victoire. C'était là toute sa science
+militaire, hors toutefois qu'elle ne craignait pas le danger. Elle
+montrait le plus doux et le plus fier courage; elle était plus
+vaillante, plus constante, plus généreuse que les hommes et digne en
+cela de les conduire. Et n'est-ce pas une chose admirable et rare que
+de voir tant d'héroïsme uni à tant d'innocence?</p>
+
+<p>À vrai dire, certains chefs et notamment les princes du sang royal
+n'en savaient pas beaucoup plus qu'elle. Pour faire la guerre, en ce
+temps-là, il suffisait de monter à cheval. Il n'existait point de
+cartes. On n'avait nulle idée de marches sur plusieurs lignes,
+d'opérations d'ensemble, d'une campagne méthodiquement combinée, d'un
+effort prolongé en vue de grands résultats. L'art militaire se
+réduisait à quelques ruses de paysans et à certaines règles de
+chevalerie. Les routiers, partisans et capitaines d'aventure, savaient
+tous les tours du métier; mais ils ne connaissaient ni amis ni ennemis
+et n'avaient de c&oelig;ur qu'à piller. Les nobles montraient grand
+vouloir d'acquérir honneur et louange; en fait, ils songeaient au
+gain. Alain Chartier disait d'eux: «Ils crient aux armes, mais ils
+courent à l'argent<a id="footnotetag83" name="footnotetag83"></a><a href="#footnote83" title="Lien vers la note 83"><span class="smaller">[83]</span></a>.»</p>
+
+<p>La guerre devant durer autant que la vie, on la menait doucement. Les
+gens d'armes, cavaliers et piétons, <span class="pagenum"><a id="pageXLVIII" name="pageXLVIII"></a>(p. XLVIII)</span> archers,
+arbalétriers, tant Armagnacs qu'Anglais et Bourguignons se battaient
+sans beaucoup d'ardeur. Ils étaient braves assurément; ils étaient
+prudents aussi et l'avouaient sans nulle honte. Jean Chartier, chantre
+de Saint-Denys, chroniqueur des rois de France, conte comment les
+Français rencontrèrent une fois les Anglais près de Lagny et il
+ajoute: «Et y ot très dure et aspre besongne, car les François
+n'estoient guères plus que les Englois<a id="footnotetag84" name="footnotetag84"></a><a href="#footnote84" title="Lien vers la note 84"><span class="smaller">[84]</span></a>.» Ces gens simples
+avouaient qu'il est chanceux de se battre un contre un, attendu qu'un
+homme en vaut un autre. Ce n'étaient pas des esprits nourris de
+Plutarque comme les hommes de la Révolution et de l'Empire. Et ils
+n'avaient pour leur hausser le c&oelig;ur ni les carmagnoles de Barrère,
+ni les hymnes de Marie-Joseph Chénier, ni les bulletins de la grande
+armée. On se demande bonnement pourquoi ces capitaines, ces gens
+d'armes allaient se battre ici plutôt que là? Pour trouver à manger.</p>
+
+<p>Ces guerres perpétuelles étaient peu meurtrières. Durant ce qu'on
+appela la mission de Jeanne d'Arc, d'Orléans à Compiègne, les Français
+perdirent à peine quelques centaines d'hommes. Les Anglais furent
+beaucoup plus abîmés, parce qu'ils fuyaient et que c'était l'habitude
+des vainqueurs de tuer dans les déroutes <span class="pagenum"><a id="pageXLIX" name="pageXLIX"></a>(p. XLIX)</span> tout ce qui ne
+valait pas la peine d'être pris à rançon. Mais les batailles étaient
+rares, partant les défaites, et le nombre des combattants petit. Il
+n'y avait en France qu'une poignée d'Anglais. On ne se battait, autant
+dire, que pour piller. Ceux qui souffraient de la guerre, c'étaient
+ceux qui ne la faisaient pas, les bourgeois, les religieux, les
+paysans. Les paysans enduraient les maux les plus cruels, et il est
+concevable qu'une paysanne ait tenu la campagne avec une fermeté, une
+obstination, une ardeur inconnues à toute la chevalerie.</p>
+
+<p>Ce n'est pas Jeanne qui a chassé les Anglais de France; si elle a
+contribué à sauver Orléans, elle a plutôt retardé la délivrance en
+faisant manquer, par la marche du Sacre, l'occasion de recouvrer la
+Normandie. La mauvaise fortune des Anglais à partir de 1428 s'explique
+très naturellement: tandis que dans la paisible Guyenne, où ils
+faisaient la culture, le négoce, la navigation et administraient
+habilement les finances, le pays, qu'ils rendaient prospère, leur
+était très attaché; au contraire, sur les bords de la Seine et de la
+Loire, ils ne prenaient pas pied; ils n'avaient jamais pu s'y
+implanter, y mettre du monde en suffisance, y faire de solides
+établissements. Enfermés dans les forteresses et les châteaux, ils ne
+cultivaient pas assez le sol pour le conquérir: car on ne s'empare
+vraiment de la terre que par le labour; ils la laissaient <span class="pagenum"><a id="pageL" name="pageL"></a>(p. L)</span> en
+friche et l'abandonnaient aux partisans qui les harcelaient et les
+épuisaient. Leurs garnisons ridiculement petites se trouvaient
+prisonnières dans le pays de conquête. Ils avaient les dents longues;
+mais un brochet n'avale pas un b&oelig;uf. On avait bien vu après Crécy,
+après Poitiers, qu'ils étaient trop petits et la France trop grande.
+Pouvaient-ils mieux réussir après Verneuil, sous le règne troublé d'un
+enfant, au milieu des discordes civiles, manquant d'hommes et d'argent
+et quand il leur fallait encore contenir le pays de Galles, l'Irlande
+et l'Écosse? En 1428, ils n'étaient qu'une poignée en France et ne s'y
+maintenaient que par le duc de Bourgogne qui dès lors les exécrait et
+leur voulait tout le mal possible.</p>
+
+<p>Les moyens leur manquaient également et de prendre de nouvelles
+provinces et de pacifier celles qu'ils avaient prises. Le caractère
+même de la souveraineté que revendiquaient leurs princes, la nature
+des droits qu'ils faisaient valoir et qui reposaient entièrement sur
+les institutions communes aux deux pays leur rendaient difficile
+l'organisation de leur conquête sans le consentement et même, on peut
+le dire, sans le concours loyal et l'amitié des vaincus. Le traité de
+Troyes ne soumettait pas la France à l'Angleterre; il les réunissait
+l'une à l'autre. Cette réunion inspirait bien des inquiétudes à
+Londres; les gens des communes laissaient voir la crainte que la
+vieille Angleterre ne <span class="pagenum"><a id="pageLI" name="pageLI"></a>(p. LI)</span> devînt qu'une province écartée du
+nouveau royaume<a id="footnotetag85" name="footnotetag85"></a><a href="#footnote85" title="Lien vers la note 85"><span class="smaller">[85]</span></a>. De son côté la France ne se sentait pas réunie.
+Il était trop tard. Depuis le temps qu'on guerroyait contre ces Coués
+l'habitude était prise de les haïr. Et peut-être y avait-il déjà un
+caractère anglais et un caractère français qui ne s'accordaient pas.
+Même à Paris, où les Armagnacs faisaient autant de peur que les
+Sarrasins, on supportait les Godons avec grand déplaisir. Ce dont on
+peut être surpris, ce n'est pas que les Anglais aient été chassés de
+France, c'est qu'ils l'aient été si lentement. Est-ce à dire que la
+jeune sainte n'eut point de part dans l'&oelig;uvre de la délivrance?
+Non, certes! Elle eut la part la plus belle: celle du sacrifice; elle
+donna l'exemple du plus haut courage et montra l'héroïsme sous une
+forme imprévue et charmante. La cause du roi, qui était en vérité la
+cause nationale, elle la servit de deux manières: en donnant confiance
+aux gens d'armes de son parti, qui la croyaient chanceuse, et en
+faisant peur aux Anglais qui s'imaginaient qu'elle était le diable.</p>
+
+<p>Nos meilleurs archivistes ne pardonnent pas aux ministres et aux
+capitaines de 1428 de n'avoir pas <span class="pagenum"><a id="pageLII" name="pageLII"></a>(p. LII)</span> aveuglément obéi à la
+Pucelle. Ce n'est point tout à fait le conseil que l'archevêque
+d'Embrun donnait, sur le moment, au roi Charles; il lui recommandait
+au contraire de ne point se départir des moyens inspirés par la
+prudence humaine<a id="footnotetag86" name="footnotetag86"></a><a href="#footnote86" title="Lien vers la note 86"><span class="smaller">[86]</span></a>.</p>
+
+<p>On a beaucoup répété que les seigneurs et capitaines, particulièrement
+le vieux Gaucourt<a id="footnotetag87" name="footnotetag87"></a><a href="#footnote87" title="Lien vers la note 87"><span class="smaller">[87]</span></a>, étaient jaloux d'elle. Il faut, pour le croire,
+ignorer profondément la nature humaine. Ils étaient envieux les uns
+des autres, et c'est cette envie, au contraire, qui, mieux que tout
+autre sentiment, leur fit souffrir que la Pucelle se dît chef de
+guerre.</p>
+
+<p>J'avoue qu'il m'a été impossible de découvrir les sourdes intrigues
+des conseillers du roi et des capitaines conjurés pour perdre la
+sainte. Elles éclatent aux yeux de plusieurs historiens; pour moi,
+j'ai beau faire: je ne les discerne pas. Le chambellan, sire de la
+Trémouille, n'était pas une belle âme et le chancelier Regnault de
+Chartres avait le c&oelig;ur très sec; mais ce qui m'apparaît, c'est que
+le sire de la Trémouille refusa de céder cette précieuse fille au duc
+d'Alençon qui la lui demandait et que le chancelier la garda pour s'en
+servir. Je ne crois pas du tout que <span class="pagenum"><a id="pageLIII" name="pageLIII"></a>(p. LIII)</span> Jeanne fut prisonnière
+à Sully; je crois qu'elle en sortit avec bannière et trompettes quand
+elle alla rejoindre le chancelier qui l'employa jusqu'au moment où
+elle fut prise par les Bourguignons. Après la petite sainte, il mit en
+&oelig;uvre un petit saint, un berger, qui avait reçu les stigmates.
+C'est donc qu'il ne regrettait pas de s'être servi d'une personne de
+dévotion pour combattre les ennemis du roi et recouvrer son
+archevêché.</p>
+
+<p>L'honnête Quicherat et le généreux Henri Martin sont très durs pour le
+gouvernement de 1428. À leur sens, c'est un gouvernement de trahison.
+En fait, ce qu'ils reprochent à Charles VII et à ses conseillers c'est
+de n'avoir pas compris la Pucelle comme ils la comprennent eux-mêmes.
+Mais il a fallu quatre cents ans pour cela. Pour avoir sur Jeanne
+d'Arc les illuminations d'un Quicherat et d'un Henri Martin, il a
+fallu trois siècles de monarchie absolue, la Réforme, la Révolution,
+les guerres de la République et de l'Empire, et le néo-catholicisme
+sentimental des hommes de 48. C'est à travers tant de prismes
+brillants, sous tant de teintes superposées que les historiens
+romantiques et les paléographes généreux ont découvert la figure de
+Jeanne d'Arc, et c'est trop demander à ce pauvre dauphin Charles, à La
+Trémouille, à Regnault de Chartres, au seigneur de Trêves, au vieux
+Gaucourt, que de <span class="pagenum"><a id="pageLIV" name="pageLIV"></a>(p. LIV)</span> vouloir qu'ils aient vu Jeanne telle que
+les siècles l'ont faite et achevée<a id="footnotetag88" name="footnotetag88"></a><a href="#footnote88" title="Lien vers la note 88"><span class="smaller">[88]</span></a>.</p>
+
+<p>Il reste toutefois ceci, que le Conseil royal, après avoir tant usé
+d'elle, ne fit rien pour la sauver.</p>
+
+<p>La honte de cette abstention doit-elle retomber sur le Conseil tout
+entier et sur le Conseil seul? Qui donc, au juste, devait intervenir?
+Et comment? Que devait faire le roi Charles? Offrir de racheter la
+Pucelle? On ne la lui aurait cédée à aucun prix. Quant à la ravoir par
+la force, c'était un rêve d'enfant. Seraient-ils entrés à Rouen, les
+Français ne l'y auraient point trouvée: Warwick aurait toujours eu le
+temps de la mettre en sûreté ou de la noyer dans la rivière. Pour la
+reprendre, ni l'argent ni les armes ne valaient rien. Ce n'est point à
+dire qu'on dût se croiser les bras. On pouvait agir sur ceux qui
+faisaient le procès. Sans doute ils étaient tous, ceux-là, du parti
+des Godons; ce vieux cabochien de Pierre Cauchon s'y trouvait surtout
+très engagé; il exécrait les Français; les clercs de l'obéissance de
+Henri VI étaient naturellement enclins à plaire au grand conseil
+d'Angleterre d'où coulaient les bénéfices; les docteurs et maîtres de
+l'Université de Paris avaient grand'peur et grande haine des
+Armagnacs; <span class="pagenum"><a id="pageLV" name="pageLV"></a>(p. LV)</span> pourtant les juges du procès n'étaient pas tous
+des prévaricateurs infâmes; le chapitre de Rouen ne manquait ni de
+courage ni d'indépendance<a id="footnotetag89" name="footnotetag89"></a><a href="#footnote89" title="Lien vers la note 89"><span class="smaller">[89]</span></a>; il y avait parmi les universitaires, si
+violents contre Jeanne, des hommes estimés pour la doctrine et le
+caractère; ils pensaient, la plupart, procéder vraiment en matière de
+foi; à force de rechercher les sorcières, ils en voyaient partout; ils
+faisaient brûler de ces femelles, comme ils disaient, tous les jours,
+et n'en recevaient que des compliments; autant que Jeanne, ils
+croyaient à la possibilité des apparitions dont elle se disait
+favorisée, seulement ils étaient persuadés ou qu'elle mentait ou
+qu'elle voyait des diables; l'évêque, le vice-inquisiteur et les
+assesseurs, au nombre de plus de quarante, furent unanimes à la
+déclarer hérétique et diabolique. Plusieurs sans doute s'imaginaient,
+par leur sentence, maintenir, contre les fauteurs du schisme et de
+l'hérésie, l'orthodoxie catholique et l'unité d'obédience; ils
+voulaient bien juger. Et même les plus scélérats et les plus
+audacieux, l'évêque et le promoteur, n'auraient pas osé, pour
+contenter les Anglais, enfreindre trop ouvertement les règles de la
+justice ecclésiastique. C'étaient des prêtres; ils en avaient
+<span class="pagenum"><a id="pageLVI" name="pageLVI"></a>(p. LVI)</span> l'orgueil et le respect des formes. Par les formes on
+pouvait les atteindre; on pouvait, au moyen d'une vigoureuse
+procédure, contrarier, arrêter, peut-être, la leur et prévenir la
+sentence funeste. Si l'archevêque de Reims, métropolitain de l'évêque
+de Beauvais, était intervenu dans le procès, s'il avait suspendu son
+suffragant pour abus ou pour toute autre cause, Pierre Cauchon aurait
+été fort embarrassé; si, comme il se décida à le faire plus tard, le
+roi Charles VII avait fait intervenir la mère et les frères de la
+Pucelle; si Jacques d'Arc et la Romée avaient protesté dans les formes
+contre une action judiciaire d'une partialité manifeste; si le
+registre de Poitiers<a id="footnotetag90" name="footnotetag90"></a><a href="#footnote90" title="Lien vers la note 90"><span class="smaller">[90]</span></a> avait été versé au dossier; si les plus hauts
+prélats de l'obéissance de Charles VII avaient demandé un sauf-conduit
+pour venir témoigner à Rouen, en faveur de Jeanne; si enfin le roi,
+son conseil et toute l'Église de France avaient réclamé l'appel au
+pape et au Concile, qui était de droit, le procès pouvait prendre une
+autre issue.</p>
+
+<p>Mais on eut peur de l'Université de Paris. On craignit que vraiment
+Jeanne, comme tant de savants docteurs le soutenaient, ne fût
+hérétique, mal croyante, séduite par le prince des ténèbres. Satan se
+transforme en <span class="pagenum"><a id="pageLVII" name="pageLVII"></a>(p. LVII)</span> ange de lumière et il est difficile de
+discerner les faux prophètes des vrais. La malheureuse Pucelle fut
+abandonnée par le clergé dont les croix naguère marchaient devant
+elle; entre tous les maîtres de Poitiers il ne s'en trouva pas un seul
+pour s'offrir à témoigner dans le château de Rouen de cette innocence
+qu'ils avaient reconnue doctoralement dix-huit mois auparavant.</p>
+
+<p>Il y aurait grand intérêt à suivre la mémoire de la Pucelle à travers
+les âges. Mais ce serait tout un livre. J'indiquerai seulement les
+révolutions les plus étonnantes du sentiment public à son sujet. Les
+humanistes de la Renaissance ne s'intéressèrent pas beaucoup à elle:
+elle était trop gothique pour eux. Les réformés, qui trouvaient
+qu'elle sentait l'idolâtrie, ne pouvaient la voir en peinture<a id="footnotetag91" name="footnotetag91"></a><a href="#footnote91" title="Lien vers la note 91"><span class="smaller">[91]</span></a>.
+Chose qui semble étrange aujourd'hui, mais qui n'en est pas moins
+certaine et conforme à tout ce que nous savons des sentiments des
+Français pour leurs rois, ce fut la mémoire de Charles VII qui, sous
+la monarchie, soutint et sauva la mémoire de Jeanne d'Arc<a id="footnotetag92" name="footnotetag92"></a><a href="#footnote92" title="Lien vers la note 92"><span class="smaller">[92]</span></a>. Le
+respect dû au prince empêcha le plus <span class="pagenum"><a id="pageLVIII" name="pageLVIII"></a>(p. LVIII)</span> souvent ses sujets
+fidèles de soumettre à une critique trop sévère les légendes de Jeanne
+ainsi que celles de la Sainte Ampoule, de la guérison des écrouelles,
+de l'oriflamme et toutes autres traditions populaires relatives aux
+antiquités et illustrations de la maison de France. Quand, en 1609,
+dans un collège de Paris, la Pucelle fut le sujet d'exercices
+littéraires où elle était traitée sans faveur<a id="footnotetag93" name="footnotetag93"></a><a href="#footnote93" title="Lien vers la note 93"><span class="smaller">[93]</span></a>, un homme de robe,
+Jean Hordal, qui se glorifiait d'être du sang de l'héroïne, se
+plaignit de ces disputes d'école comme d'une offense à la majesté
+royale. «Je m'estonne grandement, dit-il, qu'en France... on tolère
+que publiquement déclamations se fassent contre l'honneur de la
+France, du roi Charles VII et de son Conseil<a id="footnotetag94" name="footnotetag94"></a><a href="#footnote94" title="Lien vers la note 94"><span class="smaller">[94]</span></a>.» Si Jeanne n'avait
+pas appartenu si étroitement à la royauté, son souvenir eût été fort
+négligé par les beaux esprits du <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> siècle. Ses apparitions lui
+faisaient du tort auprès des savants qui, protestants et catholiques,
+traitaient la vie de sainte Marguerite de cafarderie<a id="footnotetag95" name="footnotetag95"></a><a href="#footnote95" title="Lien vers la note 95"><span class="smaller">[95]</span></a>. Alors les
+Sorbonagres <span class="pagenum"><a id="pageLIX" name="pageLIX"></a>(p. LIX)</span> eux-mêmes retranchaient beaucoup sur le
+martyrologe et les légendes des saints. Un de ceux-là, Edmond Richer,
+champenois comme Jeanne, censeur de l'Université en 1600, et zélé
+gallican, composa un livre apologétique sur celle qui avait soutenu de
+son épée la couronne de Charles VII<a id="footnotetag96" name="footnotetag96"></a><a href="#footnote96" title="Lien vers la note 96"><span class="smaller">[96]</span></a>. Bien qu'attaché aux libertés
+de l'église de France, Edmond Richer était bon catholique. Il avait de
+la doctrine et de la piété; il croyait fermement aux anges, mais il ne
+croyait ni à sainte Catherine ni à sainte Marguerite, et leur
+apparition à la Pucelle l'embarrassait beaucoup. Il se tira de cette
+difficulté en supposant que des anges s'étaient donnés à la jeune
+fille pour les deux saintes à qui, dans son ignorance, elle avait une
+grande dévotion. L'hypothèse lui parut satisfaisante, «d'autant,
+disait-il, que l'Esprit de Dieu, qui gouverne l'Église, s'accommode à
+notre infirmité». Trente ou quarante ans plus tard, un autre docteur
+en Sorbonne, Jean de Launoy, le dénicheur de saints, acheva de ruiner
+la légende de sainte Catherine<a id="footnotetag97" name="footnotetag97"></a><a href="#footnote97" title="Lien vers la note 97"><span class="smaller">[97]</span></a>. Les voix de Domremy devenaient
+terriblement suspectes.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLX" name="pageLX"></a>(p. LX)</span> Regardez Chapelain, dont le poème fut publié pour la première
+fois en 1656. Chapelain est burlesque avec gravité; c'est un Scarron
+sans le savoir. Nous n'en avons pas moins profit à apprendre de lui
+qu'il n'a vu dans son sujet qu'une occasion de célébrer le Bâtard
+d'Orléans. Il dit expressivement en sa préface: «Je ne l'ai pas tant
+regardée [la Pucelle] comme le principal héros du poème, qui à
+proprement parler est le comte de Dunois.» Chapelain était aux gages
+du duc de Longueville, descendant de Dunois<a id="footnotetag98" name="footnotetag98"></a><a href="#footnote98" title="Lien vers la note 98"><span class="smaller">[98]</span></a>; c'est Dunois qu'il
+chante; «l'illustre bergère» vient lui fournir à propos le
+merveilleux, et selon l'expression du bonhomme, les machines
+nécessaires à l'épopée. Les saintes Catherine et Marguerite, trop
+vulgaires, sont exclues de ces machines. Chapelain nous avertit qu'il
+prit un soin particulier de conduire son poème «de telle sorte que
+tout ce qu'il y fait faire par la puissance divine s'y puisse croire
+fait par la seule force humaine élevée au plus haut point où la nature
+est capable de monter». On voit poindre ici l'esprit moderne.</p>
+
+<p>Bossuet aussi se garde bien de parler de sainte Catherine et de sainte
+Marguerite. Les quatre ou cinq pages in-4<sup>o</sup> qu'il consacre à Jeanne
+d'Arc dans son <i>Abrégé de <span class="pagenum"><a id="pageLXI" name="pageLXI"></a>(p. LXI)</span> l'Histoire de France pour
+l'instruction du Dauphin</i><a id="footnotetag99" name="footnotetag99"></a><a href="#footnote99" title="Lien vers la note 99"><span class="smaller">[99]</span></a> sont bien curieuses, non pour l'exposé
+des faits qui y est inexact et confus<a id="footnotetag100" name="footnotetag100"></a><a href="#footnote100" title="Lien vers la note 100"><span class="smaller">[100]</span></a>, mais par le soin que prend
+l'auteur de ne présenter que d'une manière incidente et dubitative les
+faits miraculeux attribués à la Pucelle. Au sentiment de Bossuet,
+comme à celui de Jean Gerson, ces choses sont d'édification, non de
+foi. Bossuet qui écrit pour l'instruction d'un prince est tenu à
+beaucoup abréger; mais il abrège trop quand, présentant la
+condamnation de Jeanne comme l'&oelig;uvre de l'évêque de Beauvais, il
+oublie de dire que l'évêque de Beauvais rendit cette sentence sur
+l'avis unanime de l'Université de Paris et conjointement avec le
+vice-inquisiteur<a id="footnotetag101" name="footnotetag101"></a><a href="#footnote101" title="Lien vers la note 101"><span class="smaller">[101]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLXII" name="pageLXII"></a>(p. LXII)</span> Les philosophes ne sont pas tombés en France, au <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup>
+siècle, comme une pluie de sauterelles: ils sortaient de deux siècles
+d'esprit critique. S'ils trouvaient dans l'histoire de Jeanne d'Arc
+plus de capucinades que leur goût n'en souffrait, c'est qu'ils avaient
+été instruits dans l'histoire ecclésiastique par les Baillet et les
+Tillemont, hommes pieux, sans doute, mais grands destructeurs de
+légendes. Voltaire railla sur Jeanne les moines fripons et leurs
+dupes. Si l'on rappelle les petits vers de <i>la Pucelle</i>, pourquoi ne
+pas rappeler aussi l'article<a id="footnotetag102" name="footnotetag102"></a><a href="#footnote102" title="Lien vers la note 102"><span class="smaller">[102]</span></a> du <i>Dictionnaire Philosophique</i>, qui
+renferme en trois pages plus de vérités solides et de pensées
+généreuses que certains gros ouvrages modernes où Voltaire est insulté
+en jargon de sacristie?</p>
+
+<p>C'est précisément à la fin du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> siècle que Jeanne commença à
+être mieux connue et plus justement estimée, d'abord par le petit
+livre que l'abbé Lenglet du Fresnoy tira presque en entier de
+l'histoire inédite <span class="pagenum"><a id="pageLXIII" name="pageLXIII"></a>(p. LXIII)</span> du vieux Richer<a id="footnotetag103" name="footnotetag103"></a><a href="#footnote103" title="Lien vers la note 103"><span class="smaller">[103]</span></a>, puis par les
+savantes recherches de L'Averdy sur les deux procès<a id="footnotetag104" name="footnotetag104"></a><a href="#footnote104" title="Lien vers la note 104"><span class="smaller">[104]</span></a>.</p>
+
+<p>Toutefois l'humanisme et après l'humanisme la réforme, après la
+réforme le cartésianisme, après le cartésianisme la philosophie
+expérimentale, avaient détruit dans l'élite des esprits les vieilles
+crédulités; le rosier des légendes gothiques, quand vint la
+révolution, était depuis longtemps défleuri. Il semblait que la gloire
+de Jeanne d'Arc, liée si étroitement aux traditions de la maison de
+France, ne pût survivre à la monarchie et que la tempête qui dissipa
+les cendres royales de Saint-Denys et le trésor de Reims dût emporter
+aussi les frêles reliques et les images pieuses de la Sainte des
+Valois. Le nouveau régime en effet refusa d'honorer une mémoire
+inséparable de la royauté et de la religion; la fête orléanaise de
+Jeanne d'Arc, dépouillée en 1791 des pompes de l'Église, fut cessée en
+93. Alors l'histoire de la Pucelle paraissait un peu <span class="pagenum"><a id="pageLXIV" name="pageLXIV"></a>(p. LXIV)</span> trop
+gothique aux émigrés eux-mêmes: Chateaubriand, n'osa pas l'introduire
+dans son <i>Génie du Christianisme</i><a id="footnotetag105" name="footnotetag105"></a><a href="#footnote105" title="Lien vers la note 105"><span class="smaller">[105]</span></a>.</p>
+
+<p>Mais le premier Consul, qui venait de conclure le Concordat et
+songeait à restaurer les ornements du sacre, fit rétablir, en l'an XI,
+les fêtes de la Pucelle et y rappela l'encens et les croix. Célébrée
+jadis dans les lettres de Charles VII à ses bonnes villes, Jeanne fut
+exaltée dans le <i>Moniteur</i> par Bonaparte<a id="footnotetag106" name="footnotetag106"></a><a href="#footnote106" title="Lien vers la note 106"><span class="smaller">[106]</span></a>.</p>
+
+<p>Les figures de la poésie et de l'histoire ne vivent dans la pensée des
+peuples qu'à la condition de se transformer sans cesse. La foule
+humaine ne saurait s'intéresser à un personnage des vieux âges si elle
+ne lui prêtait pas ses propres sentiments et ses propres passions.
+Après avoir été associée à la monarchie de droit divin, la mémoire de
+Jeanne d'Arc fut rattachée à l'unité nationale que cette monarchie
+avait préparée; elle devint, dans la France impériale et républicaine,
+le symbole de la patrie. Certes, la fille d'Isabelle Romée n'avait pas
+plus l'idée de la patrie telle qu'on la conçoit <span class="pagenum"><a id="pageLXV" name="pageLXV"></a>(p. LXV)</span> aujourd'hui,
+qu'elle n'avait l'idée de la propriété foncière qui en est la base;
+elle ne se figurait rien de semblable à ce que nous appelons la
+nation; c'est une chose toute moderne; mais elle se figurait
+l'héritage des rois et le domaine de la Maison de France. Et c'est
+bien là tout de même, dans ce domaine et dans cet héritage, que les
+Français se réunirent avant de se réunir dans la patrie.</p>
+
+<p>Sous des influences qu'il nous est impossible d'indiquer précisément,
+la pensée lui vint de rétablir le dauphin dans son héritage, et cette
+pensée lui parut si grande et si belle, que, dans la simplicité de son
+naïf et candide orgueil, elle crut que c'était des anges et des
+saintes du Paradis qui la lui avaient apportée. Pour cette pensée elle
+donna sa vie. C'est par là qu'elle survit à sa cause. Les plus hautes
+entreprises périssent dans leur défaite et, plus sûrement encore, dans
+leur victoire. Le dévouement qui les inspira demeure en immortel
+exemple. Et, si l'illusion qui enveloppait ses sens la soutint, l'aida
+à s'offrir tout entière, cette illusion ne fut-elle pas à son insu
+l'ouvrage de son c&oelig;ur? Sa folie fut plus sage que la sagesse, car
+ce fut la folie du martyre, sans laquelle les hommes n'ont encore rien
+fondé de grand et d'utile dans le monde. Cités, empires, républiques,
+reposent sur le sacrifice. Ce n'est donc ni sans raison ni sans
+justice <span class="pagenum"><a id="pageLXVI" name="pageLXVI"></a>(p. LXVI)</span> que, transformée par les imaginations
+enthousiastes, elle devint le symbole de la patrie armée.</p>
+
+<p>Le Brun de Charmettes<a id="footnotetag107" name="footnotetag107"></a><a href="#footnote107" title="Lien vers la note 107"><span class="smaller">[107]</span></a>, royaliste jaloux des gloires impériales,
+composa en 1817, avec talent, la première histoire patriotique de
+Jeanne d'Arc, qui devait être suivie de tant d'autres, conçues dans le
+même esprit, tracées sur le même plan, écrites dans le même style. De
+1841 à 1849, Jules Quicherat, en publiant les deux procès et les
+témoignages, ouvrit dignement une époque incomparable de recherches et
+de découvertes. Au même moment, Michelet écrivit dans le cinquième
+tome de son <i>Histoire de France</i> des pages rapides et colorées, qui
+resteront sans doute comme la plus belle expression de l'art
+romantique appliqué à la Pucelle<a id="footnotetag108" name="footnotetag108"></a><a href="#footnote108" title="Lien vers la note 108"><span class="smaller">[108]</span></a>.</p>
+
+<p>Mais, de toutes les histoires écrites de 1817 à 1870, ou du moins de
+toutes celles que j'ai pu connaître, car je ne me suis pas attaché à
+les lire toutes, la plus sagace, à mon avis, est celle qui forme le
+livre IV de l'<i>Histoire de Charles VII</i>, par Vallet de Viriville, dans
+laquelle se montre le souci de rattacher la Pucelle au groupe de
+visionnaires auquel elle appartient réellement<a id="footnotetag109" name="footnotetag109"></a><a href="#footnote109" title="Lien vers la note 109"><span class="smaller">[109]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLXVII" name="pageLXVII"></a>(p. LXVII)</span> Le livre de Wallon a été très répandu, sinon très lu; il
+doit sa fortune à son exactitude confessionnelle<a id="footnotetag110" name="footnotetag110"></a><a href="#footnote110" title="Lien vers la note 110"><span class="smaller">[110]</span></a>. C'est une
+&oelig;uvre consciencieuse, morne et d'un fanatisme modéré. Puisqu'il
+fallait une <i>Jeanne d'Arc</i> orthodoxe à l'usage des gens du monde,
+celle de M. Marius Sepet avait, pour remplir cet office, autant
+d'exactitude et plus de grâce<a id="footnotetag111" name="footnotetag111"></a><a href="#footnote111" title="Lien vers la note 111"><span class="smaller">[111]</span></a>.</p>
+
+<p>Après la guerre de 1871, sous la double influence de l'esprit
+patriotique, exalté par la défaite, et du sentiment catholique
+renaissant dans la bourgeoisie, le culte de la Pucelle redoubla de
+ferveur. Les lettres et les arts achevèrent la transfiguration de
+Jeanne.</p>
+
+<p>Les catholiques, comme le docte chanoine Dunand<a id="footnotetag112" name="footnotetag112"></a><a href="#footnote112" title="Lien vers la note 112"><span class="smaller">[112]</span></a>, rivalisent de
+zèle et d'enthousiasme avec les spiritualistes indépendants comme M.
+Joseph Fabre<a id="footnotetag113" name="footnotetag113"></a><a href="#footnote113" title="Lien vers la note 113"><span class="smaller">[113]</span></a>. Celui-ci, en donnant sous une forme très artiste
+les deux procès en français et en discours direct, a vulgarisé l'image
+la plus ancienne et la plus touchante de la Pucelle<a id="footnotetag114" name="footnotetag114"></a><a href="#footnote114" title="Lien vers la note 114"><span class="smaller">[114]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLXVIII" name="pageLXVIII"></a>(p. LXVIII)</span> De cette période datent des travaux d'érudition presque
+innombrables parmi lesquels il faut signaler ceux de Siméon Luce de
+qui désormais quiconque traite des commencements de Jeanne doit se
+reconnaître tributaire<a id="footnotetag115" name="footnotetag115"></a><a href="#footnote115" title="Lien vers la note 115"><span class="smaller">[115]</span></a>.</p>
+
+<p>Nous sommes tenus à une égale reconnaissance envers M. Germain
+Lefèvre-Pontalis pour ses belles éditions et ses pénétrantes études,
+d'une érudition élégante et sûre.</p>
+
+<p>Dans cette période d'exaltation romantique et néo-catholique, la
+peinture et la sculpture multiplièrent les images de Jeanne, si rares
+jusque-là; on vit en merveilleuse abondance Jeanne priant, Jeanne
+armée et chevauchant, Jeanne captive, Jeanne martyre; de toutes ces
+images exprimant de diverses manières et avec des mérites inégaux le
+goût et le sentiment d'une époque, une seule &oelig;uvre apparaît grande
+et vraie, d'une beauté puissante: la Jeanne d'Arc hallucinée de
+Rude<a id="footnotetag116" name="footnotetag116"></a><a href="#footnote116" title="Lien vers la note 116"><span class="smaller">[116]</span></a>.</p>
+
+<p>Le mot de patrie n'existait pas au temps de la Pucelle. On disait le
+royaume de France<a id="footnotetag117" name="footnotetag117"></a><a href="#footnote117" title="Lien vers la note 117"><span class="smaller">[117]</span></a>. Personne, pas même les légistes, n'en savaient
+au juste les limites, qui changeaient sans cesse. La diversité des
+lois et des <span class="pagenum"><a id="pageLXIX" name="pageLXIX"></a>(p. LXIX)</span> coutumes y était infinie et les querelles entre
+seigneurs s'élevaient à tout moment. Les hommes se sentaient pourtant
+au c&oelig;ur l'amour du pays natal et la haine de l'étranger. Si la
+guerre de Cent Ans ne créa pas en France le sentiment national, elle
+le nourrit. Dans son <i>Quadrilogue invectif</i>, Alain Chartier montre la
+France qui, reconnaissable à sa robe somptueusement ornée des emblèmes
+de la noblesse, du clergé et du tiers-état, mais lamentablement
+souillée et déchirée, adjure les trois ordres de ne pas la laisser
+périr: «Après le lien de foi catholique, leur dit-elle, Nature vous a
+devant toute autre chose obligez au commun salut du pays de votre
+nativité et à la défense de cette seigneurie sous laquelle Dieu vous a
+fait naître et avoir vie<a id="footnotetag118" name="footnotetag118"></a><a href="#footnote118" title="Lien vers la note 118"><span class="smaller">[118]</span></a>.» Et ce ne sont pas là seulement les
+maximes d'un humaniste instruit dans les vertus antiques. D'humbles
+Français avaient cher de servir le pays de leur naissance. «Faut-il
+que le roi soit chassé de son royaume et que nous soyons Anglais!»
+s'écriait en 1428 cet homme d'armes de Lorraine<a id="footnotetag119" name="footnotetag119"></a><a href="#footnote119" title="Lien vers la note 119"><span class="smaller">[119]</span></a>. Les sujets des
+Fleurs de Lis comme ceux du Léopard s'estimaient tenus à la loyauté
+envers leur légitime seigneur. Mais si quelque changement advenait
+pour son dommage à la seigneurie dont <span class="pagenum"><a id="pageLXX" name="pageLXX"></a>(p. LXX)</span> ils faisaient partie,
+ils s'en accommodaient en somme aisément, parce qu'une seigneurie
+s'accroît ou se rétrécit selon la puissance ou la fortune, selon le
+bon droit ou le bon plaisir du possesseur et qu'elle peut être
+démembrée par mariages, dons ou héritages, aliénée par divers
+contrats. En signe de réjouissance, les habitants de Paris jonchèrent
+d'herbes et de fleurs les rues de la ville, à l'occasion du traité de
+Brétigny, qui diminuait beaucoup la seigneurie du roi Jean<a id="footnotetag120" name="footnotetag120"></a><a href="#footnote120" title="Lien vers la note 120"><span class="smaller">[120]</span></a>. En
+fait, les seigneurs changeaient d'obéissance tant qu'il était
+nécessaire. Juvénal des Ursins rapporte dans son journal<a id="footnotetag121" name="footnotetag121"></a><a href="#footnote121" title="Lien vers la note 121"><span class="smaller">[121]</span></a> que,
+lors de la conquête de la Normandie par les Anglais, on vit une jeune
+veuve quitter sa terre avec ses trois enfants pour ne pas rendre
+hommage au roi d'outre-mer. Mais combien de seigneurs normands
+refusèrent comme elle de se mettre aux mains des anciens ennemis du
+royaume? L'exemple de la fidélité au roi ne venait pas toujours de sa
+famille. Le duc de Bourbon, au nom de tous les princes du sang royal
+avec lui prisonniers des Anglais, offrit à Henri V d'aller traiter en
+France la cession de Harfleur, s'engageant, si le Conseil royal lui
+opposait un refus, à reconnaître Henri V pour roi de France<a id="footnotetag122" name="footnotetag122"></a><a href="#footnote122" title="Lien vers la note 122"><span class="smaller">[122]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLXXI" name="pageLXXI"></a>(p. LXXI)</span> Chacun songeait d'abord à soi. Quiconque avait terre se
+devait à sa terre; son ennemi, c'était son voisin. Le bourgeois ne
+connaissait que sa ville. Le paysan changeait de maître sans le
+savoir. Les trois états du royaume n'étaient pas assez unis pour
+former, au sens moderne du mot, un État.</p>
+
+<p>Peu à peu, le pouvoir royal réunit les Français; cette réunion se fit
+plus étroite à mesure que la royauté se faisait plus puissante. Au
+<span class="smcap">XVI</span><sup>e</sup> et au <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> siècle, cette envie de penser et d'agir en commun
+qui fait les grands peuples devint chez nous très ardente, tout au
+moins dans les familles qui donnaient des officiers à la Couronne, et
+elle se communiqua même aux gens d'un moindre état. Rabelais fait
+figurer François Villon et le roi d'Angleterre dans une historiette si
+enflée de gloriole militaire qu'un grenadier de Napoléon aurait pu la
+conter devant un feu de bivouac, au style près<a id="footnotetag123" name="footnotetag123"></a><a href="#footnote123" title="Lien vers la note 123"><span class="smaller">[123]</span></a>. Dans la préface
+du poème que nous citions tout à l'heure, Chapelain parle des moments
+où «la patrie, qui est une mère commune, a besoin de tous ses
+enfants». Le vieux poète s'exprime déjà comme l'auteur de la
+<i>Marseillaise</i><a id="footnotetag124" name="footnotetag124"></a><a href="#footnote124" title="Lien vers la note 124"><span class="smaller">[124]</span></a>.</p>
+
+<p>On ne peut nier que le sentiment de la patrie existât sous l'ancien
+régime. Ce que la Révolution y ajouta <span class="pagenum"><a id="pageLXXII" name="pageLXXII"></a>(p. LXXII)</span> n'en fut pas moins
+immense. Elle y ajouta l'idée de l'unité nationale et de l'intégrité
+du territoire. Elle étendit à tous le droit de propriété réservé
+jusque-là à un petit nombre, et de la sorte partagea, pour ainsi dire,
+la patrie entre les citoyens. En donnant aux paysans la faculté de
+posséder, le nouveau régime leur imposa du même coup l'obligation de
+défendre leur bien effectif ou éventuel. Prendre les armes est une
+nécessité commune à quiconque acquiert ou veut acquérir des terres. À
+peine le Français jouissait-il des droits de l'homme et du citoyen,
+avait-il ou pensait-il avoir pignon sur rue et champs au soleil, que
+les armées de l'Europe coalisée vinrent pour le «rendre à l'antique
+esclavage». Le patriote alors se fit soldat. Vingt-trois ans de
+guerres, avec l'alternative fatale des victoires et des défaites,
+affermirent nos pères dans l'amour de la patrie et la haine de
+l'étranger.</p>
+
+<p>Depuis lors, les progrès industriels ont suscité d'un pays à l'autre
+des rivalités qui s'exercent chaque jour plus âprement. Les modes
+actuels de la production, en multipliant entre les peuples les
+antagonismes, ont créé l'impérialisme, l'expansion coloniale et la
+paix armée.</p>
+
+<p>Mais que de forces contraires s'exercent dans cette création
+formidable d'un nouvel ordre de choses! La grande industrie a donné
+naissance, dans tous les pays, à une classe nouvelle, qui, ne
+possédant rien, n'ayant <span class="pagenum"><a id="pageLXXIII" name="pageLXXIII"></a>(p. LXXIII)</span> nul espoir de rien posséder, ne
+jouissant d'aucun des biens de la vie, pas même de la lumière du jour,
+ne craint point, comme le paysan et le bourgeois issu de la
+Révolution, que l'ennemi du dehors ne la vienne dépouiller, et, faute
+de richesses à défendre, regarde les peuples étrangers sans effroi ni
+haine. En même temps, se sont élevées sur tous les marchés du monde
+des puissances financières qui, bien qu'elles affectent souvent le
+respect des vieilles traditions, sont, par leur fonction même,
+essentiellement destructives de l'esprit patriotique et national. Le
+régime universel du capital a créé en France, comme partout ailleurs,
+l'internationale des travailleurs et le cosmopolitisme des financiers.</p>
+
+<p>Aujourd'hui, comme il y a deux mille ans, pour discerner l'avenir, il
+faut regarder non pas aux entreprises des puissants de la terre, mais
+aux mouvements confus des masses laborieuses. Cette paix armée, si
+lourde pour elles, les nations ne la supporteront pas indéfiniment.
+Nous voyons s'organiser chaque jour la communauté du travail
+universel.</p>
+
+<p>Je crois à l'union future des peuples et je l'appelle avec cette
+ardente charité du genre humain qui, formée dans la conscience latine
+au temps d'Epictète et de Sénèque, et pour tant de siècles éteinte par
+la barbarie européenne, s'est rallumée dans les c&oelig;urs les plus
+hauts <span class="pagenum"><a id="pageLXXIV" name="pageLXXIV"></a>(p. LXXIV)</span> des âges modernes. Et l'on m'opposerait en vain que
+ce sont là les illusions du rêve et du désir: c'est le désir qui crée
+la vie et l'avenir prend soin de réaliser les rêves des philosophes.
+Mais que nous soyons assurés dès à présent d'une paix que rien ne
+troublera, il faudrait être insensé pour le prétendre. Les terribles
+rivalités industrielles et commerciales qui grandissent autour de nous
+font pressentir au contraire, de futurs conflits et rien ne nous
+assure que la France ne se verra pas un jour enveloppée dans une
+conflagration européenne ou mondiale. Et l'obligation où elle se
+trouve de pourvoir à sa défense n'accroît pas peu les difficultés que
+lui cause un ordre social profondément troublé par la concurrence de
+la production et l'antagonisme des classes.</p>
+
+<p>Un empire absolu se fait des défenseurs par la crainte; une démocratie
+ne s'en assure qu'à force de bienfaits. On trouve la peur ou l'intérêt
+à la racine de tous les dévouements. Pour que, au jour du péril, le
+prolétaire français défende héroïquement la République, il faut qu'il
+s'y trouve heureux ou espère le devenir. Et que sert de se flatter?
+Aujourd'hui le sort de l'ouvrier n'est pas meilleur en France qu'en
+Allemagne, et il est moins bon qu'en Angleterre et en Amérique.</p>
+
+<p>Je n'ai pu me défendre d'exprimer sur ces importants sujets la vérité
+telle qu'elle m'apparaît; c'est une <span class="pagenum"><a id="pageLXXV" name="pageLXXV"></a>(p. LXXV)</span> grande satisfaction que
+de dire ce qu'on croit utile et juste.</p>
+
+<p>Il ne me reste plus qu'à soumettre au public quelques réflexions sur
+l'art malaisé d'écrire l'histoire, et à m'expliquer sur certaines
+particularités de forme et de langage qu'on trouvera dans cet ouvrage.</p>
+
+<p>Pour sentir l'esprit d'un temps qui n'est plus, pour se faire
+contemporain des hommes d'autrefois, une lente étude et des soins
+affectueux sont nécessaires. Mais la difficulté n'est pas tant dans ce
+qu'il faut savoir que dans ce qu'il faut ne plus savoir. Si vraiment
+nous voulons vivre au <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, que de choses nous devons
+oublier: sciences, méthodes, toutes les acquisitions qui font de nous
+des modernes! Nous devons oublier que la terre est ronde et que les
+étoiles sont des soleils, et non des lampes suspendues à une voûte de
+cristal, oublier le système du monde de Laplace pour ne croire qu'à la
+science de saint Thomas, de Dante et de ces cosmographes du moyen âge
+qui nous enseignent la création en sept jours et la fondation des
+royaumes par les fils de Priam, après la destruction de Troye la
+Grande. Tel historien, tel paléographe est impuissant à nous faire
+comprendre les contemporains de la Pucelle. Ce n'est pas le savoir qui
+lui manque, c'est l'ignorance, l'ignorance de la guerre moderne, de la
+politique moderne, de la religion moderne.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLXXVI" name="pageLXXVI"></a>(p. LXXVI)</span> Mais lorsque nous aurons oublié, autant que possible, tout
+ce qui s'est passé depuis la jeunesse de Charles VII, afin de penser
+comme un clerc en exil à Poitiers ou un bourgeois d'Orléans de service
+sur les remparts de sa ville, il nous faudra bientôt retrouver toutes
+nos ressources intellectuelles pour embrasser l'ensemble des
+événements et découvrir l'enchaînement des effets et des causes qui
+échappaient à ce bourgeois et à ce clerc. «J'ai raccourci ma vue», dit
+le Chatterton d'Alfred de Vigny quand il explique comment il ne voit
+rien de ce qui s'est passé après les vieux Saxons. Mais Chatterton
+composait des poèmes, de pseudo-chroniques, et non pas une histoire.
+L'historien doit tour à tour allonger et raccourcir sa vue. S'il se
+mêle de conter une vieille histoire, il lui faudra successivement et
+parfois à la même minute la naïveté des foules humaines qu'il fait
+revivre et la critique la mieux avertie. Il faut que, par un phénomène
+étrange de dédoublement, il soit en même temps l'homme ancien et
+l'homme moderne et vive sur deux plans différents, semblable à ce
+personnage étrange d'un conte de J.-H. Wells, qui se meut et se sent
+dans une petite ville d'Angleterre et qui cependant se voit au fond de
+l'Océan. J'ai visité studieusement les villes, les champs, où se sont
+accomplis les événements que je me proposais de raconter; j'ai vu la
+vallée de la Meuse alors <span class="pagenum"><a id="pageLXXVII" name="pageLXXVII"></a>(p. LXXVII)</span> que le printemps la fleurissait
+et la parfumait, et je l'ai revue sous un amoncellement de brumes et
+de nuées; j'ai parcouru les bords illustres et riants de la Loire, la
+Beauce aux vastes horizons que les nuages bordent de montagnes
+neigeuses, l'Île-de-France où le ciel est si doux, la Champagne dont
+les coteaux pierreux nourrissent encore les vignes basses qui, foulées
+par l'armée du Sacre, se refirent feuilles et fruits, dit la légende,
+et donnèrent, à la Saint-Martin, une tardive et riche vendange<a id="footnotetag125" name="footnotetag125"></a><a href="#footnote125" title="Lien vers la note 125"><span class="smaller">[125]</span></a>;
+j'ai hanté l'âpre Picardie, la baie de Somme si triste et nue sous le
+vol des oiseaux de passage, la grasse Normandie, Rouen, ses clochers
+et ses tours, ses vieux charniers, ses ruelles humides, ses dernières
+maisons de bois aux pignons aigus. Je me suis figuré ces fleuves, ces
+terres, ces châteaux et ces villes tels qu'ils étaient il y a cinq
+cents ans.</p>
+
+<p>J'ai accoutumé mes yeux aux formes qu'affectaient alors les êtres et
+les choses. J'ai interrogé ce qui reste de pierre, de fer ou de bois
+travaillé par la main de ces vieux artisans, plus libres et par cela
+même plus ingénieux que les nôtres, et qui témoignent du besoin de
+tout animer et de tout orner. J'ai étudié le mieux que j'ai pu les
+images peintes et taillées, non précisément en France, car on n'y
+ouvrait guère en ces jours <span class="pagenum"><a id="pageLXXVIII" name="pageLXXVIII"></a>(p. LXXVIII)</span> de misère et de mort, mais en
+Flandre, en Bourgogne, en Provence, &oelig;uvres d'un style à la fois
+affecté et naïf, souvent exquis. Les miniatures se sont animées sous
+mes yeux et j'y ai vu revivre les seigneurs, dans la magnificence
+absurde des «étoffes à tripes», les dames et les demoiselles un peu
+diablesses avec leurs bonnets cornus et leurs pieds pointus; les
+clercs assis à leur pupitre, les gens d'armes chevauchant leur
+coursier et les marchands leur mule, les laboureurs accomplissant
+d'avril à mars les travaux du calendrier rustique, les paysannes dont
+la grande coiffe est conservée aujourd'hui par les religieuses. Je me
+suis rapproché de ces gens qui furent nos semblables et qui pourtant
+différaient de nous par mille nuances du sentiment et de la pensée;
+j'ai vécu de leur vie; j'ai lu dans leurs âmes.</p>
+
+<p>On ne trouve nulle part, ai-je besoin de le dire, une image
+authentique de Jeanne. Ce qui, dans l'art du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, avait
+trait à elle, se réduisait à peu de chose: il ne nous en reste presque
+rien, une petite tapisserie à bestions, une figurine tracée à la plume
+sur un registre, quelques enluminures peintes dans des manuscrits sous
+les règnes de Charles VII, de Louis XI, de Charles VIII, et c'est
+tout. Il m'a fallu contribuer à l'iconographie si pauvre de Jeanne
+d'Arc, non que j'eusse quelque chose à y ajouter, mais au contraire
+pour en retrancher ce que les faussaires y <span class="pagenum"><a id="pageLXXIX" name="pageLXXIX"></a>(p. LXXIX)</span> ont introduit
+de ce temps. On trouvera dans l'appendice IV, à la fin de cet
+ouvrage<a id="footnotetag126" name="footnotetag126"></a><a href="#footnote126" title="Lien vers la note 126"><span class="smaller">[126]</span></a> la courte notice où je signale des fraudes déjà
+anciennes, pour la plupart, et qui n'avaient pas encore été dénoncées.
+J'ai limité mes recherches au <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, laissant à d'autres le
+soin d'étudier ces peintures de la Renaissance dans lesquelles la
+Pucelle apparaît équipée à l'allemande, avec le chapeau à plumes et le
+pourpoint à crevées des reîtres saxons et des suisses
+mercenaires<a id="footnotetag127" name="footnotetag127"></a><a href="#footnote127" title="Lien vers la note 127"><span class="smaller">[127]</span></a>? Je ne saurais dire quel est le prototype de ces
+portraits, mais ils ressemblent beaucoup à la femme qui accompagne les
+soudoyers dans la <i>Danse des morts</i> que Nicolas Manuel peignit de 1515
+à 1521 à Berne, sur le mur du couvent des dominicains<a id="footnotetag128" name="footnotetag128"></a><a href="#footnote128" title="Lien vers la note 128"><span class="smaller">[128]</span></a>. Au grand
+siècle, Jeanne d'Arc devient Clorinde, Minerve, Bellone en costume de
+ballet<a id="footnotetag129" name="footnotetag129"></a><a href="#footnote129" title="Lien vers la note 129"><span class="smaller">[129]</span></a>.</p>
+
+<p>J'ai cru qu'un récit continu vaudrait mieux que toutes les
+controverses et que toutes les discussions pour faire sentir la vie et
+connaître la vérité. Il est certain que les textes relatifs à la
+Pucelle ne se prêtent pas très bien à ce genre d'histoire: comme je
+viens de le montrer, ils <span class="pagenum"><a id="pageLXXX" name="pageLXXX"></a>(p. LXXX)</span> sont presque tous suspects à
+divers égards et soulèvent à chaque instant des objections; mais je
+pense qu'en faisant de ces textes un usage prudent et judicieux, on en
+peut tirer encore des données suffisantes pour constituer une histoire
+positive de quelque étendue. D'ailleurs, j'ai toujours indiqué mes
+sources; chacun sera juge de l'autorité des garants que j'invoque.</p>
+
+<p>Dans mon récit, j'ai rapporté un assez grand nombre de circonstances
+qui, sans avoir directement trait à Jeanne, révèlent l'esprit, les
+m&oelig;urs et les croyances du temps; ces circonstances sont pour la
+plupart d'ordre religieux. C'est que l'histoire de Jeanne, je ne puis
+assez le dire, est une histoire religieuse, une histoire de sainte,
+tout comme celle de Colette de Corbie ou de Catherine de Sienne.</p>
+
+<p>J'ai beaucoup accordé, j'ai peut-être trop accordé au désir de faire
+vivre le lecteur au milieu des choses et parmi les hommes du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup>
+siècle. Pour ne pas le distraire trop brusquement, j'ai évité de lui
+présenter tout rapprochement avec d'autres époques, bien qu'il m'en
+vînt un grand nombre à l'esprit.</p>
+
+<p>J'ai nourri mon texte de la forme et de la substance des textes
+anciens, mais je n'y ai, autant dire, jamais introduit de citations
+littérales: je crois que, sans une certaine unité de langage, un livre
+est illisible, et j'ai voulu être lu.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLXXXI" name="pageLXXXI"></a>(p. LXXXI)</span> Ce n'est pas par affectation de style ni par goût artiste
+que j'ai gardé le plus que j'ai pu le ton de l'époque et préféré les
+formes archaïques de la langue toutes les fois que j'ai cru qu'elles
+seraient intelligibles; c'est parce qu'on change les idées en
+changeant les mots et qu'on ne peut substituer aux termes anciens des
+termes modernes sans altérer les sentiments ou les caractères.</p>
+
+<p>J'ai tâché de garder un ton simple et familier. On écrit trop souvent
+l'histoire d'un ton noble qui la rend ennuyeuse et fausse.
+S'imagine-t-on que les faits historiques sortent du train ordinaire
+des choses et de la mesure commune de l'humanité?</p>
+
+<p>Une tentation terrible pour l'historien d'une telle histoire, c'est de
+se jeter dans la bataille. Il n'y a guère de moderne récit de ces
+vieux assauts où l'on ne voie l'auteur, ecclésiastique ou professeur,
+s'élancer, la plume à l'oreille, sous les flèches anglaises, au côté
+de la Pucelle. Je crois qu'au risque de ne point montrer toute la
+beauté de son c&oelig;ur, il vaut mieux ne pas paraître dans les affaires
+qu'on raconte.</p>
+
+<p>J'ai écrit cette histoire avec un zèle ardent et tranquille; j'ai
+cherché la vérité sans mollesse, je l'ai rencontrée sans peur. Alors
+même qu'elle prenait un visage étrange, je ne me suis pas détourné
+d'elle. On me reprochera mon audace jusqu'à ce qu'on me reproche ma
+timidité.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="pageLXXXII" name="pageLXXXII"></a>(p. LXXXII)</span> Je suis heureux d'exprimer ma gratitude à mes illustres
+confrères, MM. Paul Meyer et Ernest Lavisse, dont les conseils m'ont
+été précieux. Je dois beaucoup à M. Petit-Dutaillis, qui a bien voulu
+me présenter des observations dont j'ai tenu compte. J'ai grandement à
+me louer de l'aide que m'ont prêté M. Henri Jadart, secrétaire de
+l'Académie de Reims, M. E. Langlois, professeur à la Faculté des
+lettres de Lille, M. Camille Bloch, l'ancien archiviste du Loiret, M.
+Noël Charavay, expert en autographes, et M. Raoul Bonnet.</p>
+
+<p>M. Pierre Champion, qui, très jeune encore, s'est fait connaître par
+de beaux travaux historiques, a mis à ma disposition le résultat de
+ses recherches avec un désintéressement que je ne saurais assez
+reconnaître et il a bien voulu relire attentivement tout mon travail.
+M. Jean Brousson m'a fait profiter des ressources de sa perspicacité
+qui passent de beaucoup ce qu'on est en droit d'attendre d'un
+secrétaire.</p>
+
+<p>Au siècle que j'ai essayé de faire revivre en cet ouvrage, un démon
+nommé Titivillus mettait chaque soir dans son sac toutes les lettres
+omises ou changées par les copistes durant la journée et les portait
+en enfer, pour que Saint-Michel, alors qu'il pèserait les âmes de ces
+scribes négligents, mît la part de chacun dans le plateau des
+iniquités. Je crois que ce diable, justement vétilleux, s'il a survécu
+à la découverte de <span class="pagenum"><a id="pageLXXXIII" name="pageLXXXIII"></a>(p. LXXXIII)</span> l'imprimerie, assume aujourd'hui la
+lourde tâche de relever les coquilles semées dans les livres qui
+prétendent à l'exactitude; car il serait bien naïf de s'occuper des
+autres. Je pense qu'il met ces coquilles, selon le cas, à la charge du
+prote ou de l'auteur. J'ai une infinie reconnaissance à mes éditeurs
+et amis MM. Calmann-Lévy et à leurs excellents collaborateurs d'avoir,
+par leurs soins et leur expérience, allégé de beaucoup le sac dont
+Titivillus me chargera au jour du jugement.</p>
+
+
+
+
+<h1><span class="pagenum"><a id="page1" name="page1"></a>(p. 1)</span> VIE DE JEANNE D'ARC</h1>
+
+
+
+<h2>CHAPITRE PREMIER<br>
+
+<span class="smaller">L'ENFANCE.</span></h2>
+
+
+<p>De Neufchâteau à Vaucouleurs la Meuse coule libre et pure entre les
+trochées de saules et d'aulnes et les peupliers qu'elle arrose, se
+joue tantôt en brusques détours, tantôt en longs circuits, et divise
+et réunit sans cesse les glauques filets de ses eaux, qui parfois se
+perdent tout à coup sous terre. L'été, ce n'est qu'un ruisseau
+paresseux qui courbe en passant les roseaux du lit qu'il n'a presque
+pas creusé; et, si l'on approche du bord, on voit la rivière, ralentie
+par des îlots de joncs, couvrir à peine de ses moires un peu de sable
+et de mousse. Mais dans la saison des pluies, grossie de torrents
+soudains, plus lourde et plus rapide, elle laisse, en fuyant, une
+rosée souterraine qui remonte çà et là, en flaques claires, à fleur
+d'herbe, dans la vallée.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page2" name="page2"></a>(p. 2)</span> Cette vallée s'étend, toute unie, large d'une lieue à une lieue
+et demie, entre des collines arrondies et basses, couronnées de
+chênes, d'érables et de bouleaux. Bien que fleurie au printemps, elle
+est d'un aspect austère et grave et prend parfois un caractère de
+tristesse. L'herbe la revêt avec une monotonie égale à celle des eaux
+dormantes. On y sent, même dans les beaux jours, la menace d'un climat
+rude et froid. Le ciel y semble plus doux que la terre. Il l'enveloppe
+de son sourire humide; il est le mouvement, la grâce et la volupté de
+ce paysage tranquille et chaste. Puis, quand vient l'hiver, il se mêle
+à la terre dans une apparence de chaos. Les brouillards y deviennent
+épais et tenaces. Aux vapeurs blanches et légères qui flottaient, par
+les matins tièdes, sur le fond de la vallée, succèdent des nuages
+opaques et de sombres montagnes mouvantes, qu'un soleil rouge et froid
+dissipe lentement. Et, le long des sentiers du haut pays, le passant
+matinal a cru, comme les mystiques dans leurs ravissements, marcher
+sur les nuées.</p>
+
+<p>C'est ainsi qu'après avoir laissé à sa gauche le plateau boisé du haut
+duquel le château de Bourlémont domine le val de la Saônelle et à sa
+droite Coussey avec sa vieille église, la rivière flexible passe entre
+le Bois Chesnu au couchant et la côte de Julien au levant, rencontre,
+sur sa rive occidentale, les villages de Domremy et de Greux, qui se
+touchent, sépare Greux de Maxey-sur-Meuse, atteint, entre autres
+<span class="pagenum"><a id="page3" name="page3"></a>(p. 3)</span> hameaux blottis au creux des collines ou dressés sur les
+hautes terres, Burey-la-Côte, Maxey-sur-Vaise et Burey-en-Vaux, et va
+baigner les belles prairies de Vaucouleurs<a id="footnotetag130" name="footnotetag130"></a><a href="#footnote130" title="Lien vers la note 130"><span class="smaller">[130]</span></a>.</p>
+
+<p>Dans ce petit village de Domremy, situé à moins de trois lieues en
+aval de Neufchâteau et à cinq lieues en amont de Vaucouleurs, une
+fille naquit vers l'an 1410 ou 1412<a id="footnotetag131" name="footnotetag131"></a><a href="#footnote131" title="Lien vers la note 131"><span class="smaller">[131]</span></a>, destinée à l'existence la
+plus singulière. Elle naissait pauvre. Jacques ou Jacquot d'Arc, son
+père<a id="footnotetag132" name="footnotetag132"></a><a href="#footnote132" title="Lien vers la note 132"><span class="smaller">[132]</span></a>, originaire du village de Ceffonds en Champagne<a id="footnotetag133" name="footnotetag133"></a><a href="#footnote133" title="Lien vers la note 133"><span class="smaller">[133]</span></a>, vivait
+d'un gagnage ou petite ferme, et menait les chevaux au labour. Ses
+voisins et voisines le tenaient pour bon chrétien et vaillant à
+l'ouvrage<a id="footnotetag134" name="footnotetag134"></a><a href="#footnote134" title="Lien vers la note 134"><span class="smaller">[134]</span></a>. Sa femme était originaire de Vouthon, village situé à
+une lieue et demie au nord-ouest de Domremy, par delà les <span class="pagenum"><a id="page4" name="page4"></a>(p. 4)</span> bois
+de Greux. Ayant nom Isabelle ou Zabillet, elle reçut, à une époque
+qu'on ne saurait indiquer, le surnom de Romée<a id="footnotetag135" name="footnotetag135"></a><a href="#footnote135" title="Lien vers la note 135"><span class="smaller">[135]</span></a>. On appelait ainsi
+ceux qui étaient allés à Rome ou avaient fait quelque grand
+pèlerinage<a id="footnotetag136" name="footnotetag136"></a><a href="#footnote136" title="Lien vers la note 136"><span class="smaller">[136]</span></a>, et l'on peut croire qu'Isabelle gagna son nom de
+Romée en prenant les coquilles et le bourdon<a id="footnotetag137" name="footnotetag137"></a><a href="#footnote137" title="Lien vers la note 137"><span class="smaller">[137]</span></a>. Un de ses frères
+était curé, un autre, couvreur; un de ses neveux charpentier<a id="footnotetag138" name="footnotetag138"></a><a href="#footnote138" title="Lien vers la note 138"><span class="smaller">[138]</span></a>.
+Elle avait déjà donné à son mari trois enfants: Jacques ou Jacquemin,
+Catherine et Jean<a id="footnotetag139" name="footnotetag139"></a><a href="#footnote139" title="Lien vers la note 139"><span class="smaller">[139]</span></a>.</p>
+
+<p>La maison de Jacques d'Arc touchait au pourpris de l'église
+paroissiale, dédiée à saint Remi, apôtre des Gaules<a id="footnotetag140" name="footnotetag140"></a><a href="#footnote140" title="Lien vers la note 140"><span class="smaller">[140]</span></a>. On n'eut que
+le cimetière à traverser pour <span class="pagenum"><a id="page5" name="page5"></a>(p. 5)</span> porter l'enfant sur les fonts.
+Les formules d'exorcismes, que le prêtre récite à la cérémonie du
+baptême, étaient, à cette époque, dans ces contrées, beaucoup plus
+longues, dit-on, pour les filles que pour les garçons<a id="footnotetag141" name="footnotetag141"></a><a href="#footnote141" title="Lien vers la note 141"><span class="smaller">[141]</span></a>. Sans
+savoir si messire Jean Minet<a id="footnotetag142" name="footnotetag142"></a><a href="#footnote142" title="Lien vers la note 142"><span class="smaller">[142]</span></a>, curé de la paroisse, les prononça
+dans leur teneur exacte sur la tête de l'enfant, nous rappelons cet
+usage comme un des nombreux indices de l'invincible défiance
+qu'inspira toujours à l'Église la nature féminine.</p>
+
+<p>Selon la coutume d'alors, cette enfant eut plusieurs parrains et
+marraines<a id="footnotetag143" name="footnotetag143"></a><a href="#footnote143" title="Lien vers la note 143"><span class="smaller">[143]</span></a>. Les compères furent Jean Morel, de Greux, laboureur;
+Jean Barrey, de Neufchâteau; Jean Le Langart ou Lingui et Jean
+Rainguesson; les commères, Jeannette, femme de Thevenin le Royer, dit
+Roze, de Domremy; Béatrix, femme d'Estellin, laboureur au même lieu;
+Edite, femme de Jean Barrey, Jeanne, femme d'Aubrit, dit Jannet, qu'on
+appela le maire Aubrit, quand il fut nommé officier de plume au
+service des seigneurs de Bourlémont<a id="footnotetag144" name="footnotetag144"></a><a href="#footnote144" title="Lien vers la note 144"><span class="smaller">[144]</span></a>; Jeannette, femme de
+Thiesselin de Vittel, clerc à Neufchâteau, de toutes la plus savante,
+car elle avait entendu lire des histoires dans des livres. On désigne
+encore, parmi les commères, la femme de Nicolas d'Arc frère de <span class="pagenum"><a id="page6" name="page6"></a>(p. 6)</span>
+Jacques, ainsi que deux obscures chrétiennes nommées l'une Agnès,
+l'autre Sibylle<a id="footnotetag145" name="footnotetag145"></a><a href="#footnote145" title="Lien vers la note 145"><span class="smaller">[145]</span></a>. Il se rencontrait là nombre de Jean, de Jeanne
+et de Jeannette, comme en toute assemblée de bons catholiques. Saint
+Jean-Baptiste jouissait d'une très haute renommée; sa fête, célébrée
+le 24 juin, était une grande date de l'année religieuse et civile;
+elle servait de terme usuel pour baux, locations et contrats de toutes
+sortes. Saint Jean l'Évangéliste, qui avait reposé la tête contre la
+poitrine du Seigneur et qui devait revenir sur la terre à la
+consommation des siècles, passait aux yeux de certains religieux, aux
+yeux surtout des mendiants, pour le plus grand des saints du
+Paradis<a id="footnotetag146" name="footnotetag146"></a><a href="#footnote146" title="Lien vers la note 146"><span class="smaller">[146]</span></a>. C'est pourquoi, en l'honneur du Précurseur ou de
+l'apôtre bien-aimé, on imposait très souvent, de préférence à tout
+autre nom, les noms de Jean et de Jeanne aux nouveau-nés. Et, pour
+mieux approprier ces saints noms à la petitesse de l'enfance et à
+l'infimité promise à la plupart des destinées humaines, on les
+diminuait en Jeannot et Jeannette. Les paysans des bords de la Meuse
+avaient un goût particulier pour ces petits noms à la fois humbles et
+caressants, Jacquot, Pierrollot, Zabillet, Mengette, Guillemette<a id="footnotetag147" name="footnotetag147"></a><a href="#footnote147" title="Lien vers la note 147"><span class="smaller">[147]</span></a>.
+L'enfant reçut, de la femme <span class="pagenum"><a id="page7" name="page7"></a>(p. 7)</span> du clerc Thiesselin, le nom de
+Jeannette. Au village, elle ne porta que celui-là. Plus tard, en
+France, on l'appela Jeanne<a id="footnotetag148" name="footnotetag148"></a><a href="#footnote148" title="Lien vers la note 148"><span class="smaller">[148]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle fut nourrie dans la maison paternelle. Pauvre demeure de
+Jacques<a id="footnotetag149" name="footnotetag149"></a><a href="#footnote149" title="Lien vers la note 149"><span class="smaller">[149]</span></a>! La façade était percée d'une ou deux fenêtres chiches de
+lumière. Le toit de pierres plates, incliné sur un demi-pignon,
+descendait presque à terre du côté du jardin. Sur le seuil, à la
+coutume du pays, s'amassaient le fumier, les souches et les
+instruments de labour, recouverts de rouille et de boue. Mais l'humble
+jardin, à la fois verger et potager, était, au printemps, tout fleuri
+de blanc et de rose<a id="footnotetag150" name="footnotetag150"></a><a href="#footnote150" title="Lien vers la note 150"><span class="smaller">[150]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces bons chrétiens eurent encore un enfant, le dernier, Pierre qu'on
+nommait Pierrelot<a id="footnotetag151" name="footnotetag151"></a><a href="#footnote151" title="Lien vers la note 151"><span class="smaller">[151]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne grandit sur une terre avare, parmi des gens rudes et sobres,
+nourris de vin rose et de pain bis, endurcis par une dure vie. Elle
+grandit libre. Les enfants, chez les paysans laborieux, vivent le plus
+souvent entre eux, hors du regard des parents. La fille <span class="pagenum"><a id="page8" name="page8"></a>(p. 8)</span>
+d'Isabelle semble s'être très bien accordée avec les enfants du
+village. Une petite voisine, Hauviette, de trois ou quatre ans plus
+jeune qu'elle, était sa compagne de tous les jours. Elles avaient
+plaisir à coucher dans le même lit<a id="footnotetag152" name="footnotetag152"></a><a href="#footnote152" title="Lien vers la note 152"><span class="smaller">[152]</span></a>. Mengette, dont les parents
+habitaient tout contre, venait filer dans la maison de Jacques d'Arc.
+Elle s'y acquittait avec Jeanne des soins du ménage<a id="footnotetag153" name="footnotetag153"></a><a href="#footnote153" title="Lien vers la note 153"><span class="smaller">[153]</span></a>. Souvent
+aussi Jeanne, emportant sa quenouille, allait faire la veillée chez un
+laboureur, Jacquier, de Saint-Amance, qui avait une fille toute
+jeune<a id="footnotetag154" name="footnotetag154"></a><a href="#footnote154" title="Lien vers la note 154"><span class="smaller">[154]</span></a>. Les garçons, comme de raison, croissaient avec les filles.
+Jeanne et le fils de Simonin Musnier, étant voisine et voisin, furent
+élevés ensemble. En son enfance, le fils Musnier tomba malade; Jeanne
+l'alla soigner<a id="footnotetag155" name="footnotetag155"></a><a href="#footnote155" title="Lien vers la note 155"><span class="smaller">[155]</span></a>.</p>
+
+<p>Il n'était pas sans exemple en ce temps-là que des villageoises
+connussent leurs lettres. Maître Jean Gerson, peu d'années auparavant,
+conseillait à ses s&oelig;urs, paysannes champenoises, d'apprendre à
+lire, promettant, si elles y réussissaient, de leur donner des livres
+d'édification<a id="footnotetag156" name="footnotetag156"></a><a href="#footnote156" title="Lien vers la note 156"><span class="smaller">[156]</span></a>. Bien que nièce de curé, Jeanne n'étudia <span class="pagenum"><a id="page9" name="page9"></a>(p. 9)</span>
+pas sa Croix-de-Dieu, semblable en cela à plusieurs enfants de son
+village, non pourtant à tous, car il y avait à Maxey une école où
+allaient les garçons de Domremy<a id="footnotetag157" name="footnotetag157"></a><a href="#footnote157" title="Lien vers la note 157"><span class="smaller">[157]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle apprit de sa mère <i>Notre Père</i>, <i>Je vous salue, Marie</i>, et <i>Je
+crois en Dieu</i><a id="footnotetag158" name="footnotetag158"></a><a href="#footnote158" title="Lien vers la note 158"><span class="smaller">[158]</span></a>. Elle entendit conter quelques belles histoires de
+saints et de saintes. Ce fut tout l'enseignement qu'elle reçut. Aux
+jours fériés, dans la nef de l'église, elle se tenait sous la chaire,
+assise sur les talons, à la manière des paysannes, tandis que les
+hommes demeuraient debout contre le mur, et elle entendait le sermon
+du curé<a id="footnotetag159" name="footnotetag159"></a><a href="#footnote159" title="Lien vers la note 159"><span class="smaller">[159]</span></a>.</p>
+
+<p>Dès qu'elle en eut l'âge, elle travailla aux champs, sarclant, bêchant
+et, comme font encore aujourd'hui les filles du pays lorrain,
+accomplissant des tâches d'homme.</p>
+
+<p>Les prairies, don du fleuve, étaient la principale richesse des
+riverains de la Meuse. Quand la récolte des foins était faite, tous
+les habitants de Domremy avaient droit de pâture dans les prairies du
+village, et ils y pouvaient mettre des têtes de bétail en nombre
+<span class="pagenum"><a id="page10" name="page10"></a>(p. 10)</span> proportionnel à celui des fauchées de pré qu'ils possédaient
+en propre. Chaque famille prenait à son tour la garde des troupeaux
+ainsi rassemblés. Jacques d'Arc, qui avait un peu d'herbage, mettait
+ses b&oelig;ufs et ses chevaux avec les autres. Lorsque venait son tour
+de garde, il s'en déchargeait sur sa fille Jeanne, qui allait au pré,
+sa quenouille à la main<a id="footnotetag160" name="footnotetag160"></a><a href="#footnote160" title="Lien vers la note 160"><span class="smaller">[160]</span></a>.</p>
+
+<p>Mais elle aimait mieux vaquer aux soins du ménage, coudre et filer.
+Elle était pieuse. Elle ne jurait ni Dieu ni les saints et, pour
+affirmer qu'une chose était vraie, elle se contentait de dire: «Sans
+faute»<a id="footnotetag161" name="footnotetag161"></a><a href="#footnote161" title="Lien vers la note 161"><span class="smaller">[161]</span></a>. Quand les cloches sonnaient l'<i>Angelus</i>, elle se signait
+et s'agenouillait<a id="footnotetag162" name="footnotetag162"></a><a href="#footnote162" title="Lien vers la note 162"><span class="smaller">[162]</span></a>. Le samedi, jour de la Sainte Vierge,
+gravissant le coteau d'herbes, de vignes et de vergers au pied duquel
+s'appuie le village de Greux, elle gagnait le plateau boisé d'où l'on
+découvre, à l'est, la verte vallée et les collines bleuissantes. Sur
+la hauteur, à une petite lieue du village, dans un ravin plein d'ombre
+et de murmures, la fontaine de Saint-Thiébault, dont l'eau très pure
+guérit de la fièvre et cicatrise les plaies, jaillit sous les hêtres,
+les frênes et les chênes. Au-dessus de la fontaine, s'élève la
+chapelle de Notre-Dame de Bermont. Dans la belle saison, elle est
+toute parfumée de l'odeur des prés et des bois. Et l'hiver enveloppe
+ce haut lieu de tristesse et de silence. <span class="pagenum"><a id="page11" name="page11"></a>(p. 11)</span> En ce temps-là,
+vêtue du manteau royal et la couronne au front, dans ses bras son
+divin enfant, Notre-Dame de Bermont recevait les prières et les
+offrandes des jeunes garçons et des jeunes filles. Elle faisait des
+miracles. Jeanne l'allait visiter en compagnie de sa s&oelig;ur
+Catherine, de quelques filles ou garçons du pays ou toute seule. Et le
+plus souvent qu'elle pouvait, elle brûlait un cierge en l'honneur de
+cette céleste dame<a id="footnotetag163" name="footnotetag163"></a><a href="#footnote163" title="Lien vers la note 163"><span class="smaller">[163]</span></a>.</p>
+
+<p>À une demi-lieue à l'est de Domremy, s'élevait une colline couverte
+d'un bois épais où l'on ne s'aventurait guère de peur des sangliers et
+des loups. Les loups étaient la terreur du pays. Les maires des
+villages payaient des primes pour chaque tête de loup ou de louveteau
+qu'on leur apportait<a id="footnotetag164" name="footnotetag164"></a><a href="#footnote164" title="Lien vers la note 164"><span class="smaller">[164]</span></a>. Ce bois, que Jeanne voyait du seuil de sa
+porte, c'était le Bois Chesnu, le bois de chênes, ce qu'on pouvait
+entendre au sens de bois chenu, vieille forêt<a id="footnotetag165" name="footnotetag165"></a><a href="#footnote165" title="Lien vers la note 165"><span class="smaller">[165]</span></a>. Nous verrons plus
+tard comment à ce Bois Chesnu fut appliquée, en France, une prophétie
+de Merlin l'Enchanteur.</p>
+
+<p>Au pied de la colline, du côté du village, était une fontaine<a id="footnotetag166" name="footnotetag166"></a><a href="#footnote166" title="Lien vers la note 166"><span class="smaller">[166]</span></a> que
+les groseilliers épineux, en recourbant <span class="pagenum"><a id="page12" name="page12"></a>(p. 12)</span> leurs branches,
+bordaient de leurs buissons grisâtres. On la nommait la
+Fontaine-aux-Groseilliers, la Fontaine-aux-Nerpruns<a id="footnotetag167" name="footnotetag167"></a><a href="#footnote167" title="Lien vers la note 167"><span class="smaller">[167]</span></a>. Si, comme le
+croyait un maître de l'Université de Paris<a id="footnotetag168" name="footnotetag168"></a><a href="#footnote168" title="Lien vers la note 168"><span class="smaller">[168]</span></a>, Jeanne appelait cette
+fontaine la Fontaine-aux-Bonnes-Fées-Notre-Seigneur, c'était
+assurément parce que les gens du village la désignaient de même
+manière. Et il semblerait que ces âmes rustiques eussent voulu, par ce
+nom, rendre chrétiennes ces dames des bois et des eaux qui ne
+l'étaient guère, et en qui certains docteurs reconnaissaient des
+démons autrefois adorés des païens comme déesses<a id="footnotetag169" name="footnotetag169"></a><a href="#footnote169" title="Lien vers la note 169"><span class="smaller">[169]</span></a>.</p>
+
+<p>Et c'était la vérité. Déesses vénérées et redoutées à l'égal des
+Parques, elles s'étaient nommées les Fatales<a id="footnotetag170" name="footnotetag170"></a><a href="#footnote170" title="Lien vers la note 170"><span class="smaller">[170]</span></a> et on leur avait
+attribué un pouvoir sur les destinées des hommes. Mais, depuis
+longtemps déchues de leur puissance et de leurs honneurs, ces fées de
+village se faisaient aussi simples que les gens près desquels elles
+vivaient. On les invitait aux baptêmes et l'on mettait leur couvert
+dans la chambre attenante à celle de l'accouchée. À ces festins, elles
+mangeaient seules, entraient, sortaient sans qu'on le sût; il ne
+fallait pas trop les épier, de peur de leur déplaire. C'est l'usage
+des personnes divines d'aller et de venir mystérieusement. Elles
+faisaient des dons aux nouveau-nés. Il y en <span class="pagenum"><a id="page13" name="page13"></a>(p. 13)</span> avait de très
+bonnes; mais, pour la plupart, sans être méchantes, elles se
+montraient irritables, capricieuses, jalouses, et, si on les
+offensait, même par mégarde, elles jetaient des sorts. Elles
+laissaient voir parfois, à d'inexplicables préférences, qu'elles
+étaient femmes. Plus d'une prenait pour ami un chevalier ou un rustre;
+le plus souvent ces belles amours finissaient mal. Enfin, terribles ou
+douces, elles étaient encore les <i>Fatales</i>, elles étaient toujours les
+destinées<a id="footnotetag171" name="footnotetag171"></a><a href="#footnote171" title="Lien vers la note 171"><span class="smaller">[171]</span></a>.</p>
+
+<p>Tout proche, à l'orée du bois, au-dessus du grand chemin de
+Neufchâteau, s'élevait un hêtre très vieux qui répandait une belle et
+grande ombre<a id="footnotetag172" name="footnotetag172"></a><a href="#footnote172" title="Lien vers la note 172"><span class="smaller">[172]</span></a>. Il était vénéré presque à l'égal de ces arbres
+tenus pour sacrés avant que les hommes apostoliques eussent évangélisé
+les Gaules<a id="footnotetag173" name="footnotetag173"></a><a href="#footnote173" title="Lien vers la note 173"><span class="smaller">[173]</span></a>. Ses branches, qu'aucune main n'osait toucher,
+descendaient jusqu'à terre. «Les lis, disait un laboureur, ne sont pas
+plus beaux<a id="footnotetag174" name="footnotetag174"></a><a href="#footnote174" title="Lien vers la note 174"><span class="smaller">[174]</span></a>.» Comme la fontaine, l'arbre avait plusieurs noms. On
+l'appelait l'Arbre-des-Dames, l'Arbre-aux-Loges-les-Dames,
+l'Arbre-des-Fées, l'Arbre-Charmine-Fée-de-Bourlémont, le
+Beau-Mai<a id="footnotetag175" name="footnotetag175"></a><a href="#footnote175" title="Lien vers la note 175"><span class="smaller">[175]</span></a>.</p>
+
+<p>Qu'il fût des fées et qu'on en eût vu sous
+l'Arbre-aux-Loges-les-Dames, <span class="pagenum"><a id="page14" name="page14"></a>(p. 14)</span> tout le monde à Domremy le
+savait. Dans les anciens jours, au temps où Berthe filait, un seigneur
+de Bourlémont, nommé Pierre Granier<a id="footnotetag176" name="footnotetag176"></a><a href="#footnote176" title="Lien vers la note 176"><span class="smaller">[176]</span></a>, devenu le bel ami d'une fée,
+l'allait trouver le soir sous le hêtre. Un roman traitait de leurs
+amours. Et l'une des marraines de Jeanne, dont le mari était clerc à
+Neufchâteau, avait entendu lire cette histoire qui ressemblait sans
+doute à celle de Mélusine, tant connue en Lorraine<a id="footnotetag177" name="footnotetag177"></a><a href="#footnote177" title="Lien vers la note 177"><span class="smaller">[177]</span></a>. Seulement on
+doutait si les fées venaient encore sous le hêtre. Les uns croyaient
+que non, les autres croyaient qu'oui. Béatrix, marraine aussi de
+Jeanne, disait: «J'ai ouï conter que les fées venaient sous l'arbre
+dans l'ancien temps. Mais, pour leurs péchés, elles n'y viennent
+plus<a id="footnotetag178" name="footnotetag178"></a><a href="#footnote178" title="Lien vers la note 178"><span class="smaller">[178]</span></a>.»</p>
+
+<p>La simple créature entendait par là que ces dames fées étaient les
+ennemies de Dieu, et que le curé les avait mises en fuite. Jean Morel,
+parrain de Jeanne, pensait de même<a id="footnotetag179" name="footnotetag179"></a><a href="#footnote179" title="Lien vers la note 179"><span class="smaller">[179]</span></a>.</p>
+
+<p>En effet, la veille de l'Ascension, aux Rogations ou Petites Litanies,
+les croix étaient portées par les champs et le curé allait sous
+l'Arbre-des-Fées chanter l'évangile <span class="pagenum"><a id="page15" name="page15"></a>(p. 15)</span> de saint Jean. Il le
+chantait encore à la Fontaine-aux-Groseilliers et aux autres fontaines
+de la paroisse<a id="footnotetag180" name="footnotetag180"></a><a href="#footnote180" title="Lien vers la note 180"><span class="smaller">[180]</span></a>. Et pour chasser les mauvais esprits, on ne
+connaissait rien qui valût l'évangile de saint Jean<a id="footnotetag181" name="footnotetag181"></a><a href="#footnote181" title="Lien vers la note 181"><span class="smaller">[181]</span></a>.</p>
+
+<p>Le seigneur Aubert d'Ourches estimait que les fées avaient disparu de
+Domremy depuis vingt ou trente ans. Au rebours, plusieurs dans le
+village croyaient savoir que les chrétiens allaient encore se promener
+avec elles, et que le jeudi était le jour des rendez-vous<a id="footnotetag182" name="footnotetag182"></a><a href="#footnote182" title="Lien vers la note 182"><span class="smaller">[182]</span></a>.</p>
+
+<p>Une troisième marraine de Jeanne, la femme d'Aubery, le maire, avait
+vu de ses yeux les fées autour de l'arbre. Elle l'avait dit à sa
+filleule. Et la femme d'Aubery était réputée bonne et prude femme, non
+devineresse ni sorcière<a id="footnotetag183" name="footnotetag183"></a><a href="#footnote183" title="Lien vers la note 183"><span class="smaller">[183]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne soupçonnait en tout cela quelque sortilège. Pour elle, elle
+n'avait jamais rencontré les dames sous l'arbre. Mais qu'elle eût vu
+des fées ailleurs, c'est ce qu'elle n'aurait pas su dire<a id="footnotetag184" name="footnotetag184"></a><a href="#footnote184" title="Lien vers la note 184"><span class="smaller">[184]</span></a>. Les
+fées ne sont pas comme les anges; elles ne se font pas toujours
+connaître pour ce qu'elles sont<a id="footnotetag185" name="footnotetag185"></a><a href="#footnote185" title="Lien vers la note 185"><span class="smaller">[185]</span></a>.</p>
+
+<p>Chaque année, le quatrième dimanche de Carême, <span class="pagenum"><a id="page16" name="page16"></a>(p. 16)</span> que l'Église
+nomme le dimanche de <i>Lætare</i>, parce qu'on chante à la messe de ce
+jour l'introït qui commence par ces mots: <i>Lætare Jerusalem</i>, les
+paysans du Barrois célébraient une fête rustique et faisaient ce
+qu'ils appelaient leurs Fontaines, c'est-à-dire qu'ils allaient en
+troupe boire à quelque source et danser sur l'herbe. Ceux de Greux
+faisaient leurs Fontaines à la chapelle de Notre-Dame de Bermont; ceux
+de Domremy les faisaient à la Fontaine-des-Groseilliers et à
+l'Arbre-des-Fées<a id="footnotetag186" name="footnotetag186"></a><a href="#footnote186" title="Lien vers la note 186"><span class="smaller">[186]</span></a>. On se rappelait le temps où le seigneur et la
+dame de Bourlémont y conduisaient eux-mêmes la jeunesse du village.
+Mais Jeanne était encore dans les langes, quand Pierre de Bourlémont,
+seigneur de Domremy et de Greux, mourut sans enfants, laissant ses
+terres à sa nièce Jeanne de Joinville qui, mariée à un chambellan du
+duc de Lorraine, vivait à Nancy<a id="footnotetag187" name="footnotetag187"></a><a href="#footnote187" title="Lien vers la note 187"><span class="smaller">[187]</span></a>.</p>
+
+<p>Le jour des Fontaines, les filles et les garçons de Domremy se
+rendaient ensemble au vieux hêtre. Après y avoir suspendu des
+guirlandes de fleurs, ils soupaient, sur une nappe étendue à terre, de
+noix, d'&oelig;ufs durs et de petits pains d'une forme étrange, que les
+ménagères avaient pétris tout exprès. Puis ils allaient boire à la
+Fontaine-des-Groseilliers, dansaient des rondes et s'en retournaient
+chacun chez soi à la tombée de la nuit.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page17" name="page17"></a>(p. 17)</span> Jeanne faisait ses Fontaines comme toutes les jouvencelles de
+la contrée. Bien qu'elle fût de la partie de Domremy rattachée à
+Greux, elle les faisait non pas à Notre-Dame de Bermont, mais à la
+Fontaine-des-Groseilliers et à l'Arbre-des-Fées<a id="footnotetag188" name="footnotetag188"></a><a href="#footnote188" title="Lien vers la note 188"><span class="smaller">[188]</span></a>.</p>
+
+<p>En son premier âge, elle dansait avec ses compagnes au pied de
+l'arbre. Elle y tressait des guirlandes pour l'image de Notre-Dame de
+Domremy, dont la chapelle s'élevait sur un coteau voisin. Les jeunes
+filles avaient coutume de suspendre des guirlandes aux branches de
+l'Arbre-des-Fées. Jeanne en suspendait, comme les autres, et, comme
+les autres, tantôt elle les emportait, tantôt elle les laissait. On ne
+savait ce qu'elles devenaient, et il paraît que la disparition de ces
+fleurs était de nature à inquiéter les personnes scientifiques et
+d'entendement. Ce qui est certain c'est que les malades, s'ils
+buvaient à la fontaine et se promenaient ensuite sous l'arbre,
+guérissaient de la fièvre<a id="footnotetag189" name="footnotetag189"></a><a href="#footnote189" title="Lien vers la note 189"><span class="smaller">[189]</span></a>.</p>
+
+<p>Pour fêter le printemps on faisait un homme de mai, un mannequin de
+feuilles et de fleurs<a id="footnotetag190" name="footnotetag190"></a><a href="#footnote190" title="Lien vers la note 190"><span class="smaller">[190]</span></a>.</p>
+
+<p>Près de l'Arbre-des-Dames, sous un coudrier, une mandragore promettait
+les richesses à qui, n'ayant peur ni de l'entendre crier, ni de voir
+le sang dégoutter de son petit corps humain et de ses pieds fourchus,
+<span class="pagenum"><a id="page18" name="page18"></a>(p. 18)</span> oserait, durant la nuit, selon les rites, l'arracher de
+terre<a id="footnotetag191" name="footnotetag191"></a><a href="#footnote191" title="Lien vers la note 191"><span class="smaller">[191]</span></a>.</p>
+
+<p>L'arbre, la fontaine, la mandragore, rendaient les habitants de
+Domremy suspects de commercer avec les mauvais esprits. Un savant
+docteur a dit en propres termes que le pays était connu pour le grand
+nombre de ses habitants qui usaient de maléfices<a id="footnotetag192" name="footnotetag192"></a><a href="#footnote192" title="Lien vers la note 192"><span class="smaller">[192]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne, encore en sa prime jeunesse, fit plusieurs fois le voyage de
+Sermaize en Champagne, où elle avait des parents. Le curé de la
+paroisse, messire Henri de Vouthon, était son oncle maternel. Elle y
+avait un cousin, Perrinet de Vouthon, qui y exerçait l'état de
+couvreur avec son fils Henri<a id="footnotetag193" name="footnotetag193"></a><a href="#footnote193" title="Lien vers la note 193"><span class="smaller">[193]</span></a>.</p>
+
+<p>Domremy est séparé de Sermaize par quinze grandes lieues de forêts et
+de landes. Jeanne, à ce qu'on peut croire, faisait le voyage en croupe
+avec son frère sur la petite jument, la bâtière du gagnage<a id="footnotetag194" name="footnotetag194"></a><a href="#footnote194" title="Lien vers la note 194"><span class="smaller">[194]</span></a>. À
+chaque fois que l'enfant s'y rendait, elle passait plusieurs jours
+dans la maison de Perrinet, son cousin<a id="footnotetag195" name="footnotetag195"></a><a href="#footnote195" title="Lien vers la note 195"><span class="smaller">[195]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page19" name="page19"></a>(p. 19)</span> Le village de Domremy se divisait, selon le droit féodal, en
+deux parties distinctes. Celle du midi, avec le château sur la Meuse
+et une trentaine de feux, appartenait aux seigneurs de Bourlémont et
+dépendait de la châtellenie de Gondrecourt, mouvant de la couronne de
+France. C'était Lorraine et Barrois. La partie du nord, sur laquelle
+s'élevait le moustier, relevait de la prévoté de Montéclaire et
+Andelot au bailliage de Chaumont en Champagne<a id="footnotetag196" name="footnotetag196"></a><a href="#footnote196" title="Lien vers la note 196"><span class="smaller">[196]</span></a>. On l'appelait
+quelquefois Domremy de Greux, parce qu'elle ne faisait qu'un, pour
+ainsi dire, avec le village de Greux tout proche sur la route, vers
+Vaucouleurs<a id="footnotetag197" name="footnotetag197"></a><a href="#footnote197" title="Lien vers la note 197"><span class="smaller">[197]</span></a>. Un ruisseau jailli à peu de distance, au couchant,
+d'une triple source et qu'on nommait, dit-on, pour cela le ruisseau
+des Trois-Fontaines, séparait les serfs de Bourlémont des hommes du
+roi. Il passait humblement sous une pierre plate devant l'église, puis
+se jetait par une pente rapide dans la Meuse, vis-à-vis de la maison
+de Jacques d'Arc, qu'il avait laissée à gauche, en terre de Champagne
+et de France<a id="footnotetag198" name="footnotetag198"></a><a href="#footnote198" title="Lien vers la note 198"><span class="smaller">[198]</span></a>. Voilà ce qui paraîtrait le plus solidement établi;
+mais craignons de savoir ces choses mieux qu'on <span class="pagenum"><a id="page20" name="page20"></a>(p. 20)</span> ne les savait
+à l'époque. En 1429, on ignorait dans le conseil du roi Charles, si
+Jacques d'Arc était de condition libre ou serve<a id="footnotetag199" name="footnotetag199"></a><a href="#footnote199" title="Lien vers la note 199"><span class="smaller">[199]</span></a>. Et sans doute,
+Jacques d'Arc lui-même n'en savait rien. Lorrains ou Champenois, des
+deux côtés du ruisseau c'était pareillement des paysans menant une
+même vie de labeur et de peine. Pour ne point dépendre du même maître,
+les uns et les autres n'en formaient pas moins une communauté
+étroitement unie, une seule famille rustique. Intérêts, besoins et
+sentiments, ils partageaient tout. Menacés des mêmes dangers, ils
+avaient tous les mêmes inquiétudes.</p>
+
+<p>Situé à la pointe sud de la châtellenie de Vaucouleurs, le village de
+Domremy se trouvait pris entre le Barrois et la Champagne au levant,
+la Lorraine au couchant<a id="footnotetag200" name="footnotetag200"></a><a href="#footnote200" title="Lien vers la note 200"><span class="smaller">[200]</span></a>. Terribles voisins que ces ducs de
+Lorraine et de Bar, ce comte de Vaudemont, ce damoiseau de Commercy,
+ces seigneurs évêques de Metz, de Toul et de Verdun, toujours en
+guerre entre eux. Querelles de princes. Le villageois les observait
+comme la grenouille de la vieille fable regarde les taureaux combattre
+dans la prairie. Pâle, tremblant, le pauvre Jacques se voyait déjà
+piétiné par les féroces combattants. En un temps où la chrétienté tout
+entière était <span class="pagenum"><a id="page21" name="page21"></a>(p. 21)</span> au pillage, les hommes d'armes des Marches de
+Lorraine avaient renommée des plus grands pillards du monde.
+Malheureusement pour les laboureurs de la châtellenie de Vaucouleurs,
+tout contre ce domaine, au nord, vivait de rapines Robert de
+Saarbruck, damoiseau de Commercy, particulièrement prompt à dérober
+selon la coutume lorraine. Il était de l'avis de ce roi d'Angleterre
+qui disait que guerre sans incendie ne valait rien, non plus
+qu'andouilles sans moutarde<a id="footnotetag201" name="footnotetag201"></a><a href="#footnote201" title="Lien vers la note 201"><span class="smaller">[201]</span></a>. Un jour, assiégeant une petite place
+où les paysans s'étaient enfermés, le damoiseau fit brûler pendant
+toute une nuit les moissons d'alentour, pour y voir plus clair à
+prendre ses positions<a id="footnotetag202" name="footnotetag202"></a><a href="#footnote202" title="Lien vers la note 202"><span class="smaller">[202]</span></a>.</p>
+
+<p>En 1419, ce seigneur faisait la guerre aux frères Didier et Durand de
+Saint-Dié. Il n'importe pour quelle raison. De cette guerre, ainsi que
+des autres, les villageois faisaient les frais. Et comme les gens
+d'armes se battaient sur toute la châtellenie de Vaucouleurs, les
+habitants de Domremy avisèrent à leur sûreté. Voici de quelle manière.
+Il y avait à Domremy un château qui s'élevait dans la prairie à la
+pointe d'une île formée par deux bras de la rivière, dont l'un, le
+bras oriental, est depuis longtemps comblé<a id="footnotetag203" name="footnotetag203"></a><a href="#footnote203" title="Lien vers la note 203"><span class="smaller">[203]</span></a>. De ce château
+dépendaient une chapelle de Notre-Dame, une cour munie d'ouvrages de
+défense et un grand jardin <span class="pagenum"><a id="page22" name="page22"></a>(p. 22)</span> entouré de fossés larges et
+profonds. C'est ce qu'on nommait communément la forteresse de l'Île,
+ancienne habitation des sires de Bourlémont. Le dernier de ces
+seigneurs étant mort sans enfants, Jeanne de Joinville, sa nièce,
+hérita de ses biens. Mais ayant épousé, peu de temps après la
+naissance de Jeanne, un seigneur lorrain nommé Henri d'Ogiviller, elle
+le suivit dans le château d'Ogiviller et à la cour ducale de Nancy.
+Depuis son départ, la forteresse de l'Île restait inhabitée. Ceux du
+village la prirent à loyer, pour y mettre à l'abri des pillards leurs
+outils et leurs bêtes. La location fut adjugée sur enchères. Un nommé
+Jean Biget, de Domremy, et Jacques d'Arc, le père de Jeanne, s'étant
+trouvés les plus forts enchérisseurs et ayant fourni les garanties
+suffisantes, un bail fut passé entre eux et les représentants de la
+dame d'Ogiviller. Pour neuf années, à compter de la
+Saint-Jean-Baptiste de l'an 1419, et moyennant un loyer annuel de
+quatorze livres tournois et de trois imaux de blé<a id="footnotetag204" name="footnotetag204"></a><a href="#footnote204" title="Lien vers la note 204"><span class="smaller">[204]</span></a>, Jacques d'Arc
+et Jean Biget eurent la jouissance de la forteresse, du jardin, de la
+cour, ainsi que des prés qui dépendaient de ce domaine. Outre les deux
+locataires principaux, il y eut cinq locataires subsidiaires, dont le
+premier en nom fut Jacquemin, l'aîné des fils de Jacques d'Arc<a id="footnotetag205" name="footnotetag205"></a><a href="#footnote205" title="Lien vers la note 205"><span class="smaller">[205]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page23" name="page23"></a>(p. 23)</span> La précaution n'était pas inutile. En cette même année 1419,
+Robert de Saarbruck et sa compagnie se rencontrèrent avec les hommes
+des frères Didier et Durand, au village de Maxey, qui étendait en face
+de Greux, sur l'autre côté de la Meuse, au pied des collines boisées,
+ses toits de chaume. Les deux partis se livrèrent en ce lieu un combat
+dans lequel le damoiseau victorieux fit trente-cinq prisonniers,
+qu'ensuite il rançonna très âprement, selon l'usage. Dans le nombre se
+trouvait ce Thiesselin de Vittel, écuyer, dont la femme avait tenu sur
+les fonts du baptême la seconde fille de Jacques d'Arc. Jeanne, qui
+avait alors sept ans, et peut-être un peu plus, put voir, d'une des
+collines de son village, le combat où fut pris le mari de sa
+marraine<a id="footnotetag206" name="footnotetag206"></a><a href="#footnote206" title="Lien vers la note 206"><span class="smaller">[206]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant les affaires du royaume de France allaient au plus mal. On
+le savait à Domremy, car le village était sur la route et les passants
+apportaient les nouvelles<a id="footnotetag207" name="footnotetag207"></a><a href="#footnote207" title="Lien vers la note 207"><span class="smaller">[207]</span></a>. C'est ainsi qu'on y avait appris le
+meurtre du duc Jean de Bourgogne à qui les conseillers du dauphin
+firent payer sur le pont de Montereau le sang versé rue Barbette et
+qui en furent les mauvais marchands, cette mort ayant mis très bas
+leur jeune <span class="pagenum"><a id="page24" name="page24"></a>(p. 24)</span> prince. La guerre s'en était suivie entre
+Armagnacs et Bourguignons. Et cette guerre n'avait que trop profité
+aux Anglais, obstinés ennemis du royaume, qui depuis deux cents ans
+possédaient la Guyenne et y faisaient un grand négoce<a id="footnotetag208" name="footnotetag208"></a><a href="#footnote208" title="Lien vers la note 208"><span class="smaller">[208]</span></a>. Mais la
+Guyenne était loin et peut-être ne savait-on pas à Domremy qu'elle
+avait été jadis dans les appartenances des rois de France. Ce qu'on y
+savait très bien, au contraire, c'est que durant les derniers troubles
+du royaume les Anglais avaient repassé la mer et que monseigneur
+Philippe, fils du feu duc Jean, leur avait tendu la main. Ils
+occupaient la Normandie, le Maine, la Picardie, l'Île-de-France, Paris
+la grande ville<a id="footnotetag209" name="footnotetag209"></a><a href="#footnote209" title="Lien vers la note 209"><span class="smaller">[209]</span></a>. Or les Anglais étaient très haïs et très
+craints, en France, pour leur grande réputation de cruauté. Non qu'ils
+fussent en réalité beaucoup plus méchants que les autres peuples<a id="footnotetag210" name="footnotetag210"></a><a href="#footnote210" title="Lien vers la note 210"><span class="smaller">[210]</span></a>.
+En Normandie, leur roi Henri avait fait respecter les femmes et les
+biens dans tous les lieux de son obéissance. Mais la guerre est
+cruelle en soi et qui la porte chez un peuple devient justement odieux
+à ce peuple. On les disait perfides et non toujours à tort, car la
+bonne foi est rare parmi les <span class="pagenum"><a id="page25" name="page25"></a>(p. 25)</span> hommes. On les tournait en
+dérision de diverses manières. En jouant sur leur nom en latin et en
+français on les nommait anges. Or, s'ils étaient des anges, c'étaient
+assurément de mauvais anges. Ils reniaient Dieu et avaient sans cesse
+à la gorge leur <i>Goddam</i><a id="footnotetag211" name="footnotetag211"></a><a href="#footnote211" title="Lien vers la note 211"><span class="smaller">[211]</span></a>, tant qu'on les appelait les Godons.
+C'étaient des diables. On disait qu'ils étaient coués, c'est-à-dire
+qu'ils avaient une queue au derrière<a id="footnotetag212" name="footnotetag212"></a><a href="#footnote212" title="Lien vers la note 212"><span class="smaller">[212]</span></a>. On eut deuil dans beaucoup
+de maisons françaises, quand la reine Ysabeau, faisant des nobles
+fleurs de Lis litière au léopard, livra le royaume de France aux
+coués<a id="footnotetag213" name="footnotetag213"></a><a href="#footnote213" title="Lien vers la note 213"><span class="smaller">[213]</span></a>. Depuis lors, le roi Henri V de Lancastre et le roi Charles
+VI de Valois, le roi victorieux et le roi fol s'étaient suivis, à
+quelques jours de distance, devant Dieu qui juge le bon et le mauvais,
+le juste et l'injurieux, le faible et le puissant. La châtellenie de
+Vaucouleurs était française<a id="footnotetag214" name="footnotetag214"></a><a href="#footnote214" title="Lien vers la note 214"><span class="smaller">[214]</span></a>. Il s'y trouvait des clercs et des
+nobles pour plaindre cet autre Joas arraché tout enfant à ses ennemis,
+orphelin dépouillé de son héritage, en qui tout l'espoir du <span class="pagenum"><a id="page26" name="page26"></a>(p. 26)</span>
+royaume était renfermé. Mais croira-t-on que les pauvres laboureurs
+avaient loisir de considérer ces choses? Croira-t-on que vraiment les
+paysans de Domremy tenaient pour le dauphin Charles, leur droiturier
+seigneur, tandis que les Lorrains de Maxey, suivant le parti de leur
+duc, tenaient pour les Bourguignons?</p>
+
+<p>Maxey, sur la rive droite de la Meuse, n'était séparé de Domremy que
+par la rivière. Les enfants de Domremy et de Greux y allaient à
+l'école; des querelles s'élevaient entre eux; les petits Bourguignons
+de Maxey et les petits Armagnacs de Domremy se livraient des
+batailles. Plus d'une fois, le soir, à la tête du pont, Jeanne vit
+revenir tout en sang les gars de son village<a id="footnotetag215" name="footnotetag215"></a><a href="#footnote215" title="Lien vers la note 215"><span class="smaller">[215]</span></a>. Qu'une fillette
+ardente comme elle ait épousé gravement ces querelles et en ait conçu
+une haine profonde des Bourguignons, cela se conçoit. On aurait tort
+pourtant de chercher dans ces jeux de vilains en bas âge un indice de
+l'état des esprits. Les jeunes garnements de ces deux paroisses en
+avaient pour des siècles à s'insulter et à se battre<a id="footnotetag216" name="footnotetag216"></a><a href="#footnote216" title="Lien vers la note 216"><span class="smaller">[216]</span></a>. Partout et
+toujours, quand les enfants vont en troupe et que ceux d'un village
+rencontrent ceux du village voisin, les injures et les pierres volent.
+Les paysans de Domremy, de Greux et de Maxey, se souciaient peu, sans
+doute, des affaires des ducs et des rois. Ils avaient appris à
+craindre les capitaines de leur <span class="pagenum"><a id="page27" name="page27"></a>(p. 27)</span> alliance à l'égal des
+capitaines de l'alliance contraire, et à ne point faire de différence
+entre les gens de guerre amis et les gens de guerre ennemis.</p>
+
+<p>En l'an 1420, les Anglais occupèrent le bailliage de Chaumont et
+mirent des garnisons dans plusieurs forteresses du Bassigny. Messire
+Robert, seigneur de Baudricourt et de Blaise, fils de feu messire
+Liébault de Baudricourt, était alors capitaine de Vaucouleurs et
+bailli de Chaumont pour le dauphin Charles. Il pouvait être estimé
+grand pillard, même en Lorraine. Au printemps de cette année 1420, le
+duc de Bourgogne ayant envoyé des ambassadeurs au seigneur évêque de
+Verdun, sire Robert, d'accord avec le damoiseau de Commercy, les fit
+prisonniers à leur retour. Pour venger cette offense, le duc de
+Bourgogne déclara la guerre au capitaine de Vaucouleurs et la
+châtellenie fut ravagée par des bandes d'Anglais et de
+Bourguignons<a id="footnotetag217" name="footnotetag217"></a><a href="#footnote217" title="Lien vers la note 217"><span class="smaller">[217]</span></a>.</p>
+
+<p>En 1423, le duc de Lorraine était aux prises avec un terrible homme,
+cet Étienne de Vignolles, routier gascon, déjà fameux sous le rude
+sobriquet de La Hire<a id="footnotetag218" name="footnotetag218"></a><a href="#footnote218" title="Lien vers la note 218"><span class="smaller">[218]</span></a>, qu'il devait laisser après sa mort au valet
+de c&oelig;ur des jeux de cartes graissés par les doigts des <span class="pagenum"><a id="page28" name="page28"></a>(p. 28)</span>
+soudards. La Hire tenait le parti du dauphin Charles, mais, de fait,
+ne guerroyait que pour son propre gain. À cette heure, il battait le
+Barrois au couchant et au midi, brûlant les églises et détruisant les
+villages.</p>
+
+<p>Comme il occupait Sermaize, dont l'église était fortifiée, Jean comte
+de Salm, gouverneur du duché de Bar pour le duc de Lorraine, l'y vint
+assiéger avec deux cents chevaux. Un coup de bombarde, tiré par les
+canonniers lorrains, tua Collot Turlaut, marié depuis deux ans à
+Mengette, fille de Jean de Vouthon et cousine germaine de Jeanne<a id="footnotetag219" name="footnotetag219"></a><a href="#footnote219" title="Lien vers la note 219"><span class="smaller">[219]</span></a>.</p>
+
+<p>Jacques d'Arc était alors doyen de la communauté. Le doyen avait
+beaucoup à faire, surtout dans les temps troublés. Il convoquait le
+maire et les échevins à leurs réunions, faisait les cris des
+ordonnances, commandait le guet de jour et de nuit, gardait les
+prisonniers. Il était aussi chargé de la collecte des tailles, rentes
+et redevances, office des plus pénibles à remplir dans un pays
+ruiné<a id="footnotetag220" name="footnotetag220"></a><a href="#footnote220" title="Lien vers la note 220"><span class="smaller">[220]</span></a>.</p>
+
+<p>Robert de Saarbruck, damoiseau de Commercy, qui, pour le moment, était
+armagnac, pillait et rançonnait, sous couleur de protection et de
+sauvegarde, les villages barrisiens de la rive gauche de la
+Meuse<a id="footnotetag221" name="footnotetag221"></a><a href="#footnote221" title="Lien vers la note 221"><span class="smaller">[221]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page29" name="page29"></a>(p. 29)</span> Le 7 octobre 1423, Jacques d'Arc signa, comme
+doyen, au-dessous du maire et de l'échevin, l'acte par lequel le
+damoiseau extorquait à ces pauvres gens le paiement annuel de deux
+gros par feu entier et d'un gros par feu de veuve, imposition qui ne
+montait pas à moins de deux cent vingt écus d'or, que le doyen était
+chargé de colliger pour la Saint-Martin d'hiver<a id="footnotetag222" name="footnotetag222"></a><a href="#footnote222" title="Lien vers la note 222"><span class="smaller">[222]</span></a>.</p>
+
+<p>L'année suivante fut très mauvaise au dauphin Charles, car les
+chevaliers français et écossais de son parti furent aussi maltraités
+que possible à Verneuil. Cette année-là, le damoiseau de Commercy se
+tourna bourguignon et n'en valut ni plus ni moins pour cela<a id="footnotetag223" name="footnotetag223"></a><a href="#footnote223" title="Lien vers la note 223"><span class="smaller">[223]</span></a>. Le
+capitaine La Hire se battait encore dans le Barrois, mais cette fois
+c'était contre le jeune fils de madame Yolande, le beau-frère du
+dauphin Charles, René d'Anjou, nouvellement sorti de tutelle et
+désormais investi du duché de Bar. Le capitaine La Hire réclamait, à
+la pointe de la lance, certaines sommes d'argent que le cardinal duc
+de Bar lui devait<a id="footnotetag224" name="footnotetag224"></a><a href="#footnote224" title="Lien vers la note 224"><span class="smaller">[224]</span></a>.</p>
+
+<p>En même temps Robert, sire de Baudricourt, était aux prises avec Jean
+de Vergy, seigneur de Saint-Dizier, sénéchal de Bourgogne<a id="footnotetag225" name="footnotetag225"></a><a href="#footnote225" title="Lien vers la note 225"><span class="smaller">[225]</span></a>. Ce fut
+une belle guerre. Des deux parts on prenait pain, vin, argent,
+vaisselle, habits, gros et menu bétail, et l'on brûlait ce que l'on ne
+<span class="pagenum"><a id="page30" name="page30"></a>(p. 30)</span> pouvait emporter. On mettait à rançon hommes, femmes,
+enfants. Dans la plupart des villages du Bassigny, le labour fut
+abandonné, presque tous les moulins furent détruits<a id="footnotetag226" name="footnotetag226"></a><a href="#footnote226" title="Lien vers la note 226"><span class="smaller">[226]</span></a>.</p>
+
+<p>Dix, vingt, trente bandes de Bourguignons parcouraient la châtellenie
+de Vaucouleurs et y mettaient tout à feu et à sang. Les paysans
+cachaient leurs chevaux pendant le jour et se relevaient la nuit pour
+les mener paître<a id="footnotetag227" name="footnotetag227"></a><a href="#footnote227" title="Lien vers la note 227"><span class="smaller">[227]</span></a>. À Domremy on vivait dans une alarme
+perpétuelle. Un veilleur à toute heure se tenait sur la tour carrée du
+moustier. Chaque habitant, et, si l'on s'en rapporte à la coutume, le
+curé lui-même, y faisant le guet à son tour, épiait, dans la
+poussière, au soleil, sur le ruban pâle des routes, la lueur des
+lances, scrutait du regard la profondeur effrayante des bois, et la
+nuit, voyait avec terreur s'allumer à l'horizon les villages. À
+l'approche des gens d'armes il lançait à toute volée ces cloches qui,
+tour à tour, célébraient les naissances, pleuraient les morts,
+appelaient le peuple à la prière, conjuraient la foudre et annonçaient
+les périls. Les villageois réveillés sautaient demi-nus aux étables et
+poussaient pêle-mêle les troupeaux vers le château qu'entouraient les
+deux bras de la Meuse<a id="footnotetag228" name="footnotetag228"></a><a href="#footnote228" title="Lien vers la note 228"><span class="smaller">[228]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page31" name="page31"></a>(p. 31)</span> En l'été de 1425, certain chef de bandes, qui faisait meurtres
+et larcins sans nombre dans tout le pays, Henri d'Orly, dit de Savoie,
+tomba un jour avec ses larrons sur les villages de Greux et de
+Domremy. Cette fois le château de l'Île ne fut d'aucun secours aux
+habitants. Le seigneur Henri de Savoie prit tout le bétail des deux
+villages et le fit conduire à quinze ou vingt lieues de là, dans son
+château de Doulevant. Il avait aussi dérobé beaucoup de meubles et de
+biens, en sorte que, ne pouvant tout loger en un seul endroit, il en
+fit porter une partie à Dommartin-le-Franc, village assez proche où il
+y avait un château précédé d'une si grande cour, que ce lieu en prit
+le nom de Dommartin-la-Cour. Les paysans, cruellement dépouillés,
+étaient en voie de mourir de faim. Heureusement pour eux, à la
+nouvelle de cette volerie, la dame d'Ogiviller envoya au comte de
+Vaudemont, en son château de Joinville, un message pour se plaindre à
+lui, comme à son bon parent, d'un tort fait à elle-même, puisqu'elle
+était dame de Greux et de Domremy. Le comte de Vaudemont avait dans sa
+mouvance immédiate le château de Doulevant. Dès qu'il eut reçu le
+message de sa parente, il envoya un homme d'armes, avec sept ou huit
+combattants, reprendre le bétail. Cet homme d'armes, nommé Barthélemy
+de Clefmont, âgé de vingt ans à peine, était habile au fait de guerre.
+Il trouva dans le château de Dommartin-le-Franc les animaux volés, les
+prit et les conduisit à Joinville. En route il <span class="pagenum"><a id="page32" name="page32"></a>(p. 32)</span> fut poursuivi
+et attaqué par les gens du seigneur d'Orly, et mis en grand péril de
+mort. Mais il se défendit si bien qu'il arriva sauf à Joinville,
+ramenant le bétail, que le comte de Vaudemont fit reconduire dans les
+prairies de Greux et de Domremy<a id="footnotetag229" name="footnotetag229"></a><a href="#footnote229" title="Lien vers la note 229"><span class="smaller">[229]</span></a>.</p>
+
+<p>Bonheur inespéré! Le laboureur embrassa ses b&oelig;ufs en pleurant. Mais
+n'était-il pas exposé à les perdre sans retour le lendemain?</p>
+
+<p>Jeanne avait alors treize ou quatorze ans. La guerre partout autour
+d'elle, même dans les jeux des enfants; le mari d'une de ses marraines
+pris et rançonné par les gens d'armes; le mari de sa cousine germaine
+Mengette tué d'un coup de bombarde<a id="footnotetag230" name="footnotetag230"></a><a href="#footnote230" title="Lien vers la note 230"><span class="smaller">[230]</span></a>, le pays natal foulé par les
+routiers, incendié, pillé, dévasté, tout le bétail emporté; des nuits
+d'épouvante, des rêves affreux, voilà ce qu'elle connut dans son
+enfance.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page33" name="page33"></a>(p. 33)</span> CHAPITRE II<br>
+
+<span class="smaller">LES VOIX.</span></h2>
+
+
+<p>Or, âgée d'environ treize ans, un jour d'été, à l'heure de midi, dans
+le jardin de son père, elle entendit une voix qui lui fit grand'peur.
+Cette voix parlait à la droite de l'enfant, vers l'église, et était
+accompagnée d'une lumière qui se montrait du même côté; elle lui
+disait:</p>
+
+<p>&mdash;Je viens de Dieu pour t'aider à te bien conduire<a id="footnotetag231" name="footnotetag231"></a><a href="#footnote231" title="Lien vers la note 231"><span class="smaller">[231]</span></a>. Jeannette,
+sois bonne et Dieu t'aidera.</p>
+
+<p>Jeanne était à jeun, mais non pas épuisée d'inanition; elle avait
+mangé la veille<a id="footnotetag232" name="footnotetag232"></a><a href="#footnote232" title="Lien vers la note 232"><span class="smaller">[232]</span></a>.</p>
+
+<p>Un autre jour, la voix se fit encore entendre et répéta:</p>
+
+<p>&mdash;Jeannette, sois bonne!</p>
+
+<p>L'enfant ignorait encore de qui venait la voix. Mais la troisième
+fois, en l'écoutant, elle sut que c'était la voix d'un ange et même
+elle reconnut que cet ange <span class="pagenum"><a id="page34" name="page34"></a>(p. 34)</span> était saint Michel. Elle ne
+pouvait s'y tromper, le connaissant bien: c'était le patron du duché
+de Bar<a id="footnotetag233" name="footnotetag233"></a><a href="#footnote233" title="Lien vers la note 233"><span class="smaller">[233]</span></a>. Elle le voyait parfois contre quelque pilier d'église ou
+de chapelle, sous l'aspect d'un beau chevalier, portant le heaume
+couronné, la cotte d'armes et l'écu, et transperçant le démon de sa
+lance<a id="footnotetag234" name="footnotetag234"></a><a href="#footnote234" title="Lien vers la note 234"><span class="smaller">[234]</span></a>. On le représentait aussi tenant les balances dans
+lesquelles il pesait les âmes, car il était prévôt du ciel et gardien
+du paradis<a id="footnotetag235" name="footnotetag235"></a><a href="#footnote235" title="Lien vers la note 235"><span class="smaller">[235]</span></a>, à la fois le chef des milices célestes et l'ange du
+Jugement<a id="footnotetag236" name="footnotetag236"></a><a href="#footnote236" title="Lien vers la note 236"><span class="smaller">[236]</span></a>. Il se plaisait sur les hauts lieux<a id="footnotetag237" name="footnotetag237"></a><a href="#footnote237" title="Lien vers la note 237"><span class="smaller">[237]</span></a>. C'est pourquoi
+on lui avait consacré une chapelle en Lorraine sur le mont Sombar, au
+nord de la ville de Toul. Apparu très anciennement à l'évêque
+d'Avranches, il lui avait ordonné de construire une église, sur le
+mont Tombe, à l'endroit où l'on trouverait un taureau que des voleurs
+y avaient caché, et d'asseoir l'édifice sur toute l'aire foulée par
+les pieds du taureau. Ce fut en observation de ce commandement que
+s'éleva l'abbaye du Mont-Saint-Michel-au-Péril-de-la-Mer<a id="footnotetag238" name="footnotetag238"></a><a href="#footnote238" title="Lien vers la note 238"><span class="smaller">[238]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page35" name="page35"></a>(p. 35)</span> Vers le temps où l'enfant avait ces apparitions, les
+défenseurs du Mont-Saint-Michel déconfirent les Anglais qui
+attaquaient la forteresse par terre et par mer. Les Français
+attribuèrent cette victoire à la toute-puissante intercession de
+l'archange<a id="footnotetag239" name="footnotetag239"></a><a href="#footnote239" title="Lien vers la note 239"><span class="smaller">[239]</span></a>. Et pourquoi n'eût-il pas favorisé les Français qui
+lui vouaient une dévotion spéciale? Depuis que monseigneur saint Denys
+avait laissé prendre son abbaye par les Anglais, monseigneur saint
+Michel, qui gardait si bien la sienne, était en passe de devenir le
+véritable patron du royaume<a id="footnotetag240" name="footnotetag240"></a><a href="#footnote240" title="Lien vers la note 240"><span class="smaller">[240]</span></a>. Le dauphin Charles, en l'an 1419,
+avait fait peindre des panonceaux à la ressemblance de saint Michel
+tout armé, tenant une épée nue et faisant manière de tuer un
+serpent<a id="footnotetag241" name="footnotetag241"></a><a href="#footnote241" title="Lien vers la note 241"><span class="smaller">[241]</span></a>. Mais des miracles de monseigneur saint Michel en
+Normandie la fille de Domremy ne savait pas grand'chose.</p>
+
+<p>Elle reconnut l'ange à ses armes, à sa courtoisie et aux belles
+maximes qui sortaient de sa bouche<a id="footnotetag242" name="footnotetag242"></a><a href="#footnote242" title="Lien vers la note 242"><span class="smaller">[242]</span></a>.</p>
+
+<p>Il lui dit un jour:</p>
+
+<p>&mdash;Sainte Catherine et sainte Marguerite viendront à <span class="pagenum"><a id="page36" name="page36"></a>(p. 36)</span> toi. Agis
+par leurs conseils, car elles sont ordonnées pour te conduire et te
+conseiller en ce que tu auras à faire, et tu les croiras en ce
+qu'elles te diront. Et ces choses s'accomplissent par le commandement
+de Notre-Seigneur<a id="footnotetag243" name="footnotetag243"></a><a href="#footnote243" title="Lien vers la note 243"><span class="smaller">[243]</span></a>.</p>
+
+<p>Cette promesse lui causa une grande joie, car elle les aimait bien
+l'une et l'autre. Madame sainte Marguerite était grandement honorée
+dans le royaume de France et elle y faisait beaucoup de grâces. Elle
+assistait les femmes en couches<a id="footnotetag244" name="footnotetag244"></a><a href="#footnote244" title="Lien vers la note 244"><span class="smaller">[244]</span></a> et protégeait les paysans au
+labour. Elle était la patronne des liniers, des recommanderesses, des
+mégissiers et des blanchisseurs de laine. On lui était dévot en
+Champagne et en Lorraine autant qu'en aucun pays chrétien. Des
+religieux y promenaient à dos de mulet, par les villes et les
+villages, une châsse contenant ses précieuses reliques. Ils les
+faisaient toucher et recevaient pour cela d'abondantes aumônes<a id="footnotetag245" name="footnotetag245"></a><a href="#footnote245" title="Lien vers la note 245"><span class="smaller">[245]</span></a>.
+Jeanne avait vu maintes fois à l'église madame sainte Marguerite
+peinte au naturel, un goupillon à la main, le pied sur la tête du
+dragon<a id="footnotetag246" name="footnotetag246"></a><a href="#footnote246" title="Lien vers la note 246"><span class="smaller">[246]</span></a>. Elle en savait l'histoire telle qu'on la contait alors et
+à peu près de la manière que voici.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page37" name="page37"></a>(p. 37)</span> La bienheureuse Marguerite naquit à Antioche. Son père,
+Théodose, était prêtre des gentils. Elle fut mise en nourrice et
+baptisée secrètement. Un jour de sa quinzième année, comme elle
+gardait les brebis de sa nourrice, le gouverneur Olibrius la vit, et,
+frappé de sa beauté, conçut pour elle une grande passion. C'est
+pourquoi il dit à ses serviteurs: «Allez et amenez-moi cette fille,
+afin que je l'épouse si elle est de condition libre, ou que je la
+prenne pour servante si elle est esclave.»</p>
+
+<p>Et lorsqu'elle lui fut amenée, il lui demanda son pays, son nom et sa
+religion. Elle répondit qu'elle se nommait Marguerite et qu'elle était
+chrétienne.</p>
+
+<p>Et Olibrius lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Comment une fille noble et belle comme toi peut-elle adorer Jésus le
+crucifié?</p>
+
+<p>Et parce qu'elle répondit que Jésus-Christ vivait éternellement, le
+gouverneur irrité la fit mettre en prison.</p>
+
+<p>Le lendemain il la manda à son tribunal et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Malheureuse fille, aie pitié de ta propre beauté, et adore nos dieux
+afin d'en retirer avantage. Mais si tu persistes dans ton aveuglement,
+je ferai déchirer ton corps.</p>
+
+<p>Et Marguerite répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Jésus s'est livré à la mort pour moi, et moi, je désire mourir pour
+lui.</p>
+
+<p>Alors le gouverneur donna l'ordre de la suspendre sur le chevalet, de
+la fouetter de verges et de lui déchirer <span class="pagenum"><a id="page38" name="page38"></a>(p. 38)</span> les chairs avec des
+ongles de fer. Et le sang coula du corps de la vierge comme d'une
+source très pure.</p>
+
+<p>Les assistants pleuraient et le gouverneur se couvrit le visage de son
+manteau pour ne pas voir le sang. Et il ordonna de la détacher et de
+la reconduire dans sa prison.</p>
+
+<p>Elle y fut tentée par l'Esprit, et elle pria le Seigneur de lui faire
+voir l'ennemi qu'elle avait à combattre. Et voici qu'un énorme dragon,
+se montrant devant elle, s'élança pour la dévorer. Mais elle fit le
+signe de la croix et il disparut. Alors le diable emprunta, pour la
+séduire, l'aspect d'un homme. Il vint doucement à elle, lui prit les
+mains et dit: «Marguerite, c'est assez de ce que tu as fait.» Mais
+elle le saisit par les cheveux, le jeta à terre, lui mit le pied droit
+sur la tête et s'écria: «Tremble, ennemi superbe, tu gis sous le pied
+d'une femme!» Le lendemain, en présence du peuple, elle fut amenée
+devant le juge, qui lui ordonna de sacrifier aux idoles. Et, comme
+elle s'y refusa, il lui fit brûler le corps avec des torches ardentes,
+mais elle semblait n'éprouver aucun mal. Et de peur que, frappé de ce
+miracle, le peuple ne se convertît en foule, Olibrius ordonna de
+décapiter la bienheureuse Marguerite. Elle dit au bourreau: «Frère,
+prends ton glaive et frappe-moi.» Il lui abattit la tête d'un seul
+coup. L'âme s'envola au ciel sous la forme d'une colombe<a id="footnotetag247" name="footnotetag247"></a><a href="#footnote247" title="Lien vers la note 247"><span class="smaller">[247]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page39" name="page39"></a>(p. 39)</span> Cette histoire avait été mise en chansons et en mystères<a id="footnotetag248" name="footnotetag248"></a><a href="#footnote248" title="Lien vers la note 248"><span class="smaller">[248]</span></a>.
+Elle était si connue, que le nom du gouverneur, avili par la
+raillerie, devenu tout à fait ridicule, se donnait communément aux
+fanfarons et aux glorieux et qu'on disait d'un sot qui fait le méchant
+garçon: «C'est un olibrius<a id="footnotetag249" name="footnotetag249"></a><a href="#footnote249" title="Lien vers la note 249"><span class="smaller">[249]</span></a>.»</p>
+
+<p>Madame sainte Catherine, que l'ange avait annoncée à Jeanne en même
+temps que madame sainte Marguerite, gardait sous sa protection
+spéciale les jeunes filles, et particulièrement les servantes et les
+fileuses. Les orateurs et les philosophes avaient pris aussi pour
+patronne la vierge qui avait confondu les cinquante docteurs et
+triomphé des mages de l'Orient. On lui faisait dans la vallée de la
+Meuse des oraisons en rimes, comme celle-ci:</p>
+
+<p class="poem10">
+ <i>Ave</i>, très sainte Catherine,<br>
+ Vierge pucelle nette et fine<a id="footnotetag250" name="footnotetag250"></a><a href="#footnote250" title="Lien vers la note 250"><span class="smaller">[250]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle n'était pas non plus pour Jeanne une étrangère cette belle dame
+qui avait son église à Maxey, sur l'autre bord de la rivière et dont
+le nom était porté par la fille aînée d'Isabelle Romée<a id="footnotetag251" name="footnotetag251"></a><a href="#footnote251" title="Lien vers la note 251"><span class="smaller">[251]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page40" name="page40"></a>(p. 40)</span> Jeanne assurément ne connaissait pas l'histoire de madame
+sainte Catherine telle que la savaient les grands clercs, telle, par
+exemple, que la mettait en écrit, vers ce temps-là, messire Jean
+Miélot, secrétaire du duc de Bourgogne. Jean Miélot disait comment la
+vierge d'Alexandrie réprouva les subtils arguments d'Homère, les
+syllogismes d'Aristote, les très sages raisons d'Esculape et de
+Gallien, médecins renommés, pratiqua les sept arts libéraux et disputa
+selon les règles de la dialectique<a id="footnotetag252" name="footnotetag252"></a><a href="#footnote252" title="Lien vers la note 252"><span class="smaller">[252]</span></a>. La fille de Jacques d'Arc
+n'entendait rien à cela; elle connaissait madame sainte Catherine par
+des récits tirés de quelque histoire en langue vulgaire comme il en
+courait tant à cette époque, en prose ou en rimes<a id="footnotetag253" name="footnotetag253"></a><a href="#footnote253" title="Lien vers la note 253"><span class="smaller">[253]</span></a>.</p>
+
+<p>Fille du roi Costus et de la reine Sabinelle, Catherine, au sortir de
+l'enfance, était versée dans l'étude des arts, et habile à broder la
+soie. La beauté de son corps resplendissait, mais son âme demeurait
+plongée dans les ténèbres de l'idolâtrie. Plusieurs barons de l'empire
+la recherchaient en mariage; elle les dédaignait et disait:
+«Trouvez-moi un époux qui soit sage, beau, noble et riche.» Or,
+pendant son sommeil, <span class="pagenum"><a id="page41" name="page41"></a>(p. 41)</span> elle eut une vision. La Vierge Marie lui
+apparut tenant l'Enfant Jésus dans ses bras et dit:</p>
+
+<p>&mdash;Catherine, veux-tu prendre celui-ci pour ton époux? Et vous, mon
+très doux fils, voulez-vous avoir cette vierge pour épouse?</p>
+
+<p>L'Enfant Jésus répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Ma mère, je ne la veux point; éloignez-la plutôt de vous, parce
+qu'elle est idolâtre. Mais si elle consent à se faire baptiser, je lui
+promets de mettre à son doigt l'anneau nuptial.</p>
+
+<p>Désireuse d'épouser le Roi des cieux, Catherine alla demander le saint
+baptême à l'ermite Ananias, qui vivait en Arménie, dans la montagne
+Nègre. Peu de jours après, comme elle priait dans sa chambre, elle vit
+venir Jésus-Christ au milieu d'un ch&oelig;ur nombreux d'anges, de saints
+et de saintes. Il s'approcha d'elle et lui mit au doigt son anneau. Et
+Catherine connut seulement alors que ces noces étaient des noces
+spirituelles.</p>
+
+<p>En ce temps-là, Maxence était empereur des Romains. Il ordonna aux
+habitants d'Alexandrie d'offrir aux idoles de grands sacrifices.
+Catherine, qui priait dans son oratoire, entendit les chants des
+prêtres et les mugissements des victimes. Aussitôt elle se rendit sur
+la place publique et, ayant vu Maxence à la porte du temple, elle lui
+dit:</p>
+
+<p>&mdash;Comment es-tu assez insensé pour ordonner à cette foule de rendre
+hommage à des idoles? Tu admires ce <span class="pagenum"><a id="page42" name="page42"></a>(p. 42)</span> temple que tu as élevé
+par la main des ouvriers. Tu admires ces ornements précieux qui ne
+sont que de la poussière qu'emporte le vent. Tu devrais plutôt admirer
+le ciel et la terre, et la mer, et tout ce qui y est contenu. Tu
+devrais admirer les ornements des cieux, le soleil, la lune et les
+étoiles; tu devrais admirer les cercles de ces astres qui, depuis le
+commencement du monde, courent vers l'Occident et reviennent à
+l'Orient, et ne se fatiguent jamais. Et quand tu auras remarqué toutes
+ces choses, interroge et apprends quel en est l'auteur. C'est notre
+Dieu, le Seigneur des Dominations et le Dieu des dieux.</p>
+
+<p>&mdash;Femme, répondit l'empereur, laisse-nous achever le sacrifice;
+ensuite nous te ferons réponse.</p>
+
+<p>Et il ordonna que Catherine fût conduite au palais et gardée avec
+soin; et comme il admirait la grande sagesse et la merveilleuse beauté
+de cette vierge, il manda cinquante docteurs versés dans la science
+des Égyptiens et dans les arts libéraux, et, les ayant assemblés, il
+leur dit:</p>
+
+<p>&mdash;Une fille d'un esprit subtil affirme que nos dieux ne sont que des
+démons. J'aurais pu la contraindre à sacrifier ou la faire punir; mais
+j'ai jugé plus convenable qu'elle fût confondue par la force de vos
+arguments. Si vous triomphez d'elle, vous retournerez chez vous
+chargés d'honneurs.</p>
+
+<p>Et les sages répondirent:</p>
+
+<p>-Qu'on l'amène, afin que sa témérité se manifeste <span class="pagenum"><a id="page43" name="page43"></a>(p. 43)</span> et qu'elle
+avoue n'avoir jamais jusqu'ici rencontré de sages!</p>
+
+<p>Et quand elle apprit qu'elle devait disputer avec les sages, Catherine
+craignit de ne pouvoir défendre dignement contre eux la vérité de
+Jésus-Christ. Mais un ange lui apparut et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Je suis l'archange saint Michel, envoyé par Dieu pour t'annoncer que
+tu sortiras de ce combat victorieuse, et digne d'obtenir notre
+Seigneur Jésus-Christ, espoir et couronne de ceux qui combattent pour
+lui.</p>
+
+<p>Et la vierge disputa avec les docteurs. Ceux-ci ayant soutenu qu'il
+était impossible qu'un Dieu se fît homme et connût la douleur,
+Catherine montra que la naissance et la passion de Jésus-Christ
+avaient été annoncées par les gentils eux-mêmes et proclamées par
+Platon et la Sibylle.</p>
+
+<p>Les docteurs ne purent rien opposer à des arguments si solides. C'est
+pourquoi le principal d'entre eux dit à l'empereur:</p>
+
+<p>&mdash;Tu sais que personne jusqu'ici n'a pu disputer avec nous sans être
+aussitôt confondu. Mais cette jeune fille, dans laquelle parle
+l'esprit de Dieu, nous remplit d'admiration, et nous ne savons ni
+n'osons dire quelque chose contre le Christ. Et nous avouons hardiment
+que, si tu n'as pas de meilleures raisons à donner en faveur des dieux
+que nous avons adorés jusqu'à présent, nous nous convertissons tous à
+la foi chrétienne.</p>
+
+<p>En entendant ces paroles, le tyran fut transporté <span class="pagenum"><a id="page44" name="page44"></a>(p. 44)</span> d'une telle
+rage, qu'il fit brûler les cinquante docteurs au milieu de la ville.
+Mais en signe de ce qu'ils mouraient pour la vérité, ni leurs
+vêtements, ni leurs cheveux ne furent atteints par le feu.</p>
+
+<p>Maxence dit ensuite à Catherine:</p>
+
+<p>&mdash;Ô vierge issue de noble lignée, et digne de la pourpre impériale,
+prends conseil de ta jeunesse et sacrifie à nos dieux. Si tu le veux
+faire, tu tiendras dans mon palais le premier rang après
+l'impératrice, et ton image, placée au milieu de la ville, sera adorée
+de tout le peuple comme celle d'une déesse.</p>
+
+<p>Mais Catherine répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Cesse de parler de telles choses. C'est un crime d'y penser
+seulement. Jésus-Christ m'a prise pour épouse. Il est tout mon amour,
+toute ma gloire et toutes mes délices.</p>
+
+<p>Voyant qu'il ne pouvait la flatter par des caresses, le tyran espéra
+la réduire par la peur; c'est pourquoi il la menaça de mort.</p>
+
+<p>Le courage de Catherine n'en fut point ébranlé:</p>
+
+<p>&mdash;Jésus-Christ, dit-elle, s'est offert pour moi en sacrifice à son
+Père; ce m'est une grande joie que je puisse être offerte à la gloire
+de son nom comme une hostie agréable.</p>
+
+<p>Alors Maxence ordonna qu'elle fût fouettée de verges et que, traînée
+ensuite dans un cachot ténébreux, on l'y laissât sans nourriture. Et,
+appelé par diverses affaires pressantes, il partit pour une province
+éloignée.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page45" name="page45"></a>(p. 45)</span> Or, l'impératrice, qui était païenne, eut une vision, et
+sainte Catherine lui apparut environnée d'une clarté inestimable. Des
+anges vêtus de blanc se tenaient auprès d'elle et l'on ne pouvait voir
+leurs visages pour la très grande lumière qui en sortait. Et Catherine
+dit à l'impératrice d'approcher. Et prenant une couronne de la main
+d'un des anges qui étaient là, elle la mit sur la tête de
+l'impératrice en disant:</p>
+
+<p>&mdash;Voici une couronne qui t'est envoyée du ciel, au nom de
+Jésus-Christ, mon Dieu et mon Seigneur.</p>
+
+<p>L'impératrice fut troublée en son c&oelig;ur par ce songe admirable.
+C'est pourquoi, accompagnée de Porphyre, lequel était chevalier et
+chef de l'armée, elle se rendit à la première heure de la nuit dans la
+prison où Catherine était enfermée. Dans cette prison une colombe lui
+apportait une nourriture céleste, et des anges pansaient les plaies de
+la vierge. L'impératrice et Porphyre trouvèrent le cachot baigné d'une
+clarté dont ils furent si épouvantés qu'ils tombèrent prosternés sur
+la pierre. Mais une odeur merveilleusement suave se répandit aussitôt,
+qui les réconforta et leur donna meilleur espoir.</p>
+
+<p>&mdash;Levez-vous, leur dit Catherine, et ne soyez pas épouvantés, car
+Jésus-Christ vous appelle.</p>
+
+<p>Ils se levèrent et virent Catherine au milieu d'un ch&oelig;ur d'anges.
+La sainte prit des mains de l'un de ceux qui étaient là une couronne
+très belle, brillant comme l'or, et elle la mit sur la tête de
+l'impératrice. <span class="pagenum"><a id="page46" name="page46"></a>(p. 46)</span> Et cette couronne était le signe du martyre.
+Et en effet cette reine et le chevalier Porphyre étaient déjà inscrits
+au livre des récompenses éternelles.</p>
+
+<p>Quand il fut de retour, Maxence donna l'ordre qu'on lui amenât
+Catherine, et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Choisis de ces deux choses: ou de sacrifier et vivre, ou de périr
+dans les tourments.</p>
+
+<p>Et Catherine répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Je désire offrir ma chair et mon sang à Jésus-Christ. Il est mon
+amant, mon pasteur et mon époux.</p>
+
+<p>Alors le prévôt de la cité d'Alexandrie, qui avait nom Chursates, fit
+faire quatre roues garnies de dents de fer très aiguës, afin que sur
+ces roues la bienheureuse Catherine pérît d'une misérable et très
+cruelle mort. Mais un ange brisa cette machine et la fit éclater avec
+tant de force, que les débris tuèrent un grand nombre de gentils. Et
+l'impératrice, qui, du haut de sa tour, voyait ces choses, descendit
+et reprocha à l'empereur sa cruauté. Maxence, plein de rage, ordonna à
+l'impératrice de sacrifier, et, comme elle s'y refusait, il commanda
+de lui arracher les mamelles et de lui couper la tête. Et tandis qu'on
+la menait au supplice, Catherine l'exhortait, disant:</p>
+
+<p>&mdash;Va, réjouis-toi, reine aimée de Dieu, car aujourd'hui tu échangeras
+ton royaume périssable en un éternel empire et un époux mortel en un
+immortel amant.</p>
+
+<p>Et l'impératrice fut conduite hors des murs pour y <span class="pagenum"><a id="page47" name="page47"></a>(p. 47)</span> souffrir
+la mort. Porphyre enleva le corps et le fit ensevelir honorablement,
+comme celui d'une servante de Jésus-Christ. C'est pourquoi Maxence fit
+mettre Porphyre à mort et jeter son cadavre aux chiens. Puis, faisant
+venir Catherine, il lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Puisque, par tes arts magiques, tu as fait périr l'impératrice, si
+tu te repens, tu seras maintenant la première dans mon palais.
+Aujourd'hui donc, sacrifie aux dieux, ou tu auras la tête coupée.</p>
+
+<p>Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Fais ce que tu as résolu, afin que je prenne place dans la troupe
+virginale qui accompagne l'Agneau de Dieu.</p>
+
+<p>L'empereur la condamna à être décapitée. Et lorsqu'on l'eut menée hors
+de la cité d'Alexandrie, au lieu du supplice, elle leva les yeux au
+ciel et dit:</p>
+
+<p>&mdash;Jésus, espoir et salut des fidèles, gloire et beauté des vierges, je
+te prie d'accorder que quiconque m'invoquera en souvenir de mon
+martyre sera exaucé, soit au moment de sa mort, soit dans les périls
+où il pourra se trouver.</p>
+
+<p>Et une voix du ciel lui répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Viens, mon épouse chérie; la porte du ciel t'est ouverte. Je promets
+les secours d'en haut à ceux qui m'invoqueront par ton intercession.</p>
+
+<p>Du col tranché de la vierge il coula du lait au lieu de sang.</p>
+
+<p>Ainsi madame sainte Catherine trépassa de ce monde <span class="pagenum"><a id="page48" name="page48"></a>(p. 48)</span> au bonheur
+céleste, le vingt-cinquième jour du mois de novembre, qui était un
+vendredi<a id="footnotetag254" name="footnotetag254"></a><a href="#footnote254" title="Lien vers la note 254"><span class="smaller">[254]</span></a>.</p>
+
+<p>Monseigneur saint Michel, archange, n'avait pas fait une fausse
+promesse: mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite vinrent comme
+il avait dit. Dès leur première visite, la jeune paysanne fit v&oelig;u
+entre leurs mains de garder sa virginité tant qu'il plairait à
+Dieu<a id="footnotetag255" name="footnotetag255"></a><a href="#footnote255" title="Lien vers la note 255"><span class="smaller">[255]</span></a>. Si cette promesse avait un sens, il fallait que Jeanne,
+quelque âge qu'elle eût alors, ne fût plus tout à fait une enfant. Et
+il semble bien aussi qu'elle vit l'ange et les saintes au moment de
+devenir femme, si tant est qu'elle le devint jamais<a id="footnotetag256" name="footnotetag256"></a><a href="#footnote256" title="Lien vers la note 256"><span class="smaller">[256]</span></a>. Les saintes
+nouèrent bientôt avec elle des relations familières<a id="footnotetag257" name="footnotetag257"></a><a href="#footnote257" title="Lien vers la note 257"><span class="smaller">[257]</span></a>. Elles
+venaient tous les jours au village et souvent plusieurs fois le jour.
+En les voyant paraître dans cette clarté qu'elles apportaient du ciel,
+charmantes, en habit de reines, le front ceint d'une couronne d'or et
+de pierreries bien riche et bien précieuse, la villageoise se signait
+dévotement et leur faisait une profonde révérence<a id="footnotetag258" name="footnotetag258"></a><a href="#footnote258" title="Lien vers la note 258"><span class="smaller">[258]</span></a>. Et comme elles
+étaient des dames bien nées, elles lui rendaient son salut. Chacune
+avait sa façon particulière de saluer, et <span class="pagenum"><a id="page49" name="page49"></a>(p. 49)</span> sans doute parce
+que leur visage trop éblouissant ne pouvait être regardé en face,
+c'était surtout à leur manière de faire la révérence que Jeanne les
+distinguait l'une de l'autre. Elles se laissaient toucher volontiers
+par leur amie terrestre, qui embrassait leurs genoux, baisait le bas
+de leur robe et s'enivrait de la bonne odeur qu'elles exhalaient<a id="footnotetag259" name="footnotetag259"></a><a href="#footnote259" title="Lien vers la note 259"><span class="smaller">[259]</span></a>.
+Elles parlaient d'une voix humble<a id="footnotetag260" name="footnotetag260"></a><a href="#footnote260" title="Lien vers la note 260"><span class="smaller">[260]</span></a>, à ce qu'il semblait à Jeanne.
+Elles appelaient la pauvre fille: fille de Dieu. Elles lui
+enseignaient à se bien conduire et à fréquenter l'église. Sans avoir
+toujours des choses très nouvelles à lui dire, puisqu'elles venaient à
+tout moment, elles lui tenaient des propos qui la remplissaient de
+joie et, après qu'elles avaient disparu, Jeanne pressait ardemment de
+ses lèvres la terre où leurs pieds s'étaient posés<a id="footnotetag261" name="footnotetag261"></a><a href="#footnote261" title="Lien vers la note 261"><span class="smaller">[261]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle recevait souvent les Dames du ciel dans son petit jardin, contigu
+au pourpris de l'église. Elle les rencontrait près de la fontaine;
+souvent même elles se montraient à leur petite bien-aimée au milieu
+des compagnies. «Car, disait la fille d'Isabelle, les anges viennent
+bien des fois entre les chrétiens, et on ne les voit pas. Mais moi, je
+les vois<a id="footnotetag262" name="footnotetag262"></a><a href="#footnote262" title="Lien vers la note 262"><span class="smaller">[262]</span></a>.» C'était dans les bois, <span class="pagenum"><a id="page50" name="page50"></a>(p. 50)</span> au bruit léger du
+feuillage et surtout pendant que les cloches sonnaient matines ou
+complies qu'elle entendait le plus distinctement les douces paroles.
+Aussi aimait-elle cette voix des cloches dans laquelle se mêlaient ses
+Voix. Et quand, à neuf heures du soir, Perrin le Drapier, marguillier
+de la paroisse, manquait à sonner les complies, elle le reprenait de
+sa négligence et le grondait, disant que ce n'était pas bien fait.
+Elle lui promettait des gâteaux si, à l'avenir, il sonnait
+exactement<a id="footnotetag263" name="footnotetag263"></a><a href="#footnote263" title="Lien vers la note 263"><span class="smaller">[263]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle ne révéla rien de ces choses à son curé, en quoi elle fut
+grandement répréhensible selon de bons docteurs et tout à fait
+irréprochable de l'avis de certains autres docteurs excellents. Car,
+si d'une part nous devons, en matière de foi, consulter nos supérieurs
+ecclésiastiques, d'autre part là où souffle l'Esprit, là règne la
+liberté<a id="footnotetag264" name="footnotetag264"></a><a href="#footnote264" title="Lien vers la note 264"><span class="smaller">[264]</span></a>.</p>
+
+<p>Depuis que les deux saintes fréquentaient Jeanne, monseigneur saint
+Michel se montrait moins assidu auprès d'elle; mais il ne l'avait
+point abandonnée. Une heure vint où il lui conta la pitié qui était au
+royaume de France, la pitié qu'elle avait au c&oelig;ur<a id="footnotetag265" name="footnotetag265"></a><a href="#footnote265" title="Lien vers la note 265"><span class="smaller">[265]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page51" name="page51"></a>(p. 51)</span> Et les saintes visiteuses, dont la voix se faisait plus
+ardente et plus ferme, à mesure que la jeune fille prenait une âme
+plus héroïque et plus sainte, lui révélèrent sa mission:</p>
+
+<p>&mdash;Fille de Dieu, lui dirent-elles, il faut que tu quittes ton village
+et que tu ailles en France<a id="footnotetag266" name="footnotetag266"></a><a href="#footnote266" title="Lien vers la note 266"><span class="smaller">[266]</span></a>.</p>
+
+<p>Cette idée d'une mission sainte et guerrière, dont Jeanne prit
+conscience par ses Voix, s'était-elle formée en son esprit
+spontanément, sans l'intervention d'aucune volonté étrangère, ou lui
+fut-elle suggérée par quelque personne dont elle subissait
+l'influence? C'est ce qu'il serait impossible de discerner, si un
+faible indice ne nous mettait sur la voie. Jeanne eut connaissance, à
+Domremy, d'une prophétie qui disait que la France serait désolée par
+une femme et puis rétablie par une pucelle<a id="footnotetag267" name="footnotetag267"></a><a href="#footnote267" title="Lien vers la note 267"><span class="smaller">[267]</span></a>. Elle en fut
+étrangement frappée et il lui arriva, par la suite, d'en parler d'une
+manière qui prouve que non seulement elle y ajoutait foi, mais encore
+qu'elle croyait être la pucelle annoncée<a id="footnotetag268" name="footnotetag268"></a><a href="#footnote268" title="Lien vers la note 268"><span class="smaller">[268]</span></a>. Qui la lui apprit?
+Quelque paysan? On a lieu de <span class="pagenum"><a id="page52" name="page52"></a>(p. 52)</span> croire que les paysans
+l'ignoraient<a id="footnotetag269" name="footnotetag269"></a><a href="#footnote269" title="Lien vers la note 269"><span class="smaller">[269]</span></a> et qu'elle courait parmi les personnes de
+dévotion<a id="footnotetag270" name="footnotetag270"></a><a href="#footnote270" title="Lien vers la note 270"><span class="smaller">[270]</span></a>. D'ailleurs, pour être édifié à cet égard, il suffit de
+remarquer que Jeanne connut de cette prophétie une version spéciale,
+visiblement arrangée pour elle, puisqu'il y était spécifié que la
+pucelle réparatrice sortirait des Marches de Lorraine. Cette addition
+topique ne peut être le fait d'un conducteur de b&oelig;ufs et décèle un
+esprit habile à gouverner les âmes, à susciter les actes. Le doute
+n'est plus possible, la prophétie ainsi complétée et dirigée part d'un
+clerc dont les intentions se laissent facilement voir. Dès lors on
+surprend une pensée qui agit et pèse sur la jeune visionnaire. Cet
+homme d'Église des bords de la Meuse qui, dans l'humilité des champs,
+songeait au sort du pauvre peuple et, pour tourner les visions de
+Jeanne au bien du royaume et à la conclusion de la paix, poussait
+l'ardeur de son zèle pieux jusqu'à recueillir des prophéties sur le
+salut du Lis de France et à les compléter avec une précision utile à
+ses desseins, il faut le chercher parmi ces prêtres, ces religieux
+lorrains ou champenois qui souffraient cruellement des malheurs
+publics<a id="footnotetag271" name="footnotetag271"></a><a href="#footnote271" title="Lien vers la note 271"><span class="smaller">[271]</span></a>. Les marchands et les artisans, écrasés d'impôts et de
+tailles, ruinés par les changements <span class="pagenum"><a id="page53" name="page53"></a>(p. 53)</span> des monnaies<a id="footnotetag272" name="footnotetag272"></a><a href="#footnote272" title="Lien vers la note 272"><span class="smaller">[272]</span></a>, les
+paysans, dont les maisons, les granges, les moulins étaient détruits,
+les champs ravagés, cessaient de contribuer aux frais du culte<a id="footnotetag273" name="footnotetag273"></a><a href="#footnote273" title="Lien vers la note 273"><span class="smaller">[273]</span></a>.
+Chanoines et religieux, qui ne recevaient plus ni les redevances de
+leurs feudataires, ni les contributions des fidèles, quittaient le
+monastère et s'en allaient à travers le siècle mendier leur pain,
+laissant au cloître deux ou trois vieux moines et quelques enfants.
+Les abbayes fortifiées attiraient les capitaines et les soldats des
+deux partis, qui s'y retranchaient, les pillaient et les brûlaient, et
+si quelqu'une de ces saintes maisons échappait aux flammes, les
+villageois errants s'y réfugiaient et l'on ne pouvait empêcher les
+femmes d'envahir les réfectoires et les dortoirs<a id="footnotetag274" name="footnotetag274"></a><a href="#footnote274" title="Lien vers la note 274"><span class="smaller">[274]</span></a>. C'est dans la
+multitude obscure des âmes troublées par l'affliction et les scandales
+de l'Église que se devine le prophète et l'initiateur de la Pucelle.</p>
+
+<p>On ne sera pas tenté de le reconnaître en messire Guillaume Frontey,
+curé de Domremy: le successeur de messire Jean Minet, à le juger par
+ses propos, qui <span class="pagenum"><a id="page54" name="page54"></a>(p. 54)</span> nous ont été conservés, était aussi simple
+que ses ouailles<a id="footnotetag275" name="footnotetag275"></a><a href="#footnote275" title="Lien vers la note 275"><span class="smaller">[275]</span></a>. Jeanne fréquentait beaucoup de prêtres et de
+moines. Elle visitait son oncle le curé de Sermaize, et voyait son
+cousin, jeune religieux profès en l'abbaye de Cheminon<a id="footnotetag276" name="footnotetag276"></a><a href="#footnote276" title="Lien vers la note 276"><span class="smaller">[276]</span></a>, qui
+devait bientôt la suivre en France. Elle se trouvait en relation avec
+nombre de personnes ecclésiastiques très aptes à reconnaître sa piété
+singulière et le don qu'elle avait reçu de voir des choses invisibles
+au commun des chrétiens. Ils lui tenaient des propos qui, s'ils nous
+étaient conservés, nous ouvriraient sans doute une des sources de
+cette extraordinaire vocation. L'un d'eux, dont le nom ne sera jamais
+connu, prépara au roi et au royaume de France un angélique défenseur.</p>
+
+<p>Cependant Jeanne vivait en pleine illusion. Entièrement ignorante des
+influences qu'elle subissait, incapable de reconnaître en ses Voix
+l'écho d'une voix humaine ou la propre voix de son c&oelig;ur, elle
+répondit avec crainte aux saintes qui lui ordonnaient d'aller en
+France:</p>
+
+<p>&mdash;Je suis une pauvre fille ne sachant ni chevaucher ni guerroyer<a id="footnotetag277" name="footnotetag277"></a><a href="#footnote277" title="Lien vers la note 277"><span class="smaller">[277]</span></a>.</p>
+
+<p>Dès qu'elle eut ces révélations, elle renonça aux <span class="pagenum"><a id="page55" name="page55"></a>(p. 55)</span> jeux et aux
+promenades. Elle ne dansa plus guère au pied de l'arbre des fées et
+seulement pour faire sauter les petits enfants<a id="footnotetag278" name="footnotetag278"></a><a href="#footnote278" title="Lien vers la note 278"><span class="smaller">[278]</span></a>; elle prit aussi
+en dégoût, à ce qu'il semble, les travaux des champs, et surtout le
+soin des troupeaux. Dès l'enfance, elle avait donné des signes de
+piété. Elle se livrait maintenant aux pratiques d'une dévotion
+singulière; elle se confessait souvent et communiait avec une
+extraordinaire ferveur; elle entendait chaque jour la messe de son
+curé. On la trouvait à toute heure dans l'église, tantôt prosternée de
+son long sur la pierre, tantôt les mains jointes, le visage et les
+yeux levés vers Notre-Seigneur ou Notre-Dame. Elle n'attendait pas
+toujours le samedi pour aller à la chapelle de Bermont. Parfois,
+tandis que ses parents la croyaient à garder les bêtes, elle était aux
+pieds de la Vierge miraculeuse. Le curé du village, messire Guillaume
+Frontey, ne pouvait que louer la plus innocente de ses
+paroissiennes<a id="footnotetag279" name="footnotetag279"></a><a href="#footnote279" title="Lien vers la note 279"><span class="smaller">[279]</span></a>. Il appréciait les sentiments de cette bonne fille.
+Un jour, il lui échappa de dire avec un soupir de regret:</p>
+
+<p>&mdash;Si Jeannette avait de l'argent, elle me donnerait pour dire des
+messes<a id="footnotetag280" name="footnotetag280"></a><a href="#footnote280" title="Lien vers la note 280"><span class="smaller">[280]</span></a>.</p>
+
+<p>Quant au bonhomme Jacques d'Arc, il est croyable qu'il se plaignait
+parfois de ces pèlerinages, contemplations <span class="pagenum"><a id="page56" name="page56"></a>(p. 56)</span> et autres
+pratiques contraires à l'économie rurale. Jeanne paraissait à tout le
+monde étrange et bizarre. La voyant si pieuse, Mengette et ses
+compagnes disaient qu'elle l'était trop<a id="footnotetag281" name="footnotetag281"></a><a href="#footnote281" title="Lien vers la note 281"><span class="smaller">[281]</span></a>. Elles la grondaient de
+ne point danser avec elles. Isabellette, entre autres, la jeune femme
+de Gérardin d'Épinal, la mère de ce petit Nicolas, filleul de Jeanne,
+blasonnait rustiquement une fille si peu dansante<a id="footnotetag282" name="footnotetag282"></a><a href="#footnote282" title="Lien vers la note 282"><span class="smaller">[282]</span></a>. Colin, fils de
+Jean Colin, avec tous les gars du village, se moquaient d'elle à cause
+de sa dévotion. Ses extases faisaient sourire; elle passait pour un
+peu folle. Poursuivie de railleries, elle en souffrait<a id="footnotetag283" name="footnotetag283"></a><a href="#footnote283" title="Lien vers la note 283"><span class="smaller">[283]</span></a>. Mais elle
+voyait des yeux de son corps les habitants du Paradis. Et, quand ils
+s'éloignaient d'elle, elle pleurait et elle aurait bien voulu qu'ils
+l'eussent emportée avec eux.</p>
+
+<p>&mdash;Fille de Dieu, il faut que tu quittes ton village et que tu ailles
+en France<a id="footnotetag284" name="footnotetag284"></a><a href="#footnote284" title="Lien vers la note 284"><span class="smaller">[284]</span></a>.</p>
+
+<p>Et mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite disaient encore:</p>
+
+<p>&mdash;Prends l'étendard de par le Roi du ciel, prends-le hardiment et Dieu
+t'aidera.</p>
+
+<p>En écoutant les dames aux belles couronnes parler ainsi, Jeanne
+brûlait du désir des longues chevauchées et de ces batailles où les
+anges passent sur le front des <span class="pagenum"><a id="page57" name="page57"></a>(p. 57)</span> guerriers. Mais comment aller
+en France? Comment aller parmi les gens d'armes? Les Voix, qu'elle
+entendait, ignorantes et généreuses comme elle, ne lui révélaient que
+son âme et la laissaient dans un trouble douloureux:</p>
+
+<p>&mdash;Je suis une pauvre fille, ne sachant ni chevaucher ni guerroyer.</p>
+
+<p>Le village natal de Jeanne portait le nom du bienheureux Remi<a id="footnotetag285" name="footnotetag285"></a><a href="#footnote285" title="Lien vers la note 285"><span class="smaller">[285]</span></a>;
+l'église paroissiale était sous le vocable du grand apôtre des Gaules
+qui, en baptisant le roi Clovis, avait oint de l'huile sainte le
+premier prince chrétien de la noble Maison de France, issue du noble
+roi Priam de Troie.</p>
+
+<p>Voici de quelle manière les clercs rapportaient la légende de
+Saint-Remi:</p>
+
+<p>En ce temps-là, le pieux ermite Montan, qui vivait au pays de Laon,
+vit le ch&oelig;ur des anges et l'assemblée des saints et il entendit une
+voix grande et douce qui disait: «Le Seigneur a regardé la terre. Il a
+entendu les gémissements de ceux qui sont enchaînés; il a vu les fils
+de ceux qui ont péri, et il brisera leurs fers, afin que son nom soit
+annoncé parmi les nations et que les peuples et les rois se réunissent
+ensemble pour le servir. Et Cilinie enfantera un fils pour le salut du
+peuple.»</p>
+
+<p>Or Cilinie était vieille et son mari Émilius était <span class="pagenum"><a id="page58" name="page58"></a>(p. 58)</span> aveugle.
+Mais Cilinie, ayant conçu, mit au monde un fils et du lait dont elle
+nourrissait l'enfant elle frotta les yeux du père aveugle, qui revit
+aussitôt la lumière.</p>
+
+<p>Cet enfant, annoncé par les anges, fut nommé Remi, qui veut dire rame,
+car il devait, par sa doctrine, comme avec une rame bien taillée,
+diriger l'Église de Dieu et spécialement l'Église de Reims sur la mer
+agitée de cette vie, et, par ses mérites et ses prières, la conduire
+vers le port du salut éternel.</p>
+
+<p>Le fils de Cilinie passa sa pieuse jeunesse à Laon, dans la retraite
+et les exercices d'une sainte et chrétienne conversation. Il entrait à
+peine dans sa vingt-deuxième année, quand le siège épiscopal de Reims
+vint à vaquer par la mort du bienheureux évêque Bennade. Un immense
+concours de peuple désigna Remi à la garde des fidèles. Il refusait
+une charge trop pesante, disait-il, pour la faiblesse de son âge; mais
+un rayon d'une céleste lumière descendit tout à coup sur son front, et
+une liqueur divine se répandit sur sa chevelure qu'elle embauma d'un
+parfum inconnu. C'est pourquoi, sans plus tarder, les évêques de la
+province de Reims, d'un consentement unanime, lui donnèrent la
+consécration épiscopale. Assis dans le siège de saint Sixte, le
+bienheureux Remi s'y montra libéral en aumônes, assidu dans sa
+vigilance, fervent en ses oraisons, parfait en charité, merveilleux en
+doctrine et saint en tous ses propos. Il attirait sur lui l'admiration
+<span class="pagenum"><a id="page59" name="page59"></a>(p. 59)</span> des hommes, comme la cité bâtie sur le sommet d'une montagne.</p>
+
+<p>En ce temps-là, Clovis, roi de France, était païen avec toute sa
+chevalerie. Mais ayant remporté, par l'invocation du nom de
+Jésus-Christ, une grande victoire sur les Allemands, il résolut, à la
+prière de la sainte reine Clotilde, sa femme, de demander le baptême
+au bienheureux évêque de Reims. Instruit de ce pieux désir, saint Remi
+enseigna au roi et au peuple comment, en renonçant à Satan, à ses
+&oelig;uvres et à ses pompes, on doit croire en Dieu et en Jésus-Christ
+son fils. Et, la solennité de Pâques approchant, il leur ordonna le
+jeûne selon la coutume des fidèles.</p>
+
+<p>Le jour de la Passion de Notre-Seigneur, veille du jour où Clovis
+devait être baptisé avec ses barons, l'évêque alla trouver le roi et
+la reine dès le matin et les conduisit dans un oratoire consacré au
+bienheureux Pierre, prince des apôtres. La chapelle fut tout à coup
+remplie d'une lumière si brillante qu'elle effaçait l'éclat du soleil,
+et du milieu de cette lumière sortit une voix qui disait: «La paix
+soit avec vous; c'est moi, ne craignez point, et demeurez en mon
+amour.» Après ces paroles la lumière disparut, mais il resta dans la
+chapelle une odeur d'une suavité ineffable. Alors, resplendissant
+comme Moïse par l'éclat du visage et illuminé au dedans d'une clarté
+divine, le saint évêque prophétisa et dit: «Clovis et Clotilde, vos
+descendants reculeront les limites du royaume. Ils <span class="pagenum"><a id="page60" name="page60"></a>(p. 60)</span> élèveront
+l'Église de Jésus-Christ et triompheront des nations étrangères,
+pourvu que, ne dégénérant pas de la vertu, ils ne s'écartent jamais
+des voies du salut, ne s'engageant pas dans la route du péché, et ne
+se laissant pas tomber dans les pièges de ces vices mortels qui
+renversent les empires et transportent la domination d'une nation à
+l'autre.»</p>
+
+<p>Cependant on prépare le chemin depuis le palais du roi jusqu'au
+baptistère; on suspend des voiles, des tapis précieux; on tend les
+maisons de chaque côté des rues; on pare l'église, on couvre le
+baptistère de baume et de toutes sortes de parfums. Comblé des grâces
+du Seigneur, le peuple croit déjà respirer les délices du paradis. Le
+cortège part du palais; le clergé ouvre la marche avec les saints
+évangiles, les croix et les bannières, chantant des hymnes et des
+cantiques spirituels; vient ensuite l'évêque, conduisant le roi par la
+main; enfin la reine suit avec le peuple. Chemin faisant, le roi
+demanda à l'évêque si c'était là le royaume de Dieu qu'il lui avait
+promis: «Non, répondit le bienheureux Remi, mais c'est l'entrée de la
+route qui y conduit.» Quand ils furent parvenus au baptistère, le
+prêtre qui portait le saint chrême, arrêté par la foule, ne put
+atteindre jusqu'aux saints fonts; en sorte qu'à la bénédiction des
+fonts, le chrême manqua par un exprès dessein du Seigneur. Alors le
+pontife lève les yeux vers le ciel, et prie en silence et avec des
+larmes. Aussitôt descend une colombe, blanche <span class="pagenum"><a id="page61" name="page61"></a>(p. 61)</span> comme la neige,
+portant dans son bec une ampoule pleine d'un chrême envoyé du ciel.
+Une odeur délicieuse s'en exhale, qui enivre les assistants d'un
+plaisir bien au-dessus de tout ce qu'ils avaient senti jusque-là. Le
+saint évêque prend l'ampoule, asperge de chrême l'eau baptismale et
+incontinent la colombe disparaît.</p>
+
+<p>Transporté de joie à la vue d'un si grand miracle de la grâce, le roi
+renonce à Satan, à ses pompes et à ses &oelig;uvres, demande avec
+instance le baptême et s'incline sur la fontaine de vie<a id="footnotetag286" name="footnotetag286"></a><a href="#footnote286" title="Lien vers la note 286"><span class="smaller">[286]</span></a>.</p>
+
+<p>Et depuis lors les rois de France sont sacrés de l'onction divine
+apportée du ciel par la colombe. La sainte ampoule qui la contient est
+gardée dans l'église Saint-Remi de Reims. Et avec la permission de
+Dieu, cette ampoule, au jour du sacre, se trouve toujours pleine<a id="footnotetag287" name="footnotetag287"></a><a href="#footnote287" title="Lien vers la note 287"><span class="smaller">[287]</span></a>.</p>
+
+<p>Voilà ce que disaient les clercs; et sans doute les paysans de
+Domremy, sur un ton plus humble, en eussent pu dire autant et même
+davantage. Comme on peut croire, ils chantaient la complainte de saint
+Remi. <span class="pagenum"><a id="page62" name="page62"></a>(p. 62)</span> Tous les ans, quand le premier jour d'octobre ramenait
+la fête patronale, le curé devait faire, selon l'usage, le panégyrique
+du saint<a id="footnotetag288" name="footnotetag288"></a><a href="#footnote288" title="Lien vers la note 288"><span class="smaller">[288]</span></a>.</p>
+
+<p>Vers cette époque, un mystère se jouait à Reims, où les miracles de
+l'apôtre des Gaules étaient amplement représentés<a id="footnotetag289" name="footnotetag289"></a><a href="#footnote289" title="Lien vers la note 289"><span class="smaller">[289]</span></a>. Et il y en
+avait de bien propres à toucher des âmes villageoises. En sa vie
+mortelle, monseigneur <span class="pagenum"><a id="page63" name="page63"></a>(p. 63)</span> saint Remi guérit un aveugle
+démoniaque. Un homme ayant donné, pour le salut de son âme, ses biens
+au chapitre de Reims, mourut; dix ans après sa mort, monseigneur saint
+Remi le ressuscita et lui fit déclarer sa donation. Hébergé par des
+gens qui n'avaient pas de quoi boire, le saint remplit leur tonneau
+d'un vin miraculeux. Ayant reçu du roi Clovis un moulin en présent,
+comme le meunier refusait de le lui abandonner, monseigneur saint
+Remi, avec l'aide de Dieu, abîma le moulin dans les entrailles de la
+terre. Une nuit que le Saint se trouvait seul dans sa chapelle, tandis
+que tous ses clercs dormaient, les glorieux apôtres Pierre et Paul
+descendirent du paradis pour chanter avec lui les matines.</p>
+
+<p>Qui mieux que les gens de Domremy pouvait connaître le baptême du roi
+Clovis de France et savoir qu'au chant du <i>Veni Creator Spiritus</i> le
+Saint-Esprit était descendu tenant en son bec la sainte Ampoule,
+pleine du chrême bénit par Notre-Seigneur<a id="footnotetag290" name="footnotetag290"></a><a href="#footnote290" title="Lien vers la note 290"><span class="smaller">[290]</span></a>? Qui mieux qu'eux
+entendait les paroles adressées au roi très chrétien, par monseigneur
+saint Remi, non sans doute en latin d'église, mais en bonne langue
+vulgaire, et revenant à ceci:</p>
+
+<p>«Or, Sire, ayez connaissance de servir Dieu dévotement et de garder la
+justice, pour que florisse votre <span class="pagenum"><a id="page64" name="page64"></a>(p. 64)</span> royaume. Car lorsque justice
+y périra, ce royaume courra grand péril<a id="footnotetag291" name="footnotetag291"></a><a href="#footnote291" title="Lien vers la note 291"><span class="smaller">[291]</span></a>.»</p>
+
+<p>Enfin, d'une manière ou d'une autre, soit par les clercs qui la
+gouvernaient, soit par les paysans au milieu desquels elle vivait,
+Jeanne avait connaissance du bon archevêque Remi, qui aimait tant le
+sang royal de la sainte Ampoule de Reims et du sacre des rois très
+chrétiens<a id="footnotetag292" name="footnotetag292"></a><a href="#footnote292" title="Lien vers la note 292"><span class="smaller">[292]</span></a>.</p>
+
+<p>Et l'ange lui apparut et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims, afin qu'il y reçoive
+son digne sacre<a id="footnotetag293" name="footnotetag293"></a><a href="#footnote293" title="Lien vers la note 293"><span class="smaller">[293]</span></a>.</p>
+
+<p>La jeune fille entendait. Les voiles tombaient; une lumière éclatante
+se faisait dans son esprit. Voilà donc pourquoi Dieu l'avait choisie.
+C'était par elle que le dauphin Charles devait être sacré à Reims. La
+colombe blanche, autrefois envoyée au bienheureux Remi, devait
+redescendre à l'appel d'une vierge. Dieu, qui aime les Français,
+marque leur roi d'un signe, et, quand ce signe manque, la puissance
+royale n'est point. C'est le sacre qui fait seul le roi, et messire
+Charles de Valois n'est pas sacré. Bien que le père soit couché, la
+couronne au front, le sceptre à la main, dans la basilique de
+Saint-Denys en France, le fils n'est que dauphin, <span class="pagenum"><a id="page65" name="page65"></a>(p. 65)</span> et il ne
+recueillera son saint héritage que le jour où l'huile de l'ampoule
+inépuisable coulera sur son front. Et c'est elle, la jeune paysanne,
+ignorante que Dieu a choisie pour le conduire, à travers ses ennemis,
+jusqu'à Reims où il recevra l'onction que reçut saint Louis. Desseins
+impénétrables de Dieu! L'humble fille qui ne sait ni chevaucher ni
+guerroyer est élue pour donner à Notre-Seigneur son vicaire temporel
+dans la France chrétienne.</p>
+
+<p>Désormais Jeanne connaissait les grandes choses qu'elle avait à faire.
+Mais elle ne découvrait pas encore les voies par lesquelles elle
+devait les accomplir.</p>
+
+<p>&mdash;Il faut que tu ailles en France, lui disaient madame sainte
+Catherine et madame sainte Marguerite.</p>
+
+<p>&mdash;Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims<a id="footnotetag294" name="footnotetag294"></a><a href="#footnote294" title="Lien vers la note 294"><span class="smaller">[294]</span></a>, afin qu'il y
+reçoive son digne sacre, lui disait monseigneur saint Michel,
+archange.</p>
+
+<p>Il était nécessaire de leur obéir. Mais comment? S'il ne se trouva
+pas, à ce moment, quelque personne de dévotion pour la diriger, un
+fait très particulier et de peu d'importance, qui se passait alors
+dans la maison paternelle, peut suffire à mettre la jeune sainte sur
+la voie.</p>
+
+<p>Principal locataire du château de l'Île en 1419 et doyen de la
+communauté en 1423, Jacques d'Arc était un des notables de Domremy.
+Les gens du village, qui <span class="pagenum"><a id="page66" name="page66"></a>(p. 66)</span> l'estimaient, le chargeaient
+volontiers de besognes difficiles. Ils l'envoyèrent, à la fin de mars
+1427, à Vaucouleurs, comme leur procureur fondé dans un procès qu'ils
+avaient à soutenir par-devant Robert de Baudricourt. Il s'agissait
+d'une réparation de dommages que réclamait un certain Guyot Poignant,
+de Montigny-le-Roi, et pour lesquels il avait assigné concurremment le
+seigneur et les habitants de Greux et de Domremy. Ces dommages
+remontaient à quatre années en çà, quand le damoiseau de Commercy
+avait frappé Greux et Domremy d'un droit de sauvegarde qui s'élevait à
+deux cent vingt écus d'or.</p>
+
+<p>Guyot Poignant se porta garant de cette somme qui ne fut point payée
+au terme fixé. Le damoiseau saisit chez Poignant bois, foin et
+chevaux, pour cent vingt écus d'or, dont ledit Poignant réclama le
+paiement aux seigneurs et aux vilains de Greux et de Domremy.
+L'affaire était pendante encore en 1427, quand la communauté désigna,
+pour son procureur fondé, Jacques d'Arc, et l'envoya à Vaucouleurs. On
+ignore comment le différend se termina; mais il suffit de savoir que
+le père de Jeanne vit sire Robert, l'approcha, lui parla<a id="footnotetag295" name="footnotetag295"></a><a href="#footnote295" title="Lien vers la note 295"><span class="smaller">[295]</span></a>.</p>
+
+<p>De retour dans sa maison, il dut plus d'une fois conter ces entrevues,
+rapporter d'un si grand personnage diverses façons et paroles. Et sans
+doute Jeanne <span class="pagenum"><a id="page67" name="page67"></a>(p. 67)</span> en entendit maintes choses. Assurément ses
+oreilles étaient rebattues du nom de Baudricourt. C'est alors que
+l'archange chevalier, l'éblouissant ami, vint une fois encore lui
+révéler la pensée obscure qui naissait en elle:</p>
+
+<p>&mdash;Fille de Dieu, lui dit-il, tu iras vers le capitaine Robert de
+Baudricourt, en la ville de Vaucouleurs, afin qu'il te donne des gens
+pour te conduire auprès du gentil dauphin<a id="footnotetag296" name="footnotetag296"></a><a href="#footnote296" title="Lien vers la note 296"><span class="smaller">[296]</span></a>.</p>
+
+<p>Résolue à fidèlement accomplir le vouloir de son archange, qui était
+son propre vouloir, Jeanne prévoyait bien que sa mère, quoique pieuse,
+ne l'aiderait point dans ses projets et que son père s'y opposerait
+énergiquement. Aussi se garda-t-elle de leur en rien confier<a id="footnotetag297" name="footnotetag297"></a><a href="#footnote297" title="Lien vers la note 297"><span class="smaller">[297]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle pensa que Durand Lassois était homme à lui assurer l'aide dont
+elle avait besoin. Elle l'appelait son oncle, en considération de son
+âge: il avait seize ans de plus qu'elle. Leur parenté résultait de ce
+que Lassois avait épousé une Jeanne, fille d'un Le Vauseul, laboureur,
+et d'Aveline, s&oelig;ur d'Isabelle de Vouthon, et par conséquent cousine
+germaine de la fille d'Isabelle<a id="footnotetag298" name="footnotetag298"></a><a href="#footnote298" title="Lien vers la note 298"><span class="smaller">[298]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page68" name="page68"></a>(p. 68)</span> Lassois habitait, avec sa femme, son beau-père et sa
+belle-mère, un hameau de quelques feux, Burey-en-Vaulx, sur la rive
+gauche de la Meuse, dans la verte vallée, à deux lieues de Domremy et
+à moins d'une lieue de Vaucouleurs<a id="footnotetag299" name="footnotetag299"></a><a href="#footnote299" title="Lien vers la note 299"><span class="smaller">[299]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne l'alla trouver, lui fit part de ses projets et lui représenta
+qu'elle avait besoin de voir sire Robert de Baudricourt. Pour que son
+bon parent lui donnât plus de créance elle lui cita une bien étrange
+prophétie, dont nous avons déjà parlé:</p>
+
+<p>&mdash;N'a-t-il pas été su autrefois, fit-elle, qu'une femme ruinerait le
+royaume de France et qu'une femme le rétablirait<a id="footnotetag300" name="footnotetag300"></a><a href="#footnote300" title="Lien vers la note 300"><span class="smaller">[300]</span></a>?</p>
+
+<p>Cette pronostication, paraît-il, rendit Durand Lassois pensif. Des
+deux choses qui s'y trouvaient annoncées, la première, qui était
+mauvaise, s'était accomplie dans la ville de Troyes, quand madame
+Ysabeau avait donné le royaume des Lis et madame Catherine de France
+au roi d'Angleterre. Il ne restait donc plus qu'à souhaiter que la
+seconde chose, qui était bonne, s'accomplît aussi. Tel était le désir
+de Durand Lassois, si toutefois il se sentait porté d'amour pour le
+dauphin Charles, ce que l'histoire ne dit pas.</p>
+
+<p>Jeanne en ce séjour chez sa cousine ne voyait pas seulement ses
+parents les Vouthon et leurs enfants. Elle <span class="pagenum"><a id="page69" name="page69"></a>(p. 69)</span> fréquentait aussi
+chez un jeune gentilhomme nommé Geoffroy de Foug, qui habitait sur la
+paroisse de Maxey-sur-Vayse dont le hameau de Burey faisait partie.
+Elle lui confia qu'elle voulait aller en France. Le seigneur Geoffroy
+ne connaissait pas beaucoup les parents de Jeanne; il ne savait pas
+leurs noms. Mais la jeune fille lui parut bonne, simple, pieuse, et il
+l'encouragea dans sa merveilleuse entreprise<a id="footnotetag301" name="footnotetag301"></a><a href="#footnote301" title="Lien vers la note 301"><span class="smaller">[301]</span></a>. Une huitaine de
+jours après son arrivée à Burey, elle en vint à ses fins: Durand
+Lassois consentit à la mener à Vaucouleurs<a id="footnotetag302" name="footnotetag302"></a><a href="#footnote302" title="Lien vers la note 302"><span class="smaller">[302]</span></a>.</p>
+
+<p>Avant de partir, elle fit une requête à sa tante Aveline, qui était
+grosse; elle lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Si l'enfant que vous attendez est une fille, nommez-la Catherine en
+mémoire de ma s&oelig;ur défunte.</p>
+
+<p>Catherine, qui avait épousé Colin de Greux, venait de mourir<a id="footnotetag303" name="footnotetag303"></a><a href="#footnote303" title="Lien vers la note 303"><span class="smaller">[303]</span></a>.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page70" name="page70"></a>(p. 70)</span> CHAPITRE III<br>
+
+<span class="smaller">PREMIER SÉJOUR À VAUCOULEURS. &mdash; FUITE À NEUFCHÂTEAU. &mdash; VOYAGE À
+TOUL. &mdash; SECOND SÉJOUR À VAUCOULEURS.</span></h2>
+
+
+<p>Robert de Baudricourt, alors capitaine de la ville de Vaucouleurs pour
+le dauphin Charles, était fils de Liébault de Baudricourt, en son
+vivant chambellan de Robert duc de Bar, gouverneur de Pont-à-Mousson,
+et de Marguerite d'Aunoy, dame de Blaise en Bassigny. Quatorze ou
+quinze ans auparavant, il avait succédé à ses deux oncles, Guillaume
+Bâtard de Poitiers et Jean d'Aunoy, comme bailli de Chaumont et
+capitaine de Vaucouleurs. Il s'était marié une première fois à une
+riche veuve; devenu veuf il avait épousé, en 1425, une veuve aussi
+riche que la première, madame Alarde de Chambley. Et c'est un fait que
+les bergers d'Urusse et de Gibeaumex volèrent la charrette qui portait
+les gâteaux commandés pour le festin de noces. Sire Robert ressemblait
+à tous les hommes de guerre de son temps <span class="pagenum"><a id="page71" name="page71"></a>(p. 71)</span> et de son pays: il
+était avide et madré; il avait beaucoup d'amis parmi ses ennemis et
+beaucoup d'ennemis parmi ses amis, se battait parfois pour son parti,
+parfois contre et toujours à son profit. Au reste, pas plus malfaisant
+qu'un autre, et des moins sots<a id="footnotetag304" name="footnotetag304"></a><a href="#footnote304" title="Lien vers la note 304"><span class="smaller">[304]</span></a>.</p>
+
+<p>Vêtue d'une pauvre robe rouge toute rapiécée<a id="footnotetag305" name="footnotetag305"></a><a href="#footnote305" title="Lien vers la note 305"><span class="smaller">[305]</span></a>, mais le c&oelig;ur
+illuminé d'un mystique amour, Jeanne gravit la colline qui domine la
+ville et la vallée, pénétra dans le château sans difficulté, car on y
+entrait comme au moulin, et fut introduite dans une salle où sire
+Robert se tenait parmi les gens d'armes. Elle entendit la Voix qui lui
+disait: «Le voilà<a id="footnotetag306" name="footnotetag306"></a><a href="#footnote306" title="Lien vers la note 306"><span class="smaller">[306]</span></a>!» et aussitôt elle alla droit à lui, et lui
+parla sans crainte, commençant par ce qu'elle croyait, sans doute, le
+plus pressé:</p>
+
+<p>&mdash;Je suis venue à vous, lui dit-elle, de la part de Messire, pour que
+vous mandiez au dauphin de se bien tenir et de ne pas assigner
+bataille à ses ennemis<a id="footnotetag307" name="footnotetag307"></a><a href="#footnote307" title="Lien vers la note 307"><span class="smaller">[307]</span></a>.</p>
+
+<p>Assurément elle parlait de la sorte sur un nouveau <span class="pagenum"><a id="page72" name="page72"></a>(p. 72)</span> mandement
+de ses Voix. Et, chose digne de remarque, elle répétait mot pour mot
+ce qu'avait dit soixante-quinze ans en çà, non loin de Vaucouleurs, un
+paysan champenois qui était vavasseur, c'est-à-dire homme franc.
+L'aventure de ce paysan avait commencé comme celle de Jeanne, pour
+finir, il est vrai, beaucoup plus court. La fille de Jacques d'Arc
+n'était pas la première à dire qu'elle avait des révélations sur le
+fait de la guerre. Les personnes inspirées se montrent surtout dans
+les époques de grandes misères. C'est ainsi qu'au temps de la peste et
+du Prince Noir, le vavasseur de Champagne avait, lui aussi, entendu
+une voix dans une lumière.</p>
+
+<p>Tandis qu'il travaillait aux champs, la voix lui avait dit: «Va
+avertir le roi de France Jean de ne combattre contre nul de ses
+ennemis.» C'était quelques jours avant la bataille de Poitiers<a id="footnotetag308" name="footnotetag308"></a><a href="#footnote308" title="Lien vers la note 308"><span class="smaller">[308]</span></a>.</p>
+
+<p>Alors le conseil était bon; au mois de mai de l'an 1428, il semblait
+moins utile et même il ne répondait pas très bien à la réalité des
+choses. Depuis la malheureuse journée de Verneuil, les Français ne se
+sentaient pas en état d'assigner bataille à leurs ennemis; ils n'y
+songeaient point. On prenait, on perdait des villes, on faisait des
+escarmouches et des rescousses; on n'assignait point de bataille aux
+ennemis. Il n'était nul besoin de contenir le dauphin Charles qui, de
+nature <span class="pagenum"><a id="page73" name="page73"></a>(p. 73)</span> et de fortune, était pour lors très contenu<a id="footnotetag309" name="footnotetag309"></a><a href="#footnote309" title="Lien vers la note 309"><span class="smaller">[309]</span></a>.
+Environ le temps où Jeanne tenait ce propos à sire Robert, les Anglais
+préparaient une expédition en France et hésitaient encore, ne sachant
+s'ils marcheraient sur Angers ou sur Orléans<a id="footnotetag310" name="footnotetag310"></a><a href="#footnote310" title="Lien vers la note 310"><span class="smaller">[310]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne parlait sur l'avis de son archange et de ses saintes qui,
+touchant le fait de la guerre et l'état du royaume, n'en savaient ni
+plus ni moins qu'elle. Mais il n'est pas surprenant que ceux qui se
+croient envoyés de Dieu demandent qu'on les attende. Et puis il y
+avait tout le gros bon sens du peuple dans cette crainte de la jeune
+fille, que la chevalerie française ne livrât encore une bataille à sa
+façon. On savait trop bien comment ces gens-là s'y prenaient.</p>
+
+<p>Sans se troubler, Jeanne poursuivit et fit une prophétie concernant le
+dauphin:</p>
+
+<p>&mdash;Avant la mi-carême, Messire lui donnera secours.</p>
+
+<p>Et elle ajouta aussitôt:</p>
+
+<p>&mdash;De fait le royaume n'appartient pas au dauphin. Mais Messire veut
+que le dauphin soit fait roi et qu'il ait le royaume en commande.
+Malgré ses ennemis, le dauphin sera fait roi; et c'est moi qui le
+conduirai à son sacre.</p>
+
+<p>Sans doute que le nom de Messire, dans le sens où elle l'employait,
+avait quelque chose d'étrange et <span class="pagenum"><a id="page74" name="page74"></a>(p. 74)</span> d'obscur, puisque sire
+Robert, ne le comprenant pas, demanda:</p>
+
+<p>&mdash;Qui est Messire?</p>
+
+<p>&mdash;Le Roi du ciel, répondit la jeune fille.</p>
+
+<p>Elle venait d'employer un autre terme sur lequel sire Robert ne fit
+pas de réflexion, qu'on sache, et qui pourtant donne à penser<a id="footnotetag311" name="footnotetag311"></a><a href="#footnote311" title="Lien vers la note 311"><span class="smaller">[311]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce mot de commande, usité en matières bénéficiales, signifiait
+dépôt<a id="footnotetag312" name="footnotetag312"></a><a href="#footnote312" title="Lien vers la note 312"><span class="smaller">[312]</span></a>. Quand le roi recevrait le royaume en commande il n'en
+serait que le dépositaire. Ce que la jeune fille disait là
+correspondait aux idées des hommes les plus pieux sur le gouvernement
+des royaumes par Notre-Seigneur. Elle n'avait pu trouver elle-même ni
+le mot ni la chose; elle était visiblement endoctrinée par quelqu'un
+de ces hommes d'Église dont nous avons déjà senti l'influence à
+l'occasion d'une prophétie lorraine et dont toute trace est à jamais
+perdue.</p>
+
+<p>Jeanne était en conversations spirituelles avec plusieurs prêtres;
+entre autres avec Messire Arnolin, de Gondrecourt-le-Château, et
+Messire Dominique Jacob, curé de Moutier-sur-Saulx, qui l'entendaient
+en confession<a id="footnotetag313" name="footnotetag313"></a><a href="#footnote313" title="Lien vers la note 313"><span class="smaller">[313]</span></a>. Il est dommage qu'on ne sache pas ce qu'ils
+pensaient de l'insatiable cruauté de la gent anglaise, de l'orgueil de
+Monseigneur le duc de Bourgogne, des malheurs du dauphin, et s'ils
+n'espéraient pas que Notre-Seigneur <span class="pagenum"><a id="page75" name="page75"></a>(p. 75)</span> Jésus-Christ daignerait
+un jour, à la prière du commun peuple, donner le royaume en commande à
+Charles, fils de Charles. C'est peut-être de quelqu'un de ceux-là que
+Jeanne tenait sa politique sacrée<a id="footnotetag314" name="footnotetag314"></a><a href="#footnote314" title="Lien vers la note 314"><span class="smaller">[314]</span></a>.</p>
+
+<p>Au moment où elle parlait à sire Robert, se trouvait auprès du
+capitaine, et non pas, sans doute, par pur hasard, un gentilhomme
+lorrain nommé Bertrand de Poulengy, qui avait une terre près de
+Gondrecourt et remplissait un office dans la prévôté de
+Vaucouleurs<a id="footnotetag315" name="footnotetag315"></a><a href="#footnote315" title="Lien vers la note 315"><span class="smaller">[315]</span></a>. Il était alors âgé d'environ trente-six ans. C'était
+un homme qui fréquentait les clercs; du moins entendait-il fort bien
+le langage des personnes de dévotion<a id="footnotetag316" name="footnotetag316"></a><a href="#footnote316" title="Lien vers la note 316"><span class="smaller">[316]</span></a>. Peut-être voyait-il Jeanne
+pour la première fois, mais assurément il avait beaucoup entendu
+parler d'elle, la savait pieuse et de sage conduite; il avait
+fréquenté à Domremy une douzaine d'années avant cette époque,
+connaissait les aîtres, s'était assis sous l'arbre des Dames, était
+allé plusieurs fois chez Jacques d'Arc et la Romée, qu'il tenait pour
+d'honnêtes cultivateurs<a id="footnotetag317" name="footnotetag317"></a><a href="#footnote317" title="Lien vers la note 317"><span class="smaller">[317]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page76" name="page76"></a>(p. 76)</span> Il se peut que Bertrand de Poulengy fut touché du maintien et
+du langage de la jeune fille; il est plus croyable encore que ce
+gentilhomme était en relation avec les personnes d'Église, inconnues
+de nous, qui instruisaient la paysanne visionnaire afin de la rendre
+plus capable de servir le royaume de France et l'Église. De toute
+manière elle avait en Bertrand un ami qui devait lui apporter plus
+tard l'appui le plus utile.</p>
+
+<p>Pour cette fois, si nous sommes bien informés, il ne tenta rien ni ne
+souffla mot. Peut-être jugeait-il qu'il fallait attendre que le
+capitaine de la ville fût mieux préparé à accueillir la demande de la
+sainte. Sire Robert ne comprenait rien à toute cette affaire et ce
+point seul lui paraissait clair, que Jeanne ferait une belle ribaude
+et que ce serait un friand morceau pour les gens d'armes<a id="footnotetag318" name="footnotetag318"></a><a href="#footnote318" title="Lien vers la note 318"><span class="smaller">[318]</span></a>.</p>
+
+<p>En renvoyant le vilain qui la lui avait amenée, il lui fit une
+recommandation tout à fait conforme à la sagesse du temps sur le
+castoiement des filles:</p>
+
+<p>&mdash;Reconduis-la à son père avec de bons soufflets.</p>
+
+<p>Et sire Robert estimait la méthode excellente, car il invita plusieurs
+fois l'oncle Lassois à ramener au logis Jeannette bien
+souffletée<a id="footnotetag319" name="footnotetag319"></a><a href="#footnote319" title="Lien vers la note 319"><span class="smaller">[319]</span></a>.</p>
+
+<p>Après huit jours d'absence, elle revint au village. Le <span class="pagenum"><a id="page77" name="page77"></a>(p. 77)</span> mépris
+du capitaine et les outrages de la garnison ne l'avaient ni humiliée,
+ni découragée; elle les tenait au contraire comme des preuves de la
+vérité de sa mission, s'imaginant que ses Voix les lui avaient
+annoncées<a id="footnotetag320" name="footnotetag320"></a><a href="#footnote320" title="Lien vers la note 320"><span class="smaller">[320]</span></a>. Comme ceux qui marchent en dormant, elle était douce à
+l'obstacle et d'une obstination paisible. À la maison, au courtil, aux
+prés, elle continuait ce sommeil merveilleux, plein des images du
+dauphin, de sa chevalerie, et des batailles sur lesquelles flottaient
+des anges.</p>
+
+<p>Elle ne pouvait se taire; son secret lui échappait de toutes parts.
+Sans cesse elle prophétisait, mais on ne la croyait pas. La veille de
+la Saint-Jean-Baptiste, environ un mois après son retour, elle dit
+sentencieusement à Michel Lebuin, laboureur à Burey, qui était un tout
+jeune garçon:</p>
+
+<p>&mdash;Il y a entre Coussey et Vaucouleurs une fille qui, avant un an
+d'ici, fera sacrer le roi de France<a id="footnotetag321" name="footnotetag321"></a><a href="#footnote321" title="Lien vers la note 321"><span class="smaller">[321]</span></a>.</p>
+
+<p>Un jour même, avisant Gérardin d'Épinal, qui seul à Domremy n'était
+pas du parti du dauphin, et à qui, de son aveu, elle eût volontiers
+coupé la tête, encore qu'elle fût la marraine de son fils, elle ne put
+se tenir de lui faire à mots couverts l'annonce du mystère qu'il y
+avait entre elle et Dieu:</p>
+
+<p>&mdash;Compère, si vous n'étiez Bourguignon, je vous dirais quelque
+chose<a id="footnotetag322" name="footnotetag322"></a><a href="#footnote322" title="Lien vers la note 322"><span class="smaller">[322]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page78" name="page78"></a>(p. 78)</span> Le bonhomme crut qu'il s'agissait de fiançailles prochaines,
+et que la fille de Jacques d'Arc épouserait bientôt quelqu'un des
+garçons avec qui elle avait mangé des petits pains sous l'arbre des
+Fées et bu l'eau de la fontaine des Groseilliers.</p>
+
+<p>Hélas! Jacques d'Arc eût bien voulu que le secret de sa fille fût de
+cette sorte. Cet homme de sens droit, très ferme et soucieux de la
+bonne conduite de ses enfants, s'inquiétait des allures que prenait
+Jeanne. Il ne savait pas qu'elle entendait des Voix; il ne se doutait
+pas que c'était, dans son jardin, toute la journée une descente du
+Paradis, que du Ciel à sa maison allaient et venaient sans cesse plus
+d'anges que n'en avait porté l'échelle de Jacob et qu'enfin, pour
+Jeannette seule, sans qu'on n'en vît rien, un mystère se jouait, plus
+riche et plus beau mille fois que ceux qu'on représentait sur un
+échafaud, aux jours de fête, dans des villes comme Toul ou Nancy. Il
+était à cent lieues de soupçonner ces incroyables merveilles. Mais il
+voyait bien que sa fille était hors de sens, qu'elle avait l'esprit
+égaré, qu'elle disait des folies. Il s'apercevait bien qu'elle n'avait
+en tête que chevauchées et batailles; il ne pouvait ignorer tout à
+fait l'équipée de Vaucouleurs. Il craignait vivement qu'un jour cette
+malheureuse enfant ne partît pour tout de bon et n'allât courir le
+monde. Cette pénible inquiétude le poursuivait jusque dans son
+sommeil. Il rêva, une nuit, qu'il la voyait s'enfuyant avec des hommes
+d'armes; <span class="pagenum"><a id="page79" name="page79"></a>(p. 79)</span> et l'impression de ce rêve fut si forte qu'elle lui
+resta encore à son réveil. Durant plusieurs jours il dit et répéta à
+ses fils Jean et Pierre:</p>
+
+<p>&mdash;Si je croyais vraiment qu'advînt cette chose que j'ai songée de ma
+fille, je voudrais qu'elle fût noyée par vous; et si vous ne le
+faisiez, je la noierais moi-même<a id="footnotetag323" name="footnotetag323"></a><a href="#footnote323" title="Lien vers la note 323"><span class="smaller">[323]</span></a>.</p>
+
+<p>Isabelle répéta le propos à sa fille, pour l'effrayer et la corriger.
+Tout dévote qu'elle était, elle partageait les craintes du père.
+C'était une chose cruelle à penser pour ces braves gens, que leur
+enfant pût devenir une ribaude. En ces temps de guerre, il y avait
+foison de ces folles femmes que les gens d'armes menaient en croupe;
+chacun avait la sienne.</p>
+
+<p>Par l'étrangeté de leurs actions, fréquemment les saintes, en leur
+jeunesse, prêtent à de pareils soupçons. Et Jeanne donnait des signes
+de sainteté. Elle était la fable du village. On la montrait au doigt
+en disant par moquerie: «Voilà celle qui relèvera la France et le sang
+royal<a id="footnotetag324" name="footnotetag324"></a><a href="#footnote324" title="Lien vers la note 324"><span class="smaller">[324]</span></a>.»</p>
+
+<p>Voyant le mal qui tenait cette fille, les gens du pays n'étaient pas
+embarrassés pour en trouver la cause. Ils l'attribuaient à quelque
+sortilège. Elle avait été vue sous le beau Mai, elle y avait suspendu
+des guirlandes. On savait que le vieux hêtre était hanté, de même que
+la fontaine voisine. Et c'était une chose bien connue <span class="pagenum"><a id="page80" name="page80"></a>(p. 80)</span> que les
+fées jetaient des sorts. Certains découvrirent que Jeanne avait
+rencontré une dame méchante. Ils disaient: «Jeannette a pris son fait
+près de l'arbre des Fées<a id="footnotetag325" name="footnotetag325"></a><a href="#footnote325" title="Lien vers la note 325"><span class="smaller">[325]</span></a>.» Encore s'il n'y avait jamais eu que
+des paysans pour le croire!</p>
+
+<p>Antoine de Vergy, gouverneur de Champagne, reçut, le 22 juin, du duc
+de Bedford, régent de France au nom de Henri VI, commission d'équiper
+mille hommes d'armes destinés à placer en l'obéissance des Anglais la
+châtellenie de Vaucouleurs. Trois semaines après, la petite armée se
+mettait en route sous les ordres des deux Vergy, Antoine et Jean.
+Quatre chevaliers bannerets, quatorze chevaliers bacheliers, trois
+cent soixante-trois hommes d'armes la composaient. Pierre de Trie,
+capitaine de Beauvais, Jean, comte de Neufchâtel et Fribourg, reçurent
+l'ordre de rejoindre le corps principal<a id="footnotetag326" name="footnotetag326"></a><a href="#footnote326" title="Lien vers la note 326"><span class="smaller">[326]</span></a>.</p>
+
+<p>Dans sa marche sur Vaucouleurs, Antoine de Vergy mettait, selon la
+coutume, à feu et à sang tous les villages situés sur le territoire de
+la châtellenie. Les gens de Domremy et de Greux, menacés à nouveau
+d'un mal qu'ils ne connaissent que trop, voyaient déjà leurs bestiaux
+enlevés, leurs granges incendiées, leurs femmes, leurs filles violées.
+Ayant éprouvé déjà que le château de l'Île ne suffisait point à leur
+sûreté, <span class="pagenum"><a id="page81" name="page81"></a>(p. 81)</span> ils se résolurent à fuir et à chercher asile dans la
+ville de Neufchâteau, distante de deux lieues seulement de Domremy et
+qui était le marché où ils fréquentaient. Donc, vers la mi-juillet,
+abandonnant leurs maisons et leurs champs, ils partirent et, poussant
+devant eux leurs bestiaux, suivirent la route à travers les champs de
+froment et de seigle et les coteaux de vignes jusqu'à la ville, où ils
+se logèrent comme ils purent<a id="footnotetag327" name="footnotetag327"></a><a href="#footnote327" title="Lien vers la note 327"><span class="smaller">[327]</span></a>.</p>
+
+<p>La famille d'Arc fut reçue par la femme de Jean Waldaires, qu'on
+nommait la Rousse et qui tenait une auberge où logeaient soldats,
+moines, marchands et pèlerins. Certains la soupçonnaient de donner
+asile à des femmes de mauvaise vie<a id="footnotetag328" name="footnotetag328"></a><a href="#footnote328" title="Lien vers la note 328"><span class="smaller">[328]</span></a>. Et il y a apparence qu'elle
+n'hébergeait pas que d'honnêtes dames. Cependant elle était elle-même
+une bonne femme, c'est-à-dire une femme riche. Elle avait assez
+d'argent pour en prêter parfois à des concitoyens<a id="footnotetag329" name="footnotetag329"></a><a href="#footnote329" title="Lien vers la note 329"><span class="smaller">[329]</span></a>. Bien que
+Neufchâteau appartînt au duc de Lorraine, qui était du parti des
+Bourguignons, on a cru savoir que cette hôtelière inclinait vers les
+Armagnacs; mais il est peut-être un peu vain de rechercher les
+sentiments de la Rousse sur les troubles du royaume de France<a id="footnotetag330" name="footnotetag330"></a><a href="#footnote330" title="Lien vers la note 330"><span class="smaller">[330]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page82" name="page82"></a>(p. 82)</span> À Neufchâteau comme à Domremy, Jeanne menait aux champs les
+bêtes de son père et gardait les troupeaux<a id="footnotetag331" name="footnotetag331"></a><a href="#footnote331" title="Lien vers la note 331"><span class="smaller">[331]</span></a>. Adroite et robuste,
+elle aidait aussi la Rousse dans les soins du ménage<a id="footnotetag332" name="footnotetag332"></a><a href="#footnote332" title="Lien vers la note 332"><span class="smaller">[332]</span></a>; c'est ce
+qui a fait dire méchamment aux Bourguignons qu'elle avait été meschine
+dans une auberge de soudards et de ribaudes<a id="footnotetag333" name="footnotetag333"></a><a href="#footnote333" title="Lien vers la note 333"><span class="smaller">[333]</span></a>. Au vrai, Jeanne
+passait aux églises tout le temps qu'elle n'employait pas à soigner
+les animaux et à donner aide à son hôtesse<a id="footnotetag334" name="footnotetag334"></a><a href="#footnote334" title="Lien vers la note 334"><span class="smaller">[334]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y avait dans la ville deux beaux couvents, l'un de Cordeliers,
+l'autre de Clarisses, fils et filles du bon saint François<a id="footnotetag335" name="footnotetag335"></a><a href="#footnote335" title="Lien vers la note 335"><span class="smaller">[335]</span></a>. La
+maison des Cordeliers avait été bâtie, deux cents ans en çà, par
+Mathieu II de Lorraine. Le duc régnant venait encore de la richement
+doter. De nobles dames, de hauts seigneurs et entre autres un
+Bourlémont, seigneur de Domremy et Greux, y gisaient sous lame<a id="footnotetag336" name="footnotetag336"></a><a href="#footnote336" title="Lien vers la note 336"><span class="smaller">[336]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces moines mendiants qui, jadis en leur bel âge, affiliaient à leur
+tiers-ordre bourgeois et paysans en foule et une multitude de princes
+et de rois<a id="footnotetag337" name="footnotetag337"></a><a href="#footnote337" title="Lien vers la note 337"><span class="smaller">[337]</span></a>, maintenant <span class="pagenum"><a id="page83" name="page83"></a>(p. 83)</span> languissaient corrompus et
+déchus. Les querelles et les schismes abondaient parmi les frères de
+France. Malgré les efforts de Colette de Corbie pour rétablir la
+règle, les vieilles disciplines étaient partout abolies<a id="footnotetag338" name="footnotetag338"></a><a href="#footnote338" title="Lien vers la note 338"><span class="smaller">[338]</span></a>. Ces
+mendiants distribuaient des médailles de plomb, enseignaient de
+courtes prières, en manière de recettes, et vouaient une affection
+spéciale au saint nom de Jésus<a id="footnotetag339" name="footnotetag339"></a><a href="#footnote339" title="Lien vers la note 339"><span class="smaller">[339]</span></a>.</p>
+
+<p>Pendant les deux semaines que Jeanne passa dans la ville de
+Neufchâteau<a id="footnotetag340" name="footnotetag340"></a><a href="#footnote340" title="Lien vers la note 340"><span class="smaller">[340]</span></a>, elle fit ses dévotions dans le couvent des
+Cordeliers et se confessa deux ou trois fois aux mendiants<a id="footnotetag341" name="footnotetag341"></a><a href="#footnote341" title="Lien vers la note 341"><span class="smaller">[341]</span></a>. On a
+dit qu'elle était du tiers-ordre de Saint-François, et l'on a supposé
+que son affiliation datait de son séjour à Neufchâteau<a id="footnotetag342" name="footnotetag342"></a><a href="#footnote342" title="Lien vers la note 342"><span class="smaller">[342]</span></a>.</p>
+
+<p>C'est fort douteux; et, dans tous les cas, l'affiliation ne dut pas
+être très solennelle. On ne voit pas qu'en si peu de temps les
+mendiants aient pu la former aux pratiques de la piété franciscaine.
+Pour se pénétrer de <span class="pagenum"><a id="page84" name="page84"></a>(p. 84)</span> leur esprit, elle était déjà trop imbue
+de doctrines ecclésiastiques sur le spirituel et le temporel, trop
+pleine de mystères et d'apocalypses. D'ailleurs, son séjour à
+Neufchâteau fut troublé de soucis et coupé d'absences.</p>
+
+<p>Elle reçut dans cette ville une citation à comparaître devant
+l'official de Toul dont elle relevait comme native de
+Domremy-de-Greux. Un jeune garçon de Domremy prétendait qu'il y avait
+promesse de mariage entre la fille de Jacques d'Arc et lui. Jeanne le
+niait. Il s'obstina dans son dire et l'assigna devant l'official<a id="footnotetag343" name="footnotetag343"></a><a href="#footnote343" title="Lien vers la note 343"><span class="smaller">[343]</span></a>.
+Ce tribunal ecclésiastique retenait les causes comme celle-ci et l'on
+portait les demandes soit en nullité de mariage, soit en validité de
+fiançailles.</p>
+
+<p>Ce qui est étrange dans le cas de Jeanne, c'est que ses parents lui
+donnèrent tort et prirent le parti du jeune homme. Ce fut malgré leur
+défense qu'elle soutint son procès et comparut devant l'official. Elle
+déclara plus tard que, dans cette affaire, elle leur avait désobéi et
+que c'était son seul manquement à la soumission qu'elle leur
+devait<a id="footnotetag344" name="footnotetag344"></a><a href="#footnote344" title="Lien vers la note 344"><span class="smaller">[344]</span></a>.</p>
+
+<p>Pour aller de Neufchâteau à Toul et revenir, il lui fallait faire plus
+de vingt lieues à pied sur des chemins infestés par des gens d'armes,
+dans ce pays mis à feu et à sang et que les paysans de Domremy
+venaient de <span class="pagenum"><a id="page85" name="page85"></a>(p. 85)</span> fuir épouvantés. C'est pourtant à quoi elle se
+résolut, contre le gré de ses parents.</p>
+
+<p>Peut-être se rendit-elle à l'official de Toul non pas une fois, mais
+deux et trois fois. Et si elle ne chemina pas jour et nuit avec son
+faux fiancé, ce fut par grand hasard, car il suivait la même route en
+même temps. Ses Voix lui disaient de ne rien craindre. Devant le juge
+elle jura de dire la vérité et nia qu'elle eût fait promesse de
+mariage.</p>
+
+<p>Elle n'avait point de torts. Mais sa conduite, qui procédait d'une
+innocence héroïque et singulière, fut mal jugée. On prétendit à
+Neufchâteau que ces voyages lui avaient mangé tout ce qu'elle avait.
+Mais qu'avait-elle? hélas! Elle était partie sans rien. Peut-être lui
+avait-il fallu mendier son pain aux portes. Les saintes reçoivent
+l'aumône comme elles la donnent: pour l'amour de Dieu. On conta que,
+pendant l'instance, son fiancé, la voyant vivre en compagnie de
+mauvaises femmes, s'était désisté de sa demande en justice, renonçant
+à une promise si mal famée<a id="footnotetag345" name="footnotetag345"></a><a href="#footnote345" title="Lien vers la note 345"><span class="smaller">[345]</span></a>. Propos calomnieux, qui ne trouvèrent
+que trop de créance.</p>
+
+<p>Après deux semaines de séjour à Neufchâteau, Jacques d'Arc avec les
+siens retourna à Domremy. Le verger, la maison, le moustier, le
+village, les champs, dans quel état de désolation les revirent-ils!
+Tout avait été pillé, ravagé, brûlé par les gens de guerre. Les
+soldats, <span class="pagenum"><a id="page86" name="page86"></a>(p. 86)</span> faute de pouvoir rançonner les vilains disparus,
+avaient détruit leurs biens. Le moustier, naguère encore fier comme
+une forteresse, avec sa tour où veillait le guetteur, n'était plus
+qu'un amas de pierres noircies. Et les habitants de Domremy durent
+aller, aux jours fériés, entendre la messe à l'église de Greux<a id="footnotetag346" name="footnotetag346"></a><a href="#footnote346" title="Lien vers la note 346"><span class="smaller">[346]</span></a>.</p>
+
+<p>Telle était la misère du temps, qu'ordre fut donné aux villageois de
+se tenir renfermés dans les maisons fortes et les châteaux<a id="footnotetag347" name="footnotetag347"></a><a href="#footnote347" title="Lien vers la note 347"><span class="smaller">[347]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant les Anglais assiégeaient la ville d'Orléans, qui appartenait
+au duc Charles, leur prisonnier. Ce qui n'était point bien fait à eux,
+car, ayant son corps, ils devaient respecter ses biens<a id="footnotetag348" name="footnotetag348"></a><a href="#footnote348" title="Lien vers la note 348"><span class="smaller">[348]</span></a>. Ils
+élevaient des bastilles autour de cette ville d'Orléans, c&oelig;ur de
+France, et l'on disait qu'ils s'y tenaient à grande puissance<a id="footnotetag349" name="footnotetag349"></a><a href="#footnote349" title="Lien vers la note 349"><span class="smaller">[349]</span></a>.</p>
+
+<p>Et madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite, qui étaient
+des personnes très attachées à la terre des Lis, les féales du dauphin
+Charles et ses belles cousines, s'entretenaient avec la bergère des
+malheurs du royaume et lui disaient sans cesse:</p>
+
+<p>&mdash;Il faut que tu quittes ton village et que tu ailles en France<a id="footnotetag350" name="footnotetag350"></a><a href="#footnote350" title="Lien vers la note 350"><span class="smaller">[350]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page87" name="page87"></a>(p. 87)</span> Jeanne était d'autant plus impatiente de partir qu'elle avait
+annoncé elle-même le temps de son arrivée en France et que ce temps
+approchait. Elle avait dit au capitaine de Vaucouleurs que le dauphin
+aurait secours avant la mi-carême. Elle ne voulait pas faire mentir
+ses Voix<a id="footnotetag351" name="footnotetag351"></a><a href="#footnote351" title="Lien vers la note 351"><span class="smaller">[351]</span></a>.</p>
+
+<p>L'occasion, qu'elle épiait, de retourner à Burey, se présenta vers la
+mi-janvier. À cette époque, la femme de Durand Lassois, Jeanne le
+Vauseul, faisait ses couches<a id="footnotetag352" name="footnotetag352"></a><a href="#footnote352" title="Lien vers la note 352"><span class="smaller">[352]</span></a>. À la campagne, l'usage voulait que
+les jeunes parentes et les amies de l'accouchée se rendissent auprès
+d'elle pour soigner la mère et l'enfant. Coutume honnête et cordiale
+qu'on suivait d'autant mieux qu'on y trouvait une occasion de bonnes
+rencontres et de joyeux caquets<a id="footnotetag353" name="footnotetag353"></a><a href="#footnote353" title="Lien vers la note 353"><span class="smaller">[353]</span></a>. Jeanne pressa son oncle de la
+demander à son père pour soigner l'accouchée et Lassois consentit: il
+faisait tout ce que voulait sa nièce, et, peut-être, était-il
+encouragé dans sa complaisance par des personnes pieuses et de
+considération<a id="footnotetag354" name="footnotetag354"></a><a href="#footnote354" title="Lien vers la note 354"><span class="smaller">[354]</span></a>. Mais que ce père, qui tantôt ne parlait de rien
+moins que de noyer sa fille pour l'empêcher de partir avec les gens
+d'armes, la laissât aller aux portes de la ville, sous la garde d'un
+<span class="pagenum"><a id="page88" name="page88"></a>(p. 88)</span> parent dont il connaissait la faiblesse, c'est ce qu'on a
+peine à comprendre. Il le fit pourtant<a id="footnotetag355" name="footnotetag355"></a><a href="#footnote355" title="Lien vers la note 355"><span class="smaller">[355]</span></a>.</p>
+
+<p>Ayant quitté la maison de son enfance, qu'elle ne devait plus revoir,
+Jeanne, en compagnie de Durand Lassois, descendit la vallée natale,
+dépouillée par l'hiver. En passant devant la maison du laboureur
+Gérard Guillemette de Greux, dont les enfants étaient en grande amitié
+avec ceux de Jacques d'Arc, elle cria:</p>
+
+<p>&mdash;Adieu! Je vais à Vaucouleurs<a id="footnotetag356" name="footnotetag356"></a><a href="#footnote356" title="Lien vers la note 356"><span class="smaller">[356]</span></a>.</p>
+
+<p>Quelques pas plus loin, elle aperçut sa compagne Mengette:</p>
+
+<p>&mdash;Adieu, Mengette, dit-elle; je te recommande à Dieu<a id="footnotetag357" name="footnotetag357"></a><a href="#footnote357" title="Lien vers la note 357"><span class="smaller">[357]</span></a>.</p>
+
+<p>Et sur le chemin, au seuil des maisons, rencontrant des visages
+connus, à tous elle disait adieu<a id="footnotetag358" name="footnotetag358"></a><a href="#footnote358" title="Lien vers la note 358"><span class="smaller">[358]</span></a>. Mais elle évita de voir
+Hauviette, avec qui elle avait joué et dormi, aux jours d'enfance, et
+qu'elle aimait chèrement. Elle craignit, si elle lui disait adieu, de
+sentir son c&oelig;ur défaillir. Hauviette ne sut que plus tard le départ
+de son amie et elle en pleura très fort<a id="footnotetag359" name="footnotetag359"></a><a href="#footnote359" title="Lien vers la note 359"><span class="smaller">[359]</span></a>.</p>
+
+<p>Venue pour la seconde fois à Vaucouleurs, Jeanne croyait bien mettre
+le pied dans une ville appartenant au dauphin, et entrer, comme on
+disait alors, en <span class="pagenum"><a id="page89" name="page89"></a>(p. 89)</span> chambre royale<a id="footnotetag360" name="footnotetag360"></a><a href="#footnote360" title="Lien vers la note 360"><span class="smaller">[360]</span></a>. Elle se trompait.
+Depuis les premiers jours du mois d'août 1428, le capitaine de
+Vaucouleurs avait rendu la place au seigneur Antoine de Vergy, mais il
+ne l'avait pas encore livrée. C'était une de ces capitulations à terme
+comme on en signait beaucoup à cette époque et qui, le plus souvent,
+cessaient d'être exécutoires au cas où la place recevait secours avant
+le jour fixé pour la reddition<a id="footnotetag361" name="footnotetag361"></a><a href="#footnote361" title="Lien vers la note 361"><span class="smaller">[361]</span></a>.</p>
+
+<p>Comme elle avait fait neuf mois auparavant, Jeanne alla trouver sire
+Robert au château, et voici la révélation qu'elle lui fit:</p>
+
+<p>&mdash;Capitaine Messire, dit-elle, sachez que Dieu m'a plusieurs fois fait
+à savoir encore et commandé que j'allasse vers le gentil dauphin, qui
+doit être et est vrai roi de France, et qu'il me baillât des gens
+d'armes et que je lèverais le siège d'Orléans et le mènerais sacrer à
+Reims<a id="footnotetag362" name="footnotetag362"></a><a href="#footnote362" title="Lien vers la note 362"><span class="smaller">[362]</span></a>.</p>
+
+<p>Cette fois, elle annonce qu'elle a mission de délivrer Orléans. Et
+c'est seulement après avoir accompli cette première tâche qu'elle fera
+le voyage du sacre. Il faut reconnaître la souplesse et l'à-propos
+avec lesquels ses Voix changeaient, selon les nécessités du moment,
+les ordres précédemment donnés.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page90" name="page90"></a>(p. 90)</span> Les manières de sire Robert à l'égard de Jeanne étaient tout à
+fait changées. Il ne parlait plus de lui donner de bons soufflets et
+de la renvoyer à ses parents. Maintenant, il la traitait sans rudesse
+et, s'il n'avait pas foi en ce qu'elle annonçait, du moins
+l'écoutait-il volontiers.</p>
+
+<p>Dans une des conversations qu'elle eut avec lui, elle lui tint un
+propos étrange:</p>
+
+<p>&mdash;Une fois accomplies, lui dit-elle, les grandes choses que j'ai à
+faire de la part de Messire, je me marierai et j'aurai trois fils,
+dont le premier sera pape, le second empereur, le troisième roi.</p>
+
+<p>Sire Robert répondit gaiement:</p>
+
+<p>&mdash;Puisqu'ils seront si grands personnages, je voudrais bien t'en faire
+un. J'en vaudrais mieux ensuite.</p>
+
+<p>Jeanne répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Nenni, gentil Robert, nenni. Il n'est pas temps. Le Saint-Esprit y
+ouvrera<a id="footnotetag363" name="footnotetag363"></a><a href="#footnote363" title="Lien vers la note 363"><span class="smaller">[363]</span></a>.</p>
+
+<p>À en juger sur le peu de paroles d'elle qui nous ont été transmises,
+la jeune inspirée, dans les premiers temps de sa mission, parlait
+alternativement deux langages différents. Ses paroles semblaient
+couler de deux sources opposées. Les unes, ingénues, candides, naïves,
+courtes, d'une simplicité rustique, d'une malice innocente, <span class="pagenum"><a id="page91" name="page91"></a>(p. 91)</span>
+quelquefois rudes, empreintes d'autant de chevalerie que de sainteté,
+avaient trait, le plus souvent, à l'héritage et au sacre du dauphin,
+et à la débellation des Anglais. C'était le langage de ses Voix, son
+vrai langage, son langage intérieur. Les autres, plus subtiles et
+teintées d'allégories, fleuries, quintessenciés, d'une grâce savante,
+concernant l'Église, sentaient le clerc et trahissaient quelque
+influence du dehors. Le propos tenu par elle à sire Robert sur les
+trois enfants qu'elle mettrait au monde est de la seconde sorte. C'est
+une allégorie. Son triple enfantement signifie que de ses &oelig;uvres
+naîtra la paix de la chrétienté, et que, après qu'elle aura accompli
+sa mission divine, le pape, l'empereur et le roi, tous trois fils de
+Dieu, feront régner la concorde et l'amour dans l'Église de
+Jésus-Christ. L'apologue est d'une clarté limpide; encore faut-il un
+peu d'esprit pour le comprendre. Le capitaine n'y entendit rien; il
+prit la chose en sens littéral et répondit en conséquence, car c'était
+un homme simple et jovial<a id="footnotetag364" name="footnotetag364"></a><a href="#footnote364" title="Lien vers la note 364"><span class="smaller">[364]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne logeait en ville chez des amis de son cousin Lassois, gens
+d'humble condition, Henri Leroyer et sa femme Catherine. Elle y
+filait, étant bonne filandière; elle donnait aux pauvres le peu
+qu'elle avait. Elle fréquentait l'église paroissiale en compagnie de
+Catherine<a id="footnotetag365" name="footnotetag365"></a><a href="#footnote365" title="Lien vers la note 365"><span class="smaller">[365]</span></a>. Souvent, dans la matinée, elle montait la <span class="pagenum"><a id="page92" name="page92"></a>(p. 92)</span>
+colline qui voit se pressera ses pieds les toits de la ville, et se
+rendait en grande dévotion dans la chapelle de
+Sainte-Marie-de-Vaucouleurs. Cette collégiale, construite sous le roi
+Philippe VI, était attenante au château qu'habitait le capitaine de
+Vaucouleurs. La vénérable nef de pierre s'élevait hardiment à
+l'orient, sur la vaste étendue des coteaux et des prairies, et
+dominait la vallée où Jeanne avait été nourrie. Elle y entendait la
+messe et y demeurait longtemps en oraison.</p>
+
+<p>Sous la chapelle, dans la crypte, on gardait une image ancienne et
+vénérée de la vierge qu'on appelait Notre-Dame-de-la-Voûte<a id="footnotetag366" name="footnotetag366"></a><a href="#footnote366" title="Lien vers la note 366"><span class="smaller">[366]</span></a>, et
+qui faisait des miracles spécialement en faveur des pauvres et des
+nécessiteux. Jeanne se plaisait dans cette crypte obscure et solitaire
+où les saintes la visitaient de préférence.</p>
+
+<p>Un petit clerc, presque encore un enfant, qui desservait la chapelle,
+y vit un jour la jeune fille immobile, les mains jointes, la tête
+renversée, les yeux levés et noyés de larmes, et il devait garder
+toute sa vie l'image de ce ravissement<a id="footnotetag367" name="footnotetag367"></a><a href="#footnote367" title="Lien vers la note 367"><span class="smaller">[367]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle allait souvent à confesse et disait ses péchés notamment à
+messire Jean Fournier, curé de Vaucouleurs<a id="footnotetag368" name="footnotetag368"></a><a href="#footnote368" title="Lien vers la note 368"><span class="smaller">[368]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle touchait son hôtesse par la manière sage et douce <span class="pagenum"><a id="page93" name="page93"></a>(p. 93)</span> dont
+elle vivait, et elle la troubla un jour extrêmement. Ce fut quand elle
+lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Ne savez-vous pas qu'il a été prédit que la France, perdue par une
+femme, serait sauvée par une pucelle des Marches de Lorraine<a id="footnotetag369" name="footnotetag369"></a><a href="#footnote369" title="Lien vers la note 369"><span class="smaller">[369]</span></a>?</p>
+
+<p>La femme Leroyer savait aussi bien que Durand Lassois, que madame
+Ysabeau, comme une Hérodiade gonflée d'impuretés, avait livré madame
+Catherine de France et le royaume des Lis au roi d'Angleterre<a id="footnotetag370" name="footnotetag370"></a><a href="#footnote370" title="Lien vers la note 370"><span class="smaller">[370]</span></a>. Et
+dès lors elle n'était plus éloignée de croire que Jeanne fût la
+pucelle annoncée par la prophétie.</p>
+
+<p>Cette pieuse fille fréquentait les personnes de dévotion et aussi les
+nobles hommes. À tous elle disait:</p>
+
+<p>&mdash;Il faut que j'aille vers le gentil dauphin. C'est la volonté de
+Messire, le Roi du ciel, que j'aille vers le gentil dauphin. C'est de
+la part du Roi du ciel que je suis venue. Quand je devrais aller sur
+mes genoux, j'irai<a id="footnotetag371" name="footnotetag371"></a><a href="#footnote371" title="Lien vers la note 371"><span class="smaller">[371]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle apporta notamment des révélations de cette nature à messire
+Aubert, seigneur d'Ourches, qui était bon français et du parti des
+Armagnacs, puisqu'il avait fait la guerre, quatre ans auparavant,
+contre les Anglais et les Bourguignons; elle lui dit qu'elle devait
+aller vers le dauphin, qu'elle demandait qu'on la menât à <span class="pagenum"><a id="page94" name="page94"></a>(p. 94)</span> lui
+et que ce serait pour lui profit et honneur non pareils<a id="footnotetag372" name="footnotetag372"></a><a href="#footnote372" title="Lien vers la note 372"><span class="smaller">[372]</span></a>.</p>
+
+<p>Enfin elle se faisait connaître dans la ville pour ses illuminations
+et ses prophéties, et l'on trouvait qu'elle parlait bien.</p>
+
+<p>Il y avait alors dans la garnison un homme d'armes, âgé de vingt-huit
+ans environ, Jean de Novelompont ou Nouillompont, qu'on appelait
+communément Jean de Metz. De condition libre, mais non point noble, il
+avait acquis ou hérité la seigneurie de Nouillompont et Hovecourt,
+dans le Barrois non mouvant, et il en portait le titre<a id="footnotetag373" name="footnotetag373"></a><a href="#footnote373" title="Lien vers la note 373"><span class="smaller">[373]</span></a>.
+Précédemment soudoyer au service de Jean de Wals, capitaine et prévôt
+de Stenay, il était en 1428 au service du capitaine de Vaucouleurs.</p>
+
+<p>De ses m&oelig;urs et comportements nous ne savons rien, sinon que, trois
+ans en çà, habitant dans la châtellenie de Foug, il avait juré un
+«vilain serment» et, de ce fait, encouru une amende de deux sols.
+Apparemment il était, lorsqu'il jura, très en colère<a id="footnotetag374" name="footnotetag374"></a><a href="#footnote374" title="Lien vers la note 374"><span class="smaller">[374]</span></a>. Il se
+tenait en relations plus ou moins étroites avec Bertrand de Poulengy,
+qui certainement lui avait parlé de Jeanne.</p>
+
+<p>Un jour, il aborda la jeune fille et lui dit:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page95" name="page95"></a>(p. 95)</span> &mdash;Eh bien, ma mie, que faites-vous ici? Faut-il que le roi
+soit chassé du royaume et que nous soyons Anglais<a id="footnotetag375" name="footnotetag375"></a><a href="#footnote375" title="Lien vers la note 375"><span class="smaller">[375]</span></a>?</p>
+
+<p>Ce propos d'un homme d'armes de Lorraine mérite attention. Le traité
+de Troyes ne soumettait pas la France à l'Angleterre; il réunissait
+les deux royaumes. Si l'on se battait après comme avant, c'était
+uniquement pour décider entre les deux prétendants Charles de Valois
+et Henri de Lancastre. Que l'un ou l'autre l'emportât, rien n'était
+changé dans les lois et coutumes de France. Toutefois, ce pauvre
+routier des Marches d'Allemagne n'en pensait pas moins que, sous un
+roi anglais, il serait lui-même anglais. Beaucoup de français de toute
+condition pensaient de même et ne pouvaient souffrir l'idée de se voir
+anglaisés; ils attachaient leur sort et celui du royaume au sort du
+dauphin Charles.</p>
+
+<p>Jeanne répondit à Jean de Metz:</p>
+
+<p>&mdash;Je suis venue ici, à chambre du roi, afin de parler à sire Robert,
+pour qu'il me veuille conduire ou faire conduire au dauphin. Mais il
+n'a souci ni de moi ni de mes paroles.</p>
+
+<p>Puis, pressée en son c&oelig;ur par l'idée fixe que sa mission devait
+commencer au milieu de la Sainte Quarantaine:</p>
+
+<p>&mdash;Pourtant, avant qu'arrive la mi-carême, il faut <span class="pagenum"><a id="page96" name="page96"></a>(p. 96)</span> que je sois
+devers le dauphin, dussé-je, pour y aller, user mes jambes jusqu'aux
+genoux<a id="footnotetag376" name="footnotetag376"></a><a href="#footnote376" title="Lien vers la note 376"><span class="smaller">[376]</span></a>.</p>
+
+<p>Une nouvelle courait alors les villes et les villages. On annonçait
+que le fils du roi de France, le dauphin Louis, entré dans sa
+cinquième année, venait d'être fiancé à la fille du roi d'Écosse,
+madame Marguerite, âgée de trois ans, et le commun peuple célébrait
+cette union royale par autant de réjouissances qu'il s'en pouvait
+faire dans ce pays désolé<a id="footnotetag377" name="footnotetag377"></a><a href="#footnote377" title="Lien vers la note 377"><span class="smaller">[377]</span></a>. Jeanne, qui en avait entendu parler,
+dit à l'homme d'armes:</p>
+
+<p>&mdash;Il faut que je sois vers le dauphin, car nul au monde, ni roi, ni
+duc, ni fille du roi d'Écosse ne peuvent recouvrer le royaume de
+France.</p>
+
+<p>Et elle ajouta aussitôt:</p>
+
+<p>&mdash;Il n'y a secours que de moi, quoique, pour ma part, j'aurais bien
+plus cher filer près de ma pauvre mère, vu que ce n'est pas là mon
+état. Mais il faut que j'aille. Et je ferai cela parce que Messire
+veut que je le fasse.</p>
+
+<p>Elle le disait comme elle le pensait. Mais elle ne se connaissait pas;
+elle ne savait pas que ses Voix c'était le cri de son c&oelig;ur et
+qu'elle brûlait de quitter la quenouille pour l'épée.</p>
+
+<p>Jean de Metz demanda, comme avait fait sire Robert:</p>
+
+<p>&mdash;Qui est Messire?</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page97" name="page97"></a>(p. 97)</span> &mdash;C'est Dieu, répondit-elle.</p>
+
+<p>Aussitôt, comme s'il croyait en elle, il lui dit d'un grand élan:</p>
+
+<p>&mdash;Je vous promets et vous donne ma foi que, Dieu aidant, je vous
+conduirai vers le roi.</p>
+
+<p>Il lui toucha la main, en signe qu'il lui donnait sa foi, et il
+demanda:</p>
+
+<p>&mdash;Quand voulez-vous partir?</p>
+
+<p>&mdash;À cette heure, répondit-elle, mieux que demain; demain mieux
+qu'après.</p>
+
+<p>C'est Jean de Metz lui-même qui, vingt-sept ans plus tard, rapporta
+cette conversation<a id="footnotetag378" name="footnotetag378"></a><a href="#footnote378" title="Lien vers la note 378"><span class="smaller">[378]</span></a>. À l'en croire, il demanda en dernier lieu à
+la jeune fille si elle voulait faire chemin avec ses vêtements de
+femme. On conçoit qu'il découvrît de très grands inconvénients à
+traverser avec une paysanne en robe rouge les chemins de France, alors
+battus par des coitreaux paillards, et qu'il jugeât plus prudent de
+l'emmener déguisée en garçon. Elle entra tout de suite dans la pensée
+de Jean, et lui répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Je prendrai volontiers habit d'homme.</p>
+
+<p>Rien n'empêche de croire que les choses se sont passées ainsi. Mais
+alors un routier de Lorraine aurait suggéré à la sainte, touchant
+l'habit, une idée qu'elle s'imaginera ensuite avoir reçue de
+Dieu<a id="footnotetag379" name="footnotetag379"></a><a href="#footnote379" title="Lien vers la note 379"><span class="smaller">[379]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page98" name="page98"></a>(p. 98)</span> De son propre mouvement, ou plutôt sur l'avis de quelque
+prudente personne, sire Robert s'inquiéta de savoir si Jeanne n'était
+pas sous l'inspiration d'un mauvais esprit. Car le diable est rusé et
+prend parfois la figure de l'innocence. Et, comme, à cet égard, il
+n'était pas grand clerc, il résolut de s'en rapporter à son curé.</p>
+
+<p>Or, un jour que Catherine et Jeanne filaient dans la maison, elles
+virent entrer le capitaine de Vaucouleurs, en compagnie du curé,
+messire Jean Fournier. Ils invitèrent l'hôtesse à se retirer, et,
+lorsqu'ils furent seuls avec la jeune fille, messire Jean Fournier
+revêtit son étole et récita des paroles latines qui revenaient à dire:</p>
+
+<p>&mdash;Si tu es chose mauvaise, éloigne-toi; si tu es chose bonne,
+approche.</p>
+
+<p>C'était la formule ordinaire de l'exorcisme, ou, pour parler plus
+exactement, de la conjuration. Dans la pensée de messire Jean
+Fournier, ces paroles, mêlées de quelques gouttes d'eau bénite,
+devaient faire fuir les diables, si par malheur il s'en trouvait dans
+le corps de cette villageoise<a id="footnotetag380" name="footnotetag380"></a><a href="#footnote380" title="Lien vers la note 380"><span class="smaller">[380]</span></a>.</p>
+
+<p>Messire Jean Fournier ne doutait pas que les démons ne fussent poussés
+par un désir immodéré de s'introduire dans le corps des hommes et
+spécialement chez les filles, qui parfois les avalaient avec leur
+pain. Ils se logeaient dans la bouche, sous la langue, dans les
+<span class="pagenum"><a id="page99" name="page99"></a>(p. 99)</span> narines, coulaient dans l'estomac et dans le ventre et
+s'agitaient furieusement en ces divers logis, où l'on reconnaissait
+leur présence aux contorsions et hurlements des malheureux hantés.</p>
+
+<p>Saint Grégoire, pape, rapporte en ses <i>Dialogues</i> un exemple frappant
+de la facilité avec laquelle les diables s'insinuent dans une femme.
+Une religieuse, dit-il, étant au jardin, vit une laitue qui lui parut
+tendre. Elle la cueillit et, négligeant de la bénir en faisant dessus
+le signe de la croix, elle y mordit, et aussitôt elle tomba possédée.
+Un homme de Dieu s'étant alors approché d'elle, le démon se mit à
+crier: «C'est moi qui l'ai fait! C'est moi qui l'ai fait! J'étais
+assis sur cette laitue. Cette femme est venue et elle m'a avalé.» Mais
+les prières de l'homme de Dieu le forcèrent bientôt à se retirer<a id="footnotetag381" name="footnotetag381"></a><a href="#footnote381" title="Lien vers la note 381"><span class="smaller">[381]</span></a>.</p>
+
+<p>Messire Jean Fournier n'exagérait donc pas la prudence nécessaire.
+Pénétré de cette idée que le diable est subtil et la femme corrompue,
+il prenait soin d'éclaircir, selon les règles, un cas difficile.
+C'était le plus souvent chose malaisée que de discerner des possédés
+et de reconnaître une démoniaque d'avec une bonne chrétienne.
+L'épreuve à laquelle Jeanne allait être soumise n'avait pas été
+épargnée à de très grandes saintes.</p>
+
+<p>Ayant récité les formules et fait les aspersions, messire <span class="pagenum"><a id="page100" name="page100"></a>(p. 100)</span>
+Jean Fournier s'attendait, au cas où cette fille eût été possédée, à
+la voir s'agiter, se tordre et chercher à fuir. Il eût fallu, en cette
+occurrence, employer des formules plus puissantes, user à nouveau
+d'eau bénite et du signe de la croix, et, par ces moyens, déloger les
+diables jusqu'à ce qu'on les vît partir avec un bruit effrayant et une
+grande puanteur, sous forme de dragons, de chameaux ou de
+poissons<a id="footnotetag382" name="footnotetag382"></a><a href="#footnote382" title="Lien vers la note 382"><span class="smaller">[382]</span></a>.</p>
+
+<p>L'attitude de Jeanne n'offrit rien de suspect. Point d'agitation
+maniaque, nulle fureur. Inquiète seulement et suppliante, elle se
+traîna à genoux vers le prêtre. Elle ne fuyait pas devant le saint nom
+de Dieu. Messire Jean Fournier en conclut qu'il n'y avait pas de
+diable en elle.</p>
+
+<p>Restée seule avec Catherine dans la maison, Jeanne, qui comprenait
+enfin le sens de cette cérémonie, en témoigna un vif ressentiment à
+l'endroit de messire Jean Fournier. Elle se plaignit de ce qu'il l'eût
+soupçonnée: «C'était mal fait à lui, dit-elle à son hôtesse; car,
+m'ayant entendue en confession, il me pouvait connaître<a id="footnotetag383" name="footnotetag383"></a><a href="#footnote383" title="Lien vers la note 383"><span class="smaller">[383]</span></a>.»</p>
+
+<p>Elle aurait rendu grâce au curé de Vaucouleurs si elle avait su
+combien, en l'éprouvant, il avançait ses affaires. Averti que cette
+pucelle n'était pas inspirée par le démon, sire Robert dut en conclure
+qu'elle pouvait bien l'être par Dieu, car, selon toute apparence, il
+<span class="pagenum"><a id="page101" name="page101"></a>(p. 101)</span> raisonnait simplement. Il écrivit au dauphin Charles, au
+sujet de la jeune sainte, et sans doute il témoigna de l'innocence et
+de la bonté qui se voyaient en elle<a id="footnotetag384" name="footnotetag384"></a><a href="#footnote384" title="Lien vers la note 384"><span class="smaller">[384]</span></a>.</p>
+
+<p>Bien que la capitainerie fût grandement menacée de passer au seigneur
+de Vergy, sire Robert ne songeait pas à quitter son pays où il était
+en accommodements avec tous les partis. Il se souciait en somme assez
+peu du dauphin Charles et l'on ne voit pas qu'il eût un intérêt
+personnel à lui recommander une prophétesse. Sans prétendre démêler ce
+qui se passait dans sa tête, on peut croire qu'il écrivit au dauphin
+en faveur de Jeanne à la demande de quelques-unes de ces personnes qui
+l'estimaient bonne et probablement à la requête de Bertrand de
+Poulengy et de Jean de Metz. Ces deux hommes d'armes, voyant la cause
+du dauphin perdue sur les Marches de Lorraine, avaient toutes raisons
+de passer jusqu'aux bords de la Loire, où l'on pouvait encore se
+battre, partant gagner.</p>
+
+<p>Prêts à partir, ils se montraient disposés à emmener l'inspirée avec
+eux et même à la défrayer de toutes ses dépenses, comptant se faire
+rembourser à Chinon sur la cassette royale et tirer honneur et profit
+d'une si rare merveille. Encore attendaient-ils d'être assurés de
+l'agrément du dauphin<a id="footnotetag385" name="footnotetag385"></a><a href="#footnote385" title="Lien vers la note 385"><span class="smaller">[385]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page102" name="page102"></a>(p. 102)</span> Cependant Jeanne ne tenait plus en place. Elle allait et
+venait de Vaucouleurs à Burey et de Burey à Vaucouleurs. Elle comptait
+les jours; le temps lui pesait comme à une femme grosse<a id="footnotetag386" name="footnotetag386"></a><a href="#footnote386" title="Lien vers la note 386"><span class="smaller">[386]</span></a>.</p>
+
+<p>À la fin de janvier, n'y pouvant tenir, elle résolut d'aller seule
+vers le dauphin Charles. Elle vêtit les habits de Durand Lassois et
+prit avec ce bon cousin la route de France<a id="footnotetag387" name="footnotetag387"></a><a href="#footnote387" title="Lien vers la note 387"><span class="smaller">[387]</span></a>. Un habitant de
+Vaucouleurs, nommé Jacques Alain, les accompagnait<a id="footnotetag388" name="footnotetag388"></a><a href="#footnote388" title="Lien vers la note 388"><span class="smaller">[388]</span></a>. Probablement,
+ces deux hommes comptaient que la jeune fille reconnaîtrait
+d'elle-même l'impossibilité d'un tel voyage et qu'on n'irait pas bien
+loin. C'est ce qui arriva. À peine les trois voyageurs furent-ils à
+une lieue de Vaucouleurs, vers la chapelle de Saint-Nicolas, qui
+s'élève dans la vallée de Septfonds au milieu du grand bois de Saulcy,
+que Jeanne, se ravisant, dit à ses compagnons qu'il n'était point
+honnête à elle de partir ainsi: et tous trois retournèrent à la
+ville<a id="footnotetag389" name="footnotetag389"></a><a href="#footnote389" title="Lien vers la note 389"><span class="smaller">[389]</span></a>.</p>
+
+<p>Enfin un messager royal vint apporter au capitaine de Vaucouleurs la
+réponse du roi Charles. Il se nommait Colet de Vienne<a id="footnotetag390" name="footnotetag390"></a><a href="#footnote390" title="Lien vers la note 390"><span class="smaller">[390]</span></a>. Son nom le
+désigne comme originaire de la province gouvernée par le dauphin avant
+la mort du feu roi, et qui gardait au pauvre prince <span class="pagenum"><a id="page103" name="page103"></a>(p. 103)</span> une
+constante fidélité. La réponse portait que sire Robert envoyât la
+jeune sainte à Chinon<a id="footnotetag391" name="footnotetag391"></a><a href="#footnote391" title="Lien vers la note 391"><span class="smaller">[391]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce que Jeanne avait demandé et qui paraissait impossible à obtenir,
+lui était accordé. Elle allait être menée au roi comme elle l'avait
+voulu et dans les délais fixés par elle-même. Mais ce départ après
+lequel elle avait tant soupiré fut retardé de quelques jours, par une
+circonstance remarquable, qui montre que la renommée de la jeune
+prophétesse s'était répandue en Lorraine et atteste qu'alors les
+grands de la terre, en leurs nécessités, recherchaient les saintes.</p>
+
+<p>Jeanne était mandée à Nancy par monseigneur le duc de Lorraine. Munie
+d'un sauf-conduit que le duc lui avait envoyé, elle partit en veste et
+houseaux rustiques, sur un bidet que Durand Lassois et Jacques Alain
+lui donnèrent. Il leur avait coûté douze francs que sire Robert leur
+remboursa plus tard sur les deniers du roi<a id="footnotetag392" name="footnotetag392"></a><a href="#footnote392" title="Lien vers la note 392"><span class="smaller">[392]</span></a>. Il y a vingt-quatre
+lieues de Vaucouleurs à Nancy. Jean de Metz l'accompagna jusqu'à Toul;
+Durand Lassois fit tout le voyage avec elle<a id="footnotetag393" name="footnotetag393"></a><a href="#footnote393" title="Lien vers la note 393"><span class="smaller">[393]</span></a>.</p>
+
+<p>Avant de se rendre à l'hôtel du duc de Lorraine, <span class="pagenum"><a id="page104" name="page104"></a>(p. 104)</span> Jeanne
+monta la vallée de la Meurthe et alla faire ses dévotions au grand
+saint Nicolas, dont on gardait les reliques dans la chapelle de
+Saint-Nicolas-du-Port<a id="footnotetag394" name="footnotetag394"></a><a href="#footnote394" title="Lien vers la note 394"><span class="smaller">[394]</span></a>, desservie par des religieux bénédictins.
+C'était bien fait à elle, saint Nicolas étant le patron des voyageurs.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page105" name="page105"></a>(p. 105)</span> CHAPITRE IV<br>
+
+<span class="smaller">VOYAGE À NANCY. &mdash; ITINÉRAIRE DE VAUCOULEURS À
+SAINTE-CATHERINE-DE-FIERBOIS.</span></h2>
+
+
+<p>Le duc Charles II de Lorraine, allié aux Anglais, venait de jouer un
+bien mauvais tour à son cousin et ami le duc de Bourgogne, en donnant
+en mariage Isabelle sa fille aînée, l'héritière de Lorraine, à René,
+second fils de madame Yolande, reine de Sicile et de Jérusalem,
+duchesse d'Anjou<a id="footnotetag395" name="footnotetag395"></a><a href="#footnote395" title="Lien vers la note 395"><span class="smaller">[395]</span></a>. René d'Anjou, dans ses vingt ans, était un
+gentil esprit, amoureux de bon savoir autant que de chevalerie,
+bienveillant, affable et gracieux. Quand il ne faisait point de
+chevauchées et ne maniait pas la lance, il se plaisait à peindre des
+images dans des livres; il avait du goût pour les jardins fleuris et
+les histoires en tapisserie, et, comme son beau cousin le duc
+d'Orléans, <span class="pagenum"><a id="page106" name="page106"></a>(p. 106)</span> il composait des poèmes en français<a id="footnotetag396" name="footnotetag396"></a><a href="#footnote396" title="Lien vers la note 396"><span class="smaller">[396]</span></a>. Investi
+du duché de Bar par le cardinal duc de Bar, son grand-oncle, il devait
+hériter le duché de Lorraine après la mort du duc Charles, qui ne
+pouvait beaucoup tarder. Ce mariage était justement regardé comme un
+beau coup de madame Yolande. Mais qui terre a guerre a. Le duc de
+Bourgogne, fort mal content de voir un prince de la maison d'Anjou, le
+beau-frère de Charles de Valois, s'établir entre la Bourgogne et les
+Flandres, excitait contre René le comte de Vaudemont, prétendant à
+l'héritage de Lorraine, et la politique angevine rendait difficile la
+réconciliation du duc de Bourgogne avec le roi de France. René d'Anjou
+était engagé dans les querelles de son beau-père de Lorraine. Et
+précisément, en 1429, il faisait aux habitants de Metz la guerre de la
+Hottée de pommes. On la nommait ainsi parce que la cause en était une
+hottée de pommes entrée dans la ville de Metz, sans qu'on eût payé de
+droits aux officiers du duc de Lorraine<a id="footnotetag397" name="footnotetag397"></a><a href="#footnote397" title="Lien vers la note 397"><span class="smaller">[397]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant, madame sa mère faisait envoyer de Blois des convois de
+vivres aux habitants d'Orléans, assiégés par les Anglais. Bien qu'elle
+fût pour lors en mauvaise intelligence avec les conseillers du roi
+Charles, <span class="pagenum"><a id="page107" name="page107"></a>(p. 107)</span> son gendre, elle se montrait vigilante à combattre
+les ennemis du royaume, qui menaçaient son duché d'Anjou. René, duc de
+Bar, avait donc des parentés, des amitiés, des intérêts tout à la fois
+dans le parti d'Angleterre et Bourgogne et dans le parti de France.
+Tel était le cas où se trouvaient la plupart des seigneurs français.
+Ses rapports avec le capitaine de Vaucouleurs restaient amicaux et
+fréquents<a id="footnotetag398" name="footnotetag398"></a><a href="#footnote398" title="Lien vers la note 398"><span class="smaller">[398]</span></a>. Il est possible que sire Robert l'ait informé qu'il
+tenait à Vaucouleurs une jeune fille prophétisant sur le royaume de
+France. Il est possible que le duc de Bar, curieux de la voir, l'ait
+fait envoyer à Nancy où il devait se rendre lui-même vers le 20
+février; mais, bien plus probablement, René d'Anjou se souciait moins
+de la Pucelle de Vaucouleurs, qu'il n'avait jamais vue, que du petit
+More et du fou dont s'égayait son hôtel ducal<a id="footnotetag399" name="footnotetag399"></a><a href="#footnote399" title="Lien vers la note 399"><span class="smaller">[399]</span></a>. En ce mois de
+février 1429, il n'avait ni l'envie ni les moyens de beaucoup
+s'appliquer aux affaires de France; et, tout beau-frère qu'il était du
+roi Charles, il se préparait, non pas à secourir la ville d'Orléans,
+mais à mettre le siège devant la ville de Metz<a id="footnotetag400" name="footnotetag400"></a><a href="#footnote400" title="Lien vers la note 400"><span class="smaller">[400]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc de Lorraine, vieux et malade, vivait en son <span class="pagenum"><a id="page108" name="page108"></a>(p. 108)</span> hôtel
+avec sa belle amie Alison du Mai, bâtarde, fille de prêtre, qui en
+avait chassé l'épouse légitime, madame Marguerite de Bavière. Madame
+Marguerite était de haute naissance et pieuse, mais vieille et laide;
+et madame Alison était jolie; le duc Charles lui avait fait plusieurs
+enfants<a id="footnotetag401" name="footnotetag401"></a><a href="#footnote401" title="Lien vers la note 401"><span class="smaller">[401]</span></a>.</p>
+
+<p>Voici ce qui paraît le plus vrai. Il y avait à Nancy des personnes de
+bien qui désiraient que le duc Charles reprît sa bonne femme et
+comptaient, pour l'y amener, sur les exhortations d'une dévote, ayant
+révélations du Ciel et se disant fille de Dieu. Ces personnes
+annoncèrent au vieux duc égrotant la fille de Domremy comme une sainte
+guérisseuse. Par leurs conseils il la fit appeler, dans l'espoir
+qu'elle aurait des secrets pour le soulager de ses maux et l'empêcher
+de mourir.</p>
+
+<p>Dès qu'il la vit, il lui demanda si elle ne pouvait pas le rétablir en
+bonne forme et santé.</p>
+
+<p>Elle répondit que «de cette matière» elle ne savait rien. Cependant
+elle l'avertit qu'il se gouvernait mal, et lui annonça qu'il ne
+guérirait oncques s'il ne s'amendait. Et elle lui enjoignit d'avoir à
+renvoyer Alison sa concubine et à reprendre sa bonne femme<a id="footnotetag402" name="footnotetag402"></a><a href="#footnote402" title="Lien vers la note 402"><span class="smaller">[402]</span></a>.</p>
+
+<p>Sur ce chapitre, on lui avait un peu fait la leçon, sans doute, mais
+elle ne disait que ce qu'elle pensait, car elle avait les mauvaises
+femmes en aversion.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page109" name="page109"></a>(p. 109)</span> Elle était venue vers le duc parce que son état le voulait,
+parce qu'une petite sainte ne se refuse pas aux consultations d'un
+haut seigneur et parce qu'enfin on l'y avait amenée. Mais sa pensée
+était ailleurs; elle ne songeait qu'à délivrer le royaume de France.</p>
+
+<p>Considérant que le fils de madame Yolande, le duc de Bar, avec une
+belle compagnie d'hommes d'armes, apporterait grand'aide au Dauphin,
+elle demanda au duc de Lorraine, en prenant congé, d'envoyer ce jeune
+seigneur avec elle en France.</p>
+
+<p>&mdash;Donnez-moi votre fils, lui dit-elle, avec des gens pour me conduire.
+En récompense, je prierai Dieu pour le rétablissement de votre santé.</p>
+
+<p>Le duc ne lui donna pas d'hommes d'armes; il ne lui donna pas le duc
+de Bar, héritier de Lorraine, allié des Anglais, qui devait toutefois
+la rejoindre bientôt sous les étendards du roi Charles. Mais il lui
+donna quatre francs et un cheval noir<a id="footnotetag403" name="footnotetag403"></a><a href="#footnote403" title="Lien vers la note 403"><span class="smaller">[403]</span></a>.</p>
+
+<p>C'est peut-être à son retour de Nancy qu'elle écrivit à ses parents
+pour leur demander pardon de les avoir quittés. On sait seulement
+qu'ils reçurent une lettre d'elle et pardonnèrent<a id="footnotetag404" name="footnotetag404"></a><a href="#footnote404" title="Lien vers la note 404"><span class="smaller">[404]</span></a>. Il y aurait
+lieu, sans doute, d'être surpris que Jacques d'Arc qui, pour avoir vu
+seulement en rêve sa fille avec des gens d'armes, jurait de la noyer
+de ses mains si ses fils ne la noyaient, demeurât coi tout un long
+mois pendant qu'elle se tenait à Vaucouleurs. <span class="pagenum"><a id="page110" name="page110"></a>(p. 110)</span> Car il devait
+bien savoir qu'elle y vivait parmi les hommes d'armes. Ç'avait été
+déjà de sa part beaucoup de simplicité de l'avoir laissée partir,
+sachant l'humeur dont elle était. On ne peut se défendre de supposer
+que des personnes pieuses, qui croyaient en la bonté de Jeanne et
+avaient hâte qu'elle fût conduite en France pour le salut du royaume,
+prirent soin de rassurer le père et la mère sur les façons et
+comportements de leur fille et peut-être même firent entendre à ces
+bonnes gens que, si Jeanne allait vers le roi, toute sa famille en
+tirerait honneur et profit.</p>
+
+<p>Avant ou après le voyage de Nancy (on ne sait) quelques habitants de
+Vaucouleurs ayant foi en la jeune inspirée, firent faire ou achetèrent
+pour elle des vêtements d'homme, un justaucorps, un gippon de drap,
+des chausses attachées au justaucorps par des aiguillettes, des
+houseaux, des souliers, des éperons, tout un harnais de guerre. Sire
+Robert lui donna une épée<a id="footnotetag405" name="footnotetag405"></a><a href="#footnote405" title="Lien vers la note 405"><span class="smaller">[405]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle fit tailler ses cheveux en rond, à la manière des jeunes
+garçons<a id="footnotetag406" name="footnotetag406"></a><a href="#footnote406" title="Lien vers la note 406"><span class="smaller">[406]</span></a>. Jean de Metz et Bertrand de Poulengy, avec Jean de
+Honecourt et Julien, leurs servants, devaient l'accompagner, ainsi que
+Colet de Vienne, messager du roi, et Richard, l'archer<a id="footnotetag407" name="footnotetag407"></a><a href="#footnote407" title="Lien vers la note 407"><span class="smaller">[407]</span></a>. Il y eut
+encore <span class="pagenum"><a id="page111" name="page111"></a>(p. 111)</span> quelques hésitations, et l'on tint des conseils. Car
+les gens d'armes d'Antoine de Lorraine, seigneur de Joinville,
+infestaient la contrée. On ne voyait dans la campagne que gens faisant
+pilleries, larcins, meurtres et tyrannies cruelles, prenant les femmes
+de force, incendiant les églises et les abbayes et y commettant des
+péchés abominables. C'était le temps le plus dur à passer qu'homme eût
+jamais vu<a id="footnotetag408" name="footnotetag408"></a><a href="#footnote408" title="Lien vers la note 408"><span class="smaller">[408]</span></a>. Mais la jeune fille ne craignait rien et disait:</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu! menez-moi vers le gentil dauphin et ne faites doute que
+vous ni moi n'aurons nul mal et nul empêchement<a id="footnotetag409" name="footnotetag409"></a><a href="#footnote409" title="Lien vers la note 409"><span class="smaller">[409]</span></a>.</p>
+
+<p>Enfin, le mercredi 23 février, la petite troupe sortit de Vaucouleurs
+par la porte de France<a id="footnotetag410" name="footnotetag410"></a><a href="#footnote410" title="Lien vers la note 410"><span class="smaller">[410]</span></a>.</p>
+
+<p>Quelques amis l'avaient suivie jusque-là et la regardaient partir. Il
+se trouvait parmi eux Henri Leroyer et Catherine, ses hôtes, et
+messire Jean Colin, chanoine de Saint-Nicolas, près de Vaucouleurs, à
+qui Jeanne s'était plusieurs fois confessée<a id="footnotetag411" name="footnotetag411"></a><a href="#footnote411" title="Lien vers la note 411"><span class="smaller">[411]</span></a>. Songeant à la
+longueur <span class="pagenum"><a id="page112" name="page112"></a>(p. 112)</span> du chemin, aux périls du voyage, ils s'effrayaient
+pour leur sainte.</p>
+
+<p>&mdash;Comment, lui disait-on, comment pourrez-vous faire un tel voyage,
+quand il y a de tous côtés des gens de guerre?</p>
+
+<p>Mais elle répondait, dans la paix souriante de son c&oelig;ur:</p>
+
+<p>&mdash;Je ne crains point les gens de guerre: j'ai mon chemin tout aplani.
+S'il se trouve des hommes d'armes, messire Dieu saura bien me frayer
+la route pour aller à messire le dauphin. Je suis venue pour
+cela<a id="footnotetag412" name="footnotetag412"></a><a href="#footnote412" title="Lien vers la note 412"><span class="smaller">[412]</span></a>.</p>
+
+<p>Sire Robert assistait au départ. Il fit jurer, selon la formule
+usuelle, à tous les hommes d'armes de bien et sûrement conduire celle
+qu'il leur confiait. Puis, comme il était homme de peu de foi, il dit
+à Jeanne en manière d'adieu:</p>
+
+<p>&mdash;Va! et advienne que pourra<a id="footnotetag413" name="footnotetag413"></a><a href="#footnote413" title="Lien vers la note 413"><span class="smaller">[413]</span></a>!</p>
+
+<p>Et la petite troupe s'en fut dans la brume qui recouvre en cette
+saison les prairies de la Meuse.</p>
+
+<p>Il fallait éviter les voies fréquentées, se garder surtout de passer
+par Joinville, par Montiers-en-Saulx, par Sailly où se tenaient les
+gens d'armes du parti contraire. Sire Bertrand et Jean de Metz,
+accoutumés à ces sourdes chevauchées, connaissaient les chemins de
+traverse et savaient prendre les précautions utiles, <span class="pagenum"><a id="page113" name="page113"></a>(p. 113)</span> comme
+d'envelopper de linges les pieds des chevaux pour amortir le bruit des
+sabots sur le sol<a id="footnotetag414" name="footnotetag414"></a><a href="#footnote414" title="Lien vers la note 414"><span class="smaller">[414]</span></a>.</p>
+
+<p>À la nuit tombante la compagnie, ayant échappé à tous les dangers,
+s'approcha de la rive droite de la Marne et atteignit l'abbaye de
+Saint-Urbain<a id="footnotetag415" name="footnotetag415"></a><a href="#footnote415" title="Lien vers la note 415"><span class="smaller">[415]</span></a>. C'était de temps immémorial un lieu d'asile, et, à
+l'époque où nous sommes, elle avait pour abbé Arnoult d'Aulnoy, parent
+de Robert de Baudricourt<a id="footnotetag416" name="footnotetag416"></a><a href="#footnote416" title="Lien vers la note 416"><span class="smaller">[416]</span></a>.</p>
+
+<p>La porte du sévère édifice s'ouvrit aux voyageurs qui passèrent sous
+la voûte en tiers-point<a id="footnotetag417" name="footnotetag417"></a><a href="#footnote417" title="Lien vers la note 417"><span class="smaller">[417]</span></a>. L'abbaye renfermait un corps de logis
+pour les étrangers. C'est là qu'ils trouvèrent le gîte de leur
+première étape.</p>
+
+<p>L'église abbatiale s'élevait à droite de la porte extérieure; on y
+gardait les reliques de saint Urbain, pape. Le 24 février, au matin,
+Jeanne y entendit la messe conventuelle<a id="footnotetag418" name="footnotetag418"></a><a href="#footnote418" title="Lien vers la note 418"><span class="smaller">[418]</span></a>. Puis elle se remit en
+selle avec ses compagnons. Ils franchirent le pont sur la Marne
+vis-à-vis de Saint-Urbain et poussèrent vers la France.</p>
+
+<p>Ils avaient encore cent vingt-cinq lieues de pays à parcourir et trois
+rivières à traverser dans une contrée infestée de brigands. Onze
+jours, ils chevauchèrent; par crainte de l'ennemi, ils voyageaient la
+nuit<a id="footnotetag419" name="footnotetag419"></a><a href="#footnote419" title="Lien vers la note 419"><span class="smaller">[419]</span></a>. Pendant les couchées sur la paille, la jeune paysanne,
+gardant <span class="pagenum"><a id="page114" name="page114"></a>(p. 114)</span> ses chausses liées à son justaucorps, dormait tout
+habillée, sous une couverture, entre Jean de Metz et Bertrand de
+Poulengy qui lui inspiraient de la confiance. Ils ont dit depuis
+qu'ils n'eurent point désir de cette fille à cause de la sainteté
+qu'ils voyaient en elle<a id="footnotetag420" name="footnotetag420"></a><a href="#footnote420" title="Lien vers la note 420"><span class="smaller">[420]</span></a>; on peut le croire ou ne le pas croire.
+Jean de Metz n'était point échauffé d'une si grande foi dans cette
+inspirée, puisqu'il lui demandait avec inquiétude:</p>
+
+<p>&mdash;Ferez-vous bien ce que vous dites?</p>
+
+<p>À quoi elle répondait:</p>
+
+<p>&mdash;N'ayez crainte. Ce que je fais, je le fais par commandement. Mes
+frères du Paradis me disent ce que j'ai à faire. Il y a déjà quatre ou
+cinq ans que mes frères du Paradis et Messire m'ont dit qu'il fallait
+que j'allasse en guerre pour recouvrer le royaume de France<a id="footnotetag421" name="footnotetag421"></a><a href="#footnote421" title="Lien vers la note 421"><span class="smaller">[421]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces rudes compagnons n'éprouvaient pas tous en sa présence un respect
+religieux; certains la moquaient et, par amusement, parlaient devant
+elle comme s'ils étaient du parti des Anglais. Quelquefois, en manière
+de plaisanterie, feignant une alerte, ils faisaient mine de tourner
+bride. C'était de la malice perdue. Elle les croyait, mais elle
+n'avait pas peur et disait gravement à ces gens qui pensaient
+l'effrayer avec des Anglais:</p>
+
+<p>&mdash;Gardez-vous de fuir. En nom Dieu, ils ne vous feront pas de
+mal<a id="footnotetag422" name="footnotetag422"></a><a href="#footnote422" title="Lien vers la note 422"><span class="smaller">[422]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page115" name="page115"></a>(p. 115)</span> Et à l'approche de tout danger feint ou réel, il lui venait
+aux lèvres des paroles de réconfort:</p>
+
+<p>&mdash;Ne craignez rien. Vous verrez comme à Chinon le gentil dauphin nous
+fera bon visage<a id="footnotetag423" name="footnotetag423"></a><a href="#footnote423" title="Lien vers la note 423"><span class="smaller">[423]</span></a>.</p>
+
+<p>Son plus grand chagrin était de ne pas faire aussi souvent qu'elle le
+voulait ses dévotions aux églises. Elle répétait chaque jour:</p>
+
+<p>&mdash;Si nous pouvions, nous ferions bien d'entendre la messe<a id="footnotetag424" name="footnotetag424"></a><a href="#footnote424" title="Lien vers la note 424"><span class="smaller">[424]</span></a>.</p>
+
+<p>Évitant les grandes routes, ils ne se trouvaient guère à portée des
+ponts et ils durent souvent passer à gué les rivières grossies par les
+pluies. Ils traversèrent l'Aube près de Bar-sur-Aube, la Seine près de
+Bar-sur-Seine, l'Yonne devant Auxerre, où Jeanne entendit la messe
+dans l'église Saint-Étienne: puis ils atteignirent la ville de Gien,
+assise sur la rive droite de la Loire<a id="footnotetag425" name="footnotetag425"></a><a href="#footnote425" title="Lien vers la note 425"><span class="smaller">[425]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces Lorrains voyaient enfin une ville française obéissant au roi de
+France. Ils avaient fait soixante-quinze lieues en pays ennemi sans
+être attaqués ni molestés, ce qui, par la suite, fut tenu pour
+merveilleux. Mais était-il impossible à sept ou huit cavaliers
+armagnacs de traverser sans malencontre les pays anglais ou
+bourguignons? Le capitaine de Vaucouleurs faisait parvenir fréquemment
+des lettres au dauphin, le dauphin lui envoyait des courriers; Colet
+de Vienne<a id="footnotetag426" name="footnotetag426"></a><a href="#footnote426" title="Lien vers la note 426"><span class="smaller">[426]</span></a> venait de porter son message.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page116" name="page116"></a>(p. 116)</span> En fait, le péril n'était guère moindre pour les gens du
+dauphin dans les provinces de son obéissance que dans les territoires
+soumis à d'autres maîtres<a id="footnotetag427" name="footnotetag427"></a><a href="#footnote427" title="Lien vers la note 427"><span class="smaller">[427]</span></a>. Les routiers à la solde du roi Charles
+ne s'inquiétaient pas, pour piller et rançonner les voyageurs, de
+savoir s'ils étaient Armagnacs ou Bourguignons, et c'est précisément
+après avoir traversé la Loire que les compagnons de Bertrand de
+Poulengy se trouvèrent exposés aux plus grands dangers.</p>
+
+<p>Avertis de leur venue, quelques hommes d'armes du parti français
+allèrent au devant d'eux et se mirent en embuscade pour les
+surprendre. Ils voulaient s'emparer de la jeune fille, la jeter dans
+une fosse et l'y laisser sous une grosse pierre, comptant que le roi,
+qui la faisait venir, donnerait beaucoup d'argent pour la ravoir<a id="footnotetag428" name="footnotetag428"></a><a href="#footnote428" title="Lien vers la note 428"><span class="smaller">[428]</span></a>.
+Les routiers et les soudoyers avaient coutume d'enfouir ainsi dans un
+trou les voyageurs qu'ils délivraient ensuite, moyennant rançon.
+Dix-huit ans auparavant, à Corbeil, cinq hommes avaient été mis dans
+une fosse au pain et à l'eau, par des Bourguignons. Trois d'entre eux
+moururent faute de pouvoir <span class="pagenum"><a id="page117" name="page117"></a>(p. 117)</span> payer<a id="footnotetag429" name="footnotetag429"></a><a href="#footnote429" title="Lien vers la note 429"><span class="smaller">[429]</span></a>. Il s'en manqua de peu
+que Jeanne ne subît un traitement de ce genre. Mais les mauvais
+garnements qui la guettaient, au moment de faire le coup restèrent
+tranquilles, on ne sait pour quelle cause et peut-être par crainte de
+n'être pas les plus forts<a id="footnotetag430" name="footnotetag430"></a><a href="#footnote430" title="Lien vers la note 430"><span class="smaller">[430]</span></a>.</p>
+
+<p>De Gien, la petite troupe longea la lisière nord du duché de Berry,
+passa dans le Blaisois, traversa peut-être Selles-sur-Cher et
+Saint-Aignan, puis, entrée en Touraine, atteignit les pentes vertes de
+Fierbois<a id="footnotetag431" name="footnotetag431"></a><a href="#footnote431" title="Lien vers la note 431"><span class="smaller">[431]</span></a>. C'était là que l'une des deux dames du Ciel qui
+visitaient familièrement chaque jour la jeune paysanne avait son
+sanctuaire le plus renommé; c'était là que sainte Catherine recevait
+une foule de pèlerins et faisait de beaux miracles. La créance
+populaire donnait à son culte, en ce lieu, une origine nationale et
+guerrière qui remontait aux plus profondes antiquités françaises. On
+contait que, vainqueur des Sarrasins à Poitiers, Charles-Martel avait
+déposé son épée dans l'oratoire de la bienheureuse Catherine<a id="footnotetag432" name="footnotetag432"></a><a href="#footnote432" title="Lien vers la note 432"><span class="smaller">[432]</span></a>.
+Mais depuis lors ce sanctuaire, il <span class="pagenum"><a id="page118" name="page118"></a>(p. 118)</span> fallait bien l'avouer,
+avait subi l'injure d'un long abandon. Un peu plus de quarante ans
+avant la venue de la fille de Domremy, ses murs, au fond d'un bois,
+disparaissaient sous les ronces et les épines.</p>
+
+<p>Il n'était pas rare alors que les saints et les saintes laissés dans
+un injuste oubli vinssent eux-mêmes se plaindre à quelque pieuse
+personne du tort qu'on leur faisait sur la terre. Ils apparaissaient
+soit à un moine, soit à un paysan ou à un bourgeois, lui dénonçaient
+en termes pressants, parfois assez vifs, l'impiété des fidèles et lui
+donnaient l'ordre de rétablir leur culte et de relever leur
+sanctuaire. C'est ce que fit madame sainte Catherine. En l'an 1375,
+elle donna mission à un prud'homme du pays de Fierbois, nommé Jean
+Godefroy, qui était aveugle et paralytique, de rétablir son oratoire
+dans son éclat et sa célébrité, lui promettant guérison s'il faisait
+neuvaine au lieu où Charles-Martel avait déposé son épée. Jean
+Godefroy se fit porter à la chapelle abandonnée, mais il fallut
+d'abord que ses valets ouvrissent, à force de coignée, un chemin à
+travers les halliers. Madame sainte Catherine rendit à Jean Godefroy
+l'usage de ses yeux et de ses membres, et ce fut par un bienfait
+qu'elle rappela au peuple tourangeau sa gloire délaissée. L'oratoire
+fut réparé; les fidèles en reprirent le chemin, et les miracles y
+abondèrent. La sainte s'occupa d'abord de guérir les malades; puis,
+quand le pays endura les guerres, elle s'employa spécialement à tirer
+des mains des Anglais les <span class="pagenum"><a id="page119" name="page119"></a>(p. 119)</span> prisonniers qui avaient recours à
+elle. Parfois elle rendait les captifs invisibles à leurs gardiens,
+parfois elle rompait liens, chaînes, serrures; témoin un gentilhomme
+du nom de Cazin du Boys, qui fut pris, en 1418, avec la garnison de
+Beaumont-sur-Oise. Mis dans une huche fermée à clef, liée d'une grosse
+corde et sur laquelle dormait un Bourguignon, il s'y remémora madame
+sainte Catherine et se voua à cette glorieuse vierge; aussitôt la
+huche s'ouvrit. Parfois encore elle obligeait les Anglais à déferrer
+eux-mêmes leurs prisonniers et à les renvoyer sans rançon. C'était un
+grand miracle. Elle en opéra un non moins grand en faveur de Perrot
+Chapon, de Saint-Sauveur, près Luzarches. Étant aux fers en chartre
+anglaise, depuis un mois, Perrot Chapon se voua à madame Sainte
+Catherine et s'endormit. Il se réveilla, tout enchaîné encore, dans sa
+maison.</p>
+
+<p>Le plus souvent, elle aidait ceux qui s'aidaient eux-mêmes. Ainsi fit,
+en 1424, Jean Ducoudray, natif de Saumur, qui, prisonnier au château
+de Bellême, se recommanda dévotement à madame sainte Catherine, puis
+sauta dehors, étrangla l'homme du guet, escalada le mur d'enceinte, se
+laissa tomber d'une hauteur de deux lances et s'en alla librement par
+les champs<a id="footnotetag433" name="footnotetag433"></a><a href="#footnote433" title="Lien vers la note 433"><span class="smaller">[433]</span></a>.</p>
+
+<p>Peut-être ces miracles eussent-ils été moins fréquents si les Anglais
+avaient entretenu plus de monde <span class="pagenum"><a id="page120" name="page120"></a>(p. 120)</span> en France; mais ils
+manquaient d'hommes: en Normandie, ils s'enfermaient dans les villes,
+abandonnant les campagnes aux partisans qui battaient le pays,
+enlevaient les convois et favorisaient de la sorte grandement
+l'intervention de madame sainte Catherine<a id="footnotetag434" name="footnotetag434"></a><a href="#footnote434" title="Lien vers la note 434"><span class="smaller">[434]</span></a>.</p>
+
+<p>Les captifs qui s'étaient voués à elle et qu'elle avait délivrés
+faisaient, pour acquitter leur v&oelig;u, le glorieux pèlerinage de
+Fierbois et venaient suspendre dans la chapelle leurs cordes, leurs
+chaînes, leur harnois, ou par cas spécial, le harnois d'un ennemi.</p>
+
+<p>C'est ce qu'avait fait, neuf mois avant la venue de Jeanne à Fierbois,
+un gentilhomme nommé Jean du Chastel. Il s'était échappé des mains
+d'un capitaine qui l'accusait, en cela, de félonie, affirmant que du
+Chastel lui avait donné sa foi. Du Chastel soutenait, au contraire,
+qu'il n'avait rien juré; et il appela le capitaine en combat
+singulier. L'issue du combat prouva le bon droit du gentilhomme
+français; car, avec l'aide de madame sainte Catherine, il eut la
+victoire. En reconnaissance, il vint offrir à sa sainte protectrice le
+harnois de l'Anglais vaincu, en présence de monseigneur le bâtard
+d'Orléans, du capitaine La Hire et de plusieurs autres seigneurs<a id="footnotetag435" name="footnotetag435"></a><a href="#footnote435" title="Lien vers la note 435"><span class="smaller">[435]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne dut se plaire à entendre de telles ou semblables merveilles
+qu'on lui récita, et à voir tant <span class="pagenum"><a id="page121" name="page121"></a>(p. 121)</span> d'armes suspendues aux murs
+de la chapelle. Elle dut être bien aise que la sainte, qui la visitait
+à toute heure et lui donnait conseil, se montrât si manifestement
+l'amie des pauvres soldats et des paysans, la libératrice des
+prisonniers mis en huche, en fosse, aux fers ou aux ceps par les
+Godons.</p>
+
+<p>Elle fit ses dévotions et entendit deux messes dans la chapelle<a id="footnotetag436" name="footnotetag436"></a><a href="#footnote436" title="Lien vers la note 436"><span class="smaller">[436]</span></a>.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page122" name="page122"></a>(p. 122)</span> CHAPITRE V<br>
+
+<span class="smaller">LE SIÈGE D'ORLÉANS, DU 12 OCTOBRE 1428 AU 6 MARS 1429.</span></h2>
+
+
+<p>Depuis la victoire de Verneuil et la conquête du Maine, les Anglais ne
+gagnaient guère en France, et ce qu'ils y tenaient leur était moins
+assuré que jamais<a id="footnotetag437" name="footnotetag437"></a><a href="#footnote437" title="Lien vers la note 437"><span class="smaller">[437]</span></a>. S'ils épargnaient les terres du duc d'Orléans,
+leur prisonnier, ce n'était point par vergogne. On disait bien, sur
+les bords de la Loire, que ceux-là manquaient à l'honneur qui
+prenaient les domaines d'un seigneur dont ils tenaient le corps<a id="footnotetag438" name="footnotetag438"></a><a href="#footnote438" title="Lien vers la note 438"><span class="smaller">[438]</span></a>,
+mais en guerre où est le profit n'est point la honte. Le Régent ne
+s'était pas fait scrupule de s'emparer du duché d'Alençon, alors que
+le possesseur était prisonnier<a id="footnotetag439" name="footnotetag439"></a><a href="#footnote439" title="Lien vers la note 439"><span class="smaller">[439]</span></a>. Ce qui est vrai c'est que le bon
+duc Charles, par prières et finances, dissuada les Anglais d'attaquer
+son duché. De 1424 à 1426, les habitants d'Orléans payèrent pour
+obtenir <span class="pagenum"><a id="page123" name="page123"></a>(p. 123)</span> abstinence de guerre<a id="footnotetag440" name="footnotetag440"></a><a href="#footnote440" title="Lien vers la note 440"><span class="smaller">[440]</span></a>. Les Godons acceptaient
+d'autant plus volontiers ces accommodements qu'ils se sentaient moins
+en état d'entrer en campagne. Pendant la minorité de leur roi
+mi-anglais, mi-français, le duc de Glocester, frère et lieutenant du
+Régent, et son oncle, l'évêque de Winchester, chancelier du royaume,
+se prenaient aux cheveux et leurs discordes ensanglantaient les rues
+de Londres<a id="footnotetag441" name="footnotetag441"></a><a href="#footnote441" title="Lien vers la note 441"><span class="smaller">[441]</span></a>. À la fin de l'année 1425, le Régent se rendit en
+Angleterre où il passa dix-sept mois à calmer l'oncle et le neveu et à
+rétablir la tranquillité publique. À force de finesse et d'énergie, il
+y réussit assez pour rendre à ses compatriotes le désir et l'espoir
+d'achever la conquête de la France. En 1428, le Parlement d'Angleterre
+vota des subsides à cet effet<a id="footnotetag442" name="footnotetag442"></a><a href="#footnote442" title="Lien vers la note 442"><span class="smaller">[442]</span></a>.</p>
+
+<p>Le plus subtil, le plus expert, le plus heureux en armes de tous les
+princes et capitaines d'Angleterre, Thomas Montaigu, comte de
+Salisbury et du Perche<a id="footnotetag443" name="footnotetag443"></a><a href="#footnote443" title="Lien vers la note 443"><span class="smaller">[443]</span></a>, qui avait beaucoup fait la guerre dans la
+Normandie, dans la Champagne et dans le Maine, recruta en Angleterre
+<span class="pagenum"><a id="page124" name="page124"></a>(p. 124)</span> une armée en vue d'une expédition sur la Loire. Il trouva
+des archers à sa suffisance; quant aux chevaliers et aux hommes
+d'armes, il eut du mécompte. Seuls les gens de petit état voulaient
+aller se battre dans un pays de famine<a id="footnotetag444" name="footnotetag444"></a><a href="#footnote444" title="Lien vers la note 444"><span class="smaller">[444]</span></a>. Enfin, le noble lord, le
+beau cousin du roi Henri passa la mer avec quatre cent quarante-neuf
+hommes d'armes et deux mille deux cent cinquante archers<a id="footnotetag445" name="footnotetag445"></a><a href="#footnote445" title="Lien vers la note 445"><span class="smaller">[445]</span></a>. Il
+trouva en France des troupes recrutées par le Régent, quatre cents
+lances dont deux cents normandes, à trois archers par lance suivant la
+coutume d'Angleterre<a id="footnotetag446" name="footnotetag446"></a><a href="#footnote446" title="Lien vers la note 446"><span class="smaller">[446]</span></a>. Il conduisit ces troupes à Paris où des
+résolutions irrévocables furent prises<a id="footnotetag447" name="footnotetag447"></a><a href="#footnote447" title="Lien vers la note 447"><span class="smaller">[447]</span></a>. Jusque-là on se disposait
+à prendre la ville d'Angers; on décida en dernier lieu d'assiéger
+Orléans<a id="footnotetag448" name="footnotetag448"></a><a href="#footnote448" title="Lien vers la note 448"><span class="smaller">[448]</span></a>.</p>
+
+<p>Entre la Beauce et la Sologne, en avant des provinces fidèles,
+Touraine, Blaisois, Berry, la cité ducale se présentait à l'ennemi,
+sur la Loire recourbée, comme sur l'arc tendu la pointe de la
+flèche<a id="footnotetag449" name="footnotetag449"></a><a href="#footnote449" title="Lien vers la note 449"><span class="smaller">[449]</span></a>. Évêché, université, marché du haut et bas pays, fière de
+ses clochers, de ses flèches et de ses tours, qui levaient vers le
+ciel la <span class="pagenum"><a id="page125" name="page125"></a>(p. 125)</span> croix de Notre-Seigneur, les trois c&oelig;urs de lis
+de la ville et les trois fleurs de lis de ses ducs, Orléans abritait,
+sous les hauts toits d'ardoise de ses maisons de pierre ou de bois
+plantées sur des rues tortueuses et sur de sombres venelles, quinze
+mille habitants, officiers de justice et de finance, orfèvres,
+droguistes, épiciers, tanneurs, bouchers, poissonniers, riches
+bourgeois fins comme l'ambre, qui aimaient les beaux habits, les beaux
+logis, la musique et la danse; curés, chanoines, régents et suppôts de
+l'université, libraires, écrivains, imagiers, peintres, écoliers qui
+n'étaient pas tous des fontaines de sapience, mais qui jouaient
+joliment de la flûte; moines de toute robe, jacobins, cordeliers,
+mathurins, carmes, augustins; et les artisans et les gens de métier,
+forgerons, tonneliers, charpentiers, bateliers, pêcheurs<a id="footnotetag450" name="footnotetag450"></a><a href="#footnote450" title="Lien vers la note 450"><span class="smaller">[450]</span></a>.</p>
+
+<p>D'origine romaine, la ville gardait la carrure qui lui avait été
+donnée au temps de l'empereur Aurélien. Le côté du midi, qui longeait
+la Loire, et le côté du nord, s'étendaient sur une ligne de trois
+mille pieds. Les petits côtés du levant et du couchant n'avaient que
+<span class="pagenum"><a id="page126" name="page126"></a>(p. 126)</span> treize cent cinquante pieds de long. Elle était ceinte de
+murs épais de six pieds et élevés de dix-huit à trente-trois pieds
+au-dessus du fossé qui en noyait la base. Ces murs étaient flanqués de
+trente-quatre tours, percés de cinq portes et de deux poternes<a id="footnotetag451" name="footnotetag451"></a><a href="#footnote451" title="Lien vers la note 451"><span class="smaller">[451]</span></a>.
+Voici l'emplacement de ces portes, poternes et tours, avec les noms de
+celles qui firent parler d'elles durant le siège.</p>
+
+<p>C'était, en allant de l'angle sud-est des murs à l'angle sud-ouest: la
+tour Neuve, énorme et ronde, baignant dans la Loire: trois autres
+tours portant sur les grèves; la poterne Chesneau qui seule, s'ouvrait
+sur l'eau et qu'on fermait par une herse de fer: la tour de la
+Croiche-Meuffroy, ainsi nommée de la croiche ou éperon qui, de son
+pied, s'avançait dans la rivière; deux autres tours baignant dans la
+Loire; la porte du Pont, avec pont-levis et flanquée de deux tours: la
+tour de l'Abreuvoir; la tour Notre-Dame, qui tirait son nom d'une
+chapelle adossée aux murs de la ville; la tour de la Barre-Flambert,
+la dernière de ce côté, à l'angle sud-ouest de l'enceinte, et qui
+barrait la rivière. Tout le long de la Loire, les murs étaient garnis
+d'un parapet de pierre et munis de mâchicoulis crénelés, d'où l'on
+pouvait lancer des carreaux et en cas d'escalade, renverser les
+échelles. Les tours se dressaient à un jet d'arc les unes des autres.</p>
+
+<p>Sur le côté ouest, on comptait d'abord trois tours, <span class="pagenum"><a id="page127" name="page127"></a>(p. 127)</span> puis les
+deux tours de la porte qu'on appelait Regnard ou Renard, du nom des
+bourgeois, possesseurs autrefois d'un hôtel y attenant, habité en 1428
+par Jacques Boucher, trésorier du duc d'Orléans; puis une autre tour,
+et, enfin, la porte Bernier ou Bannier, à l'angle nord-ouest de
+l'enceinte. Les remparts, de ce côté, avaient été construits à une
+époque où déjà on faisait usage de l'arbalète qui portait plus loin
+que l'arc: les tours étaient à un jet d'arbalète les unes des autres,
+et les murs moins hauts qu'ailleurs.</p>
+
+<p>Du côté nord, qui regardait la forêt: dix tours distantes entre elles
+d'une portée d'arc; la deuxième, celle de Saint-Samson, servait
+d'arsenal; la sixième et la septième flanquaient la porte Parisis.</p>
+
+<p>Du côté de l'Est, dix tours également et à la même distance les unes
+des autres que celles du Nord; la cinquième et la sixième étaient
+celles de la porte de Bourgogne, dite aussi de Saint-Aignan, parce
+qu'elle était proche de l'église de Saint-Aignan hors les murs; la
+dernière était la grosse tour d'angle, dite tour Neuve, qui se trouve
+ainsi comptée deux fois.</p>
+
+<p>Le pont de pierre, bordé de maisons, qui reliait la ville à la rive
+gauche de la Loire, était renommé dans le monde entier. Il avait
+dix-neuf arches d'ouvertures inégales. La première, sur laquelle on
+passât en sortant de la ville par la porte du Pont, se nommait
+l'Allouée ou pont Jacquemin-Rousselet; un pont-levis était pratiqué
+dans sa voûte. La cinquième arche appuyait sa <span class="pagenum"><a id="page128" name="page128"></a>(p. 128)</span> culée sur une
+île étroite et longue, en forme de bateau, comme toutes ces îles des
+fleuves. Elle s'appelait en amont Motte-Saint-Antoine, d'une chapelle
+dédiée à ce saint, qui y était élevée; en aval Motte-des-Poissonniers,
+parce qu'on y amarrait des bateaux dont le fond était percé, pour
+conserver le poisson. En 1417, les Orléanais, prévoyant le cas où
+l'ennemi ferait une descente dans cette île, avaient construit au delà
+de la sixième arche une bastille, la bastille ou forteresse
+Saint-Antoine, qui occupait toute la largeur du pont. Le pilier commun
+à l'onzième et à la douzième arche portait, sur un socle de pierre
+historiée, une croix de bronze doré. C'était, comme on disait, la
+Belle-Croix. Sur la dix-huitième arche et ses deux piliers, formant
+culée, s'élevait un châtelet composé de deux tours réunies par un
+porche voûté. Ce châtelet avait nom les Tourelles. La dix-neuvième et
+dernière arche portait, comme la première, un pont-levis. Après
+l'avoir franchie on se trouvait sur le Portereau; et l'on avait devant
+soi la route de Toulouse qui rejoignait, au delà du Loiret, sur les
+hauteurs d'Olivet, la route de Blois<a id="footnotetag452" name="footnotetag452"></a><a href="#footnote452" title="Lien vers la note 452"><span class="smaller">[452]</span></a>.</p>
+
+<p>La Loire traînait alors ses eaux paresseuses entre des îles
+recouvertes d'oseraies et de bouleaux, qui ont été <span class="pagenum"><a id="page129" name="page129"></a>(p. 129)</span> enlevées
+depuis pour rendre le passage plus aisé aux bateaux. Une lieue à l'est
+d'Orléans, à la hauteur de Chécy, l'île aux Bourdons était séparée par
+un mince bras de la rive de Sologne et par un étroit chenal, de
+l'Île-aux-B&oelig;ufs, qui étalait, vers la rive de Beauce, devant
+Combleux, ses herbages et ses buissons. Un bateau, s'il descendait le
+cours du fleuve, côtoyait ensuite les deux îles Saint-Loup, et,
+doublant la tour Neuve, glissait entre les deux petites îles des
+Martinets, à droite, et l'Île-aux-Toiles à gauche. Puis il passait
+sous le Pont qui traversait, comme nous l'avons vu, une île dite en
+haut Motte-Saint-Antoine et en bas Motte-des-Poissonniers. Enfin, en
+aval des remparts, vis-à-vis de Saint-Laurent-des-Orgerils, il
+rencontrait les deux petites îles Biche-d'Orge et Charlemagne<a id="footnotetag453" name="footnotetag453"></a><a href="#footnote453" title="Lien vers la note 453"><span class="smaller">[453]</span></a>.</p>
+
+<p>Les faubourgs d'Orléans étaient les plus beaux du royaume. Au midi, le
+faubourg batelier du Portereau, avec l'église et le couvent des
+Augustins, s'étendait le long du fleuve, au pied des vignobles de
+Saint-Jean-le-Blanc qui mûrissaient le meilleur vin du pays<a id="footnotetag454" name="footnotetag454"></a><a href="#footnote454" title="Lien vers la note 454"><span class="smaller">[454]</span></a>. Plus
+haut, sur les pentes douces conduisant au maigre plateau de Sologne,
+le Loiret, ses sources agitées, ses eaux limpides, ses rives
+ombreuses, les jardins et les <span class="pagenum"><a id="page130" name="page130"></a>(p. 130)</span> fontaines d'Olivet, riaient
+aux regards d'un ciel pluvieux et doux.</p>
+
+<p>Au levant, le faubourg de la porte Bourgogne était de tous le plus
+peuplé et le mieux bâti. C'est là qu'on admirait l'église Saint-Michel
+et l'église Saint-Aignan, dont le cloître passait pour une
+merveille<a id="footnotetag455" name="footnotetag455"></a><a href="#footnote455" title="Lien vers la note 455"><span class="smaller">[455]</span></a>. Au sortir de ce faubourg, en suivant, au bord des
+vignes, le bras de sable ou d'eau que la Loire allongeait entre sa
+berge et l'Île-aux-B&oelig;ufs, on atteignait, après un quart de lieue,
+la côte roide de Saint-Loup, et, si l'on s'avançait encore à l'est,
+entre la rivière et la route romaine d'Autun à Paris, on découvrait,
+l'un après l'autre, les clochers de Saint-Jean-de-Bray, de Combleux et
+de Chécy.</p>
+
+<p>Au nord de la ville, s'élevaient de beaux moustiers et de riches
+églises, la chapelle Saint-Ladre, dans le cimetière; les Jacobins, les
+Cordeliers, l'église de Saint-Pierre-Ensentelée. En plein nord, le
+faubourg de la porte Bernier bordait la route de Paris et, tout
+proche, s'étendait la sombre cité des loups, la profonde forêt de
+chênes, de charmes, de hêtres et de bouleaux, où s'enfonçaient, comme
+des bûcherons et des charbonniers, les villages de Fleury et de
+Samoy<a id="footnotetag456" name="footnotetag456"></a><a href="#footnote456" title="Lien vers la note 456"><span class="smaller">[456]</span></a>.</p>
+
+<a id="img001" name="img001"></a>
+<div class="figcenter">
+<a href="images/img001.jpg">
+<img src="images/img001tb.jpg" width="400" height="271" alt="" title=""></a>
+<p>Plan d'Orléans.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page131" name="page131"></a>(p. 131)</span> Au couchant, parmi les cultures, le faubourg de la porte
+Renard longeait la route de Châteaudun, et le hameau de Saint-Laurent,
+la route de Blois<a id="footnotetag457" name="footnotetag457"></a><a href="#footnote457" title="Lien vers la note 457"><span class="smaller">[457]</span></a>.</p>
+
+<p>Lorsque les gens des faubourgs se renfermèrent dans la cité à
+l'approche des Anglais, le nombre des habitants fut plus que doublé,
+tant ces faubourgs étaient amples et populeux<a id="footnotetag458" name="footnotetag458"></a><a href="#footnote458" title="Lien vers la note 458"><span class="smaller">[458]</span></a>.</p>
+
+<p>Les habitants d'Orléans étaient résolus à combattre, non certes pour
+l'honneur: un bourgeois, en ce temps-là, ne s'attirait aucun honneur à
+défendre sa ville; par contre il y courait un terrible danger. La
+ville prise, les hauts et riches seigneurs, qui se trouvaient pris
+avec, en étaient quittes pour payer rançon, et le vainqueur leur
+faisait bonne chère; les menus et pauvres seigneurs risquaient
+davantage. En cette année 1428, les gentilshommes qui défendirent
+Melun et se rendirent après avoir mangé leurs chevaux et leurs chiens,
+furent noyés dans la Seine. «Rien n'y valut hautesse», dit une chanson
+bourguignonne<a id="footnotetag459" name="footnotetag459"></a><a href="#footnote459" title="Lien vers la note 459"><span class="smaller">[459]</span></a>. Ordinairement hautesse valait la vie sauve. Quant
+aux bourgeois assez courageux pour s'être défendus, ils avaient chance
+d'être mis à <span class="pagenum"><a id="page132" name="page132"></a>(p. 132)</span> mort. Il n'existait pas de règles fixes à leur
+égard; tantôt on en pendait plusieurs, tantôt un seul, tantôt on les
+pendait tous; il était loisible aussi de leur couper la tête ou de les
+jeter à l'eau, cousus dans un sac. En cette même année 1428, les
+capitaines La Hire et Poton ayant manqué leur coup de main sur Le Mans
+et décampé à propos, les bourgeois qui les avaient aidés furent
+décapités place du Cloître-Saint-Julien, sur la pierre Olet, par ordre
+de ce même William Pole, comte de Suffolk, qui débridait déjà à
+Olivet, et de ce même John Talbot, le plus courtois des chevaliers
+anglais, qui allait bientôt venir<a id="footnotetag460" name="footnotetag460"></a><a href="#footnote460" title="Lien vers la note 460"><span class="smaller">[460]</span></a>. Exemple suffisant pour
+instruire les citoyens d'Orléans.</p>
+
+<p>La ville, sous l'autorité d'un gouverneur, s'administrait elle-même au
+moyen de douze procureurs élus par le suffrage des bourgeois pour deux
+ans, moyennant l'approbation du gouverneur<a id="footnotetag461" name="footnotetag461"></a><a href="#footnote461" title="Lien vers la note 461"><span class="smaller">[461]</span></a>. Ces procureurs
+risquaient plus que les autres citoyens, et l'un d'eux, quand il
+passait par le cloître Saint-Sulpice, où l'on mettait à mort les
+condamnés, songeait sans doute qu'avant un an il pourrait bien être
+justicié là pour avoir défendu l'héritage de son seigneur. Les douze
+étaient résolus à défendre cet héritage et ils agissaient avec
+promptitude et sagesse pour le salut commun.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page133" name="page133"></a>(p. 133)</span> Les Orléanais n'étaient pas pris au dépourvu. Leurs pères
+avaient vu de près les Anglais et mis la ville en état de défense.
+Eux-mêmes, en l'an 1425, s'étaient si bien attendus à subir un siège,
+qu'ils avaient amassé des armes dans la tour Saint-Samson et que tous,
+riches ou pauvres, avaient été requis pour creuser des fossés et
+construire des boulevards<a id="footnotetag462" name="footnotetag462"></a><a href="#footnote462" title="Lien vers la note 462"><span class="smaller">[462]</span></a>. La guerre a toujours coûté cher. Ils
+consacraient, chaque année, les trois quarts du revenu de la ville à
+l'entretien des remparts et de l'armement. Avertis que le comte de
+Salisbury approchait, ils se préparèrent avec une merveilleuse ardeur
+à le recevoir. Les murs, hors ceux qui regardaient la rivière, étaient
+sans parapets, mais il y avait dans les magasins des pieux et des
+traverses destinés à faire des garde-fous. On les monta et l'on
+établit des mantelets dans lesquels étaient pratiquées des barbacanes
+en charpente, afin que, du haut des murs habillés de la sorte, les
+défenseurs pussent tirer à couvert<a id="footnotetag463" name="footnotetag463"></a><a href="#footnote463" title="Lien vers la note 463"><span class="smaller">[463]</span></a>. On établit, à l'entrée de
+chaque faubourg, des barrières de bois, avec un corps de garde et une
+loge pour le portier chargé de les ouvrir et de les fermer. Les
+remparts, bastilles et boulevards furent munis de soixante et onze
+bouches à feu, tant canons que bombardes, sans compter les
+couleuvrines. On tira de la carrière de Montmaillard, située à trois
+lieues de la <span class="pagenum"><a id="page134" name="page134"></a>(p. 134)</span> ville, des pierres que les artisans façonnaient
+en boulets de canon; on fit venir à grands frais du plomb, de la
+poudre et du soufre, que les femmes finaient pour le service des
+canons et des couleuvrines. On fabriquait chaque jour par milliers des
+flèches, des traits, des fûts de viretons aboutés de pointes de fer et
+empennés de parchemin, et nombre de pavas, grands boucliers faits de
+douves assemblées à tenons et mortaises et recouvertes de cuir. On
+acheta du blé, du vin, du bétail à force pour la nourriture des
+habitants et des hommes d'armes qu'on attendait, gens du roi et
+routiers<a id="footnotetag464" name="footnotetag464"></a><a href="#footnote464" title="Lien vers la note 464"><span class="smaller">[464]</span></a>.</p>
+
+<p>Par un privilège dont ils se montraient fort jaloux, les habitants
+avaient la garde de leurs remparts. Ils étaient répartis par corps de
+métiers en autant de compagnies qu'il y avait de tours. Se gardant
+eux-mêmes, ils jouissaient du droit de ne pas recevoir garnison dans
+leurs murs. Ce droit leur était précieux parce qu'il leur évitait
+d'être pillés et dérobés, incendiés et molestés à tout moment par les
+gens du roi. Ils y renoncèrent avec empressement, sentant bien que
+seuls, avec leur milice civique et les milices des communes,
+c'est-à-dire les paysans, ils ne pourraient soutenir l'effort d'un
+siège et qu'il leur fallait, pour bien faire, des hommes de cheval
+tenant roidement la lance et <span class="pagenum"><a id="page135" name="page135"></a>(p. 135)</span> des gens de pied habiles à
+man&oelig;uvrer l'arbalète. Tandis que le sire de Gaucourt, leur
+gouverneur, et monseigneur le Bâtard d'Orléans, lieutenant général du
+roi, se rendaient à Chinon et à Poitiers pour obtenir des conseillers
+du roi assez d'hommes et d'argent<a id="footnotetag465" name="footnotetag465"></a><a href="#footnote465" title="Lien vers la note 465"><span class="smaller">[465]</span></a>, des bourgeois partaient en
+mission, deux par deux, et allaient jusqu'en Bourbonnais et en
+Languedoc demander des secours aux villes<a id="footnotetag466" name="footnotetag466"></a><a href="#footnote466" title="Lien vers la note 466"><span class="smaller">[466]</span></a>. Les procureurs
+faisaient appel aux routiers qui tenaient la campagne pour les fleurs
+de lis et leur annonçaient, par les deux hérauts de la ville, Orléans
+et C&oelig;ur-de-Lis, qu'il y avait chez eux de l'or et de l'argent en
+abondance, des vivres et des armes pour nourrir et armer deux mille
+combattants pendant deux ans, et que tout gentil et honnête capitaine
+qui voudrait défendre leur ville avec eux le pourrait faire, et qu'on
+se battrait à mort<a id="footnotetag467" name="footnotetag467"></a><a href="#footnote467" title="Lien vers la note 467"><span class="smaller">[467]</span></a>.</p>
+
+<p>Les habitants d'Orléans craignaient Dieu. En ce temps-là Dieu se
+faisait beaucoup craindre; il était presque aussi terrible qu'au temps
+des Philistins. Les pauvres pécheurs avaient peur d'être mal reçus
+s'ils s'adressaient <span class="pagenum"><a id="page136" name="page136"></a>(p. 136)</span> à lui dans leurs afflictions; mieux
+valait, croyaient-ils, prendre un biais et recourir à l'intercession
+de Notre-Dame et des saints. Dieu respectait sa mère et s'efforçait de
+lui complaire en toute occurrence. Il montrait pareillement de la
+déférence aux bienheureux assis à ses côtés dans le paradis et
+écoulait volontiers les requêtes qu'ils lui présentaient. Aussi
+était-ce la coutume, en cas de grande nécessité, de faire des prières
+et des présents aux saints pour les rendre favorables. Les bourgeois
+d'Orléans se rappelèrent à propos Monsieur saint Euverte et Monsieur
+saint Aignan, patrons de leur ville. Saint Euverte s'était assis très
+anciennement dans le siège épiscopal occupé en 1428 par messire Jean
+de Saint-Michel, écossais, et il y avait resplendi de toutes les
+vertus apostoliques<a id="footnotetag468" name="footnotetag468"></a><a href="#footnote468" title="Lien vers la note 468"><span class="smaller">[468]</span></a>. Saint-Aignan, son successeur, avait obtenu
+de Dieu qu'il regardât sa ville dans un péril semblable à celui
+qu'elle courait présentement. Voici son histoire telle que les
+Orléanais la savaient:</p>
+
+<p>Le bienheureux Aignan s'était retiré dès sa jeunesse dans une solitude
+près d'Orléans. Saint Euverte, alors évêque de cette ville, l'y
+découvrit, l'ordonna prêtre, l'institua abbé de
+Saint-Laurent-des-Orgerils et le désigna pour son successeur dans le
+gouvernement des fidèles. Et quand saint Euverte eut trépassé de cette
+vie à l'autre, le bienheureux Aignan fut proclamé <span class="pagenum"><a id="page137" name="page137"></a>(p. 137)</span> évêque, du
+consentement du peuple orléanais, par la voix d'un petit enfant. Car
+Dieu, qui tire sa louange de la bouche des enfants, permit que l'un
+d'eux, porté dans ses langes sur l'autel, parlât et dit: «Aignan,
+Aignan, Aignan est élu de Dieu pour être évêque de cette ville.» Or,
+dans la soixantième année de son pontificat, les Huns envahirent la
+Gaule, conduits par Attila, leur roi, qui publiait que devant lui les
+étoiles tombaient, la terre tremblait, et qu'il était le marteau du
+monde, <i>stellas pre se cadere, terram tremere, se malleum esse
+universi orbis</i>. Toutes les villes qu'il avait rencontrées sur son
+chemin, il les avait détruites, et il marchait sur Orléans. Alors le
+bienheureux Aignan alla trouver dans la cité d'Arles le patrice
+Aetius, qui commandait l'armée romaine, et lui demanda son aide en un
+si grand péril. Ayant obtenu du patrice promesse de secours, Aignan
+revint dans sa ville épiscopale qu'il trouva entourée de guerriers
+barbares. Les Huns avaient fait des brèches dans les murs, et ils se
+préparaient à donner l'assaut. Le bienheureux monta sur le rempart, se
+mit à genoux, pria, et, ayant prié, cracha sur les ennemis. Cette
+goutte d'eau fut suivie, par la volonté de Dieu, de toutes les gouttes
+d'eau suspendues dans le ciel; un orage éclata, une pluie si abondante
+tomba sur les barbares, que leur camp en fut noyé; leurs tentes
+s'abattirent sous la force des vents, et plusieurs d'entre eux
+périrent frappés de la foudre. La pluie dura trois jours, après
+lesquels Attila <span class="pagenum"><a id="page138" name="page138"></a>(p. 138)</span> fit battre par de puissantes machines les
+remparts de la cité. Les habitants voyaient avec épouvante tomber
+leurs murailles. Quand tout espoir de résister fut perdu, le saint
+évêque alla, revêtu de ses habits sacerdotaux, vers le roi des Huns et
+l'adjura d'avoir pitié du peuple orléanais, le menaçant de l'ire
+céleste s'il était dur aux vaincus. Ces prières et ces menaces ne
+changèrent pas le c&oelig;ur d'Attila. L'évêque, revenu parmi ses
+fidèles, les avertit qu'ils ne devaient s'assurer qu'en la puissance
+de Dieu, mais que ce secours ne leur manquerait pas. Et bientôt, selon
+la promesse qu'il leur avait donnée, Dieu délivra la ville par le
+moyen des Romains et des Français, qui défirent les Huns dans une
+grande bataille. Peu de temps après cette merveilleuse délivrance de
+sa ville bien-aimée, saint Aignan s'endormit dans le Seigneur<a id="footnotetag469" name="footnotetag469"></a><a href="#footnote469" title="Lien vers la note 469"><span class="smaller">[469]</span></a>.</p>
+
+<p>C'est pourquoi, en ce grand péril où les mettaient les Anglais, les
+citoyens d'Orléans attendaient de Monsieur saint Euverte et de
+Monsieur saint Aignan aide et réconfort. Aux merveilles que saint
+Aignan avait accomplies dans sa vie mortelle, ils mesuraient les
+miracles qu'il pouvait opérer maintenant qu'il était au Paradis. Ces
+deux confesseurs avaient, dans le faubourg de Bourgogne, chacun son
+église où l'on <span class="pagenum"><a id="page139" name="page139"></a>(p. 139)</span> gardait précieusement leur corps<a id="footnotetag470" name="footnotetag470"></a><a href="#footnote470" title="Lien vers la note 470"><span class="smaller">[470]</span></a>. Les os
+des martyrs et des confesseurs inspiraient alors une vénération
+profonde. Ils répandaient parfois, disait-on, une odeur balsamique, ce
+qui signifiait les grâces qui en émanaient. On les enfermait dans des
+châsses dorées et semées de pierres précieuses et il n'est point de
+miracle qu'on ne pensât obtenir par le moyen de ces saintes reliques.
+Le 6 août 1428, le clergé de la ville alla prendre dans l'église où
+elle était conservée la châsse de Monsieur saint Euverte et la porta
+autour des murs, afin qu'ils en fussent affermis, et la châsse vénérée
+fit le tour de la cité, suivie du peuple entier. Le 8 septembre, un
+tortis de cent dix livres fut offert à Monsieur saint Aignan. Pour les
+gagner, on faisait aux saints, quand on avait besoin d'eux, des
+présents de toute nature, robes, joyaux, argent monnayé, maisons,
+terres, bois, étangs; mais on pensait que la cire vierge leur était
+particulièrement agréable. Un tortis était une rouelle de cire sur
+laquelle on plantait des cierges et deux petits panonceaux aux armes
+de la ville<a id="footnotetag471" name="footnotetag471"></a><a href="#footnote471" title="Lien vers la note 471"><span class="smaller">[471]</span></a>.</p>
+
+<p>Ainsi les Orléanais travaillaient à se munir et protéger.</p>
+
+<p>Des aventuriers de tout pays répondaient à l'appel des procureurs.
+Messire Archambaud de Villars, capitaine de Montargis; Guillaume de
+Chaumont, seigneur <span class="pagenum"><a id="page140" name="page140"></a>(p. 140)</span> de Guitry; messire Pierre de la Chapelle,
+gentilhomme beauceron; Raimond Arnaud de Corraze, chevalier béarnais;
+don Mathias d'Aragon, Jean de Saintrailles et Poton de Saintrailles
+accoururent les premiers. L'abbé de Cerquenceaux, naguère étudiant à
+l'Université d'Orléans, arriva à la tête d'une bande de
+partisans<a id="footnotetag472" name="footnotetag472"></a><a href="#footnote472" title="Lien vers la note 472"><span class="smaller">[472]</span></a>. Il entra ainsi dans la ville à peu près autant d'amis
+qu'on attendait d'ennemis. On les solda, on leur fournit pain, chair,
+poisson, fourrage en abondance, et l'on défonça pour eux des tonneaux
+de vin. Dans les premiers jours les habitants les traitèrent comme
+leurs propres enfants. Ils se les partagèrent entre eux et les
+nourrirent de ce qu'ils avaient. Mais cette concorde ne régna pas
+longtemps, et, quoi qu'en dise une tradition conciliante<a id="footnotetag473" name="footnotetag473"></a><a href="#footnote473" title="Lien vers la note 473"><span class="smaller">[473]</span></a>, les
+choses ne se passèrent pas à Orléans différemment que dans les autres
+villes assiégées: les bourgeois ne tardèrent pas à se plaindre de la
+garnison.</p>
+
+<p>Le 5 septembre, le comte de Salisbury parvint à Janville après s'être
+emparé sans peine de quarante villes, églises fortes ou châteaux. Et
+ce n'était pas le meilleur de son affaire; car si peu de monde qu'il
+eût laissé dans chaque place, il avait semé en route une partie de son
+armée, déjà trop encline à s'égrener<a id="footnotetag474" name="footnotetag474"></a><a href="#footnote474" title="Lien vers la note 474"><span class="smaller">[474]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page141" name="page141"></a>(p. 141)</span> Il envoya de Janville deux hérauts à Orléans pour sommer les
+habitants de se rendre. Les procureurs logèrent ces hérauts
+honorablement dans le faubourg Bannier, à l'hôtel de la Pomme, et leur
+remirent un présent de vin pour le comte de Salisbury, car ils
+savaient à quoi le devoir les obligeait envers un si haut prince; mais
+ils refusèrent d'ouvrir leurs portes à une garnison anglaise,
+alléguant sans doute, selon la coutume des bourgeois d'alors, qu'ils
+ne le pouvaient pas, ayant plus forts qu'eux dans leurs murs<a id="footnotetag475" name="footnotetag475"></a><a href="#footnote475" title="Lien vers la note 475"><span class="smaller">[475]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 6 octobre, le péril approchant, prêtres, bourgeois, notables
+marchands, artisans, les femmes, les enfants, firent une belle
+procession avec croix et bannières, chantant des psaumes et invoquant
+les gardiens célestes de la cité<a id="footnotetag476" name="footnotetag476"></a><a href="#footnote476" title="Lien vers la note 476"><span class="smaller">[476]</span></a>.</p>
+
+<p>Le mardi 12 du même mois, à la nouvelle que l'ennemi venait par la
+Sologne, les procureurs envoyèrent des gens de guerre abattre les
+maisons du Portereau, faubourg de la rive gauche, l'église et le
+couvent des Augustins, qui s'élevaient dans ce faubourg, ainsi que
+tous les bâtiments où l'ennemi pouvait se loger et se retrancher. Les
+gens de guerre furent pris de court. Ce <span class="pagenum"><a id="page142" name="page142"></a>(p. 142)</span> jour même les
+Anglais occupèrent Olivet et se montrèrent au Portereau<a id="footnotetag477" name="footnotetag477"></a><a href="#footnote477" title="Lien vers la note 477"><span class="smaller">[477]</span></a>.</p>
+
+<p>Là se rassemblaient les vainqueurs de Verneuil, la fleur de la
+chevalerie anglaise: Thomas, seigneur de Scales et de Nucelles,
+capitaine de Pontorson, que le roi d'Angleterre appelait son cousin;
+William Neville, lord Falcombridge; Richard Guethin, chevalier
+gallois, bailli d'Évreux; lord Richard Gray, neveu du comte de
+Salisbury; Gilbert Halsall, Richard Panyngel, Thomas Guérard,
+chevaliers, et d'autres encore de haute renommée.</p>
+
+<p>Sur les deux cents lances de Normandie flottaient les étendards de
+William Pole, comte de Suffolk, et de John Pole, deux frères issus
+d'un compagnon du duc Guillaume; de Thomas Rampston, chevalier
+banneret, chambellan du Régent; de Richard Walter, écuyer, capitaine
+de Conches, bailli et capitaine d'Évreux; de William Molins,
+chevalier; de William Glasdall, que les Français nommaient Glacidas,
+écuyer, bailli d'Alençon, homme de petite naissance<a id="footnotetag478" name="footnotetag478"></a><a href="#footnote478" title="Lien vers la note 478"><span class="smaller">[478]</span></a>.</p>
+
+<p>Les archers étaient tous à cheval. Il n'y avait, autant dire, point de
+fantassins. Des chariots attelés de b&oelig;ufs traînaient les barils de
+poudre, les arbalètes, les traits, les canons de toutes sortes, canons
+à main, «fowlers» et grosses pièces, et les pierres à canons. Les
+<span class="pagenum"><a id="page143" name="page143"></a>(p. 143)</span> deux maîtres de l'artillerie anglaise, Philibert de Moslant
+et Guillaume Appilby, accompagnaient les troupes. Il s'y trouvait
+aussi deux maîtres mineurs avec trente-huit ouvriers. Les femmes ne
+manquaient pas, dont plusieurs servaient d'espions<a id="footnotetag479" name="footnotetag479"></a><a href="#footnote479" title="Lien vers la note 479"><span class="smaller">[479]</span></a>.</p>
+
+<p>Cette armée arrivait, à vrai dire, très diminuée par les délections,
+ayant de victoire en victoire semé des fuyards. Les uns s'en
+retournaient en Angleterre, les autres allaient par le royaume de
+France pillant et dérobant. Ce même jour du 12 octobre, ordre était
+envoyé de Rouen aux baillis et capitaines de Normandie d'arrêter les
+Anglais qui s'étaient départis de la compagnie de monseigneur le comte
+de Salisbury<a id="footnotetag480" name="footnotetag480"></a><a href="#footnote480" title="Lien vers la note 480"><span class="smaller">[480]</span></a>.</p>
+
+<p>Le fort des Tourelles et son boulevard fermaient l'entrée du pont. Les
+Anglais s'établirent au Portereau, placèrent leurs canons et leurs
+bombardes sur la levée de Saint-Jean-le-Blanc<a id="footnotetag481" name="footnotetag481"></a><a href="#footnote481" title="Lien vers la note 481"><span class="smaller">[481]</span></a>, et, le dimanche
+qui suivit, ils lancèrent sur la ville force boulets de pierre, qui
+firent grand dommage aux maisons, mais ne tuèrent personne, sinon une
+Orléanaise, nommée Belles, demeurant <span class="pagenum"><a id="page144" name="page144"></a>(p. 144)</span> près de la poterne
+Chesneau, au bord de la rivière. Ainsi commença par la mort d'une
+femme ce siège qui devait finir par la victoire d'une femme.</p>
+
+<p>Cette même semaine les canons anglais détruisirent douze moulins à eau
+établis près de la tour Neuve. Sur quoi les Orléanais, pour ne pas
+manquer de farine, construisirent dans la ville onze moulins à
+chevaux<a id="footnotetag482" name="footnotetag482"></a><a href="#footnote482" title="Lien vers la note 482"><span class="smaller">[482]</span></a>. Il y eut quelques escarmouches en avant du pont, et le
+jeudi 21 octobre les Anglais donnèrent l'assaut au boulevard des
+Tourelles. La petite troupe de routiers au service de la ville et les
+milices bourgeoises firent une belle défense. Les femmes les aidèrent.
+Pendant les quatre heures que dura l'assaut, les commères en longues
+files couraient sur le pont, portant au boulevard leurs marmites et
+leurs écuelles pleines de charbons allumés, d'huile et de graisse
+bouillantes, avec une joie furieuse d'échauder les Godons<a id="footnotetag483" name="footnotetag483"></a><a href="#footnote483" title="Lien vers la note 483"><span class="smaller">[483]</span></a>.
+L'assaut fut repoussé, mais, deux jours après, les Français
+s'aperçurent que le boulevard était miné; c'est-à-dire que les Anglais
+avaient creusé en dessous des galeries dont ils avaient ensuite
+incendié les étais. Ce boulevard, devenu intenable, au dire des gens
+de guerre, fut détruit et abandonné. On ne crut pas pouvoir défendre
+les Tourelles ainsi démunies. Ces châtelets qui, jadis, arrêtaient
+pendant des mois toute une armée, ne valaient plus rien contre les
+pierres de canon. On construisit en avant <span class="pagenum"><a id="page145" name="page145"></a>(p. 145)</span> de la Belle-Croix
+un boulevard de terre et de bois, on coupa deux arches du pont en
+arrière du boulevard, on mit à la place un tablier mobile. Et quand ce
+fut fait, on laissa, non sans regret, le fort des Tourelles aux
+Anglais, qui firent un boulevard de terre et de fagots sur le pont, et
+rompirent deux arches, l'une en avant, l'autre en arrière de leur
+boulevard<a id="footnotetag484" name="footnotetag484"></a><a href="#footnote484" title="Lien vers la note 484"><span class="smaller">[484]</span></a>.</p>
+
+<p>Le dimanche, vers le soir, quelques heures après que l'étendard de
+saint Georges eut été planté sur le fort, le comte de Salisbury monta
+dans une des tours avec William Glasdale et quelques capitaines, pour
+observer l'assiette de la ville. S'approchant d'une fenêtre, il vit
+les murs armés de canons, les tours coiffées en pointe ou terminées en
+terrasse, l'enceinte sèche et grise, les faubourgs ornés, pour
+quelques jours encore, de la pierre dentelée de leurs églises et de
+leurs moustiers, les vignes et les bois jaunis par l'automne, la Loire
+et ses îles ovales endormies dans la paix du soir. Il cherchait le
+point faible des remparts, l'endroit où il pourrait faire brèche et
+appuyer les échelles. Car son projet était de prendre Orléans
+d'assaut. William Glasdale lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Monseigneur, regardez bien votre ville. Vous la voyez d'ici bien à
+plain.</p>
+
+<p>À ce moment, un boulet de canon écorne l'embrasure de la fenêtre, une
+pierre de la muraille va frapper <span class="pagenum"><a id="page146" name="page146"></a>(p. 146)</span> Salisbury et lui emporte un
+&oelig;il avec la moitié du visage. Le coup était parti de la tour
+Notre-Dame. C'est du moins ce qu'on s'accorda à croire. On ne sut
+jamais qui l'avait tiré. Un homme de la ville, accouru au bruit, vit
+un enfant qui s'échappait de la tour et le canon déserté. On pensa que
+cette pierre avait été lancée par la main d'un innocent, avec la
+permission de la Mère de Dieu, irritée de ce que le comte de Salisbury
+avait dépouillé les moines et pillé l'église Notre-Dame-de-Cléry. On
+disait encore qu'il était puni pour avoir manqué à son serment, ayant
+promis au duc d'Orléans de respecter ses terres et ses villes. Porté
+secrètement à Meung-sur-Loire, il y trépassa le mercredi 27 d'octobre;
+de quoi les Anglais furent dolents<a id="footnotetag485" name="footnotetag485"></a><a href="#footnote485" title="Lien vers la note 485"><span class="smaller">[485]</span></a>. La plupart d'entre eux
+estimaient qu'ils perdaient gros à la mort de ce chef qui menait le
+siège avec vigueur et avait, en moins de douze jours, enlevé le joyau
+de guerre des Orléanais, les Tourelles; mais d'autres jugeaient qu'il
+avait été bien simple de croire que ses boulets de pierre, après avoir
+traversé les eaux et les sables d'un large fleuve, renverseraient le
+mur épais contre lequel ils arrivaient essoufflés et mourants, et
+qu'il avait été bien fou de vouloir emporter de force <span class="pagenum"><a id="page147" name="page147"></a>(p. 147)</span> une
+ville qu'on ne pouvait réduire que par la famine. Et ils songeaient:
+«Il est mort. Dieu ait son âme! Mais il nous a mis dans de vilains
+draps.»</p>
+
+<p>On conta que maître Jean des Builhons, astrologue fameux, avait prédit
+cette mort<a id="footnotetag486" name="footnotetag486"></a><a href="#footnote486" title="Lien vers la note 486"><span class="smaller">[486]</span></a>, et que le comte de Salisbury, la nuit d'avant le jour
+funeste, avait rêvé qu'un loup l'égratignait. Un clerc normand fit de
+cette male mort deux chansons, l'une contre et l'autre pour les
+Anglais. La première, qui est la meilleure, se termine par un couplet
+digne, en sa profonde sagesse, du roi Salomon lui-même<a id="footnotetag487" name="footnotetag487"></a><a href="#footnote487" title="Lien vers la note 487"><span class="smaller">[487]</span></a>:</p>
+
+<p class="poem10">
+ Certes le duc de Bedefort,<br>
+ Se sage est, il se tendra<br>
+ Avec sa femme en ung fort,<br>
+ Chaudement le mieulx<a id="footnotetag488" name="footnotetag488"></a><a href="#footnote488" title="Lien vers la note 488"><span class="smaller">[488]</span></a> que il porra,<br>
+ De bon ypocras finera.<br>
+ Garde son corps, lesse la guerre:<br>
+ Povre et riche porrist en terre.</p>
+
+<p>Le lendemain de la perte des Tourelles et quand on y avait déjà
+remédié autant que possible, le lieutenant général du roi entra dans
+la ville. C'était le seigneur Jean, bâtard d'Orléans, comte de Porcien
+et de Mortaing, grand chambellan de France, fils du duc Louis,
+assassiné en 1407 par l'ordre de Jean-Sans-Peur et dont la mort avait
+armé les Armagnacs contre les Bourguignons. <span class="pagenum"><a id="page148" name="page148"></a>(p. 148)</span> La dame de Cany,
+sa mère, l'avait «robé» à la duchesse d'Orléans. Non seulement, il ne
+nuisait en rien aux enfants d'être conçus en adultère et autrement
+qu'en légitime mariage, mais encore c'était grand honneur que de se
+pouvoir dire bâtard de prince. Jamais on n'avait vu tant de bâtards
+qu'en ces temps de guerre et l'on faisait courir ce dicton: Les
+enfants sont comme le froment: semez du blé volé, il poussera aussi
+bien que d'autre<a id="footnotetag489" name="footnotetag489"></a><a href="#footnote489" title="Lien vers la note 489"><span class="smaller">[489]</span></a>. Le Bâtard d'Orléans avait alors tout au plus
+vingt-six ans. L'année précédente, en petite compagnie, il avait couru
+porter des vivres aux habitants de Montargis, assiégés par le comte de
+Warwick. La ville qu'il venait seulement ravitailler, il l'avait
+délivrée, avec l'aide du capitaine La Hire, ce qui était de bon augure
+pour Orléans<a id="footnotetag490" name="footnotetag490"></a><a href="#footnote490" title="Lien vers la note 490"><span class="smaller">[490]</span></a>. Le Bâtard était déjà le plus adroit seigneur de son
+temps. Il savait la grammaire et l'astrologie et parlait mieux que
+personne<a id="footnotetag491" name="footnotetag491"></a><a href="#footnote491" title="Lien vers la note 491"><span class="smaller">[491]</span></a>. Il tenait de son père par son esprit aimable et clair,
+mais il était plus prudent et plus tempéré. En le voyant si aimable,
+courtois et avisé, on disait qu'il était en la grâce de toutes les
+dames et même de la reine<a id="footnotetag492" name="footnotetag492"></a><a href="#footnote492" title="Lien vers la note 492"><span class="smaller">[492]</span></a>. Il était apte à tout, à la guerre
+comme aux <span class="pagenum"><a id="page149" name="page149"></a>(p. 149)</span> négociations, merveilleusement adroit, et d'une
+dissimulation consommée.</p>
+
+<p>Monseigneur le Bâtard amenait quelques chevaliers, capitaines et
+écuyers de renom, c'est-à-dire de haute maison ou grande vaillance, le
+maréchal de Boussac, messire Jacques de Chabannes, sénéchal de
+Bourbonnais, le seigneur de Chaumont, messire Théaulde de Valpergue,
+chevalier lombard, le capitaine La Hire, qui guerroyait et pillait
+merveilleusement, et venait de si bien faire à la rescousse de
+Montargis; et Jean, sire de Bueil, un de ces jouvenceaux venus au roi
+sur un cheval boiteux et qui avaient reçu les leçons de deux dames
+expertes: Souffrance et Pauvreté. Ils arrivaient suivis de huit cents
+hommes, archers, arbalétriers et fantassins d'Italie, portant de
+grandes targes, comme les Saint Georges des églises de Venise et de
+Florence. C'était tout ce qu'on avait pu ramasser pour le moment de
+seigneurs et de routiers<a id="footnotetag493" name="footnotetag493"></a><a href="#footnote493" title="Lien vers la note 493"><span class="smaller">[493]</span></a>.</p>
+
+<p>L'armée de Salisbury, ayant perdu son chef, se dissipait en troubles
+et en désertions. L'hiver venait; les capitaines voyant que, pour
+l'heure, il n'y avait rien à tenter, quittèrent la place avec ce qui
+leur restait d'hommes et s'allèrent abriter sous les murs de Meung et
+de Jargeau<a id="footnotetag494" name="footnotetag494"></a><a href="#footnote494" title="Lien vers la note 494"><span class="smaller">[494]</span></a>. Le 8 novembre au soir, il ne <span class="pagenum"><a id="page150" name="page150"></a>(p. 150)</span> demeurait
+devant la ville que la garnison des Tourelles, composée de cinq cents
+hommes des lances de Normandie, sous le commandement de William Molyns
+et de William Glasdall. Les Français pouvaient les assiéger et les
+réduire: ils ne bougèrent pas. Le gouverneur, le vieux sire de
+Gaucourt, venait de se casser le bras en tombant sur le pavé de la rue
+des Hôtelleries; il ne pouvait se remuer<a id="footnotetag495" name="footnotetag495"></a><a href="#footnote495" title="Lien vers la note 495"><span class="smaller">[495]</span></a>. Mais les autres?</p>
+
+<p>La vérité est que personne ne savait que faire. Sans doute ces gens de
+guerre connaissaient plusieurs moyens de secourir une ville assiégée,
+mais qui tous revenaient à un coup de main<a id="footnotetag496" name="footnotetag496"></a><a href="#footnote496" title="Lien vers la note 496"><span class="smaller">[496]</span></a>. Ils ne s'entendaient
+qu'aux rescousses, aux escarmouches, aux embuscades, aux vaillantises
+d'armes. S'ils ne réussissaient pas à faire lever un siège tout de
+suite, par surprise, ils restaient cois, à bout de ressources et
+d'invention. Leurs plus expérimentés capitaines n'étaient pas capables
+d'un effort commun, d'une action concertée, de toute entreprise enfin
+exigeant quelque esprit de suite et la subordination de tous à un
+seul. Chacun n'en faisait qu'à sa tête et ne songeait qu'au butin. La
+défense d'Orléans passait de beaucoup leur entendement.</p>
+
+<p>Durant vingt et un jours, le capitaine Glasdall resta retranché, avec
+ses cinq cents Anglais, sous ses Tourelles écornées, entre son
+boulevard du Portereau, qui <span class="pagenum"><a id="page151" name="page151"></a>(p. 151)</span> n'avait pu être tout de suite
+bien redoutable, et son boulevard du Pont, qui n'était qu'une barrière
+de bois qu'un tison pouvait faire flamber.</p>
+
+<p>Cependant les bourgeois travaillaient. Ils accomplirent, après le
+départ des Anglais, un labeur énorme et douloureux. Pensant avec
+raison que l'ennemi reviendrait, non plus par la Sologne, mais par la
+Beauce, ils détruisirent tous leurs faubourgs du couchant, du nord et
+du levant, comme ils avaient déjà détruit ou commencé de détruire le
+Portereau. Ils incendièrent et abattirent vingt-deux églises et
+moutiers, entre autres l'église Saint-Aignan et son cloître si beau
+que c'était pitié de le voir abîmé, l'église Saint-Euverte, l'église
+Saint-Laurent-des-Orgerils, non sans promettre aux benoîts patrons de
+la ville de leur en rebâtir de plus belles quand ils seraient délivrés
+des Anglais<a id="footnotetag497" name="footnotetag497"></a><a href="#footnote497" title="Lien vers la note 497"><span class="smaller">[497]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 30 novembre, le capitaine Glasdall vit venir aux Tourelles sir John
+Talbot, qui lui amenait trois cents combattants munis de canons,
+bombardes et autres engins de guerre, et, dès lors, le bombardement
+reprit plus violent que la première fois, crevant des toits, écornant
+des murs et faisant plus de bruit que de besogne. Dans la rue
+Aux-Petits-Souliers, une pierre de bombarde tomba sur la table autour
+de laquelle cinq personnes <span class="pagenum"><a id="page152" name="page152"></a>(p. 152)</span> dînaient et qui n'eurent point de
+mal. On estima que c'était un miracle accompli par Notre-Seigneur à la
+requête de saint Aignan, patron de la ville<a id="footnotetag498" name="footnotetag498"></a><a href="#footnote498" title="Lien vers la note 498"><span class="smaller">[498]</span></a>. Ceux d'Orléans
+avaient de quoi répondre. Douze canonniers de métier desservaient,
+avec des servants à eux, les soixante-dix canons et bombardes qui
+composaient l'artillerie de la ville. Un très subtil ouvrier nommé
+Guillaume Duisy avait fondu pour eux une bombarde qui fut placée à la
+croiche ou éperon de la poterne Chesneau et qui jetait sur les
+Tourelles des pierres de cent vingt livres. Près de cette bombarde on
+mit deux canons, l'un s'appelait <i>Montargis</i>, parce que c'était les
+habitants de Montargis qui l'avaient prêté, l'autre portait le nom
+d'un diable très populaire <i>Rifflart</i><a id="footnotetag499" name="footnotetag499"></a><a href="#footnote499" title="Lien vers la note 499"><span class="smaller">[499]</span></a>. Un couleuvrinier, natif de
+Lorraine et demeurant à Angers, avait été envoyé par le roi à Orléans
+où il recevait douze livres de solde par mois. Il avait nom Jean de
+Montesclère; tenu pour le meilleur maître qui fût alors de son métier,
+il gouvernait une grosse couleuvrine qui causait grand dommage aux
+Anglais<a id="footnotetag500" name="footnotetag500"></a><a href="#footnote500" title="Lien vers la note 500"><span class="smaller">[500]</span></a>. Maître Jean était de plus un homme jovial. Parfois,
+quand tombait une pierre de canon dans son voisinage, il se <span class="pagenum"><a id="page153" name="page153"></a>(p. 153)</span>
+laissait choir à terre et se faisait porter en ville, à la grande joie
+des Anglais qui le croyaient mort. Mais leur joie était courte, car
+maître Jean revenait bientôt à son poste et les bombardait comme
+devant<a id="footnotetag501" name="footnotetag501"></a><a href="#footnote501" title="Lien vers la note 501"><span class="smaller">[501]</span></a>. Ces couleuvrines se chargeaient avec des balles de plomb,
+au moyen d'une baguette de fer. C'était de très petits canons ou, si
+l'on veut, de grands fusils posés sur un chariot. On les maniait
+aisément<a id="footnotetag502" name="footnotetag502"></a><a href="#footnote502" title="Lien vers la note 502"><span class="smaller">[502]</span></a>. Aussi, maître Jean portait-il la sienne partout où il
+en était besoin.</p>
+
+<p>Le 25 décembre, pour célébrer la Nativité de Notre-Seigneur, on fit
+trêve. Comme les deux peuples avaient même foi et même religion, ils
+cessaient d'être ennemis aux jours de fête et la courtoisie renaissait
+entre chevaliers des deux camps chaque fois que le calendrier leur
+rappelait qu'ils étaient chrétiens. La Noël est une féerie joyeuse. Le
+capitaine Glasdall désira la chômer avec des chansons, selon la
+coutume d'Angleterre. Il demanda à Monseigneur Jean, bâtard d'Orléans,
+et au maréchal de Boussac, de vouloir bien lui envoyer une troupe de
+ménétriers, ce qu'ils firent gracieusement. Les ménétriers d'Orléans
+se rendirent aux Tourelles avec leurs trompettes et leurs clairons et
+jouèrent aux Anglais des Noëls qui leur réjouirent le c&oelig;ur. Les
+Orléanais, qui vinrent sur le pont écouter la musique, trouvèrent que
+c'était grande mélodie. Mais, <span class="pagenum"><a id="page154" name="page154"></a>(p. 154)</span> sitôt la trêve expirée, chacun
+prit garde à soi. Car, d'une rive à l'autre, les canons reposés
+lancèrent avec une nouvelle vigueur les boulets de pierre et de
+cuivre<a id="footnotetag503" name="footnotetag503"></a><a href="#footnote503" title="Lien vers la note 503"><span class="smaller">[503]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce que les Orléanais avaient prévu se réalisa le 30 décembre. Ce
+jour-là, les Anglais vinrent en force par la Beauce à
+Saint-Laurent-des-Orgerils. Toute la chevalerie française alla
+au-devant d'eux et fit des prouesses; mais les Anglais occupèrent
+Saint-Laurent: le véritable siège commençait<a id="footnotetag504" name="footnotetag504"></a><a href="#footnote504" title="Lien vers la note 504"><span class="smaller">[504]</span></a>. Ils construisirent
+un boulevard sur la rive gauche de la Loire, à l'ouest de Portereau,
+en un lieu nommé le champ de Saint-Privé. Ils en construisirent un
+autre dans l'île Charlemagne. Sur la rive droite, ils établirent à
+Saint-Laurent-des-Orgerils un camp retranché; puis, à une portée
+d'arbalète sur la route de Blois, en un lieu dit la Croix-Boissée, ils
+construisirent un autre boulevard. À deux portées d'arbalète, au nord,
+sur la route du Mans, au lieu dit des Douze-Pierres, ils élevèrent une
+bastille qu'ils nommèrent Londres<a id="footnotetag505" name="footnotetag505"></a><a href="#footnote505" title="Lien vers la note 505"><span class="smaller">[505]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces travaux achevés, Orléans n'était cerné qu'à moitié. Autant dire
+qu'il ne l'était pas du tout: on y entrait et on en sortait à peu près
+comme on voulait. <span class="pagenum"><a id="page155" name="page155"></a>(p. 155)</span> De petites compagnies de secours, envoyées
+par le roi, arrivaient sans encombre. Le 5 janvier, l'amiral de Culant
+traverse la Loire devant Saint-Loup avec cinq cents combattants et
+pénètre dans la ville par la porte de Bourgogne. Le 8 février, William
+Stuart, frère du connétable d'Écosse, et plusieurs chevaliers et
+écuyers font leur entrée avec mille combattants très bien équipés. Ils
+sont suivis le lendemain par trois cent vingt soldats. Les vivres et
+les munitions ne cessent d'arriver. En janvier, le 3, neuf cent
+cinquante-quatre pourceaux et quatre cents moutons; le 10, poudres et
+victuailles; le 12, six cents pourceaux; le 24, six cents têtes de
+gros bétail et deux cents pourceaux; le 31, huit chevaux chargés
+d'huiles et de graisses<a id="footnotetag506" name="footnotetag506"></a><a href="#footnote506" title="Lien vers la note 506"><span class="smaller">[506]</span></a>.</p>
+
+<p>Lord Scales, William Pole et sir John Talbot, qui conduisaient le
+siège depuis la mort du comte de Salisbury<a id="footnotetag507" name="footnotetag507"></a><a href="#footnote507" title="Lien vers la note 507"><span class="smaller">[507]</span></a>, s'apercevaient que
+des mois s'écouleraient et des mois encore avant que l'investissement
+fût complet et la place enfermée dans un cercle de bastilles reliées
+entre elles par un fossé continu. En attendant, les malheureux Godons
+enfonçaient dans la boue et la neige et gelaient dans leurs mauvais
+abris de terre et de bois qu'on nommait des taudis. Ils risquaient,
+leurs affaires allant de ce train, d'y être plus dépourvus et
+<span class="pagenum"><a id="page156" name="page156"></a>(p. 156)</span> plus affamés que les assiégés. Aussi, de même que le défunt
+comte de Salisbury, s'efforçaient-ils parfois encore de brusquer les
+choses. De temps en temps, ils essayaient, sans grand espoir, de
+prendre la ville d'assaut.</p>
+
+<p>Du côté de la porte Renart, le mur était moins haut qu'ailleurs et,
+comme ils se trouvaient en force et puissance de ce côté, ils
+attaquaient ce mur de préférence. Il faut dire qu'ils n'y mettaient
+guère de malice. Ils se ruaient sur la porte Renart en criant
+furieusement: «Saint Georges!» se heurtaient aux barrières et se
+faisaient reconduire à leurs boulevards par les gens du roi et les
+gens de la commune<a id="footnotetag508" name="footnotetag508"></a><a href="#footnote508" title="Lien vers la note 508"><span class="smaller">[508]</span></a>. Ces assauts, mal préparés, leur faisaient
+perdre chaque fois quelques gens d'armes bien inutilement. Et déjà ils
+manquaient d'hommes et de chevaux.</p>
+
+<p>Ils n'avaient pas réussi à effrayer les Orléanais en les bombardant
+sur deux côtés à la fois, au midi et au couchant. On fut longtemps à
+rire, dans la ville, d'une grosse pierre de canon tombée à la porte
+Bannier, au milieu de plus de cent personnes, sans en toucher aucune,
+si ce n'est un compagnon à qui elle ôta son soulier et qui en fut
+quitte pour se rechausser<a id="footnotetag509" name="footnotetag509"></a><a href="#footnote509" title="Lien vers la note 509"><span class="smaller">[509]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant les seigneurs français faisaient à leur plaisir des
+vaillantises d'armes. Ils couraient aux <span class="pagenum"><a id="page157" name="page157"></a>(p. 157)</span> champs, selon leur
+fantaisie, sous le moindre prétexte, mais toujours pour ramasser
+quelque butin, car ils ne songeaient guère qu'à cela. Un jour, entre
+autres, vers la fin de janvier, comme il faisait grand froid, quelques
+maraudeurs anglais vinrent dans les vignes de Saint-Ladre et de
+Saint-Jean-de-la-Ruelle enlever des échalas pour se chauffer. Le
+guetteur les signale: aussitôt voilà toutes les bannières au vent. Le
+maréchal de Boussac, messire Jacques de Chabannes, sénéchal du
+Bourbonnais, messire Denis de Chailly, maint autre seigneur et avec
+eux routiers et capitaines, courent aux champs. Chacun d'eux n'avait
+certainement pas vingt hommes à commander<a id="footnotetag510" name="footnotetag510"></a><a href="#footnote510" title="Lien vers la note 510"><span class="smaller">[510]</span></a>.</p>
+
+<p>Le Conseil royal travaillait avec ardeur à secourir Orléans. Le roi
+appela sa noblesse d'Auvergne, demeurée fidèle aux fleurs de Lis
+depuis le jour où, dauphin et chanoine de Notre-Dame-d'Ancis, presque
+enfant encore, il était allé avec quelques chevaliers ramener à
+l'obéissance deux ou trois seigneurs révoltés sur leurs puys
+sauvages<a id="footnotetag511" name="footnotetag511"></a><a href="#footnote511" title="Lien vers la note 511"><span class="smaller">[511]</span></a>. À l'appel du roi, la noblesse auvergnate sortit de ses
+montagnes et, sous l'étendard du comte de Clermont, arriva, dans les
+premiers jours de février, à Blois, où elle se réunit aux Écossais de
+John Stuart de Darnley, connétable d'Écosse, et aux gens <span class="pagenum"><a id="page158" name="page158"></a>(p. 158)</span> du
+Bourbonnais, venus sous les bannières des seigneurs de la
+Tour-d'Auvergne et de Thouars<a id="footnotetag512" name="footnotetag512"></a><a href="#footnote512" title="Lien vers la note 512"><span class="smaller">[512]</span></a>.</p>
+
+<p>On apprit à ce moment que sir John Falstolf amenait de Paris aux
+Anglais d'Orléans un convoi de vivres et de munitions. Monseigneur le
+Bâtard quitta Orléans, accompagné de deux cents hommes d'armes, et
+alla s'entendre avec le comte de Clermont sur ce qu'il y avait à
+faire. Il fut décidé qu'on attaquerait d'abord le convoi. Toute
+l'armée de Blois, sous le commandement du comte de Clermont et la
+conduite de monseigneur le Bâtard, marcha sur Étampes à la rencontre
+de sir John Falstolf<a id="footnotetag513" name="footnotetag513"></a><a href="#footnote513" title="Lien vers la note 513"><span class="smaller">[513]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 11 février, quinze cents combattants commandés par messire
+Guillaume d'Albret, sir William Stuart, frère du connétable d'Écosse,
+le maréchal de Boussac, le seigneur de Gravelle, les deux capitaines
+Saintrailles, le capitaine La Hire, le seigneur de Verduzan et autres
+chevaliers et écuyers, sortirent d'Orléans, mandés par le Bâtard, avec
+ordre de rejoindre l'armée du comte de Clermont sur la route
+d'Étampes, au village de Rouvray-Saint-Denis, proche Angerville<a id="footnotetag514" name="footnotetag514"></a><a href="#footnote514" title="Lien vers la note 514"><span class="smaller">[514]</span></a>.</p>
+
+<p>Ils arrivèrent à Rouvray le lendemain samedi 12 février, veille des
+Brandons, quand l'armée du comte de <span class="pagenum"><a id="page159" name="page159"></a>(p. 159)</span> Clermont était encore
+assez loin; là, de bon matin, les Gascons de Poton et de La Hire
+aperçurent la tête du convoi qui, par la route d'Étampes, s'avançait
+dans la plaine. Trois cents charrettes et chariots de vivres et
+d'armes roulaient à la file conduits par des soldats anglais, par des
+marchands et des paysans normands, picards et parisiens, quinze cents
+hommes au plus, tranquilles et sans méfiance. Il vint aux Gascons
+l'idée naturelle de tomber sur ces gens et de les culbuter au moment
+où ils s'y attendaient le moins<a id="footnotetag515" name="footnotetag515"></a><a href="#footnote515" title="Lien vers la note 515"><span class="smaller">[515]</span></a>. En toute hâte, ils envoyèrent
+demander au comte de Clermont la permission d'attaquer. Beau comme
+Absalon et comme Pâris de Troye, plein de faconde et de jactance, le
+comte de Clermont, jouvenceau non des plus sages, armé chevalier le
+jour même, en était à sa première affaire<a id="footnotetag516" name="footnotetag516"></a><a href="#footnote516" title="Lien vers la note 516"><span class="smaller">[516]</span></a>. Il fit dire sottement
+aux Gascons de ne point attaquer avant sa venue. Les Gascons obéirent
+à grand déplaisir, voyant ce qu'on perdait à attendre. Car,
+s'apercevant enfin qu'ils sont dans la gueule du loup, les chefs
+anglais, sir John Falstolf, sir Richard Guethin, bailli d'Évreux, sir
+Simon Morhier, prévôt de Paris, se mettent en belle ordonnance de
+bataille. Ils font, dans la plaine, avec leurs charrettes, un parc
+long et étroit où ils retranchent les gens de cheval, et au <span class="pagenum"><a id="page160" name="page160"></a>(p. 160)</span>
+devant duquel ils placent les archers derrière des pieux fichés en
+terre, la pointe inclinée vers l'ennemi<a id="footnotetag517" name="footnotetag517"></a><a href="#footnote517" title="Lien vers la note 517"><span class="smaller">[517]</span></a>. Ce que voyant, le
+connétable d'Écosse perd patience et mène ses quatre cents cavaliers
+contre les pieux où ils se rompent<a id="footnotetag518" name="footnotetag518"></a><a href="#footnote518" title="Lien vers la note 518"><span class="smaller">[518]</span></a>. Les Anglais, découvrant
+qu'ils n'ont affaire qu'à une petite troupe, font sortir leur
+cavalerie et chargent si roidement qu'ils culbutent les Français et en
+tuent trois cents. Cependant les Auvergnats avaient atteint Rouvray
+et, répandus dans le village, ils en mettaient les celliers à sec.
+Monseigneur le Bâtard s'en détacha et vint en aide aux Écossais avec
+quatre cents combattants. Mais il fut blessé au pied et en grand
+danger d'être pris<a id="footnotetag519" name="footnotetag519"></a><a href="#footnote519" title="Lien vers la note 519"><span class="smaller">[519]</span></a>.</p>
+
+<p>Là tombèrent messire William Stuart et son frère, les seigneurs de
+Verduzan, de Châteaubrun, de Rochechouart, Jean Chabot, avec plusieurs
+autres de grande noblesse et renommée vaillance<a id="footnotetag520" name="footnotetag520"></a><a href="#footnote520" title="Lien vers la note 520"><span class="smaller">[520]</span></a>. Les Anglais, non
+encore saouls de tuerie, s'éparpillèrent à la poursuite des fuyards.
+La Hire et Poton, voyant alors les étendards ennemis dispersés dans la
+plaine, réunirent ce qu'ils purent, soixante à quatre-vingts
+combattants, et se jetèrent sur un petit parti d'Anglais qu'ils
+écrasèrent. <span class="pagenum"><a id="page161" name="page161"></a>(p. 161)</span> À ce moment, si les autres Français avaient
+rallié, l'honneur et le profit de la journée leur serait peut-être
+revenu<a id="footnotetag521" name="footnotetag521"></a><a href="#footnote521" title="Lien vers la note 521"><span class="smaller">[521]</span></a>. Mais le comte de Clermont, qui n'avait pas fait mine de
+secourir les hommes du connétable d'Écosse et du Bâtard, déploya
+jusqu'au bout son inébranlable lâcheté. Les ayant vu tous tuer, il
+s'en retourna avec son armée à Orléans, où il arriva fort avant dans
+la nuit (12 février)<a id="footnotetag522" name="footnotetag522"></a><a href="#footnote522" title="Lien vers la note 522"><span class="smaller">[522]</span></a>. Le seigneur de La Tour-d'Auvergne, le
+vicomte de Thouars, le maréchal de Boussac, le Bâtard se tenant à
+grand'peine sur sa monture, suivaient avec leurs troupes en désarroi.
+Jamet du Tillay, La Hire et Poton venaient les derniers, veillant à ce
+que les Anglais des bastilles ne leur tombassent dessus, ce qui eût
+achevé la déconfiture<a id="footnotetag523" name="footnotetag523"></a><a href="#footnote523" title="Lien vers la note 523"><span class="smaller">[523]</span></a>.</p>
+
+<p>Comme on entrait dans le saint temps du carême, les vivres, amenés de
+Paris aux Anglais d'Orléans par sir John Falstolf, se composaient
+surtout de harengs saurs qui, durant la bataille, avaient beaucoup
+pâti dans leurs caques défoncées. Pour faire honneur aux Français
+d'avoir déconfit tant de Dieppois, les joyeux Anglais nommèrent cette
+journée la journée des Harengs<a id="footnotetag524" name="footnotetag524"></a><a href="#footnote524" title="Lien vers la note 524"><span class="smaller">[524]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page162" name="page162"></a>(p. 162)</span> Le comte de Clermont, bien qu'il fût beau cousin du roi,
+reçut mauvais accueil des Orléanais. On jugeait sa conduite honteuse
+et malhonnête et quelques-uns le lui firent entendre. Le lendemain, il
+s'esquiva avec ses Auvergnats et ses Bourbonnais, aux applaudissements
+du peuple qui ne voulait pas nourrir ceux qui ne se battaient
+pas<a id="footnotetag525" name="footnotetag525"></a><a href="#footnote525" title="Lien vers la note 525"><span class="smaller">[525]</span></a>. En même temps, messire Louis de Culant, amiral de France, et
+le capitaine La Hire, quittaient la ville avec deux mille hommes
+d'armes et, quand on sut leur départ, ce furent de telles huées, qu'il
+leur fallut, pour apaiser les bourgeois, leur promettre qu'ils les
+allaient secourir de gens et de vivres, ce qui était la pure vérité.
+Messire Regnault de Chartres, qui était venu dans la ville à un moment
+qu'on ne saurait dire, partit avec eux, ce dont on ne pouvait lui
+faire grief, puisque, chancelier de France, sa place était au Conseil
+du Roi. Mais ce qui devait paraître assez étrange, c'est que le
+successeur de Monsieur saint Euverte et de Monsieur saint Aignan,
+messire de Saint-Michel, quitta alors son siège épiscopal et délaissa
+son épouse affligée<a id="footnotetag526" name="footnotetag526"></a><a href="#footnote526" title="Lien vers la note 526"><span class="smaller">[526]</span></a>. Quand les rats s'en vont, c'est que le
+navire va couler. Il ne restait plus dans la ville que monseigneur le
+Bâtard et le maréchal de Boussac. Encore le maréchal ne devait-il pas
+demeurer très longtemps. Il partit au bout d'un <span class="pagenum"><a id="page163" name="page163"></a>(p. 163)</span> mois, disant
+qu'il lui fallait aller près du roi et aussi prendre possession de
+plusieurs terres qui lui étaient échues du chef de sa femme, par la
+mort du seigneur de Châteaubrun son beau-frère, qui avait été tué à la
+journée des Harengs<a id="footnotetag527" name="footnotetag527"></a><a href="#footnote527" title="Lien vers la note 527"><span class="smaller">[527]</span></a>. Ceux de la ville tinrent cette raison pour
+bonne et suffisante; il leur promit de revenir bientôt, et ils furent
+contents. Or, le maréchal de Boussac était un des seigneurs les plus
+attachés au bien du royaume<a id="footnotetag528" name="footnotetag528"></a><a href="#footnote528" title="Lien vers la note 528"><span class="smaller">[528]</span></a>. Mais quiconque avait terre se devait
+à sa terre.</p>
+
+<p>Les bourgeois, se croyant trahis et délaissés, avisèrent à leur
+sûreté. Et puisque le roi ne les savait garder, ils résolurent, pour
+échapper aux Anglais, de se donner à plus puissant que lui. Ils
+envoyèrent à monseigneur Philippe, duc de Bourgogne, le capitaine
+Poton de Saintrailles, qui lui était connu pour avoir été son
+prisonnier, et deux procureurs de la ville, Jean de Saint-Avy et Guion
+du Fossé, avec mission de le prier et requérir qu'il voulût bien les
+regarder favorablement et que, pour l'amour de son bon parent, leur
+seigneur Charles, due d'Orléans, prisonnier en Angleterre et empêché
+de garder lui-même ses terres, il lui plût amener les Anglais à lever
+le siège, jusqu'à ce que le trouble du royaume fût éclairci. C'était
+leur ville qu'ils offraient de remettre en dépôt aux mains du duc de
+<span class="pagenum"><a id="page164" name="page164"></a>(p. 164)</span> Bourgogne, selon les v&oelig;ux secrets de Monseigneur
+Philippe, qui, ayant envoyé quelques centaines de lances
+bourguignonnes sous Orléans, aidait les Anglais à prendre la ville et
+n'entendait pas les y aider gratuitement<a id="footnotetag529" name="footnotetag529"></a><a href="#footnote529" title="Lien vers la note 529"><span class="smaller">[529]</span></a>.</p>
+
+<p>Les Orléanais, en attendant le jour incertain et lointain où ils
+seraient ainsi gardés, continuèrent à se garder eux-mêmes de leur
+mieux. Mais ils étaient soucieux et non sans raison. Car s'ils
+veillaient à ce que l'ennemi ne pût entrer, ils ne découvraient aucun
+moyen de le chasser bientôt. Dans les premiers jours de mars, ils
+observèrent avec inquiétude que les Anglais creusaient un fossé pour
+aller à couvert d'une bastille à l'autre depuis la Croix-Boissée
+jusqu'à Saint-Ladre. Ils essayèrent de détruire cet ouvrage. Ils
+attaquèrent les Godons avec vigueur et firent quelques prisonniers.
+Maître Jean tua de sa couleuvrine, en deux coups, cinq personnes,
+parmi lesquelles lord Gray, neveu du feu comte de Salisbury<a id="footnotetag530" name="footnotetag530"></a><a href="#footnote530" title="Lien vers la note 530"><span class="smaller">[530]</span></a>; mais
+ils n'empêchèrent pas les Anglais d'accomplir leur travail. Ils
+voyaient le siège se poursuivre avec une terrible rigueur. Agités de
+doutes et de craintes, brûlés d'inquiétude, sans sommeil, sans repos
+et n'avançant à rien, ils commençaient à désespérer. Tout à coup naît,
+s'étend, grandit une rumeur étrange.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page165" name="page165"></a>(p. 165)</span> On apprend que par la ville de Gien a passé nouvellement une
+pucelle annonçant qu'elle se rendait à Chinon auprès du gentil dauphin
+et se disant envoyée de Dieu pour faire lever le siège d'Orléans et
+sacrer le roi à Reims<a id="footnotetag531" name="footnotetag531"></a><a href="#footnote531" title="Lien vers la note 531"><span class="smaller">[531]</span></a>.</p>
+
+<p>Dans le langage familier, une pucelle était une fille d'humble
+condition, gagnant sa vie à travailler de ses mains, et
+particulièrement une servante. Aussi nommait-on pucelles les fontaines
+de plomb dont on se servait dans les cuisines. Le terme était vulgaire
+sans doute; mais il ne se prenait pas en mauvaise part. En dépit du
+méchant dire de Clopinel: «Je lègue ma pucelle à mon curé», il
+s'appliquait à une fille sage, de bonnes vie et m&oelig;urs<a id="footnotetag532" name="footnotetag532"></a><a href="#footnote532" title="Lien vers la note 532"><span class="smaller">[532]</span></a>.</p>
+
+<p>Cette nouvelle qu'une petite sainte d'humble condition, une pauvresse
+de Notre-Seigneur, apportait secours divin aux Orléanais, frappa
+vivement les esprits que la peur tournait à la dévotion et qu'exaltait
+la fièvre du siège. La Pucelle annoncée leur inspira une curiosité
+ardente que Monseigneur le Bâtard, en homme avisé, jugea bon
+d'entretenir. Il envoya à Chinon deux gentilshommes chargés de
+s'enquérir de la jeune fille. L'un, messire Archambaud de Villars,
+capitaine de Montargis, qu'il avait déjà, durant le siège, expédié au
+roi, était un très vieux chevalier, familier autrefois <span class="pagenum"><a id="page166" name="page166"></a>(p. 166)</span> du
+duc Louis d'Orléans, un des sept Français qui combattirent contre les
+sept Anglais en l'an 1402, à Montendre<a id="footnotetag533" name="footnotetag533"></a><a href="#footnote533" title="Lien vers la note 533"><span class="smaller">[533]</span></a>; un Orléanais de la
+première heure qui, malgré son grand âge, avait vigoureusement défendu
+les Tourelles, le 21 octobre. L'autre, messire Jamet du Tillay, écuyer
+breton, venait de se faire honneur en couvrant avec ses hommes la
+retraite de Rouvray. Ils partirent et la ville entière attendit
+anxieusement leur retour<a id="footnotetag534" name="footnotetag534"></a><a href="#footnote534" title="Lien vers la note 534"><span class="smaller">[534]</span></a>.</p>
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page167" name="page167"></a>(p. 167)</span> CHAPITRE VI<br>
+
+<span class="smaller">LA PUCELLE À CHINON. &mdash; PROPHÉTIES.</span></h2>
+
+
+<p>Du village de Sainte-Catherine-de-Fierbois, Jeanne dicta une lettre
+pour le roi, ne sachant point écrire. Par cette lettre, elle lui
+demandait congé de l'aller trouver à Chinon et l'avisait que, pour lui
+venir en aide, elle avait traversé cent cinquante lieues de pays et
+qu'elle savait beaucoup de choses bonnes pour lui. On a dit qu'elle
+lui annonçait aussi que, même fût-il caché parmi beaucoup d'autres,
+elle saurait bien le reconnaître; mais, interrogée plus tard à ce
+sujet, elle répondit qu'il ne lui en souvenait plus<a id="footnotetag535" name="footnotetag535"></a><a href="#footnote535" title="Lien vers la note 535"><span class="smaller">[535]</span></a>.</p>
+
+<p>Vers midi, quand la lettre fut scellée, Jeanne partit avec son escorte
+pour Chinon<a id="footnotetag536" name="footnotetag536"></a><a href="#footnote536" title="Lien vers la note 536"><span class="smaller">[536]</span></a>. Elle allait vers le roi, comme y allaient à cette
+heure, sur un cheval boiteux <span class="pagenum"><a id="page168" name="page168"></a>(p. 168)</span> trouvé dans un pré, tous ces
+fils pauvres des veuves d'Azincourt et de Verneuil, ces jouvenceaux
+sortis à quinze ans de leur tour en ruines et qui venaient se refaire
+et refaire le royaume; comme y allaient Loyauté, Bon désir et
+Famine<a id="footnotetag537" name="footnotetag537"></a><a href="#footnote537" title="Lien vers la note 537"><span class="smaller">[537]</span></a>. Charles VII, c'était la France, l'image et le symbole de
+la France. À cela près, un pauvre homme. Né l'onzième des malheureux
+enfants qu'un malade faisait, entre deux accès de manie furieuse, à
+une Bavaroise poulinière<a id="footnotetag538" name="footnotetag538"></a><a href="#footnote538" title="Lien vers la note 538"><span class="smaller">[538]</span></a>, il avait grandi dans les désastres et
+survécu à ses quatre frères aînés, bien que lui-même assez mal venu,
+cagneux, les jambes faibles<a id="footnotetag539" name="footnotetag539"></a><a href="#footnote539" title="Lien vers la note 539"><span class="smaller">[539]</span></a>; vrai fils de roi, si l'on s'en
+rapporte à sa mine, encore n'en faudrait-il pas jurer<a id="footnotetag540" name="footnotetag540"></a><a href="#footnote540" title="Lien vers la note 540"><span class="smaller">[540]</span></a>. D'avoir
+été sur le pont de Montereau ce jour où, disait un juste, mieux eût
+valu être mort que d'y avoir été<a id="footnotetag541" name="footnotetag541"></a><a href="#footnote541" title="Lien vers la note 541"><span class="smaller">[541]</span></a>, il demeurait pâle et tremblant,
+et regardait d'un &oelig;il morne tout aller autour de lui à la male
+heure. Après leur victoire de Verneuil et la conquête inachevée du
+Maine, les <span class="pagenum"><a id="page169" name="page169"></a>(p. 169)</span> Anglais, appauvris et fatigués, lui avaient
+laissé quatre ans de répit. Mais ses amis, ses défenseurs, ses
+sauveurs avaient été terribles. Pieux et modeste, se contentant pour
+lors de sa femme qui n'était pas belle, il menait dans ses châteaux de
+la Loire une vie inquiète et triste; il était peureux. On l'eût été à
+moins: dès qu'il donnait un peu d'amitié ou de confiance à un
+seigneur, on le lui tuait. Le connétable de Richemont et le sire de la
+Trémouille lui avaient noyé le sire de Giac après une manière de
+procès<a id="footnotetag542" name="footnotetag542"></a><a href="#footnote542" title="Lien vers la note 542"><span class="smaller">[542]</span></a>; le maréchal de Boussac, sur l'ordre du connétable, lui
+avait tué Lecamus de Beaulieu avec moins de façons. Lecamus se
+promenait sur sa mule, dans un pré au bord du Clain, quand des hommes
+se jetèrent sur lui, l'abattirent, la tête fendue et la main coupée;
+on ramena au roi la mule du favori<a id="footnotetag543" name="footnotetag543"></a><a href="#footnote543" title="Lien vers la note 543"><span class="smaller">[543]</span></a>. Le connétable de Richemont
+lui avait donné La Trémouille, un tonneau, une outre, une espèce de
+Gargantua qui dévorait le pays. La Trémouille ayant chassé Richemont,
+le roi gardait La Trémouille, en attendant le retour de Richemont dont
+il avait grand'peur. Et, de vrai, un prince paisible et timide comme
+il était, <span class="pagenum"><a id="page170" name="page170"></a>(p. 170)</span> devait craindre ce Breton toujours battu, toujours
+furieux, âpre, féroce, à qui sa maladresse et sa violence donnaient un
+air de rude franchise<a id="footnotetag544" name="footnotetag544"></a><a href="#footnote544" title="Lien vers la note 544"><span class="smaller">[544]</span></a>.</p>
+
+<p>En 1428, Richemont voulut reprendre de force sa place auprès du roi.
+Les comtes de Clermont et de Pardiac se joignirent au connétable. La
+belle-mère du roi, Yolande d'Aragon, reine, sans royaume, de Sicile et
+de Jérusalem et duchesse d'Anjou, entra dans le parti des
+mécontents<a id="footnotetag545" name="footnotetag545"></a><a href="#footnote545" title="Lien vers la note 545"><span class="smaller">[545]</span></a>. Le comte de Clermont prit et mit à rançon le
+chancelier de France, le premier ministre de la couronne. Il fallut
+que le roi payât pour ravoir son chancelier<a id="footnotetag546" name="footnotetag546"></a><a href="#footnote546" title="Lien vers la note 546"><span class="smaller">[546]</span></a>. Le connétable
+guerroyait en Poitou contre les gens du roi, tandis que les routiers,
+à la solde du roi, ravageaient les pays restés dans son obéissance et
+que les Anglais s'avançaient sur la Loire.</p>
+
+<p>Dans cette condition misérable, le roi Charles, tout mince, étriqué de
+corps et d'esprit, fuyant, craintif, défiant, faisait triste figure:
+pourtant, il en valait bien un autre, et c'était peut-être le roi
+qu'il fallait à cette heure. Un Philippe de Valois, un Jean le Bon
+s'étaient donné l'amusement de perdre des provinces à l'épée.
+<span class="pagenum"><a id="page171" name="page171"></a>(p. 171)</span> Le pauvre roi Charles n'avait ni le goût ni les moyens de
+faire comme eux des vaillantises d'armes, et de chevaucher sur le dos
+de la piétaille. Il avait ceci d'excellent qu'il n'aimait pas du tout
+les prouesses et qu'il n'était ni ne pouvait être de ces chevalereux
+qui faisaient la guerre en beauté. Déjà son grand-père, dépourvu aussi
+de toute chevalerie, avait beaucoup nui aux Anglais. Le petit-fils
+n'était pas sans doute d'aussi grande sapience que Charles V, mais il
+ne manquait point de cautèle et était enclin à penser que souvent on
+gagne plus par traités qu'à la pointe de la lance<a id="footnotetag547" name="footnotetag547"></a><a href="#footnote547" title="Lien vers la note 547"><span class="smaller">[547]</span></a>.</p>
+
+<p>On faisait sur son dénuement des contes ridicules. Un cordonnier,
+disait-on, qu'il ne pouvait payer comptant, lui avait tiré du pied le
+houseau qu'il venait de lui mettre et était parti, le laissant avec
+ses vieux houseaux<a id="footnotetag548" name="footnotetag548"></a><a href="#footnote548" title="Lien vers la note 548"><span class="smaller">[548]</span></a>. On disait encore qu'un jour, La Hire et
+Saintrailles l'étant venu voir, l'avaient trouvé dînant avec la reine
+et n'ayant que deux poulets et une queue de mouton pour tout
+festoiement<a id="footnotetag549" name="footnotetag549"></a><a href="#footnote549" title="Lien vers la note 549"><span class="smaller">[549]</span></a>. C'étaient là des propos à faire rire les bonnes
+gens. Le roi possédait encore de grandes et belles provinces:
+Auvergne, Lyonnais, <span class="pagenum"><a id="page172" name="page172"></a>(p. 172)</span> Dauphiné, Touraine, Anjou, tous les pays
+au sud de la Loire, hors la Guyenne et la Gascogne<a id="footnotetag550" name="footnotetag550"></a><a href="#footnote550" title="Lien vers la note 550"><span class="smaller">[550]</span></a>.</p>
+
+<p>Sa grande ressource était de convoquer les États. La noblesse ne
+donnait rien, alléguant qu'il était ignoble de payer. Si le clergé
+contribuait malgré son dénuement, le tiers portait plus que son faix
+des charges pécuniaires. La taille, impôt extraordinaire, devenait
+annuelle. Le roi assemblait les États tous les ans, souvent deux fois
+l'an, mais non sans peine<a id="footnotetag551" name="footnotetag551"></a><a href="#footnote551" title="Lien vers la note 551"><span class="smaller">[551]</span></a>. Les routes étaient mal sûres. Les
+voyageurs risquaient, à tout bout de champ, d'être détroussés et
+assassinés. Les officiers, qui allaient de ville en ville recouvrer
+les deniers, marchaient sous escorte, de crainte des Écossais et des
+autres gens d'armes au service du roi<a id="footnotetag552" name="footnotetag552"></a><a href="#footnote552" title="Lien vers la note 552"><span class="smaller">[552]</span></a>. En 1427, un routier nommé
+Sabbat, qui tenait garnison à Langeais, faisait trembler la Touraine
+et l'Anjou. Aussi les députés des villes n'étaient-ils pas pressés de
+se rendre aux États. Encore s'ils avaient cru que leur argent fût
+employé pour le bien du royaume! Mais ils savaient que le roi en
+ferait d'abord des présents à ses <span class="pagenum"><a id="page173" name="page173"></a>(p. 173)</span> seigneurs. On les invitait
+à venir aviser sur le moyen de réprimer les pilleries et roberies dont
+ils souffraient<a id="footnotetag553" name="footnotetag553"></a><a href="#footnote553" title="Lien vers la note 553"><span class="smaller">[553]</span></a>; et quand, au risque de leur vie, ils étaient
+venus en chambre royale, il leur fallait consentir la taille en
+silence. Les officiers du roi menaçaient de les faire noyer, s'ils
+ouvraient la bouche. Aux États tenus à Mehun-sur-Yèvre, en 1425, les
+gens des bonnes villes dirent qu'ils étaient contents d'aider le roi,
+mais qu'ils voudraient bien qu'il fût mis fin aux pilleries, et
+messire Hugues de Comberel, évêque de Poitiers, parla comme eux. En
+l'entendant, le sire de Giac dit au roi: «Si l'on m'en croyait, on
+jetterait Comberel dans la rivière avec les autres qui ont été de son
+opinion.» Sur quoi les gens des bonnes villes votèrent deux cent
+soixante mille livres<a id="footnotetag554" name="footnotetag554"></a><a href="#footnote554" title="Lien vers la note 554"><span class="smaller">[554]</span></a>. En septembre 1427, réunis à Chinon, ils
+accordèrent cinq cent mille livres pour la guerre<a id="footnotetag555" name="footnotetag555"></a><a href="#footnote555" title="Lien vers la note 555"><span class="smaller">[555]</span></a>. Par lettres du
+8 janvier 1428, le roi manda aux États généraux de se réunir dans un
+délai de six mois, le 18 juillet suivant, à Tours<a id="footnotetag556" name="footnotetag556"></a><a href="#footnote556" title="Lien vers la note 556"><span class="smaller">[556]</span></a>. Le 18 juillet,
+personne ne vint. Le 22 juillet, nouveau mandement du roi, assignant
+les États à Tours le 10 septembre<a id="footnotetag557" name="footnotetag557"></a><a href="#footnote557" title="Lien vers la note 557"><span class="smaller">[557]</span></a>. L'assemblée n'eut <span class="pagenum"><a id="page174" name="page174"></a>(p. 174)</span>
+lieu qu'en octobre 1428 à Chinon, au moment où le comte de Salisbury
+marchait sur la Loire. Les États accordèrent cinq cent mille
+livres<a id="footnotetag558" name="footnotetag558"></a><a href="#footnote558" title="Lien vers la note 558"><span class="smaller">[558]</span></a>. Mais on s'attendait à ce que bientôt le bon peuple ne pût
+plus payer. Par ce temps de guerre et de roberies, bien des terres
+étaient en friche, bien des boutiques closes, et l'on ne voyait plus
+beaucoup de marchands allant, sur leur bidet, de ville en ville<a id="footnotetag559" name="footnotetag559"></a><a href="#footnote559" title="Lien vers la note 559"><span class="smaller">[559]</span></a>.</p>
+
+<p>L'impôt ne rentrait pas bien et réellement le roi souffrait par défaut
+d'argent. Pour guérir ce grand mal, il employait trois remèdes, dont
+le meilleur ne valait rien. Premièrement, comme il devait à tout le
+monde, à la reine de Sicile<a id="footnotetag560" name="footnotetag560"></a><a href="#footnote560" title="Lien vers la note 560"><span class="smaller">[560]</span></a>, à La Trémouille<a id="footnotetag561" name="footnotetag561"></a><a href="#footnote561" title="Lien vers la note 561"><span class="smaller">[561]</span></a>, à son
+chancelier<a id="footnotetag562" name="footnotetag562"></a><a href="#footnote562" title="Lien vers la note 562"><span class="smaller">[562]</span></a>, à son boucher<a id="footnotetag563" name="footnotetag563"></a><a href="#footnote563" title="Lien vers la note 563"><span class="smaller">[563]</span></a>, au chapitre de Bourges qui
+<span class="pagenum"><a id="page175" name="page175"></a>(p. 175)</span> lui fournissait du poisson d'étang<a id="footnotetag564" name="footnotetag564"></a><a href="#footnote564" title="Lien vers la note 564"><span class="smaller">[564]</span></a>, à ses
+cuisiniers<a id="footnotetag565" name="footnotetag565"></a><a href="#footnote565" title="Lien vers la note 565"><span class="smaller">[565]</span></a>, à ses galopins<a id="footnotetag566" name="footnotetag566"></a><a href="#footnote566" title="Lien vers la note 566"><span class="smaller">[566]</span></a>, il engageait l'impôt entre les
+mains de ses créanciers<a id="footnotetag567" name="footnotetag567"></a><a href="#footnote567" title="Lien vers la note 567"><span class="smaller">[567]</span></a>; deuxièmement, il aliénait son domaine:
+ses villes, ses terres étaient à tout le monde, hors à lui<a id="footnotetag568" name="footnotetag568"></a><a href="#footnote568" title="Lien vers la note 568"><span class="smaller">[568]</span></a>;
+troisièmement, il faisait de la fausse monnaie. Ce n'était point par
+malice, mais par nécessité et conformément à l'usage<a id="footnotetag569" name="footnotetag569"></a><a href="#footnote569" title="Lien vers la note 569"><span class="smaller">[569]</span></a>.</p>
+
+<p>Le sire de La Trémouille portait le seul titre de
+conseiller-chambellan, mais il était aussi le grand usurier du
+royaume. Il avait pour débiteurs le roi et une multitude de seigneurs
+grands ou petits<a id="footnotetag570" name="footnotetag570"></a><a href="#footnote570" title="Lien vers la note 570"><span class="smaller">[570]</span></a>. C'était donc un homme puissant. En ces temps
+difficiles, il rendit à la couronne des services sans doute intéressés
+mais précieux. Du mois de janvier au mois d'août 1428, il avança des
+sommes s'élevant à vingt-sept mille livres environ pour lesquelles des
+châteaux et des terres lui furent données en gages<a id="footnotetag571" name="footnotetag571"></a><a href="#footnote571" title="Lien vers la note 571"><span class="smaller">[571]</span></a>. Par bonheur,
+le Conseil du <span class="pagenum"><a id="page176" name="page176"></a>(p. 176)</span> roi était composé d'un assez grand nombre de
+légistes et de gens d'Église fort capables d'expédier les affaires.
+L'un d'eux, Robert Le Maçon, seigneur de Trèves, Angevin, né dans la
+roture, entré au Conseil sous la Régence, fut le premier de ces hommes
+sans naissance qui servirent Charles VII de manière à lui valoir le
+surnom de Bien-Servi<a id="footnotetag572" name="footnotetag572"></a><a href="#footnote572" title="Lien vers la note 572"><span class="smaller">[572]</span></a>. Un autre, le sire de Gaucourt, avait aidé
+son roi à la guerre<a id="footnotetag573" name="footnotetag573"></a><a href="#footnote573" title="Lien vers la note 573"><span class="smaller">[573]</span></a>.</p>
+
+<p>Il en est un troisième qu'il faut connaître le mieux possible. Sa part
+dans cette histoire est grande; elle apparaîtrait plus grande encore
+si on la découvrait tout entière. C'est Regnault de Chartres, que nous
+avons déjà vu enlevé et mis à finance<a id="footnotetag574" name="footnotetag574"></a><a href="#footnote574" title="Lien vers la note 574"><span class="smaller">[574]</span></a>. Fils d'Hector de Chartres,
+maître des Eaux et Forêts en Normandie, il entra dans les ordres,
+devint archidiacre de Beauvais, puis camérier du pape Jean XXIII et
+fut élevé en 1414, à l'âge de trente-quatre ans environ, au siège
+archiépiscopal de Reims<a id="footnotetag575" name="footnotetag575"></a><a href="#footnote575" title="Lien vers la note 575"><span class="smaller">[575]</span></a>. L'année suivante, trois de ses frères
+restèrent dans les boues sanglantes d'Azincourt. Hector de Chartres
+périt à Paris en 1418 massacré par les bouchers<a id="footnotetag576" name="footnotetag576"></a><a href="#footnote576" title="Lien vers la note 576"><span class="smaller">[576]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page177" name="page177"></a>(p. 177)</span>
+Regnault lui-même, jeté dans les prisons des Cabochiens, s'attendait à
+être mis à mort. Il fit v&oelig;u, s'il échappait à ce péril, d'observer
+le maigre tous les mercredis et de déjeuner à l'eau tous les vendredis
+et les samedis, sa vie durant<a id="footnotetag577" name="footnotetag577"></a><a href="#footnote577" title="Lien vers la note 577"><span class="smaller">[577]</span></a>. On ne saurait juger de l'esprit
+d'un homme sur un acte inspiré par l'épouvante; pourtant l'auteur de
+ce v&oelig;u ne saurait être mis facilement au rang des Épicuriens qui ne
+croyaient pas en Dieu, comme il s'en trouvait, dit-on, beaucoup parmi
+les clercs; on supposera plutôt que son intelligence se soumettait aux
+croyances communes.</p>
+
+<p>Une fidélité tragique, héréditairement gardée aux Armagnacs,
+recommandait Monseigneur Regnault au dauphin Charles qui lui confia
+des missions importantes dans diverses parties de la Chrétienté,
+Languedoc, Écosse, Bretagne, Bourgogne<a id="footnotetag578" name="footnotetag578"></a><a href="#footnote578" title="Lien vers la note 578"><span class="smaller">[578]</span></a>. L'archevêque de Reims
+s'en acquitta avec un zèle infatigable et une rare habileté. Au mois
+de décembre 1421, alléguant sa santé débile et le service du dauphin,
+qui l'obligeait à de fréquents voyages et à de laborieuses ambassades,
+il supplia le Saint-Père de le relever du v&oelig;u fait auparavant dans
+les prisons des Bouchers<a id="footnotetag579" name="footnotetag579"></a><a href="#footnote579" title="Lien vers la note 579"><span class="smaller">[579]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page178" name="page178"></a>(p. 178)</span> En 1425, alors qu'un homme de robe très habile, qui pouvait
+bien être un fripon, le président Louvet<a id="footnotetag580" name="footnotetag580"></a><a href="#footnote580" title="Lien vers la note 580"><span class="smaller">[580]</span></a> gouvernait le royaume et
+le roi, messire Regnault fut nommé chancelier de France à la place de
+messire Martin Gouges de Charpaigne, évêque de Clermont<a id="footnotetag581" name="footnotetag581"></a><a href="#footnote581" title="Lien vers la note 581"><span class="smaller">[581]</span></a>. Mais peu
+de temps après, Arthur de Bretagne, connétable de France, ayant chassé
+Louvet, Regnault vendit sa charge à Martin Gouges, moyennant une
+pension de deux mille cinq cents livres tournois<a id="footnotetag582" name="footnotetag582"></a><a href="#footnote582" title="Lien vers la note 582"><span class="smaller">[582]</span></a>.</p>
+
+<p>Révérend Père en Dieu, Monseigneur l'Archevêque de Reims n'était pas
+aussi riche, tant s'en fallait, que Monseigneur de la Trémouille; mais
+on fait ce qu'on peut. Tout comme le sire de la Trémouille il prêtait
+de l'argent au roi<a id="footnotetag583" name="footnotetag583"></a><a href="#footnote583" title="Lien vers la note 583"><span class="smaller">[583]</span></a>. Après cela, qui, dans ce temps, ne prêtait
+pas d'argent au roi? Charles VII lui donna la ville et le château de
+Vierzon en paiement de seize mille livres tournois qu'il lui
+devait<a id="footnotetag584" name="footnotetag584"></a><a href="#footnote584" title="Lien vers la note 584"><span class="smaller">[584]</span></a>. Quand le sire de la Trémouille eut traité le connétable,
+comme le connétable avait traité Louvet, Regnault de Chartres redevint
+<span class="pagenum"><a id="page179" name="page179"></a>(p. 179)</span> chancelier. Il entra en charge le 8 novembre 1428. À cette
+date, le Conseil avait déjà envoyé à Orléans des gens d'armes et des
+canons. Monseigneur de Reims, aussitôt en fonction, se jeta dans la
+ville assiégée et n'épargna pas sa peine<a id="footnotetag585" name="footnotetag585"></a><a href="#footnote585" title="Lien vers la note 585"><span class="smaller">[585]</span></a>. Il était très attaché
+aux biens de ce monde et pouvait passer pour avare<a id="footnotetag586" name="footnotetag586"></a><a href="#footnote586" title="Lien vers la note 586"><span class="smaller">[586]</span></a>. Mais on ne
+peut douter ni de son dévouement à la cause royale, ni de la haine
+qu'il nourrissait pour ceux du Léopard et de la Croix Rouge<a id="footnotetag587" name="footnotetag587"></a><a href="#footnote587" title="Lien vers la note 587"><span class="smaller">[587]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne, après onze jours de voyage, arriva à Chinon, le 6 mars<a id="footnotetag588" name="footnotetag588"></a><a href="#footnote588" title="Lien vers la note 588"><span class="smaller">[588]</span></a>,
+qui était le quatrième dimanche du carême, celui-là même où les
+garçons et les filles de Domremy allaient en troupe, dans la campagne
+encore grise et nue, manger des noix et des &oelig;ufs durs avec des
+petits pains, pétris par leurs mères. C'est ce qu'ils appelaient faire
+leurs fontaines; mais Jeanne ne dut pas se rappeler ses fontaines
+passées, ni sa maison quittée sans une parole d'adieu<a id="footnotetag589" name="footnotetag589"></a><a href="#footnote589" title="Lien vers la note 589"><span class="smaller">[589]</span></a>. Ignorant
+ces fêtes rustiques et presque païennes par lesquelles les pauvres
+chrétiens rompaient la pénitence de la sainte quarantaine, l'Église
+avait donné à ce jour le nom de dimanche de <i>Laetare</i>, du premier mot
+<span class="pagenum"><a id="page180" name="page180"></a>(p. 180)</span> de l'introït <i>Laetare, Jerusalem</i>. Ce dimanche, le prêtre en
+montant à l'autel, récite à la messe basse, et le ch&oelig;ur chante à la
+grand'messe ces paroles tirées de l'Écriture: «<i>Laetare, Jerusalem; et
+conventum facite, omnes qui diligitis eam...</i> Réjouis-toi, Jérusalem;
+et formez une assemblée, vous tous qui l'aimez. Délectez-vous dans la
+joie, vous qui avez été dans la tristesse, afin d'exulter et d'être
+rassasiés par l'abondance de votre consolation.» Les prêtres, les
+religieux, les clercs versés dans les saintes Écritures, qui savaient
+la venue de la Pucelle, ceux-là quand ils chantèrent dans les églises
+avec tout le peuple <i>Laetare, Jerusalem</i>, eurent présente à la pensée
+la vierge annoncée par les prophéties, suscitée pour le salut commun,
+marquée d'un signe, qui en ce jour faisait son entrée humblement dans
+la ville. Plus d'un, peut-être, appliqua au royaume de France ce qui
+est dit de la nation sainte en cet endroit de l'Écriture et trouva
+dans la coïncidence de ce texte liturgique et de cette bienvenue un
+sujet d'espérance. <i>Laetare, Jerusalem!</i> Réjouis-toi, peuple fidèle à
+ton vrai roi et droiturier souverain. <i>Et conventum facite</i>. Réunissez
+toutes vos forces contre vos ennemis, <i>Gaudete cum laetitia, qui in
+tristitia fuistis</i>. Après votre longue misère, réjouissez-vous. Le
+Seigneur vous envoie secours et consolation.</p>
+
+<p>Par l'intercession de saint Julien, et probablement avec l'aide de
+Collet de Vienne, messager du roi, Jeanne trouva logis en ville, près
+du château, dans <span class="pagenum"><a id="page181" name="page181"></a>(p. 181)</span> une hôtellerie tenue par une femme de bonne
+renommée<a id="footnotetag590" name="footnotetag590"></a><a href="#footnote590" title="Lien vers la note 590"><span class="smaller">[590]</span></a>. Les broches n'y tournaient point. Et les hôtes,
+enfoncés dans le manteau de la cheminée, y voyaient griller saint
+Hareng, qui souffrit pis que saint Laurent<a id="footnotetag591" name="footnotetag591"></a><a href="#footnote591" title="Lien vers la note 591"><span class="smaller">[591]</span></a>. En ces âges, les
+prescriptions de l'Église relativement au jeûne et à l'abstinence
+durant le saint temps du carême n'étaient transgressées par personne
+en pays chrétien. À l'imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui
+jeûna quarante jours dans le désert, les fidèles observaient le jeûne
+depuis le quatrième jour avant le dimanche de Quadragésime jusqu'à
+Pâques, ce qui donne quarante jours en retranchant les dimanches, où
+l'on rompait le jeûne, mais non pas l'abstinence. Ainsi jeûnant, l'âme
+allégée, Jeanne entendait le tintement de ses Voix<a id="footnotetag592" name="footnotetag592"></a><a href="#footnote592" title="Lien vers la note 592"><span class="smaller">[592]</span></a>. Durant les
+deux jours qu'elle passa à l'hôtellerie, elle vécut recluse,
+agenouillée<a id="footnotetag593" name="footnotetag593"></a><a href="#footnote593" title="Lien vers la note 593"><span class="smaller">[593]</span></a>. Les bords de la Vienne et les larges prairies,
+encore vêtues de la noire verdure de l'hiver, les coteaux où
+traînaient les brumes légères, ne la tentèrent pas. Mais si, pour
+aller à l'église, passant par quelque rue montueuse, ou seulement
+soignant son cheval <span class="pagenum"><a id="page182" name="page182"></a>(p. 182)</span> dans la cour de l'auberge, elle levait
+la tête du côté du nord, elle voyait debout, sur la montagne toute
+proche, à un jet de ces boulets de pierre en usage depuis cinquante ou
+soixante ans, les tours du plus beau château de tout le royaume, les
+fières murailles derrière lesquelles respirait ce roi à qui elle
+venait, conduite par un merveilleux amour.</p>
+
+<p>C'étaient trois châteaux qui se confondaient à ses yeux dans une
+longue masse grise de murs crénelés, de donjons, de tours, de
+tourelles, de courtines, de barbacanes, d'échauguettes et de
+bretèches; trois châteaux séparés l'un de l'autre par des douves, des
+barrières, des poternes, des herses. À sa gauche, vers le couchant,
+fuyaient et se cachaient les unes derrière les autres les huit tours
+du Coudray, dont l'une avait été bâtie par un roi d'Angleterre et dont
+les moins anciennes dataient de plus de deux cents ans. À droite, bien
+visible, le château du milieu dressait ses vieux murs et ses tours
+couronnées de mâchicoulis. Là était la chambre de saint Louis, la
+chambre du roi, appartement de celui que Jeanne appelait le gentil
+dauphin. Et c'est là aussi, tout contre la chambre nattée, que
+s'étendait la grande salle où elle allait être reçue. Du côté de la
+ville, la place de cette salle était marquée par une tour contiguë,
+une tour carrée, très vieille. À droite régnait un vaste bayle, ou
+place d'armes, destiné au logement de la garnison et à la défense du
+château du milieu. De ce côté, une grande chapelle élevait <span class="pagenum"><a id="page183" name="page183"></a>(p. 183)</span>
+au-dessus des remparts sa toiture en forme de carène renversée. Cette
+chapelle, bâtie par Henri II d'Angleterre, était sous l'invocation de
+saint Georges; le bayle tenait d'elle son nom de fort
+Saint-Georges<a id="footnotetag594" name="footnotetag594"></a><a href="#footnote594" title="Lien vers la note 594"><span class="smaller">[594]</span></a>. Tout le monde alors savait l'histoire de saint
+Georges, vaillant chevalier qui transperça de sa lance un dragon et
+délivra la fille d'un roi, puis souffrit en confessant sa foi;
+attaché, comme sainte Catherine, à une roue garnie de lames
+tranchantes, la roue se rompit par miracle, tout de même que se brisa
+celle où les bourreaux avaient mis la vierge d'Alexandrie. Et, comme
+elle, saint Georges souffrit la mort par le glaive. Ce qui prouve
+qu'il était un grand saint<a id="footnotetag595" name="footnotetag595"></a><a href="#footnote595" title="Lien vers la note 595"><span class="smaller">[595]</span></a>, mais maintenant il avait un tort: il
+était du parti des Godons qui, depuis plus de trois cents ans,
+chômaient sa fête comme celle de toute l'englischerie, le tenaient
+pour leur céleste patron et l'invoquaient de préférence à tout autre
+bienheureux, en sorte que son nom était sans cesse dans la bouche du
+plus vilain archer gallois comme dans celle d'un chevalier de la
+Jarretière. À vrai dire, on ne savait ce qu'il pensait ni s'il ne
+donnait pas tort à ces pillards qui combattaient pour une mauvaise
+cause, mais on pouvait raisonnablement craindre qu'il ne se montrât
+sensible à tant d'honneurs. <span class="pagenum"><a id="page184" name="page184"></a>(p. 184)</span> Les saints du Paradis se mettent
+volontiers du côté de ceux qui les invoquent le plus dévotement. Saint
+Georges, enfin, était Anglais comme saint Michel était Français.
+Celui-là, le glorieux archange, se montrait le plus vigilant
+protecteur des fleurs de lis, depuis que Monsieur saint Denys, patron
+du royaume, avait laissé prendre son abbaye. Et Jeanne le savait.</p>
+
+<p>Cependant les dépêches du capitaine de Vaucouleurs, apportées par
+Colet de Vienne, furent remises au Roi<a id="footnotetag596" name="footnotetag596"></a><a href="#footnote596" title="Lien vers la note 596"><span class="smaller">[596]</span></a>. Ces dépêches
+l'instruisaient des faits et dits de la jeune fille. C'était une des
+innombrables affaires qui devaient être examinées en Conseil, et l'une
+de celles que le Roi, ce semble, devait examiner lui-même comme
+inhérentes à sa fonction royale et comme l'intéressant spécialement,
+puisqu'il s'agissait peut-être d'une fille de piété singulière, et
+qu'il était lui-même la première personne ecclésiastique du
+royaume<a id="footnotetag597" name="footnotetag597"></a><a href="#footnote597" title="Lien vers la note 597"><span class="smaller">[597]</span></a>. Son grand-père, si sage prince, aurait eu garde de
+mépriser les avis des femmes dévotes, en qui Dieu parlait. Environ
+l'an 1380, il avait fait appeler à Paris Guillemette de la Rochelle
+qui menait une vie solitaire et contemplative, et y avait acquis,
+disait-on, une si grande vertu, que, dans ses ravissements, elle se
+soulevait de terre de plus de deux pieds. Le roi Charles V lui fit
+faire, dans mainte <span class="pagenum"><a id="page185" name="page185"></a>(p. 185)</span> église, de beaux oratoires où elle pût
+prier pour lui<a id="footnotetag598" name="footnotetag598"></a><a href="#footnote598" title="Lien vers la note 598"><span class="smaller">[598]</span></a>. Le petit-fils ne devait pas moins faire, ayant
+plus grand besoin d'aide. Il trouvait encore dans sa famille des
+exemples plus récents du commerce des rois et des saintes. Son père,
+le pauvre roi Charles VI, de passage à Tours, se fit présenter par le
+duc Louis d'Orléans la dame Marie de Maillé, qui avait fait v&oelig;u de
+virginité et changé en un agneau timide l'époux venu comme un lion
+dévorant. Elle dit au roi des secrets et il fut content d'elle, car il
+voulut la revoir trois ans après à Paris. Cette fois ils conversèrent
+longtemps seuls ensemble, et elle lui dit encore des secrets, si bien
+qu'il la renvoya avec des présents<a id="footnotetag599" name="footnotetag599"></a><a href="#footnote599" title="Lien vers la note 599"><span class="smaller">[599]</span></a>. Ce même prince avait fait
+accueil à un pauvre chevalier cauchois nommé Robert le Mennot qui,
+favorisé d'une vision durant qu'il était près des côtes de Syrie, au
+péril de la mer, se disait envoyé de Dieu pour le rétablissement de la
+paix<a id="footnotetag600" name="footnotetag600"></a><a href="#footnote600" title="Lien vers la note 600"><span class="smaller">[600]</span></a>. Il avait reçu plus favorablement encore une femme nommée
+Marie Robine et qu'on appelait d'ordinaire la Gasque d'Avignon<a id="footnotetag601" name="footnotetag601"></a><a href="#footnote601" title="Lien vers la note 601"><span class="smaller">[601]</span></a>.
+En 1429, tout le monde, autour du Roi, n'avait pas oublié cette
+inspirée venue à Charles VI pour le retenir dans l'obéissance du pape
+Benoît XIII. Ce pape se trouva <span class="pagenum"><a id="page186" name="page186"></a>(p. 186)</span> être un antipape; mais la
+Gasque fut tenue cependant pour prophétesse. Elle avait eu, comme
+Jeanne, beaucoup de visions touchant la désolation du royaume de
+France, et elle avait vu des armes dans le ciel<a id="footnotetag602" name="footnotetag602"></a><a href="#footnote602" title="Lien vers la note 602"><span class="smaller">[602]</span></a>. Les rois
+d'Angleterre n'étaient pas moins attentifs que les rois de France à
+recueillir la parole de ces saints et de ces saintes qui alors
+prophétisaient en foule. Henri V interrogea l'ermite de Sainte-Claude,
+Jean de Gand, qui lui annonça sa fin prochaine; et, mourant, il fit
+encore appeler le prophète inexorable<a id="footnotetag603" name="footnotetag603"></a><a href="#footnote603" title="Lien vers la note 603"><span class="smaller">[603]</span></a>. C'était l'usage des saints
+de parler aux rois et l'usage des rois de les entendre. Comment un
+prince pieux eût-il dédaigné cette source merveilleuse de conseils? Il
+eût encouru par là le blâme des plus sages.</p>
+
+<p>Le roi Charles lut les lettres du capitaine de Vaucouleurs et fit
+interroger devant lui les conducteurs de la jeune fille. De mission,
+de miracles, ils ne purent rien dire. Mais ils parlèrent du bien
+qu'ils avaient vu en elle durant le voyage, et affirmèrent qu'elle
+était toute bonne<a id="footnotetag604" name="footnotetag604"></a><a href="#footnote604" title="Lien vers la note 604"><span class="smaller">[604]</span></a>.</p>
+
+<p>Assurément, Dieu parle par ses vierges. Mais, en de telles rencontres,
+il est nécessaire d'agir avec une <span class="pagenum"><a id="page187" name="page187"></a>(p. 187)</span> extrême prudence, de
+distinguer soigneusement les vraies prophétesses d'avec les fausses et
+de ne point prendre pour des messagères du ciel les fourrières du
+diable. Celles-ci font parfois illusion. À l'exemple de Simon le
+Magicien, qui opposait des prodiges aux miracles de saint Pierre, ces
+créatures recourent aux arts diaboliques pour séduire les hommes.
+Douze ans auparavant, une femme venue aussi des Marches de Lorraine,
+Catherine Sauve, native de Thons proche Neufchâteau, qui vivait
+recluse au Port de Lates, avait prophétisé. Toutefois, l'évêque de
+Maguelonne sut de science certaine qu'elle était menteresse et
+sorcière; c'est pourquoi elle fut brûlée vive à Montpellier en
+1417<a id="footnotetag605" name="footnotetag605"></a><a href="#footnote605" title="Lien vers la note 605"><span class="smaller">[605]</span></a>. Des nuées de femmes, ou plutôt de femelles,
+<i>mulierculae</i><a id="footnotetag606" name="footnotetag606"></a><a href="#footnote606" title="Lien vers la note 606"><span class="smaller">[606]</span></a>, vivaient comme cette Catherine et finissaient
+comme elle.</p>
+
+<p>Jeanne fut interrogée sommairement par des hommes d'Église, qui lui
+demandèrent pourquoi elle était venue. Elle répondit d'abord qu'elle
+ne dirait rien que parlant au roi. Les clercs lui ayant représenté que
+c'était au nom même du roi qu'ils l'invitaient à s'expliquer, elle fit
+connaître qu'elle avait deux choses en mandat de la part du Roi des
+cieux: que l'une était de lever le siège d'Orléans, l'autre de
+conduire le roi à Reims <span class="pagenum"><a id="page188" name="page188"></a>(p. 188)</span> pour son sacre et son
+couronnement<a id="footnotetag607" name="footnotetag607"></a><a href="#footnote607" title="Lien vers la note 607"><span class="smaller">[607]</span></a>. Devant ces gens d'Église, de même qu'à Vaucouleurs
+devant sire Robert, elle répétait, mot pour mot, ce qu'autrefois avait
+dit le vavasseur de Champagne envoyé au roi Jean le Bon, tout comme
+elle était envoyée au dauphin Charles.</p>
+
+<p>Ayant cheminé jusqu'à la plaine de Beauce, où le roi Jean, impatient
+de combattre, campait avec son armée, le vavasseur champenois entra
+dans le camp et demanda à voir le plus prud'homme qui se tînt auprès
+du roi. Les seigneurs, à qui cette requête fut portée, se mirent à
+rire. Mais l'un d'eux, ayant vu de ses yeux le vavasseur, reconnut
+tout de suite que c'était un homme bon, simple et sans malice. Il lui
+dit: «Si tu as quelque avis à donner, va vers l'aumônier du roi.» Le
+vavasseur alla donc vers l'aumônier du roi Jean et lui dit: «Faites
+que je parle au roi; j'ai telle chose à dire que je ne dirai à
+personne fors à lui.&mdash;Qu'est-ce? demanda l'aumônier. Dites ce que vous
+savez.» Mais le bonhomme ne voulut pas révéler son secret. L'aumônier
+alla trouver le roi Jean et lui dit: «Sire, il y a céans un
+prud'homme, qui me semble sage à sa façon et qui vous veut dire une
+chose qu'il ne dira qu'à vous.» Le roi Jean refusa de voir ce
+prud'homme. Il appela son confesseur et l'envoya recueillir, en
+compagnie de son aumônier, le secret du vavasseur. Les deux prêtres
+allèrent à l'homme et lui annoncèrent qu'ils étaient commis <span class="pagenum"><a id="page189" name="page189"></a>(p. 189)</span>
+par le roi pour l'entendre. À cette nouvelle, désespérant de voir le
+roi Jean et se fiant au confesseur et à l'aumônier pour ne révéler son
+secret qu'au roi, il leur parla comme voici: «Tandis que j'étais seul
+aux champs, une voix me dit par trois fois: «Va vers le roi Jean de
+France, et l'avertis de ne combattre contre nuls de ses ennemis.
+Obéissant à cette voix, je suis venu en porter nouvelles au roi Jean.»
+Ayant reçu le secret du vavasseur, le confesseur et l'aumônier le
+portèrent au roi qui s'en moqua. Il s'avança avec ses compagnons
+jusqu'à Poitiers, où il rencontra le prince Noir. Il perdit toute son
+armée dans la bataille et, atteint au visage de deux blessures, fut
+pris par les Anglais<a id="footnotetag608" name="footnotetag608"></a><a href="#footnote608" title="Lien vers la note 608"><span class="smaller">[608]</span></a>.</p>
+
+<p>Les clercs qui avaient interrogé Jeanne différaient d'opinions sur
+elle. Les uns déclaraient que son affaire n'était qu'une trufferie et
+que le roi eût à se défier de cette fille<a id="footnotetag609" name="footnotetag609"></a><a href="#footnote609" title="Lien vers la note 609"><span class="smaller">[609]</span></a>. Les autres pensaient
+au contraire que puisqu'elle se disait envoyée de Dieu et avait à
+parler au roi, le roi devait au moins l'entendre.</p>
+
+<p>Deux hommes d'Église, qui se trouvaient alors auprès du roi, Jean
+Girard, président du Parlement de Grenoble, et Pierre l'Hermite, qui
+fut depuis sous-doyen de Saint-Martin-de-Tours, jugèrent le cas assez
+intéressant et assez difficile pour le soumettre à messire Jacques
+<span class="pagenum"><a id="page190" name="page190"></a>(p. 190)</span> Gélu, ce prélat armagnac, qui avait longtemps servi, dans
+les conseils et les ambassades, la maison d'Orléans et le dauphin de
+France. Gélu aux approches de la soixantaine s'était retiré du Conseil
+et avait quitté le siège archiépiscopal de Tours pour le siège
+d'Embrun, plus humble et plus caché. Il était illustre et
+vénérable<a id="footnotetag610" name="footnotetag610"></a><a href="#footnote610" title="Lien vers la note 610"><span class="smaller">[610]</span></a>. Jean Girard et Pierre l'Hermite lui annoncèrent, en
+une lettre missive, la venue de cette jeune fille et ils lui firent
+connaître qu'interrogée singulièrement par trois professeurs de
+théologie, elle avait été reconnue dévote, sobre, tempérante et
+coutumière, une fois la semaine, des sacrements de confession et de
+communion. Jean Girard pensait qu'elle pouvait avoir été envoyée par
+le Dieu qui suscita Judith et Déborah et se fit annoncer par les
+Sibylles<a id="footnotetag611" name="footnotetag611"></a><a href="#footnote611" title="Lien vers la note 611"><span class="smaller">[611]</span></a>.</p>
+
+<p>Charles était pieux et entendait à genoux et dévotement trois messes
+par jour; il récitait exactement ses heures canonicales et y joignait
+des prières pour les morts et d'autres oraisons; il se confessait
+quotidiennement et communiait aux jours de fêtes<a id="footnotetag612" name="footnotetag612"></a><a href="#footnote612" title="Lien vers la note 612"><span class="smaller">[612]</span></a>, mais il croyait
+à la divination par les astres, en quoi, il ne se distinguait pas des
+autres princes de son temps: chacun <span class="pagenum"><a id="page191" name="page191"></a>(p. 191)</span> d'eux avait un
+astrologue à son service<a id="footnotetag613" name="footnotetag613"></a><a href="#footnote613" title="Lien vers la note 613"><span class="smaller">[613]</span></a>. Le feu duc de Bourgogne était
+constamment accompagné d'un devin juif nommé maître Mousque. Le jour
+dont il ne devait pas voir la fin, comme il se rendait au pont de
+Montereau, maître Mousque lui conseilla de ne point aller plus avant,
+pronostiquant qu'il n'en reviendrait pas. Le duc passa outre et fut
+tué<a id="footnotetag614" name="footnotetag614"></a><a href="#footnote614" title="Lien vers la note 614"><span class="smaller">[614]</span></a>. Le dauphin Charles se fiait aux Jean des Builhons, aux
+Germain de Thibouville et à tous autres bonnets pointus<a id="footnotetag615" name="footnotetag615"></a><a href="#footnote615" title="Lien vers la note 615"><span class="smaller">[615]</span></a> et
+gardait toujours deux ou trois astrologues auprès de lui. Ces faiseurs
+d'almanachs dressaient des thèmes de nativité, tiraient des horoscopes
+et lisaient dans le ciel l'annonce des guerres et des révolutions.
+L'un d'eux, maître Rolland l'Écrivain, suppôt de l'Université de
+Paris, qui la nuit, dans sa gouttière, observait le ciel, vit, un
+certain jour, à une certaine heure, l'Épi de la Vierge en l'ascendant,
+Vénus, Mercure et le Soleil au mi-ciel<a id="footnotetag616" name="footnotetag616"></a><a href="#footnote616" title="Lien vers la note 616"><span class="smaller">[616]</span></a>; par quoi son compère
+Guillaume Barbin de Genève découvrit sûrement que les Anglais seraient
+chassés de France et le roi rétabli par le moyen d'une simple
+pucelle<a id="footnotetag617" name="footnotetag617"></a><a href="#footnote617" title="Lien vers la note 617"><span class="smaller">[617]</span></a>. Si l'on en croit l'inquisiteur Bréhal, <span class="pagenum"><a id="page192" name="page192"></a>(p. 192)</span> quelque
+temps avant la venue de Jeanne, en France, un habile astronome de
+Sienne, du nom de Jean de Montalcin, avait, entre autres choses, écrit
+au roi Charles les paroles suivantes: «Votre victoire sera dans le
+conseil d'une vierge; poursuivez votre triomphe sans cesse jusqu'à la
+ville de Paris<a id="footnotetag618" name="footnotetag618"></a><a href="#footnote618" title="Lien vers la note 618"><span class="smaller">[618]</span></a>.»</p>
+
+<p>En ce moment même, le dauphin Charles gardait près de lui, à Chinon,
+un vieux astrologue normand, nommé Pierre, qui pourrait bien être
+Pierre de Saint-Valerien, chanoine de Paris, lequel revenait d'Écosse,
+où il était allé chercher, avec nombre de gentilshommes, madame
+Marguerite, fiancée au dauphin Louis. Ce maître Pierre passa, très peu
+de temps après, à tort ou à raison, pour avoir lu dans le ciel que la
+bergère de la Meuse était destinée à chasser les Anglais<a id="footnotetag619" name="footnotetag619"></a><a href="#footnote619" title="Lien vers la note 619"><span class="smaller">[619]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne n'attendit pas longtemps dans son hôtellerie. Deux jours après
+sa venue, ce qu'elle avait voulu d'un si grand c&oelig;ur s'accomplit;
+elle fut menée au roi<a id="footnotetag620" name="footnotetag620"></a><a href="#footnote620" title="Lien vers la note 620"><span class="smaller">[620]</span></a>. On montrait encore au siècle dernier près
+du Grand-Carroy, devant une maison en colombage, un puits sur la marge
+duquel, selon la tradition, elle mit le pied pour descendre de cheval,
+avant de gravir la pente roide qui, par la vieille Porte, conduisait
+au château<a id="footnotetag621" name="footnotetag621"></a><a href="#footnote621" title="Lien vers la note 621"><span class="smaller">[621]</span></a>. Elle avait déjà franchi le fossé, et le roi <span class="pagenum"><a id="page193" name="page193"></a>(p. 193)</span>
+n'était pas encore décidé à la recevoir. Plusieurs de ses familiers,
+et non des moindres, lui conseillaient de se défier d'une femme
+inconnue qui formait peut-être de mauvais desseins. D'autres lui
+représentèrent, au contraire, que cette pastoure lui était annoncée
+par lettres, envoyée de la part de Robert de Baudricourt, amenée à
+travers des provinces ennemies; qu'elle avait, de façon quasi
+miraculeuse, traversé à gué beaucoup de rivières pour arriver jusqu'à
+lui. Le roi, sur ces représentations, consentit à l'accueillir<a id="footnotetag622" name="footnotetag622"></a><a href="#footnote622" title="Lien vers la note 622"><span class="smaller">[622]</span></a>.</p>
+
+<p>La grande salle regorgeait de monde; les haleines la chauffaient, ni
+plus ni moins qu'à toute audience que donnait le roi; elle présentait
+cet aspect de halle, de cohue, familier aux courtisans. C'était le
+soir; cinquante torches brûlaient sous les solives peintes<a id="footnotetag623" name="footnotetag623"></a><a href="#footnote623" title="Lien vers la note 623"><span class="smaller">[623]</span></a>;
+hommes mûrs enjuponnés et fourrés, jeunes gentilshommes glabres,
+engoncés des épaules, étriqués du reste, la taille fine, les jambes
+grêles dans les chausses collantes, les pieds pointus dans les
+poulaines; seigneurs tout armés, au nombre de trois cents, se
+pressaient, selon la coutume aulique, poussaient, arrondissaient les
+coudes, et l'huissier donnait de la verge sur les têtes<a id="footnotetag624" name="footnotetag624"></a><a href="#footnote624" title="Lien vers la note 624"><span class="smaller">[624]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page194" name="page194"></a>(p. 194)</span> Là se trouvaient les deux envoyés d'Orléans, messire Jamet du
+Tillay et le vieux seigneur Archambaud de Villars, capitaine de
+Montargis, Simon Charles, maître des requêtes, ainsi que de très hauts
+seigneurs, le comte de Clermont, le sire de Gaucourt et probablement
+le sire de La Trémouille et Monseigneur l'archevêque de Reims,
+chancelier du royaume<a id="footnotetag625" name="footnotetag625"></a><a href="#footnote625" title="Lien vers la note 625"><span class="smaller">[625]</span></a>. Averti que la Pucelle venait, soit qu'il
+lui restât quelque défiance et qu'il hésitât encore, soit qu'il eût
+certaines personnes à entretenir d'abord, ou pour toute autre raison,
+le roi Charles s'enfonça dans la foule des seigneurs<a id="footnotetag626" name="footnotetag626"></a><a href="#footnote626" title="Lien vers la note 626"><span class="smaller">[626]</span></a>. Jeanne fut
+introduite par le comte de Vendôme<a id="footnotetag627" name="footnotetag627"></a><a href="#footnote627" title="Lien vers la note 627"><span class="smaller">[627]</span></a>. Robuste, le cou puissant et
+court, la poitrine ample, autant qu'il y pouvait paraître sous le
+jacque, elle portait petits draps, c'est-à-dire braies comme les
+hommes<a id="footnotetag628" name="footnotetag628"></a><a href="#footnote628" title="Lien vers la note 628"><span class="smaller">[628]</span></a>. Ce qui devait surprendre plus encore que ses chausses,
+c'était sa coiffure. Un chaperon de laine sur la tête, elle montrait
+ses cheveux noirs coupés en sébile à la manière des varlets<a id="footnotetag629" name="footnotetag629"></a><a href="#footnote629" title="Lien vers la note 629"><span class="smaller">[629]</span></a>. Les
+femmes de tout âge et de toute condition prenaient grand soin de tirer
+leurs cheveux sous le hennin, la coiffe, le voile, de manière qu'il
+n'en <span class="pagenum"><a id="page195" name="page195"></a>(p. 195)</span> passât pas un fil. Et cette crinière libre sur une tête
+féminine était pour le temps une chose étrange<a id="footnotetag630" name="footnotetag630"></a><a href="#footnote630" title="Lien vers la note 630"><span class="smaller">[630]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle alla droit au roi, ôta son chaperon, fit la révérence à la
+paysanne, et dit:</p>
+
+<p>&mdash;Dieu vous donne bonne vie, gentil dauphin<a id="footnotetag631" name="footnotetag631"></a><a href="#footnote631" title="Lien vers la note 631"><span class="smaller">[631]</span></a>.</p>
+
+<p>On admira plus tard qu'elle l'eût reconnu au milieu des seigneurs
+vêtus plus richement que lui. Il est possible qu'il fût ce jour-là
+assez mal habillé. Nous savons qu'il faisait remettre des manches à
+ses vieux pourpoints<a id="footnotetag632" name="footnotetag632"></a><a href="#footnote632" title="Lien vers la note 632"><span class="smaller">[632]</span></a>. En tout cas, il ne payait pas de mine. Fort
+laid, les yeux petits, vairons et troubles, le nez gros et bulbeux, ce
+prince de vingt-six ans tenait mal sur ses jambes décharnées et
+cagneuses, jointes à des cuisses creuses par deux genoux énormes qui
+ne voulaient point se séparer l'un de l'autre<a id="footnotetag633" name="footnotetag633"></a><a href="#footnote633" title="Lien vers la note 633"><span class="smaller">[633]</span></a>. Qu'elle l'eût
+reconnu pour l'avoir déjà vu en peinture, c'est peu croyable. Les
+images des princes étaient rares en ce temps. Jeanne n'avait jamais
+feuilleté un de ces livres <span class="pagenum"><a id="page196" name="page196"></a>(p. 196)</span> précieux où le roi Charles
+pouvait être peint à la miniature dans l'attitude d'un Mage offrant
+des présents à l'enfant Jésus<a id="footnotetag634" name="footnotetag634"></a><a href="#footnote634" title="Lien vers la note 634"><span class="smaller">[634]</span></a>. Elle n'avait jamais vu très
+probablement aucun tableau peint sur bois à la ressemblance de son
+roi, les mains jointes, sous les courtines de son oratoire<a id="footnotetag635" name="footnotetag635"></a><a href="#footnote635" title="Lien vers la note 635"><span class="smaller">[635]</span></a>. Et,
+par grand hasard, lui eût-on montré quelqu'un de ces portraits, ses
+yeux, faute d'habitude, n'y eussent pas distingué grand'chose. Il n'y
+a pas non plus à rechercher si les Chinonais lui décrivirent le
+costume ordinaire du roi et la façon du chapeau qu'il avait coutume de
+porter: car il gardait, comme tout le monde, son chapeau sur la tête
+dans les chambres, même pour dîner. Ce qui est le plus probable, c'est
+que des gens bien disposés pour elle la dirigèrent. De toute manière,
+le roi n'était pas si difficile à trouver, puisque ceux qui la virent,
+quand elle le trouva, n'en furent nullement ébahis.</p>
+
+<p>Lorsqu'elle eut fait son salut villageois, le roi lui demanda son nom
+et ce qu'elle voulait. Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Gentil dauphin, j'ai nom Jeanne la Pucelle et vous mande le Roi des
+cieux par moi que vous serez sacré et couronné à Reims et serez le
+lieutenant du Roi des cieux, qui est le Roi de France.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page197" name="page197"></a>(p. 197)</span> Elle demanda qu'on la mît en &oelig;uvre, promettant que par
+elle serait levé le siège d'Orléans<a id="footnotetag636" name="footnotetag636"></a><a href="#footnote636" title="Lien vers la note 636"><span class="smaller">[636]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi la tira à part et l'interrogea assez longtemps. Il était
+naturellement doux, affable envers les humbles et les pauvres, mais
+non sans défiances ni soupçons.</p>
+
+<p>Durant cet entretien particulier, elle lui fit, dit-on, en le tutoyant
+avec une familiarité angélique, cette étrange révélation:</p>
+
+<p>&mdash;Je te dis, de la part de Messire, que tu es vrai héritier de France
+et fils de roi<a id="footnotetag637" name="footnotetag637"></a><a href="#footnote637" title="Lien vers la note 637"><span class="smaller">[637]</span></a>.</p>
+
+<p>Plus tard, l'aumônier de la Pucelle rapporta ce propos, disant le
+tenir de la Pucelle elle-même. Ce qui est certain, c'est que les
+Armagnacs en tirèrent bientôt un miracle en faveur de la maison des
+Lis. On prétendit que ces paroles, que Dieu lui-même prononçait par la
+bouche d'une innocente, correspondaient à une secrète et cruelle
+inquiétude du roi, que le fils de madame Ysabeau était troublé et
+contristé à l'idée que, peut-être, un sang royal ne coulait pas dans
+ses veines et que, à moins de sortir, par illumination céleste, des
+doutes que lui inspirait sa naissance, il était prêt à renoncer à son
+royaume comme à un bien usurpé<a id="footnotetag638" name="footnotetag638"></a><a href="#footnote638" title="Lien vers la note 638"><span class="smaller">[638]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page198" name="page198"></a>(p. 198)</span> On assura qu'à la
+révélation qu'il était vrai héritier de France, son visage avait
+resplendi de joie.</p>
+
+<p>Sans doute, la reine Ysabeau était communément traitée par les
+prêcheurs armagnacs de «grande gorre» et d'Hérodiade gonflée
+d'impuretés; encore voudrait-on savoir d'où venait tout à coup à son
+fils cette curiosité bizarre? Il n'en avait pas demandé tant pour
+recevoir son héritage. Et, au besoin, tous les légistes de son parti
+l'eussent rassuré<a id="footnotetag639" name="footnotetag639"></a><a href="#footnote639" title="Lien vers la note 639"><span class="smaller">[639]</span></a>: ils lui auraient démontré, par raisons tirées
+des lois et coutumes, qu'il était, de naissance, vrai héritier et
+droit successeur du feu roi, la filiation se prouvant par ce qui est
+manifeste, et non par ce qui est caché, sans quoi, il ne serait pas
+possible de régler les successions ni de discerner sûrement le
+légitime héritier d'un royaume ou d'un arpent de terre. Cependant on
+doit tenir compte que, à cette heure, il était très malheureux, et que
+le malheur agite les consciences et soulève les scrupules, et qu'enfin
+il pouvait douter de la justice de sa cause, puisque Dieu
+l'abandonnait. Mais si vraiment des doutes pénibles le tourmentaient,
+comment croire qu'il s'en délivra sur le dire d'une jeune fille dont
+il ne savait encore si elle était sage on folle, ni si même elle ne
+lui était pas envoyée par ses ennemis? Cette crédulité ne s'accorde
+guère avec ce que nous savons de son naturel soupçonneux. La première
+pensée qui devait venir à son <span class="pagenum"><a id="page199" name="page199"></a>(p. 199)</span> esprit, c'est que des clercs
+avaient endoctriné la jeune fille.</p>
+
+<p>Peu d'instants après l'avoir congédiée, il appela le sire de Gaucourt
+et quelques autres de son Conseil et leur répéta ce qu'il venait
+d'entendre:</p>
+
+<p>&mdash;Elle m'a dit qu'elle m'était envoyée de par Dieu pour m'aider à
+recouvrer mon royaume<a id="footnotetag640" name="footnotetag640"></a><a href="#footnote640" title="Lien vers la note 640"><span class="smaller">[640]</span></a>.</p>
+
+<p>Il n'ajouta point qu'elle lui avait révélé un secret connu de lui
+seul.</p>
+
+<p>Les conseillers du roi, encore mal édifiés sur cette jeune fille,
+décidèrent qu'il fallait l'avoir sous la main, pour l'examiner dans
+ses m&oelig;urs et croyances<a id="footnotetag641" name="footnotetag641"></a><a href="#footnote641" title="Lien vers la note 641"><span class="smaller">[641]</span></a>.</p>
+
+<p>Le sire de Gaucourt la retira de chez son hôtesse pour la loger dans
+une tour de ce Coudray que, depuis trois jours, elle voyait au-dessus
+de la ville<a id="footnotetag642" name="footnotetag642"></a><a href="#footnote642" title="Lien vers la note 642"><span class="smaller">[642]</span></a>. Le Coudray, l'un des trois châteaux, n'était séparé
+du château du milieu, où logeait le roi, que par un fossé et des
+travaux de défense<a id="footnotetag643" name="footnotetag643"></a><a href="#footnote643" title="Lien vers la note 643"><span class="smaller">[643]</span></a>. Gaucourt la confia à son lieutenant pour la
+ville de Chinon, Guillaume Bellier, majordome du roi<a id="footnotetag644" name="footnotetag644"></a><a href="#footnote644" title="Lien vers la note 644"><span class="smaller">[644]</span></a>. Il lui
+donna pour la servir un de ses pages, un enfant de quinze ans,
+Immerguet, qu'on appelait aussi Minguet, d'un sobriquet de famille. On
+l'appelait encore Mugot, peut-être par corruption de <i>mango</i>, qui
+<span class="pagenum"><a id="page200" name="page200"></a>(p. 200)</span> voulait dire «page» en bas-latin<a id="footnotetag645" name="footnotetag645"></a><a href="#footnote645" title="Lien vers la note 645"><span class="smaller">[645]</span></a>. Il était, de son vrai
+nom, Louis de Coutes et sortait d'une vieille famille d'épée, attachée
+dès le siècle précédent à la maison d'Orléans. Son père, Jean, dit
+Minguet, seigneur de Fresnay-le-Gelmert, de la Gadelière et de Mitry,
+chambellan du duc d'Orléans, était mort depuis deux ans, très pauvre.
+Il avait laissé après lui une veuve et cinq enfants, trois garçons et
+deux filles, dont l'une, nommée Jeanne, était depuis 1421, la femme de
+messire Florentin d'Illiers, capitaine de Châteaudun. Ainsi donc Louis
+de Coutes, le petit page, et Catherine le Mercier, dame de Noviant, sa
+mère, qui sortait d'une noble famille d'Écosse, se trouvaient l'un et
+l'autre dans un pénible dénuement, bien que le duc d'Orléans en
+mémoire des loyaux services de son chambellan eût octroyé à la dame de
+Noviant un secours sur ses finances<a id="footnotetag646" name="footnotetag646"></a><a href="#footnote646" title="Lien vers la note 646"><span class="smaller">[646]</span></a>. Jeanne gardait Minguet près
+d'elle tout le jour, mais, la nuit, elle couchait avec des femmes. La
+femme de Guillaume Bellier, qui était de bonne vie et pieuse, du moins
+le disait-on, veillait sur elle<a id="footnotetag647" name="footnotetag647"></a><a href="#footnote647" title="Lien vers la note 647"><span class="smaller">[647]</span></a>. Au Coudray, le page la vit
+maintes fois à genoux. Elle priait et souvent elle pleurait
+abondamment<a id="footnotetag648" name="footnotetag648"></a><a href="#footnote648" title="Lien vers la note 648"><span class="smaller">[648]</span></a>. Des personnages de grand état vinrent pendant
+plusieurs jours <span class="pagenum"><a id="page201" name="page201"></a>(p. 201)</span> s'entretenir avec elle. Ils la trouvèrent
+habillée en garçon<a id="footnotetag649" name="footnotetag649"></a><a href="#footnote649" title="Lien vers la note 649"><span class="smaller">[649]</span></a>.</p>
+
+<p>Depuis qu'elle était auprès du roi, certains lui demandaient s'il n'y
+avait point dans le pays d'où elle venait un bois nommé le
+Bois-Chenu<a id="footnotetag650" name="footnotetag650"></a><a href="#footnote650" title="Lien vers la note 650"><span class="smaller">[650]</span></a>.</p>
+
+<p>On lui faisait cette question parce qu'il courait alors une prophétie
+de Merlin concernant une pucelle qui devait venir du bois Chenu. Et
+les gens en étaient émus, car tout le monde alors prêtait attention
+aux prophéties et celles de Merlin l'Enchanteur étaient
+particulièrement estimées<a id="footnotetag651" name="footnotetag651"></a><a href="#footnote651" title="Lien vers la note 651"><span class="smaller">[651]</span></a>.</p>
+
+<p>Merlin, né d'une femme par les &oelig;uvres du diable, tirait de cette
+origine sa science profonde; à la pratique des nombres, qui donnent la
+clef de l'avenir, il joignait la connaissance de la physique par
+laquelle s'opèrent les enchantements; aussi lui était-il facile de
+changer les rochers en géants. Pourtant une dame le vainquit; la fée
+Viviane enchanta l'enchanteur et le retint charmé dans un buisson
+d'aubépine. C'est là un exemple, après tant d'autres, du pouvoir des
+femmes.</p>
+
+<p>Les insignes docteurs et les illustres maîtres estimaient que Merlin
+avait dévoilé bien des choses <span class="pagenum"><a id="page202" name="page202"></a>(p. 202)</span> futures et prédit bien des
+événements dont quelques-uns n'étaient pas encore accomplis; et à ceux
+qui s'étonnaient qu'un fils du diable eût reçu le don de prophétie,
+ils répondaient que le Saint-Esprit est bien le maître de révéler ses
+secrets à qui il lui plaît, comme il l'a montré en faisant parler les
+Sibylles et en ouvrant la bouche à l'ânesse de Balaam.</p>
+
+<p>Merlin avait désigné notamment sire Bertrand Du Guesclin sous la
+figure d'un guerrier portant un aigle sur son écu, ce dont on s'avisa
+après les hauts faits du Connétable<a id="footnotetag652" name="footnotetag652"></a><a href="#footnote652" title="Lien vers la note 652"><span class="smaller">[652]</span></a>.</p>
+
+<p>Les Anglais n'accordaient pas moins de créance que les Français aux
+prophéties de ce sage. Quand Arthur de Bretagne, comte de Richemont,
+fut pris à rançon et mené au roi Henri, celui-ci, voyant un sanglier
+sur les armes du duc, laissa éclater sa joie. Il avait présente à
+l'esprit la vaticination de Merlin, qui disait: «Un prince nommé
+Arthur, né de la Bretagne armoricaine, <span class="pagenum"><a id="page203" name="page203"></a>(p. 203)</span> portant un sanglier
+sur son enseigne, doit conquérir Angleterre, et, après qu'il en aura
+débouté la génération des Anglais, la repeuplera du lignage
+breton<a id="footnotetag653" name="footnotetag653"></a><a href="#footnote653" title="Lien vers la note 653"><span class="smaller">[653]</span></a>.»</p>
+
+<p>Or, durant le carême de l'an 1429, courait parmi les Armagnacs cette
+prédiction extraite d'un livre de Merlin:</p>
+
+<p>«De la ville du Bois-Chenu sortira une pucelle pour donner ses soins à
+la guérison; laquelle, après avoir forcé toutes les citadelles,
+desséchera de son souffle toutes les fontaines. Elle se répandra en
+pleurs misérables et remplira l'île d'une clameur horrible. La tuera
+le cerf à dix cors, de qui quatre ramures porteront des diadèmes d'or,
+mais dont les six autres seront changées en cornes de buffles et
+troubleront d'un son funeste les îles de Bretagne. Se dressera la
+forêt danoise, qui parlera d'une voix humaine, disant: «Viens,
+Cambrie, joins à ton flanc Cornouailles<a id="footnotetag654" name="footnotetag654"></a><a href="#footnote654" title="Lien vers la note 654"><span class="smaller">[654]</span></a>.»</p>
+
+<p>Dans cet obscur langage, Merlin annonce confusément qu'une vierge
+accomplira des actions grandes et extraordinaires avant de périr d'une
+main ennemie. Sur un seul point il est clair, ou le semble. C'est
+quand il dit que cette vierge sortira de la ville du Bois-Chenu.</p>
+
+<p>Si quelqu'un avait pu prendre cette prophétie à sa source et la lire
+dans le quatrième livre de l'<i>Historia Britonum</i>, où elle se trouvait
+effectivement sous le titre de <i>Guyntonia vaticinium</i>, il aurait vu
+qu'elle concernait la <span class="pagenum"><a id="page204" name="page204"></a>(p. 204)</span> ville anglaise de Winchester et se
+serait aperçu que, dans les copies qu'on faisait courir en France,
+elle était dénaturée, tronquée et tout à fait détournée de son
+véritable sens. Mais personne ne s'avisa de vérifier le texte. Les
+livres étaient rares et les esprits dépourvus de critique. La leçon
+fautive à dessein fut acceptée pour la pure parole de Merlin et il en
+courut de nombreuses copies.</p>
+
+<p>Ces copies, d'où venaient-elles? Leur origine demeurera sans doute à
+jamais inconnue; mais un point est hors de doute: c'est qu'elles
+désignaient la fille de la Romée, qui du seuil de la maison paternelle
+voyait l'orée du Bois-Chenu. Elles ne venaient donc pas de très loin
+et ne couraient pas depuis longtemps<a id="footnotetag655" name="footnotetag655"></a><a href="#footnote655" title="Lien vers la note 655"><span class="smaller">[655]</span></a>. Si cette prophétie de
+Merlin corrigée n'est pas celle que Jeanne entendit au village,
+annonçant qu'une Pucelle viendrait des Marches de Lorraine pour le
+salut du royaume, c'est sa cousine germaine; elles ont toutes deux un
+air de famille<a id="footnotetag656" name="footnotetag656"></a><a href="#footnote656" title="Lien vers la note 656"><span class="smaller">[656]</span></a>; elles furent lancées l'une et l'autre dans un
+même esprit et dans une même intention et il faut bien y reconnaître
+l'indice d'un concert entre des clercs de la Meuse et des clercs de la
+Loire pour mettre en lumière la miraculée de Domremy.</p>
+
+<p>La chevauchée de Jeanne étant prédite par Merlin, il fallait qu'elle
+le fût aussi par Bède, car Bède et <span class="pagenum"><a id="page205" name="page205"></a>(p. 205)</span> Merlin, en matière
+prophétique, marchaient toujours ensemble.</p>
+
+<p>Le moine de Yearmouth, Bède le Vénérable, vieux alors de six siècles,
+avait été de son vivant un puits de science. Il avait écrit sur la
+théologie et sur la chronologie, il avait parlé du jour et de la nuit,
+de la semaine et des mois, des signes du zodiaque, des épactes, du
+cycle lunaire et des fêtes mobiles. Dans son livre <i>De temporum
+ratione</i>, il avait traité des septième et huitième âges du monde,
+lesquels devaient suivre l'âge où il vivait. Il avait prophétisé.
+Durant le siège d'Orléans, des clercs répandirent sous son nom ces
+vers difficiles dans lesquels la venue de la Pucelle était annoncée:</p>
+
+<p class="poem10">
+ <i>Bis sex cuculli, bis septem se sociabunt<a id="footnotetag657" name="footnotetag657"></a><a href="#footnote657" title="Lien vers la note 657"><span class="smaller">[657]</span></a>,<br>
+ Gallorum pulli Tauro nova bella parabunt,<br>
+ Ecce beant bella, tunc fert vexilla Puella.</i></p>
+
+<p>Le premier de ces vers est un chronogramme, c'est-à-dire qu'il
+contient en lui-même une date. Pour la dégager, on prend les lettres
+numérales qui s'y trouvent, et l'on en fait la somme. Cette somme
+donnera la date.</p>
+
+<div class="center">
+<p><i>bIs seX CVCVLLI, bIs septeM se soClabVnt</i></p>
+
+<p>1 + 10 + 100 + 5 + 100 + 5 + 50 + 50 + 1 + 1 + 1000 + 100 + 1 + 5 = 1429.</p>
+</div>
+
+<p>Si l'on avait cherché ces vers dans les livres du <span class="pagenum"><a id="page206" name="page206"></a>(p. 206)</span> vénérable
+Bède, on ne les y aurait pas trouvés; ils n'y sont pas; mais on ne
+songea pas plus à les y chercher qu'à chercher dans Merlin la Forêt
+Chenue<a id="footnotetag658" name="footnotetag658"></a><a href="#footnote658" title="Lien vers la note 658"><span class="smaller">[658]</span></a>. Et il fut entendu que Bède et Merlin annonçaient la
+Pucelle. Des bords de la Loire, en cette saison, vaticinations, carmes
+sibyllins, chronogrammes s'envolaient comme des pigeons et se
+répandaient dans tout le royaume. Le faux Bède parviendra en Bourgogne
+dès mai ou juin de cette même année. On le connaîtra plus tôt encore à
+Paris. Christine de Pisan, vieille et recluse en une abbaye de France,
+écrira, avant le dernier jour de juillet 1429, que Bède et Merlin
+avaient vu la Pucelle en esprit<a id="footnotetag659" name="footnotetag659"></a><a href="#footnote659" title="Lien vers la note 659"><span class="smaller">[659]</span></a>.</p>
+
+<p>Les clercs qui forgeaient alors des prophéties pour la Pucelle ne s'en
+tinrent pas au faux Bède et au Merlin contrefait. Ils étaient vraiment
+infatigables et nous possédons encore une pièce de leur métier, que
+par grand hasard, le temps n'a pas détruite. C'est un petit poème
+latin écrit dans le style obscur des devins, dont voici une vieille
+traduction française:</p>
+
+<p class="quote">Une vierge vestue de vestemens d'homme et qui a les membres
+ appartenans à pucelle, par la monicion de Dieu, s'appareille de
+ relever le roy portant les fleurs-de-lis, qui est couché, et de
+ chasser ses ennemys maudis; et mesmement <span class="pagenum"><a id="page207" name="page207"></a>(p. 207)</span> ceux qui
+ maintenant sont devant la cité d'Orléans, laquelle ils
+ espavantent par siège. Et se les hommes ont grand courage d'eux
+ joindre à la bataille, les faux Anglois seront succombés par
+ mort, par le Dieu de la bataille de la Pucelle, et les François
+ les tresbucheront, et adonc sera la fin de la guerre; et
+ retourneront les anciennes alliances et amour; pitié et autres
+ droits retourneront; et traiteront de la paix; et tous les hommes
+ s'outroyeront [s'octroyeront?] au roy de leur bon gré, lequel roy
+ leur pèsera et leur administrera justice à tous, et les nourrira
+ de belle paix. Et dorénavant nul Anglois ennemy portant le
+ liépart ne sera, qui présumera soy dire roy de France [Le
+ translateur ajoute:] et d'ensuir les armes; lesquelles armes la
+ sainte Pucelle appareille<a id="footnotetag660" name="footnotetag660"></a><a href="#footnote660" title="Lien vers la note 660"><span class="smaller">[660]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces fausses prophéties nous donnent un aperçu des moyens par lesquels
+on mit en &oelig;uvre la jeune inspirée. On s'y prit sans doute un peu
+trop artificieusement à notre gré. Ces clercs ne regardaient qu'au
+but, qui était la paix du royaume et de l'Église. Il était nécessaire
+de préparer le miracle du salut commun. Ne soyons pas trop émus de
+découvrir ces fraudes pieuses sans lesquelles les merveilles de la
+Pucelle ne se seraient pas produites. Il faut toujours beaucoup d'art
+et même un peu de ruse pour accréditer l'innocence.</p>
+
+<p>Cependant, sur un rocher escarpé, au bord de la Durance, dans la
+chaire écartée de Saint-Marcellin, Jacques Gélu restait attaché au roi
+qu'il avait servi et <span class="pagenum"><a id="page208" name="page208"></a>(p. 208)</span> soucieux des intérêts des maisons
+d'Orléans et de France. Il répondit aux deux hommes d'église, Jean
+Girard et Pierre l'Hermite, qu'il ne doutait pas que Dieu ne se
+manifestât en faveur de l'orphelin et de l'affligé et ne punît
+l'injurieuse entreprise de l'Anglais, que néanmoins on ne devait pas
+aisément ni à la légère croire aux discours d'une paysanne nourrie
+dans la solitude, que le sexe féminin était fragile et prompt à
+s'abuser, qu'il fallait ne pas se rendre ridicule aux yeux des
+étrangers. «Les Français, ajouta-t-il, sont déjà trop connus pour leur
+facilité naturelle à se laisser duper.» Il avisa enfin Pierre
+l'Hermite qu'il serait opportun que le roi jeûnât et fît pénitence
+pour être éclairé du Ciel et préservé d'erreur<a id="footnotetag661" name="footnotetag661"></a><a href="#footnote661" title="Lien vers la note 661"><span class="smaller">[661]</span></a>.</p>
+
+<p>L'ancien conseiller delphinal n'était pas tranquille. Il écrivit
+directement au roi Charles et à la reine Marie pour les avertir du
+danger. Cette fille ne lui disait rien de bon; il se méfiait d'elle et
+pour trois raisons: premièrement, elle venait d'un pays que tenaient
+les ennemis du roi, Bourguignons et Lorrains; deuxièmement, c'était
+une bergère aisée à séduire; troisièmement, elle était fille. Il
+bailla comme exemple Alexandre de Macédoine, qu'une reine voulut
+empoisonner; elle avait été nourrie de venins par les ennemis du roi
+et puis envoyée à lui dans l'espoir qu'il se laisserait prendre aux
+<span class="pagenum"><a id="page209" name="page209"></a>(p. 209)</span> amours de cette garce, vraie boîte à poisons<a id="footnotetag662" name="footnotetag662"></a><a href="#footnote662" title="Lien vers la note 662"><span class="smaller">[662]</span></a>. Mais
+Aristote écarta l'abuseresse et ainsi délivra de mort son prince.
+Aussi sage qu'Aristote, l'archevêque d'Embrun recommanda au roi de ne
+pas converser seul à seule avec la fille. Il prescrivit qu'on ne la
+laissât pas approcher de trop près, qu'on l'examinât; que cependant
+elle ne fût pas rebutée.</p>
+
+<p>À ses lettres Gélu reçut une réponse prudente qui le rassura. Dans une
+nouvelle missive, il témoigna au roi qu'il était bien aise qu'on tînt
+la fille dans la suspicion et qu'on la laissât dans l'incertitude de
+lui croire ou de ne lui pas croire. Puis sentant renaître ses
+premières incertitudes: «Il n'est pas à propos, disait-il encore,
+qu'elle ait beaucoup d'accès au roi, jusqu'à ce qu'on soit bien
+acertainé de sa vie et de ses m&oelig;urs<a id="footnotetag663" name="footnotetag663"></a><a href="#footnote663" title="Lien vers la note 663"><span class="smaller">[663]</span></a>.»</p>
+
+<p>Assurément le roi Charles tenait Jeanne dans l'incertitude de ce qu'on
+croyait d'elle. Mais il ne la soupçonnait d'aucune malice et il la
+recevait volontiers. Elle l'entretenait avec une angélique
+familiarité. Elle l'appelait gentil dauphin et, par cette gentillesse
+dont elle lui donnait, il faut entendre noblesse et splendeur
+royale<a id="footnotetag664" name="footnotetag664"></a><a href="#footnote664" title="Lien vers la note 664"><span class="smaller">[664]</span></a>. Elle l'appelait aussi l'oriflamme, parce qu'il était pour
+elle l'oriflamme, ou, comme elle eût dit aujourd'hui, <span class="pagenum"><a id="page210" name="page210"></a>(p. 210)</span> le
+drapeau<a id="footnotetag665" name="footnotetag665"></a><a href="#footnote665" title="Lien vers la note 665"><span class="smaller">[665]</span></a>. L'oriflamme était la bannière royale. De tous ces gens
+qui étaient alors à Chinon, personne ne l'avait jamais vue, mais on en
+contait des merveilles. L'oriflamme était en forme de gonfalon à deux
+queues, faite d'une étoffe fine, précieuse et légère, qu'on nommait
+sandal, et toute bordée de houppes de soie verte. Elle était descendue
+du ciel; c'était la bannière de Clovis et de saint Charlemagne. Quand
+le roi allait en guerre, on la portait devant lui. Elle avait telle
+vertu, que les ennemis, à son approche, perdaient leur force et
+fuyaient épouvantés. On se rappelait qu'en l'an 1304, alors que le roi
+Philippe le Bel eut victoire des Flamands, le chevalier qui la portait
+fut tué. On le trouva le lendemain qui, mort, la pressait encore entre
+ses bras<a id="footnotetag666" name="footnotetag666"></a><a href="#footnote666" title="Lien vers la note 666"><span class="smaller">[666]</span></a>. Elle avait flotté devant le roi Charles VI, avant ses
+malheurs, et depuis lors jamais plus elle n'avait été déployée.</p>
+
+<p>Un jour que la Pucelle et le roi conversaient ensemble, le duc
+d'Alençon entra dans la salle. Encore enfant, il avait été pris à
+Verneuil par les Anglais, qui l'avaient gardé cinq ans dans la tour du
+Crotoy<a id="footnotetag667" name="footnotetag667"></a><a href="#footnote667" title="Lien vers la note 667"><span class="smaller">[667]</span></a>. Délivré depuis peu de temps, il chassait aux cailles près
+de Saint-Florent-lès-Saumur, quand un courrier vint lui <span class="pagenum"><a id="page211" name="page211"></a>(p. 211)</span>
+apprendre qu'une jeune fille était envoyée au Roi, de par Dieu, pour
+mettre les Anglais hors de France<a id="footnotetag668" name="footnotetag668"></a><a href="#footnote668" title="Lien vers la note 668"><span class="smaller">[668]</span></a>. Cette nouvelle l'intéressait
+autant que personne, car il avait épousé la fille du duc d'Orléans.
+Aussitôt il s'était rendu à Chinon pour voir ce qu'il en était. Le duc
+d'Alençon se montrait à son avantage dans les années légères de sa
+jeunesse; mais il ne fut jamais réputé bien sage. C'était un esprit
+faible et violent, vain, envieux, d'une extrême crédulité. Il était
+persuadé que l'herbe martagon met en la grâce des dames; et, plus
+tard, il se crut ensorcelé. Il avait une vilaine voix rauque<a id="footnotetag669" name="footnotetag669"></a><a href="#footnote669" title="Lien vers la note 669"><span class="smaller">[669]</span></a>; il
+le savait et il en souffrait. Dès qu'elle le vit approcher, Jeanne
+demanda qui était ce seigneur. Le roi ayant répondu que c'était son
+cousin d'Alençon, elle salua le duc et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Vous, soyez le très bien venu. Plus on sera ensemble du sang du roi
+de France, mieux cela sera<a id="footnotetag670" name="footnotetag670"></a><a href="#footnote670" title="Lien vers la note 670"><span class="smaller">[670]</span></a>.</p>
+
+<p>En quoi elle se trompait du tout au tout. À cette parole de la Pucelle
+le dauphin dut sourire amèrement. Le sang de France, il savait ce
+qu'en valait la pinte!</p>
+
+<p>Le lendemain Jeanne vint à la messe du roi. Quand elle approcha de son
+dauphin, elle lui fit la révérence. Le roi la conduisit dans une
+chambre, dont il fit <span class="pagenum"><a id="page212" name="page212"></a>(p. 212)</span> retirer tout le monde, hors le sire de
+la Trémouille et le duc d'Alençon.</p>
+
+<p>Alors Jeanne lui adressa plusieurs requêtes. Elle lui demanda
+particulièrement de faire don de son royaume au Roi des cieux.</p>
+
+<p>&mdash;Après quoi, ajouta-t-elle, le Roi des cieux fera pour vous ce qu'il
+a fait pour vos prédécesseurs et vous remettra en l'État de vos
+pères<a id="footnotetag671" name="footnotetag671"></a><a href="#footnote671" title="Lien vers la note 671"><span class="smaller">[671]</span></a>.</p>
+
+<p>En tenant ces propos spirituels, en exprimant ces préceptes de réforme
+et de vie nouvelle, elle répétait ce que des clercs lui avaient
+appris. Mais elle n'était pas profondément pénétrée de cette doctrine
+qui, trop subtile pour elle, devait bientôt s'effacer de son esprit et
+faire place à une ardeur moins monastique et plus chevaleresque.</p>
+
+<p>Ce même jour, elle accompagna le roi à la promenade et, dans la
+prairie, courut une lance avec tant de bonne grâce, que le duc
+d'Alençon, émerveillé, lui fit don d'un cheval<a id="footnotetag672" name="footnotetag672"></a><a href="#footnote672" title="Lien vers la note 672"><span class="smaller">[672]</span></a>.</p>
+
+<p>Peu de jours après, ce jeune seigneur la mena à l'abbaye de
+Saint-Florent-lès-Saumur<a id="footnotetag673" name="footnotetag673"></a><a href="#footnote673" title="Lien vers la note 673"><span class="smaller">[673]</span></a>, dont l'église était si admirée qu'un
+l'appelait la Belle-d'Anjou. C'est dans cette abbaye qu'habitaient
+alors sa mère et sa femme. Elles furent, dit-on, joyeuses de voir
+Jeanne. <span class="pagenum"><a id="page213" name="page213"></a>(p. 213)</span> Mais elles n'avaient pas grande confiance dans
+l'issue de la guerre. La jeune dame d'Alençon lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Jeannette, je crains beaucoup pour mon mari. Il sort à peine de
+prison et il a fallu dépenser tant d'argent pour sa rançon, que je le
+prierais bien volontiers de rester au logis.</p>
+
+<p>À quoi Jeanne répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Madame, soyez sans crainte. Je vous le rendrai sain et en tel ou
+meilleur état qu'il n'est<a id="footnotetag674" name="footnotetag674"></a><a href="#footnote674" title="Lien vers la note 674"><span class="smaller">[674]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle appelait le duc d'Alençon son beau duc<a id="footnotetag675" name="footnotetag675"></a><a href="#footnote675" title="Lien vers la note 675"><span class="smaller">[675]</span></a> et elle l'aimait pour
+l'amour du duc d'Orléans dont il avait épousé la fille. Elle l'aimait
+parce qu'il croyait en elle quand tous doutaient ou niaient; elle
+l'aimait parce que les Anglais lui avaient fait tort; elle l'aimait
+parce qu'elle lui voyait bonne envie de combattre. On contait que,
+pris à Verneuil par les Anglais, quand ils lui avaient offert de lui
+rendre sa liberté et ses biens s'il voulait se tourner de leur parti,
+il avait rejeté leurs offres<a id="footnotetag676" name="footnotetag676"></a><a href="#footnote676" title="Lien vers la note 676"><span class="smaller">[676]</span></a>. Il était jeune comme elle; elle le
+jugeait comme elle sincère et généreux. Et peut-être l'était-il alors;
+sans doute il ne cherchait pas déjà des poudres pour sécher le
+roi<a id="footnotetag677" name="footnotetag677"></a><a href="#footnote677" title="Lien vers la note 677"><span class="smaller">[677]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page214" name="page214"></a>(p. 214)</span> On décida que Jeanne serait conduite à Poitiers afin d'y être
+examinée par les docteurs<a id="footnotetag678" name="footnotetag678"></a><a href="#footnote678" title="Lien vers la note 678"><span class="smaller">[678]</span></a>. Dans cette ville se tenait le
+Parlement et étaient réunis beaucoup de notables clercs en théologie,
+tant séculiers que réguliers<a id="footnotetag679" name="footnotetag679"></a><a href="#footnote679" title="Lien vers la note 679"><span class="smaller">[679]</span></a>. De solennels docteurs et maîtres y
+furent convoqués par surcroît. Jeanne partit sous escorte. Elle crut
+d'abord qu'on la menait à Orléans. Elle rappelait l'ignorance et la
+foi de ces pauvres gens qui, ayant pris la croix, allaient et, à
+chaque ville qu'ils voyaient devant eux, pensaient que ce fût
+Jérusalem. À mi-chemin, elle demanda à ses guides où ils la
+conduisaient. Quand elle apprit que c'était à Poitiers:</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu! dit-elle, je sais que j'y aurai bien affaire. Mais
+Messire m'aidera. Or, allons, de par Dieu<a id="footnotetag680" name="footnotetag680"></a><a href="#footnote680" title="Lien vers la note 680"><span class="smaller">[680]</span></a>!</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page215" name="page215"></a>(p. 215)</span> CHAPITRE VII<br>
+
+<span class="smaller">LA PUCELLE À POITIERS.</span></h2>
+
+
+<p>Depuis quatorze ans, la ville de Poitiers était la capitale de la
+France française. Le dauphin Charles y avait transféré le Parlement
+ou, du moins, y avait réuni quelques membres échappés du Parlement de
+Paris. Le Parlement de Poitiers n'était composé que de deux Chambres.
+Il aurait jugé comme le roi Salomon, si les plaideurs étaient venus
+lui soumettre leurs causes, mais ils ne venaient pas, de peur d'être
+pris en chemin par les routiers et les capitaines à la solde du roi,
+et parce que, dans le trouble du royaume, les différends ne se
+réglaient guère par justice. Les conseillers, qui pour la plupart
+avaient leurs terres près de Paris, ne savaient comment se vêtir et se
+nourrir. Rarement ils recevaient leurs gages et le casuel faisait
+défaut. Ils avaient beau inscrire sur leurs registres la formule:
+<span class="pagenum"><a id="page216" name="page216"></a>(p. 216)</span> <i>Non deliberetur donec solvantur species</i>, les parties
+n'apportaient point d'espèces<a id="footnotetag681" name="footnotetag681"></a><a href="#footnote681" title="Lien vers la note 681"><span class="smaller">[681]</span></a>. L'avocat général, messire Jean
+Jouvenel des Ursins, qui possédait belles terres et maisons en
+Île-de-France, Brie et Champagne, était tout piteux de voir la dame de
+bien et d'honneur sa femme, ses onze enfants et ses trois gendres,
+aller par les rues de la ville nu-pieds et dans de pauvres
+habits<a id="footnotetag682" name="footnotetag682"></a><a href="#footnote682" title="Lien vers la note 682"><span class="smaller">[682]</span></a>. Quant aux docteurs et maîtres, qui avaient suivi la
+fortune du roi, c'est en vain qu'ils étaient des puits de science et
+des fontaines de clergie, puisque, faute d'une université où ils
+pussent enseigner, ils ne tiraient nul profit de leur éloquence et de
+leur savoir. La ville de Poitiers, devenue la première ville du
+royaume, avait un Parlement et n'avait pas d'Université, semblable à
+une dame de haute noblesse, mais borgne, le Parlement et l'Université
+étant les deux yeux d'une grande ville. Aussi nourrissaient-ils en
+leurs tristes loisirs un désir ardent de rétablir les affaires du roi
+avec les leurs, s'il plaisait au Seigneur. En attendant, exténués de
+froid et de faim, ils gémissaient et se lamentaient. Comme Israël dans
+le désert, ils soupiraient après le jour où Dieu, entendant leurs
+plaintes, dirait: «Ce soir vous mangerez de la chair et demain matin
+vous <span class="pagenum"><a id="page217" name="page217"></a>(p. 217)</span> vous rassasierez de pain; et vous connaîtrez que je
+suis le Seigneur votre Dieu.» <i>Vespere comedetis carnes et mane
+saturabimini panibus: scietisque quod ego sum Dominus deus vester.</i>
+(<i>Exod.</i> XVI, 12.) C'est parmi ces fidèles et pauvres serviteurs d'un
+roi pauvre, que furent choisis pour la plupart les docteurs et clercs
+chargés d'examiner la Pucelle. Voici quels ils étaient: le seigneur
+évêque de Poitiers<a id="footnotetag683" name="footnotetag683"></a><a href="#footnote683" title="Lien vers la note 683"><span class="smaller">[683]</span></a>; le seigneur évêque de Maguelonne<a id="footnotetag684" name="footnotetag684"></a><a href="#footnote684" title="Lien vers la note 684"><span class="smaller">[684]</span></a>; maître
+Jean Lombard, docteur en théologie, autrefois professeur de théologie
+à l'Université de Paris<a id="footnotetag685" name="footnotetag685"></a><a href="#footnote685" title="Lien vers la note 685"><span class="smaller">[685]</span></a>; maître Guillaume Le Marié, bachelier en
+théologie, chanoine de Poitiers<a id="footnotetag686" name="footnotetag686"></a><a href="#footnote686" title="Lien vers la note 686"><span class="smaller">[686]</span></a>; maître Gérard Machet, confesseur
+du roi<a id="footnotetag687" name="footnotetag687"></a><a href="#footnote687" title="Lien vers la note 687"><span class="smaller">[687]</span></a>; maître Jourdain Morin<a id="footnotetag688" name="footnotetag688"></a><a href="#footnote688" title="Lien vers la note 688"><span class="smaller">[688]</span></a>; maître Jean Érault,
+professeur de théologie<a id="footnotetag689" name="footnotetag689"></a><a href="#footnote689" title="Lien vers la note 689"><span class="smaller">[689]</span></a>; maître Mathieu Mesnage, bachelier en
+théologie<a id="footnotetag690" name="footnotetag690"></a><a href="#footnote690" title="Lien vers la note 690"><span class="smaller">[690]</span></a>; maître Jacques Meledon<a id="footnotetag691" name="footnotetag691"></a><a href="#footnote691" title="Lien vers la note 691"><span class="smaller">[691]</span></a>; maître Jean Maçon,
+docteur en droit civil et en droit canon, de grande renommée<a id="footnotetag692" name="footnotetag692"></a><a href="#footnote692" title="Lien vers la note 692"><span class="smaller">[692]</span></a>;
+frère Pierre de Versailles, religieux de Saint-Denys en France, de
+l'ordre de Saint-Benoît, <span class="pagenum"><a id="page218" name="page218"></a>(p. 218)</span> professeur de théologie, prieur du
+prieuré de Saint-Pierre de Chaumont, abbé de Talmont au diocèse de
+Laon, ambassadeur du très chrétien roi de France<a id="footnotetag693" name="footnotetag693"></a><a href="#footnote693" title="Lien vers la note 693"><span class="smaller">[693]</span></a>; frère Pierre
+Turelure, de l'ordre de Saint-Dominique, inquisiteur de Toulouse<a id="footnotetag694" name="footnotetag694"></a><a href="#footnote694" title="Lien vers la note 694"><span class="smaller">[694]</span></a>;
+maître Simon Bonnet<a id="footnotetag695" name="footnotetag695"></a><a href="#footnote695" title="Lien vers la note 695"><span class="smaller">[695]</span></a>; frère Guillaume Aimery, de l'ordre de
+Saint-Dominique, docteur en théologie, professeur de théologie<a id="footnotetag696" name="footnotetag696"></a><a href="#footnote696" title="Lien vers la note 696"><span class="smaller">[696]</span></a>;
+frère Seguin de Seguin, de l'ordre de Saint-Dominique, docteur en
+théologie, professeur de théologie<a id="footnotetag697" name="footnotetag697"></a><a href="#footnote697" title="Lien vers la note 697"><span class="smaller">[697]</span></a>; frère Pierre Seguin,
+carme<a id="footnotetag698" name="footnotetag698"></a><a href="#footnote698" title="Lien vers la note 698"><span class="smaller">[698]</span></a>; plusieurs conseillers du roi, licenciés en droit civil
+ainsi qu'en droit canon.</p>
+
+<p>C'était beaucoup de docteurs pour interroger une bergère. Cependant on
+doit songer qu'en ce temps où la théologie, inflexible et subtile,
+dominait toute connaissance humaine et obtenait du bras séculier qu'il
+fît suivre d'effets les opinions émises par elle, dès qu'une pauvre
+fille ignorante donnait à croire qu'elle voyait Dieu, la Vierge, les
+anges et les saints, il fallait qu'elle allât, dans un grand concours
+de docteurs, de miracles en miracles, à une mort bien odorante et à la
+béatification, <span class="pagenum"><a id="page219" name="page219"></a>(p. 219)</span> ou, d'hérésies en hérésies, aux prisons
+ecclésiastiques et au bûcher des sorcières. Et comme les sacrés
+inquisiteurs étaient persuadés que le diable entre facilement dans les
+femmes, la malheureuse créature avait plus de chance d'être brûlée
+vive que de mourir en odeur de sainteté. Par exception singulière,
+Jeanne, devant les docteurs de Poitiers, ne courait pas grand risque
+d'être suspectée dans sa foi. Frère Pierre Turelure lui-même ne
+désirait pas trouver en ce moment devant lui une de ces hérétiques
+qu'il recherchait curieusement à Toulouse. Les illustres maîtres, en
+s'approchant d'elle, rentraient leurs griffes théologales. Ils étaient
+d'Église; mais ils étaient Armagnacs. C'était, pour la plupart, des
+hommes d'affaires, des négociateurs, de vieux conseillers du
+dauphin<a id="footnotetag699" name="footnotetag699"></a><a href="#footnote699" title="Lien vers la note 699"><span class="smaller">[699]</span></a>. Qu'ils eussent, comme prêtres, une doctrine et des
+m&oelig;urs, qu'ils connussent des règles pour juger en matière de foi,
+ce n'est pas douteux. Mais à cette heure il ne s'agissait pas de
+guérir le mal hérétique, il s'agissait de chasser les Anglais. Jeanne
+était dans la grâce de monseigneur le duc d'Alençon et de monseigneur
+le Bâtard; les habitants d'Orléans l'attendaient comme le salut. Elle
+promettait de mener le roi à Reims, et il se trouvait que l'homme le
+plus puissant et le plus habile de France, le chancelier du royaume,
+messire Regnault de Chartres était <span class="pagenum"><a id="page220" name="page220"></a>(p. 220)</span> archevêque, comte de
+Reims. Cela pesait d'un grand poids<a id="footnotetag700" name="footnotetag700"></a><a href="#footnote700" title="Lien vers la note 700"><span class="smaller">[700]</span></a>.</p>
+
+<p>Et qu'il en fût comme elle disait, que Dieu l'eût vraiment envoyée à
+l'aide des fleurs de Lis, au jugement de quiconque avait sens et
+clergie et tenait le parti français, ce n'était pas impossible, encore
+qu'extraordinaire. Personne ne niait que Dieu pût intervenir
+directement dans la conduite des royaumes, ayant dit lui-même: <i>Per me
+reges regnant.</i> En l'Église une et sainte, les docteurs de Poitiers
+pensaient judicieusement que le Seigneur protégeait les gens du
+dauphin, tandis que l'Université de Paris tout aussi judicieusement le
+croyait avec les Bourguignons et les Anglais. Il n'était pas
+nécessaire que son messager fût un ange. Ce pouvait être une créature
+humaine ou une bête, comme le corbeau qui nourrit Élie. Et qu'une
+fille eût charge de guerre, c'est ce qui s'accordait avec ce qu'on
+trouvait dans les livres touchant Camille, les Amazones et la reine
+Penthésilée, et avec ce qui est dit dans la Bible des femmes fortes
+suscitées par le Seigneur pour le salut d'Israël, Déborah, Jahel,
+Judith de Béthulie. Car il est écrit: «Ce ne sont point les jeunes
+hommes qui ont renversé celui dont la puissance était sur eux, ni les
+fils des géants qui l'ont frappé, ni les colosses qui se sont opposés
+à lui. Mais Judith, fille de Mérari, l'a détruit par la beauté de son
+visage.»</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page221" name="page221"></a>(p. 221)</span> Jeanne fut conduite à l'hôtel qu'habitait maître Jean
+Rabateau, non loin du Palais, au c&oelig;ur de la ville<a id="footnotetag701" name="footnotetag701"></a><a href="#footnote701" title="Lien vers la note 701"><span class="smaller">[701]</span></a>. Maître Jean
+Rabateau était avocat général lai; les causes criminelles lui
+appartenaient tandis que les causes civiles allaient à l'avocat
+général clerc, Jean Jouvenel. Avocats du roi, hommes du roi, ils le
+représentaient l'un et l'autre, lorsqu'il était en cause. Le roi était
+un mauvais client. Maître Jean Rabateau plaidait pour lui au criminel
+moyennant quatre cents livres par an. Il ne pouvait plaider que pour
+les fleurs de Lis et nul ne le soupçonnait de manger trop d'épices.
+S'il remplissait en outre les fonctions de conseiller du duc
+d'Orléans, il y gagnait peu. Comme la plupart des officiers du
+Parlement, il se trouvait pour l'heure fort dénué de biens. Étranger à
+Poitiers, il n'y possédait point de maison, et logeait dans un hôtel
+qui, appartenant à une famille Rosier, en avait pris le nom d'hôtel de
+la Rose. Au reste, la demeure était vaste. On y hébergeait les témoins
+qu'on voulait garder honorablement et sûrement. Jeanne y fut amenée,
+bien que le Parlement n'eût point à examiner l'affaire de cette jeune
+fille<a id="footnotetag702" name="footnotetag702"></a><a href="#footnote702" title="Lien vers la note 702"><span class="smaller">[702]</span></a>. Cette fois encore, elle était remise aux mains d'un homme
+qui appartenait au duc d'Orléans autant qu'au roi de France. La femme
+de maître Jean Rabateau, comme toutes les <span class="pagenum"><a id="page222" name="page222"></a>(p. 222)</span> femmes des hommes
+de robe, était de bonne renommée<a id="footnotetag703" name="footnotetag703"></a><a href="#footnote703" title="Lien vers la note 703"><span class="smaller">[703]</span></a>. À <i>la Rose</i>, chaque jour après
+le dîner, Jeanne restait longtemps agenouillée. Elle se relevait, la
+nuit, pour prier, et elle passait de longues heures dans le petit
+oratoire de l'hôtel. C'est dans cette maison que les docteurs vinrent
+l'interroger. Quand on lui annonça leur venue, elle fut agitée d'une
+cruelle inquiétude. Madame sainte Catherine prit soin de la
+rassurer<a id="footnotetag704" name="footnotetag704"></a><a href="#footnote704" title="Lien vers la note 704"><span class="smaller">[704]</span></a>; elle aussi avait disputé avec les docteurs, et les
+avait confondus. Il est vrai que ceux-là étaient des païens, mais très
+savants et d'un esprit bien subtil: car il est dit dans la vie de la
+sainte:</p>
+
+<p>«L'empereur manda cinquante docteurs versés dans la science des
+Égyptiens et dans les arts libéraux. Et, quand elle apprit qu'elle
+devait disputer avec les sages, Catherine craignit de ne pouvoir
+défendre dignement contre eux la vérité de Jésus-Christ. Mais un ange
+lui apparut et lui dit:</p>
+
+<p>«Je suis l'archange saint Michel, envoyé par Dieu pour t'annoncer que
+tu sortiras de ce combat victorieuse et digne d'obtenir Notre-Seigneur
+Jésus-Christ, espoir <span class="pagenum"><a id="page223" name="page223"></a>(p. 223)</span> et couronne de ceux qui combattent pour
+lui.» Et la vierge disputa avec les docteurs<a id="footnotetag705" name="footnotetag705"></a><a href="#footnote705" title="Lien vers la note 705"><span class="smaller">[705]</span></a>.»</p>
+
+<p>Les solennels docteurs et maîtres et les notables clercs du Parlement
+de Poitiers se rendaient par petits groupes dans la maison de Jean
+Rabateau, et chacun d'eux interrogeait Jeanne à son tour. Les premiers
+qui vinrent furent Jean Lombard, Guillaume le Maire, Guillaume Aimery,
+Pierre Turelure, Jacques Meledon. Frère Jean Lombard demanda:</p>
+
+<p>&mdash;Pourquoi êtes-vous venue? Le roi veut savoir ce qui vous a poussée à
+l'aller trouver.</p>
+
+<p>Jeanne répondit d'une manière qui parut grande à tous ces clercs:</p>
+
+<p>&mdash;Comme je gardais les animaux, une <i>Voix m'apparut</i>. La Voix me dit:
+«Dieu a grande pitié du peuple de France. Jeanne, il faut que tu
+ailles en France». Ayant ouï ces paroles, je me mis à pleurer. Alors
+la Voix me dit: «Vas à Vaucouleurs. Tu trouveras là un capitaine qui
+te conduira sûrement en France, près du roi. Sois sans crainte». J'ai
+fait ce qui m'était dit et suis arrivée au roi sans nul
+empêchement<a id="footnotetag706" name="footnotetag706"></a><a href="#footnote706" title="Lien vers la note 706"><span class="smaller">[706]</span></a>.</p>
+
+<p>Frère Guillaume Aimery prit ensuite la parole:</p>
+
+<p>&mdash;D'après vos dires, la Voix vous apprit que Dieu veut tirer le peuple
+de France de la calamité où il est. Mais si Dieu veut délivrer le
+peuple de France, il n'est pas nécessaire d'avoir des gens d'armes.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page224" name="page224"></a>(p. 224)</span> &mdash;En nom Dieu! répliqua la Pucelle, les gens d'armes
+batailleront, et Dieu donnera victoire.</p>
+
+<p>Maître Guillaume se déclara satisfait<a id="footnotetag707" name="footnotetag707"></a><a href="#footnote707" title="Lien vers la note 707"><span class="smaller">[707]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 22 mars, maître Pierre de Versailles et maître Jean Érault se
+rendirent ensemble au logis de Jean Rabateau. L'écuyer Gobert
+Thibault, que Jeanne avait déjà vu à Chinon, y vint avec eux. C'était
+un homme jeune, très simple, et qui pour croire ne demandait point de
+signes. À leur venue, Jeanne alla un peu au-devant d'eux, et, frappant
+amicalement sur l'épaule du soldat:</p>
+
+<p>&mdash;Je voudrais bien, lui dit-elle, avoir plusieurs hommes d'aussi bonne
+volonté<a id="footnotetag708" name="footnotetag708"></a><a href="#footnote708" title="Lien vers la note 708"><span class="smaller">[708]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle se sentait à l'aise avec les gens d'armes. Quant aux docteurs,
+elle ne pouvait les souffrir, et c'était pour elle un supplice
+lorsqu'ils venaient arguer. Bien que ces théologiens usassent de
+grands ménagements à son endroit, leurs éternelles interrogations
+lassaient sa patience; leur lenteur, leur pesanteur l'exaspérait. Elle
+leur savait très mauvais gré de ne pas croire en elle tout de suite,
+sans preuves, et de lui demander un signe qu'elle ne pouvait leur
+donner, puisque ni monseigneur saint Michel, ni madame sainte
+Catherine, ni madame sainte Marguerite, pendant les examens,
+n'apparaissait. Dans le retrait, dans l'oratoire et dans la campagne
+déserte, les hôtes du Paradis la visitaient en foule; anges et
+saintes, descendus du ciel, se pressaient <span class="pagenum"><a id="page225" name="page225"></a>(p. 225)</span> autour d'elle.
+Mais, à la venue des docteurs, l'échelle de Jacob se retirait soudain.
+Et puis ils étaient des théologiens, et elle était une sainte. Les
+rapports sont toujours difficiles entre les chefs de l'Église
+militante et les dévotes femmes qui communiquent directement avec
+l'Église triomphante. Elle sentait que les révélations dont elle était
+favorisée abondamment donnaient des doutes, des soupçons, des
+défiances même à ses examinateurs les plus favorables. Elle n'osait
+pas trop leur conter les secrets de ses Voix, et elle confiait,
+derrière leur dos, à son beau duc d'Alençon, qu'elle savait et qu'elle
+pouvait beaucoup plus qu'elle n'avait dit à tous ces clercs<a id="footnotetag709" name="footnotetag709"></a><a href="#footnote709" title="Lien vers la note 709"><span class="smaller">[709]</span></a>. Ce
+n'était pas à ceux-là qu'elle avait été envoyée; ce n'était pas pour
+ceux-là qu'elle était venue. Elle se trouvait gênée avec eux, et leurs
+façons d'être lui inspiraient cette mauvaise humeur empreinte dans
+plus d'une de ses réponses. Parfois, quand ils l'interrogeaient, elle
+se rencognait avec mutinerie au bout du banc et faisait la moue<a id="footnotetag710" name="footnotetag710"></a><a href="#footnote710" title="Lien vers la note 710"><span class="smaller">[710]</span></a>.</p>
+
+<p>&mdash;Nous sommes envoyés vers vous de la part du roi, dit maître Pierre
+de Versailles.</p>
+
+<p>Elle répondit de très mauvaise grâce:</p>
+
+<p>&mdash;Je crois bien voir que vous êtes encore envoyés pour m'interroger.
+Je ne sais ni A ni B<a id="footnotetag711" name="footnotetag711"></a><a href="#footnote711" title="Lien vers la note 711"><span class="smaller">[711]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page226" name="page226"></a>(p. 226)</span> Mais à cette demande:</p>
+
+<p>&mdash;Pourquoi donc venez-vous</p>
+
+<p>Elle répliqua vivement:</p>
+
+<p>&mdash;Je viens de la part du Roi des cieux pour faire lever le siège
+d'Orléans et conduire le roi à Reims, pour son couronnement et son
+sacre. Maître Jean Érault, avez-vous du papier et de l'encre? Écrivez
+ce que je vais vous dire.</p>
+
+<p>Et elle dicta une brève apostrophe aux capitaines anglais: «Vous,
+Suffort, Clasdas et la Poule, je vous somme de par le Roi des cieux
+que vous en alliez en Angleterre<a id="footnotetag712" name="footnotetag712"></a><a href="#footnote712" title="Lien vers la note 712"><span class="smaller">[712]</span></a>.»</p>
+
+<p>Maître Jean Érault, qui écrivit sous sa dictée, était, comme la
+plupart d'entre eux, très bien disposé pour elle. De plus il avait des
+lumières. Il se rappelait cette Marie d'Avignon, surnommée la Gasque,
+qui avait fait au feu roi Charles VI des prophéties bien bonnes et
+mémorables. Or, la Gasque était allée dire au roi que le royaume
+éprouverait encore maintes calamités, et qu'elle avait vu des armes
+dans le ciel. Et elle avait conclu son apocalypse en ces termes:
+«Tandis que j'étais effrayée, croyant qu'il me fallait <span class="pagenum"><a id="page227" name="page227"></a>(p. 227)</span>
+prendre ces armes, une voix me rassura, en disant: «Elles ne sont pas
+pour toi, mais pour une vierge qui viendra, et, par ces armes,
+délivrera le royaume de France.» Maître Jean Érault médita ces
+révélations merveilleuses et il en vint à croire que Jeanne était la
+vierge annoncée par Marie d'Avignon<a id="footnotetag713" name="footnotetag713"></a><a href="#footnote713" title="Lien vers la note 713"><span class="smaller">[713]</span></a>.</p>
+
+<p>Maître Gérard Machet, confesseur du roi, avait trouvé dans des écrits
+qu'une pucelle devait venir pour donner aide au roi de France. Il en
+fit la remarque à l'écuyer Gobert Thibault qui n'était pas un très
+gros personnage<a id="footnotetag714" name="footnotetag714"></a><a href="#footnote714" title="Lien vers la note 714"><span class="smaller">[714]</span></a>; il la fit assurément à bien d'autres. Gérard
+Machet, docteur en théologie, autrefois vice-chancelier de
+l'Université, dont il était maintenant exclu, passait pour une des
+lumières de l'Église. Il aimait la cour<a id="footnotetag715" name="footnotetag715"></a><a href="#footnote715" title="Lien vers la note 715"><span class="smaller">[715]</span></a>, bien qu'il s'en
+défendît, et jouissait de la faveur du roi qui, pour récompenser ses
+bons services, venait de lui donner de quoi acheter une mule<a id="footnotetag716" name="footnotetag716"></a><a href="#footnote716" title="Lien vers la note 716"><span class="smaller">[716]</span></a>. On
+est suffisamment édifié sur les dispositions des docteurs, quand on
+surprend le confesseur du roi répandant lui-même les prophéties
+fabriquées tout exprès pour accréditer la Pucelle du Bois-Chenu.</p>
+
+<p>On interrogea la jeune fille touchant ses Voix qu'elle <span class="pagenum"><a id="page228" name="page228"></a>(p. 228)</span>
+appelait aussi son Conseil, et ses saintes, qu'elle se représentait à
+la ressemblance des figures taillées et peintes qui peuplaient les
+églises<a id="footnotetag717" name="footnotetag717"></a><a href="#footnote717" title="Lien vers la note 717"><span class="smaller">[717]</span></a>. Les docteurs firent objection sur ce qu'elle avait
+rejeté tout vêtement de femme et fait tailler ses cheveux en rond, à
+la façon des jouvenceaux. Or il est écrit: «Une femme ne prendra point
+un habit d'homme, et un homme ne prendra point un habit de femme; car
+celui qui le fait est abominable devant Dieu.» (<i>Deuter.</i> <span class="smcap">XXII</span>, 5.) Le
+concile de Gangres, tenu sous le règne de Valens, avait frappé
+d'anathème les femmes qui s'habillaient en hommes et se coupaient les
+cheveux<a id="footnotetag718" name="footnotetag718"></a><a href="#footnote718" title="Lien vers la note 718"><span class="smaller">[718]</span></a>. Mais il importait de considérer que ce qui était
+abominable à Dieu ce n'était point le dehors, c'était le dedans; ce
+n'était point l'habit, c'était le mauvais dessein qui le faisait
+prendre. Les Pères de Gangres n'avaient condamné que les femmes qui
+s'habillaient en hommes et se coupaient les cheveux sous prétexte de
+vie ascétique. L'Église approuvait depuis lors que les religieuses
+coupassent leurs cheveux. Plusieurs saintes, inspirées par un
+mouvement extraordinaire du Saint-Esprit, avaient caché leur sexe sous
+des vêtements virils. On gardait à Saint-Jean-des-Bois, près
+Compiègne, la châsse de sainte Euphrosine d'Alexandrie, qui avait vécu
+trente-huit ans sous l'habit d'homme dans le couvent de <span class="pagenum"><a id="page229" name="page229"></a>(p. 229)</span>
+l'abbé Théodose<a id="footnotetag719" name="footnotetag719"></a><a href="#footnote719" title="Lien vers la note 719"><span class="smaller">[719]</span></a>. Pour ces raisons et sur ces exemples, les
+docteurs pensèrent: Puisque Jeanne prit cet habit non point pour
+offenser la pudeur d'autrui, mais pour garder la sienne, ne tournons
+pas à mal ce qui a été fait pour le bien, et ne condamnons point un
+acte que la pureté des intentions justifie.</p>
+
+<p>Certains examinateurs lui demandèrent pourquoi elle nommait Charles,
+dauphin, au lieu de lui donner son titre de roi. Ce titre, il le
+portait légitimement depuis le 30 octobre 1422, ayant ce jour, le
+neuvième depuis la mort du roi son père, à Mehun-sur-Yèvre, dans la
+chapelle royale, quitté sa robe noire pour une robe vermeille, pendant
+que les hérauts, levant la bannière de France, criaient: «Vive le
+roi!»</p>
+
+<p>Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Je ne l'appellerai pas roi, tant qu'il n'aura pas été sacré et
+couronné à Reims. C'est dans cette cité que j'entends le mener<a id="footnotetag720" name="footnotetag720"></a><a href="#footnote720" title="Lien vers la note 720"><span class="smaller">[720]</span></a>.</p>
+
+<p>Pour elle, il n'y avait point de roi de France sans ce sacre, dont
+elle avait ouï les miracles de la bouche de son curé qui, chaque
+année, récitait le panégyrique du bienheureux saint Remi, patron de la
+paroisse. Cette réponse était de sorte à contenter les examinateurs,
+car il importait, pour le spirituel et pour le temporel, <span class="pagenum"><a id="page230" name="page230"></a>(p. 230)</span> que
+le roi fût sacré à Reims<a id="footnotetag721" name="footnotetag721"></a><a href="#footnote721" title="Lien vers la note 721"><span class="smaller">[721]</span></a>. Et messire Regnault de Chartres devait
+le souhaiter ardemment.</p>
+
+<p>Quand les clercs la contredisaient, elle opposait ses propres lumières
+à la doctrine de l'Église et elle leur disait:</p>
+
+<p>&mdash;Il y a aux livres de Notre-Seigneur plus qu'aux vôtres<a id="footnotetag722" name="footnotetag722"></a><a href="#footnote722" title="Lien vers la note 722"><span class="smaller">[722]</span></a>.</p>
+
+<p>Réponse hardie et brûlante, qu'il eût été dangereux de faire à des
+théologiens moins favorables que ceux-là; car peut-être y eussent-ils
+vu une offense aux droits de l'Église qui, gardienne des livres
+saints, en demeure l'interprète jalouse et ne souffre pas qu'on oppose
+l'autorité des Écritures aux décisions des Conciles<a id="footnotetag723" name="footnotetag723"></a><a href="#footnote723" title="Lien vers la note 723"><span class="smaller">[723]</span></a>. Quels
+étaient les livres qu'elle jugeait, sans les avoir lus, contraires à
+ceux de Notre-Seigneur, dans lesquels elle paraissait lire à pleines
+pages par les yeux de l'esprit? Les sacrés canons, semblait-il, et les
+saintes décrétales. Cette parole d'une enfant contenait de quoi ruiner
+l'Église tout entière. Les docteurs de Poitiers, s'ils avaient été
+moins Armagnacs, auraient dès lors flairé Jeanne avec méfiance et
+trouvé qu'elle sentait la persinée. Mais ils servaient fidèlement les
+maisons d'Orléans et de France; leurs robes étaient percées, <span class="pagenum"><a id="page231" name="page231"></a>(p. 231)</span>
+leurs marmites vides<a id="footnotetag724" name="footnotetag724"></a><a href="#footnote724" title="Lien vers la note 724"><span class="smaller">[724]</span></a>, ils n'espéraient plus qu'en Dieu, et
+craignaient, en rejetant cette jeune fille, de rebuter le
+Saint-Esprit. D'ailleurs, rien ne les empêchait de croire que Jeanne
+eût ainsi parlé par ignorance et simplicité, sans malice aucune. C'est
+pourquoi sans doute ils ne se scandalisèrent point.</p>
+
+<p>À son tour, frère Seguin de Seguin interrogea la jeune fille. Il était
+Limousin, et son origine paraissait à son langage. Il parlait avec une
+lenteur pesante et employait des termes ignorés en Lorraine et en
+Champagne. Peut-être avait-il cet air épais et lourd qui rendait les
+gens de son pays un peu ridicules aux Français de la Loire, de la
+Seine et de la Meuse. À cette question:</p>
+
+<p>&mdash;Quelle langue parlent vos Voix?</p>
+
+<p>Jeanne répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Une meilleure que la vôtre<a id="footnotetag725" name="footnotetag725"></a><a href="#footnote725" title="Lien vers la note 725"><span class="smaller">[725]</span></a>.</p>
+
+<p>Les saintes ont leurs moments d'impatience. Si le frère Seguin ne le
+savait pas encore, il l'apprit en ce jour. Aussi pourquoi doutait-il
+que madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite, qui étaient
+du parti des Français, parlassent français? Un tel doute était
+insupportable à Jeanne, et elle fit entendre à l'interrogateur que,
+lorsqu'on est Limousin, on ne s'enquiert point du parler des dames du
+ciel. Cependant il poursuivit son interrogatoire.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page232" name="page232"></a>(p. 232)</span> &mdash;Croyez-vous en Dieu?</p>
+
+<p>&mdash;Oui, et mieux que vous, fit la Pucelle, qui, ne connaissant point le
+bon frère, semblait peut-être un peu prompte à s'estimer mieux
+croyante que lui. Mais elle était outrée qu'on pût douter de sa
+créance au Dieu qui l'avait envoyée. Sa réponse, à la bien entendre,
+attestait l'ardeur de sa foi. Frère Seguin l'entendit-il ainsi? Des
+contemporains disent qu'il se montra fort aigre personne. On a des
+raisons de croire, au contraire, qu'il était bon homme<a id="footnotetag726" name="footnotetag726"></a><a href="#footnote726" title="Lien vers la note 726"><span class="smaller">[726]</span></a>.</p>
+
+<p>&mdash;Mais enfin, dit-il, Dieu ne veut pas qu'on vous croie, s'il ne
+paraît quelque signe montrant qu'il vous faut croire. Nous ne saurions
+conseiller au roi de vous confier, sur votre seule parole, des gens
+d'armes et de les mettre ainsi en péril.</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu, répondit-elle, je ne suis pas venue à Poitiers pour
+faire signes. Mais menez-moi à Orléans, et je vous montrerai signes
+pour quoi je suis envoyée. Qu'on me donne des hommes en si grand
+nombre qu'on le jugera bon, et j'irai à Orléans.</p>
+
+<p>Et elle dit encore ce qu'elle disait sans cesse:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page233" name="page233"></a>(p. 233)</span> &mdash;Les Anglais seront tous chassés et détruits. Le siège
+d'Orléans sera levé et la ville affranchie de ses ennemis, après que
+j'en aurai fait sommation de par le Roi du ciel. Le roi sera sacré à
+Reims, la ville de Paris remise en l'obéissance du roi, et le duc
+d'Orléans reviendra d'Angleterre<a id="footnotetag727" name="footnotetag727"></a><a href="#footnote727" title="Lien vers la note 727"><span class="smaller">[727]</span></a>.</p>
+
+<p>Longtemps, à l'exemple de frère Seguin de Seguin, plusieurs docteurs
+et maîtres la pressèrent de montrer un signe de sa mission. Ils
+estimaient en effet que, si Dieu l'avait choisie pour délivrer le
+peuple de France, il ne manquerait pas de rendre ce choix manifeste
+par un signe de sa main, ainsi qu'il avait fait pour Gédéon, fils de
+Josias. Quand Israël était humilié sous Madian, et lorsque, pour
+échapper à ses ennemis, le peuple de Dieu se cachait dans les cavernes
+des montagnes, l'Ange apparut à Gédéon sous un chêne et, parlant au
+nom du Seigneur lui dit: «Je serai avec toi et tu détruiras les
+madianites.» À quoi Gédéon répondit: «Si j'ai trouvé grâce devant toi,
+fais-moi connaître par un signe que c'est toi qui me parles.» Il fit
+cuire un chevreau, pétrit des pains sans levain, mit la chair dans une
+corbeille et le jus dans un vase, et déposa sous le chêne le vase et
+la corbeille. Alors l'Ange du Seigneur lui dit: <span class="pagenum"><a id="page234" name="page234"></a>(p. 234)</span> «Prends la
+chair et les pains sans levain, pose-les sur cette pierre et verse
+dessus le jus de la chair.» Ce que Gédéon ayant fait, l'Ange toucha de
+son bâton la chair et les pains sans levain, et aussitôt il sortit un
+feu de la pierre qui consuma la chair et les pains. Et Gédéon
+connaissant qu'il avait vu l'Ange du Seigneur, s'écria: «Hélas! mon
+Dieu! car j'ai vu l'Ange du Seigneur face à face!» Et avec trois cents
+hommes, il détruisit le peuple madianite. Les docteurs avaient cet
+exemple présent à l'esprit<a id="footnotetag728" name="footnotetag728"></a><a href="#footnote728" title="Lien vers la note 728"><span class="smaller">[728]</span></a>.</p>
+
+<p>Mais pour la Pucelle, le signe de victoire, c'était la victoire même.
+Elle ne cessa de dire:</p>
+
+<p>&mdash;Le signe que je vous montrerai, ce sera Orléans secouru et le siège
+levé<a id="footnotetag729" name="footnotetag729"></a><a href="#footnote729" title="Lien vers la note 729"><span class="smaller">[729]</span></a>.</p>
+
+<p>La constance avec laquelle elle persévérait dans ce propos frappa la
+plupart des interrogateurs qui estimèrent qu'elle devait être pour
+eux, non pas une occasion de tiédeur et de doute, mais un exemple de
+ferveur et un sujet d'édification, et que, puisqu'elle promettait de
+montrer signe, il leur convenait de demander humblement à Dieu qu'il
+le lui envoyât, d'espérer comme elle, et, unis au roi et à tout le
+peuple de France, de demander les enseignes de victoire au Dieu qui
+délivra Israël. Ainsi tombaient les raisons du bon frère Seguin et de
+ceux qui, séduits par les <span class="pagenum"><a id="page235" name="page235"></a>(p. 235)</span> conseils de la sagesse humaine,
+voulaient des preuves pour croire.</p>
+
+<p>Après un examen qui dura six semaines, les docteurs se déclarèrent
+édifiés<a id="footnotetag730" name="footnotetag730"></a><a href="#footnote730" title="Lien vers la note 730"><span class="smaller">[730]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y avait un point dont il convenait de s'assurer: il fallait savoir
+si, comme elle le disait, Jeanne était vierge. À la vérité, des
+matrones l'avaient déjà examinée lors de sa venue à Chinon, quand on
+ne savait pas seulement si elle était fille ou garçon, et quand on
+pouvait craindre même qu'elle ne fût une illusion en semblance de
+femme, produite par l'art des démons, ce que les savants ne pensaient
+pas impossible<a id="footnotetag731" name="footnotetag731"></a><a href="#footnote731" title="Lien vers la note 731"><span class="smaller">[731]</span></a>. Il n'était pas mort depuis longtemps, ce chanoine
+qui croyait que parfois des chevaliers se transforment en ours et que
+des esprits parcourent cent lieues en une nuit, puis, tout à coup, se
+changent en truies et en fétus de paille<a id="footnotetag732" name="footnotetag732"></a><a href="#footnote732" title="Lien vers la note 732"><span class="smaller">[732]</span></a>. On avait donc fait tout
+de suite le nécessaire. Mais il convenait de procéder à une visite
+exacte, prudente et sage, tant la chose était de conséquence.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page236" name="page236"></a>(p. 236)</span> CHAPITRE VIII<br>
+
+<span class="smaller">LA PUCELLE À POITIERS (<i>Suite</i>).</span></h2>
+
+
+<p>Une croyance commune aux doctes et aux ignorants attachait des vertus
+singulières à l'état de virginité. Ces idées remontaient jusqu'à une
+antiquité vaste et profonde: l'origine s'en perdait dans un passé qui
+n'était point chrétien; c'était un legs immémorial, dont une part
+venait des Gaulois et des Germains, une autre part des Romains et des
+Grecs. Sur cette terre des Gaules, les blanches prêtresses des forêts
+avaient laissé quelque souvenir de leur beauté sacrée; et l'on voyait
+parfois encore flotter dans l'île de Sein, le long des bords brumeux
+de l'Océan, l'ombre pâle des neuf s&oelig;urs qui, aux jours passés,
+endormaient à leur volonté ou éveillaient la tempête.</p>
+
+<p>Selon ces croyances, écloses dans la jeunesse des peuples, le don de
+prophétie est réservé aux vierges. <span class="pagenum"><a id="page237" name="page237"></a>(p. 237)</span> C'est le partage d'une
+Cassandre et d'une Velléda. Les Sibylles passaient pour avoir
+prophétisé la venue de Jésus-Christ; on les tenait, dans l'Église,
+pour les gardiennes de la révélation première au milieu des Gentils,
+et on les vénérait comme les s&oelig;urs augustes des prophètes d'Israël.
+La prose des Morts atteste l'une d'elles en même temps que le roi
+David. Quelles fraudes pieuses établirent leur gloire prophétique,
+c'est ce que nous devons ignorer ici autant que l'ignorait un Jean
+Gerson ou un Gérard Machet. Il nous faut voir, au contraire, avec les
+docteurs du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, ces vierges annonçant la vérité aux
+nations qui les vénéraient sans les comprendre. Telle était l'antique
+tradition de l'Église chrétienne. Les Pères les plus anciens, Justin,
+Origène, Clément d'Alexandrie faisaient grand usage des oracles
+sibyllins, et les païens ne savaient trop que répondre quand Lactance
+leur opposait le témoignage de ces prophétesses des nations. Saint
+Jérôme, sur la foi de Varron, croyait fermement à leur existence.
+Saint Augustin met dans la <i>Cité de Dieu</i> la Sibylle Érythrée qui,
+dit-il, annonça sans mélange d'erreurs la vie du Sauveur. Dès le
+<span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> siècle, ces vierges antiques avaient pris place dans les
+cathédrales au côté des patriarches et des prophètes. Mais c'est au
+<span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> que leurs images se montrent en foule, sculptées au portail des
+églises, taillées dans les stalles du ch&oelig;ur, peintes sur les murs
+des chapelles ou sur les verrières lumineuses. Chacune a son attribut
+distinctif. La Persique tient cette lanterne <span class="pagenum"><a id="page238" name="page238"></a>(p. 238)</span> et la Libyque
+cette torche, qui percèrent les ténèbres de la gentilité. L'Agrippe,
+l'Européenne et l'Érythrée sont armées du glaive; la Phrygienne porte
+la croix pascale; l'Hellespontine présente un rosier fleuri; les
+autres montrent les signes visibles du mystère qu'elles ont annoncé:
+la Cumane, une crèche; la Delphique, la Samienne, la Tiburtine, la
+Cimmérienne, une couronne d'épines, un sceptre de roseau, des verges,
+une croix<a id="footnotetag733" name="footnotetag733"></a><a href="#footnote733" title="Lien vers la note 733"><span class="smaller">[733]</span></a>.</p>
+
+<p>L'économie même de la religion chrétienne, l'ordre de ses mystères où
+l'on voit l'humanité perdue par une femme et sauvée par une vierge, et
+toute chair enveloppée, dans la malédiction d'Ève, conduisait au
+triomphe de la virginité et à l'exaltation d'un état qui, pour parler
+comme un Père de l'Église, est dans la chair sans être charnel.</p>
+
+<p>«C'est la virginité, dit saint Grégoire de Nysse, qui fait que Dieu ne
+refuse pas de vivre avec les hommes. C'est elle qui donne aux hommes
+des ailes pour prendre leur vol vers le ciel.» La virginité élève
+l'apôtre Jean au-dessus même du prince des apôtres. Lors des
+funérailles <span class="pagenum"><a id="page239" name="page239"></a>(p. 239)</span> de Marie, Pierre remit à Jean la branche de
+palmier et dit: «Il convient à celui qui est vierge de porter la palme
+de la Vierge<a id="footnotetag734" name="footnotetag734"></a><a href="#footnote734" title="Lien vers la note 734"><span class="smaller">[734]</span></a>.»</p>
+
+<p>La vierge Marie, la Vierge par excellence, était, dans l'occident
+chrétien, depuis le <span class="smcap">XII</span><sup>e</sup> siècle, l'objet d'un culte ardent et
+tendre<a id="footnotetag735" name="footnotetag735"></a><a href="#footnote735" title="Lien vers la note 735"><span class="smaller">[735]</span></a>. Les grandes cathédrales du nord de la France, placées
+sous le vocable de Notre-Dame, célébraient leur fête patronale le jour
+de l'Assomption. Contre le pilier symbolique du grand portail
+s'élevait l'image de la Vierge avec son divin Enfant et le lis
+virginal. Parfois Ève figurait au-dessous, afin qu'on vît en même
+temps la faute et la rédemption, la seconde Ève rachetant la première,
+la vierge exaltée et la femme humiliée. Au tympan des portails se
+déroulent des scènes merveilleuses. La Vierge est agenouillée: près
+d'elle un lis fleurit dans un vase. L'ange, un lis à la main, lui dit
+<i>AVE</i>, retournant ainsi le nom d'<i>EVA</i>, <i>mutans Evae nomen</i>. Ou bien
+encore, les pieds posés sur le croissant de la lune, elle s'élève au
+plus haut des cieux: <i>Exaltata est super choros angelorum.</i> Plus loin,
+elle reçoit de Jésus-Christ la couronne précieuse: <i>Posuit in capite
+ejus coronam de lapide pretioso.</i> Les vitraux représentaient en joyaux
+de lumière les figures de la virginité de Marie: la pierre vue par
+<span class="pagenum"><a id="page240" name="page240"></a>(p. 240)</span> Daniel, détachée de la montagne sans la main d'aucun homme,
+la toison de Gédéon, le buisson ardent de Moïse et la verge fleurie
+d'Aaron.</p>
+
+<p>Célébrée en des hymnes, des séquences et des litanies, avec une
+inépuisable abondance d'images, elle était la Rose mystique, la Tour
+d'ivoire, l'Arche d'alliance, la Porte du ciel, l'Étoile du matin.
+Elle était le Puits des eaux vives, la Fontaine du jardin, le Verger
+clos, la Gemme lumineuse, la Fleur des vertus, la Palme de douceur, le
+Myrte de tempérance, le Nard odorant.</p>
+
+<p>L'idée qu'en la virginité résidaient la grâce et la puissance prenait,
+dans la légende dorée, les formes les plus riches et les plus
+charmantes. Les hagiographies comblent des plus douces louanges les
+épouses de Jésus-Christ, celles-là surtout qui mirent sur la robe
+blanche de la virginité les roses rouges du martyre. C'était pendant
+la passion des vierges que s'accomplissaient les miracles de la grâce
+la plus abondante. Les anges apportent à Dorothée les roses célestes
+qu'elle répand sur ses bourreaux. Les vierges martyres commandent aux
+animaux. Les lions de l'amphithéâtre lèchent les pieds de sainte
+Thècle; les bêtes fauves du cirque se réunissent et nouent leurs
+queues ensemble pour préparer un trône à sainte Euphémie; des aspics,
+dans une fosse profonde, forment autour du col de sainte Christine
+d'agréables colliers. Le divin Époux pour lequel elles souffrent ne
+permet pas du moins qu'elles souffrent dans leur pudeur. Quand le
+bourreau <span class="pagenum"><a id="page241" name="page241"></a>(p. 241)</span> arrache les vêtements d'Agnès, les cheveux de la
+sainte s'épaississent et lui font une robe miraculeuse; avant qu'on
+promène sainte Barbe nue par les rues, un ange lui apporte une tunique
+blanche. Ces Agnès et ces Dorothée, ces Catherine et ces Marguerite,
+cette légion d'innocentes victorieuses disposaient les âmes à croire
+au miracle d'une vierge plus forte que les archers. Sainte Geneviève
+n'avait-elle pas détourné de Paris Attila et ses guerriers barbares?</p>
+
+<p>Cette croyance en une vertu attachée à l'état de virginité se trouve
+vivement exprimée dans la fable, si répandue alors, de la Licorne et
+de la Pucelle.</p>
+
+<p>La licorne était un cheval-chèvre d'une blancheur immaculée; elle
+portait au front une merveilleuse épée. Les veneurs qui la voyaient
+passer dans les clairières n'avaient jamais pu l'atteindre, tant elle
+était rapide. Mais si une vierge, assise dans la forêt, appelait la
+licorne, la bête obéissait, inclinait sa tête sur le giron de
+l'enfant, se laissait prendre, enchaîner par d'aussi faibles mains. Au
+contraire, il ne fallait pas qu'une fille corrompue et non pucelle
+l'approchât: la licorne la tuait aussitôt<a id="footnotetag736" name="footnotetag736"></a><a href="#footnote736" title="Lien vers la note 736"><span class="smaller">[736]</span></a>.</p>
+
+<p>On disait même qu'une vierge avait le pouvoir de <span class="pagenum"><a id="page242" name="page242"></a>(p. 242)</span> guérir les
+écrouelles en récitant à jeun et nue certaine formule magique, mais ce
+n'était pas parole d'Évangile<a id="footnotetag737" name="footnotetag737"></a><a href="#footnote737" title="Lien vers la note 737"><span class="smaller">[737]</span></a>.</p>
+
+<p>Si les mystiques et les visionnaires exaltaient la virginité,
+l'Église, jalouse de gouverner les corps avec les âmes, condamnait les
+opinions contraires à la légitimité du mariage, dont elle avait fait
+un sacrement. Elle tenait pour des impies très détestables ceux qui
+réprouvaient absolument l'&oelig;uvre de chair. Une fille était louable
+de garder sa virginité; encore fallait-il que ce ne fût pas pour des
+raisons pernicieuses et condamnables. Deux cents ans avant que régnât
+le roi Charles VII, une jeune fille de Reims éprouva qu'on peut pécher
+gravement contre l'Église de Dieu en refusant de forniquer avec un
+clerc dans une vigne. Voici l'histoire de cette jeune fille, telle
+qu'elle fut rapportée par le chanoine Gervais.</p>
+
+<p>Guillaume aux Blanches Mains, archevêque de Reims, oncle du roi
+Philippe de France, chevauchait un jour hors de sa ville pour se
+divertir. Un clerc de sa suite, nommé Gervais, qui était dans l'ardeur
+de la jeunesse, aperçut une belle jeune fille qui passait seule dans
+une vigne. Il alla vers elle, la salua, et lui demanda: «Qu'avez-vous
+donc à faire seule en si grande hâte?» Et, par propos congruents, il
+la sollicita courtoisement à l'amour.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page243" name="page243"></a>(p. 243)</span> Sans même le regarder, elle lui répondit d'un maintien
+tranquille et d'une voix grave:</p>
+
+<p>&mdash;À Dieu ne plaise, ô bon jouvenceau, que je sois jamais l'amie de toi
+ou d'aucun autre homme, car si je perdais ma virginité et si ma chair
+était une fois corrompue, je serais vouée infailliblement et sans
+remède à la damnation éternelle.</p>
+
+<p>En entendant un tel langage il soupçonna la jeune fille d'appartenir à
+la secte impie des cathares que l'Église recherchait alors avec soin
+et punissait sévèrement. En effet, une des erreurs de ces hérétiques
+était de condamner tout commerce charnel. Impatient d'éclaircir ses
+doutes, Gervais provoqua aussitôt la jouvencelle à un débat sur
+l'enseignement de l'Église relativement à l'&oelig;uvre de chair.
+Cependant l'archevêque Guillaume aux Blanches Mains fit retourner sa
+monture et poussa, suivi de ses religieux, jusqu'à la vigne où la
+jeune fille et le clerc disputaient ensemble. Lorsqu'il eut appris le
+sujet de leur dispute, il ordonna qu'on saisît cette jeune fille et
+qu'on l'amenât dans la ville. Là, il l'exhorta et s'efforça
+charitablement de la convertir à la foi catholique.</p>
+
+<p>Pourtant elle ne se soumit point.</p>
+
+<p>&mdash;Je ne suis pas, lui dit-elle, assez instruite dans la doctrine pour
+me défendre. Mais j'ai en ville une maîtresse qui réfutera très
+facilement, par de bonnes raisons, tous vos arguments. C'est une telle
+qui loge en telle maison.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page244" name="page244"></a>(p. 244)</span> L'archevêque Guillaume envoya aussitôt quérir cette femme et,
+l'ayant interrogée, il reconnut que la jeune fille avait parlé d'elle
+exactement. Dès le lendemain il convoqua une assemblée de clercs et de
+nobles pour juger les deux femmes. Elles furent l'une et l'autre
+condamnées au feu. La maîtresse parvint à s'échapper, mais la jeune
+fille, n'ayant pu être, par persuasion ni promesses, tirée de sa
+pernicieuse erreur, fut livrée au bourreau. Elle mourut sans verser
+une larme, sans murmurer une plainte<a id="footnotetag738" name="footnotetag738"></a><a href="#footnote738" title="Lien vers la note 738"><span class="smaller">[738]</span></a>.</p>
+
+<p>On croyait communément alors que le diable prenait la virginité des
+filles qui se donnaient à lui et que c'était le premier acte par
+lequel il exerçait sa puissance sur ces malheureuses créatures<a id="footnotetag739" name="footnotetag739"></a><a href="#footnote739" title="Lien vers la note 739"><span class="smaller">[739]</span></a>.
+Cette façon d'agir était conforme à ce qu'on savait de son tempérament
+libidineux. Il y goûtait un plaisir accommodé à sa condition
+souffrante; il y obtenait de plus un avantage considérable, celui de
+désarmer sa victime, car la virginité est une cuirasse contre laquelle
+les traits de l'enfer se brisent comme paille. De la sorte on était
+presque assuré de ne point trouver dans un corps intact et pur une âme
+vouée au démon<a id="footnotetag740" name="footnotetag740"></a><a href="#footnote740" title="Lien vers la note 740"><span class="smaller">[740]</span></a>. Il y avait donc un moyen, autant dire
+infaillible, de constater que la paysanne de Vaucouleurs n'était pas
+adonnée à la <span class="pagenum"><a id="page245" name="page245"></a>(p. 245)</span> magie ni à la sorcellerie, qu'elle n'avait
+point fait de pacte avec le Malin. On y eut recours.</p>
+
+<p>Jeanne fut vue, visitée, secrètement regardée, amplement examinée par
+de sages femmes, <i>mulieres doctas</i>, des vierges expertes, <i>peritas
+virgines</i>, des veuves et des épouses, <i>viduas et conjugatas</i>. Au
+premier rang de ces matrones se trouvaient la reine de Sicile et de
+Jérusalem, duchesse d'Anjou; la dame Jeanne de Preuilly, femme du sire
+de Gaucourt, gouverneur d'Orléans, laquelle était âgée de
+cinquante-sept ans environ, et la dame Jeanne de Mortemer, femme de
+messire Robert Le Maçon, seigneur de Trêves, homme d'un grand
+âge<a id="footnotetag741" name="footnotetag741"></a><a href="#footnote741" title="Lien vers la note 741"><span class="smaller">[741]</span></a>. Celle-ci n'avait pas plus de dix-huit ans, et l'on eût cru
+qu'elle connaissait mieux le calendrier des vieillards que le
+formulaire des matrones. Ce qui semble étrange, c'est l'assurance avec
+laquelle les prudes femmes d'alors se livraient à une recherche que le
+roi Salomon, dans sa sagesse, estimait difficile.</p>
+
+<p>Jeanne de Domremy fut trouvée vraie et entière pucelle, sans apparence
+de corruption ni trace de violence<a id="footnotetag742" name="footnotetag742"></a><a href="#footnote742" title="Lien vers la note 742"><span class="smaller">[742]</span></a>.</p>
+
+<p>En même temps qu'elle subissait les interrogatoires des docteurs et
+l'examen des matrones, plusieurs religieux, envoyés dans son pays
+natal, y poursuivaient <span class="pagenum"><a id="page246" name="page246"></a>(p. 246)</span> une enquête sur sa naissance, sa vie
+et ses m&oelig;urs<a id="footnotetag743" name="footnotetag743"></a><a href="#footnote743" title="Lien vers la note 743"><span class="smaller">[743]</span></a>. Ils avaient été choisis parmi ces moines
+mendiants qui, sans cesse par voies et par chemins, pouvaient se
+mouvoir en pays ennemi sans éveiller la défiance des Anglais et des
+Bourguignons. En effet, ils ne furent point inquiétés et ils
+rapportèrent de Domremy et de Vaucouleurs des témoignages certains qui
+attestaient l'humilité, la dévotion, l'honnêteté et la simplicité de
+Jeanne. Ils en rapportèrent surtout des contes pieux qu'ils n'avaient
+pas eu grand'peine à trouver, car c'était ceux dont on ornait
+communément l'enfance des saints. Il est juste de faire à ces moines
+une très grande part dans les légendes de la première heure qui
+devinrent si vite populaires. Ils contèrent, dès lors, selon toute
+apparence, que, lorsque Jeanne était dans sa septième année, les loups
+n'approchaient point de ses moutons et que les oiseaux des bois, quand
+elle les appelait, venaient manger son pain dans son giron<a id="footnotetag744" name="footnotetag744"></a><a href="#footnote744" title="Lien vers la note 744"><span class="smaller">[744]</span></a>. Ces
+fleurettes semblent bien d'origine franciscaine: on y retrouve le loup
+de Gubbio et les oiseaux prêchés par saint François. Peut-être ces
+mendiants fournirent-ils aussi quelques exemples du don de prophétie
+qui était en la Pucelle, et publièrent-ils que, se trouvant à
+Vaucouleurs, le jour des Harengs, elle avait su le grand dommage
+souffert par les Français à <span class="pagenum"><a id="page247" name="page247"></a>(p. 247)</span> Rouvray<a id="footnotetag745" name="footnotetag745"></a><a href="#footnote745" title="Lien vers la note 745"><span class="smaller">[745]</span></a>. La fortune de ces
+petits récits fut immense et soudaine.</p>
+
+<p>Après cet examen et ces enquêtes, les docteurs conclurent:</p>
+
+<p>«Le roi, attendu la nécessité de lui et de son royaume, et considéré
+les continues prières de son pauvre peuple envers Dieu et tous autres
+aimant paix et justice, ne doit point débouter ni rejeter la Pucelle,
+qui se dit être envoyée de par Dieu pour lui donner secours, non
+obstant que ces promesses soient seules<a id="footnotetag746" name="footnotetag746"></a><a href="#footnote746" title="Lien vers la note 746"><span class="smaller">[746]</span></a> &oelig;uvres humaines; ni
+aussi ne doit croire en elle tant tôt et légèrement. Mais en suivant
+la sainte Écriture, il la doit éprouver par deux manières: c'est
+assavoir par prudence humaine, en enquérant de sa vie, de ses m&oelig;urs
+et de son intention, comme dit saint Paul l'Apôtre: <i>Probate spiritus,
+si ex Deo sunt</i>; et, par dévote oraison, requérir signe d'aucune
+&oelig;uvre et espérance divine, par quoi on puisse juger qu'elle est
+venue de la volonté de Dieu. Aussi commanda Dieu à Achaz, qu'il
+demandât signe, quand Dieu lui faisait promesse de victoire, en lui
+disant: <i>Pete signum a Domino</i>; et semblablement fit Gédéon, qui
+demanda signe, et plusieurs autres, etc.</p>
+
+<p>»Le roi, depuis la venue de ladite Pucelle, a observé et tenu les deux
+manières susdites: c'est assavoir <span class="pagenum"><a id="page248" name="page248"></a>(p. 248)</span> probation par prudence
+humaine et par oraison, en demandant signe de Dieu. Quant à la
+première qui est par prudence humaine, il a fait éprouver ladite
+Pucelle de sa vie, de sa naissance, de ses m&oelig;urs, de son intention
+et l'a fait garder avec lui bien par l'espace de six semaines pour la
+montrer à toutes gens soit clercs, gens d'Église, gens de dévotion,
+gens d'armes, femmes, veuves et autres. Et publiquement et secrètement
+elle a conversé avec toutes gens. Mais en elle on ne trouve point de
+mal, et rien que bien, humilité, virginité, dévotion, honnêteté,
+simplesse; et de sa naissance et de sa vie plusieurs choses
+merveilleuses sont dites comme vraies.</p>
+
+<p>»Quant à la seconde manière de probation, le roi lui demanda signe, à
+quoi elle répond que, devant la ville d'Orléans, elle le montrera, et
+non pas avant ni en autre lieu: car ainsi lui est ordonné de par Dieu.</p>
+
+<p>»Le roi, attendu la probation faite, de ladite Pucelle, autant qu'il
+lui était possible, et nul mal ne trouvant en elle, et considéré sa
+réponse qui est de montrer signe divin devant Orléans; vu sa constance
+et sa persévérance en son propos, et ses requêtes instantes d'aller à
+Orléans, pour y montrer le signe de divin secours, ne la doit point
+empêcher d'aller à Orléans avec ses gens d'armes; mais la doit faire
+conduire honnêtement, en espérant en Dieu. Car avoir crainte d'elle ou
+la rejeter sans apparence de mal serait répugner au Saint-Esprit, et
+se rendre indigne de l'aide de <span class="pagenum"><a id="page249" name="page249"></a>(p. 249)</span> Dieu, comme dit Gamaliel en
+un conseil des Juifs au regard des Apôtres<a id="footnotetag747" name="footnotetag747"></a><a href="#footnote747" title="Lien vers la note 747"><span class="smaller">[747]</span></a>.»</p>
+
+<p>En résumé, la conclusion des docteurs était que rien de divin ne
+paraissait encore dans les promesses de la Pucelle, mais qu'elle avait
+été examinée et trouvée humble, vierge, dévote, honnête, simple et
+toute bonne et que, puisqu'elle avait promis de montrer un signe de
+Dieu devant Orléans, il fallait l'y conduire, de peur de repousser
+avec elle les grâces de l'Esprit-Saint.</p>
+
+<p>Ces conclusions furent copiées à un grand nombre d'exemplaires et
+envoyées aux villes du royaume ainsi qu'aux princes de la chrétienté.
+L'empereur Sigismond, notamment, en reçut une copie<a id="footnotetag748" name="footnotetag748"></a><a href="#footnote748" title="Lien vers la note 748"><span class="smaller">[748]</span></a>. Si, par une
+enquête de six semaines, suivie d'une conclusion favorable et
+solennelle, les docteurs de Poitiers voulurent mettre en lumière et en
+honneur la Pucelle, préparer, annoncer la merveille qu'ils avaient
+sous la main, la montrer de manière à réconforter les Français, ils
+réussirent parfaitement dans leur entreprise<a id="footnotetag749" name="footnotetag749"></a><a href="#footnote749" title="Lien vers la note 749"><span class="smaller">[749]</span></a>. Cette longue
+information, ces minutieux examens rassurèrent en France les esprits
+défiants qui craignaient qu'une fille habillée en homme ne fût une
+diablesse, éblouirent les imaginations par l'espoir du miracle,
+touchèrent les <span class="pagenum"><a id="page250" name="page250"></a>(p. 250)</span> c&oelig;urs en faveur de cette jeune fille qui
+sortait du creuset radieuse et comme environnée d'une lumière céleste.
+La victoire remportée par elle dans cette dispute avec les docteurs la
+faisait paraître une autre sainte Catherine<a id="footnotetag750" name="footnotetag750"></a><a href="#footnote750" title="Lien vers la note 750"><span class="smaller">[750]</span></a>. Et comme ce n'était
+pas assez pour la foule avide de prodiges qu'elle eût répondu sagement
+aux questions difficiles, on imagina qu'elle avait été soumise à des
+épreuves étranges et telles qu'elle n'avait pu les surmonter que par
+miracle. C'est ainsi qu'on raconta quelques semaines après l'enquête,
+en Bretagne et en Flandres, l'histoire merveilleuse que voici: À
+Poitiers, comme elle se préparait à recevoir la communion, le prêtre
+avait une hostie consacrée et une autre qui ne l'était pas; il voulut
+lui donner celle qui n'était pas consacrée; elle la prit dans sa main
+et dit au prêtre que cette hostie n'était pas le corps du Christ son
+Rédempteur, mais que ce corps était dans l'hostie que le prêtre avait
+mise sous le corporal<a id="footnotetag751" name="footnotetag751"></a><a href="#footnote751" title="Lien vers la note 751"><span class="smaller">[751]</span></a>. Comment douter après cela que Jeanne ne
+fût une grande sainte?</p>
+
+<p>À la clôture des enquêtes, une occasion favorable survint, dans les
+premiers jours d'avril, de jeter la Pucelle dans Orléans. On l'envoya
+d'abord à Tours, pour qu'elle s'y fît équiper et armer<a id="footnotetag752" name="footnotetag752"></a><a href="#footnote752" title="Lien vers la note 752"><span class="smaller">[752]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page251" name="page251"></a>(p. 251)</span> Soixante-six ans plus tard, un habitant de Poitiers, presque
+centenaire, contait à un jeune concitoyen qu'il avait vu la Pucelle
+monter à cheval tout armée de blanc pour aller à Orléans<a id="footnotetag753" name="footnotetag753"></a><a href="#footnote753" title="Lien vers la note 753"><span class="smaller">[753]</span></a>. Il
+montrait au coin de la rue Saint-Étienne la pierre de laquelle elle
+s'était aidée pour se mettre en selle. Jeanne, à Poitiers, n'était
+point armée. Mais la pierre avait reçu du peuple poitevin le nom de
+«montoir de la Pucelle<a id="footnotetag754" name="footnotetag754"></a><a href="#footnote754" title="Lien vers la note 754"><span class="smaller">[754]</span></a>». De quel pied alerte et joyeux la Sainte
+dut sauter de cette pierre sur le cheval qui l'emportait, loin des
+chats fourrés, vers les vaincus et les affligés qu'elle avait hâte de
+secourir!</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page252" name="page252"></a>(p. 252)</span> CHAPITRE IX<br>
+
+<span class="smaller">LA PUCELLE À TOURS.</span></h2>
+
+
+<p>À Tours, la Pucelle logea en l'hôtel d'une dame qu'on nommait
+communément Lapau<a id="footnotetag755" name="footnotetag755"></a><a href="#footnote755" title="Lien vers la note 755"><span class="smaller">[755]</span></a>. C'était Éléonore de Paul, une Angevine qui
+avait été demoiselle de la reine Marie d'Anjou. Ayant épousé Jean du
+Puy, seigneur de la Roche-Saint-Quentin, conseiller de la reine de
+Sicile, elle restait encore auprès de la reine de France<a id="footnotetag756" name="footnotetag756"></a><a href="#footnote756" title="Lien vers la note 756"><span class="smaller">[756]</span></a>.</p>
+
+<p>La ville de Tours appartenait alors à la reine de Sicile qui
+s'enrichissait à mesure que son gendre se ruinait. Elle l'aidait en
+argent et il lui donnait des terres. C'est ainsi qu'en 1424 elle reçut
+le duché de Touraine avec toutes ses dépendances, sauf la châtellenie
+de Chinon<a id="footnotetag757" name="footnotetag757"></a><a href="#footnote757" title="Lien vers la note 757"><span class="smaller">[757]</span></a>. Les bourgeois et manants de Tours avaient <span class="pagenum"><a id="page253" name="page253"></a>(p. 253)</span>
+bon désir de la paix. En attendant qu'elle vînt, ils tâchaient à
+grand'peine d'échapper aux pilleries des gens d'armes. Ni le roi
+Charles ni la reine Yolande n'étaient capables de les défendre et il
+leur fallait se défendre eux-mêmes<a id="footnotetag758" name="footnotetag758"></a><a href="#footnote758" title="Lien vers la note 758"><span class="smaller">[758]</span></a>. Quand un de ces chefs de
+bandes, qui ravageaient la Touraine et l'Anjou, était signalé par les
+guetteurs de la ville, les bourgeois fermaient leurs portes et
+veillaient à ce que les couleuvrines fussent en place. On
+parlementait; le capitaine, au bord du fossé, exposait qu'il était au
+service du roi, qu'il allait combattre les Anglais, qu'il demandait à
+coucher dans la ville avec ses hommes; on l'invitait poliment, du haut
+de la muraille, à passer outre et, pour qu'il ne fût pas tenté de
+forcer l'entrée, on lui offrait une somme d'argent<a id="footnotetag759" name="footnotetag759"></a><a href="#footnote759" title="Lien vers la note 759"><span class="smaller">[759]</span></a>. De peur
+d'être écorchés, les bourgeois se faisaient tondre. C'est ainsi que,
+peu de jours avant la venue de Jeanne, ils donnèrent à l'Écossais
+Kennedy, qui ravageait les environs, deux cents livres pour qu'il
+allât un peu plus loin. Quand ils s'étaient débarrassés de leurs
+défenseurs, leur plus grand souci était de se garder des Anglais. Le
+29 février de cette même année 1429, ces bourgeois prêtèrent cent écus
+au capitaine La Hire qui, pour lors, faisait de son mieux dans
+Orléans. Et même à l'approche des Anglais, ils consentirent <span class="pagenum"><a id="page254" name="page254"></a>(p. 254)</span>
+à recevoir quarante hommes de trait, de la compagnie du sire de Bueil,
+à la condition que Bueil logeât au Château avec vingt hommes et que
+les autres allassent dans les hôtelleries et ne prissent rien sans
+payer. Il en fut ainsi ou autrement, et le sire de Bueil s'en alla
+défendre Orléans<a id="footnotetag760" name="footnotetag760"></a><a href="#footnote760" title="Lien vers la note 760"><span class="smaller">[760]</span></a>.</p>
+
+<p>Dans l'hôtel de Jean du Puy, Jeanne reçut la visite d'un moine
+augustin, nommé Jean Pasquerel, qui revenait de la ville du
+Puy-en-Velay où il s'était rencontré avec Isabelle Romée et
+quelques-uns de ceux qui avaient mené Jeanne au roi<a id="footnotetag761" name="footnotetag761"></a><a href="#footnote761" title="Lien vers la note 761"><span class="smaller">[761]</span></a>.</p>
+
+<p>En cette ville, dans le sanctuaire d'Anis, on gardait une image de la
+mère de Dieu, rapportée d'Égypte par saint Louis et qui était ancienne
+et vénérable, car le prophète Jérémie l'avait taillée de ses mains
+dans du bois de sycomore, à la ressemblance de la vierge à naître
+qu'il avait vue en esprit<a id="footnotetag762" name="footnotetag762"></a><a href="#footnote762" title="Lien vers la note 762"><span class="smaller">[762]</span></a>. Durant la semaine sainte, les pèlerins
+y affluaient de toutes les parties de la France et de l'Europe,
+seigneurs, clercs, gens d'armes, bourgeois et paysans, et beaucoup,
+par pénitence ou pauvreté, cheminaient à pied, le bourdon à la main et
+mendiaient leur pain aux portes. Des marchands de toutes sortes s'y
+rendaient et c'était tout ensemble un des plus fréquentés pèlerinages
+et une des plus riches <span class="pagenum"><a id="page255" name="page255"></a>(p. 255)</span> foires du monde. Aux environs de la
+ville, les chemins ne suffisaient pas aux voyageurs qui envahissaient
+vignes, prés et jardins. En l'an 1407, le jour du pardon, deux cents
+personnes périrent étouffées<a id="footnotetag763" name="footnotetag763"></a><a href="#footnote763" title="Lien vers la note 763"><span class="smaller">[763]</span></a>.</p>
+
+<p>En certaines années, la conception de Notre-Seigneur se trouvant
+commémorée en même temps que sa mort, la promesse du plus grand des
+mystères coïncidait avec sa consommation. Alors le vendredi saint
+devenait plus saint encore; on l'appelait le grand vendredi, et ceux
+qui le passaient dans le sanctuaire d'Anis gagnaient une indulgence
+plénière. Ce jour-là, les pèlerins s'y pressaient encore plus nombreux
+que de coutume. Or, en l'an 1429, le vendredi saint tombait le 25
+mars, jour de l'Annonciation<a id="footnotetag764" name="footnotetag764"></a><a href="#footnote764" title="Lien vers la note 764"><span class="smaller">[764]</span></a>.</p>
+
+<p>Les rencontres que frère Pasquerel fit au Puy, pendant la semaine
+sainte, ne doivent donc pas nous sembler trop extraordinaires. Qu'une
+femme des champs accomplît un voyage de plus de cent lieues, à pied,
+par un pays infesté de gens d'armes et autres larrons, sur de
+mauvaises routes, dans la saison des neiges et des brumes, pour gagner
+son pardon, c'est ce qui se voyait tous les jours; et la Romée n'en
+était pas à son premier pèlerinage, si l'on s'en rapporte au surnom
+qu'elle portait déjà depuis longtemps<a id="footnotetag765" name="footnotetag765"></a><a href="#footnote765" title="Lien vers la note 765"><span class="smaller">[765]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page256" name="page256"></a>(p. 256)</span> Ne sachant point
+quels étaient ceux des compagnons de la Pucelle que rencontra le bon
+Frère, nous sommes libres de croire que Bertrand de Poulengy se
+trouvait du nombre. Nous ne le connaissons guère, mais son langage
+révèle une personne dévote<a id="footnotetag766" name="footnotetag766"></a><a href="#footnote766" title="Lien vers la note 766"><span class="smaller">[766]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces compagnons, s'étant mis sur un pied de familiarité avec Pasquerel,
+lui dirent: «Il vous faut nous accompagner auprès de Jeanne. Nous ne
+vous lâcherons pas que nous ne vous ayons conduit près d'elle.» Ils
+cheminèrent ensemble. Frère Pasquerel passa avec eux à Chinon, quand
+Jeanne n'y était plus; puis il alla à Tours où se trouvait son
+couvent.</p>
+
+<p>Les augustins, qui prétendaient avoir reçu leur règle de saint
+Augustin lui-même, portaient alors l'habit gris des franciscains.
+C'est dans leur ordre, que l'année précédente, le roi avait choisi le
+chapelain de son jeune fils, le dauphin Louis. Frère Pasquerel tenait
+en son couvent l'emploi de lecteur<a id="footnotetag767" name="footnotetag767"></a><a href="#footnote767" title="Lien vers la note 767"><span class="smaller">[767]</span></a>. Il était prêtre. Fort jeune,
+sans doute, et d'humeur errante, comme alors beaucoup de moines
+mendiants, il avait le goût des choses merveilleuses et une extrême
+crédulité.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page257" name="page257"></a>(p. 257)</span> Les compagnons dirent à Jeanne:</p>
+
+<p>&mdash;Jeanne, nous vous avons amené ce bon père. Quand vous le connaîtrez
+bien vous l'aimerez bien.</p>
+
+<p>Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Le bon père me rend bien contente, j'ai déjà entendu parler de lui,
+et dès demain je veux me confesser à lui.</p>
+
+<p>Le lendemain, le bon père l'ouït en confession et chanta la messe
+devant elle. Il devint son aumônier et ne la quitta plus<a id="footnotetag768" name="footnotetag768"></a><a href="#footnote768" title="Lien vers la note 768"><span class="smaller">[768]</span></a>.</p>
+
+<p>Au <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, Tours était une des villes les plus industrieuses du
+royaume. Les habitants excellaient en toutes sortes de métiers. Ils
+tissaient des draps de soie d'or et d'argent. Ils fabriquaient aussi
+des harnais de guerre; et, sans égaler les armuriers de Milan, de
+Nuremberg et d'Augsbourg, ils étaient habiles à forger et à écrouir
+l'acier<a id="footnotetag769" name="footnotetag769"></a><a href="#footnote769" title="Lien vers la note 769"><span class="smaller">[769]</span></a>. Là, un maître-armurier, par ordre du roi, fit sur mesure
+une armure à la Pucelle<a id="footnotetag770" name="footnotetag770"></a><a href="#footnote770" title="Lien vers la note 770"><span class="smaller">[770]</span></a>. L'habillement de fer battu qu'il fournit
+se composait, selon l'usage du temps, d'un heaume et d'une cuirasse en
+quatre pièces, avec épaulières, bras, coudières, avant-bras,
+gantelets, cuissots, genouillères, grèves et solerets<a id="footnotetag771" name="footnotetag771"></a><a href="#footnote771" title="Lien vers la note 771"><span class="smaller">[771]</span></a>. L'ouvrier,
+sans doute, ne songea pas à accuser la forme féminine. Mais les
+armures d'alors, bombées à <span class="pagenum"><a id="page258" name="page258"></a>(p. 258)</span> la poitrine, minces de taille
+avec les tassettes évasées sur les hanches, ont toutes l'air, dans
+leur grâce mièvre et leur sveltesse étrange, d'armures de femmes et
+semblent faites pour la reine Penthésilée ou pour Camille romaine.
+L'armure de la Pucelle était une armure blanche, toute simple, ainsi
+qu'on en peut juger par le prix médiocre de cent livres tournois
+qu'elle coûta. Les deux harnais de Jean de Metz et de son compagnon,
+fournis en même temps par le même armurier, valaient ensemble cent
+vingt-cinq livres tournois<a id="footnotetag772" name="footnotetag772"></a><a href="#footnote772" title="Lien vers la note 772"><span class="smaller">[772]</span></a>. Peut-être un de ces habiles et
+renommés drapiers de Tours prit-il mesure sur la jeune fille d'une
+huque ou houppelande, sorte de casaque de drap de soie, d'or et
+d'argent, que les capitaines passaient par-dessus la cuirasse. Ouverte
+par devant, la huque, pour avoir bon air, devait être déchiquetée en
+lambrequins qui flottaient follement autour du cavalier. Jeanne aimait
+les belles huques et plus encore les beaux chevaux<a id="footnotetag773" name="footnotetag773"></a><a href="#footnote773" title="Lien vers la note 773"><span class="smaller">[773]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi l'invita à prendre un cheval dans ses écuries. Si certain poète
+latin dit vrai, elle choisit une bête <span class="pagenum"><a id="page259" name="page259"></a>(p. 259)</span> illustre assurément
+par son origine, mais très vieille. C'était un destrier que Pierre de
+Beauvau, gouverneur d'Anjou et du Maine, avait donné à l'un des deux
+frères du roi, morts tous deux, l'un depuis déjà treize ans, l'autre
+depuis douze<a id="footnotetag774" name="footnotetag774"></a><a href="#footnote774" title="Lien vers la note 774"><span class="smaller">[774]</span></a>. Ce cheval, ou un autre, fut mené dans la maison
+Lapau, et le duc d'Alençon l'y alla voir. Le cheval dut recevoir aussi
+son habillement, un chanfrein pour protéger la tête et une de ces
+selles de bois à pommeau évasé dans lesquelles le cavalier se trouvait
+parfaitement emboîté<a id="footnotetag775" name="footnotetag775"></a><a href="#footnote775" title="Lien vers la note 775"><span class="smaller">[775]</span></a>. De l'écu, il n'en put être question. Cette
+pièce ne se portait plus qu'aux fêtes depuis que les armures de
+mailles, qui se rompaient sous les coups, étaient remplacées par les
+armures de plates, que rien n'entamait. Quant à l'épée, la plus noble
+pièce du harnais et la plus claire image de la force unie à la
+loyauté, Jeanne ne consentit pas à la tenir de l'armurier royal; elle
+voulut la recevoir de sainte Catherine elle-même.</p>
+
+<p>On sait qu'à sa venue en France, elle s'était arrêtée à Fierbois et
+qu'elle avait entendu trois messes dans la chapelle de sainte
+Catherine<a id="footnotetag776" name="footnotetag776"></a><a href="#footnote776" title="Lien vers la note 776"><span class="smaller">[776]</span></a>. La vierge d'Alexandrie possédait en ce lieu de
+Fierbois beaucoup d'épées, sans compter celle que Charles Martel lui
+avait donnée, disait-on, et qu'il n'aurait pas été facile de
+retrouver. Bonne Tourangelle en Touraine, elle était <span class="pagenum"><a id="page260" name="page260"></a>(p. 260)</span> du
+parti des Armagnacs et se montrait en toutes rencontres favorable aux
+hommes d'armes qui tenaient pour le dauphin Charles. Les capitaines et
+les routiers du parti français, sachant qu'elle leur voulait du bien,
+l'invoquaient préférablement à toute autre, quand ils se trouvaient en
+danger de mort ou prisonniers de leurs ennemis. Elle ne les sauvait
+pas tous, mais elle en secourait plusieurs qui venaient lui rendre
+grâces, et, en signe de reconnaissance, lui offrir leurs harnais de
+guerre; de sorte que la chapelle de madame sainte Catherine
+ressemblait à une salle d'armes<a id="footnotetag777" name="footnotetag777"></a><a href="#footnote777" title="Lien vers la note 777"><span class="smaller">[777]</span></a>. Les murs en étaient tout
+hérissés de fer, et, comme les dons affluaient depuis plus de
+cinquante années, depuis le temps du roi Charles V, il est probable
+que les sacristains décrochaient les anciennes armes pour faire place
+aux nouvelles et entassaient dans quelque magasin la vieille ferraille
+en attendant une occasion favorable de la vendre<a id="footnotetag778" name="footnotetag778"></a><a href="#footnote778" title="Lien vers la note 778"><span class="smaller">[778]</span></a>. Sainte
+Catherine ne pouvait refuser une épée à la jeune fille qu'elle aimait
+jusqu'à descendre du paradis tous les jours et à toute heure pour la
+voir et l'entretenir sur terre et qui, à son tour, lui avait fait une
+bonne et dévote visite en ce lieu de Fierbois. Car il faut savoir que
+sainte Catherine, accompagnée de sainte Marguerite, n'avait pas cessé
+de fréquenter près de Jeanne à Chinon <span class="pagenum"><a id="page261" name="page261"></a>(p. 261)</span> et à Tours. Elle
+faisait partie de toutes ces assemblées secrètes que la Pucelle
+appelait parfois son Conseil et plus souvent ses Voix, sans doute
+parce que ses oreilles et son esprit en étaient encore plus frappés
+que ses yeux, malgré l'éclat des lumières dont elle était parfois
+éblouie et bien qu'elle distinguât des couronnes au front des saintes.
+Les Voix désignèrent une épée entre toutes celles qui se trouvaient
+dans la chapelle de Fierbois. Messire Richard Kyrthrizian et frère
+Gille Lecourt, tous deux prêtres, étaient alors gouverneurs de la
+chapelle. Tel est le titre qu'ils se donnaient en signant les
+relations des miracles de leur sainte. Jeanne, par lettre missive,
+leur fit demander l'épée dont elle avait eu révélation. On la
+trouvera, disait-elle en sa lettre, sous terre, pas fort avant et
+derrière l'autel. Ce fut du moins là toutes les indications qu'elle
+put donner plus tard; encore ne lui souvenait-il plus bien si c'était
+derrière l'autel ou devant. Sut-elle montrer aux gouverneurs de la
+chapelle quelques signes auxquels ils reconnussent l'épée? Elle ne
+s'expliqua jamais sur ce point et sa lettre est perdue<a id="footnotetag779" name="footnotetag779"></a><a href="#footnote779" title="Lien vers la note 779"><span class="smaller">[779]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce qui est certain, c'est qu'elle croyait avoir vu cette épée par
+révélation, et non pas autrement. Un armurier tourangeau, qu'elle ne
+connaissait point (elle affirma depuis ne l'avoir jamais vu), fut
+chargé de porter la lettre à Fierbois. Les gouverneurs de la chapelle
+lui <span class="pagenum"><a id="page262" name="page262"></a>(p. 262)</span> remirent une épée marquée de cinq croix, ou de cinq
+petites épées sur la lame, assez près de la garde. En quel endroit de
+la chapelle l'avaient-ils trouvée? On ne sait. Un contemporain dit que
+ce fut dans un coffre, avec de vieilles ferrailles. Si elle avait été
+cachée et enfouie, ce n'était pas très anciennement; car il suffit de
+la frotter un peu pour en ôter la rouille. Les prêtres eurent à
+c&oelig;ur de l'offrir très honorablement à la Pucelle<a id="footnotetag780" name="footnotetag780"></a><a href="#footnote780" title="Lien vers la note 780"><span class="smaller">[780]</span></a>. Ils
+l'enfermèrent dans un fourreau de velours vermeil, semé de fleurs de
+lis, avant de la remettre à l'armurier, qui la venait prendre. Jeanne,
+en la recevant, la reconnut pour celle qu'elle avait vue par
+révélation divine et que les Voix lui avaient promise. Et elle le dit
+très haut à tout ce petit monde de moines et de soldats qui vivaient
+près d'elle. Cela sembla bien admirable et signe de victoire<a id="footnotetag781" name="footnotetag781"></a><a href="#footnote781" title="Lien vers la note 781"><span class="smaller">[781]</span></a>. Des
+prêtres de la ville donnèrent, pour protéger l'épée de sainte
+Catherine, un second fourreau, celui-là de drap noir. Jeanne en fit
+faire un troisième de cuir très fort<a id="footnotetag782" name="footnotetag782"></a><a href="#footnote782" title="Lien vers la note 782"><span class="smaller">[782]</span></a>.</p>
+
+<p>L'histoire de cette épée se répandit au loin, grossie de fables
+étranges. C'était, disait-on, l'épée, longtemps <span class="pagenum"><a id="page263" name="page263"></a>(p. 263)</span> endormie
+sous terre, du grand Charles Martel. Plusieurs pensaient que ce fût
+l'épée d'Alexandre et des preux du temps jadis. Tous la tenaient bonne
+et fortunée. Bientôt les Anglais et les Bourguignons, instruits de la
+chose, eurent idée que cette Pucelle avait consulté les démons pour
+voir ce qui était caché dans la terre, ou soupçonnèrent qu'elle avait
+elle-même malicieusement enfoui l'épée à l'endroit par elle désigné,
+afin de séduire les princes, le clergé et le peuple. Ils se
+demandaient avec inquiétude si ces cinq croix n'étaient pas des signes
+diaboliques<a id="footnotetag783" name="footnotetag783"></a><a href="#footnote783" title="Lien vers la note 783"><span class="smaller">[783]</span></a>. Ainsi commençaient à se former les illusions
+contraires selon lesquelles Jeanne parut sainte ou sorcière.</p>
+
+<p>Le roi ne lui avait confié aucun commandement. Se conformant à l'avis
+des docteurs, il ne l'empêchait pas d'aller à Orléans avec ses gens
+d'armes, et même il l'y faisait mener honorablement, afin qu'elle y
+montrât le signe qu'elle avait promis. Il lui donnait des gens pour la
+conduire, et non pour qu'elle les conduisît. Comment les eût-elle
+conduits, puisqu'elle ne savait point le chemin? Cependant elle fit
+faire un étendard selon le mandement de mesdames sainte Catherine et
+sainte Marguerite qui lui avaient dit: «Prends l'étendard de par le
+Roi du ciel!» Il était d'une grosse toile blanche, dite boucassin ou
+bougran, et bordé de franges de soie. <span class="pagenum"><a id="page264" name="page264"></a>(p. 264)</span> Ayant reçu avis de ses
+Voix, Jeanne y fit mettre, par un peintre de la ville, ce qu'elle
+appelait «le Monde»<a id="footnotetag784" name="footnotetag784"></a><a href="#footnote784" title="Lien vers la note 784"><span class="smaller">[784]</span></a>, c'est-à-dire Notre-Seigneur, assis sur son
+trône, bénissant de sa dextre levée et tenant dans sa main senestre la
+boule du monde. À sa droite était un ange, et un ange à sa gauche,
+peints tous deux en la manière qu'on les voyait dans les églises, et
+présentant au Seigneur des fleurs de lis. Les noms Jhesus-Maria
+étaient écrits dessus ou à côté, et le champ était semé de fleurs de
+lis d'or<a id="footnotetag785" name="footnotetag785"></a><a href="#footnote785" title="Lien vers la note 785"><span class="smaller">[785]</span></a>. Elle se fit peindre aussi des armoiries. C'était, dans
+un écu d'azur, une colombe d'argent, tenant en son bec une banderole
+où on lisait: «De par le Roi du ciel<a id="footnotetag786" name="footnotetag786"></a><a href="#footnote786" title="Lien vers la note 786"><span class="smaller">[786]</span></a>.» Elle mit cet écu sur
+l'avers de l'étendard dont Notre-Seigneur occupait la face. Un
+serviteur du duc d'Alençon, Perceval de Cagny, dit qu'elle fit faire
+aussi un étendard plus petit que l'autre, un pennon, sur lequel était
+l'image de Notre-Dame recevant le salut de l'Ange. Le Peintre de
+Tours, que Jeanne avait employé, venait d'Écosse et se nommait Hamish
+Power. Il fournit l'étoffe et fit les peintures des deux panonceaux,
+du grand et du petit; il reçut pour cela du trésorier des guerres
+vingt-cinq livres tournois<a id="footnotetag787" name="footnotetag787"></a><a href="#footnote787" title="Lien vers la note 787"><span class="smaller">[787]</span></a>. Hamish Power avait une fille nommée
+<span class="pagenum"><a id="page265" name="page265"></a>(p. 265)</span> Héliote, qui était près de se marier et dont Jeanne se
+souvint plus tard avec bonté<a id="footnotetag788" name="footnotetag788"></a><a href="#footnote788" title="Lien vers la note 788"><span class="smaller">[788]</span></a>.</p>
+
+<p>L'étendard était signe de ralliement. Longtemps les rois, les
+empereurs, les chefs de guerre seuls l'avaient pu lever. Le suzerain
+le faisait porter devant lui; les vassaux venaient sous les bannières
+de leurs seigneurs. Mais, en 1429, les bannières n'étaient plus en
+usage que dans les confréries, les corporations ou les paroisses, et
+ne marchaient que devant des troupes pacifiques. À la guerre, il n'en
+était plus question. Le moindre capitaine, le plus pauvre chevalier,
+avait son étendard. Devant Orléans, quand cinquante gens d'armes
+français couraient sus à une poignée de pillards anglais, des
+étendards volaient sur eux par les champs comme un essaim de
+papillons. On disait encore, en manière de proverbe, faire étendard
+pour dire s'enorgueillir<a id="footnotetag789" name="footnotetag789"></a><a href="#footnote789" title="Lien vers la note 789"><span class="smaller">[789]</span></a>. En fait, un routier levait l'étendard
+sans blâme en menant seulement à la guerre une vingtaine de gens
+d'armes et de gens de trait à moitié nus. Jeanne en pouvait bien faire
+autant. Et si même elle tenait, comme il est croyable, son étendard
+pour signe de <span class="pagenum"><a id="page266" name="page266"></a>(p. 266)</span> commandement souverain et si, l'ayant reçu du
+Roi du ciel, elle entendait le lever au-dessus de tous les autres, en
+restait-il un seul dans le royaume pour lui disputer ce rang?
+Qu'étaient-elles devenues, ces bannières féodales portées pendant
+quatre-vingts ans au premier rang des désastres, semées dans les
+champs de Crécy, ramassées sous les haies et les buissons par les
+coustillers de Galles et de Cornouailles, perdues dans les vignes de
+Maupertuis, foulées aux pieds des archers anglais dans la terre molle
+où s'enfonçaient les morts d'Azincourt, ramassées à pleines mains,
+sous les murs de Verneuil, par les maraudeurs de Bedford? C'est parce
+que toutes ces bannières étaient misérablement tombées, c'est parce
+qu'à Rouvray un prince du sang royal venait de traîner honteusement
+dans sa fuite les étendards des seigneurs, que se levait maintenant
+l'étendard de la paysanne.</p>
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page267" name="page267"></a>(p. 267)</span> CHAPITRE X<br>
+
+<span class="smaller">LE SIÈGE D'ORLÉANS DU 7 MARS AU 28 AVRIL 1429.</span></h2>
+
+
+<p>Depuis la déconfiture terrible et ridicule des gens du Roi dans la
+journée des Harengs, les bourgeois avaient perdu toute confiance en
+leurs défenseurs. Leur esprit agité, soupçonneux et crédule était
+hanté de tous les fantômes de la peur et de la colère. Brusquement,
+sans raison, ils se croyaient trahis. Un jour, on apprend qu'un trou,
+assez grand pour qu'un homme y pût passer, a été percé dans le mur de
+la ville à l'endroit où ce mur longe les dépendances de l'Aumône<a id="footnotetag790" name="footnotetag790"></a><a href="#footnote790" title="Lien vers la note 790"><span class="smaller">[790]</span></a>.
+Le peuple en foule y court, voit le trou et un pan de rempart refait à
+neuf, avec deux «canonnières», ne comprend pas, se croit vendu, livré,
+s'effraie, s'exaspère, hurle et cherche le religieux de l'infirmerie
+pour le mettre en pièces<a id="footnotetag791" name="footnotetag791"></a><a href="#footnote791" title="Lien vers la note 791"><span class="smaller">[791]</span></a>. Peu de jours après, le jeudi saint,
+<span class="pagenum"><a id="page268" name="page268"></a>(p. 268)</span> un bruit sinistre se répand: des traîtres vont remettre la
+ville aux mains des Anglais. Tout le monde court aux armes; soldats,
+bourgeois, manants, font la garde sur les boulevards, sur les murs,
+dans les rues. Le lendemain, le surlendemain le soupçon, l'effroi
+règnent encore<a id="footnotetag792" name="footnotetag792"></a><a href="#footnote792" title="Lien vers la note 792"><span class="smaller">[792]</span></a>.</p>
+
+<p>Au commencement de mars, les assiégeants virent venir les vassaux de
+Normandie, que le Régent avait convoqués; mais ils ne fournissaient
+que six cent vingt-neuf lances et ne devaient le service que pour
+vingt-six jours. Sous la conduite de Scales, Pole et Talbot, les
+Anglais poursuivaient de leur mieux et selon leurs moyens les travaux
+d'investissement<a id="footnotetag793" name="footnotetag793"></a><a href="#footnote793" title="Lien vers la note 793"><span class="smaller">[793]</span></a>. Le 10 mars, ils occupèrent, à une lieue à l'est
+de la ville, la côte escarpée de Saint-Loup qui ne leur fut pas
+disputée et commencèrent d'y élever une bastille qui dominait le
+fleuve en amont et les deux routes de Gien et de Pithiviers à leur
+rencontre, vers la porte de Bourgogne<a id="footnotetag794" name="footnotetag794"></a><a href="#footnote794" title="Lien vers la note 794"><span class="smaller">[794]</span></a>. Le 20 mars, leur bastille
+de Londres, sur la route du Mans, était achevée. Du 9 au 15 avril,
+deux nouvelles bastilles s'élevèrent du côté du couchant, Rouen à neuf
+cents pieds à l'est de Londres, Paris à neuf cents pieds de Rouen.
+Vers le 20, ils fortifièrent Saint-Jean-le-Blanc au val de Loire
+<span class="pagenum"><a id="page269" name="page269"></a>(p. 269)</span> et firent un guet pour garder le passage<a id="footnotetag795" name="footnotetag795"></a><a href="#footnote795" title="Lien vers la note 795"><span class="smaller">[795]</span></a>. C'était peu
+au regard de ce qu'il leur restait à faire et ils manquaient de bras.
+Ils n'avaient pas trois mille hommes autour de la ville. Ils
+surprenaient les paysans qui, voyant venir le temps de labourer la
+vigne, allaient aux champs sans autre souci que la terre, et quand ils
+les avaient pris, ils les faisaient travailler<a id="footnotetag796" name="footnotetag796"></a><a href="#footnote796" title="Lien vers la note 796"><span class="smaller">[796]</span></a>. De l'avis des
+hommes de guerre les plus avisés, ces bastilles ne valaient rien. Il
+n'y avait pas moyen d'y garder des chevaux; on ne pouvait les
+construire assez rapprochées pour se secourir les unes les autres;
+l'assiégeant risquant d'y être assiégé. Enfin les Anglais qui
+employaient ces fâcheuses machines n'y éprouvaient à l'usage que
+mécomptes et disgrâces. C'est ce dont s'aperçut un des défenseurs de
+la ville, le sire de Bueil quand il eut pris de l'expérience<a id="footnotetag797" name="footnotetag797"></a><a href="#footnote797" title="Lien vers la note 797"><span class="smaller">[797]</span></a>. Et
+dans le fait, il y avait si peu de difficultés à traverser les lignes
+ennemies, que des marchands en risquaient la chance et conduisaient du
+bétail aux assiégés. Il entre dans la ville: le 7 mars, six chevaux
+chargés de harengs; le 15, six chevaux chargés de poudre; le 29, du
+bétail et des vivres; le 2 avril, neuf b&oelig;ufs gras et des chevaux;
+le 5, cent un pourceaux et six b&oelig;ufs gras; le 9, dix-sept
+pourceaux, des chevaux, des cochons de lait et du blé; le 13, des
+espèces pour solder la garnison; le 16, des bestiaux et des vivres;
+<span class="pagenum"><a id="page270" name="page270"></a>(p. 270)</span> le 23, de la poudre et des vivres. Et plus d'une fois on
+prit à la barbe des Anglais les victuailles et munitions qui leur
+étaient destinées, tonneaux de vin, gibier, chevaux, arcs, trousses,
+voire vingt-six têtes de gros bétail<a id="footnotetag798" name="footnotetag798"></a><a href="#footnote798" title="Lien vers la note 798"><span class="smaller">[798]</span></a>.</p>
+
+<p>Le siège coûtait très cher aux Anglais, quarante mille livres tournois
+par mois<a id="footnotetag799" name="footnotetag799"></a><a href="#footnote799" title="Lien vers la note 799"><span class="smaller">[799]</span></a>. L'argent manquait; il fallut recourir aux plus fâcheux
+expédients. Le roi Henri venait d'ordonner, par lettres du 3 mars, que
+tous les officiers de Normandie lui fissent prêt d'un quartier de
+leurs gages<a id="footnotetag800" name="footnotetag800"></a><a href="#footnote800" title="Lien vers la note 800"><span class="smaller">[800]</span></a>. Les gens d'armes, dans leurs taudis de planches et
+de terre, après avoir souffert du froid, commençaient à souffrir de la
+faim. La Beauce, l'Île-de-France, la Normandie, ruinées et ravagées,
+ne leur envoyaient pas beaucoup de b&oelig;ufs et de moutons. Ils
+mangeaient mal et buvaient plus mal. Le vin de 1427 était rare; le vin
+nouveau si petit et si faible, qu'il sentait plus le verjus que le
+vin<a id="footnotetag801" name="footnotetag801"></a><a href="#footnote801" title="Lien vers la note 801"><span class="smaller">[801]</span></a>. Or, un vieil Anglais a dit des soldats de sa nation: «Ils
+soupirent après leur soupe et leurs grasses tranches de b&oelig;uf: il
+faut qu'ils soient nourris comme des mulets et qu'ils portent leur
+provende pendue à leur cou, sinon ils vous ont un air piteux comme des
+souris noyées<a id="footnotetag802" name="footnotetag802"></a><a href="#footnote802" title="Lien vers la note 802"><span class="smaller">[802]</span></a>.»</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page271" name="page271"></a>(p. 271)</span> Une disgrâce subite les affaiblit encore. Le capitaine Poton
+de Saintrailles et les deux procureurs Guyon du Fossé et Jean de
+Saint-Avy, qui étaient allés en ambassade auprès du duc de Bourgogne,
+furent de retour à Orléans le 17 avril. Le duc avait bien accueilli
+leur requête et consenti à prendre la ville sous sa garde. Mais le
+Régent, à qui l'offre avait été faite, n'entendait pas de cette
+oreille. Il répondit qu'il serait bien marri d'avoir battu les
+buissons et que d'autres eussent les oisillons<a id="footnotetag803" name="footnotetag803"></a><a href="#footnote803" title="Lien vers la note 803"><span class="smaller">[803]</span></a>. L'offre était
+donc repoussée. Toutefois l'ambassade n'avait point été inutile et ce
+n'était pas rien que d'avoir amené un nouveau désaccord entre le duc
+et le Régent. Les ambassadeurs revenaient accompagnés d'un héraut de
+Bourgogne qui sonna de sa trompette dans le camp anglais et commanda,
+de par son maître, à tout combattant sujet du duc, de lever le siège.
+Bourguignons, Picards, Champenois, quelques centaines d'hommes d'armes
+et d'archers partirent incontinent<a id="footnotetag804" name="footnotetag804"></a><a href="#footnote804" title="Lien vers la note 804"><span class="smaller">[804]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, à quatre heures du matin, les bourgeois, enhardis et
+croyant l'occasion bonne, attaquèrent le camp de
+Saint-Laurent-des-Orgerils. Ils tuèrent une partie du guet et
+pénétrèrent dans l'enceinte où ils trouvèrent des tasses d'argent, des
+robes de martre et beaucoup d'armes. Trop occupés à piller, ils ne se
+gardèrent <span class="pagenum"><a id="page272" name="page272"></a>(p. 272)</span> pas et furent surpris par les ennemis accourus en
+grand nombre. Ils s'enfuirent poursuivis par les Anglais qui en
+tuèrent beaucoup. La ville fut pleine, ce jour-là, des lamentations
+des femmes qui pleuraient un père, un mari, un frère, des
+parents<a id="footnotetag805" name="footnotetag805"></a><a href="#footnote805" title="Lien vers la note 805"><span class="smaller">[805]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y avait là quarante mille hommes emmurés<a id="footnotetag806" name="footnotetag806"></a><a href="#footnote806" title="Lien vers la note 806"><span class="smaller">[806]</span></a>, entassés dans une
+enceinte qui n'en devait contenir qu'une quinzaine de mille, tout un
+peuple agité par la souffrance, assombri par des deuils domestiques,
+rongé d'inquiétude, et que d'incessants dangers, des alarmes
+perpétuelles rendaient fou. Bien que les guerres ne fussent pas alors
+aussi meurtrières qu'elles le devinrent par la suite, les Orléanais
+faisaient dans les sorties des pertes fréquentes et cruelles. Les
+boulets anglais qui, depuis la mi-mars, pénétraient plus avant dans la
+ville, n'étaient pas toujours inoffensifs. La veille de Pâques
+fleuries, une pierre de bombarde tua ou blessa cinq personnes, une
+autre sept<a id="footnotetag807" name="footnotetag807"></a><a href="#footnote807" title="Lien vers la note 807"><span class="smaller">[807]</span></a>. Beaucoup d'habitants, comme le prévôt Alain Du Bey,
+mouraient de fatigue et du mauvais air<a id="footnotetag808" name="footnotetag808"></a><a href="#footnote808" title="Lien vers la note 808"><span class="smaller">[808]</span></a>.</p>
+
+<p>Chacun dans la chrétienté était alors instruit que les crimes des
+hommes amènent sur le monde les tremblements <span class="pagenum"><a id="page273" name="page273"></a>(p. 273)</span> de terre, les
+guerres, la famine et la peste. Le beau duc Charles jugeait, comme
+tout bon chrétien, que la France avait été frappée de grands maux en
+punition de ses péchés, qui étaient: grand orgueil, gloutonnerie,
+paresse, convoitise, mépris de la justice et luxure, dont le royaume
+abondait; et il raisonna, dans une ballade, du mal et du remède<a id="footnotetag809" name="footnotetag809"></a><a href="#footnote809" title="Lien vers la note 809"><span class="smaller">[809]</span></a>.
+Les Orléanais croyaient fermement que cette guerre leur était envoyée
+de Dieu pour punir les pécheurs, qui avaient abusé de sa patience. Ils
+connaissaient la cause de leur mal et le moyen d'en guérir. Ainsi que
+l'enseignaient les bons frères prêcheurs et comme le duc Charles le
+coucha par écrit dans sa ballade, le remède était: bien vivre,
+s'amender, faire chanter et dire des messes pour les âmes de ceux qui
+avaient souffert dure mort au service du royaume, oublier la vie
+pécheresse, requérir pardon de Notre-Dame et des saints<a id="footnotetag810" name="footnotetag810"></a><a href="#footnote810" title="Lien vers la note 810"><span class="smaller">[810]</span></a>. Ce
+remède, les habitants d'Orléans l'avaient employé. Ils avaient fait
+dire des messes en l'église Sainte-Croix pour l'âme des seigneurs,
+capitaines et gens d'armes tués à leur service et notamment pour ceux
+qui avaient péri d'une mort pitoyable à la bataille des Harengs. Ils
+avaient offert des cierges à Notre-Dame et aux saints patrons de la
+ville et promené <span class="pagenum"><a id="page274" name="page274"></a>(p. 274)</span> autour des murs la châsse de monsieur Saint
+Aignan<a id="footnotetag811" name="footnotetag811"></a><a href="#footnote811" title="Lien vers la note 811"><span class="smaller">[811]</span></a>.</p>
+
+<p>Chaque fois qu'ils se sentaient en grand péril, ils l'allaient quérir
+dans l'église Sainte-Croix, la portaient en belle procession par la
+ville et les remparts<a id="footnotetag812" name="footnotetag812"></a><a href="#footnote812" title="Lien vers la note 812"><span class="smaller">[812]</span></a>; puis, l'ayant ramenée dans la cathédrale,
+ils écoutaient sous le parvis le sermon d'un bon religieux choisi par
+les procureurs<a id="footnotetag813" name="footnotetag813"></a><a href="#footnote813" title="Lien vers la note 813"><span class="smaller">[813]</span></a>. Ils faisaient des prières publiques et tenaient
+le ferme propos de s'amender. C'est pourquoi ils pensaient qu'au
+paradis, monsieur saint Euverte et monsieur saint Aignan, touchés de
+leur piété, intercédaient pour eux auprès de Notre-Seigneur; et ils
+croyaient entendre la voix des deux pontifes. Saint Euverte disait:</p>
+
+<p>&mdash;Père tout puissant, je vous prie et requiers de sauver la ville
+d'Orléans. Elle est mienne; j'en fus évêque, j'en suis patron. Ne la
+livrez point à ses ennemis.</p>
+
+<p>Saint Aignan disait ensuite:</p>
+
+<p>&mdash;Donnez la paix à ceux d'Orléans. Père, ô vous qui, par la bouche
+d'un enfant, m'avez nommé leur pasteur, faites qu'ils ne tombent pas
+aux mains des méchants.</p>
+
+<p>Les Orléanais s'attendaient bien à ce que le Seigneur <span class="pagenum"><a id="page275" name="page275"></a>(p. 275)</span> ne
+cédât pas tout de suite aux prières des deux confesseurs. Connaissant
+la sévérité de ses jugements, ils craignaient qu'il ne répondît:</p>
+
+<p>&mdash;Le peuple de France est puni justement de ses péchés. Sa
+désobéissance à la sainte Église l'a perdu. Du petit au grand, c'est à
+qui, dans le royaume, se conduira le plus mal. Laboureurs, bourgeois,
+gens de pratique et prêtres s'y montrent avaricieux et durs; les
+princes, ducs et hauts seigneurs y sont orgueilleux, vains,
+maugréeurs, jureurs et félons. L'ordure de leur vie empuantit l'air.
+S'ils sont châtiés, c'est justice.</p>
+
+<p>Il fallait s'attendre à ce que le Seigneur parlât ainsi, parce qu'il
+était en colère et parce qu'en effet les Orléanais avaient beaucoup
+péché. Mais voici que Notre-Dame, qui aime le roi des fleurs de Lis,
+prie pour lui et pour le duc d'Orléans le Fils qui cherche en toutes
+choses à lui complaire:</p>
+
+<p>&mdash;Mon fils, je vous requiers tant que je puis de chasser les Anglais
+de la terre de France; ils n'y ont nul droit. S'ils prennent Orléans,
+ils prendront le reste à leur plaisance. Ô mon fils, doucement je vous
+prie de ne le point souffrir.</p>
+
+<p>Et Notre-Seigneur, à la requête de sa sainte mère, pardonne aux
+Français et consent à les sauver<a id="footnotetag814" name="footnotetag814"></a><a href="#footnote814" title="Lien vers la note 814"><span class="smaller">[814]</span></a>.</p>
+
+<p>Ainsi les clartés qu'on avait alors sur le monde spirituel pénétraient
+les conseils tenus dans le paradis. Plusieurs, <span class="pagenum"><a id="page276" name="page276"></a>(p. 276)</span> et non des
+moins savants, pensaient qu'après un de ces conseils, Notre-Seigneur
+avait envoyé son archange à la bergère. Et qu'il voulût sauver le
+royaume par le bras d'une femme, on le pouvait croire. N'est-ce pas
+dans la faiblesse qu'il faisait éclater sa puissance? N'avait-il pas
+permis à David enfant d'abattre le géant Goliath et livré à Judith la
+tête d'Holopherne? Dans Orléans même, n'avait-il pas mis sur les
+lèvres d'un nouveau-né le nom du pasteur qui devait délivrer la ville
+assiégée par Attila<a id="footnotetag815" name="footnotetag815"></a><a href="#footnote815" title="Lien vers la note 815"><span class="smaller">[815]</span></a>?</p>
+
+<p>Le seigneur de Villars et messire Jamet du Tillay, revenus de Chinon,
+rapportèrent qu'ils avaient vu de leurs yeux la Pucelle et contèrent
+les merveilles de sa venue. Ils dirent comment elle avait fait si
+grand chemin, traversé à gué de grosses rivières, passé par beaucoup
+de villes et de villages du parti des Anglais, puis cheminé sans
+dommage dans ces pays français où se faisaient d'innombrables maux et
+pilleries; comment, menée au Roi, elle lui avait dit, par bien belles
+paroles, en faisant la révérence: «Gentil dauphin, Dieu m'envoie pour
+vous aider et secourir. Donnez-moi gens, car, par grâce divine et
+force d'armes, je lèverai le siège d'Orléans et puis vous mènerai
+sacrer à Reims, ainsi que me l'a commandé Dieu, qui veut que les
+Anglais s'en retournent en leur pays et vous laissent <span class="pagenum"><a id="page277" name="page277"></a>(p. 277)</span> votre
+royaume en paix, lequel vous doit demeurer. Ou s'ils ne le laissent,
+il leur en mécherra»; et comment enfin interrogée par plusieurs
+prélats, chevaliers, écuyers, docteurs en lois et en décrets, elle
+avait été trouvée d'honnête contenance et sage en ses paroles. Ils
+vantèrent sa piété, sa candeur, cette simplicité qui laissait voir
+Dieu en elle, et cette adresse à conduire un cheval et à manier les
+armes dont chacun s'émerveillait<a id="footnotetag816" name="footnotetag816"></a><a href="#footnote816" title="Lien vers la note 816"><span class="smaller">[816]</span></a>.</p>
+
+<p>Nouvelles vinrent à la fin de mars que, menée à Poitiers, elle avait
+été interrogée par les docteurs et insignes maîtres, et leur avait
+répondu aussi affirmativement que sainte Catherine aux docteurs
+d'Alexandrie, et que, vu la bonté de ses paroles et la fermeté de ses
+promesses, le roi, mettant en elle sa confiance, l'avait fait armer
+pour qu'elle allât à Orléans où on la verrait bientôt montée sur un
+cheval blanc, portant au côté l'épée de sainte Catherine et tenant en
+sa main l'étendard qu'elle avait reçu du Roi des cieux<a id="footnotetag817" name="footnotetag817"></a><a href="#footnote817" title="Lien vers la note 817"><span class="smaller">[817]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce qu'on rapportait de Jeanne paraissait aux gens d'Église merveilleux
+et non pas incroyable, puisqu'ils en trouvaient des exemples dans
+l'histoire sainte qui était pour eux toute l'histoire; ceux qui
+avaient des lettres puisaient dans leur savoir moins de raisons de
+<span class="pagenum"><a id="page278" name="page278"></a>(p. 278)</span> nier que de douter ou de croire. Les simples concevaient de
+ces choses une admiration candide.</p>
+
+<p>Quelques-uns parmi les capitaines et même dans le peuple disaient que
+c'était dérision. Mais ils risquaient de se faire maltraiter. Les
+habitants croyaient en la Pucelle comme en Notre-Seigneur; ils
+attendaient d'elle secours et délivrance; ils l'appelaient dans une
+sorte de folie mystique et de délire religieux. La fièvre du siège
+était devenue la fièvre de la Pucelle<a id="footnotetag818" name="footnotetag818"></a><a href="#footnote818" title="Lien vers la note 818"><span class="smaller">[818]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant la façon dont les gens du roi la mettaient en &oelig;uvre
+prouvait que, se conformant à l'avis des théologiens, ils entendaient
+ne se pas départir des moyens conseillés par la prudence humaine. Elle
+devait entrer dans la ville avec un convoi de vivres et de munitions
+préparé alors à Blois, par l'ordre du roi et par les soins de la reine
+de Sicile<a id="footnotetag819" name="footnotetag819"></a><a href="#footnote819" title="Lien vers la note 819"><span class="smaller">[819]</span></a>. Un nouvel effort se faisait dans toutes les provinces
+fidèles pour secourir et délivrer la cité courageuse. Gien, Bourges,
+Blois, Châteaudun, Tours, envoyaient des hommes et des vivres; Angers,
+Poitiers, La Rochelle, Albi, Moulins, Montpellier, Clermont, du
+soufre, du salpêtre, de l'acier, des armes<a id="footnotetag820" name="footnotetag820"></a><a href="#footnote820" title="Lien vers la note 820"><span class="smaller">[820]</span></a>. Et, si les
+Toulousains ne donnèrent <span class="pagenum"><a id="page279" name="page279"></a>(p. 279)</span> rien, c'est que la ville, comme le
+déclarèrent ingénument les notables consultés par les capitouls,
+n'avait pas de quoi, <i>non habebat de quibus</i><a id="footnotetag821" name="footnotetag821"></a><a href="#footnote821" title="Lien vers la note 821"><span class="smaller">[821]</span></a>. Les conseillers du
+roi et notamment monseigneur Regnault de Chartres, chancelier du
+royaume, formaient une nouvelle armée. Ce qu'on n'avait pu faire avec
+les Auvergnats, on le tenterait avec les Angevins et les Manceaux. La
+reine de Sicile, duchesse de Touraine et d'Anjou, s'y prêtait bien
+volontiers. Orléans pris, elle risquait fort de perdre ses terres
+auxquelles elle était très attachée. Aussi ne marchandait-elle ni
+l'argent, ni les hommes, ni les vivres. Passé la mi-avril, un
+bourgeois d'Angers, nommé Jean Langlois, vint apporter des lettres
+avisant les procureurs que le blé donné par elle allait venir. Jean
+Langlois reçut de la ville un cadeau et les procureurs lui offrirent à
+dîner à l'Écu Saint-Georges. Ce blé faisait partie du grand convoi que
+devait accompagner la Pucelle<a id="footnotetag822" name="footnotetag822"></a><a href="#footnote822" title="Lien vers la note 822"><span class="smaller">[822]</span></a>.</p>
+
+<p>Vers la fin du mois, sur l'ordre de Monseigneur le Bâtard, les
+capitaines des garnisons françaises de la Beauce et du Gâtinais se
+rendirent dans la ville pour appuyer l'armée de Blois, dont la venue
+était annoncée. <span class="pagenum"><a id="page280" name="page280"></a>(p. 280)</span> Le 28, messire Florent d'Illiers<a id="footnotetag823" name="footnotetag823"></a><a href="#footnote823" title="Lien vers la note 823"><span class="smaller">[823]</span></a>,
+capitaine de Châteaudun, fit son entrée avec quatre cents
+combattants<a id="footnotetag824" name="footnotetag824"></a><a href="#footnote824" title="Lien vers la note 824"><span class="smaller">[824]</span></a>.</p>
+
+<p>Qu'allait-il advenir d'Orléans? Le siège, mal conduit, causait aux
+Anglais les plus cruels mécomptes. Leurs capitaines s'apercevaient de
+reste qu'ils ne réduiraient pas la ville au moyen de ces bastilles
+entre lesquelles tout passait, hommes, vivres, munitions, et avec une
+armée qui fondait dans la boue des taudis et que les maladies, les
+désertions réduisaient à trois mille, trois mille deux cents hommes au
+plus. Ils avaient perdu presque tous leurs chevaux. Loin de pouvoir
+continuer l'attaque, ils n'étaient plus en état de se défendre dans
+leurs malheureuses tours de bois, plus profitables, comme disait Le
+Jouvencel, aux assiégés qu'aux assiégeants<a id="footnotetag825" name="footnotetag825"></a><a href="#footnote825" title="Lien vers la note 825"><span class="smaller">[825]</span></a>.</p>
+
+<p>Tout leur espoir, incertain et lointain, était dans l'armée de renfort
+que le Régent formait péniblement à Paris<a id="footnotetag826" name="footnotetag826"></a><a href="#footnote826" title="Lien vers la note 826"><span class="smaller">[826]</span></a>. Cependant on trouvait
+le temps long dans la ville assiégée. Les gens de guerre qui la
+défendaient étaient braves, mais à bout d'inventions et ne sachant
+plus que tenter; les bourgeois faisaient bonne garde, mais ils
+tenaient mal à découvert; ils ne se doutaient <span class="pagenum"><a id="page281" name="page281"></a>(p. 281)</span> pas de l'état
+désastreux où les assiégeants étaient réduits; la fièvre que leur
+donnaient l'inquiétude, les privations et le mauvais air les abattait.
+Ils voyaient déjà les Coués prenant la ville d'assaut, tuant, pillant,
+violant. À tout moment ils se croyaient trahis. Le calme et le
+sang-froid leur manquaient pour reconnaître les avantages de leur
+situation, qui étaient énormes: la ville gardait ses communications
+avec le dehors et pouvait se ravitailler et se renforcer indéfiniment.
+Au surplus, une armée de secours, en bonne avance sur celle des
+Anglais, allait bientôt venir, amenant force têtes de bétail, assez
+puissante en hommes et abondante en munitions pour enlever en quelques
+jours les forteresses anglaises.</p>
+
+<p>Avec cette armée, le roi envoyait la Pucelle annoncée.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page282" name="page282"></a>(p. 282)</span> CHAPITRE XI<br>
+
+<span class="smaller">LA PUCELLE À BLOIS. &mdash; LA LETTRE AUX ANGLAIS. &mdash; LE DÉPART POUR ORLÉANS.</span></h2>
+
+
+<p>La Pucelle, avec son escorte de routiers et de mendiants, arriva à
+Blois en même temps que Messire Regnault de Chartres, chancelier de
+France, et le sire de Gaucourt, gouverneur d'Orléans<a id="footnotetag827" name="footnotetag827"></a><a href="#footnote827" title="Lien vers la note 827"><span class="smaller">[827]</span></a>. Elle était
+sur les terres du prince qu'elle avait grand souci de délivrer: le
+Blésois appartenait au duc Charles, prisonnier des Anglais. Les
+marchands amenaient dans la ville b&oelig;ufs, vaches, moutons, brebis,
+pourceaux à foison, du grain, de la poudre et des armes<a id="footnotetag828" name="footnotetag828"></a><a href="#footnote828" title="Lien vers la note 828"><span class="smaller">[828]</span></a>. L'amiral
+de Culant et le seigneur Ambroise de Loré étaient venus d'Orléans
+surveiller l'approvisionnement. La Reine de Sicile s'était rendue à
+Blois. Le Roi qui, à cette époque, ne la consultait <span class="pagenum"><a id="page283" name="page283"></a>(p. 283)</span> guère,
+lui dépêcha pourtant le duc d'Alençon, avec mission de se concerter
+avec elle pour l'envoi des secours<a id="footnotetag829" name="footnotetag829"></a><a href="#footnote829" title="Lien vers la note 829"><span class="smaller">[829]</span></a>. Le sire de Rais, de la maison
+de Laval et de la lignée des ducs de Bretagne, seigneur de
+vingt-quatre ans à peine, vint, libéral et magnifique, amenant, avec
+une belle compagnie d'Anjou et du Maine, les orgues de sa chapelle,
+les enfants de la maîtrise, les petits chanteurs de la psallette<a id="footnotetag830" name="footnotetag830"></a><a href="#footnote830" title="Lien vers la note 830"><span class="smaller">[830]</span></a>.
+Le maréchal de Boussac, les capitaines La Hire et Poton arrivèrent
+d'Orléans<a id="footnotetag831" name="footnotetag831"></a><a href="#footnote831" title="Lien vers la note 831"><span class="smaller">[831]</span></a>. Une armée de sept mille hommes fut réunie sous les
+murs de la ville<a id="footnotetag832" name="footnotetag832"></a><a href="#footnote832" title="Lien vers la note 832"><span class="smaller">[832]</span></a>. Pour partir on n'attendait plus que l'argent
+nécessaire au paiement des vivres et à la solde des troupes. Les
+capitaines et gens d'armes ne servaient pas à crédit; quant aux
+marchands, s'ils risquaient de perdre leurs victuailles et la vie
+avec, c'était pour argent comptant<a id="footnotetag833" name="footnotetag833"></a><a href="#footnote833" title="Lien vers la note 833"><span class="smaller">[833]</span></a>. Point de pécune point de
+bétail, et les chariots ne roulaient pas.</p>
+
+<p>Au mois de mars, Jeanne avait dicté à l'un des <span class="pagenum"><a id="page284" name="page284"></a>(p. 284)</span> maîtres de
+Poitiers une brève sommation à l'adresse des capitaines anglais<a id="footnotetag834" name="footnotetag834"></a><a href="#footnote834" title="Lien vers la note 834"><span class="smaller">[834]</span></a>.
+Elle la développa en une lettre qu'elle montra à quelques-uns de son
+parti, et qu'elle envoya ensuite de Blois, par un héraut, au camp de
+Saint-Laurent-des-Orgerils. Cette lettre était adressée au roi Henri,
+au Régent et aux trois chefs qui depuis la mort de Salisbury
+conduisaient le siège, Scales, Suffolk et Talbot. En voici le
+texte<a id="footnotetag835" name="footnotetag835"></a><a href="#footnote835" title="Lien vers la note 835"><span class="smaller">[835]</span></a>:</p>
+
+<div class="quote">
+<p class="center">&#10013; JHESUS MARIA &#10013;</p>
+
+<p>Roy d'Angleterre, et vous, duc de Bedford, qui vous dictes régent
+ le royaume de France; vous Guillaume de la Poule, <span class="pagenum"><a id="page285" name="page285"></a>(p. 285)</span> conte
+ de Sulford; Jehan, sire de Talebot; et vous, Thomas, sire
+ d'Escales, qui vous dictes lieutenans dudit duc de Bedfort,
+ faictes raison au Roy du ciel<a id="footnotetag836" name="footnotetag836"></a><a href="#footnote836" title="Lien vers la note 836"><span class="smaller">[836]</span></a>; rendez à la Pucelle qui est
+ cy envoiée de par Dieu, le Roy du ciel, les clefs de toutes les
+ bonnes villes<a id="footnotetag837" name="footnotetag837"></a><a href="#footnote837" title="Lien vers la note 837"><span class="smaller">[837]</span></a> que vous avez prises et violées<a id="footnotetag838" name="footnotetag838"></a><a href="#footnote838" title="Lien vers la note 838"><span class="smaller">[838]</span></a> en
+ France. Elle est ci venue de par Dieu, pour réclamer le sanc
+ royal<a id="footnotetag839" name="footnotetag839"></a><a href="#footnote839" title="Lien vers la note 839"><span class="smaller">[839]</span></a>. Elle est toute preste de faire paix, se vous lui
+ voulez faire raison, par ainsi que France vous mectrés jus, et
+ paierez ce que vous l'avez tenu<a id="footnotetag840" name="footnotetag840"></a><a href="#footnote840" title="Lien vers la note 840"><span class="smaller">[840]</span></a>. Et entre vous, archiers,
+ compaignons de guerre, gentilz et autres<a id="footnotetag841" name="footnotetag841"></a><a href="#footnote841" title="Lien vers la note 841"><span class="smaller">[841]</span></a> qui estes devant la
+ ville d'Orléans, <span class="pagenum"><a id="page286" name="page286"></a>(p. 286)</span> alez vous ent en vostre païs, de par
+ Dieu; et se ainsi ne le faictes, attendez les nouvelles<a id="footnotetag842" name="footnotetag842"></a><a href="#footnote842" title="Lien vers la note 842"><span class="smaller">[842]</span></a> de
+ la Pucelle qui vous ira voir briefment à voz bien grans
+ dommaiges. Roy d'Angleterre, se ainsi ne le faictes, je sui chief
+ de guerre, et en quelque lieu que je actaindray voz gens en
+ France, je les en ferai aler, vuellent ou non vuellent; et si ne
+ vuellent obéir je les feray tous occire. Je sui cy envoiée de par
+ Dieu, le Roy du ciel, corps pour corps, pour vous bouter hors de
+ toute France. Et s'i vuellent obéir, je les prandray à mercy. Et
+ n'aiez point en vostre oppinion, que vous ne tendrez<a id="footnotetag843" name="footnotetag843"></a><a href="#footnote843" title="Lien vers la note 843"><span class="smaller">[843]</span></a> point
+ le royaume de France [de] Dieu, le Roy du ciel, filz sainte
+ Marie<a id="footnotetag844" name="footnotetag844"></a><a href="#footnote844" title="Lien vers la note 844"><span class="smaller">[844]</span></a>; ainz le tendra le roy Charles, vray héritier<a id="footnotetag845" name="footnotetag845"></a><a href="#footnote845" title="Lien vers la note 845"><span class="smaller">[845]</span></a>;
+ car Dieu, le Roy du ciel, le veult, et lui est révélé par la
+ Pucelle; lequel<a id="footnotetag846" name="footnotetag846"></a><a href="#footnote846" title="Lien vers la note 846"><span class="smaller">[846]</span></a> entrera à Paris à bonne compagnie. Se vous
+ ne voulez croire les nouvelles de par Dieu et la Pucelle, en
+ quelque lieu que vous trouverons, nous ferrons<a id="footnotetag847" name="footnotetag847"></a><a href="#footnote847" title="Lien vers la note 847"><span class="smaller">[847]</span></a> dedens et y
+ ferons ung si grant hahay<a id="footnotetag848" name="footnotetag848"></a><a href="#footnote848" title="Lien vers la note 848"><span class="smaller">[848]</span></a>, que encore a-il mil <span class="pagenum"><a id="page287" name="page287"></a>(p. 287)</span>
+ ans<a id="footnotetag849" name="footnotetag849"></a><a href="#footnote849" title="Lien vers la note 849"><span class="smaller">[849]</span></a> que en France ne fu si grant, se vous ne faictes raison.
+ Et croyez fermement que le Roy du ciel envoiera plus de force à
+ la Pucelle, que vous ne lui sariez mener de tous assaulx, à elle
+ et à ses bonnes gens d'armes; et aux horions<a id="footnotetag850" name="footnotetag850"></a><a href="#footnote850" title="Lien vers la note 850"><span class="smaller">[850]</span></a> verra-on qui
+ ara<a id="footnotetag851" name="footnotetag851"></a><a href="#footnote851" title="Lien vers la note 851"><span class="smaller">[851]</span></a> meilleur droit de Dieu du ciel<a id="footnotetag852" name="footnotetag852"></a><a href="#footnote852" title="Lien vers la note 852"><span class="smaller">[852]</span></a>. Vous, duc de
+ Bedfort, la Pucelle vous prie et vous requiert que vous ne vous
+ faictes mie destruire. Se vous lui faictes raison, encore pourrez
+ venir en sa compaignie, l'où que les Franchois<a id="footnotetag853" name="footnotetag853"></a><a href="#footnote853" title="Lien vers la note 853"><span class="smaller">[853]</span></a> feront le
+ plus bel fait que oncques fu fait pour la chrestienté. Et faictes
+ response se vous voulez faire paix en la cité d'Orléans; et se
+ ainsi ne le faictes, de vos bien grans dommages vous souviengne
+ briefment. Escript ce mardi sepmaine saincte.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page288" name="page288"></a>(p. 288)</span> Telle est cette lettre d'un accent nouveau, qui proclame la
+royauté de Jésus-Christ et déclare la guerre sainte. Il est difficile
+de savoir si Jeanne la dicta de sa propre inspiration ou sur le
+conseil des clercs. On serait d'abord tenté d'attribuer à des
+religieux l'idée première d'une sommation qui est une application
+littérale des préceptes inscrits dans le Deutéronome:</p>
+
+<p>«Quand vous vous approcherez d'une ville pour l'assiéger, d'abord vous
+lui offrirez la paix.</p>
+
+<p>»Si elle l'accepte et qu'elle vous ouvre ses portes, tout le peuple
+qui s'y trouvera sera sauvé et vous sera assujetti moyennant le
+tribut.</p>
+
+<p>»Si elle ne veut point recevoir les conditions de la paix et qu'elle
+commence à vous déclarer la guerre, vous l'assiégerez.</p>
+
+<p>»Et lorsque le Seigneur, votre Dieu, vous l'aura livrée entre les
+mains, vous ferez passer tous les mâles au fil de l'épée,</p>
+
+<p>»En réservant les femmes, les enfants, les bêtes et tout le reste de
+ce qui se trouvera dans la ville.»</p>
+
+<p class="quote">(<i>Deuter.</i>, XX, 10-14.)</p>
+
+<p>Il est certain du moins que, à cet égard, la Pucelle exprime ses
+propres sentiments. Elle dira plus tard: «Je demandais la paix et, si
+on me la refusait, j'étais prête à combattre<a id="footnotetag854" name="footnotetag854"></a><a href="#footnote854" title="Lien vers la note 854"><span class="smaller">[854]</span></a>.» Mais comme elle
+dicta cette lettre <span class="pagenum"><a id="page289" name="page289"></a>(p. 289)</span> et ne put la lire, il y a lieu de
+rechercher si les clercs qui tinrent la plume n'y mirent pas du leur.</p>
+
+<p>On peut soupçonner une main ecclésiastique en deux ou trois passages.
+Plus tard la Pucelle ne se rappelait pas avoir dicté «corps pour
+corps», ce qui n'a pas grande importance. Mais elle déclara qu'elle
+n'avait pas dit: «Je suis chef de guerre», et qu'elle avait dicté:
+«Rendez au Roi», et non pas: «Rendez à la Pucelle<a id="footnotetag855" name="footnotetag855"></a><a href="#footnote855" title="Lien vers la note 855"><span class="smaller">[855]</span></a>». Sa mémoire,
+qui n'était pas toujours bonne, la trompait peut-être. Pourtant, elle
+paraissait bien sûre de ce qu'elle disait, et elle répéta par deux
+fois que «chef de guerre» et «rendez à la Pucelle» n'étaient pas dans
+sa lettre, et il est possible que ces termes fussent du fait des
+moines qui se tenaient près d'elle. Ces religieux errants se
+souciaient médiocrement d'une querelle de fiefs, et leur plus grand
+souci n'était pas que le roi Charles rentrât en possession de son
+héritage. Ils voulaient sans doute le bien du royaume de France; mais,
+assurément, ils voulaient d'un meilleur c&oelig;ur le bien de la
+chrétienté, et nous verrons que si ces moines mendiants, frère
+Pasquerel et plus tard frère Richard, s'attachèrent à la Pucelle, ce
+fut dans l'espoir de l'employer au profit de l'Église. Aussi ne
+serait-il pas surprenant qu'ils eussent tout d'abord pris soin de la
+déclarer chef de guerre et même de l'investir d'un pouvoir spirituel
+supérieur au pouvoir temporel <span class="pagenum"><a id="page290" name="page290"></a>(p. 290)</span> du roi, ce qui est impliqué
+dans cette phrase: «Rendez à la Pucelle... les clefs des bonnes
+villes.»</p>
+
+<p>Cette lettre même indique une des espérances, entre autres, qu'ils
+fondaient sur elle. Ils comptaient qu'après avoir accompli sa mission
+en France, elle prendrait la croix et irait à la conquête de
+Jérusalem, entraînant à sa suite toutes les armées de l'Europe
+chrétienne<a id="footnotetag856" name="footnotetag856"></a><a href="#footnote856" title="Lien vers la note 856"><span class="smaller">[856]</span></a>. En ce moment même, un disciple de Bernardin de
+Sienne, un franciscain, nouvellement venu de Syrie<a id="footnotetag857" name="footnotetag857"></a><a href="#footnote857" title="Lien vers la note 857"><span class="smaller">[857]</span></a>, frère
+Richard, qui devait bientôt se rencontrer avec la Pucelle, prêchait à
+Paris, annonçant la fin prochaine du monde et exhortant les fidèles à
+combattre l'Antéchrist<a id="footnotetag858" name="footnotetag858"></a><a href="#footnote858" title="Lien vers la note 858"><span class="smaller">[858]</span></a>. Il faut se rappeler que les Turcs, qui
+avaient vaincu les chevaliers chrétiens à Nicopolis et à Sémendria,
+menaçaient Constantinople et terrifiaient l'Europe entière. Papes,
+empereurs, rois, sentaient la nécessité de tenter contre eux un grand
+effort.</p>
+
+<p>On disait en Angleterre que le roi Henri V avait fait à madame
+Catherine de France, entre Saint-Denys et <span class="pagenum"><a id="page291" name="page291"></a>(p. 291)</span> Saint-Georges, un
+garçon demi-anglais demi-français, qui irait jusqu'en Égypte tirer le
+Grand Turc par la barbe<a id="footnotetag859" name="footnotetag859"></a><a href="#footnote859" title="Lien vers la note 859"><span class="smaller">[859]</span></a>. Ce victorieux Henri V, sur son lit de
+mort, entendait les clercs réciter les psaumes de la pénitence. Quand
+il ouït ce verset: <i>Benigne fac Domine in bona voluntate tua ut
+aedificentur muri Jerusalem</i>, il murmura d'une voix expirante: «J'ai
+toujours eu dessein d'aller en Syrie et de reprendre la ville sainte
+aux infidèles<a id="footnotetag860" name="footnotetag860"></a><a href="#footnote860" title="Lien vers la note 860"><span class="smaller">[860]</span></a>.» Ce fut sa dernière parole. Les hommes sages
+conseillaient l'union des princes chrétiens contre le Croissant. En
+France, l'archevêque d'Embrun, qui avait siégé aux conseils du
+dauphin, maudissait l'insatiable cruauté de la nation anglaise et ces
+guerres entre chrétiens, dont se réjouissaient les ennemis de la croix
+de Jésus-Christ<a id="footnotetag861" name="footnotetag861"></a><a href="#footnote861" title="Lien vers la note 861"><span class="smaller">[861]</span></a>.</p>
+
+<p>Appeler les Anglais et les Français à prendre ensemble la croix,
+c'était proclamer qu'après quatre-vingt-onze ans de violences et de
+crimes le cycle des guerres profanes était fermé et que la chrétienté
+se retrouvait telle qu'aux jours où Philippe de Valois et Édouard
+Plantagenet promettaient au pape de s'unir contre les infidèles.</p>
+
+<p>Mais quand la Pucelle conviait les Anglais à se joindre aux Français
+dans une entreprise sainte et guerrière, on <span class="pagenum"><a id="page292" name="page292"></a>(p. 292)</span> pouvait prévoir
+l'accueil que recevrait des Godons cette convocation angélique. Et,
+lors du siège d'Orléans, les Français de leur côté, pour de bonnes
+raisons, ne songeaient pas à prendre la croix avec les Coués<a id="footnotetag862" name="footnotetag862"></a><a href="#footnote862" title="Lien vers la note 862"><span class="smaller">[862]</span></a>.</p>
+
+<p>Le style de cette lettre ne fut pas très goûté des connaisseurs. Le
+Bâtard d'Orléans en trouvait toutes les paroles bien simples et
+quelques années plus tard un bon légiste français la jugea écrite en
+gros et lourd langage et mal ordonné<a id="footnotetag863" name="footnotetag863"></a><a href="#footnote863" title="Lien vers la note 863"><span class="smaller">[863]</span></a>. Nous ne pouvons prétendre
+en mieux juger que le légiste et que le Bâtard, qui avait des lettres;
+pourtant nous nous demandons si ce qui leur semblait mauvais dans ces
+façons de dire ce n'était pas qu'elles s'éloignaient du ton ordinaire
+des chancelleries. La lettre de Blois se ressent, il est vrai, de
+l'humilité où se tenait encore la prose française, quand elle n'était
+pas soulevée par un Alain Chartier, mais on n'y trouve pas de terme ni
+de tournure qui ne se rencontre dans les bons auteurs du temps. Le
+langage peut n'en pas être très bien ordonné, mais l'allure en est
+vive. Au reste rien n'y sent les bords de la Meuse; il n'y subsiste
+aucune trace du parler lorrain et champenois<a id="footnotetag864" name="footnotetag864"></a><a href="#footnote864" title="Lien vers la note 864"><span class="smaller">[864]</span></a>. C'est français de
+clerc.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page293" name="page293"></a>(p. 293)</span> Tandis qu'Isabelle de Vouthon s'en était allée en pèlerinage
+au Puy, ses deux plus jeunes enfants, Jean et Pierre, avaient pris
+aussi le chemin de la France, pour rejoindre leur s&oelig;ur, dans l'idée
+de faire fortune auprès d'elle et du roi. De même frère Nicolas de
+Vouthon, cousin germain de Jeanne, religieux profès en l'abbaye de
+Cheminon, se rendit auprès de la jeune dévote<a id="footnotetag865" name="footnotetag865"></a><a href="#footnote865" title="Lien vers la note 865"><span class="smaller">[865]</span></a>. Pour attirer ainsi
+toute cette parenté, avant même d'avoir donné signe de son pouvoir, il
+fallait que Jeanne eût des cautions aux bords de la Meuse et que de
+vénérables personnes ecclésiastiques et de bons seigneurs lorrains
+répondissent de son crédit en France. Ces garants de sa mission, elle
+les trouvait sans aucun doute dans ceux qui l'avaient endoctrinée et
+accréditée par prophétie; et peut-être frère Nicolas de Vouthon
+lui-même était-il du nombre.</p>
+
+<p>Tenant dans l'armée état de sainte fille, elle avait en sa compagnie
+un chapelain, frère Jean Pasquerel<a id="footnotetag866" name="footnotetag866"></a><a href="#footnote866" title="Lien vers la note 866"><span class="smaller">[866]</span></a>; deux pages, Louis de Coutes
+et Raymond<a id="footnotetag867" name="footnotetag867"></a><a href="#footnote867" title="Lien vers la note 867"><span class="smaller">[867]</span></a>; ses deux frères, Pierre et Jean; deux hérauts,
+Ambleville et Guyenne<a id="footnotetag868" name="footnotetag868"></a><a href="#footnote868" title="Lien vers la note 868"><span class="smaller">[868]</span></a>; <span class="pagenum"><a id="page294" name="page294"></a>(p. 294)</span> deux écuyers, Jean de Metz et
+Bertrand de Poulengy. Jean de Metz pourvoyait à la dépense aux frais
+de la couronne<a id="footnotetag869" name="footnotetag869"></a><a href="#footnote869" title="Lien vers la note 869"><span class="smaller">[869]</span></a>. Elle avait aussi quelques valets à son service.
+Un écuyer, nommé Jean d'Aulon, que le roi lui donna pour intendant,
+vint la rejoindre à Blois<a id="footnotetag870" name="footnotetag870"></a><a href="#footnote870" title="Lien vers la note 870"><span class="smaller">[870]</span></a>. C'était le plus pauvre écuyer du
+royaume<a id="footnotetag871" name="footnotetag871"></a><a href="#footnote871" title="Lien vers la note 871"><span class="smaller">[871]</span></a>. Il appartenait entièrement au sire de La Trémouille qui
+le secourait d'argent, mais avait bon renom d'honneur et de
+sagesse<a id="footnotetag872" name="footnotetag872"></a><a href="#footnote872" title="Lien vers la note 872"><span class="smaller">[872]</span></a>. Jeanne attribuait les défaites des Français à ce qu'ils
+chevauchaient avec des femmes de mauvaise vie et blasphémaient le
+saint nom de Dieu. Et loin de lui être particulière, cette opinion
+régnait parmi les personnes de savoir et de dévotion, qui rapportaient
+notamment le désastre de Nicopolis à ce que, en chemin, les chrétiens
+avaient fait des cruautés, mené des ribaudes et joué à des jeux
+dissolus<a id="footnotetag873" name="footnotetag873"></a><a href="#footnote873" title="Lien vers la note 873"><span class="smaller">[873]</span></a>.</p>
+
+<p>À plusieurs reprises, de 1420 à 1425, le dauphin avait défendu de
+maugréer, de renier, de blasphémer le nom de Dieu, de la Vierge Marie,
+des saints et des saintes, sous peine d'une amende à laquelle
+s'ajoutaient, en certains cas, des châtiments corporels. Les lettres
+qui portaient cette défense alléguaient que <span class="pagenum"><a id="page295" name="page295"></a>(p. 295)</span> les blasphèmes
+attiraient des guerres, des pestes et des famines, et que les
+blasphémateurs étaient responsables en partie des maux qui
+affligeaient le royaume<a id="footnotetag874" name="footnotetag874"></a><a href="#footnote874" title="Lien vers la note 874"><span class="smaller">[874]</span></a>. Aussi la Pucelle allait-elle parmi les
+gens d'armes, les exhortant à chasser les femmes qui suivaient l'armée
+et à ne plus prononcer en vain le nom du Seigneur. Elle leur
+recommandait de confesser leurs péchés et de mettre leur âme en état
+de grâce, affirmant que Dieu les aiderait et que si leur âme était en
+bon état, ils obtiendraient la victoire<a id="footnotetag875" name="footnotetag875"></a><a href="#footnote875" title="Lien vers la note 875"><span class="smaller">[875]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne porta son étendard à l'église Saint-Sauveur et le donna à bénir
+aux prêtres<a id="footnotetag876" name="footnotetag876"></a><a href="#footnote876" title="Lien vers la note 876"><span class="smaller">[876]</span></a>. La petite confrérie, formée à Tours, se grossit à
+Blois des gens d'Église et des religieux qui, échappés en foule des
+abbayes voisines à l'approche des Anglais, souffraient le froid et la
+faim. Il en était d'ordinaire ainsi. Constamment des nuées de moines
+s'abattaient sur les armées. Beaucoup d'églises et la plupart des
+abbayes gisaient <span class="pagenum"><a id="page296" name="page296"></a>(p. 296)</span> détruites. Celles des mendiants, situées
+hors des villes, avaient toutes péri, dépouillées et incendiées par
+les Anglais ou renversées par les habitants des villes, avec tous les
+faubourgs sous la menace d'un siège. Les religieux sans asile ne
+trouvaient point d'accueil dans les cités avares de leur bien; il leur
+fallait tenir la campagne avec les gens d'armes et suivre l'armée. La
+règle en souffrait et la piété n'y gagnait rien. Ces clercs affamés et
+vagabonds ne menaient pas toujours, parmi les soudoyers, les ribaudes
+et les convoyeurs, une vie édifiante. Ceux qui accompagnèrent la
+Pucelle ne valaient sans doute ni mieux ni pis que les autres, et
+comme ils avaient grand'faim ils songeaient premièrement à
+manger<a id="footnotetag877" name="footnotetag877"></a><a href="#footnote877" title="Lien vers la note 877"><span class="smaller">[877]</span></a>. À l'égard de la sainte fille mêlée à cette troupe
+vagabonde, les gens d'armes pouvaient éprouver tous les sentiments,
+hors celui de la surprise, tant ils étaient habitués à voir
+religieuses et religieux cheminer en leur compagnie. Il est vrai que
+de celle-ci on annonçait des merveilles. Plusieurs y ajoutaient foi,
+d'autres se moquaient et disaient tout haut: «Voilà un vaillant
+champion pour récupérer le royaume de France<a id="footnotetag878" name="footnotetag878"></a><a href="#footnote878" title="Lien vers la note 878"><span class="smaller">[878]</span></a>.»</p>
+
+<p>La Pucelle fit faire une bannière sous laquelle les religieux
+<span class="pagenum"><a id="page297" name="page297"></a>(p. 297)</span> pussent se rassembler et appeler les gens d'armes à la
+prière. Cette bannière était blanche; il y avait dessus Jésus en croix
+entre Notre-Dame et saint Jean<a id="footnotetag879" name="footnotetag879"></a><a href="#footnote879" title="Lien vers la note 879"><span class="smaller">[879]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc d'Alençon retourna vers le roi pour lui faire savoir l'embarras
+où l'on était. Le roi envoya les sommes nécessaires; on pouvait enfin
+partir<a id="footnotetag880" name="footnotetag880"></a><a href="#footnote880" title="Lien vers la note 880"><span class="smaller">[880]</span></a>. Deux routes, toutes deux libres au départ, l'une sur la
+rive droite, l'autre sur la rive gauche de la Loire, conduisaient à
+Orléans. En prenant la rive droite, on se trouvait, au bout de cinq à
+six lieues, au bord de la plaine de Beauce, occupée par les Anglais,
+qui avaient garnisons à Marchenoir, Beaugency, Meung, Montpipeau,
+Saint-Sigismond, Janville, et l'on risquait d'y rencontrer l'armée qui
+venait au secours des Anglais d'Orléans. Une telle rencontre faisait
+peur depuis le jour des Harengs. En prenant la rive gauche, on
+s'avançait par la Sologne, restée au pouvoir du roi Charles, et,
+pourvu qu'on s'écartât un peu du fleuve, on passait hors de vue des
+petites garnisons anglaises de Beaugency et de Meung. Il est vrai
+qu'il fallait ensuite traverser la Loire, mais, en remontant le fleuve
+à deux lieues au levant de la ville assiégée, on pouvait tenter sans
+trop d'inconvénient le <span class="pagenum"><a id="page298" name="page298"></a>(p. 298)</span> passage entre Orléans et Jargeau.
+Après délibération, il fut décidé qu'on prendrait la rive gauche et
+qu'on irait par la Sologne. On arrêta aussi qu'on emporterait les
+vivres en deux fois, de peur d'un trop lent débarquement si près des
+bastilles ennemies<a id="footnotetag881" name="footnotetag881"></a><a href="#footnote881" title="Lien vers la note 881"><span class="smaller">[881]</span></a>. Le mercredi 27 avril<a id="footnotetag882" name="footnotetag882"></a><a href="#footnote882" title="Lien vers la note 882"><span class="smaller">[882]</span></a>, on partit. Les
+prêtres, bannière en tête, ouvrirent la marche en chantant le <i>Veni
+creator Spiritus</i><a id="footnotetag883" name="footnotetag883"></a><a href="#footnote883" title="Lien vers la note 883"><span class="smaller">[883]</span></a>. La Pucelle chevauchait avec eux, armée de
+blanc, et portant son étendard. Les hommes d'armes et les hommes de
+trait venaient ensuite, escortant six cents voitures de vivres et de
+munitions et quatre cents têtes de bétail<a id="footnotetag884" name="footnotetag884"></a><a href="#footnote884" title="Lien vers la note 884"><span class="smaller">[884]</span></a>. La longue file des
+lances, des chariots et des troupeaux passa le pont de Blois, et se
+déroula dans la plaine infinie. Après avoir fait huit lieues sur une
+route ravinée, à l'heure du couvre-feu, quand, au soleil couchant, la
+Loire fut de cuivre entre ses joncs noirs, les prêtres chantèrent
+<i>Gabriel angelus</i> et l'armée fit halte<a id="footnotetag885" name="footnotetag885"></a><a href="#footnote885" title="Lien vers la note 885"><span class="smaller">[885]</span></a>.</p>
+
+<p>Cette nuit-là, on coucha dans les champs. Jeanne, qui n'avait pas
+voulu quitter son armure, se réveilla <span class="pagenum"><a id="page299" name="page299"></a>(p. 299)</span> tout endolorie. Elle
+entendit la messe et reçut la communion des mains de son aumônier,
+avec plusieurs gens d'armes. Puis l'armée se remit en marche vers
+Orléans<a id="footnotetag886" name="footnotetag886"></a><a href="#footnote886" title="Lien vers la note 886"><span class="smaller">[886]</span></a>.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page300" name="page300"></a>(p. 300)</span> CHAPITRE XII<br>
+
+<span class="smaller">LA PUCELLE À ORLÉANS.</span></h2>
+
+
+<p>Le jeudi 28 avril au soir, Jeanne put voir des hauteurs d'Olivet les
+clochers de la ville, les tours de Saint-Paul et de
+Saint-Pierre-Empont, où les guetteurs signalaient sa venue. L'armée
+suivit les pentes qui descendent vers la Loire et s'arrêta au port du
+Bouchet, tandis que les chariots et le bétail continuaient leur chemin
+sur la berge jusque vers l'Île-aux-Bourdons, devant Chécy, à une lieue
+en amont<a id="footnotetag887" name="footnotetag887"></a><a href="#footnote887" title="Lien vers la note 887"><span class="smaller">[887]</span></a>. C'est là que devait se faire le débarquement. Au signal
+des guetteurs, monseigneur le Bâtard, accompagné de Thibaut de Termes
+et de quelques autres capitaines, sortit de la ville par la porte de
+Bourgogne, sauta dans une barque à <span class="pagenum"><a id="page301" name="page301"></a>(p. 301)</span> Saint-Jean-de-Braye et
+alla tenir conseil avec les sires de Rais et de Loré, qui commandaient
+le convoi<a id="footnotetag888" name="footnotetag888"></a><a href="#footnote888" title="Lien vers la note 888"><span class="smaller">[888]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant la Pucelle venait de s'apercevoir qu'elle était sur la rive
+de Sologne et qu'on l'avait trompée en chemin. Elle en ressentait de
+la douleur et de la colère. On l'avait trompée, cela était sûr. Mais
+l'avait-on fait exprès? Avait-on voulu vraiment la tromper? On
+rapporte qu'elle avait exprimé la volonté de passer par la Beauce, et
+non par la Sologne, et qu'il lui avait été répondu: «Jeanne,
+rassurez-vous; nous vous menons par la Beauce<a id="footnotetag889" name="footnotetag889"></a><a href="#footnote889" title="Lien vers la note 889"><span class="smaller">[889]</span></a>.» Est-ce possible?
+Pourquoi les seigneurs se seraient-ils joués de la sorte d'une sainte
+fille que le roi avait mise sous leur garde et qui inspirait déjà du
+respect à la plupart d'entre eux? Certains, il est vrai, croyant
+qu'elle se moquait, l'eussent volontiers moquée. Mais, si l'un de
+ceux-là lui avait fait cette trufferie, de lui mettre la Sologne en
+Beauce, comment ne se serait-il trouvé personne pour la désabuser?
+Comment frère Pasquerel, son aumônier; comment son intendant,
+l'honnête écuyer d'Aulon, se seraient-ils rendus complices de cette
+grossière plaisanterie? Tout cela ne se comprend guère, et quand on y
+songe, ce qui se comprend le moins, c'est que Jeanne eût expressément
+demandé qu'on allât à Orléans par la Beauce. Puisqu'elle <span class="pagenum"><a id="page302" name="page302"></a>(p. 302)</span>
+ignorait sa route à ce point qu'en passant le pont de Blois elle ne se
+douta pas qu'elle allait en Sologne, il y a peu d'apparence qu'elle se
+représentât assez précisément l'assiette d'Orléans pour préférer y
+entrer par le couchant ou par le midi. Une jeune fille qui seule
+connaît la porte par laquelle on entrera dans la ville assiégée et à
+qui de méchants capitaines font prendre un chemin pour un autre, cela
+ressemble trop à un conte de ma mère l'oie. Jeanne ne se faisait pas
+d'Orléans une idée plus claire que de Babylone. Il est vraisemblable
+de supposer un malentendu. Elle n'avait parlé ni de Sologne ni de
+Beauce. Ses Voix lui avaient dit que les Anglais ne bougeraient point.
+Elles ne lui avaient point montré le portrait de la ville; elles ne
+lui avaient donné ni plans ni cartes: les gens de guerre n'en usaient
+point. Jeanne, sans doute, avait dit aux capitaines et aux prêtres ce
+qu'elle devait bientôt répéter au Bâtard: «Je veux aller là où sont
+Talbot et les Anglais.» Et les prêtres, les gens d'armes, avaient
+répondu très sincèrement: «Jeanne, nous allons où sont Talbot et les
+Anglais<a id="footnotetag890" name="footnotetag890"></a><a href="#footnote890" title="Lien vers la note 890"><span class="smaller">[890]</span></a>.» Ils avaient cru bien dire, puisque Talbot conduisait le
+siège, et qu'on l'aurait, pour ainsi dire, devant soi, de quelque côté
+qu'on approchât de la ville. Mais apparemment ils n'avaient pas bien
+compris ce qu'avait dit la Pucelle, et la Pucelle n'avait pas bien
+compris ce qu'ils avaient <span class="pagenum"><a id="page303" name="page303"></a>(p. 303)</span> répondu. Car maintenant, de se
+voir séparée de la ville par les eaux et les sables du fleuve, elle se
+montrait irritée et dolente. Que pouvait-elle trouver de si fâcheux à
+cela? Ceux qui l'approchèrent en ce moment ne le découvrirent pas, et
+peut-être ses raisons ont-elles été méconnues parce qu'elles étaient
+spirituelles et mystiques. Certes, elle n'estimait pas qu'on eût
+commis une faute militaire en amenant par la Sologne les troupes et
+les vivres. Elle ne connaissait point les chemins; elle ne pouvait
+donc savoir quel était le meilleur. Des positions de l'ennemi, des
+travaux d'attaque et des travaux de défense elle ignorait tout; elle
+venait d'apprendre à l'instant sur quelle rive du fleuve la ville
+était assise. Il fallait pourtant qu'elle crût avoir une grave raison
+de se plaindre, car elle s'approcha du seigneur Bâtard et lui demanda
+vivement:</p>
+
+<p>&mdash;Est-ce vous qui êtes le Bâtard d'Orléans?</p>
+
+<p>&mdash;C'est moi, réjoui de votre venue.</p>
+
+<p>&mdash;Est-ce vous qui avez donné conseil que je vinsse ici, par ce côté de
+la rivière, et que je ne vinsse pas droit là où sont Talbot et les
+Anglais?</p>
+
+<p>&mdash;Moi et de plus sages ont donné ce conseil, croyant faire pour le
+mieux et le plus sûrement.</p>
+
+<p>Mais Jeanne:</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu! le conseil de Messire est plus sûr et plus sage que le
+vôtre. Vous avez cru me tromper et vous vous êtes trompés vous-mêmes.
+Car je vous apporte un meilleur secours qu'il n'en vint oncques à
+<span class="pagenum"><a id="page304" name="page304"></a>(p. 304)</span> chevalier ou à cité, c'est le secours du Roi des cieux,
+lequel secours procède de Dieu lui-même, qui, non vraiment pour
+l'amour de moi, mais à la requête de saint Louis et de saint
+Charlemagne, a eu pitié de la ville d'Orléans et n'a pas voulu
+souffrir que les ennemis eussent à la fois le corps du duc et sa
+ville<a id="footnotetag891" name="footnotetag891"></a><a href="#footnote891" title="Lien vers la note 891"><span class="smaller">[891]</span></a>.</p>
+
+<p>On entend: ce qui la fâchait, c'était de n'avoir point été menée droit
+devant Talbot et les Anglais. Elle venait d'apprendre que Talbot était
+sur la rive droite avec son camp. Et, en parlant de Talbot et des
+Anglais, elle entendait désigner seulement les Anglais qui étaient
+avec Talbot, puisqu'en descendant au Val de Loire, près du guet de
+Saint-Jean-le-Blanc, elle avait aperçu la bastille des Augustins et
+les Tourelles du bout du pont et qu'elle ne pouvait pas douter qu'il
+n'y eût aussi des Anglais sur la rive gauche. Il reste à savoir
+pourquoi elle avait tant désiré se montrer tout d'abord à Talbot et à
+ses Anglais et pourquoi maintenant elle était si marrie d'être séparée
+de lui par la Loire. Jugeait-elle que le camp retranché de
+Saint-Laurent-des-Orgerils, où commandaient Scales, Suffolk et Talbot,
+devait être tout de suite attaqué? Elle n'avait pu se faire
+d'elle-même cette idée, puisqu'elle ne connaissait pas les lieux, et
+aucun homme d'armes n'avait pu lui mettre cette folie en tête,
+d'attaquer un camp retranché en menant des b&oelig;ufs et des chariots.
+<span class="pagenum"><a id="page305" name="page305"></a>(p. 305)</span> Elle n'avait pas songé non plus, comme on l'a dit tant de
+fois, à forcer le passage entre la bastille Saint-Pouair à l'orée des
+bois, puisqu'elle ignorait les bastilles et les forêts comme le reste.
+Et si tel avait été son dessein, elle l'aurait dit clairement au
+Bâtard, car elle savait se faire entendre, et même les bonnes gens
+trouvaient qu'elle parlait bien. Quelle était donc sa pensée? Il n'est
+pas impossible de la pénétrer, si l'on songe à ce que pouvait être en
+ce moment la pensée d'une sainte, ou si seulement on se rappelle les
+paroles et les actes par lesquels Jeanne avait annoncé et préparé sa
+mission. Elle avait dit aux docteurs de Poitiers: «Le siège d'Orléans
+sera levé et la ville affranchie de ses ennemis après que j'en aurai
+fait sommation de par le Roi du ciel<a id="footnotetag892" name="footnotetag892"></a><a href="#footnote892" title="Lien vers la note 892"><span class="smaller">[892]</span></a>.» Elle avait mandé, de par
+le Roi du ciel, à Scales, à Suffolk et à Talbot de lever le siège;
+elle leur avait écrit qu'elle était toute prête à faire la paix et les
+avait sommés de retourner en Angleterre. Maintenant elle demandait
+réponse à Talbot, à Suffolk et à Scales. Puisque les Anglais ne lui
+avaient point renvoyé son héraut, elle venait à eux, à leurs chefs,
+comme un héraut de Messire; elle venait requérir qu'ils fissent paix.
+Et s'ils ne voulaient faire paix, elle était prête à combattre. C'est
+seulement après leur refus qu'elle serait assurée de vaincre, non par
+raisons humaines, mais parce que son Conseil le lui <span class="pagenum"><a id="page306" name="page306"></a>(p. 306)</span> avait
+promis. Peut-être même, peut-être espérait-elle qu'en se montrant aux
+capitaines anglais, son étendard à la main, accompagnée de madame
+sainte Catherine, de madame sainte Marguerite et de monseigneur saint
+Michel archange, elle les persuaderait de quitter la France; que,
+tombant à genoux, Talbot obéirait, non certes à elle, mais à Celui qui
+l'envoyait, et qu'ainsi elle ferait ce pourquoi elle était venue sans
+que coulât une goutte de ce sang français qui lui était cher et sans
+que les Anglais, dont elle avait pitié, perdissent ni leurs corps ni
+leurs âmes. En tout cas, il fallait obéir à Dieu et pratiquer la
+charité: la victoire était à ce prix. Et cette pieuse victoire qu'elle
+apportait, cette victoire angélique, les chefs de son parti, par une
+fausse prudence, la lui arrachaient des mains. Ils l'empêchaient
+d'accomplir sa mission, de donner, peut-être, le signe promis et
+l'entraînaient avec eux dans des entreprises moins sûres et moins
+belles. De là sa douleur et sa colère.</p>
+
+<p>Même après la déconvenue de son entrée, elle ne se croyait pas
+dispensée d'offrir la paix aux ennemis, afin d'être agréable à
+Dieu<a id="footnotetag893" name="footnotetag893"></a><a href="#footnote893" title="Lien vers la note 893"><span class="smaller">[893]</span></a>. Et puisqu'elle ne pouvait aller tout de suite au camp de
+Talbot, elle voulut se montrer devant le guet de
+Saint-Jean-le-Blanc<a id="footnotetag894" name="footnotetag894"></a><a href="#footnote894" title="Lien vers la note 894"><span class="smaller">[894]</span></a>.</p>
+
+<p>Il n'y avait plus personne derrière les palissades. <span class="pagenum"><a id="page307" name="page307"></a>(p. 307)</span> Mais, si
+elle y était allée et si elle y avait trouvé des ennemis, elle leur
+aurait d'abord offert la paix. La conduite qu'elle tint ensuite dans
+la ville en est la preuve certaine. Elle ne venait pas mettre au
+service des Orléanais des plans de campagne ou des ruses de guerre; sa
+part dans l'&oelig;uvre de la délivrance était plus haute et plus pure.
+Elle apportait à des hommes faibles, malheureux, égoïstes et
+souffrants, les invincibles forces de l'amour et de la foi, la vertu
+du sacrifice.</p>
+
+<p>Monseigneur le Bâtard, qui regardait la mission de Jeanne comme
+purement religieuse et qu'on aurait bien étonné en lui disant qu'il
+devait consulter cette paysanne sur le fait de la guerre, fit mine de
+ne point entendre les reproches qu'elle lui adressait et alla pourvoir
+à ce que les opérations fussent exécutées conformément aux
+dispositions prises.</p>
+
+<p>Tout avait été soigneusement concerté et préparé, mais voici que
+survenait une anicroche. Les chalands que les Orléanais devaient
+envoyer à Chécy pour embarquer les vivres n'avaient pas encore
+démarré<a id="footnotetag895" name="footnotetag895"></a><a href="#footnote895" title="Lien vers la note 895"><span class="smaller">[895]</span></a>. Ils n'allaient qu'à la voile et, comme le vent soufflait
+d'amont, ils ne pouvaient pas naviguer. On ne savait pas s'ils le
+pourraient bientôt, et le temps était cher. Jeanne dit avec confiance
+à ceux qui s'inquiétaient:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page308" name="page308"></a>(p. 308)</span> &mdash;Attendez un peu. Car, en nom Dieu, tout entrera dans la
+ville<a id="footnotetag896" name="footnotetag896"></a><a href="#footnote896" title="Lien vers la note 896"><span class="smaller">[896]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle avait raison. Le vent tourna; on déploya la toile, et les
+chalands remontèrent le fleuve sous une brise d'arrière qui les
+poussait assez fort pour qu'un bateau en pût traîner deux ou trois à
+sa remorque<a id="footnotetag897" name="footnotetag897"></a><a href="#footnote897" title="Lien vers la note 897"><span class="smaller">[897]</span></a>. Ils passèrent sans encombre devant la bastille
+Saint-Loup. Monseigneur le Bâtard monta dans un de ces bateaux avec
+Nicole de Giresme, grand prieur de France en l'ordre de Rhodes, et la
+flottille aborda au port de Chécy, où elle resta mouillée toute la
+nuit<a id="footnotetag898" name="footnotetag898"></a><a href="#footnote898" title="Lien vers la note 898"><span class="smaller">[898]</span></a>. Il fut décidé que l'armée de secours camperait cette nuit
+au port du Bouchet afin de garder le convoi en aval, tandis qu'un
+détachement se tiendrait vers les îles de Chécy pour veiller en amont,
+et regarder du côté de Jargeau. La Pucelle, en compagnie de quelques
+capitaines, avec un détachement de gens d'armes et de trait, suivit la
+berge et arriva devant l'Île-aux-Bourdons<a id="footnotetag899" name="footnotetag899"></a><a href="#footnote899" title="Lien vers la note 899"><span class="smaller">[899]</span></a>.</p>
+
+<p>Les seigneurs qui avaient amené le convoi décidèrent qu'on partirait
+tout de suite après le débarquement. L'armée, ayant fait sa besogne,
+retournerait à Blois pour y prendre ce qui restait de vivres et de
+<span class="pagenum"><a id="page309" name="page309"></a>(p. 309)</span> munitions; car on n'avait pas tout emporté en une fois.
+Apprenant que ces soldats, en compagnie desquels elle était venue,
+s'en allaient, elle voulut partir avec eux, et après avoir tant
+demandé qu'on la menât à Orléans, arrivée aux portes de la ville, elle
+ne pensait plus qu'à s'en aller. Ainsi l'âme des mystiques tourne aux
+souffles de l'Esprit; cette fois, comme toujours, Jeanne obéissait à
+des raisons purement spirituelles. Elle ne voulait pas se séparer de
+ces gens d'armes, parce qu'elle les croyait réconciliés avec Dieu, et
+qu'elle n'était pas sûre d'en retrouver d'autres aussi contrits. Or,
+pour elle, la victoire ou la défaite dépendaient uniquement de l'état
+de grâce ou de péché où se trouvaient les combattants; les mener à
+confesse, c'était tout son art militaire; elle n'avait point d'autre
+science pour combattre derrière des murs ou en rase campagne.</p>
+
+<p>&mdash;Quant à ce qui est d'entrer dans la ville, dit-elle, il me ferait
+mal de laisser mes gens et ne le dois faire. Ils sont tous confessés
+et, en leur compagnie, je ne craindrais pas toute la puissance des
+Anglais<a id="footnotetag900" name="footnotetag900"></a><a href="#footnote900" title="Lien vers la note 900"><span class="smaller">[900]</span></a>.</p>
+
+<p>En fait, comme on le pense bien, confessés ou non, près d'elle ou loin
+d'elle, ces soudards commettaient tous les péchés compatibles avec la
+simplicité d'esprit; mais l'innocente n'en voyait rien; ouverts aux
+choses invisibles, ses yeux étaient fermés aux choses sensibles.</p>
+
+<p>Elle était soutenue dans sa résolution de retourner à <span class="pagenum"><a id="page310" name="page310"></a>(p. 310)</span> Blois
+par les capitaines qui l'avaient amenée et qui la voulaient emmener,
+alléguant les ordres du roi. Comme elle portait chance, ils tenaient à
+la garder. Monseigneur le Bâtard voyait au contraire de graves
+inconvénients et même des dangers à ce qu'elle s'éloignât. Dans l'état
+où il avait laissé les habitants d'Orléans, si on tardait à leur
+montrer leur Pucelle, cris, menaces, émeutes, violences, mouvements de
+fureur et de désespoir, tout était à craindre, même des massacres. Il
+demanda en grâce aux capitaines de trouver bon, dans l'intérêt du roi,
+que Jeanne entrât à Orléans, et il obtint, sans trop de peine, qu'ils
+retournassent à Blois sans elle. Mais Jeanne ne se rendit pas si vite.
+Il la supplia de se décider à passer la Loire. Elle refusa et fit une
+telle résistance qu'il dut s'apercevoir qu'il n'est pas facile de
+manier une sainte. Il fallut que l'un des chefs qui l'avaient amenée,
+le sire de Rais ou le sire de Loré, joignît ses prières à celle du
+Bâtard et lui dît:</p>
+
+<p>&mdash;Allez-y sûrement, car nous vous promettons de retourner bientôt vers
+vous<a id="footnotetag901" name="footnotetag901"></a><a href="#footnote901" title="Lien vers la note 901"><span class="smaller">[901]</span></a>.</p>
+
+<p>Enfin, quand elle sut que le frère Pasquerel partirait avec eux,
+pensant que ses gens seraient bien confessés, elle consentit à
+rester<a id="footnotetag902" name="footnotetag902"></a><a href="#footnote902" title="Lien vers la note 902"><span class="smaller">[902]</span></a>. Elle passa la Loire avec <span class="pagenum"><a id="page311" name="page311"></a>(p. 311)</span> ses frères, sa petite
+compagnie, le Bâtard, le maréchal de Boussac, le capitaine La Hire, et
+débarqua à Chécy qui était alors un très gros bourg, ayant deux
+églises, un Hôtel-Dieu, une léproserie<a id="footnotetag903" name="footnotetag903"></a><a href="#footnote903" title="Lien vers la note 903"><span class="smaller">[903]</span></a>. Elle fut reçue par un
+riche bourgeois nommé Guy de Cailly, dans le manoir de Reuilly où elle
+passa la nuit<a id="footnotetag904" name="footnotetag904"></a><a href="#footnote904" title="Lien vers la note 904"><span class="smaller">[904]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 29 au matin, les chalands qui avaient mouillé à Chécy traversèrent
+la Loire, et les convoyeurs les chargèrent de vivres, de munitions et
+de bétail<a id="footnotetag905" name="footnotetag905"></a><a href="#footnote905" title="Lien vers la note 905"><span class="smaller">[905]</span></a>. La Loire était haute<a id="footnotetag906" name="footnotetag906"></a><a href="#footnote906" title="Lien vers la note 906"><span class="smaller">[906]</span></a>. Les chalands purent dériver
+à charge par le chenal navigable qui longeait la rive gauche. Les
+oseraies et les bouleaux de l'Île-aux-B&oelig;ufs les cachaient aux
+Anglais de la bastille Saint-Loup qui, d'ailleurs, avaient en ce
+moment beaucoup à faire. La garnison de la ville, pour les distraire,
+escarmouchait contre eux. On s'y battait assez rudement; il y avait
+morts, blessés et prisonniers des deux partis et les Anglais perdaient
+un étendard<a id="footnotetag907" name="footnotetag907"></a><a href="#footnote907" title="Lien vers la note 907"><span class="smaller">[907]</span></a>. Les chalands passèrent à découvert sous le guet de
+Saint-Jean-le-Blanc, qui était <span class="pagenum"><a id="page312" name="page312"></a>(p. 312)</span> abandonné<a id="footnotetag908" name="footnotetag908"></a><a href="#footnote908" title="Lien vers la note 908"><span class="smaller">[908]</span></a>, tournèrent à
+tribord entre l'Île-aux-B&oelig;ufs et l'îlette des Martinets, pour
+redescendre, en côtoyant la rive droite, sous l'Île-aux-Toiles jusqu'à
+la Tour-Neuve, dont le pied baignait dans la Loire, à l'angle sud-est
+de la ville. Puis ils se mirent à l'abri dans les fossés de la porte
+de Bourgogne<a id="footnotetag909" name="footnotetag909"></a><a href="#footnote909" title="Lien vers la note 909"><span class="smaller">[909]</span></a>.</p>
+
+<p>Toute la journée, le manoir de Reuilly fut assiégé par une foule de
+bourgeois orléanais qui, n'y pouvant tenir, étaient venus, au péril de
+leur vie, voir la Pucelle promise. Elle quitta Chécy seulement à six
+heures du soir. Les capitaines voulaient ne la faire entrer dans la
+ville que la nuit tombée, de peur qu'on ne s'écrasât devant elle et
+qu'il n'y eût de grands désordres<a id="footnotetag910" name="footnotetag910"></a><a href="#footnote910" title="Lien vers la note 910"><span class="smaller">[910]</span></a>. Ils passèrent sans doute par
+les larges vallées qui descendent au midi de Semoy, sur les confins
+des paroisses de Saint-Marc et de Saint-Jean-de-Braye. Chemin faisant,
+elle disait à ceux qui chevauchaient avec elle:</p>
+
+<p>&mdash;Ne craignez rien. Il ne vous arrivera aucun mal<a id="footnotetag911" name="footnotetag911"></a><a href="#footnote911" title="Lien vers la note 911"><span class="smaller">[911]</span></a>.</p>
+
+<p>En fait, le passage n'était dangereux qu'aux piétons. Les gens de
+cheval ne risquaient guère d'être poursuivis par les Anglais, qui,
+dans leurs bastilles, manquaient de chevaux.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page313" name="page313"></a>(p. 313)</span> Ce vendredi 29 avril, elle entra de nuit dans Orléans par la
+porte de Bourgogne; elle était armée de toutes pièces, et montée sur
+un cheval blanc<a id="footnotetag912" name="footnotetag912"></a><a href="#footnote912" title="Lien vers la note 912"><span class="smaller">[912]</span></a>. Un cheval blanc était la monture des hérauts
+d'armes et des archanges<a id="footnotetag913" name="footnotetag913"></a><a href="#footnote913" title="Lien vers la note 913"><span class="smaller">[913]</span></a>. Le Bâtard l'avait placée à sa droite.
+Elle faisait porter devant elle son étendard, sur lequel on voyait
+deux anges tenant chacun à la main une fleur de lis, et son pennon
+avec l'image de la Salutation angélique. Puis venaient le maréchal de
+Boussac, Guy de Cailly, Pierre et Jean d'Arc, Jean de Metz et Bertrand
+de Poulengy, le sire d'Aulon, les seigneurs, capitaines, écuyers, gens
+de guerre et citoyens qui étaient allés au-devant d'elle à
+Reuilly<a id="footnotetag914" name="footnotetag914"></a><a href="#footnote914" title="Lien vers la note 914"><span class="smaller">[914]</span></a>. À sa rencontre, se pressaient les bourgeois et les
+bourgeoises d'Orléans, portant des torches et montrant autant de joie
+que s'ils eussent vu Dieu lui-même descendre dans leur ville<a id="footnotetag915" name="footnotetag915"></a><a href="#footnote915" title="Lien vers la note 915"><span class="smaller">[915]</span></a>. Ils
+avaient souffert de grands maux et craint de n'être point secourus,
+mais déjà ils se sentaient réconfortés et comme désassiégés par la
+vertu divine qu'on leur avait dit être en cette pucelle. Ils la
+regardaient avec un pieux amour. Hommes, femmes, enfants se <span class="pagenum"><a id="page314" name="page314"></a>(p. 314)</span>
+précipitaient, s'étouffaient pour la toucher, elle et son cheval
+blanc, comme on touche les reliques des saints. Dans cette presse une
+torche mit le feu au pennon. Ce que voyant, la Pucelle donna de
+l'éperon et allongea le pas jusqu'à la flamme qu'elle éteignit avec
+une adresse qui parut merveilleuse; car tout en elle
+émerveillait<a id="footnotetag916" name="footnotetag916"></a><a href="#footnote916" title="Lien vers la note 916"><span class="smaller">[916]</span></a>. Gens d'armes et bourgeois ravis l'accompagnèrent en
+foule, par la ville, à l'église Sainte-Croix, où premièrement elle
+alla rendre grâces à Dieu, puis à l'hôtel de Jacques Boucher, où son
+logis était préparé<a id="footnotetag917" name="footnotetag917"></a><a href="#footnote917" title="Lien vers la note 917"><span class="smaller">[917]</span></a>.</p>
+
+<p>Jacques, ou comme on disait, Jacquet Boucher, depuis plusieurs années
+trésorier du duc d'Orléans, était très riche homme et avait épousé la
+fille d'un des plus notables bourgeois de la cité<a id="footnotetag918" name="footnotetag918"></a><a href="#footnote918" title="Lien vers la note 918"><span class="smaller">[918]</span></a>. Demeuré dans
+sa ville durant tout le siège, il contribuait à la dépense, faisait
+des dons de blé, d'avoine et de vin, avançait des deniers pour achats
+de poudre et d'armes. La garde des remparts appartenant aux bourgeois,
+Jacques Boucher avait charge de tenir en état de défense la porte
+Renart où il demeurait et qui se trouvait la plus exposée aux attaques
+des Anglais. Son hôtel, un des <span class="pagenum"><a id="page315" name="page315"></a>(p. 315)</span> plus beaux et des plus grands
+de la ville, autrefois habité par une famille Regnart ou Renart qui
+avait donné son nom à la porte, était situé dans la rue des
+Talmeliers, tout proche l'enceinte. Les capitaines y tenaient conseil,
+quand ils ne se réunissaient pas dans l'hôtel du chancelier Guillaume
+Cousinot, rue de la Rose<a id="footnotetag919" name="footnotetag919"></a><a href="#footnote919" title="Lien vers la note 919"><span class="smaller">[919]</span></a>. Le logis de Jacques Boucher était sans
+doute bien garni de vaisselle d'argent et de tapisseries historiées.
+Dans une des salles, il y avait, paraît-il, une peinture représentant
+trois femmes et portant cette inscription: <i>Justice, Paix,
+Union</i><a id="footnotetag920" name="footnotetag920"></a><a href="#footnote920" title="Lien vers la note 920"><span class="smaller">[920]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle fut reçue en cette maison avec ses deux frères, les deux
+compagnons qui l'avaient amenée au roi et leurs valets. Elle s'y fit
+désarmer<a id="footnotetag921" name="footnotetag921"></a><a href="#footnote921" title="Lien vers la note 921"><span class="smaller">[921]</span></a>. La femme et la fille de Jacques Boucher passèrent la
+nuit avec elle. Jeanne partagea le lit de l'enfant, qui avait neuf ans
+et se nommait Charlotte, du nom du duc Charles, que servait son
+père<a id="footnotetag922" name="footnotetag922"></a><a href="#footnote922" title="Lien vers la note 922"><span class="smaller">[922]</span></a>. C'était l'usage alors que l'hôte partageât <span class="pagenum"><a id="page316" name="page316"></a>(p. 316)</span> son
+lit avec son hôte, l'hôtesse avec son hôtesse. La civilité le voulait;
+les rois n'y manquaient pas plus que les bourgeois. On enseignait aux
+enfants comment il fallait se comporter avec son compagnon de lit,
+tenir sa juste place, ne pas bouger et dormir la bouche fermée<a id="footnotetag923" name="footnotetag923"></a><a href="#footnote923" title="Lien vers la note 923"><span class="smaller">[923]</span></a>.</p>
+
+<p>Ainsi l'argentier ducal accueillit la Pucelle en son hôtel et
+l'hébergea aux frais de la ville. Les chevaux de Jeanne furent mis
+dans l'écurie d'un bourgeois nommé Jean Pillas. Quant aux frères
+d'Arc, ils ne demeurèrent point avec leur s&oelig;ur, mais logèrent en
+l'hôtel de Thévenin Villedart. La ville les défraya de tout, leur
+fournit notamment les souliers et les houseaux dont ils avaient besoin
+et leur fit don de quelques écus d'or. Trois compagnons de la Pucelle,
+fort dénués, qui la vinrent trouver à Orléans, reçurent de quoi
+manger<a id="footnotetag924" name="footnotetag924"></a><a href="#footnote924" title="Lien vers la note 924"><span class="smaller">[924]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, 30 avril, les milices orléanaises furent debout au petit
+jour. Depuis la veille au soir tout était renversé dans la ville; la
+révolte, longtemps contenue, éclatait. Les bourgeois, qui, dès le mois
+de février, avaient pris la chevalerie en défiance et en haine, la
+secouaient enfin et la brisaient<a id="footnotetag925" name="footnotetag925"></a><a href="#footnote925" title="Lien vers la note 925"><span class="smaller">[925]</span></a>. Il n'y avait plus ni lieutenant
+du roi, ni gouverneur, ni seigneurs, ni chefs de guerre; il n'y avait
+plus qu'un pouvoir et qu'une force: la Pucelle. La Pucelle était
+capitaine de <span class="pagenum"><a id="page317" name="page317"></a>(p. 317)</span> la commune. Cette fillette, cette pastoure,
+cette béguine que les nobles amenaient pour qu'elle leur portât
+bonheur, leur causait le plus grand dommage qu'ils pussent éprouver;
+elle les réduisait à rien. Dès la matinée du 30, ils eurent tout lieu
+de s'apercevoir que la révolution bourgeoise était accomplie. Les
+milices attendaient la Pucelle pour la mettre à leur tête et marcher
+tout de suite avec elle contre les Godons. Les capitaines essayèrent
+de leur faire comprendre qu'il fallait attendre l'armée de Blois et
+les gens du maréchal de Boussac qui étaient partis, la nuit, à la
+rencontre de cette armée. Les bourgeois en armes ne voulaient rien
+entendre et réclamaient à grands cris la Pucelle. Elle ne parut point.
+Monseigneur le Bâtard, qui avait la langue dorée, lui avait conseillé
+de ne se pas montrer<a id="footnotetag926" name="footnotetag926"></a><a href="#footnote926" title="Lien vers la note 926"><span class="smaller">[926]</span></a>. Ce fut le dernier avantage que les chefs
+prirent sur elle. Encore, en paraissant leur céder, n'avait-elle,
+cette fois, comme les autres, agi qu'à sa volonté. Quant aux
+bourgeois, avec ou sans la Pucelle, ils voulaient se battre. Le Bâtard
+ne put les en empêcher. Ils sortirent, accompagnés par les Gascons du
+capitaine La Hire et les gens de messire Florent d'Illiers; ils
+attaquèrent courageusement la bastille Saint-Pouair, que les Anglais
+nommaient Paris et qui se dressait à quatre cents toises des murs; ils
+culbutèrent le poste avancé <span class="pagenum"><a id="page318" name="page318"></a>(p. 318)</span> et approchèrent la bastille de
+si près qu'on leur apportait déjà de la ville des fagots et de la
+paille pour incendier les barrières. Mais les Anglais, au cri de
+Saint-Georges, sortirent en bon ordre et, après un rude et sanglant
+combat, repoussèrent l'attaque des bourgeois et des routiers<a id="footnotetag927" name="footnotetag927"></a><a href="#footnote927" title="Lien vers la note 927"><span class="smaller">[927]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle n'en avait rien su. Venue de Dieu sur son cheval blanc, en
+messagère armée et pacifique, elle n'estimait ni juste ni pieux de
+combattre les Anglais avant qu'ils eussent refusé ses offres de paix.
+Ce jour, comme la veille, tout son désir était d'aller saintement vers
+Talbot. Elle demanda nouvelle de sa lettre et apprit que les
+capitaines anglais n'en avaient tenu nul compte et qu'ils avaient
+gardé son héraut Guyenne<a id="footnotetag928" name="footnotetag928"></a><a href="#footnote928" title="Lien vers la note 928"><span class="smaller">[928]</span></a>. Voici ce qui était arrivé.</p>
+
+<p>Cette lettre, que le Bâtard trouvait faite de paroles bien simples,
+produisit sur les Anglais un effet prodigieux. Elle les remplit de
+fureur et d'épouvante. Ils retinrent le héraut qui l'avait portée, et,
+bien que la coutume et l'usage fussent de respecter la personne de ces
+officiers, alléguant que le messager de la sorcière ne pouvait être
+qu'un hérétique, ils le firent mettre aux fers et, après une manière
+de procès, le condamnèrent au feu comme complice de l'abuseresse<a id="footnotetag929" name="footnotetag929"></a><a href="#footnote929" title="Lien vers la note 929"><span class="smaller">[929]</span></a>.
+Même, <span class="pagenum"><a id="page319" name="page319"></a>(p. 319)</span> ils dressèrent le poteau où il devait être lié.
+Toutefois, avant d'exécuter la sentence, ils jugèrent bon de consulter
+l'Université de Paris, comme l'évêque de Beauvais devait la consulter,
+en pareille matière, dix-huit mois plus tard<a id="footnotetag930" name="footnotetag930"></a><a href="#footnote930" title="Lien vers la note 930"><span class="smaller">[930]</span></a>. La peur les rendait
+méchants. Ces malheureux, que l'on traitait de diables, craignaient
+les diables. Ils soupçonnaient les Français à l'esprit subtil d'être
+nécromanciens et sorciers, et disaient que les Armagnacs avaient fait
+mourir le grand roi Henri V par des vers magiques. Redoutant que leurs
+ennemis n'usassent contre eux de sortilèges et d'enchantements, ils
+portaient sur eux, pour se préserver de tout mal des bandes de
+parchemin couvertes de formules conjuratoires qu'on nommait des
+«periapts»<a id="footnotetag931" name="footnotetag931"></a><a href="#footnote931" title="Lien vers la note 931"><span class="smaller">[931]</span></a>. Le plus efficace, de ces amulettes, était le premier
+chapitre de l'évangile de saint Jean. À cette époque, les étoiles les
+menaçaient et les mathématiciens lisaient dans le ciel leur ruine
+prochaine. Leur défunt roi Henri V avait, du temps qu'il étudiait à
+Oxford, appris les règles de la divination par les astres. Il gardait
+dans ses coffres pour son usage particulier deux astrolabes, l'un
+d'argent et l'autre d'or. Quand sa femme, Catherine de France, fut
+près d'accoucher, il opéra lui-même «l'élection à la fois sidérale et
+topique», relative à la venue <span class="pagenum"><a id="page320" name="page320"></a>(p. 320)</span> de l'enfant dans le monde. Et,
+comme d'ailleurs une prophétie courait l'Angleterre<a id="footnotetag932" name="footnotetag932"></a><a href="#footnote932" title="Lien vers la note 932"><span class="smaller">[932]</span></a>, disant que
+Windsor perdrait ce que Monmouth avait gagné, il défendit à la reine
+de faire ses couches à Windsor. Mais on ne peut détourner la destinée.
+L'enfant royal naquit à Windsor. Son père était en France quand il en
+apprit la nouvelle; il en conçut de funestes présages et fit venir
+Jean Halbourd de Troyes, ministre général des trinitaires ou
+mathurins, «excellent en astrologie», qui, ayant dressé le thème de
+nativité, ne put que confirmer le roi dans ses noirs
+pressentiments<a id="footnotetag933" name="footnotetag933"></a><a href="#footnote933" title="Lien vers la note 933"><span class="smaller">[933]</span></a>. Et voici que les temps étaient venus. Windsor
+régnait; il fallait s'attendre à tout perdre. Merlin l'avait prédit,
+qu'une vierge les devait bouter hors de France et de tout point les
+défaire. Quand vint la Pucelle, ils pâlirent d'effroi; capitaines et
+soldats perdirent tout courage<a id="footnotetag934" name="footnotetag934"></a><a href="#footnote934" title="Lien vers la note 934"><span class="smaller">[934]</span></a>. Tels qui n'avaient peur d'homme
+au monde tremblaient devant cette fille, la tenant pour sorcière.
+C'eût été trop leur demander que de la tenir pour sainte et envoyée du
+Ciel. Il suffisait qu'ils la prissent pour une magicienne très
+savante<a id="footnotetag935" name="footnotetag935"></a><a href="#footnote935" title="Lien vers la note 935"><span class="smaller">[935]</span></a>. À ceux qu'elle venait secourir, elle semblait une fille
+de Dieu; à ceux qu'elle venait détruire, elle apparaissait comme un
+monstre horrible en forme <span class="pagenum"><a id="page321" name="page321"></a>(p. 321)</span> de femme. Ce double aspect fit
+toute sa force: angélique pour les Français et diabolique pour les
+Anglais, elle se montrait aux uns et aux autres invincible et
+surnaturelle.</p>
+
+<p>Dans la soirée du 30, elle envoya au camp de
+Saint-Laurent-des-Orgerils son héraut Ambleville pour réclamer
+Guyenne, qui avait porté la lettre de Blois et qui n'était pas revenu.
+Ambleville avait aussi mission de dire à sir John Talbot, au comte de
+Suffolk et au seigneur de Scales, que de la part de Dieu, la Pucelle
+les sommait de partir et d'aller en Angleterre; autrement que mal leur
+adviendrait. Les Anglais renvoyèrent Ambleville avec un mauvais
+message.</p>
+
+<p>&mdash;Les Anglais, dit-il à la Pucelle, gardent mon compagnon pour le
+brûler.</p>
+
+<p>Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu, ils ne lui feront nul mal.</p>
+
+<p>Et elle ordonna à Ambleville de retourner<a id="footnotetag936" name="footnotetag936"></a><a href="#footnote936" title="Lien vers la note 936"><span class="smaller">[936]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle était indignée, et sans doute grandement déçue. Certes elle
+n'avait point prévu que Talbot et les chefs du siège feraient un tel
+accueil à une lettre inspirée par mesdames sainte Catherine et sainte
+Marguerite et par monseigneur saint Michel; mais elle avait tant de
+charité au c&oelig;ur, qu'elle voulut offrir encore la paix aux Anglais.
+Dans son innocence, elle ne pouvait croire que les avertissements
+qu'elle donnait de par Dieu ne <span class="pagenum"><a id="page322" name="page322"></a>(p. 322)</span> fussent point enfin entendus.
+D'ailleurs, quoi qu'il en dût advenir, elle voulait faire son devoir
+jusqu'au bout. Elle sortit à la nuit par la porte du Pont et alla
+jusqu'au boulevard de la Belle-Croix. Il n'était pas rare qu'on
+s'interpellât d'un parti à l'autre. La Belle-Croix était à portée de
+voix des Tourelles. La Pucelle monta sur la barrière et cria aux
+Anglais:</p>
+
+<p>&mdash;Rendez-vous, de par Dieu, vos vies sauves seulement.</p>
+
+<p>Mais ceux de la garnison et le capitaine William Glasdall lui-même lui
+crachèrent de basses injures et d'horribles menaces.</p>
+
+<p>&mdash;Vachère! Si nous te tenons jamais, nous te ferons brûler.</p>
+
+<p>Elle leur répondit qu'ils mentaient. Mais ils étaient sérieux et
+sincères; ils croyaient fermement que cette fille armait contre eux
+des légions de diables<a id="footnotetag937" name="footnotetag937"></a><a href="#footnote937" title="Lien vers la note 937"><span class="smaller">[937]</span></a>.</p>
+
+<p>Le dimanche 1<sup>er</sup> mai, monseigneur le Bâtard alla au-devant de
+l'armée de Blois<a id="footnotetag938" name="footnotetag938"></a><a href="#footnote938" title="Lien vers la note 938"><span class="smaller">[938]</span></a>. Il connaissait le pays; actif et prudent, il
+tenait à surveiller l'entrée de ce convoi comme il avait surveillé
+l'entrée de l'autre. Il partit avec une petite escorte. Adroitement,
+pour flatter les Orléanais dans leur amour et leur piété, pour se
+mettre, autant dire, sous la sauvegarde de leur sainte, ne se risquant
+point à l'emmener elle-même, il emmena du moins quelqu'un à elle,
+<span class="pagenum"><a id="page323" name="page323"></a>(p. 323)</span> son intendant, le sire Jean d'Aulon<a id="footnotetag939" name="footnotetag939"></a><a href="#footnote939" title="Lien vers la note 939"><span class="smaller">[939]</span></a>. Il saisissait la
+première occasion de montrer son bon vouloir à l'endroit de la
+Pucelle, sentant que désormais on ne pouvait rien faire qu'avec elle
+et sous son ombre.</p>
+
+<p>La ferveur des citoyens ne tiédissait point. Ce jour encore, dans le
+grand désir de voir la sainte, ils se pressèrent en foule devant
+l'hôtel de Jacques Boucher avec autant de violence que les pèlerins du
+Puy dans le sanctuaire de la Vierge noire. On craignit que les portes
+ne fussent enfoncées. Le cri d'un peuple montait vers elle. C'est
+alors qu'elle se montra bonne, sage, égale à sa mission et vraiment
+née pour le salut de tous. Ce peuple fou, en l'absence des capitaines
+et des hommes d'armes, n'attendait qu'un signe d'elle pour courir
+tumultueusement aux bastilles, s'y briser, s'y meurtrir. Ce signe,
+malgré les visions guerrières qui l'obsédaient, elle ne le fit pas.
+Tout enfant qu'elle était et ignorante des choses de la guerre et de
+toute chose humaine, elle trouva en elle le sentiment et la force
+d'éviter le désastre. Elle mena cette foule d'hommes, non point aux
+bastilles anglaises, mais aux lieux saints de la cité. Elle
+chevauchait par les rues, accompagnée de plusieurs chevaliers et
+écuyers; la foule des hommes et des femmes se jetait sur son passage
+et ne pouvait se rassasier de la voir. On s'émerveillait de ce qu'elle
+pût se tenir à cheval de si noble façon, comme elle <span class="pagenum"><a id="page324" name="page324"></a>(p. 324)</span> faisait,
+et se comporter en toutes ses manières ainsi qu'un homme d'armes, et
+l'on se serait écrié que c'était un vrai saint Georges, si l'on n'eût
+eu soupçon que monsieur saint Georges s'était tourné Anglais<a id="footnotetag940" name="footnotetag940"></a><a href="#footnote940" title="Lien vers la note 940"><span class="smaller">[940]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce dimanche, elle alla, pour la deuxième fois, offrir la paix aux
+ennemis du royaume. Elle sortit par la porte Renart et s'avança sur la
+route de Blois, dans le faubourg incendié, vers la bastille anglaise
+qui, ceinte d'un double fossé, s'élevait sur un coteau, au carrefour
+nommé la croix Boissée ou Buissée, parce que les Orléanais y avaient
+dressé une croix que, chaque année, ils ornaient de buis bénit, le
+jour de Pâques fleuries. Elle voulait sans doute atteindre cette
+bastille et, peut-être, se rendre au camp de
+Saint-Laurent-des-Orgerils qui s'étendait entre la croix Boissée et la
+Loire et où étaient, comme elle avait dit, Talbot et les Anglais. Car
+elle ne désespérait pas encore de se faire entendre des chefs du
+siège. Mais au pied du coteau, en un lieu dit la Croix-Morin, elle
+rencontra des Godons qui gardaient le passage. Là, gravement,
+religieusement, saintement, elle les somma de se retirer devant les
+armées du Seigneur.</p>
+
+<p>&mdash;Rendez-vous, la vie sauve tant seulement. Retournez de par Dieu en
+Angleterre. Si non, je ferai que vous serez affligés<a id="footnotetag941" name="footnotetag941"></a><a href="#footnote941" title="Lien vers la note 941"><span class="smaller">[941]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page325" name="page325"></a>(p. 325)</span> Ces gens d'armes lui répondirent, ainsi qu'avaient fait ceux
+des Tourelles, par des paroles injurieuses. L'un d'eux, le bâtard de
+Granville, lui cria:</p>
+
+<p>&mdash;Veux-tu donc que nous nous rendions à une femme?</p>
+
+<p>Ils appelèrent les Français qui étaient avec elle maquereaux et
+mécréants, pour leur faire honte d'accompagner une ribaude et une
+sorcière. Mais soit qu'ils crussent que ses charmes la rendaient
+invulnérable, soit qu'ils tinssent pour honteux de férir quiconque
+portait un message, pas plus cette fois que les autres ils ne tirèrent
+sur elle<a id="footnotetag942" name="footnotetag942"></a><a href="#footnote942" title="Lien vers la note 942"><span class="smaller">[942]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce dimanche, Jacquet le Prestre, varlet de la ville, offrit le vin à
+la Pucelle<a id="footnotetag943" name="footnotetag943"></a><a href="#footnote943" title="Lien vers la note 943"><span class="smaller">[943]</span></a>. Les procureurs et les citoyens ne savaient mieux
+faire pour honorer celle qu'ils regardaient comme leur capitaine.
+Ainsi en usaient-ils avec les seigneurs, les rois et les reines qu'ils
+recevaient dans leurs murailles. Le vin était alors grandement estimé
+pour sa noblesse et sa bienfaisance. Jeanne, en formant un souhait,
+disait volontiers: «Dussé-je ne pas boire de vin d'ici à
+Pâques<a id="footnotetag944" name="footnotetag944"></a><a href="#footnote944" title="Lien vers la note 944"><span class="smaller">[944]</span></a>!...» Mais de fait, elle ne buvait point de vin pur et
+mangeait peu<a id="footnotetag945" name="footnotetag945"></a><a href="#footnote945" title="Lien vers la note 945"><span class="smaller">[945]</span></a>.</p>
+
+<p>Durant ces jours d'attente, la Pucelle ne se reposa <span class="pagenum"><a id="page326" name="page326"></a>(p. 326)</span> pas un
+moment. Le lundi 2 mai, elle monta à cheval et alla aux champs pour
+voir les bastilles anglaises. Le peuple la suivit en masse, sans
+crainte, joyeux d'être près d'elle. Et quand elle eut regardé tout à
+son aise, elle rentra dans la ville et se rendit à l'église cathédrale
+où elle entendit les vêpres<a id="footnotetag946" name="footnotetag946"></a><a href="#footnote946" title="Lien vers la note 946"><span class="smaller">[946]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, 3 mai, jour de l'invention de la sainte Croix, qui était
+la fête de la cathédrale, elle suivit la procession avec les
+procureurs et les habitants. Là, maître Jean de Macon, chantre de la
+cathédrale<a id="footnotetag947" name="footnotetag947"></a><a href="#footnote947" title="Lien vers la note 947"><span class="smaller">[947]</span></a>, l'aborda en ces termes:</p>
+
+<p>&mdash;Ma fille, êtes-vous venue pour lever le siège?</p>
+
+<p>Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu, oui<a id="footnotetag948" name="footnotetag948"></a><a href="#footnote948" title="Lien vers la note 948"><span class="smaller">[948]</span></a>!</p>
+
+<p>Les Orléanais croyaient tous que les Anglais étaient innombrables
+autour de la ville comme les étoiles dans le ciel; le notaire
+Guillaume Girault n'attendait plus qu'un miracle<a id="footnotetag949" name="footnotetag949"></a><a href="#footnote949" title="Lien vers la note 949"><span class="smaller">[949]</span></a>; Jean Luillier,
+marchand drapier<a id="footnotetag950" name="footnotetag950"></a><a href="#footnote950" title="Lien vers la note 950"><span class="smaller">[950]</span></a> de son état, estimait impossible que les
+concitoyens pussent tenir longtemps contre des ennemis à ce point
+<span class="pagenum"><a id="page327" name="page327"></a>(p. 327)</span> plus forts qu'eux<a id="footnotetag951" name="footnotetag951"></a><a href="#footnote951" title="Lien vers la note 951"><span class="smaller">[951]</span></a>. Messire Jean de Macon s'effrayait
+pareillement de la puissance et de la multitude des Godons.</p>
+
+<p>&mdash;Ma fille, dit-il à la Pucelle, ils sont forts et bien fortifiés, et
+ce sera une grande affaire que de les mettre dehors<a id="footnotetag952" name="footnotetag952"></a><a href="#footnote952" title="Lien vers la note 952"><span class="smaller">[952]</span></a>.</p>
+
+<p>Si le notaire Guillaume Girault, si le drapier Jean Luillier, si
+messire Jean de Macon, au lieu de nourrir des imaginations tristes,
+avaient fait le compte des assiégés et des assiégeants, ils auraient
+reconnu que ceux-ci étaient moins nombreux que ceux-là, et que l'armée
+de Scales, de Suffolk, de Talbot, semblait maigre et chétive au regard
+des armées que le roi Henri V avait jadis menées aux grands sièges;
+ils se seraient aperçus, en y regardant un peu, que les bastilles
+horrifiquement nommées Londres et Paris n'étaient capables d'arrêter
+au passage ni blé, ni b&oelig;ufs, ni pourceaux, ni gens d'armes, que des
+marchands avec leurs bestiaux insultaient chaque jour ces gigantesques
+mannequins; et qu'enfin les affaires des Orléanais étaient pour
+l'heure en meilleur état que celles des Anglais. Mais ils n'avaient
+rien observé par eux-mêmes et ils s'en tenaient au sens commun, qui
+est rarement le sens du juste et du vrai. La Pucelle n'entra pas dans
+les fausses raisons de messire Jean de Macon. Des Anglais, elle n'en
+savait pas plus que lui; cependant, <span class="pagenum"><a id="page328" name="page328"></a>(p. 328)</span> comme elle était une
+sainte, elle répondit avec tranquillité:</p>
+
+<p>&mdash;Il n'est rien d'impossible à la puissance de Dieu<a id="footnotetag953" name="footnotetag953"></a><a href="#footnote953" title="Lien vers la note 953"><span class="smaller">[953]</span></a>.</p>
+
+<p>Et maître Jean de Macon l'approuva de penser ainsi.</p>
+
+<p class="p2">Ce qui rendait la situation trouble, dangereuse, effrayante, c'est que
+les bourgeois se croyaient trahis. Ils se rappelaient le comte de
+Clermont, l'homme des Harengs, et ils soupçonnaient les gens du roi de
+les abandonner encore; ils se voyaient, après avoir tant fait et tant
+payé, livrés aux Anglais. Cette idée les rendait fous<a id="footnotetag954" name="footnotetag954"></a><a href="#footnote954" title="Lien vers la note 954"><span class="smaller">[954]</span></a>. Le bruit
+courait que le maréchal de Boussac, parti avec monseigneur le Bâtard
+au-devant du second convoi de vivres, et qui devait revenir le mardi
+3, ne reviendrait pas. On disait que le chancelier de France voulait
+licencier l'armée. C'était absurde: le Conseil du roi et celui de la
+reine de Sicile faisaient au contraire de vigoureux efforts pour
+délivrer la cité; mais de longues souffrances et un horrible danger
+troublaient les esprits. On craignait aussi plus raisonnablement qu'il
+n'arrivât malheur en chemin à ceux de Blois, comme il était arrivé aux
+autres, à Rouvray. Les inquiétudes des bourgeois envahirent les
+compagnons de la Pucelle. Un des meilleurs d'entre eux, le sire
+d'Aulon, son intendant, lui laissa voir ses craintes: elle n'en fut
+point effleurée. Elle répondit avec la tranquillité radieuse des
+illuminées:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page329" name="page329"></a>(p. 329)</span> &mdash;Le maréchal viendra. Et je sais bien qu'il ne lui arrivera
+aucun mal<a id="footnotetag955" name="footnotetag955"></a><a href="#footnote955" title="Lien vers la note 955"><span class="smaller">[955]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce jour-là, on vit entrer les petites garnisons de Gien, de
+Château-Regnard et de Montargis<a id="footnotetag956" name="footnotetag956"></a><a href="#footnote956" title="Lien vers la note 956"><span class="smaller">[956]</span></a>. Mais l'armée de Blois ne vint
+point. Le lendemain au petit jour, elle fut signalée dans la plaine de
+Beauce. Et, en effet, le sire de Rais, ramené par le maréchal de
+Boussac et monseigneur le Bâtard, longeait avec ses hommes d'armes la
+forêt d'Orléans<a id="footnotetag957" name="footnotetag957"></a><a href="#footnote957" title="Lien vers la note 957"><span class="smaller">[957]</span></a>. Les bourgeois, à cette nouvelle, durent tous
+s'écrier que la Pucelle avait eu raison de vouloir passer au nez de
+Talbot, puisque maintenant les capitaines suivaient le chemin qu'elle
+avait indiqué. En fait il en était un peu autrement qu'on ne croyait.
+Une partie seulement de l'armée de Blois s'était risquée à forcer le
+passage entre les bastilles de l'ouest: le convoi avec son escorte
+venait, comme l'autre, par la Sologne et devait entrer par eau dans la
+ville, et l'on avait raisonnablement maintenu, pour débarquer les
+vivres, les dispositions qui s'étaient à l'usage trouvées excellentes
+une première fois<a id="footnotetag958" name="footnotetag958"></a><a href="#footnote958" title="Lien vers la note 958"><span class="smaller">[958]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page330" name="page330"></a>(p. 330)</span> Le capitaine La Hire et plusieurs chefs demeurés dans la
+ville allèrent avec cinq cents combattants au-devant du sire de Rais,
+du maréchal de Boussac et du Bâtard. La Pucelle monta à cheval et
+partit avec eux. Ils traversèrent les lignes anglaises vers
+Saint-Ladre et, ayant rencontré l'armée un peu au delà, ils
+retournèrent à la ville de compagnie. Les prêtres, et parmi eux le
+frère Pasquerel, portant la bannière, passèrent les premiers sous la
+bastille de Paris, en chantant des psaumes<a id="footnotetag959" name="footnotetag959"></a><a href="#footnote959" title="Lien vers la note 959"><span class="smaller">[959]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne dîna dans l'hôtel de Jacques Boucher avec son intendant Jean
+d'Aulon. Quand on eut retiré la nappe, le Bâtard étant venu chez le
+trésorier, causa un moment avec elle, gracieux et courtois, mais ne
+disant que ce qu'il voulait dire.</p>
+
+<p>&mdash;J'ai su de vrai, fit-il, par gens dignes de foi, que Falstolf doit
+venir bientôt vers les Anglais qui font le siège, pour les renforcer
+et les ravitailler, et qu'il est déjà à Janville.</p>
+
+<p>Jeanne, à cette nouvelle, montra une grande joie et dit en riant:</p>
+
+<p>&mdash;Bâtard, Bâtard, en nom Dieu, je te commande que sitôt que tu sauras
+la venue de Falstolf, tu me le fasses savoir. Car, s'il passe sans que
+je le sache, je te promets que je te ferai ôter la tête.</p>
+
+<p>Sans paraître fâché de ce badinage un peu rude, il <span class="pagenum"><a id="page331" name="page331"></a>(p. 331)</span> lui
+répondit qu'elle n'eût crainte, qu'il le lui ferait bien savoir<a id="footnotetag960" name="footnotetag960"></a><a href="#footnote960" title="Lien vers la note 960"><span class="smaller">[960]</span></a>.</p>
+
+<p>Sir John Falstolf était déjà signalé le 26 avril. C'est surtout pour
+ne pas le rencontrer qu'on avait passé par la Sologne. Il se peut
+qu'on l'eût encore signalé le 4 mai, sans plus de raison. Mais le
+Bâtard savait autre chose. Le blé du second convoi était, comme celui
+du premier, descendu par le fleuve; on avait décidé en conseil que les
+capitaines attaqueraient dans l'après-dînée la bastille Saint-Loup,
+pour opérer une diversion, ainsi qu'on avait fait le 29 avril<a id="footnotetag961" name="footnotetag961"></a><a href="#footnote961" title="Lien vers la note 961"><span class="smaller">[961]</span></a>.
+L'attaque était déjà commencée. De cela le Bâtard ne souffla mot à la
+Pucelle. Il lui apparaissait qu'elle était la seule puissance debout
+dans la ville, mais il croyait que dans la guerre, elle ne dût vaquer
+qu'au spirituel<a id="footnotetag962" name="footnotetag962"></a><a href="#footnote962" title="Lien vers la note 962"><span class="smaller">[962]</span></a>.</p>
+
+<p>Après qu'il se fut retiré, Jeanne, fatiguée de sa chevauchée matinale,
+se mit sur son lit avec son hôtesse pour dormir un peu. Le sire Jean
+d'Aulon, qui était fort las, s'étendit sur une couchette, dans la même
+chambre, pensant prendre le repos dont il avait besoin. Mais à peine
+s'était-il endormi que la Pucelle sauta du lit et l'éveilla à grand
+bruit. Il lui demanda ce qu'elle voulait.</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu! répondit-elle tout agitée, mon Conseil m'a dit que
+j'allasse contre les Anglais, mais <span class="pagenum"><a id="page332" name="page332"></a>(p. 332)</span> je ne sais si je dois
+aller à leurs bastilles ou contre Falstolf, qui les doit
+ravitailler<a id="footnotetag963" name="footnotetag963"></a><a href="#footnote963" title="Lien vers la note 963"><span class="smaller">[963]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle avait rêvé et assisté en songe à ce qu'elle appelait son Conseil,
+c'est-à-dire à la venue des saintes. Elle avait entendu, dans son
+rêve, madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite. Il était
+arrivé cette fois ce qui arrivait toujours. Les saintes ne lui avaient
+dit que ce qu'elle savait elle-même; elles ne lui avaient rien révélé
+de ce qu'elle avait besoin d'apprendre, elles ne l'avaient pas avertie
+qu'en ce moment même les Français attaquaient la bastille Saint-Loup
+et souffraient grand dommage. Et elles s'en étaient allées, les
+bienheureuses, la laissant dans l'erreur et l'ignorance de ce qui
+était, dans l'incertitude de ce qu'il fallait faire. Ce n'était pas le
+bon sire d'Aulon qui pouvait la tirer d'embarras. On ne l'appelait
+pas, lui non plus, aux conseils des capitaines. Il ne lui répondit
+rien, et se mit à l'armer le plus vite qu'il put. Il avait déjà
+commencé, quand ils entendirent une grande rumeur et des cris qui
+montaient de la rue. Ils apprirent des passants qu'on se battait du
+côté de Saint-Loup et que les ennemis faisaient beaucoup de mal aux
+Français. Jean d'Aulon, sans en demander davantage, alla tout de suite
+se faire armer par son écuyer. Presque en même temps Jeanne descendit
+et demanda:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page333" name="page333"></a>(p. 333)</span> &mdash;Où sont ceux qui me doivent armer? Le sang de nos gens
+coule<a id="footnotetag964" name="footnotetag964"></a><a href="#footnote964" title="Lien vers la note 964"><span class="smaller">[964]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle trouva dans la rue frère Pasquerel, son chapelain, avec quelques
+prêtres, et son page Mugot, à qui elle cria:</p>
+
+<p>&mdash;Ha! sanglant garçon, vous ne me disiez pas que le sang de France fût
+répandu!... En nom Dieu, nos gens ont fort affaire<a id="footnotetag965" name="footnotetag965"></a><a href="#footnote965" title="Lien vers la note 965"><span class="smaller">[965]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle lui commanda d'amener son cheval et acheva de se faire armer par
+la femme et la fille de son hôte. Le page, à son retour, la trouva
+tout équipée. Elle l'envoya chercher son étendard, qui était resté
+dans sa chambre. Il le lui passa par la fenêtre. Elle le prit et lança
+son cheval sur la grand'rue, vers la porte de Bourgogne, d'un tel pas,
+que le feu jaillissait du pavé<a id="footnotetag966" name="footnotetag966"></a><a href="#footnote966" title="Lien vers la note 966"><span class="smaller">[966]</span></a>.</p>
+
+<p>&mdash;Courez après elle! cria la femme de l'argentier<a id="footnotetag967" name="footnotetag967"></a><a href="#footnote967" title="Lien vers la note 967"><span class="smaller">[967]</span></a>.</p>
+
+<p>Le sire d'Aulon ne l'avait pas vue partir. Il s'imagina, on ne sait
+pourquoi, qu'elle était sortie à pied et qu'ayant rencontré dans la
+rue un page monté sur un cheval, elle l'en avait fait descendre et
+avait pris le cheval<a id="footnotetag968" name="footnotetag968"></a><a href="#footnote968" title="Lien vers la note 968"><span class="smaller">[968]</span></a>. Pour aller de la porte Renart à la porte de
+Bourgogne, il fallait traverser la ville dans toute sa largeur. Jeanne
+qui, depuis trois jours, parcourait les <span class="pagenum"><a id="page334" name="page334"></a>(p. 334)</span> rues d'Orléans, tira
+son chemin tout droit. Jean d'Aulon et le page, qui la poursuivaient à
+grande hâte, ne la rejoignirent qu'à la porte. Comme ils y arrivaient,
+ils rencontrèrent un blessé qu'on emmenait. La Pucelle demanda aux
+porteurs qui était cet homme. Ils répondirent que c'était un Français.
+Elle dit alors:</p>
+
+<p>&mdash;Je n'ai jamais vu sang de Français que les cheveux ne me levassent
+sur la tête<a id="footnotetag969" name="footnotetag969"></a><a href="#footnote969" title="Lien vers la note 969"><span class="smaller">[969]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle et le sire d'Aulon poussèrent, avec quelques gens d'armes
+de leur compagnie, par les champs, sur Saint-Loup. Chemin faisant ils
+virent des hommes de leur parti. Le bon écuyer, peu accoutumé aux
+grandes batailles, ne se rappelait pas en avoir jamais vu autant à la
+fois<a id="footnotetag970" name="footnotetag970"></a><a href="#footnote970" title="Lien vers la note 970"><span class="smaller">[970]</span></a>.</p>
+
+<p>Depuis une heure, les Bretons et les Manceaux du sire de Rais
+escarmouchaient devant la bastille. Les derniers arrivés, selon
+l'usage, faisaient le guet<a id="footnotetag971" name="footnotetag971"></a><a href="#footnote971" title="Lien vers la note 971"><span class="smaller">[971]</span></a>. Mais, si ces combattants, venus le
+matin dans la ville, avaient attaqué sans prendre le temps de
+souffler, c'est apparemment qu'ils étaient pressés. Ils faisaient ce
+qu'on avait fait le 29 avril et pour la même raison<a id="footnotetag972" name="footnotetag972"></a><a href="#footnote972" title="Lien vers la note 972"><span class="smaller">[972]</span></a>, c'est-à-dire
+qu'ils occupaient les Anglais pendant le passage des chalands chargés
+de blé qui, en ce moment même, descendaient la rivière jusqu'au fossé
+de l'enceinte. <span class="pagenum"><a id="page335" name="page335"></a>(p. 335)</span> Du haut de leur colline escarpée, dans leur
+forte bastille, les Anglais s'étaient défendus facilement malgré leur
+petit nombre, et les gens du roi n'avaient guère tenu, puisque la
+Pucelle et le sire d'Aulon les trouvaient répandus par les champs.
+Elle les rassembla et les ramena. C'étaient ses amis: ils avaient
+voyagé ensemble, chanté ensemble des hymnes et des psaumes, entendu
+ensemble la messe dans les champs. Ils savaient qu'elle portait
+chance: ils la suivirent. En marchant à leur tête, elle eut d'abord
+une pensée religieuse. La bastille était construite sur l'église et le
+monastère des Dames de Saint-Loup. Elle fit publier à son de trompe
+qu'on ne prît rien dans l'église<a id="footnotetag973" name="footnotetag973"></a><a href="#footnote973" title="Lien vers la note 973"><span class="smaller">[973]</span></a>. Il lui souvenait que, pour
+avoir pillé l'église de Notre-Dame de Cléry, Salisbury avait fait une
+mauvaise fin; et elle avait à c&oelig;ur de préserver de male mort ses
+hommes d'armes<a id="footnotetag974" name="footnotetag974"></a><a href="#footnote974" title="Lien vers la note 974"><span class="smaller">[974]</span></a>. C'était la première fois qu'elle voyait des gens
+combattre et, sitôt entrée dans la bataille, elle en devint le chef
+parce qu'elle était la meilleure. Elle fit mieux que les autres, non
+qu'elle en sût davantage; elle en savait moins. Mais elle avait plus
+grand c&oelig;ur. Quand chacun songeait à soi, seule elle songeait à
+tous; quand chacun se gardait, elle ne se <span class="pagenum"><a id="page336" name="page336"></a>(p. 336)</span> gardait de rien,
+s'étant offerte tout entière par avance. Et cette enfant, qui, comme
+toute créature humaine, craignait la souffrance et la mort, à qui ses
+Voix, ses pressentiments avaient annoncé qu'elle serait blessée, alla
+droit en avant et demeura, sous les traits d'arbalète et les plombées
+de couleuvrines, debout au bord du fossé, son étendard à la main, pour
+rallier les combattants<a id="footnotetag975" name="footnotetag975"></a><a href="#footnote975" title="Lien vers la note 975"><span class="smaller">[975]</span></a>. Par elle ce qui n'était qu'une diversion
+devenait une attaque à fond. On donna l'assaut.</p>
+
+<p>Lorsqu'il sut que la bastille Saint-Loup était attaquée, sir John
+Talbot sortit du camp de Saint-Laurent-des-Orgerils. Il avait beaucoup
+de chemin à faire sur ses lignes et le long de la forêt avant
+d'atteindre la bastille en péril. Il se mit en marche et ramassa sur
+son passage les garnisons des bastilles de l'ouest. Les guetteurs de
+la ville virent ces mouvements et sonnèrent l'alarme; le maréchal de
+Boussac sortit par la porte Parisis, au nord, et alla vers Fleury
+s'opposer à la marche de Talbot. Le capitaine anglais se disposait à
+forcer le passage quand il vit une épaisse fumée s'élever au-dessus de
+la bastille Saint-Loup. Il comprit que les Français l'avaient prise et
+brûlée, et il retourna tristement au camp de
+Saint-Laurent-des-Orgerils<a id="footnotetag976" name="footnotetag976"></a><a href="#footnote976" title="Lien vers la note 976"><span class="smaller">[976]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page337" name="page337"></a>(p. 337)</span> L'assaut avait duré trois heures. Après l'incendie de la
+bastille, les Anglais grimpèrent dans le clocher de l'église. Les
+Français les y dénichèrent à grand'peine, mais sans péril aucun. Ils
+firent une quarantaine de prisonniers et tuèrent tout le reste. De
+voir tant d'ennemis morts, la Pucelle était toute dolente. Elle
+plaignait ces pauvres gens qui étaient morts sans confession<a id="footnotetag977" name="footnotetag977"></a><a href="#footnote977" title="Lien vers la note 977"><span class="smaller">[977]</span></a>.
+Quelques Godons, revêtus d'habits et d'ornements ecclésiastiques,
+allèrent au-devant d'elle. Elle s'aperçut bien que c'étaient des
+soldats affublés des aumusses et des étoles qu'ils avaient trouvées
+dans la sacristie de l'abbaye aux Dames. Mais elle feignit de les
+prendre pour ce qu'ils se donnaient. Elle les reçut et les fit
+conduire en son hôtel, sans permettre qu'on leur fît aucun mal. Par
+une moquerie charitable:</p>
+
+<p>&mdash;On ne doit rien demander, dit-elle, aux gens d'Église<a id="footnotetag978" name="footnotetag978"></a><a href="#footnote978" title="Lien vers la note 978"><span class="smaller">[978]</span></a>.</p>
+
+<p>Avant de quitter la place, elle se confessa au frère Pasquerel, son
+chapelain. Et elle le chargea de faire ce mandement à tous les hommes
+d'armes: «Confessez <span class="pagenum"><a id="page338" name="page338"></a>(p. 338)</span> vos péchés et rendez grâces à Dieu de la
+victoire obtenue. Sinon la Pucelle ne vous aidera plus et ne demeurera
+pas en votre compagnie<a id="footnotetag979" name="footnotetag979"></a><a href="#footnote979" title="Lien vers la note 979"><span class="smaller">[979]</span></a>.»</p>
+
+<p>La bastille de Saint-Loup, attaquée par plus de quinze cents Français,
+avait été défendue par trois cents Anglais seulement. Ce qui donne à
+croire qu'ils la défendirent mal, c'est qu'il n'y eut, dit-on, du
+parti des Français, que deux ou trois hommes tués<a id="footnotetag980" name="footnotetag980"></a><a href="#footnote980" title="Lien vers la note 980"><span class="smaller">[980]</span></a>. Cet avantage,
+les gens du roi de France ne l'avaient point obtenu par profond
+calcul, ni à grand effort d'intelligence; et ils ne l'avaient pas payé
+cher. Pourtant il était énorme. C'étaient les communications des
+assiégeants avec Jargeau coupées, c'était le cours supérieur <span class="pagenum"><a id="page339" name="page339"></a>(p. 339)</span>
+de la Loire ouvert et le commencement de la délivrance. Mieux encore,
+c'était la preuve faite que ces diables dont on avait eu si grande
+peur étaient des hommes misérables, qu'on pouvait prendre comme des
+souris, enfumer comme des guêpes dans leur nid. Cet inespéré bonheur
+était dû à la Pucelle. Elle avait tout fait, puisque sans elle on
+n'aurait rien fait. C'est elle qui, dans son ignorance plus savante
+que la science des routiers et des capitaines, avait changé la vaine
+escarmouche en attaque profonde et donné victoire en donnant
+confiance.</p>
+
+<p>Le soir même, les procureurs envoyèrent des ouvriers à Saint-Loup,
+pour détruire les fortifications conquises<a id="footnotetag981" name="footnotetag981"></a><a href="#footnote981" title="Lien vers la note 981"><span class="smaller">[981]</span></a>.</p>
+
+<p>Rentrée de nuit en son logis, Jeanne avertit son aumônier que, le
+lendemain, jour de l'Ascension de Notre-Seigneur, elle s'abstiendrait
+de s'armer et de guerroyer, par révérence de cette fête. Elle ordonna
+que nul ne pensât à sortir de la ville, à attaquer ou faire assaut,
+qu'il ne se fût d'abord confessé. Elle ajouta qu'il fallait que les
+gens d'armes prissent garde que des femmes dissolues n'allassent point
+à leur suite, de peur qu'à cause de leurs péchés Dieu ne leur fît
+perdre la bataille<a id="footnotetag982" name="footnotetag982"></a><a href="#footnote982" title="Lien vers la note 982"><span class="smaller">[982]</span></a>.</p>
+
+<p>Au besoin, la Pucelle veillait elle-même à ce que ses prescriptions au
+sujet des ribaudes et des blasphémateurs <span class="pagenum"><a id="page340" name="page340"></a>(p. 340)</span> fussent exactement
+observées. Plusieurs fois elle chassa des femmes venues à la suite de
+l'armée. Elle semonçait les gens d'armes qui juraient et
+blasphémaient. Un gentilhomme se mit un jour, en pleine rue, à jurer
+et à renier Dieu. Jeanne, qui l'entendit, lui sauta à la gorge:</p>
+
+<p>&mdash;Ah! maître, osez-vous bien renier notre Sire et notre Maître? En nom
+Dieu, vous vous en dédirez avant que je parte d'ici.</p>
+
+<p>Une bourgeoise, qui passait en ce moment dans la rue, vit cet homme,
+qui lui parut un très grand seigneur, recevoir humblement les
+reproches de la sainte et témoigner de son repentir<a id="footnotetag983" name="footnotetag983"></a><a href="#footnote983" title="Lien vers la note 983"><span class="smaller">[983]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, jour de l'Ascension, les capitaines tinrent conseil en
+l'hôtel du chancelier Cousinot, rue de la Rose<a id="footnotetag984" name="footnotetag984"></a><a href="#footnote984" title="Lien vers la note 984"><span class="smaller">[984]</span></a>. Là se trouvaient,
+avec le chancelier, monseigneur le Bâtard, le sire de Gaucourt, le
+sire de Rais, le sire de Graville, le capitaine La Hire, messire
+Ambroise de Loré et plusieurs autres. On décida d'attaquer le
+lendemain les Tourelles du bout du pont, la clé du siège. Il parut
+nécessaire de tenir en respect, pendant l'attaque, les Anglais du camp
+de Saint-Laurent-des-Orgerils. La veille, Talbot, parti de
+Saint-Laurent, <span class="pagenum"><a id="page341" name="page341"></a>(p. 341)</span> n'avait pu venir à temps à Saint-Loup, parce
+qu'il lui avait fallu suivre une longue courbe, en contournant la
+ville du couchant à l'orient. Mais la rivière, qu'ils avaient perdue
+la veille en amont, les ennemis la tenaient encore en aval. De
+Saint-Laurent, ils pouvaient la passer, par l'Île-Charlemagne, aussi
+rapidement que les Français la passeraient par l'Île-aux-Toiles, et se
+trouver en grande puissance au Portereau. C'est ce qu'il fallait
+empêcher, et l'on devait, s'il était possible, attirer à
+Saint-Laurent-des-Orgerils les garnisons des Augustins et des
+Tourelles. À cet effet, on résolut de simuler l'attaque du camp de
+Saint-Laurent et d'y porter la commune orléanaise et les gens des
+communes, c'est-à-dire des villages, avec manteaux, fagots, échelles.
+Cependant, la noblesse traverserait la Loire, par l'Île-aux-Toiles,
+aborderait au Portereau, sous le guet de Saint-Jean-le-Blanc, que les
+Anglais avaient évacué, se porterait sur la bastille des Augustins,
+et, si elle la pouvait prendre, attaquerait les Tourelles<a id="footnotetag985" name="footnotetag985"></a><a href="#footnote985" title="Lien vers la note 985"><span class="smaller">[985]</span></a>. Il y
+aurait ainsi la bataille des bourgeois et la bataille des nobles;
+celle-ci vraie, l'autre feinte, toutes deux utiles, une seule belle et
+digne de la chevalerie. Le plan ainsi tracé, quelques capitaines
+furent d'avis qu'il serait bon d'envoyer quérir la Pucelle pour lui
+dire ce qu'on avait décidé<a id="footnotetag986" name="footnotetag986"></a><a href="#footnote986" title="Lien vers la note 986"><span class="smaller">[986]</span></a>. Et vraiment elle s'était assez bien
+montrée la <span class="pagenum"><a id="page342" name="page342"></a>(p. 342)</span> veille pour qu'on ne la tînt plus à l'écart.
+D'autres jugeaient qu'il n'était pas prudent de l'instruire de ce qui
+devait être fait contre les Tourelles. Car il importait que
+l'entreprise restât secrète, et l'on devait craindre que la sainte
+fille n'en parlât à ses amis de la commune. Finalement, on fut
+d'accord pour lui faire connaître les décisions qui concernaient la
+milice orléanaise, puisqu'en effet elle en était le chef, et pour lui
+taire ce que les bourgeois ne pouvaient savoir sans inconvénient.</p>
+
+<p>Jeanne se tenait dans une chambre de l'hôtel, avec la femme du
+chancelier. Messire Ambroise de Loré l'alla chercher, et, quand elle
+fut venue, le chancelier lui annonça qu'on attaquerait le lendemain le
+camp de Saint-Laurent-des-Orgerils. Elle devina qu'on ne lui disait
+pas tout. Elle avait sa finesse; d'ailleurs, puisqu'ils lui avaient
+jusqu'alors tout caché, il était assez naturel qu'elle soupçonnât
+qu'ils lui cachaient encore quelque chose. Cette défiance la fâcha.
+Pensait-on qu'elle n'était pas capable de garder un secret? Elle parla
+d'un ton âpre:</p>
+
+<p>&mdash;Dites ce que vous avez conclu et appointé. Je cèlerais bien plus
+grande chose<a id="footnotetag987" name="footnotetag987"></a><a href="#footnote987" title="Lien vers la note 987"><span class="smaller">[987]</span></a>.</p>
+
+<p>Et, sans s'asseoir, elle allait et venait dans la salle.</p>
+
+<p>Monseigneur le Bâtard voyait plus d'inconvénient à la fâcher qu'à lui
+dire la vérité. Il lui donna raison sans donner tort à personne:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page343" name="page343"></a>(p. 343)</span> &mdash;Jeanne, ne vous courroucez pas. On ne peut pas tout dire en
+une fois. Ce que le chancelier vous a dit a été conclu et appointé.
+Mais si ceux de l'autre côté [de l'eau, ceux de la Sologne] se
+départent pour venir aider la grande bastille de Saint-Laurent et ceux
+de par ici, nous avons appointé de passer la rivière, pour besogner ce
+que nous pourrons sur ceux de par delà [sur ceux des Augustins et des
+Tourelles]. Et nous semble que cette conclusion est bonne et
+profitable.</p>
+
+<p>La Pucelle répondit qu'elle était contente, qu'il lui semblait que
+cette conclusion était bonne et qu'elle dût être ainsi exécutée<a id="footnotetag988" name="footnotetag988"></a><a href="#footnote988" title="Lien vers la note 988"><span class="smaller">[988]</span></a>.</p>
+
+<p>On verra que le secret de la délibération ne fut pas gardé, et que les
+nobles ne purent faire ce qu'ils avaient conclu, ou du moins qu'ils ne
+le purent faire comme ils l'avaient conclu.</p>
+
+<p>Ce jour de l'Ascension, la Pucelle envoya pour la dernière fois aux
+Anglais un message de paix, qu'elle dicta au frère Pasquerel en cette
+manière:</p>
+
+<p class="quote">Vous, hommes d'Angleterre, qui n'avez nul droit en le royaume de
+ France, le Roi des cieux vous prescrit et vous mande par moi,
+ Jeanne la Pucelle, que vous quittiez vos bastilles et retourniez
+ en vos pays, sans quoi, je ferai un tel hahai, qu'il y en aura
+ perpétuelle mémoire. C'est ce que pour la troisième et dernière
+ fois je vous écris, et ne vous écrirai plus.</p>
+
+<p>Ainsi signé: Jhesus-Maria. Jeanne la Pucelle.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page344" name="page344"></a>(p. 344)</span> Et plus bas:</p>
+
+<p class="quote">Je vous aurais envoyé ma lettre plus honnêtement. Mais vous
+ retenez mes hérauts. Vous avez retenu mon héraut Guyenne.
+ Veuillez me l'envoyer et je vous enverrai quelques-uns de vos
+ gens pris à la bastille Saint-Loup: ils ne sont pas tous
+ morts<a id="footnotetag989" name="footnotetag989"></a><a href="#footnote989" title="Lien vers la note 989"><span class="smaller">[989]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne alla à la Belle-Croix, prit une flèche, y attacha sa lettre par
+un fil et ordonna à un archer de la lancer aux Anglais, en criant:</p>
+
+<p>&mdash;Lisez! Ce sont nouvelles!</p>
+
+<p>Les Anglais reçurent la flèche, ils détachèrent la lettre, et, l'ayant
+lue, ils se mirent à crier:</p>
+
+<p>&mdash;Ce sont nouvelles de la putain des Armagnacs.</p>
+
+<p>En les entendant, les larmes lui vinrent aux yeux et elle pleura. Mais
+bientôt elle vit ses saintes, qui lui parlèrent de Notre-Seigneur, et
+elle fut consolée.</p>
+
+<p>&mdash;J'ai eu des nouvelles de Messire, dit-elle avec joie<a id="footnotetag990" name="footnotetag990"></a><a href="#footnote990" title="Lien vers la note 990"><span class="smaller">[990]</span></a>.
+Monseigneur le Bâtard réclama lui-même le héraut de la Pucelle,
+menaçant, si on ne le renvoyait, de garder les hérauts que les Anglais
+lui avaient dépêchés pour traiter de l'échange des prisonniers. On
+prétend même qu'il menaça de mettre à mort ces prisonniers. Mais
+Ambleville ne revint point<a id="footnotetag991" name="footnotetag991"></a><a href="#footnote991" title="Lien vers la note 991"><span class="smaller">[991]</span></a>.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page345" name="page345"></a>(p. 345)</span> CHAPITRE XIII<br>
+
+<span class="smaller">LA PRISE DES TOURELLES ET LA DÉLIVRANCE D'ORLÉANS.</span></h2>
+
+
+<p>Le lendemain, vendredi 6 mai, levée à la pointe du jour, la Pucelle se
+confessa à son aumônier et entendit la messe qu'il chanta devant les
+religieux et les gens d'armes de sa compagnie<a id="footnotetag992" name="footnotetag992"></a><a href="#footnote992" title="Lien vers la note 992"><span class="smaller">[992]</span></a>. Déjà la commune
+ardente était debout, en armes. Qu'elle les eût ou non avertis, les
+bourgeois, violemment décidés à passer la Loire pour attaquer
+eux-mêmes les Tourelles, couraient en foule à la porte de Bourgogne.
+Ils la trouvèrent fermée. Le sire de Gaucourt la gardait avec des gens
+d'armes. La noblesse, dans le doute que les bourgeois éventeraient son
+entreprise et voudraient s'y joindre, avait pris ses mesures pour les
+en empêcher. La porte était close et bien défendue. Les citoyens,
+obstinés à se <span class="pagenum"><a id="page346" name="page346"></a>(p. 346)</span> battre, à reprendre de leurs mains ces
+Tourelles, leur joyau, recoururent à celle devant qui s'ouvraient les
+portes et tombaient les murailles; ils envoyèrent chercher la Sainte.
+Elle vint, candide et terrible, marcha droit sur le vieux sire de
+Gaucourt, et, sans vouloir l'écouter:</p>
+
+<p>&mdash;Vous êtes, lui dit-elle, un méchant homme, d'empêcher ces gens de
+sortir. Mais veuillez-le ou ne le veuillez pas: ils sortiront et
+feront aussi bien qu'on a fait l'autre jour<a id="footnotetag993" name="footnotetag993"></a><a href="#footnote993" title="Lien vers la note 993"><span class="smaller">[993]</span></a>.</p>
+
+<p>Animés par la voix de Jeanne et fortifiés par sa présence, les
+bourgeois se jetèrent sur Gaucourt et ses gens d'armes en poussant des
+cris de mort. Le vieux seigneur vit qu'il n'aurait pas raison d'eux;
+ne pouvant mettre ces gens-là de son sentiment, il se mit du leur.
+Faisant ouvrir les portes toutes grandes, il cria aux bourgeois:</p>
+
+<p>&mdash;Venez, je serai votre capitaine.</p>
+
+<p>Et il sortit avec le sire de Villars et le sire d'Aulon à la tête des
+gens d'armes qui avaient gardé la porte et de toute la milice
+communale. Des bateaux étaient amarrés au pied de la Tour-Neuve, à
+l'angle oriental des remparts. On aborda dans l'Île-aux-Toiles et de
+là, on franchit, sur un pont formé par deux bateaux, le bras étroit de
+la rivière qui séparait l'Île-aux-Toiles <span class="pagenum"><a id="page347" name="page347"></a>(p. 347)</span> de la rive de
+Sologne<a id="footnotetag994" name="footnotetag994"></a><a href="#footnote994" title="Lien vers la note 994"><span class="smaller">[994]</span></a>. Les premiers arrivés entrèrent dans la forteresse
+abandonnée de Saint-Jean-le-Blanc, et se donnèrent, en attendant les
+autres, l'amusement de la détruire<a id="footnotetag995" name="footnotetag995"></a><a href="#footnote995" title="Lien vers la note 995"><span class="smaller">[995]</span></a>. Puis, quand tout le monde eut
+passé la Loire, la commune marcha de bon c&oelig;ur contre la bastille
+des Augustins, assise en avant des Tourelles, sur les ruines du
+couvent, et qu'il fallait enlever d'abord, si l'on voulait attaquer
+les ouvrages du bout du pont. Mais les Anglais sortirent de leurs
+retranchements, s'avancèrent de deux traits d'arc et lancèrent flèches
+et carreaux si dru que les Orléanais ne purent tenir sous cette
+effroyable volée. Ils lâchèrent pied, s'enfuirent jusqu'au pont de
+bateaux, et, de peur d'être jetés à l'eau, regagnèrent
+l'Île-aux-Toiles<a id="footnotetag996" name="footnotetag996"></a><a href="#footnote996" title="Lien vers la note 996"><span class="smaller">[996]</span></a>. Plus aguerris, les hommes d'armes du sire de
+Gaucourt, et avec eux le sire de Villars, le sire d'Aulon et un
+vaillant homme d'Espagne, le seigneur Alonzo de Partada, se rangèrent
+sur la levée de Saint-Jean-le-Blanc et tinrent ferme contre l'ennemi.
+Ils tenaient encore, bien qu'ils fussent en très petit nombre, quand,
+vers trois heures de l'après-dînée, le capitaine La Hire et la Pucelle
+passèrent l'eau avec les routiers, et, voyant les Français ainsi
+travaillés et les Anglais en bataille, montèrent sur leurs chevaux,
+qu'ils avaient passés avec <span class="pagenum"><a id="page348" name="page348"></a>(p. 348)</span> eux, couchèrent leurs lances et
+poussèrent droit a l'ennemi. Les bourgeois rassurés suivirent tous et
+firent reculer les Anglais. Mais arrivés devant la bastille ils furent
+encore repoussés. La Pucelle inquiète galopait de la bastille à la
+berge et de la berge à la bastille, et appelait la chevalerie. Les
+seigneurs n'arrivaient pas. Il est vrai qu'on avait renversé leurs
+projets, culbuté leur ordre de bataille et qu'il leur fallait bien un
+moment pour se reconnaître. Enfin, elle vit flotter dans l'île les
+bannières de monseigneur le Bâtard, du maréchal de Boussac et du sire
+de Rais. L'artillerie vint aussi, et maître Jean de Montesclère avec
+sa couleuvrine et les ouvriers apportant tous les engins nécessaires
+pour donner l'assaut. Quatre mille hommes furent réunis autour des
+Augustins. Toutefois on avait perdu beaucoup de temps; on n'en était
+qu'aux approches et le soleil baissait à l'horizon<a id="footnotetag997" name="footnotetag997"></a><a href="#footnote997" title="Lien vers la note 997"><span class="smaller">[997]</span></a>.</p>
+
+<p>Les gens du sire de Gaucourt se tenaient en arrière pour couvrir les
+assiégeants, au cas où les Anglais du bout du pont viendraient au
+secours de ceux des Augustins. Mais une querelle s'éleva parmi eux.
+Les uns, comme le sire d'Aulon et le seigneur Alonzo, jugeaient bon de
+rester à leur poste. Les autres avaient honte de se croiser les bras.
+De là des paroles arrogantes et des bravades. Finalement, le seigneur
+Alonzo et un homme d'armes s'étant défiés à qui ferait mieux,
+<span class="pagenum"><a id="page349" name="page349"></a>(p. 349)</span> coururent, la main dans la main, vers la bastille. La
+couleuvrine de maître Jean, d'une seule plombée, dégagea la palissade.
+Aussitôt, les deux champions forcèrent le passage<a id="footnotetag998" name="footnotetag998"></a><a href="#footnote998" title="Lien vers la note 998"><span class="smaller">[998]</span></a>.</p>
+
+<p>&mdash;Entrez hardiment! criait la Pucelle<a id="footnotetag999" name="footnotetag999"></a><a href="#footnote999" title="Lien vers la note 999"><span class="smaller">[999]</span></a>.</p>
+
+<p>Et elle planta son étendard sur la douve. Le sire de Rais la suivit de
+près. Le nombre des Français allait croissant. Ils attaquèrent
+vivement la bastille et bientôt la prirent d'assaut. Il leur fallut
+ensuite assaillir l'un après l'autre les bâtiments du monastère où les
+Godons s'étaient retranchés. Enfin, ils tuèrent ou firent prisonniers
+tous les ennemis, hors un petit nombre, qui se réfugia dans les
+Tourelles. Ils trouvèrent, dans les taudis, beaucoup des leurs
+enfermés. Après les avoir fait sortir, ils mirent le feu à la
+bastille, annonçant ainsi à tous les Anglais un nouveau désastre. Ce
+fut, dit-on, la Pucelle qui donna l'ordre d'incendier la bastille pour
+arrêter le pillage auquel les hommes se ruaient furieusement<a id="footnotetag1000" name="footnotetag1000"></a><a href="#footnote1000" title="Lien vers la note 1000"><span class="smaller">[1000]</span></a>.</p>
+
+<p>On faisait un grand gain. Mais la confiance tardait à renaître. En
+regardant, sous le ciel noir, aux lueurs de l'incendie, le boulevard
+des Tourelles qu'ils voyaient de près pour la première fois, les
+hommes d'armes furent effrayés. Certains disaient:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page350" name="page350"></a>(p. 350)</span> &mdash;Un mois ne suffira pas pour le prendre<a id="footnotetag1001" name="footnotetag1001"></a><a href="#footnote1001" title="Lien vers la note 1001"><span class="smaller">[1001]</span></a>!</p>
+
+<p>Les seigneurs, capitaines et gens d'armes, rentrèrent dans la ville
+pour passer une nuit tranquille. Les gens de trait et le gros de la
+commune restaient au Portereau. La Pucelle aurait bien voulu rester
+aussi, pour être plus sûre de recommencer le lendemain<a id="footnotetag1002" name="footnotetag1002"></a><a href="#footnote1002" title="Lien vers la note 1002"><span class="smaller">[1002]</span></a>. Mais,
+voyant que les capitaines laissaient aux champs leurs chevaux et leurs
+pages, elle les suivit à Orléans<a id="footnotetag1003" name="footnotetag1003"></a><a href="#footnote1003" title="Lien vers la note 1003"><span class="smaller">[1003]</span></a>. Piquée au pied par une
+chausse-trape<a id="footnotetag1004" name="footnotetag1004"></a><a href="#footnote1004" title="Lien vers la note 1004"><span class="smaller">[1004]</span></a>, accablée de fatigue, se sentant faible, elle ne
+jeûna pas ce jour-là, contrairement à l'habitude qu'elle avait de
+jeûner le vendredi<a id="footnotetag1005" name="footnotetag1005"></a><a href="#footnote1005" title="Lien vers la note 1005"><span class="smaller">[1005]</span></a>. Si l'on en croit frère Pasquerel, peu
+croyable sur ce point, tandis qu'elle achevait de souper dans son
+hôtel, elle vit venir à elle un seigneur dont on ne dit pas le nom,
+qui lui parla en ces termes:</p>
+
+<p>&mdash;Les capitaines se sont rassemblés en conseil. Ils ont reconnu qu'on
+était en bien petit nombre au regard des Anglais et que c'était par
+grande grâce de Dieu qu'on avait obtenu quelque avantage. La ville
+étant pleine de vivres, nous pouvons fort bien tenir en attendant le
+secours du roi. Dès lors, le conseil ne trouve pas expédient que les
+gens d'armes fassent demain une sortie.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page351" name="page351"></a>(p. 351)</span> Jeanne répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Vous avez été à votre conseil, et j'ai été au mien, et croyez que le
+conseil de Messire sera accompli et tiendra et que votre conseil
+périra.</p>
+
+<p>Et se tournant vers le frère Pasquerel, qui était près d'elle:</p>
+
+<p>&mdash;Levez-vous demain de plus grand matin encore que vous n'avez fait
+aujourd'hui, et faites du mieux que vous pourrez. Tenez-vous toujours
+près de moi, car demain j'aurai beaucoup à faire et plus ample chose
+que j'aie jamais eue, et demain il sortira du sang de mon corps<a id="footnotetag1006" name="footnotetag1006"></a><a href="#footnote1006" title="Lien vers la note 1006"><span class="smaller">[1006]</span></a>.</p>
+
+<p>Il n'était pas vrai que les Anglais fussent en plus grand nombre que
+les Français; ils étaient bien moins nombreux au contraire. Autour
+d'Orléans, il n'y avait guère plus de trois mille hommes. Le secours
+du roi étant arrivé, les capitaines n'avaient pas pu dire qu'on
+l'attendait. Il est vrai qu'ils hésitaient à attaquer dès le lendemain
+les Tourelles, mais c'était de crainte que, <span class="pagenum"><a id="page352" name="page352"></a>(p. 352)</span> pendant
+l'attaque, les Anglais de Talbot n'entrassent dans la ville déserte,
+puisque la commune, refusant de marcher sur Saint-Laurent, s'était
+toute jetée au Portereau. Le Conseil de la Pucelle ne s'embarrassait
+point de ces difficultés. Madame sainte Catherine et madame sainte
+Marguerite ne craignaient rien. Douter, c'est craindre: elles ne
+doutaient de rien. Quoi qu'on ait dit, elles ignoraient la tactique et
+la stratégie. Elles n'avaient pas lu Végèce, <i>De re militari</i>. Si
+elles avaient lu Végèce, la ville était perdue. Son Végèce c'était
+sainte Catherine.</p>
+
+<p>Durant la nuit, il fut crié par les rues qu'on portât à ceux qui
+étaient restés au Portereau pain, vin, munitions, fourrages et toutes
+choses dont ils eussent besoin. Des bateaux passaient sans cesse d'une
+rive à l'autre. Hommes, femmes, enfants allaient ravitailler les
+postes<a id="footnotetag1007" name="footnotetag1007"></a><a href="#footnote1007" title="Lien vers la note 1007"><span class="smaller">[1007]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, samedi 7 mai, au soleil levant, Jeanne entendit la messe
+du frère Pasquerel et communia dévotement<a id="footnotetag1008" name="footnotetag1008"></a><a href="#footnote1008" title="Lien vers la note 1008"><span class="smaller">[1008]</span></a>. L'hôtel de Jacques
+Boucher était assailli par les procureurs et par de notables
+bourgeois. Après une nuit de fatigue et d'inquiétude, ils venaient
+d'apprendre une nouvelle qui les exaspérait. Ils avaient entendu dire
+que les capitaines voulaient différer l'assaut des Tourelles, et ils
+appelaient la <span class="pagenum"><a id="page353" name="page353"></a>(p. 353)</span> Pucelle à grands cris pour secourir le peuple
+abandonné, trahi, vendu<a id="footnotetag1009" name="footnotetag1009"></a><a href="#footnote1009" title="Lien vers la note 1009"><span class="smaller">[1009]</span></a>. Ce qui était vrai, c'est que
+Monseigneur le Bâtard et les capitaines, ayant observé durant la nuit
+un grand mouvement d'Anglais en aval de la Loire, se confirmaient dans
+la crainte que Talbot ne donnât l'assaut aux murailles, du côté de la
+porte Renart, pendant que les Français occuperaient en forces la rive
+gauche de la Loire. Ils s'étaient aperçus, au lever du soleil, que les
+Anglais avaient détruit, la nuit, leur boulevard de Saint-Privé, au
+sud de l'Île-Charlemagne<a id="footnotetag1010" name="footnotetag1010"></a><a href="#footnote1010" title="Lien vers la note 1010"><span class="smaller">[1010]</span></a>. Cela encore leur donnait véhémentement
+à croire que l'ennemi se concentrait au couchant dans le camp de
+Saint-Laurent et dans sa grande bastille de Londres. Depuis longtemps
+les bourgeois s'irritaient des lenteurs que les gens du roi mettaient
+à les délivrer. Et sans doute, les capitaines étaient moins pressés
+qu'eux d'en finir. Les capitaines vivaient de la guerre et les
+bourgeois en mouraient; cela faisait une grande différence. Les
+procureurs demandèrent à la Pucelle d'achever sans retard leur
+délivrance qu'elle avait commencée. Ils lui dirent:</p>
+
+<p>&mdash;Nous avons tenu conseil et nous vous requérons de vouloir accomplir
+la charge que vous avez de par Dieu et aussi du roi.</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu, je le ferai, dit-elle.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page354" name="page354"></a>(p. 354)</span> Et, aussitôt, elle monta à cheval et, employant une très
+vieille façon de dire, elle s'écria:</p>
+
+<p>&mdash;Qui m'aime me suive<a id="footnotetag1011" name="footnotetag1011"></a><a href="#footnote1011" title="Lien vers la note 1011"><span class="smaller">[1011]</span></a>!</p>
+
+<p>Comme elle sortait de l'hôtel du trésorier, on lui apporta une alose.
+Elle dit, en souriant, à son hôte:</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu! on la mangera à souper. Je vous ramènerai un Godon qui
+en mangera sa part.</p>
+
+<p>Elle ajouta:</p>
+
+<p>&mdash;Nous repasserons ce soir par le pont<a id="footnotetag1012" name="footnotetag1012"></a><a href="#footnote1012" title="Lien vers la note 1012"><span class="smaller">[1012]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y avait cent quatre-vingt-dix-neuf jours qu'on ne le pouvait faire.
+Cette parole fut trouvée bonne et heureuse.</p>
+
+<p>La bourgeoisie s'était alarmée trop vite. Malgré l'inquiétude que leur
+donnaient Talbot et ceux de Saint-Laurent, les seigneurs traversèrent
+la Loire de bon matin, et allèrent retrouver au Portereau leurs
+chevaux et leurs pages qui y avaient passé la nuit avec les gens de
+trait et les gens de la commune. Ils y furent tous, le Bâtard, le sire
+de Gaucourt et les sires de Rais, de Graville, de Guitry, de Coarraze,
+de Villars, d'Illiers, de Chailly, l'amiral de Culant, les capitaines
+La Hire et Poton<a id="footnotetag1013" name="footnotetag1013"></a><a href="#footnote1013" title="Lien vers la note 1013"><span class="smaller">[1013]</span></a>. La Pucelle se tenait en leur compagnie. Les
+procureurs leur firent parvenir une quantité énorme d'engins:
+fascines, flèches, traits, martinets, cognées, <span class="pagenum"><a id="page355" name="page355"></a>(p. 355)</span> plomb,
+poudre, couleuvrines, canons, échelles<a id="footnotetag1014" name="footnotetag1014"></a><a href="#footnote1014" title="Lien vers la note 1014"><span class="smaller">[1014]</span></a>. L'attaque commença de
+bonne heure. Ce qui la rendait difficile, ce n'était pas le nombre des
+Anglais retranchés dans leur boulevard et logés dans les tourelles; il
+n'y avait là guère que cinq cents hommes<a id="footnotetag1015" name="footnotetag1015"></a><a href="#footnote1015" title="Lien vers la note 1015"><span class="smaller">[1015]</span></a>, commandés, il est
+vrai, par lord Moleyns, et, sous lui, par lord Poynings et par le
+capitaine Glasdall, qu'en France on nommait Glassidas, de petite
+naissance et le premier des Anglais pour le courage<a id="footnotetag1016" name="footnotetag1016"></a><a href="#footnote1016" title="Lien vers la note 1016"><span class="smaller">[1016]</span></a>. Les
+assaillants, bourgeois, gens d'armes, gens de trait, étaient dix fois
+plus nombreux. C'était fort à l'honneur du peuple de France, qu'on eût
+réuni tant de combattants; mais une telle masse d'hommes ne pouvait
+être employée à la fois. Les chevaliers ne valaient pas grand'chose
+contre des murailles de terre; et les bourgeois, très ardents,
+n'étaient pas très solides. Enfin, le Bâtard, prudent et réfléchi,
+craignait Talbot. En effet, si Talbot avait su, si Talbot avait voulu,
+il aurait pris la ville pendant que les Français essayaient de prendre
+les Tourelles. La guerre n'est qu'une suite de hasards, mais dans
+cette journée, on avait eu vraiment trop peu de souci d'agir de
+concert. La masse énorme des combattants n'était pas une force
+<span class="pagenum"><a id="page356" name="page356"></a>(p. 356)</span> irrésistible, puisque personne, pas même le Bâtard, ne
+savait la faire mouvoir, ni l'employer. À cette époque, le succès
+d'une bataille dépendait d'un très petit nombre de combattants. La
+veille, deux ou trois hommes d'armes avaient décidé de tout.</p>
+
+<p>En fait, devant ces fossés, l'armée des Français semblait une foule
+énorme de curieux, regardant quelques gens d'armes essayer l'escalade.
+Malgré le nombre des troupes, l'assaut se réduisit longtemps à une
+suite de combats singuliers. Vingt fois des hommes de bonne volonté
+s'approchèrent de la douve et vingt fois ils furent obligés de
+reculer<a id="footnotetag1017" name="footnotetag1017"></a><a href="#footnote1017" title="Lien vers la note 1017"><span class="smaller">[1017]</span></a>. Il y eut des blessés et des morts, mais non point en
+grand nombre. Les seigneurs, qui faisaient la guerre toute leur vie,
+la faisaient prudemment, les routiers ménageaient leurs hommes. Les
+bourgeois n'étaient pas très aguerris<a id="footnotetag1018" name="footnotetag1018"></a><a href="#footnote1018" title="Lien vers la note 1018"><span class="smaller">[1018]</span></a>. Seule la Pucelle se
+donnait tout entière. Elle disait sans cesse:</p>
+
+<p>&mdash;Ayez bon c&oelig;ur. Ne vous retirez pas. Vous aurez la bastille de
+bref<a id="footnotetag1019" name="footnotetag1019"></a><a href="#footnote1019" title="Lien vers la note 1019"><span class="smaller">[1019]</span></a>.</p>
+
+<p>À midi tout le monde s'en fut dîner. Puis, vers une heure, on se remit
+à la besogne. La Pucelle porta la première échelle, et, comme elle la
+posait contre la <span class="pagenum"><a id="page357" name="page357"></a>(p. 357)</span> douve, elle fut atteinte, à l'épaule,
+au-dessus du sein droit, d'un vireton tiré si roide, qu'un demi-pied
+de bois lui traversa la chair. Elle savait qu'elle devait être
+blessée; elle l'avait prédit à son roi, ajoutant qu'il l'employât tout
+de même. Elle l'avait annoncé aux gens d'Orléans<a id="footnotetag1020" name="footnotetag1020"></a><a href="#footnote1020" title="Lien vers la note 1020"><span class="smaller">[1020]</span></a>, elle l'avait
+dit la veille à son aumônier et certes, depuis cinq jours, elle
+faisait bien tout ce qu'il fallait pour que la prophétie s'accomplît.
+Les Anglais, voyant que le vireton avait pénétré dans la chair, en
+furent grandement rassurés: ils croyaient qu'une sorcière, si on
+pouvait lui tirer du sang, tout son pouvoir s'évanouissait. Les
+Français en avaient grande tristesse. On la porta un peu à l'écart. Le
+frère Pasquerel et le page Mugot se tenaient près d'elle. Sentant la
+douleur, elle craignit et pleura<a id="footnotetag1021" name="footnotetag1021"></a><a href="#footnote1021" title="Lien vers la note 1021"><span class="smaller">[1021]</span></a>. Des soldats, comme d'ordinaire
+il s'en trouve beaucoup dans les combats auprès des blessés,
+l'entouraient; quelques-uns voulurent la charmer. C'était une pratique
+habituelle aux gens de guerre de marmotter des patenôtres sur les
+blessures pour les fermer. On charmait par incantations et
+conjurations. Les paters de sang avaient la vertu d'arrêter les
+hémorragies. On employait aussi des billets couverts de caractères
+magiques. Mais c'était recourir à la puissance des diables et
+commettre <span class="pagenum"><a id="page358" name="page358"></a>(p. 358)</span> un péché mortel; Jeanne ne voulut point être
+charmée.</p>
+
+<p>&mdash;J'aimerais mieux mourir, dit-elle, que de faire chose que je saurais
+péché ou contraire à la volonté de Dieu.</p>
+
+<p>Elle dit encore:</p>
+
+<p>&mdash;Je sais bien que je dois mourir. Mais je ne sais ni quand ni
+comment; je ne sais l'heure. Si l'on peut donner, sans péché, remède à
+ma blessure, je veux bien être guérie<a id="footnotetag1022" name="footnotetag1022"></a><a href="#footnote1022" title="Lien vers la note 1022"><span class="smaller">[1022]</span></a>.</p>
+
+<p>On lui ôta son armure. On appliqua sur la plaie de l'huile d'olive
+avec du lard, et, le pansement fait, elle se confessa au frère
+Pasquerel en pleurant et en gémissant. Bientôt elle vit venir à elle
+ses conseillères du ciel, qui portaient des couronnes et répandaient
+une bonne odeur, madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite;
+et elle fut réconfortée. Elle se fit armer et retourna à l'assaut.</p>
+
+<p>Le soleil baissait et, depuis le matin, les Français se fatiguaient en
+vain contre les palissades du boulevard. Monseigneur le Bâtard, voyant
+ses hommes las et la nuit proche, et craignant sans doute les Anglais
+du camp de Saint-Laurent-des-Orgerils, résolut de ramener l'armée à
+Orléans. Il fit sonner la retraite. Déjà la trompette appelait les
+combattants au Portereau. La Pucelle vint à lui et le pria d'attendre
+encore un peu.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page359" name="page359"></a>(p. 359)</span> &mdash;En nom Dieu! dit-elle, vous entrerez bien bref dedans.
+N'ayez crainte, et n'auront les Anglais plus de force sur vous.</p>
+
+<p>D'après certains, elle ajouta: «C'est pourquoi, reposez vous un peu;
+buvez et mangez<a id="footnotetag1023" name="footnotetag1023"></a><a href="#footnote1023" title="Lien vers la note 1023"><span class="smaller">[1023]</span></a>.»</p>
+
+<p>Tandis qu'ils se rafraîchissaient, elle demanda son cheval, monta
+dessus et, laissant son étendard à un homme de sa compagnie, elle alla
+seule, par le coteau, dans les vignes qui n'avaient pu être labourées
+à la coutume en avril et où les petites feuilles de mai commençaient à
+s'ouvrir. Là, dans le calme du soir, parmi les échalas formés en
+faisceaux et les pieds bas des vignes alignées, qui buvaient la
+première chaleur de la terre, elle se mit en oraison et tendit
+l'oreille aux voix du ciel<a id="footnotetag1024" name="footnotetag1024"></a><a href="#footnote1024" title="Lien vers la note 1024"><span class="smaller">[1024]</span></a>. D'ordinaire le tumulte et les cris
+l'empêchaient de comprendre ce que lui disaient son ange et ses
+saintes. Elle ne les entendait bien que dans la solitude au tintement
+des cloches lointaines et dans les sons légers et rythmés qui montent,
+le soir, des champs et des prairies<a id="footnotetag1025" name="footnotetag1025"></a><a href="#footnote1025" title="Lien vers la note 1025"><span class="smaller">[1025]</span></a>.</p>
+
+<p>Pendant son absence, le sire d'Aulon, qui ne pouvait pas renoncer
+encore à gagner la journée, imagina <span class="pagenum"><a id="page360" name="page360"></a>(p. 360)</span> un dernier expédient.
+C'était un des moindres seigneurs de l'armée; mais alors, à la
+bataille, chacun faisait à sa tête et selon son c&oelig;ur. L'étendard de
+la Pucelle flottait encore devant le boulevard. L'homme qui le
+portait, tombant de fatigue, l'avait passé à un homme d'armes,
+surnommé le Basque, de la compagnie du sire de Villars<a id="footnotetag1026" name="footnotetag1026"></a><a href="#footnote1026" title="Lien vers la note 1026"><span class="smaller">[1026]</span></a>. Le sire
+d'Aulon, regardant cet étendard béni par les prêtres et qu'on tenait
+pour heureux, songea que, s'il était porté en avant, les gens de
+guerre le suivraient, tant ils y avaient d'amour, et, pour ne pas le
+perdre, escaladeraient le boulevard. À cette idée, il s'approcha du
+Basque et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Si j'entrais là, et allais au pied du boulevard, me suivrais-tu?</p>
+
+<p>Le Basque promit de le faire. Le sire d'Aulon descendit aussitôt dans
+le fossé et, se couvrant de sa targette, qui le garantissait des
+pierres, s'avança vers la douve<a id="footnotetag1027" name="footnotetag1027"></a><a href="#footnote1027" title="Lien vers la note 1027"><span class="smaller">[1027]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle, ayant fait une courte prière, revint, après un demi-quart
+d'heure, parmi les gens d'armes et leur dit:</p>
+
+<p>&mdash;Les Anglais n'ont plus de force. Approchez les échelles<a id="footnotetag1028" name="footnotetag1028"></a><a href="#footnote1028" title="Lien vers la note 1028"><span class="smaller">[1028]</span></a>.</p>
+
+<p>C'était vrai. Il leur restait si peu de poudre que <span class="pagenum"><a id="page361" name="page361"></a>(p. 361)</span> leurs
+derniers boulets, chassés par une charge trop faible, tombaient court
+comme des pierres jetées à la main<a id="footnotetag1029" name="footnotetag1029"></a><a href="#footnote1029" title="Lien vers la note 1029"><span class="smaller">[1029]</span></a>. Ils n'avaient plus que des
+tronçons d'armes. Elle alla au boulevard. Mais, arrivée au bord du
+fossé, voyant tout à coup aux mains d'un inconnu son étendard qui lui
+était cher, mille fois plus cher que son épée, et le croyant en péril,
+elle courut le reprendre, s'approcha du Basque au moment où il
+descendait dans le fossé, saisit l'étendard par ce qu'on appelait la
+queue, c'est-à-dire le bout de la toile, et tira de toutes ses forces,
+en criant:</p>
+
+<p>&mdash;Ha! mon étendard, mon étendard!</p>
+
+<p>Le Basque tenait ferme, ne sachant pas qui tirait ainsi d'en haut. Et
+la Pucelle ne lâchait point. Les seigneurs et capitaines, voyant
+l'étendard secoué, crurent que c'était un signal et se rallièrent.
+Cependant le sire d'Aulon était arrivé à la douve. Il pensait que le
+Basque l'avait suivi pas à pas. Mais, s'étant retourné, il le vit
+arrêté de l'autre côté du fossé et lui cria:</p>
+
+<p>&mdash;Hé! Basque, est-ce là ce que tu m'avais promis?</p>
+
+<p>À cet appel le Basque tira si fort qu'il fit lâcher prise à la Pucelle
+et porta l'étendard jusqu'à la douve<a id="footnotetag1030" name="footnotetag1030"></a><a href="#footnote1030" title="Lien vers la note 1030"><span class="smaller">[1030]</span></a>. Jeanne comprit et fut
+rassurée. Elle dit à ceux qui étaient près d'elle:</p>
+
+<p>&mdash;Donnez-vous garde quand la queue de mon étendard touchera contre le
+boulevard.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page362" name="page362"></a>(p. 362)</span> Un gentilhomme lui répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Jeanne, la queue y touche.</p>
+
+<p>Alors elle s'écria:</p>
+
+<p>&mdash;Tout est vôtre et y entrez<a id="footnotetag1031" name="footnotetag1031"></a><a href="#footnote1031" title="Lien vers la note 1031"><span class="smaller">[1031]</span></a>!</p>
+
+<p>Aussitôt, seigneurs et bourgeois, gens d'armes, gens de trait, gens
+des communes se jetèrent éperdument dans le fossé et grimpèrent en tel
+nombre et si vivement aux palissades, qu'ils semblaient une compagnie
+d'oisillons s'abattant sur une haie<a id="footnotetag1032" name="footnotetag1032"></a><a href="#footnote1032" title="Lien vers la note 1032"><span class="smaller">[1032]</span></a>. Et les Français entrés dans
+l'enceinte virent s'éloignant, mais tournés encore fièrement vers eux,
+les lords Moleyns et Poynings, sir Thomas Giffart, bailli de Mantes,
+et le capitaine Glasdall, qui couvraient la retraite des leurs vers
+les Tourelles<a id="footnotetag1033" name="footnotetag1033"></a><a href="#footnote1033" title="Lien vers la note 1033"><span class="smaller">[1033]</span></a>. Glasdall tenait à la main le vieil étendard de
+Chandos, qui, après avoir flotté sur quatre-vingts ans de victoires,
+reculait devant l'étendard d'une enfant<a id="footnotetag1034" name="footnotetag1034"></a><a href="#footnote1034" title="Lien vers la note 1034"><span class="smaller">[1034]</span></a>. Car elle était là,
+debout sur le rempart, la Pucelle. Et les Anglais se demandaient
+épouvantés quelle était cette sorcière qui ne perdait pas son pouvoir
+avec son sang et guérissait par des charmes ses profondes blessures.
+Cependant elle les regardait avec douceur et tristesse et criait d'une
+voix pleine de sanglots:</p>
+
+<p>&mdash;Glassidas! Glassidas! rends-t'y, rends-t'y au Roi <span class="pagenum"><a id="page363" name="page363"></a>(p. 363)</span> des
+cieux. Tu m'as appelée putain. J'ai grande pitié de ton âme et de
+celle des tiens<a id="footnotetag1035" name="footnotetag1035"></a><a href="#footnote1035" title="Lien vers la note 1035"><span class="smaller">[1035]</span></a>.</p>
+
+<p>En même temps, des murs de la ville et du boulevard de la Belle-Croix,
+les boulets pleuvaient sur les Tourelles<a id="footnotetag1036" name="footnotetag1036"></a><a href="#footnote1036" title="Lien vers la note 1036"><span class="smaller">[1036]</span></a>. Montargis et Rifflart
+leur crachaient des pierres; le nouveau canon de maître Guillaume
+Duisy leur jetait, de la poterne Chesneau, des boulets de cent vingt
+livres<a id="footnotetag1037" name="footnotetag1037"></a><a href="#footnote1037" title="Lien vers la note 1037"><span class="smaller">[1037]</span></a>. Les Tourelles étaient assaillies du côté du pont. Une
+gouttière fut jetée sur l'arche rompue par les Anglais, et messire
+Nicole de Giresme, le moine chevalier, y passa le premier<a id="footnotetag1038" name="footnotetag1038"></a><a href="#footnote1038" title="Lien vers la note 1038"><span class="smaller">[1038]</span></a>. Ceux
+qui le suivirent mirent le feu à la palissade qui, de ce côté, barrait
+l'accès du fort. Ainsi, les six cents Anglais, épuisés d'armes et de
+forces, se voyaient attaqués en avant et en arrière. Ils l'étaient
+aussi par-dessous, de façon sournoise et terrible. Des gens d'Orléans
+avaient chargé un grand chaland de poix, d'étoupes, de fagots, d'os de
+cheval, de savates, de résine, de soufre, de quatre-vingt-dix-huit
+livres d'huile d'olive et de telles autres choses pouvant faire feu et
+fumée; ils l'avaient conduit sous le pont de bois jeté par l'ennemi
+entre les Tourelles et le boulevard: ils l'y avaient amarré et y
+avaient mis le feu. Au moment de la retraite des Anglais, ce brûlot
+incendia le pont. À travers la fumée et <span class="pagenum"><a id="page364" name="page364"></a>(p. 364)</span> la flamme, les six
+cents passèrent sur le tablier brûlant. Et quand enfin William
+Glasdall, lord Poynings et lord Moleyns, avec trente ou quarante
+capitaines, quittant les derniers le boulevard perdu, mirent à leur
+tour le pied sur le pont, les planches charbonnées croulèrent sous eux
+et tous, avec l'étendard de Chandos, s'abîmèrent dans la Loire<a id="footnotetag1039" name="footnotetag1039"></a><a href="#footnote1039" title="Lien vers la note 1039"><span class="smaller">[1039]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne, émue de pitié, pleura sur l'âme de Glassidas et sur celle des
+Anglais noyés avec lui<a id="footnotetag1040" name="footnotetag1040"></a><a href="#footnote1040" title="Lien vers la note 1040"><span class="smaller">[1040]</span></a>. Près d'elle, les capitaines
+s'affligeaient aussi de la mort de ces braves, songeant qu'ils leur
+avaient fait grand tort en se noyant, car leur rançon eût rapporté
+grande finance<a id="footnotetag1041" name="footnotetag1041"></a><a href="#footnote1041" title="Lien vers la note 1041"><span class="smaller">[1041]</span></a>.</p>
+
+<p>Échappés sur des charbons ardents aux Français du boulevard, les six
+cents tombèrent sur les Français du pont. Quatre cents furent tués,
+les autres pris. La journée avait coûté aux Orléanais une centaine
+d'hommes<a id="footnotetag1042" name="footnotetag1042"></a><a href="#footnote1042" title="Lien vers la note 1042"><span class="smaller">[1042]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page365" name="page365"></a>(p. 365)</span> Quand les derniers cris des vaincus se furent éteints, dans
+la nuit sombre, au bord de la Loire rougie de flammes, les capitaines
+français, étonnés de leur victoire, regardaient du côté de
+Saint-Laurent-des-Orgerils et craignaient encore que sir John Talbot
+ne saillît de son camp et ne vînt venger ceux qu'il n'avait pas
+secourus. Durant cette longue attaque, sur laquelle s'était levé et
+couché le soleil, Talbot, le comte de Suffolk et les Anglais de
+Saint-Laurent n'étaient pas sortis de leurs retranchements. Les
+Tourelles prises, les vainqueurs se tenaient sur leurs gardes,
+attendant encore Talbot<a id="footnotetag1043" name="footnotetag1043"></a><a href="#footnote1043" title="Lien vers la note 1043"><span class="smaller">[1043]</span></a>. Mais ce Talbot, dont le nom servait aux
+mères françaises pour effrayer leurs enfants, ne bougea pas. On
+l'avait beaucoup craint en cette journée, et il avait lui-même craint
+que les Français ne lui prissent son camp et ses bastilles du couchant
+s'il en retirait du monde pour secourir les Tourelles<a id="footnotetag1044" name="footnotetag1044"></a><a href="#footnote1044" title="Lien vers la note 1044"><span class="smaller">[1044]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page366" name="page366"></a>(p. 366)</span> L'armée se disposa à rentrer dans la ville. Le pont, dont
+trois arches étaient rompues, fut rendu praticable en trois heures.
+Bien avant dans la nuit, la Pucelle, ainsi qu'elle l'avait prédit,
+entra par le pont dans la ville<a id="footnotetag1045" name="footnotetag1045"></a><a href="#footnote1045" title="Lien vers la note 1045"><span class="smaller">[1045]</span></a>. Pareillement se trouvaient
+véritables toutes ses prophéties, quand l'accomplissement dépendait de
+son courage et de sa bonne volonté. Les capitaines l'accompagnaient,
+suivis de tous les hommes d'armes et de trait, de tous les bourgeois
+et des prisonniers qu'on amenait deux à deux. Les cloches de la cité
+sonnèrent; le clergé et le peuple chantèrent le <i>Te Deum</i><a id="footnotetag1046" name="footnotetag1046"></a><a href="#footnote1046" title="Lien vers la note 1046"><span class="smaller">[1046]</span></a>. Après
+Dieu et sa benoîte mère, ils remercièrent très humblement Monsieur
+saint Aignan et Monsieur saint Euverte, évêques, en leur vie mortelle,
+et patrons célestes de la ville. Les citoyens estimaient que, devant
+et durant le siège, ils leur avaient donné assez de cire et assez
+promené leur châsse pour mériter leur puissante entremise et obtenir
+par eux victoire et délivrance. Ce qui rendait manifeste
+l'intervention de ces deux confesseurs, c'est qu'on avait vu, dans le
+ciel, planer sur les Tourelles, au moment de l'assaut, deux évêques
+resplendissant de lumière<a id="footnotetag1047" name="footnotetag1047"></a><a href="#footnote1047" title="Lien vers la note 1047"><span class="smaller">[1047]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne fut ramenée à l'hôtel de Jacques Boucher, où <span class="pagenum"><a id="page367" name="page367"></a>(p. 367)</span> un
+chirurgien pansa à nouveau la blessure qu'elle avait reçue au-dessus
+du sein. Elle prit quatre ou cinq tranches de pain trempées dans du
+vin mêlé d'eau, et ne but ni ne mangea autre chose<a id="footnotetag1048" name="footnotetag1048"></a><a href="#footnote1048" title="Lien vers la note 1048"><span class="smaller">[1048]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, dimanche 8 mai, fête de l'apparition de Saint-Michel, on
+apprit, au matin, dans Orléans, que les Anglais, sortis des bastilles
+du couchant qui leur restaient encore, se rangeaient en belle
+ordonnance, étendards déployés, devant les fossés de la ville. Ceux
+d'Orléans, hommes d'armes et gens de la commune, avaient grande envie
+de tomber dessus. À la pointe du jour, le maréchal de Boussac et
+nombre de capitaines sortirent et se rangèrent devant eux<a id="footnotetag1049" name="footnotetag1049"></a><a href="#footnote1049" title="Lien vers la note 1049"><span class="smaller">[1049]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle alla aux champs avec les prêtres. N'ayant pu mettre sa
+cuirasse sur son épaule blessée, elle était seulement armée d'une de
+ces légères cottes de mailles, qu'on appelait jaserans<a id="footnotetag1050" name="footnotetag1050"></a><a href="#footnote1050" title="Lien vers la note 1050"><span class="smaller">[1050]</span></a>.</p>
+
+<p>Des gens d'armes lui demandèrent:</p>
+
+<p>&mdash;Est-ce mal de combattre aujourd'hui dimanche?</p>
+
+<p>Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Il faut entendre la messe<a id="footnotetag1051" name="footnotetag1051"></a><a href="#footnote1051" title="Lien vers la note 1051"><span class="smaller">[1051]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle n'était pas d'avis qu'on les attaquât.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page368" name="page368"></a>(p. 368)</span> &mdash;Pour l'amour et honneur du saint dimanche, ne commencez
+point la bataille. N'attaquez pas les Anglais, mais, si les Anglais
+vous attaquent, défendez-vous fort et hardiment, et n'ayez nulle peur,
+et vous serez les maîtres<a id="footnotetag1052" name="footnotetag1052"></a><a href="#footnote1052" title="Lien vers la note 1052"><span class="smaller">[1052]</span></a>.</p>
+
+<p>Une de ces pierres consacrées, de forme plate et carrée, bordée de
+métal, que les clercs portaient en voyage, fut posée sur une table, en
+un carrefour, dans les champs, au pied d'une croix<a id="footnotetag1053" name="footnotetag1053"></a><a href="#footnote1053" title="Lien vers la note 1053"><span class="smaller">[1053]</span></a>. Les
+officiants chantèrent, en grande solennité, hymnes, répons et
+oraisons, et la Pucelle, avec tous les religieux et tous les hommes
+d'armes, ouït deux messes dites à cet autel<a id="footnotetag1054" name="footnotetag1054"></a><a href="#footnote1054" title="Lien vers la note 1054"><span class="smaller">[1054]</span></a>.</p>
+
+<p>Après le <i>Deo gratias</i>, elle recommanda d'observer les Anglais.</p>
+
+<p>&mdash;Or, regardez, s'ils ont le visage devers nous, ou le dos.</p>
+
+<p>On lui répondit qu'ils avaient le dos tourné et qu'ils s'en allaient.</p>
+
+<p>Elle leur avait dit trois fois: «Allez-vous-en d'Orléans vos vies
+sauves.» Maintenant elle voulait qu'on les laissât aller sans leur en
+demander davantage.</p>
+
+<p>&mdash;Il ne plaît pas à Messire qu'on les combatte aujourd'hui, dit-elle.
+Vous les aurez une autre fois. Allons rendre grâces à Dieu<a id="footnotetag1055" name="footnotetag1055"></a><a href="#footnote1055" title="Lien vers la note 1055"><span class="smaller">[1055]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page369" name="page369"></a>(p. 369)</span> Les Godons s'en allaient. Ils avaient tenu conseil la nuit et
+résolu de partir<a id="footnotetag1056" name="footnotetag1056"></a><a href="#footnote1056" title="Lien vers la note 1056"><span class="smaller">[1056]</span></a>. Après avoir fait front une heure durant aux
+Orléanais pour donner un air menaçant à leur retraite et la faire
+respecter, ils s'en allaient, gardant un bel ordre de marche. Le
+capitaine La Hire et le sire de Loré, curieux de savoir quelle route
+ils prenaient et de voir s'ils ne laissaient rien traîner derrière
+eux, chevauchèrent à leur poursuite avec cent ou cent vingt lances
+durant deux ou trois lieues. Les Anglais se retiraient sur
+Meung<a id="footnotetag1057" name="footnotetag1057"></a><a href="#footnote1057" title="Lien vers la note 1057"><span class="smaller">[1057]</span></a>.</p>
+
+<p>Les bourgeois, manants, gens des communes, se précipitèrent en foule
+dans les bastilles abandonnées. Les Godons y avaient laissé leurs
+malades et leurs prisonniers. Les Orléanais y trouvèrent aussi des
+munitions et même des vivres, qui n'étaient pas sans doute en grande
+abondance ni excellents. Mais, dit un Bourguignon, «si en firent bonne
+chère, car il ne leur avait guère coûté<a id="footnotetag1058" name="footnotetag1058"></a><a href="#footnote1058" title="Lien vers la note 1058"><span class="smaller">[1058]</span></a>». Les armes, les canons,
+les bombardes furent portés dans la ville, les bastilles démolies,
+pour qu'aucun ennemi désormais ne pût s'y loger<a id="footnotetag1059" name="footnotetag1059"></a><a href="#footnote1059" title="Lien vers la note 1059"><span class="smaller">[1059]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce jour, furent faites très belles et solennelles processions
+<span class="pagenum"><a id="page370" name="page370"></a>(p. 370)</span> et fut ouï le sermon d'un bon frère<a id="footnotetag1060" name="footnotetag1060"></a><a href="#footnote1060" title="Lien vers la note 1060"><span class="smaller">[1060]</span></a>. Les clercs,
+seigneurs, capitaines, procureurs, gens d'armes et bourgeois
+visitèrent les églises avec grande dévotion, et le peuple cria:
+«Noël<a id="footnotetag1061" name="footnotetag1061"></a><a href="#footnote1061" title="Lien vers la note 1061"><span class="smaller">[1061]</span></a>!»</p>
+
+<p>Ainsi la ville d'Orléans fut délivrée ce 8 mai, au matin, deux cent
+neuf jours après que le siège y eut été mis et neuf jours après la
+venue de la Pucelle.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page371" name="page371"></a>(p. 371)</span> CHAPITRE XIV<br>
+
+<span class="smaller">LA PUCELLE À TOURS ET À SELLES-EN-BERRY. &mdash; LES TRAITÉS DE JACQUES GÉLU
+ET DE JEAN GERSON.</span></h2>
+
+
+<p>Le dimanche 8 mai, au matin, les Anglais s'en étaient allés, tirant
+sur Meung et Beaugency. Dans l'après-midi du même jour, messire
+Florent d'Illiers avec ses gens d'armes quitta la ville délivrée et
+gagna tout de suite sa capitainerie de Châteaudun, pour la défendre
+contre les Godons qui tenaient garnison à Marchenoir et allaient
+s'abattre sur le Dunois. Le lendemain, les autres capitaines de la
+Beauce et du Gâtinais retournèrent dans leurs villes et
+forteresses<a id="footnotetag1062" name="footnotetag1062"></a><a href="#footnote1062" title="Lien vers la note 1062"><span class="smaller">[1062]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lundi neuf du même mois, les combattants amenés par le sire de
+Rais, n'étant plus nourris ni payés, s'en allèrent chacun de son côté;
+et la Pucelle ne demeura pas davantage<a id="footnotetag1063" name="footnotetag1063"></a><a href="#footnote1063" title="Lien vers la note 1063"><span class="smaller">[1063]</span></a>. Après avoir assisté à la
+procession faite <span class="pagenum"><a id="page372" name="page372"></a>(p. 372)</span> par les habitants pour remercier Dieu, elle
+prit congé de ceux vers qui elle était venue à l'heure de l'épreuve et
+de l'affliction et qu'elle laissait délivrés et pleins d'allégresse.
+Ils pleuraient de joie, lui rendaient grâce et s'offraient à elle pour
+qu'elle fît d'eux et de leurs biens à sa volonté. Et elle les
+remerciait avec douceur<a id="footnotetag1064" name="footnotetag1064"></a><a href="#footnote1064" title="Lien vers la note 1064"><span class="smaller">[1064]</span></a>.</p>
+
+<p>De Chinon le roi fit envoyer aux habitants des villes demeurées en son
+obéissance, et notamment à ceux de La Rochelle et à ceux de Narbonne,
+une lettre écrite à trois reprises, entre le soir du 9 mai et la
+matinée du 10, à mesure que les nouvelles lui arrivaient. Par cette
+lettre, il annonçait la prise des bastilles de Saint-Loup, des
+Augustins et des Tourelles et invitait les bourgeois des villes à
+louer Dieu et à honorer les vertueux faits accomplis là, notamment
+ceux de la Pucelle qui «avait toujours été en personne à l'exécution
+de toutes ces choses<a id="footnotetag1065" name="footnotetag1065"></a><a href="#footnote1065" title="Lien vers la note 1065"><span class="smaller">[1065]</span></a>». Ainsi la chancellerie royale marquait la
+part de Jeanne dans la victoire. Ce n'était nullement celle d'un
+capitaine; elle n'exerçait de commandement d'aucune sorte. Mais, venue
+de Dieu, du moins le pouvait-on croire, sa présence apportait aide et
+réconfort.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page373" name="page373"></a>(p. 373)</span> En compagnie de quelques seigneurs, elle se rendit à Blois, y
+passa deux jours<a id="footnotetag1066" name="footnotetag1066"></a><a href="#footnote1066" title="Lien vers la note 1066"><span class="smaller">[1066]</span></a>, puis s'en fut à Tours, où le roi était
+attendu<a id="footnotetag1067" name="footnotetag1067"></a><a href="#footnote1067" title="Lien vers la note 1067"><span class="smaller">[1067]</span></a>. Lorsqu'elle y entra, le vendredi avant la Pentecôte,
+Charles, parti de Chinon, n'était pas encore arrivé. Elle chevaucha
+vers lui, sa bannière à la main, et, quand elle le rencontra, elle ôta
+son bonnet et inclina le plus qu'elle put la tête sur son cheval. Le
+roi souleva son chaperon, la fit relever et l'embrassa. On dit qu'il
+eut grande joie à la voir, mais en réalité on ne sait ce qu'il pensait
+d'elle<a id="footnotetag1068" name="footnotetag1068"></a><a href="#footnote1068" title="Lien vers la note 1068"><span class="smaller">[1068]</span></a>.</p>
+
+<p>En ce mois de mai 1429, il reçut de messire Jacques Gélu un traité de
+la Pucelle que probablement il ne lut pas, mais que son confesseur lut
+pour lui. Messire Jacques Gélu, autrefois conseiller delphinal et
+présentement seigneur archevêque d'Embrun<a id="footnotetag1069" name="footnotetag1069"></a><a href="#footnote1069" title="Lien vers la note 1069"><span class="smaller">[1069]</span></a>, commença par craindre
+que cette bergère ne fût envoyée au roi par ses ennemis pour
+l'empoisonner ou qu'elle ne fût une sorcière pleine de diables. Il
+conseilla d'abord de l'examiner avec prudence, sans la repousser
+précipitamment, car les apparences sont trompeuses et la grâce divine
+suit souvent des voies extraordinaires. Maintenant, après avoir connu
+les conclusions des docteurs <span class="pagenum"><a id="page374" name="page374"></a>(p. 374)</span> de Poitiers, appris la
+délivrance d'Orléans et ouï le cri du commun peuple, messire Jacques
+Gélu ne gardait plus de doutes sur l'innocence et la bonté de cette
+jeune fille et, voyant que les docteurs différaient de sentiment sur
+elle, il rédigea un bref traité, qu'il envoya au roi, avec une très
+ample, très humble et très insigne épître dédicatoire.</p>
+
+<p>Il y avait, environ ce temps-là, un labyrinthe tracé à l'équerre et au
+compas dans le pavé de la cathédrale de Reims<a id="footnotetag1070" name="footnotetag1070"></a><a href="#footnote1070" title="Lien vers la note 1070"><span class="smaller">[1070]</span></a>. Les pèlerins,
+s'ils étaient attentifs et patients, en parcouraient tous les chemins.
+Le traité de l'archevêque d'Embrun est de même un labyrinthe
+scolastique très régulier, dans lequel on avance pour reculer et l'on
+recule pour avancer, sans trop s'égarer, pourvu qu'on y marche avec
+assez de patience et d'attention. Gélu, comme tous les scolastiques,
+donne d'abord les raisons contraires aux siennes et c'est seulement
+quand il a longuement suivi son adversaire qu'il s'achemine dans son
+propre sens. Ce serait trop faire que de s'engager à sa suite dans les
+détours de son labyrinthe. Mais puisque les familiers du roi le
+consultaient, puisqu'il s'adressait au roi et que le roi et son
+conseil réglèrent, peut-être, leur créance à Jeanne et leur conduite
+envers elle d'après ce traité théologique, on veut savoir ce qu'ils y
+trouvèrent professé et recommandé à cette occasion singulière.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page375" name="page375"></a>(p. 375)</span> Considérant d'abord le bien de l'Église, Jacques Gélu estime
+que Dieu a suscité la Pucelle pour confondre les mal croyants, dont le
+nombre, selon lui, n'était pas petit. «À la confusion de ceux, dit-il,
+qui croient en Dieu comme s'ils n'y croyaient pas, le Très-Haut, qui
+porte écrit sur sa cuisse: <i>Je suis le Roi des rois et le Seigneur des
+Dominations</i>, se plut à secourir le roi de France par une enfant
+nourrie dans le fumier.» L'archevêque d'Embrun découvre cinq raisons
+pour lesquelles le roi a obtenu le secours divin; ce sont: la justice
+de sa cause, les mérites éclatants de ses prédécesseurs, les prières
+des âmes dévotes et les soupirs des opprimés, l'injustice des ennemis
+du royaume, l'insatiable cruauté de la nation anglaise.</p>
+
+<p>Que Dieu ait choisi une pucelle pour détruire des armées, ce dessein
+ne surprend point en lui. «Il a créé des insectes tels que les mouches
+et les puces, par lesquels il abat la superbe des hommes.» Ces petites
+créatures nous importunent et nous fatiguent au point de nous empêcher
+d'étudier ou d'agir. Un homme, quelle que soit sa constance, ne peut
+reposer dans une chambre infestée de puces. Par le moyen d'une jeune
+paysanne, sortie d'humbles et infimes parents, soumise à un vil
+labeur, ignorante, simple au delà de ce qu'on peut dire, il a voulu
+abaisser les superbes, les ramener à l'humilité et leur rendre sa
+Majesté présente, en sauvant ceux qui périssaient.</p>
+
+<p>Que le Très-Haut ait révélé à une vierge ses desseins <span class="pagenum"><a id="page376" name="page376"></a>(p. 376)</span> sur le
+royaume des Lis, n'en soyons pas surpris: il accorde volontiers aux
+vierges le don de prophétie. Il lui plut de découvrir aux sibylles les
+mystères cachés à la gentilité tout entière. Sur l'autorité de
+Nicanor, d'Euripide, de Chrysippe, de Nenius, d'Apollodore,
+d'Eratosthène, d'Héraclide Pontique, de Marcus Varron et de Lactance,
+messire Jacques Gélu enseigne que les sibylles furent au nombre de
+dix: la Persique, la Libyque, la Delphique, la Cinicienne, l'Érythrée,
+la Samienne, la Cumane, l'Hellespontique, la Phrygienne et la
+Tiburtine, qui prophétisèrent, au milieu des gentils, la glorieuse
+incarnation de Notre-Seigneur, la résurrection des morts et la
+consommation des siècles. Cet exemple lui paraît très digne d'être
+médité.</p>
+
+<p>Quant à Jeanne, elle est en elle-même inconnaissable. Aristote
+l'enseigne: rien n'est dans l'intellect qui n'ait été d'abord dans la
+sensation, et la sensation ne pénètre pas au delà des apparences.
+Mais, où l'esprit ne peut entrer directement, il atteint par détour.
+Autant que l'humaine fragilité permet de le savoir, à regarder ses
+&oelig;uvres, la Pucelle est de Dieu. Bien qu'appliquée aux armes, elle
+ne conseille jamais la cruauté; elle est miséricordieuse aux ennemis
+qui se rendent à merci, et elle offre la paix. Enfin, l'archevêque
+d'Embrun croit que cette Pucelle est un ange envoyé par le Seigneur
+Dieu des armées pour le salut du peuple; non qu'elle en ait la nature;
+mais elle en fait l'office.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page377" name="page377"></a>(p. 377)</span> Sur la conduite à tenir en cette merveilleuse occasion, le
+docteur est d'avis que le roi observe dans la guerre les règles de la
+prudence humaine. Il est écrit: «Tu ne tenteras pas le Seigneur ton
+Dieu.» Un esprit industrieux aurait été donné en vain à l'homme, s'il
+ne s'en servait point dans ses entreprises. Il faut délibérer
+longtemps ce qui doit être exécuté soudain. Ce n'est ni par des
+v&oelig;ux ni par des supplications de femme que s'obtient le secours de
+Dieu. Par action et conseil on accède à l'issue prospère.</p>
+
+<p>Mais il ne faut pas repousser l'inspiration de Dieu. C'est pourquoi il
+doit être fait selon le vouloir de la Pucelle, alors même que ce
+vouloir paraîtrait douteux et sans grande apparence de vérité. Si la
+Pucelle est trouvée stable dans ses paroles, que le roi la suive et se
+confie à elle comme à Dieu pour la conduite du fait auquel elle a été
+commise. S'il survient au roi quelque doute, qu'il incline vers la
+sagesse divine plutôt qu'à l'humaine prudence, car il n'y a pas de
+mesure de l'une à l'autre, comme il n'y a pas de proportion du fini à
+l'infini. Aussi faut-il croire que Celui qui envoya cette enfant saura
+lui inspirer des conseils meilleurs que les conseils des hommes. Et
+l'archevêque d'Embrun tire de ses raisonnements aristotéliques cette
+conclusion bicéphale:</p>
+
+<p>«D'une part, pour ce qui est de préparer les batailles, d'employer
+machines, échelles et tous autres engins de guerre, de jeter des
+ponts, d'envoyer aux combattants <span class="pagenum"><a id="page378" name="page378"></a>(p. 378)</span> des vivres en quantité
+suffisante, d'avoir bonnes finances, toutes choses sans lesquelles les
+entreprises ne sauraient réussir que par miracle, nous faisons
+suffisamment entendre qu'il y faut pourvoir par prudence humaine.</p>
+
+<p>»Mais lorsqu'on voit, d'autre part, la sagesse divine s'apprêter à
+agir spécialement, la prudence humaine doit s'humilier et renoncer.
+C'est alors, disons-nous, que le conseil de la Pucelle doit être
+demandé, recherché, requis préférablement à tout autre. Celui qui
+donne la vie donne la nourriture. À ses ouvriers il fournit les
+outils. C'est pourquoi nous devons espérer dans le Seigneur. Il fit
+sienne la cause du roi. Il inspirera à ceux qui la tiennent tout ce
+qu'il faudra faire pour la gagner. Dieu ne laisse point ses &oelig;uvres
+imparfaites.»</p>
+
+<p>Et l'archevêque termine son traité en recommandant spécialement au roi
+la Pucelle comme inspiratrice de saintes pensées et révélatrice
+d'&oelig;uvres pies. «Nous donnons ce conseil au roi, que chaque jour il
+accomplisse une &oelig;uvre agréable à Dieu, et que de cela il confère
+avec la Pucelle; que les avis qu'il en recevra, il les mette en usage
+pieusement et dévotement, pour que Dieu ne lui retire pas sa main,
+mais lui continue sa grâce<a id="footnotetag1071" name="footnotetag1071"></a><a href="#footnote1071" title="Lien vers la note 1071"><span class="smaller">[1071]</span></a>.»</p>
+
+<p>Le grand docteur Gerson, ancien chancelier de l'université, <span class="pagenum"><a id="page379" name="page379"></a>(p. 379)</span>
+achevait alors à Lyon, dans le couvent des Célestins, dont son frère
+était prieur, sa vie pleine de travaux et de fatigues<a id="footnotetag1072" name="footnotetag1072"></a><a href="#footnote1072" title="Lien vers la note 1072"><span class="smaller">[1072]</span></a>. L'an
+1408, curé de Saint-Jean-en-Grève, à Paris, en prononçant dans son
+église paroissiale l'oraison funèbre du duc d'Orléans, assassiné par
+l'ordre du duc de Bourgogne, il souleva la fureur du peuple et courut
+grand risque d'être massacré. Au concile de Constance, impatient
+d'envoyer l'hérétique au feu «par une cruauté miséricordieuse<a id="footnotetag1073" name="footnotetag1073"></a><a href="#footnote1073" title="Lien vers la note 1073"><span class="smaller">[1073]</span></a>»,
+il pressa la condamnation de Jean Huss, sans égard au sauf-conduit que
+celui-ci avait reçu de l'Empereur, estimant avec tous les pères
+assemblés, que selon le droit naturel divin et humain nulle promesse
+ne doit être tenue au préjudice de la foi catholique. Il poursuivit au
+synode, avec une même ardeur, la condamnation des propositions de Jean
+Petit sur la légitimité du tyrannicide. Au temporel comme au
+spirituel, il professait l'unité d'obédience et le respect des
+autorités établies. Comparant, dans un de ses sermons, le royaume de
+France à la statue de Nabuchodonosor, il fait des marchands et des
+artisans les jambes du colosse, «qui sont partie de fer, partie de
+terre, pour leur labeur et humilité à servir et à obéir...» Fer
+signifie labeur et terre humilité. <span class="pagenum"><a id="page380" name="page380"></a>(p. 380)</span> Tout le mal est venu de
+ce que le roi et les notables citoyens ont été tenus en servitude par
+l'outrageuse entreprise des gens de petit état<a id="footnotetag1074" name="footnotetag1074"></a><a href="#footnote1074" title="Lien vers la note 1074"><span class="smaller">[1074]</span></a>.</p>
+
+<p>Maintenant, accablé de misères et de tristesses, il instruisait les
+jeunes enfants. «C'est par eux, disait-il, qu'il faut commencer la
+réforme<a id="footnotetag1075" name="footnotetag1075"></a><a href="#footnote1075" title="Lien vers la note 1075"><span class="smaller">[1075]</span></a>.»</p>
+
+<p>La délivrance de la cité ducale dut réjouir le vieux défenseur du
+parti d'Orléans. Les conseillers du dauphin, désireux de mettre en
+&oelig;uvre la Pucelle, lui communiquèrent les délibérations de Poitiers
+et lui demandèrent son avis comme à un bon serviteur de la maison de
+France. En réponse, il composa un traité succinct de la Pucelle.</p>
+
+<p>Dans cet écrit, il prend soin tout d'abord de distinguer entre ce qui
+est de foi et ce qui est de dévotion. En matière de foi, le doute
+n'est pas permis. Quant à ce qui est de dévotion, comme on dit
+vulgairement: «Qui ne le croit n'est pas damné.» Pour qu'une chose
+soit de dévotion, trois conditions sont requises: il faut 1<sup>o</sup> qu'elle
+soit édifiante; 2<sup>o</sup> qu'elle soit probable et attestée par la rumeur
+publique ou le témoignage des fidèles; 3<sup>o</sup> qu'il ne s'y mêle rien de
+contraire à la foi. À ces conditions, il convient de n'en porter ni
+réprobation ni approbation opiniâtres, mais plutôt de s'en rapporter à
+l'Église.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page381" name="page381"></a>(p. 381)</span> Par exemple, sont matières de dévotion et non de foi, la
+conception de la très sainte Vierge, les indulgences, les reliques.
+Une relique est vénérée en un lieu ou dans un autre ou dans plusieurs
+lieux à la fois. Le Parlement de Paris a naguère disputé sur le chef
+de monseigneur saint Denys, vénéré à Saint-Denys en France et dans la
+cathédrale de Paris. C'est matière de dévotion<a id="footnotetag1076" name="footnotetag1076"></a><a href="#footnote1076" title="Lien vers la note 1076"><span class="smaller">[1076]</span></a>.</p>
+
+<p>D'où il faut conclure que l'on peut pieusement et salutairement, en
+matière de dévotion, admettre le fait de cette Pucelle, surtout en
+regardant aux fins, qui sont la restitution du royaume à son roi et la
+très juste expulsion ou débellation de ses très obstinés ennemis.</p>
+
+<p>D'autant plus qu'on n'a pas trouvé qu'elle usât de sortilèges prohibés
+par l'Église ni de superstitions publiquement réprouvées, ni qu'elle
+agît avec cautèle, par fourberie, pour son gain propre, lorsqu'en gage
+de sa foi, elle expose son corps aux plus grands dangers.</p>
+
+<p>Et, si plusieurs apportent divers témoignages sur son caquet, sa
+légèreté, son astuce, c'est le lieu d'alléguer cet adage de Caton:
+«Nos arbitres, ce n'est pas ce que chacun dit.» Selon la parole de
+l'Apôtre, on ne doit pas mettre en cause le serviteur de Dieu. Bien
+plutôt il convient ou de s'abstenir ou de soumettre aux supérieurs
+ecclésiastiques, comme il est <span class="pagenum"><a id="page382" name="page382"></a>(p. 382)</span> permis, les points douteux.
+Ainsi fut fait, dans le principe, pour la canonisation des saints. Le
+canon des saints n'est pas de nécessité de foi, à strictement parler,
+mais de pieuse dévotion. Toutefois il ne doit pas être réprouvé par
+homme quelconque, à tort et à travers.</p>
+
+<p>Pour en venir au cas présent, il faut remarquer les circonstances
+suivantes:</p>
+
+<p>Premièrement. Le conseil royal et les gens de guerre furent induits à
+croire et à obéir, et ils affrontèrent le risque d'être défaits sous
+la conduite d'une fillette, ce qui eût été grande vergogne.</p>
+
+<p>Deuxièmement. Le peuple exulte, et sa pieuse créance semble conspirer
+à la louange de Dieu et à la confusion des ennemis.</p>
+
+<p>Troisièmement. Les ennemis se cachent, même leurs princes, et sont
+agités de diverses terreurs. Ils tombent en faiblesse comme des femmes
+grosses, conformément aux imprécations contenues dans le cantique que
+chanta sur le tympanon Marie, s&oelig;ur de Moïse, dans un ch&oelig;ur de
+danseurs et de chanteurs: «Chantons au Seigneur, car il a été
+glorieusement magnifié. Que tombent sur ses ennemis la crainte et la
+terreur!» Et nous aussi, chantons le cantique de Marie, avec une
+dévotion consonante à notre fait.</p>
+
+<p>Quatrièmement enfin. Et cela est à peser: Cette Pucelle et les soldats
+attachés à elle ne quittent point les voies de la prudence humaine, et
+ils ne tentent pas <span class="pagenum"><a id="page383" name="page383"></a>(p. 383)</span> Dieu. D'où il est visible que cette
+Pucelle ne s'obstine pas au delà de ce qu'elle répute être monition ou
+inspirations reçues de Dieu.</p>
+
+<p>On pourrait exposer encore plusieurs circonstances de sa vie, depuis
+l'enfance, qui ont été recueillies abondamment. Il n'en sera rien
+rapporté ici.</p>
+
+<p>Il est à propos de tirer exemple de Déborah et de sainte Catherine,
+qui convertit miraculeusement cinquante docteurs ou rhéteurs, de
+Judith et de Judas Macchabée. Dans leur fait, selon l'ordre constant,
+se trouvèrent beaucoup de circonstances d'ordre purement naturel.</p>
+
+<p>À un premier miracle ne succèdent pas toujours d'autres miracles
+attendus des hommes. Alors même que la Pucelle serait déçue dans son
+attente et la nôtre (puisse-t-il n'en pas advenir ainsi!), il n'en
+faudrait pas conclure que les premiers effets furent produits par le
+malin esprit et non par influence céleste, mais préférablement croire
+que nos espérances aient péri à cause de notre ingratitude et de nos
+blasphèmes, ou par quelque juste et impénétrable jugement de Dieu!
+Nous le supplions de détourner de nous sa colère et de nous regarder
+favorablement.</p>
+
+<p>Tirons des enseignements premièrement pour le roi et les princes du
+sang royal; deuxièmement, pour la milice du roi et du royaume;
+troisièmement, pour le clergé et le peuple; quatrièmement, pour la
+Pucelle. De ces enseignements, unique est la fin: mener bonne
+<span class="pagenum"><a id="page384" name="page384"></a>(p. 384)</span> vie, dévote à Dieu, juste au prochain, sobre, vertueuse et
+tempérante à soi-même. Et quant à l'enseignement spécial à la Pucelle,
+il faut que la grâce, que Dieu a manifestée en elle, soit employée non
+en vanités soucieuses, non en profits mondains, non en haines de
+partis, non en séditions cruelles, non en vengeance des actes
+accomplis, non en glorifications ineptes, mais en mansuétude et
+oraisons, avec actions de grâce, et que chacun contribue, par libérale
+subvention de biens temporels, à l'instauration de la paix en son lit
+de justice, afin que, délivrés des mains de nos ennemis, Dieu nous
+étant plus propice, nous le servions dans la sainteté et la justice.</p>
+
+<p>En terminant son traité, Gerson examine brièvement un point de droit
+canon qui avait déjà été touché par les docteurs de Poitiers. Il
+établit qu'il n'est pas défendu à la Pucelle de porter un habit
+d'homme.</p>
+
+<p>Premièrement. L'ancienne loi interdisait à la femme de porter un habit
+d'homme et à l'homme un habit de femme. Cette loi, en tant que
+judicielle, cesse d'être en vigueur dans la nouvelle loi.</p>
+
+<p>Deuxièmement. En tant que morale, cette loi demeure obligatoire. Mais
+elle ne concerne, en ce cas, que l'indécence de l'habit.</p>
+
+<p>Troisièmement. En tant que judicielle et morale, cette loi n'interdit
+pas de porter l'habit viril et militaire à cette Pucelle que le Roi du
+ciel élut porte-étendard pour fouler à ses pieds les ennemis de la
+justice. <span class="pagenum"><a id="page385" name="page385"></a>(p. 385)</span> Où la divine vertu opère, les moyens sont conformes
+aux fins.</p>
+
+<p>Quatrièmement. On peut alléguer des exemples tirés des histoires
+sainte et profane, rappeler Camille et les Amazones.</p>
+
+<p>Jean Gerson termina ce traité le dimanche de la Pentecôte, huit jours
+après la délivrance d'Orléans. Ce fut son dernier écrit. Il mourut au
+mois de juillet de cette même année 1429, la soixante-cinquième de sa
+vie<a id="footnotetag1077" name="footnotetag1077"></a><a href="#footnote1077" title="Lien vers la note 1077"><span class="smaller">[1077]</span></a>.</p>
+
+<p>C'est le testament politique du grand universitaire en exil. La
+victoire de la Pucelle réjouit les derniers jours de sa vie. Il chante
+de sa voix presque éteinte le cantique de Marie. Mais à la joie que
+lui cause le bon événement, se mêlent les tristes pressentiments de sa
+vieille sagesse. En même temps qu'il voit en la Pucelle bien venue un
+sujet d'allégresse et d'édification pour le peuple, il craint que les
+espérances qu'elle inspire ne soient bientôt déçues. Et il avertit
+ceux qui maintenant l'exaltent dans le triomphe de ne point se
+détourner d'elle aux mauvaises heures.</p>
+
+<p>Son argumentation maigre et sèche n'est pas différente au fond de la
+grasse et molle argumentation de Jacques Gélu. On trouve dans l'une et
+dans l'autre les mêmes raisonnements et les mêmes preuves et les
+<span class="pagenum"><a id="page386" name="page386"></a>(p. 386)</span> deux docteurs s'accordent dans leurs conclusions qui sont
+celles des maîtres de Poitiers.</p>
+
+<p>Pour les docteurs de Poitiers, pour l'archevêque d'Embrun, pour
+l'ancien chancelier de l'Université, pour tous les théologiens
+armagnacs, le fait de la Pucelle n'est pas matière de foi. Comment le
+pourrait-il être avant que le pape et le concile en eussent décidé? On
+est libre d'y croire comme de n'y pas croire. Mais c'est un sujet
+d'édification, et il convient de le méditer non dans un esprit aride,
+et qui doute obstinément, mais avec bonne volonté et selon la foi
+chrétienne. Sur le conseil de Gerson, les âmes bénévoles croiront que
+la Pucelle vient de Dieu, comme elles croient que le chef de
+Monseigneur saint Denys est offert en même temps à la vénération des
+fidèles dans l'église cathédrale de Paris et dans l'église abbatiale
+de Saint-Denys en France. Elles ne s'attacheront pas tant à la vérité
+littérale qu'à la vérité spirituelle et elles ne pécheront pas par
+trop de curiosité.</p>
+
+<p>En somme, ni le traité de Jacques Gélu, ni celui de Jean Gerson ne
+donnent de grandes clartés au roi et à son conseil. Les exhortations
+n'y manquent point: mais elles reviennent toutes à dire: «Soyez sages
+et pieux, pensez avec humilité, force et prudence.» Sur le point qui
+importait le plus, l'emploi à faire de la Pucelle dans la conduite de
+la guerre, l'archevêque d'Embrun enseigne doctement: «Accomplissez ce
+que la Pucelle ordonne et ce que la prudence commande et <span class="pagenum"><a id="page387" name="page387"></a>(p. 387)</span>
+pour le surplus faites &oelig;uvres pies et belles oraisons.» Il y avait
+là de quoi embarrasser un capitaine comme le sire de Gaucourt et même
+un bon prud'homme tel que le seigneur de Trèves. Il apparaît que ces
+clercs laissaient au roi toute liberté de jugement et d'action et
+qu'ils lui conseillaient finalement non de croire à la Pucelle, mais
+d'y laisser croire le peuple et les gens d'armes.</p>
+
+<p>Le roi garda Jeanne près de lui durant les dix jours qu'il demeura
+dans sa ville de Tours. Cependant le conseil délibérait sur la
+conduite à tenir<a id="footnotetag1078" name="footnotetag1078"></a><a href="#footnote1078" title="Lien vers la note 1078"><span class="smaller">[1078]</span></a>. On n'avait point d'argent. Charles en trouvait
+encore assez facilement pour faire des présents aux gentilshommes de
+son hôtel, mais il avait grand'peine à s'en procurer pour payer les
+dépenses de la guerre<a id="footnotetag1079" name="footnotetag1079"></a><a href="#footnote1079" title="Lien vers la note 1079"><span class="smaller">[1079]</span></a>. Il devait des gages à ses gens d'Orléans.
+Ceux-là avaient peu reçu et beaucoup dépensé. Ils en étaient du leur,
+et réclamaient leur paiement. Aux mois de mai et de juin, par quatre
+fois, le roi répartit aux capitaines qui avaient défendu la ville des
+sommes montant à quarante et un mille six cent trente et une
+livres<a id="footnotetag1080" name="footnotetag1080"></a><a href="#footnote1080" title="Lien vers la note 1080"><span class="smaller">[1080]</span></a>. Il était victorieux à bon marché. La défense d'Orléans
+lui coûta cent dix mille <span class="pagenum"><a id="page388" name="page388"></a>(p. 388)</span> livres en tout. Les bourgeois de la
+ville firent le reste; ils donnèrent jusqu'à leurs petites cuillers
+d'argent<a id="footnotetag1081" name="footnotetag1081"></a><a href="#footnote1081" title="Lien vers la note 1081"><span class="smaller">[1081]</span></a>.</p>
+
+<p>Il eût été expédient sans doute de chercher à détruire cette terrible
+armée de sir John Falstolf qui avait causé naguère tant de peur à ceux
+d'Orléans. Mais on ne savait pas où elle se trouvait. Elle était
+disparue entre Orléans et Paris. Il eût fallu la chercher; ce n'était
+pas possible; on n'y songea pas. L'art de la guerre ne comportait pas
+alors des opérations si savantes. Il fut question d'aller en
+Normandie, idée si naturelle que dans le peuple on croyait déjà le
+dauphin à Rouen<a id="footnotetag1082" name="footnotetag1082"></a><a href="#footnote1082" title="Lien vers la note 1082"><span class="smaller">[1082]</span></a>. Finalement on décida de reprendre les châteaux
+que les Anglais tenaient sur la Loire en amont et en aval d'Orléans,
+Jargeau, Meung, Beaugency<a id="footnotetag1083" name="footnotetag1083"></a><a href="#footnote1083" title="Lien vers la note 1083"><span class="smaller">[1083]</span></a>. Entreprise utile et qui ne présentait
+pas grandes difficultés, à moins qu'on eût sur les bras l'armée de sir
+John Falstolf, ce que personne ne pouvait dire.</p>
+
+<p>Sans plus attendre, monseigneur le Bâtard alla sur Jargeau avec un peu
+de chevalerie et les routiers de Poton; mais la Loire était haute et
+remplissait les fossés. N'ayant pas d'engins de siège, ils se
+retirèrent après avoir fait quelque mal aux Anglais et tué le
+capitaine de la ville<a id="footnotetag1084" name="footnotetag1084"></a><a href="#footnote1084" title="Lien vers la note 1084"><span class="smaller">[1084]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page389" name="page389"></a>(p. 389)</span> La Pucelle n'entrait pas volontiers dans les raisons des
+capitaines. Elle n'écoutait que ses Voix, qui lui disaient des paroles
+infiniment simples. Elle ne pensait qu'à accomplir sa mission. Ce
+n'était pas pour supputer les ressources du trésor royal, ordonner les
+aides et les tailles, traiter avec les gens d'armes, les marchands et
+les convoyeurs, faire des plans de campagne, négocier des trêves, que
+madame sainte Catherine, madame sainte Marguerite et monseigneur saint
+Michel archange l'avaient envoyée en France: c'était pour qu'elle
+conduisît le dauphin à son sacre. Aussi était-ce à Reims qu'elle le
+voulait mener; non qu'elle sût comment on y pouvait aller, mais elle
+pensait que Dieu la guiderait. Tout retard, toute lenteur, toute
+délibération même la désolait et l'irritait. Fréquentant chez le roi,
+elle le pressait avec douceur. Maintes fois elle lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Je durerai un an, guère plus. Qu'on pense à bien besoigner pendant
+cette année<a id="footnotetag1085" name="footnotetag1085"></a><a href="#footnote1085" title="Lien vers la note 1085"><span class="smaller">[1085]</span></a>!</p>
+
+<p>Et elle dénombrait les quatre charges dont elle avait à s'acquitter en
+cet espace de temps. C'était, après avoir délivré Orléans, chasser les
+Godons hors de France, faire couronner et sacrer le roi à Reims et
+tirer le duc d'Orléans des mains des Anglais<a id="footnotetag1086" name="footnotetag1086"></a><a href="#footnote1086" title="Lien vers la note 1086"><span class="smaller">[1086]</span></a>. Un jour, n'y
+pouvant tenir, elle alla trouver le roi tandis qu'il <span class="pagenum"><a id="page390" name="page390"></a>(p. 390)</span> était
+dans un de ces retraits clos par des boiseries sculptées, qu'on
+pratiquait dans les grandes salles des châteaux, et qui servaient aux
+réunions familières. Elle heurta l'huis, entra presque aussitôt et
+trouva le roi qui conversait avec maître Gérard Machet, son
+confesseur, monseigneur le Bâtard, le sire de Trèves et un seigneur de
+ses plus familiers, nommé messire Christophe d'Harcourt. Elle
+s'agenouilla et, tenant le roi embrassé par les jambes (car elle
+savait à quoi la politesse l'obligeait), elle lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Gentil dauphin, n'assemblez plus tant et de si longs conseils. Mais
+venez tout de suite à Reims recevoir votre digne sacre<a id="footnotetag1087" name="footnotetag1087"></a><a href="#footnote1087" title="Lien vers la note 1087"><span class="smaller">[1087]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi lui fit bon visage, mais ne répondit rien. Le seigneur
+d'Harcourt, averti que la Pucelle conversait avec des anges et des
+saintes, fut curieux de savoir si vraiment la pensée de mener le roi à
+Reims lui venait de ses visiteurs célestes. Employant pour les
+désigner le mot dont elle se servait elle-même:</p>
+
+<p>&mdash;Est-ce votre Conseil, lui demanda-t-il, qui vous parle de telles
+choses?</p>
+
+<p>Elle répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Oui, et je suis beaucoup aiguillonnée à cet endroit.</p>
+
+<p>Le seigneur d'Harcourt reprit aussitôt:</p>
+
+<p>&mdash;Ne voudriez-vous pas dire ici, en présence du <span class="pagenum"><a id="page391" name="page391"></a>(p. 391)</span> roi, la
+manière de votre Conseil, quand il vous parle?</p>
+
+<p>Jeanne rougit à cette demande.</p>
+
+<p>Voulant lui épargner tout embarras et toute contrainte, le roi lui dit
+doucement:</p>
+
+<p>&mdash;Jeanne, vous plaît-il bien de déclarer ce qu'on vous demande, en
+présence des personnes ici présentes?</p>
+
+<p>Mais Jeanne s'adressant au seigneur d'Harcourt:</p>
+
+<p>&mdash;Je vois bien ce que vous voulez savoir, lui dit-elle, et je vous le
+dirai volontiers.</p>
+
+<p>Et tout de suite elle fit sentir au roi le tourment qu'elle éprouvait
+de n'être pas crue et elle révéla sa consolation intérieure:</p>
+
+<p>&mdash;Quand je suis contristée en quelque manière de ce qu'on ne croit pas
+facilement ce que je dis par mandement de Messire, je me retire à
+part, et me plains à Messire de n'être facilement crue de ceux à qui
+je parle. Et mon oraison faite, aussitôt j'entends une voix qui me
+dit: «Fille de Dieu, va!» Et à l'entendre, j'ai grand'joie. Et même je
+voudrais toujours rester en cet état<a id="footnotetag1088" name="footnotetag1088"></a><a href="#footnote1088" title="Lien vers la note 1088"><span class="smaller">[1088]</span></a>.</p>
+
+<p>Tandis qu'elle répétait les paroles de la Voix, Jeanne levait les yeux
+au ciel. Les seigneurs présents furent frappés de l'expression céleste
+que prenait alors le regard de la jeune fille. Pourtant ces yeux
+noyés, cet <span class="pagenum"><a id="page392" name="page392"></a>(p. 392)</span> air de ravissement dont s'émerveillait
+monseigneur le Bâtard, ce n'était pas une extase, c'était l'imitation
+d'une extase. Scène à la fois pleine d'artifice et de naïveté, qui
+montre et la douceur du roi, bien incapable de faire la moindre peine
+à cette enfant, et la légèreté avec laquelle les seigneurs de la cour
+croyaient ou feignaient de croire aux plus étranges merveilles et qui
+surtout fait apparaître que, dès ce moment, on ne regardait pas comme
+un mal, dans le conseil du roi, que la petite sainte donnât au projet
+du sacre l'autorité d'une révélation divine.</p>
+
+<p>La Pucelle accompagna le roi à Loches, et elle resta auprès de lui
+jusqu'après le vingt-troisième jour de mai<a id="footnotetag1089" name="footnotetag1089"></a><a href="#footnote1089" title="Lien vers la note 1089"><span class="smaller">[1089]</span></a>.</p>
+
+<p>Le peuple croyait en elle. Quand elle sortait dans les rues de Loches,
+les habitants se jetaient dans les jambes de son cheval; ils baisaient
+les mains et les pieds de la sainte. Maître Pierre de Versailles,
+religieux de Saint-Denys en France, un des interrogateurs de Poitiers,
+la voyant qui recevait ces marques de vénération, la blâma
+théologalement:</p>
+
+<p>&mdash;Vous faites mal, lui dit-il, de souffrir telles choses, qui ne vous
+sont pas dues. Prenez-y garde: vous induisez les hommes en idolâtrie.</p>
+
+<p>Jeanne, pensant à l'orgueil qui pourrait s'insinuer dans son c&oelig;ur,
+répondit:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page393" name="page393"></a>(p. 393)</span> &mdash;En vérité je ne saurais m'en garder, si Messire ne m'en
+gardait<a id="footnotetag1090" name="footnotetag1090"></a><a href="#footnote1090" title="Lien vers la note 1090"><span class="smaller">[1090]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle voyait avec humeur que certaines bonnes femmes vinssent à elle
+pour la saluer; cela lui semblait une espèce d'adoration dont elle
+s'effrayait. Mais elle ne repoussait pas les pauvres gens qui venaient
+à elle; elle ne leur faisait pas de déplaisir et plutôt les supportait
+à son pouvoir<a id="footnotetag1091" name="footnotetag1091"></a><a href="#footnote1091" title="Lien vers la note 1091"><span class="smaller">[1091]</span></a>.</p>
+
+<p>Le renom de sa sainteté s'était répandu par toute la France avec une
+promptitude merveilleuse. Beaucoup de personnes pieuses portaient sur
+elles des médailles de plomb ou d'autre métal à sa ressemblance, selon
+l'usage établi pour honorer la mémoire des saints<a id="footnotetag1092" name="footnotetag1092"></a><a href="#footnote1092" title="Lien vers la note 1092"><span class="smaller">[1092]</span></a>. On plaçait
+dans les chapelles ses images peintes ou taillées. À la collecte de la
+messe, le prêtre récitait «l'oraison de la Pucelle pour le royaume de
+France»:</p>
+
+<p>«Dieu, auteur de la paix, qui détruis, sans arc ni flèche, les ennemis
+qui mettent leur espoir en eux-mêmes<a id="footnotetag1093" name="footnotetag1093"></a><a href="#footnote1093" title="Lien vers la note 1093"><span class="smaller">[1093]</span></a>, nous te demandons,
+seigneur, de nous protéger dans notre adversité, et, de même que tu as
+délivré ton peuple par la main d'une femme, tends à Charles notre roi
+ton bras victorieux, afin que nos ennemis, <span class="pagenum"><a id="page394" name="page394"></a>(p. 394)</span> qui s'assurent en
+leur multitude et se glorifient de leurs flèches et leurs lances,
+soient par lui surmontés à l'heure présente et qu'il lui soit donné, à
+la fin de ses jours de parvenir glorieusement avec son peuple jusqu'à
+toi, qui es la voie, la vérité et la vie. Par Notre-Seigneur
+Jésus-Christ, etc<a id="footnotetag1094" name="footnotetag1094"></a><a href="#footnote1094" title="Lien vers la note 1094"><span class="smaller">[1094]</span></a>.»</p>
+
+<p class="p2">On consultait alors les saints et les saintes dans toutes les
+difficultés de la vie. Plus on les jugeait innocents et simples, plus
+on leur demandait conseil. Car on était mieux assuré, s'ils ne
+savaient rien dire, que c'était Dieu qui parlait par leur bouche. On
+pensait que la Pucelle n'avait pas d'esprit; c'est pourquoi on la
+croyait capable de résoudre les questions les plus difficiles avec une
+infaillible sagesse. On voyait que, sans savoir faire la guerre, elle
+la faisait mieux que les capitaines, et l'on en concluait que tout ce
+qu'elle accomplirait dans sa sainte ignorance, elle l'accomplirait
+excellemment. C'est ainsi qu'à Toulouse un capitoul s'avisa de la
+consulter en matière financière. Les gardes de la monnaie de cette
+ville ayant reçu ordre de frapper de nouvelles espèces inférieures de
+beaucoup à celles qui avaient cours jusque-là, les bourgeois s'en
+émurent; d'avril à juin les capitouls s'employèrent à faire rapporter
+cette mesure. Et le 2 juin, le capitoul Pierre Flamenc demanda en
+conseil <span class="pagenum"><a id="page395" name="page395"></a>(p. 395)</span> qu'on écrivît à la Pucelle pour lui exposer les
+inconvénients survenus du fait de la mutation des monnaies et pour lui
+demander d'y apporter remède. En faisant cette proposition au
+Capitole, Pierre Flamenc pensait qu'une sainte était de bon conseil
+sur toute matière et particulièrement en matière d'espèces monnayées,
+surtout si elle se trouvait l'amie du roi, comme c'était le cas de la
+Pucelle<a id="footnotetag1095" name="footnotetag1095"></a><a href="#footnote1095" title="Lien vers la note 1095"><span class="smaller">[1095]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne envoya de Loches, un petit anneau d'or a la dame de Laval qui
+sans doute lui avait demandé un objet qu'elle eût touché<a id="footnotetag1096" name="footnotetag1096"></a><a href="#footnote1096" title="Lien vers la note 1096"><span class="smaller">[1096]</span></a>.
+Jeanne, dame de Laval, avait épousé, cinquante-quatre ans en çà, sire
+Bertrand Du Guesclin dont la mémoire était précieuse aux Français et
+qu'on nommait, dans la maison d'Orléans, le dixième preux. Madame
+Jeanne n'égalait point en renommée Tiphaine Raguenel, astrologienne et
+fée<a id="footnotetag1097" name="footnotetag1097"></a><a href="#footnote1097" title="Lien vers la note 1097"><span class="smaller">[1097]</span></a>, première femme de sire Bertrand. C'était une dame avare et
+colérique. Chassée par les Anglais de sa terre de Laval, elle vivait
+retirée à Vitré avec sa fille Anne, qui s'était mise dans le cas de
+lui déplaire quand, treize ans auparavant, jeune veuve, elle avait
+épousé secrètement <span class="pagenum"><a id="page396" name="page396"></a>(p. 396)</span> un petit cadet sans terres. Ce qu'ayant
+découvert, madame Jeanne enferma sa fille dans un cachot et reçut le
+cadet à coups d'arbalète. Après quoi les deux dames vécurent
+paisiblement ensemble<a id="footnotetag1098" name="footnotetag1098"></a><a href="#footnote1098" title="Lien vers la note 1098"><span class="smaller">[1098]</span></a>.</p>
+
+<p>De Loches la Pucelle se rendit à Selles en Berry, assez grosse ville
+sur la rive gauche du Cher, où les trois états du royaume s'étaient
+assemblés peu de temps auparavant<a id="footnotetag1099" name="footnotetag1099"></a><a href="#footnote1099" title="Lien vers la note 1099"><span class="smaller">[1099]</span></a> et où se faisait le
+rassemblement des troupes.</p>
+
+<p>Le samedi 4 juin, elle reçut un héraut que les habitants d'Orléans lui
+envoyaient pour lui donner nouvelles des Anglais<a id="footnotetag1100" name="footnotetag1100"></a><a href="#footnote1100" title="Lien vers la note 1100"><span class="smaller">[1100]</span></a>. Comme chef de
+guerre, ils ne connaissaient qu'elle.</p>
+
+<p>Cependant, entourée de moines, elle menait, au milieu des gens
+d'armes, une vie bonne, singulière et monastique. Elle mangeait et
+buvait peu<a id="footnotetag1101" name="footnotetag1101"></a><a href="#footnote1101" title="Lien vers la note 1101"><span class="smaller">[1101]</span></a>. Elle communiait une fois la semaine et se confessait
+fréquemment<a id="footnotetag1102" name="footnotetag1102"></a><a href="#footnote1102" title="Lien vers la note 1102"><span class="smaller">[1102]</span></a>. En entendant la messe, au moment de l'élévation, à
+confesse et quand elle recevait le corps de Notre-Seigneur, elle
+pleurait à grande abondance de larmes. Chaque soir, à l'heure de
+vêpres, elle se retirait dans une église et faisait sonner les cloches
+pendant une demi-heure environ pour appeler les religieux <span class="pagenum"><a id="page397" name="page397"></a>(p. 397)</span>
+mendiants qui suivaient l'armée. Puis elle se mettait en oraison,
+tandis que les bons frères chantaient une antienne en l'honneur de la
+Vierge Marie<a id="footnotetag1103" name="footnotetag1103"></a><a href="#footnote1103" title="Lien vers la note 1103"><span class="smaller">[1103]</span></a>.</p>
+
+<p>Bien qu'elle pratiquât, à son pouvoir, les austérités que commande une
+dévotion spéciale, elle se montrait magnifiquement vêtue, comme un
+seigneur, ayant en effet seigneurie de par Dieu. Elle portait habit de
+gentilhomme, c'est-à-dire petit chapeau, pourpoint et chausses
+ajustées, très nobles huques de drap d'or et de soie bien fourrées et
+souliers lacés en dehors du pied<a id="footnotetag1104" name="footnotetag1104"></a><a href="#footnote1104" title="Lien vers la note 1104"><span class="smaller">[1104]</span></a>. En la voyant ainsi vêtue, les
+personnes les plus austères du parti dauphinois ne se scandalisaient
+point. Elles lisaient dans l'Écriture qu'Esther et Judith, inspirées
+du Seigneur, se chargèrent de parures, il est vrai dans l'ordre de
+leur sexe et afin d'induire Assuérus et Holopherne en concupiscence
+pour le salut d'Israël. Et elles estimaient que si Jeanne se couvrait
+d'ornements virils afin de paraître aux gens d'armes un ange venant
+donner la victoire au roi très chrétien, loin de céder aux vanités du
+monde, elle considérait uniquement, comme Esther et Judith, l'intérêt
+du peuple saint et la gloire de Dieu. Mais les clercs anglais et
+bourguignons, tournant l'édification <span class="pagenum"><a id="page398" name="page398"></a>(p. 398)</span> en scandale, disaient
+que c'était une femme dissolue en ses habits et ses m&oelig;urs.</p>
+
+<p>Depuis sept ans déjà, saint Michel archange et les saintes Catherine
+et Marguerite, portant des couronnes riches et précieuses, venaient à
+elle et lui parlaient. C'était dans le son des cloches, à l'heure de
+complies et de matines, quelle entendait le mieux leurs paroles<a id="footnotetag1105" name="footnotetag1105"></a><a href="#footnote1105" title="Lien vers la note 1105"><span class="smaller">[1105]</span></a>.
+Les cloches alors, grandes ou petites, métropolitaines, paroissiales
+ou conventuelles, bourdons, campanes, campanelles et moineaux, sonnées
+à la volée ou carillonnées en cadence, de leurs voix graves ou
+claires, parlaient à tout le monde et de toutes choses. Elles étaient
+le chant aérien du calendrier ecclésiastique et civil. Elles
+convoquaient les clercs et les fidèles aux offices, lamentaient les
+morts et louaient Dieu: elles annonçaient les foires et les travaux
+des champs; elles faisaient voler par le ciel les grandes nouvelles,
+et, dans ces temps de guerre, elles appelaient aux armes, sonnaient
+l'alarme. Amies du laboureur, elles dissipaient l'orage, écartaient la
+grêle; elles chassaient la peste. Les démons qui volent sans cesse
+dans l'air et guettent les hommes, elles les mettaient en fuite, et
+l'on attribuait à leur son béni la vertu d'apaiser les violents<a id="footnotetag1106" name="footnotetag1106"></a><a href="#footnote1106" title="Lien vers la note 1106"><span class="smaller">[1106]</span></a>.
+Madame sainte Catherine, qui chaque jour visitait <span class="pagenum"><a id="page399" name="page399"></a>(p. 399)</span> Jeanne,
+était la patronne des cloches et des sonneurs. Aussi beaucoup de
+cloches portaient son nom. Jeanne, dans le son de ses cloches, comme
+dans le bruit des feuilles, entendait ses Voix. Rarement elle les
+entendait sans voir une lumière du côté d'où elles venaient<a id="footnotetag1107" name="footnotetag1107"></a><a href="#footnote1107" title="Lien vers la note 1107"><span class="smaller">[1107]</span></a>. Ces
+voix l'appelaient «Jeanne, fille de Dieu<a id="footnotetag1108" name="footnotetag1108"></a><a href="#footnote1108" title="Lien vers la note 1108"><span class="smaller">[1108]</span></a>!» Souvent l'archange et
+les saintes lui apparaissaient. Pour leur bienvenue elle leur faisait
+la révérence en fléchissant le jarret et en s'inclinant; elle les
+accolait par les genoux, sachant qu'il y a plus de respect à accoler
+par le bas que par le haut. Elle sentait la bonne odeur et la douce
+chaleur de leurs corps glorieux<a id="footnotetag1109" name="footnotetag1109"></a><a href="#footnote1109" title="Lien vers la note 1109"><span class="smaller">[1109]</span></a>.</p>
+
+<p>Saint Michel archange ne venait pas seul. Des anges l'accompagnaient
+en grande multitude et si petits qu'ils dansaient comme des étincelles
+aux yeux éblouis de la jeune fille. Quand les saintes et l'archange
+s'éloignaient, elle pleurait du regret qu'ils ne l'eussent pas
+emportée avec eux<a id="footnotetag1110" name="footnotetag1110"></a><a href="#footnote1110" title="Lien vers la note 1110"><span class="smaller">[1110]</span></a>. Ainsi Judith fut visitée par l'ange dans le
+camp d'Holopherne.</p>
+
+<p>Tout comme le seigneur d'Harcourt, l'écuyer Jean d'Aulon demanda un
+jour, à Jeanne, ce qu'était son Conseil. Elle lui répondit qu'elle
+avait trois conseillers, dont l'un demeurait toujours avec elle. Un
+autre allait <span class="pagenum"><a id="page400" name="page400"></a>(p. 400)</span> et venait souventes fois; le troisième était
+celui avec lequel les deux autres délibéraient.</p>
+
+<p>Le sire d'Aulon, plus curieux que le roi, la pria et requit de lui
+vouloir une fois montrer ce Conseil.</p>
+
+<p>Elle lui répondit:</p>
+
+<p>&mdash;Vous n'êtes pas assez digne et vertueux pour le voir<a id="footnotetag1111" name="footnotetag1111"></a><a href="#footnote1111" title="Lien vers la note 1111"><span class="smaller">[1111]</span></a>.</p>
+
+<p>Le bon écuyer n'en demanda pas davantage. S'il avait lu la Bible, il
+aurait su que le serviteur d'Élisée ne voyait pas les anges que voyait
+le prophète (<i>Rois</i>, 1. IV).</p>
+
+<p>Jeanne s'imaginait que son Conseil s'était, au contraire, manifesté au
+roi et à la Cour.</p>
+
+<p>&mdash;Mon roi, dit-elle plus tard, mon roi et bien d'autres ont vu et
+entendu les Voix qui venaient à moi. Le comte de Clermont était alors
+près de lui avec deux ou trois autres<a id="footnotetag1112" name="footnotetag1112"></a><a href="#footnote1112" title="Lien vers la note 1112"><span class="smaller">[1112]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle le croyait. Mais, en réalité, elle ne fit voir ses Voix à
+personne, pas même, quoi qu'on en ait dit, à ce Guy de Cailly qui la
+suivait depuis Chécy<a id="footnotetag1113" name="footnotetag1113"></a><a href="#footnote1113" title="Lien vers la note 1113"><span class="smaller">[1113]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne s'entretenait dévotement avec le frère Pasquerel. Elle lui
+témoignait souvent le désir que l'Église après sa mort priât pour elle
+et pour tous les Français tués à la guerre.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page401" name="page401"></a>(p. 401)</span> &mdash;Si je venais à quitter ce monde, lui disait-elle, je
+voudrais bien que le roi fît faire des chapelles où l'on prierait
+Messire pour le salut des âmes de ceux qui sont morts à la guerre ou
+pour la défense du royaume<a id="footnotetag1114" name="footnotetag1114"></a><a href="#footnote1114" title="Lien vers la note 1114"><span class="smaller">[1114]</span></a>.</p>
+
+<p>Cela était dans les v&oelig;ux de toute âme pieuse. Quel chrétien au
+monde n'aurait pas tenu pour bonne et salutaire la pratique des obits?
+Aussi, sur ce point de dévotion, la Pucelle se rencontrait avec le duc
+Charles d'Orléans, qui, dans une de ses complaintes, recommande de
+faire chanter et dire des messes pour les âmes de ceux qui souffrirent
+dure mort au service du royaume<a id="footnotetag1115" name="footnotetag1115"></a><a href="#footnote1115" title="Lien vers la note 1115"><span class="smaller">[1115]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle dit un jour au bon frère:</p>
+
+<p>&mdash;Il est dans mon fait de porter certain secours.</p>
+
+<p>Et Pasquerel, qui pourtant avait étudié la Bible, s'écria tout
+surpris:</p>
+
+<p>&mdash;On ne vit jamais rien de semblable à ce qui se voit en votre fait.
+On ne lit rien de tel en aucun livre.</p>
+
+<p>Jeanne lui répondit plus hardiment encore qu'aux clercs de Poitiers:</p>
+
+<p>&mdash;Messire a un livre dans lequel jamais n'a lu aucun clerc, tant
+soit-il parfait en cléricature<a id="footnotetag1116" name="footnotetag1116"></a><a href="#footnote1116" title="Lien vers la note 1116"><span class="smaller">[1116]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle tenait sa mission de Dieu seul et lisait dans un livre fermé à
+tous les docteurs de l'Église. <span class="pagenum"><a id="page402" name="page402"></a>(p. 402)</span> Sur l'avers de son étendard,
+que ses mendiants aspergeaient d'eau bénite, elle avait fait peindre
+une colombe portant dans son bec une banderole où se lisaient ces
+mots: «par le Roi du ciel<a id="footnotetag1117" name="footnotetag1117"></a><a href="#footnote1117" title="Lien vers la note 1117"><span class="smaller">[1117]</span></a>.» C'étaient là des armoiries qu'elle
+tenait de son Conseil et dont l'emblème et la devise semblaient lui
+convenir, puisqu'elle se disait envoyée de Dieu et qu'elle avait donné
+à Orléans le signe promis à Poitiers. Pourtant le roi lui changea cet
+écu contre des armes représentant une couronne soutenue par une épée
+entre deux fleurs de Lis et disant clairement le secours que la
+pucelle de Dieu apportait au royaume de France. Elle quitta, dit-on, à
+regret ses armes reçues par révélation<a id="footnotetag1118" name="footnotetag1118"></a><a href="#footnote1118" title="Lien vers la note 1118"><span class="smaller">[1118]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle prophétisait et comme il arrive à tous les prophètes, elle
+n'annonçait pas toujours ce qui devait arriver. Ce fut le sort du
+prophète Jonas lui-même. Et les docteurs expliquent comment les
+prophéties des véritables prophètes peuvent ne pas toutes être vraies.</p>
+
+<p>Elle disait:</p>
+
+<p>&mdash;Avant que le jour de la Saint-Jean-Baptiste de l'an 29 arrive, il ne
+doit pas y avoir un Anglais si fort et si vaillant soit-il, qui se
+laisse voir par la France, soit en campagne, soit en bataille<a id="footnotetag1119" name="footnotetag1119"></a><a href="#footnote1119" title="Lien vers la note 1119"><span class="smaller">[1119]</span></a>.</p>
+
+<p>La nativité de saint Jean-Baptiste se célèbre le 24 juin.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page403" name="page403"></a>(p. 403)</span> CHAPITRE XV<br>
+
+<span class="smaller">LA PRISE DE JARGEAU. &mdash; LE PONT DE MEUNG. &mdash; BEAUGENCY.</span></h2>
+
+
+<p>Le lundi 6 juin, le roi logea à Saint-Aignan, près
+Selles-en-Berry<a id="footnotetag1120" name="footnotetag1120"></a><a href="#footnote1120" title="Lien vers la note 1120"><span class="smaller">[1120]</span></a>. Parmi les gentilshommes de sa compagnie se
+trouvaient les deux fils de cette dame Anne de Laval qui, dans son
+veuvage, avait eu le tort d'aimer un cadet sans terres. André, le plus
+jeune, venait d'essuyer, à vingt ans, une disgrâce commune à presque
+tous les seigneurs d'alors, et que le second mari de sa grand'mère,
+sire Bertrand Du Guesclin, avait lui-même plusieurs fois éprouvée.
+Fait prisonnier, dans le château de Laval, par sire John Talbot, il
+s'était beaucoup endetté pour fournir les seize mille écus d'or de sa
+rançon<a id="footnotetag1121" name="footnotetag1121"></a><a href="#footnote1121" title="Lien vers la note 1121"><span class="smaller">[1121]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page404" name="page404"></a>(p. 404)</span> Ayant grand besoin de gagner, les deux jeunes seigneurs
+offraient leurs services au roi qui les reçut fort bien, ne leur donna
+pas un écu, mais leur dit qu'il leur ferait voir la Pucelle; et comme
+il se rendait de Saint-Aignan à Selles avec eux, il manda la
+sainte<a id="footnotetag1122" name="footnotetag1122"></a><a href="#footnote1122" title="Lien vers la note 1122"><span class="smaller">[1122]</span></a>, qui aussitôt, armée de toutes pièces sauf la tête, la
+lance à la main, chevaucha à la rencontre du roi. Elle fit bonne chère
+aux deux jeunes seigneurs et retourna avec eux à Selles. Elle reçut
+l'aîné, le seigneur Guy, dans la maison qu'elle habitait, devant
+l'église, et fit venir le vin. Ainsi en usaient les princes entre eux.
+On servait des tasses de vin et les convives y trempaient des tranches
+de pain, qu'on appelait des soupes<a id="footnotetag1123" name="footnotetag1123"></a><a href="#footnote1123" title="Lien vers la note 1123"><span class="smaller">[1123]</span></a>. En offrant le vin, la
+Pucelle dit au seigneur Guy:</p>
+
+<p>&mdash;Je vous en ferai bientôt boire à Paris.</p>
+
+<p>Elle lui apprit que trois jours auparavant, elle avait envoyé à la
+dame Jeanne de Laval un anneau d'or:</p>
+
+<p>&mdash;C'est bien petite chose, ajouta-t-elle avec grâce. Je lui aurais
+volontiers envoyé mieux, considéré sa recommandation<a id="footnotetag1124" name="footnotetag1124"></a><a href="#footnote1124" title="Lien vers la note 1124"><span class="smaller">[1124]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce même jour, à l'heure de vêpres, elle partit de Selles pour
+Romorantin, avec une compagnie nombreuse <span class="pagenum"><a id="page405" name="page405"></a>(p. 405)</span> de gens d'armes et
+de gens des communes, commandée par le maréchal de Boussac. Elle était
+entourée de moines mendiants et un de ses frères l'accompagnait. Armée
+de blanc, et coiffée d'un chaperon, on lui amena son cheval à la porte
+de sa maison. C'était un grand coursier noir qui ne voulait pas se
+laisser monter et se défendait très fort. Elle le fit mener à la croix
+qui s'élevait devant l'église au bord du chemin, et là, se mit en
+selle. De quoi le seigneur Guy fut assez émerveillé, voyant que le
+coursier ne se mouvait pas plus que s'il eût été lié. Elle tourna la
+tête de son cheval vers le porche et cria d'une voix qui sonnait clair
+comme une voix de femme:</p>
+
+<p>&mdash;Vous, les prêtres et gens d'église, faites processions et prières à
+Dieu.</p>
+
+<p>Puis, gagnant la route:</p>
+
+<p>&mdash;Tirez avant, dit-elle, tirez avant!</p>
+
+<p>Elle tenait à la main une petite hache. Son page portait son étendard
+roulé<a id="footnotetag1125" name="footnotetag1125"></a><a href="#footnote1125" title="Lien vers la note 1125"><span class="smaller">[1125]</span></a>.</p>
+
+<p>On se réunit à Orléans. Le jeudi 9 au soir, Jeanne passa le pont
+qu'elle avait passé le 8 mai. Le samedi 11, l'armée partit pour
+Jargeau. Elle se composait des lances amenées par le duc d'Alençon, le
+comte de Vendôme, le Bâtard, le maréchal de Boussac, le capitaine La
+Hire, messire Florent d'Illiers, messire Jamet du Tillay, messire
+Thudal de Kermoisan de Bretagne, ainsi <span class="pagenum"><a id="page406" name="page406"></a>(p. 406)</span> que des contingents
+fournis par les communes, en tout peut-être huit mille combattants,
+dont plusieurs portant guisarmes, haches, arbalètes et maillets de
+plomb<a id="footnotetag1126" name="footnotetag1126"></a><a href="#footnote1126" title="Lien vers la note 1126"><span class="smaller">[1126]</span></a>. Le commandement en fut donné au jeune duc d'Alençon qui
+n'était pas bien sensé<a id="footnotetag1127" name="footnotetag1127"></a><a href="#footnote1127" title="Lien vers la note 1127"><span class="smaller">[1127]</span></a>. Mais il se tenait à cheval, et c'était
+alors la seule science indispensable à un chef de guerre. Les
+habitants d'Orléans faisaient encore les frais de l'expédition. Ils
+donnèrent trois mille livres pour payer les gens d'armes, sept muids
+de blé pour les nourrir. Et, sur leur demande, le roi leur imposa une
+nouvelle taille de trois mille livres<a id="footnotetag1128" name="footnotetag1128"></a><a href="#footnote1128" title="Lien vers la note 1128"><span class="smaller">[1128]</span></a>. Ils envoyèrent des
+ouvriers de tous corps de métiers, maçons, charpentiers, maréchaux, à
+leurs gages. Ils prêtèrent leur artillerie. Des couleuvrines, des
+canons, la Bergère et la grosse bombarde traînée à quatre chevaux,
+partirent sous la conduite des canonniers Megret et Jean
+Boillève<a id="footnotetag1129" name="footnotetag1129"></a><a href="#footnote1129" title="Lien vers la note 1129"><span class="smaller">[1129]</span></a>. Ils fournirent des munitions et des engins, traits,
+échelles, pioches, pelles, pics, le tout poinçonné, car ils étaient
+gens d'ordre. Et c'est à la Pucelle qu'ils envoyèrent tout le matériel
+de siège. Ils ne connaissaient en cette affaire ni le duc d'Alençon,
+ni même le frère de leur <span class="pagenum"><a id="page407" name="page407"></a>(p. 407)</span> seigneur, le noble Bâtard. Ils ne
+connaissaient que Jeanne, et c'est à Jeanne qu'ils dépêchèrent, sous
+la ville assiégée, deux des leurs, Jean Leclerc et François
+Joachim<a id="footnotetag1130" name="footnotetag1130"></a><a href="#footnote1130" title="Lien vers la note 1130"><span class="smaller">[1130]</span></a>. Après les citoyens d'Orléans, ce fut le sire de Rais
+qui contribua le plus aux dépenses du siège de Jargeau<a id="footnotetag1131" name="footnotetag1131"></a><a href="#footnote1131" title="Lien vers la note 1131"><span class="smaller">[1131]</span></a>. Ce
+malheureux seigneur dépensait sans compter, et de riches bourgeois
+gagnaient gros à lui prêter sur gages. Il devait bientôt se vouer au
+diable pour rétablir ses affaires.</p>
+
+<p>La ville de Jargeau, qu'on allait reprendre à grandes forces, s'était
+rendue aux Anglais sans nulle résistance, le 5 octobre de la
+précédente année<a id="footnotetag1132" name="footnotetag1132"></a><a href="#footnote1132" title="Lien vers la note 1132"><span class="smaller">[1132]</span></a>. Le pont conduisant de la ville sur la rive de
+Beauce était muni de deux châtelets<a id="footnotetag1133" name="footnotetag1133"></a><a href="#footnote1133" title="Lien vers la note 1133"><span class="smaller">[1133]</span></a>. La ville elle-même,
+entourée de murs et de tours, n'était pas très forte, mais les Anglais
+l'avaient mise en état de défense. Avertis que les gens du roi de
+France la venaient assiéger, le comte de Suffolk et ses deux frères
+s'y jetèrent avec cinq cents chevaliers, écuyers et autres gens
+d'armes, et deux cents archers d'élite<a id="footnotetag1134" name="footnotetag1134"></a><a href="#footnote1134" title="Lien vers la note 1134"><span class="smaller">[1134]</span></a>. Le duc d'Alençon prit
+les devants et <span class="pagenum"><a id="page408" name="page408"></a>(p. 408)</span> chevaucha à la tête de six cents lances. La
+Pucelle se tenait en sa compagnie. La première nuit ils couchèrent
+dans les bois<a id="footnotetag1135" name="footnotetag1135"></a><a href="#footnote1135" title="Lien vers la note 1135"><span class="smaller">[1135]</span></a>. Le lendemain, à la pointe du jour, monseigneur le
+Bâtard, messire Florent d'Illiers et plusieurs autres capitaines les
+rejoignirent. Ils avaient grande hâte d'atteindre Jargeau. Soudain on
+apprend que sir John Falstolf, venant de Paris avec deux mille
+combattants, amène des vivres et de l'artillerie à Jargeau, et qu'il
+approche<a id="footnotetag1136" name="footnotetag1136"></a><a href="#footnote1136" title="Lien vers la note 1136"><span class="smaller">[1136]</span></a>.</p>
+
+<p>C'était cette même armée qui avait tant inquiété Jeanne, le 4 mai,
+parce que ses saintes ne lui avaient pas dit où était Falstolf. Les
+capitaines tinrent conseil. Plusieurs jugeaient qu'il fallait renoncer
+au siège et aller à la rencontre de Falstolf. Quelques-uns décampèrent
+sans attendre davantage. Jeanne exhorta les gens d'armes à continuer
+leur marche sur Jargeau. Elle ne savait pas mieux que les autres où
+était pour lors cette armée de sir John Falstolf; ses raisons
+n'étaient point de ce monde.</p>
+
+<p>&mdash;Ne craignez quelque multitude que ce soit, dit-elle, et ne faites
+point difficulté de donner l'assaut aux Anglais, car Messire conduit
+cet ouvrage.</p>
+
+<p>Et elle dit encore:</p>
+
+<p>&mdash;Si je n'étais certaine que Messire conduit cet <span class="pagenum"><a id="page409" name="page409"></a>(p. 409)</span> ouvrage,
+j'aimerais mieux garder les brebis que de m'exposer à de si grands
+dangers.</p>
+
+<p>Elle se faisait écouter du duc d'Alençon mieux qu'elle n'avait fait
+d'aucun des chefs de l'armée d'Orléans<a id="footnotetag1137" name="footnotetag1137"></a><a href="#footnote1137" title="Lien vers la note 1137"><span class="smaller">[1137]</span></a>. On rappela ceux qui
+étaient partis et l'on poursuivit la marche sur Jargeau<a id="footnotetag1138" name="footnotetag1138"></a><a href="#footnote1138" title="Lien vers la note 1138"><span class="smaller">[1138]</span></a>.</p>
+
+<p>Les faubourgs de la ville étaient ouverts. Mais les gens du roi de
+France, quand ils s'en approchèrent, trouvèrent les Anglais qui,
+rangés en avant des masures, les contraignirent à reculer. Ce que
+voyant, la Pucelle prit son étendard et se jeta sur les ennemis en
+recommandant aux hommes d'armes d'avoir bon courage. Les gens du roi
+de France purent loger cette nuit-là dans les faubourg<a id="footnotetag1139" name="footnotetag1139"></a><a href="#footnote1139" title="Lien vers la note 1139"><span class="smaller">[1139]</span></a>. Ils ne
+firent pour ainsi dire aucune garde et, de l'aveu du duc d'Alençon,
+ils étaient en grand danger, si les Anglais étaient sortis<a id="footnotetag1140" name="footnotetag1140"></a><a href="#footnote1140" title="Lien vers la note 1140"><span class="smaller">[1140]</span></a>. La
+Pucelle avait raison plus qu'elle ne croyait. Tout dans son armée
+allait à la grâce de Dieu.</p>
+
+<p>Dès le lendemain matin les assiégeants firent avancer les machines et
+les bombardes. Les canons d'Orléans tirèrent sur la ville qui fut très
+endommagée. En trois coups la Bergère fit choir la plus grosse tour de
+l'enceinte<a id="footnotetag1141" name="footnotetag1141"></a><a href="#footnote1141" title="Lien vers la note 1141"><span class="smaller">[1141]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page410" name="page410"></a>(p. 410)</span> Les gens des communes arrivèrent devant Jargeau le samedi 11.
+Aussitôt sans demander conseil, ils coururent aux fossés et donnèrent
+l'assaut. Ils y allèrent de trop bon c&oelig;ur, s'y prirent mal, ne
+furent pas aidés par les gens d'armes et revinrent en mauvais
+état<a id="footnotetag1142" name="footnotetag1142"></a><a href="#footnote1142" title="Lien vers la note 1142"><span class="smaller">[1142]</span></a>.</p>
+
+<p>Dans la nuit du samedi, la Pucelle, qui avait coutume de sommer
+l'ennemi avant de le combattre, s'approcha du fossé et cria aux
+Anglais:</p>
+
+<p>&mdash;Rendez la place au Roi du ciel et au roi Charles, et vous en allez.
+Autrement il vous mescherra<a id="footnotetag1143" name="footnotetag1143"></a><a href="#footnote1143" title="Lien vers la note 1143"><span class="smaller">[1143]</span></a>.</p>
+
+<p>Les Anglais ne tinrent nul compte de cette sommation. Pourtant ils
+avaient grande envie d'entrer en accommodement. Le comte de Suffolk
+alla trouver monseigneur le Bâtard et lui dit de ne point donner
+l'assaut, et que la ville lui serait rendue. Les Anglais demandaient
+un délai de quinze jours, après quoi ils s'engageaient à se retirer
+sur l'heure, eux et leurs chevaux, à la condition, sans doute, de
+n'être pas secourus à cette date<a id="footnotetag1144" name="footnotetag1144"></a><a href="#footnote1144" title="Lien vers la note 1144"><span class="smaller">[1144]</span></a>. Ces capitulations
+conditionnelles étaient fréquentes dans les deux partis. Le sire de
+Baudricourt en avait signé une semblable à Vaucouleurs quand Jeanne y
+vint<a id="footnotetag1145" name="footnotetag1145"></a><a href="#footnote1145" title="Lien vers la note 1145"><span class="smaller">[1145]</span></a>. Dans ce cas, c'eût été une duperie de consentir à la
+demande du noble comte au moment où <span class="pagenum"><a id="page411" name="page411"></a>(p. 411)</span> sir John Falstolf
+arrivait avec des vivres et des canons<a id="footnotetag1146" name="footnotetag1146"></a><a href="#footnote1146" title="Lien vers la note 1146"><span class="smaller">[1146]</span></a>. Que le Bâtard donnât
+dans le panneau, on l'a dit; mais ce n'est pas croyable. Il était bien
+trop avisé pour cela. Toutefois, le lendemain dimanche, douzième du
+mois, le duc d'Alençon et les seigneurs, tenant conseil sur ce qu'il y
+avait à faire pour prendre la ville, apprirent que le capitaine La
+Hire conférait avec le comte de Suffolk. Ils en furent très
+mécontents<a id="footnotetag1147" name="footnotetag1147"></a><a href="#footnote1147" title="Lien vers la note 1147"><span class="smaller">[1147]</span></a>. Le capitaine La Hire, qui ne pouvait traiter en son
+propre nom, puisqu'il n'était pas chef de l'armée, avait sans doute
+les pouvoirs de monseigneur le Bâtard. Celui-ci commandait pour le
+duc, prisonnier des Anglais, tandis que le duc d'Alençon commandait
+pour le roi, et l'on conçoit qu'il y eût conflit.</p>
+
+<p>La Pucelle, toujours disposée à recevoir les ennemis à merci et
+toujours prête à combattre, disait:</p>
+
+<p>&mdash;Qu'ils s'en aillent de Jargeau en leurs petites cottes, la vie
+sauve, s'ils veulent! Sinon ils seront pris d'assaut<a id="footnotetag1148" name="footnotetag1148"></a><a href="#footnote1148" title="Lien vers la note 1148"><span class="smaller">[1148]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc d'Alençon, sans seulement s'enquérir des clauses de la
+capitulation, fit rappeler le capitaine La Hire.</p>
+
+<p>Il vint et aussitôt on apporta les échelles. Les hérauts sonnèrent la
+trompette et crièrent: «À l'assaut!»</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page412" name="page412"></a>(p. 412)</span> La Pucelle déploya son étendard et, toute armée, la tête
+recouverte d'un de ces casques légers qu'on nommait chapelines<a id="footnotetag1149" name="footnotetag1149"></a><a href="#footnote1149" title="Lien vers la note 1149"><span class="smaller">[1149]</span></a>,
+elle descendit dans le fossé avec les gens du roi et les gens des
+communes, sous les traits des arbalètes et les pierres des canons;
+elle se tenait au coté du duc d'Alençon, lui disant:</p>
+
+<p>&mdash;En avant! gentil duc, à l'assaut!</p>
+
+<p>Le duc, qui n'avait pas le c&oelig;ur aussi ferme qu'elle, trouvait
+qu'elle allait peut-être un peu vite en besogne. Il le lui laissa
+entendre.</p>
+
+<p>Alors elle l'encouragea:</p>
+
+<p>&mdash;Ne craignez point. L'heure est favorable quand il plaît à Dieu, et
+il est à propos d'ouvrer quand Dieu le veut. Ouvrez et Dieu ouvrera.</p>
+
+<p>Et le voyant mal assuré en cet assaut, elle lui rappela la promesse
+qu'elle avait faite naguère à son sujet dans l'abbaye de
+Saint-Florent-lès-Saumur.</p>
+
+<p>&mdash;Oh! gentil duc, avez-vous peur? Ne savez-vous pas que j'ai promis à
+votre femme de vous ramener sain et sauf<a id="footnotetag1150" name="footnotetag1150"></a><a href="#footnote1150" title="Lien vers la note 1150"><span class="smaller">[1150]</span></a>?</p>
+
+<p>Au vif de l'attaque, elle observa sur la muraille une de ces bombardes
+très longues et minces, qui se chargeaient par la culasse et qu'on
+appelait veuglaires. Voyant que ce veuglaire crachait des pierres à
+l'endroit même où elle se trouvait avec le beau cousin du roi,
+<span class="pagenum"><a id="page413" name="page413"></a>(p. 413)</span> elle sentit le danger, mais ne le sentit point pour elle.</p>
+
+<p>&mdash;Éloignez-vous, dit-elle vivement. Cette machine va vous tuer.</p>
+
+<p>Le duc ne s'était pas écarté de trois toises, qu'un gentilhomme
+d'Anjou, le sire Du Lude, ayant pris la place quittée, fut tué par une
+pierre du veuglaire<a id="footnotetag1151" name="footnotetag1151"></a><a href="#footnote1151" title="Lien vers la note 1151"><span class="smaller">[1151]</span></a>. Le duc d'Alençon admira cette prophétie.
+Sans doute la Pucelle était venue pour le sauver, et elle n'était pas
+venue pour sauver le sire Du Lude. Les anges du Seigneur viennent pour
+le salut des uns et la perte des autres. Comme les gens du roi de
+France touchaient au mur, le comte de Suffolk fit crier qu'il voulait
+parler au duc d'Alençon. Il ne fut pas écouté et l'assaut
+continua<a id="footnotetag1152" name="footnotetag1152"></a><a href="#footnote1152" title="Lien vers la note 1152"><span class="smaller">[1152]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y avait quatre heures qu'on s'efforçait<a id="footnotetag1153" name="footnotetag1153"></a><a href="#footnote1153" title="Lien vers la note 1153"><span class="smaller">[1153]</span></a>, quand Jeanne, son
+étendard à la main, monta sur une échelle appuyée à la douve. Une
+pierre lancée sur sa chapeline l'abattit avec ses panonceaux. On la
+croyait écrasée, mais elle se releva vivement et cria aux hommes
+d'armes:</p>
+
+<p>&mdash;Amis, amis, sus, sus! Messire a condamné les Anglais. À cette heure,
+ils sont nôtres. Ayez bon c&oelig;ur<a id="footnotetag1154" name="footnotetag1154"></a><a href="#footnote1154" title="Lien vers la note 1154"><span class="smaller">[1154]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page414" name="page414"></a>(p. 414)</span> Le mur fut escaladé et les gens du roi de France se
+répandirent dans la ville. Les Anglais s'enfuirent vers la Beauce, et
+les Français se lancèrent à leur poursuite. Guillaume Regnault, écuyer
+d'Auvergne, atteignit sur le pont le comte de Suffolk et le prit.</p>
+
+<p>&mdash;Êtes-vous gentilhomme? demanda Suffolk.</p>
+
+<p>&mdash;Oui.</p>
+
+<p>&mdash;Êtes-vous chevalier?</p>
+
+<p>&mdash;Non.</p>
+
+<p>Le comte de Suffolk le fit chevalier et se rendit à lui<a id="footnotetag1155" name="footnotetag1155"></a><a href="#footnote1155" title="Lien vers la note 1155"><span class="smaller">[1155]</span></a>.</p>
+
+<p>Bientôt le bruit courut que le comte de Suffolk s'était rendu à la
+Pucelle à genoux<a id="footnotetag1156" name="footnotetag1156"></a><a href="#footnote1156" title="Lien vers la note 1156"><span class="smaller">[1156]</span></a>. On publia même qu'il avait demandé à se rendre
+à elle comme à la plus vaillante dame qui fût au monde<a id="footnotetag1157" name="footnotetag1157"></a><a href="#footnote1157" title="Lien vers la note 1157"><span class="smaller">[1157]</span></a>. Mais il
+est croyable qu'il se serait rendu au dernier valet de l'armée plutôt
+qu'à une femme qu'il tenait pour endiablée sorcière.</p>
+
+<p>John Pole, frère de Suffolk, fut pris aussi sur le pont. Un troisième
+frère du duc, Alexander Pole, fut tué au même endroit ou se noya dans
+la Loire<a id="footnotetag1158" name="footnotetag1158"></a><a href="#footnote1158" title="Lien vers la note 1158"><span class="smaller">[1158]</span></a>. La garnison se rendit à merci. Il en fut cette fois
+comme <span class="pagenum"><a id="page415" name="page415"></a>(p. 415)</span> d'ordinaire. On ne se faisait pas grand mal pendant la
+bataille; ensuite, les vainqueurs se rattrapaient. Cinq cents Anglais
+furent massacrés; seuls leurs gentilshommes furent reçus à rançon. Et
+les Français se prirent de querelle à leur sujet. Les seigneurs les
+gardaient tous pour eux; les gens des communes en réclamaient leur
+part, et, ne l'obtenant point, se mirent à tout assommer. Ce que les
+nobles purent sauver fut conduit par eau, de nuit, à Orléans. La ville
+fut entièrement saccagée; la vieille église, qui avait servi de
+magasin aux Godons, toute pillée<a id="footnotetag1159" name="footnotetag1159"></a><a href="#footnote1159" title="Lien vers la note 1159"><span class="smaller">[1159]</span></a>.</p>
+
+<p>Tant tués que blessés, les Français n'avaient pas perdu vingt
+hommes<a id="footnotetag1160" name="footnotetag1160"></a><a href="#footnote1160" title="Lien vers la note 1160"><span class="smaller">[1160]</span></a>.</p>
+
+<p>Sans désemparer la Pucelle, avec la chevalerie, retourna à Orléans. À
+l'occasion de la prise de Jargeau, les procureurs ordonnèrent une
+procession publique. Un beau sermon fut fait par frère Robert
+Baignart, Jacobin<a id="footnotetag1161" name="footnotetag1161"></a><a href="#footnote1161" title="Lien vers la note 1161"><span class="smaller">[1161]</span></a>.</p>
+
+<p>Les habitants d'Orléans firent présent au duc d'Alençon de six
+tonneaux de vin; à la Pucelle de quatre; au comte de Vendôme de
+deux<a id="footnotetag1162" name="footnotetag1162"></a><a href="#footnote1162" title="Lien vers la note 1162"><span class="smaller">[1162]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page416" name="page416"></a>(p. 416)</span> En considération des bons et agréables services que la sainte
+fille avait rendus, les conseillers du duc Charles, prisonnier des
+Anglais, lui donnèrent une huque verte et une robe de drap cramoisi de
+Flandre ou fine Bruxelles vermeille. Jean Luillier, qui fournit
+l'étoffe, demanda: pour deux aunes de fine Bruxelles, à quatre écus
+l'aune, huit écus; pour la doublure de la robe, deux écus; pour une
+aune de vert perdu deux écus, ce qui faisait douze écus d'or<a id="footnotetag1163" name="footnotetag1163"></a><a href="#footnote1163" title="Lien vers la note 1163"><span class="smaller">[1163]</span></a>.
+Jean Luillier était un jeune marchand drapier qui aimait grandement la
+Pucelle et la regardait comme un ange de Dieu. Il avait bon c&oelig;ur:
+mais la peur des Anglais lui donnait la berlue et il en voyait plus
+qu'il n'y en avait<a id="footnotetag1164" name="footnotetag1164"></a><a href="#footnote1164" title="Lien vers la note 1164"><span class="smaller">[1164]</span></a>. Un de ses parents faisait partie du conseil
+élu en 1429. Il devait lui-même être nommé procureur un peu plus
+tard<a id="footnotetag1165" name="footnotetag1165"></a><a href="#footnote1165" title="Lien vers la note 1165"><span class="smaller">[1165]</span></a>.</p>
+
+<p>Jean Bourgeois, tailleur, demanda, tant pour la façon de la robe et de
+la huque que pour fourniture de satin blanc, sandal et autres étoffes,
+un écu d'or<a id="footnotetag1166" name="footnotetag1166"></a><a href="#footnote1166" title="Lien vers la note 1166"><span class="smaller">[1166]</span></a>.</p>
+
+<p>Précédemment la ville avait donné à la Pucelle pour faire les «orties»
+de ses robes une demi-aune de deux verts, valant trente-cinq sols
+parisis<a id="footnotetag1167" name="footnotetag1167"></a><a href="#footnote1167" title="Lien vers la note 1167"><span class="smaller">[1167]</span></a>. Les orties étaient la devise du duc d'Orléans; le vert
+et le vermeil ou <span class="pagenum"><a id="page417" name="page417"></a>(p. 417)</span> cramoisi, ses couleurs<a id="footnotetag1168" name="footnotetag1168"></a><a href="#footnote1168" title="Lien vers la note 1168"><span class="smaller">[1168]</span></a>. Ce vert ne
+gardait pas sa claire nuance première; il allait s'assombrissant avec
+la fortune de la maison. On avait vu le vert gai, puis le vert brun,
+et enfin le vert perdu, qui tirait sur le noir et signifiait deuil et
+douleur<a id="footnotetag1169" name="footnotetag1169"></a><a href="#footnote1169" title="Lien vers la note 1169"><span class="smaller">[1169]</span></a>. On donna à la Pucelle le vert perdu. Elle portait la
+livrée d'Orléans, ainsi que les officiers du duché et les miliciens de
+la ville, et de la sorte, on faisait d'elle un merveilleux héraut
+d'armes et comme un ange héraldique.</p>
+
+<p>La huque de vert perdu et la robe brodée d'orties, elle dut les porter
+volontiers et de bon c&oelig;ur pour l'amour du duc Charles à qui les
+Anglais avaient fait si grand déplaisir. Venue pour défendre
+l'héritage du prince prisonnier, elle disait que, de par Jésus, le bon
+duc d'Orléans était à sa charge, et comptait bien le délivrer. Son
+dessein était de sommer tout d'abord les Anglais de le rendre et,
+s'ils n'y consentaient point, de passer la mer et de l'aller chercher
+avec une armée en Angleterre. Au cas où ce moyen lui manquerait, elle
+en avait imaginé un autre, avec le congé de ses saintes. Elle aurait
+demandé à son roi qu'il la laissât faire des prisonniers, comptant en
+faire assez pour les échanger contre le duc Charles. Mesdames sainte
+Catherine et sainte Marguerite lui avaient promis <span class="pagenum"><a id="page418" name="page418"></a>(p. 418)</span> que, de
+cette manière, elle le délivrerait dans un terme plus bref que celui
+de trois ans et plus long que le terme d'une année<a id="footnotetag1170" name="footnotetag1170"></a><a href="#footnote1170" title="Lien vers la note 1170"><span class="smaller">[1170]</span></a>. Rêves pieux
+d'une enfant endormie au son des cloches villageoises! Trouvant juste
+de travailler et de souffrir pour ôter les princes de peine et
+d'ennui, elle disait, en bonne servante:</p>
+
+<p>&mdash;Je sais bien que Dieu aime mieux mon roi et le duc d'Orléans que
+moi, en ce qui regarde l'aise du corps, et je le sais par révélation.</p>
+
+<p>Et parlant du duc prisonnier, elle disait aussi:</p>
+
+<p>&mdash;Mes Voix m'ont fait beaucoup de révélations sur lui; elles m'en ont
+fait sur le duc Charles plus que sur homme vivant, excepté mon
+roi<a id="footnotetag1171" name="footnotetag1171"></a><a href="#footnote1171" title="Lien vers la note 1171"><span class="smaller">[1171]</span></a>.</p>
+
+<p>Dans le fait, madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite lui
+avaient seulement conté les malheurs tant connus du prince. Le fils de
+Valentine de Milan et la fille d'Isabelle Romée étaient séparés par un
+abîme plus large et plus profond que l'océan qui s'étendait entre eux.
+Ils vivaient aux deux bouts du monde des âmes; et toutes les saintes
+du paradis n'eussent pas réussi à les expliquer l'un à l'autre.</p>
+
+<p>C'était pourtant un bon prince que le duc Charles, un prince
+débonnaire, bienveillant et pitoyable. Plus qu'aucun autre il
+possédait le don de plaire: il charmait par sa grâce, encore que de
+pauvre mine et de faible <span class="pagenum"><a id="page419" name="page419"></a>(p. 419)</span> complexion. Sa nature s'accordait
+si mal avec sa destinée, qu'on peut dire qu'il endurait sa vie et ne
+la vivait pas. Son père assassiné la nuit, rue Barbette, à Paris, par
+l'ordre du duc Jean; sa mère morte de douleur et de colère, parmi les
+cordelières, la chantepleure, les deux S de Soupirs et Souci, emblèmes
+et devises de son deuil, qui révélaient l'élégance d'un esprit
+ingénieux jusque dans le désespoir; les Armagnacs, les Bourguignons,
+les Cabochiens s'entre-égorgeant autour de lui, voilà ce qu'il avait
+vu presque enfant encore. Puis il avait été blessé et pris à la
+bataille d'Azincourt.</p>
+
+<p>Et depuis quatorze ans, mené de châteaux en châteaux, d'un bout à
+l'autre de l'île brumeuse, enfermé dans des murs épais, étroitement
+gardé, recevant deux ou trois Français à longs intervalles et n'en
+pouvant entretenir aucun sans témoins, il se sentait vieux avant
+l'âge, flétri par le malheur. Il disait: «Fruit abattu vert encore, je
+fus mis à mûrir sur la paille de la prison. Je suis un fruit d'hiver».
+Captif, il souffrait sans espoir, sachant que le roi Henri V, en
+mourant, avait recommandé à son frère de ne le rendre à aucun
+prix<a id="footnotetag1172" name="footnotetag1172"></a><a href="#footnote1172" title="Lien vers la note 1172"><span class="smaller">[1172]</span></a>.</p>
+
+<p>Doux à autrui, doux à lui-même, il se réfugiait dans sa propre pensée,
+qui était aussi riante et claire que sa vie était triste et sombre. Au
+fond des durs châteaux <span class="pagenum"><a id="page420" name="page420"></a>(p. 420)</span> de Windsor et de Bolingbroke, à la
+tour de Londres, aux côtés de ses geôliers, il vivait et respirait
+dans le monde ingénieux du Roman de la Rose. Vénus, Cupidon, Espoir,
+Bon-Accueil, Plaisance, Pitié, Danger, Tristesse, Soin, Mélancolie,
+Doux-Regard entouraient le pupitre, sur lequel, dans l'embrasure
+profonde d'une fenêtre, sans un rayon de soleil, il écrivait ses
+ballades fraîches et fines comme des enluminures. Ce qui vraiment
+existait pour lui c'était l'allégorie. Il errait dans la forêt de
+Longue-Attente; il s'embarquait dans la nef de Bonne-Nouvelle. Il
+était poète et chantait sa dame Beauté avec courtoisie. À lire ses
+vers, on eût dit qu'il n'était captif que du seigneur Amour<a id="footnotetag1173" name="footnotetag1173"></a><a href="#footnote1173" title="Lien vers la note 1173"><span class="smaller">[1173]</span></a>.</p>
+
+<p>Dans l'ignorance où on le laissait des affaires de son duché, si
+quelque soin l'occupait encore, c'était de recueillir les livres du
+roi Charles V, volés par le duc de Bedfort et vendus aux marchands de
+Londres, ou d'ordonner qu'on enlevât de Blois, à l'approche des
+Anglais, ses belles tapisseries, avec la librairie de son père, et de
+les faire porter à Saumur. Ce qu'il aimait le plus au monde, après
+Beauté, c'était les riches tentures et les manuscrits ornés de
+miniatures délicates<a id="footnotetag1174" name="footnotetag1174"></a><a href="#footnote1174" title="Lien vers la note 1174"><span class="smaller">[1174]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page421" name="page421"></a>(p. 421)</span> Ce qu'il regrettait, c'était le
+beau soleil de France, le beau mois de mai, les danses et les dames.
+Il était guéri de prouesse et de chevalerie.</p>
+
+<p>On a voulu croire que, lorsque vint la Pucelle, il reçut des nouvelles
+de son duché; on a même supposé qu'un fidèle domestique lui fit tenir
+la chronique des événements heureux de mai et de juin 1428<a id="footnotetag1175" name="footnotetag1175"></a><a href="#footnote1175" title="Lien vers la note 1175"><span class="smaller">[1175]</span></a>. Mais
+rien n'est moins certain. Il est probable au contraire, que les
+Anglais ne laissèrent parvenir à lui aucun message et qu'il ignorait
+tout ce qui se passait dans les deux royaumes<a id="footnotetag1176" name="footnotetag1176"></a><a href="#footnote1176" title="Lien vers la note 1176"><span class="smaller">[1176]</span></a>.</p>
+
+<p>Et il n'était peut-être pas aussi curieux qu'on pourrait le croire des
+nouvelles de la guerre. Il n'espérait rien des gens d'armes, et ne
+comptait point sur ses beaux cousins de France pour le délivrer par
+faits d'armes et batailles. Il savait trop bien comment ils s'y
+prenaient. C'était de la paix qu'il attendait, pour son peuple et pour
+lui, la délivrance. Il pensait que, puisque les pères étaient morts,
+les fils pouvaient oublier et pardonner. Il gardait bon espoir en son
+cousin de Bourgogne et il n'avait pas tort, car enfin la fortune des
+Anglais en France dépendait du duc Philippe. Il était résigné, ou, du
+moins, il devait un peu plus tard <span class="pagenum"><a id="page422" name="page422"></a>(p. 422)</span> se résigner à reconnaître
+la suzeraineté du roi d'Angleterre. Il faut moins considérer la
+faiblesse des hommes que la force des choses. Et le prisonnier ne
+croyait jamais trop faire pour obtenir la paix, «vrai trésor de
+joie»<a id="footnotetag1177" name="footnotetag1177"></a><a href="#footnote1177" title="Lien vers la note 1177"><span class="smaller">[1177]</span></a>.</p>
+
+<p>Non, en dépit de ses révélations, Jeanne ne se faisait pas un portrait
+au vrai de son beau duc. Ils ne devaient jamais se voir; mais s'ils
+avaient pu se rencontrer, ils se seraient bien mal entendus et
+seraient demeurés impénétrables l'un à l'autre. La pensée rustique et
+franche de Jeanne ne pouvait s'accorder avec la pensée d'un si haut
+seigneur et d'un poète si courtois. Ils ne pouvaient s'entendre parce
+qu'elle était simple et qu'il était subtil, parce qu'elle était
+prophétesse et qu'il était nourri de gai savoir et de bonnes lettres,
+parce qu'elle croyait et qu'il était comme ne croyant pas, parce
+qu'elle était une fille des communes, et une sainte rapportant toute
+souveraineté à Dieu, et qu'il concevait le droit selon les coutumes
+féodales, usages, alliances et traités<a id="footnotetag1178" name="footnotetag1178"></a><a href="#footnote1178" title="Lien vers la note 1178"><span class="smaller">[1178]</span></a>; parce qu'ils ne se
+faisaient pas tous deux la même idée du monde et de la vie. Le bon duc
+n'aurait vu goutte au fait de la Pucelle envoyée par Messire pour
+recouvrer son duché, et Jeanne n'aurait jamais pu s'expliquer les
+façons du duc Charles <span class="pagenum"><a id="page423" name="page423"></a>(p. 423)</span> envers ses cousins d'Angleterre et de
+Bourgogne. Il valait mieux qu'ils ne se vissent jamais.</p>
+
+<p>Depuis la prise de Jargeau, la Loire était libre en amont. Pour que la
+ville d'Orléans fût en sûreté, il fallait aussi dégager le fleuve en
+aval, où les Anglais tenaient encore Meung, Beaugency et La Charité.
+Le mardi quatorzième de juin, à l'heure des vêpres, l'armée prit les
+champs<a id="footnotetag1179" name="footnotetag1179"></a><a href="#footnote1179" title="Lien vers la note 1179"><span class="smaller">[1179]</span></a>.</p>
+
+<p>On passa par la Sologne et l'on fut, le soir même, devant le pont de
+Meung, établi en amont de la ville et séparé des murs par une large
+prairie. Comme la plupart des ponts, il était défendu à chaque bout
+par un châtelet, et les Anglais l'avaient muni d'un boulevard de
+terre, ainsi qu'ils avaient fait aux Tourelles d'Orléans<a id="footnotetag1180" name="footnotetag1180"></a><a href="#footnote1180" title="Lien vers la note 1180"><span class="smaller">[1180]</span></a>.
+Pourtant ils le gardèrent mal et les gens du roi de France en
+forcèrent aisément le passage avant la nuit. Ils y laissèrent garnison
+et allèrent gîter en Beauce, presque sous la ville. Le jeune duc
+d'Alençon se logea dans une église avec quelques hommes d'armes, sans
+se garder, selon sa coutume. Il y fut surpris et en grand péril<a id="footnotetag1181" name="footnotetag1181"></a><a href="#footnote1181" title="Lien vers la note 1181"><span class="smaller">[1181]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page424" name="page424"></a>(p. 424)</span> La garnison, peu nombreuse, était commandée par lord Scales
+et par le jeune fils de Warwick. Le lendemain, de bonne heure, les
+gens du roi, passant à une portée de canon de la ville de Meung, s'en
+furent droit à Beaugency où ils arrivèrent dans la matinée<a id="footnotetag1182" name="footnotetag1182"></a><a href="#footnote1182" title="Lien vers la note 1182"><span class="smaller">[1182]</span></a>.</p>
+
+<p>La vieille petite ville, assise sur le penchant d'une colline et
+ceinte de vignes, de jardins, de champs de blé, penchait devant eux
+vers la verte vallée du Ru, et dressait à leur vue sa tour carrée, de
+mine assez fière, bien qu'accoutumée à se laisser prendre. Les
+faubourgs n'étaient pas fortifiés; mais les Français, quand ils y
+pénétrèrent, furent criblés de carreaux, de flèches et de viretons par
+les archers embusqués dans les maisons et les masures. Il y eut, d'un
+parti et de l'autre, morts et blessés. Finalement les Anglais se
+retirèrent dans le château et dans les bastilles du pont<a id="footnotetag1183" name="footnotetag1183"></a><a href="#footnote1183" title="Lien vers la note 1183"><span class="smaller">[1183]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc d'Alençon mit des gardes devant le château, pour surveiller les
+Anglais. À ce moment, il vit venir à lui deux seigneurs bretons, les
+sires de Rostrenen et de Kermoisan, qui lui dirent:</p>
+
+<p>&mdash;Le connétable demande logis à ceux du siège<a id="footnotetag1184" name="footnotetag1184"></a><a href="#footnote1184" title="Lien vers la note 1184"><span class="smaller">[1184]</span></a>.</p>
+
+<p>Arthur de Bretagne, sire de Richemont, connétable de France, ayant
+guerroyé tout l'hiver en Poitou contre les gens du sire de La
+Trémouille, venait, malgré la <span class="pagenum"><a id="page425" name="page425"></a>(p. 425)</span> défense du roi, se joindre aux
+gens du roi<a id="footnotetag1185" name="footnotetag1185"></a><a href="#footnote1185" title="Lien vers la note 1185"><span class="smaller">[1185]</span></a>. Il avait passé la Loire à Amboise et arrivait
+devant Beaugency avec six cents gens d'armes et quatre cents hommes de
+trait<a id="footnotetag1186" name="footnotetag1186"></a><a href="#footnote1186" title="Lien vers la note 1186"><span class="smaller">[1186]</span></a>. Sa venue mit les capitaines dans l'embarras. Il y en
+avait qui le tenaient pour homme de grand vouloir et courage. Mais
+beaucoup vivaient du sire de La Trémouille, entre autres le pauvre
+écuyer Jean d'Aulon. Le duc d'Alençon voulait se retirer, alléguant
+l'ordre du roi de ne pas recevoir en sa société le connétable.</p>
+
+<p>&mdash;Si le connétable vient, je m'en irai, dit-il à Jeanne.</p>
+
+<p>Et il fit réponse aux deux gentilshommes bretons, qu'au cas où le
+connétable viendrait prendre logis, la Pucelle et ceux du siège le
+combattraient<a id="footnotetag1187" name="footnotetag1187"></a><a href="#footnote1187" title="Lien vers la note 1187"><span class="smaller">[1187]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y était si décidé qu'il monta à cheval, pour courir sus aux
+Bretons. La Pucelle s'apprêtait à le suivre, par révérence pour lui et
+le roi. Mais plusieurs capitaines, jugeant que ce n'était pas l'heure
+de coucher la lance contre le connétable de France, retinrent le duc
+d'Alençon<a id="footnotetag1188" name="footnotetag1188"></a><a href="#footnote1188" title="Lien vers la note 1188"><span class="smaller">[1188]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, une vive alerte agita le camp. Les hérauts criaient: «À
+l'arme!» On apprit que les <span class="pagenum"><a id="page426" name="page426"></a>(p. 426)</span> Anglais venaient en grand nombre.
+Le jeune duc voulait encore se retirer plutôt que d'accueillir le
+connétable. Jeanne, cette fois, l'en dissuada:</p>
+
+<p>&mdash;Il faut s'entr'aider, lui dit-elle<a id="footnotetag1189" name="footnotetag1189"></a><a href="#footnote1189" title="Lien vers la note 1189"><span class="smaller">[1189]</span></a>.</p>
+
+<p>Il écouta ce conseil et alla, suivi d'elle, de monseigneur le Bâtard,
+et des sires de Laval, au devant du connétable. Près de la maladrerie
+de Beaugency, ils rencontrèrent une belle chevauchée. À leur approche,
+un petit homme noir, renfrogné, lippu, descendit de cheval. C'était
+Arthur de Bretagne. La Pucelle le vint embrasser par les jambes, comme
+elle avait coutume de faire aux grands de la terre et du ciel, qu'elle
+fréquentait<a id="footnotetag1190" name="footnotetag1190"></a><a href="#footnote1190" title="Lien vers la note 1190"><span class="smaller">[1190]</span></a>. Ainsi en usait tout seigneur quand il rencontrait
+plus noble que lui<a id="footnotetag1191" name="footnotetag1191"></a><a href="#footnote1191" title="Lien vers la note 1191"><span class="smaller">[1191]</span></a>.</p>
+
+<p>Le connétable lui parla en bon catholique, dévot à Dieu et à l'Église:</p>
+
+<p>&mdash;Jeanne, on m'a dit que vous me vouliez combattre. Je ne sais si vous
+êtes de par Dieu, ou non. Si vous êtes de par Dieu, je ne vous crains
+de rien. Car Dieu fait mon bon vouloir. Si vous êtes de par le diable,
+je vous crains encore moins<a id="footnotetag1192" name="footnotetag1192"></a><a href="#footnote1192" title="Lien vers la note 1192"><span class="smaller">[1192]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page427" name="page427"></a>(p. 427)</span> Il avait le droit de parler de la sorte, s'efforçant de ne
+jamais donner au diable puissance sur lui. Il montrait à Dieu son bon
+vouloir en recherchant les sorciers et les sorcières plus curieusement
+que ne faisaient les évêques et les inquisiteurs du mal hérétique. Il
+en fit brûler en France, en Poitou et en Bretagne, plus qu'homme
+vivant<a id="footnotetag1193" name="footnotetag1193"></a><a href="#footnote1193" title="Lien vers la note 1193"><span class="smaller">[1193]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc d'Alençon n'osa ni le renvoyer ni lui accorder le logis pour la
+nuit. Les nouveaux venus, selon la coutume, devaient le guet. Le
+connétable, avec sa compagnie, fit le guet cette nuit devant le
+château<a id="footnotetag1194" name="footnotetag1194"></a><a href="#footnote1194" title="Lien vers la note 1194"><span class="smaller">[1194]</span></a>.</p>
+
+<p>Le jeune duc d'Alençon chevauchait, sans plus. Ici encore les vrais
+faiseurs de la guerre et pourvoyeurs du siège étaient les bourgeois
+d'Orléans. Les procureurs de la ville avaient fait conduire par eau, à
+Meung et à Beaugency, les engins nécessaires, échelles, pics, pioches,
+et ces grands pavas dont les assiégeants se couvraient comme la tortue
+de son écaille. Ils avaient envoyé leurs canons et leurs bombardes. Le
+joyeux canonnier maître Jean de Montesclère était là<a id="footnotetag1195" name="footnotetag1195"></a><a href="#footnote1195" title="Lien vers la note 1195"><span class="smaller">[1195]</span></a>. Ils
+faisaient parvenir aux gens du roi des vivres qu'ils adressaient
+expressément à la Pucelle. Le procureur Jean Boillève vint apporter
+dans un chaland des pains et du <span class="pagenum"><a id="page428" name="page428"></a>(p. 428)</span> vin<a id="footnotetag1196" name="footnotetag1196"></a><a href="#footnote1196" title="Lien vers la note 1196"><span class="smaller">[1196]</span></a>. Toute la journée
+du vendredi 17, les bombardes et les canons jetèrent des pierres sur
+les assiégés. L'attaque se poursuivait en même temps du côté de la
+vallée et, par le moyen des chalands, du côté de la rivière. Ce 17
+juin, à minuit, sir Richard Guethin, bailli d'Évreux, qui commandait
+la garnison, offrit de capituler. Il fut accordé que les Anglais
+rendraient le château et le pont et qu'ils s'en iraient le lendemain,
+emmenant chevaux et harnais avec chacun son bien valant au plus un
+marc d'argent. Ils étaient requis en outre de jurer ne point reprendre
+les armes avant dix jours. À ces conditions, le lendemain, au soleil
+levant, ils passèrent, au nombre de cinq cents, sur le pont levis et
+se retirèrent à Meung dont le château, mais non le pont, était resté
+aux Anglais<a id="footnotetag1197" name="footnotetag1197"></a><a href="#footnote1197" title="Lien vers la note 1197"><span class="smaller">[1197]</span></a>. Prudemment, le connétable envoya quelques hommes
+renforcer la garnison du pont de Meung<a id="footnotetag1198" name="footnotetag1198"></a><a href="#footnote1198" title="Lien vers la note 1198"><span class="smaller">[1198]</span></a>. Sir Richard Guethin et
+le capitaine Math Gouth furent retenus comme otages<a id="footnotetag1199" name="footnotetag1199"></a><a href="#footnote1199" title="Lien vers la note 1199"><span class="smaller">[1199]</span></a>.</p>
+
+<p>La garnison de Beaugency s'était trop pressée de se rendre. À peine
+était-elle partie, qu'un homme d'armes <span class="pagenum"><a id="page429" name="page429"></a>(p. 429)</span> de la compagnie du
+capitaine La Hire vint dire au duc d'Alençon:</p>
+
+<p>&mdash;Les Anglais marchent sur nous. Nous allons les avoir en face. Ils
+sont bien là-bas mille hommes d'armes.</p>
+
+<p>Jeanne, l'entendant parler sans saisir ses paroles, demanda:</p>
+
+<p>&mdash;Que dit cet homme d'armes?</p>
+
+<p>Et quand elle le sut, se tournant vers Arthur de Bretagne, qui était
+près d'elle:</p>
+
+<p>&mdash;Ah! beau connétable, vous n'êtes pas venu de par moi; mais puisque
+vous êtes venu, vous serez le bien venu<a id="footnotetag1200" name="footnotetag1200"></a><a href="#footnote1200" title="Lien vers la note 1200"><span class="smaller">[1200]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce que les Français avaient devant eux, c'était sir John Talbot et sir
+John Falstolf avec toute l'armée anglaise.</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page430" name="page430"></a>(p. 430)</span> CHAPITRE XVI<br>
+
+<span class="smaller">LA BATAILLE DE PATAY. &mdash; L'OPINION DES CLERCS D'ITALIE ET
+D'ALLEMAGNE. &mdash; L'ARMÉE DE GIEN.</span></h2>
+
+
+<p>Sir John Falstolf, ayant quitté Paris le 9 juin, s'achemina par la
+Beauce, avec cinq mille combattants. Il amenait abondance de vivres et
+de traits aux Anglais de Jargeau. Apprenant en route que la ville
+s'était rendue, il laissa ses bagages à Étampes et se porta sur
+Janville où sir John Talbot vint le rejoindre avec quarante lances et
+deux cents archers<a id="footnotetag1201" name="footnotetag1201"></a><a href="#footnote1201" title="Lien vers la note 1201"><span class="smaller">[1201]</span></a>.</p>
+
+<p>Là, ils furent instruits que les Français avaient pris le pont de
+Meung et mis le siège devant Beaugency. Sir John Talbot voulait
+marcher au secours de ceux de Beaugency et les délivrer, avec l'aide
+de Dieu et de monseigneur saint Georges. Sir John Falstolf était
+d'avis <span class="pagenum"><a id="page431" name="page431"></a>(p. 431)</span> d'abandonner sir Richard Guethin et la garnison à
+leur sort, et de ne point combattre pour l'heure. Voyant les siens
+craintifs et les Français envigourés, il estimait que les Anglais
+n'avaient rien de mieux à faire que d'attendre dans les villes,
+châteaux et forteresses qui leur restaient, les renforts promis par le
+Régent.</p>
+
+<p>&mdash;Nous ne sommes qu'une poignée de gens au regard des Français,
+disait-il. Si la fortune nous devient mauvaise, tout ce que le feu roi
+Henri a conquis en France à grand labeur et long terme sera en voie de
+perdition<a id="footnotetag1202" name="footnotetag1202"></a><a href="#footnote1202" title="Lien vers la note 1202"><span class="smaller">[1202]</span></a>.</p>
+
+<p>Il ne fut pas écouté et l'armée marcha sur Beaugency. Elle se trouvait
+non loin de la ville, le dimanche dix-neuvième d'août, au moment où la
+garnison en sortait avec seulement chevaux, harnais et bagages d'un
+marc d'argent pour chaque homme<a id="footnotetag1203" name="footnotetag1203"></a><a href="#footnote1203" title="Lien vers la note 1203"><span class="smaller">[1203]</span></a>.</p>
+
+<p>Les gens du roi de France, avertis que cette armée approchait, se
+portèrent à sa rencontre. Après une courte chevauchée les éclaireurs
+signalèrent, à une lieue environ de Patay, les étendards et les
+pennons d'Angleterre qui flottaient sur la plaine. Alors les Français
+gravirent une colline d'où ils purent observer l'ennemi. Le capitaine
+<span class="pagenum"><a id="page432" name="page432"></a>(p. 432)</span> La Hire et le jeune sire de Termes dirent à la Pucelle:</p>
+
+<p>&mdash;Les Anglais viennent. Ils sont en ordre de bataille et prêts à se
+battre.</p>
+
+<p>Elle répondit, à sa coutume:</p>
+
+<p>&mdash;Frappez hardiment; ils prendront la fuite.</p>
+
+<p>Et elle ajouta que ce ne serait pas long<a id="footnotetag1204" name="footnotetag1204"></a><a href="#footnote1204" title="Lien vers la note 1204"><span class="smaller">[1204]</span></a>.</p>
+
+<p>Les Anglais, croyant que les Français leur offraient la bataille,
+mirent pied à terre. Les archers plantèrent leurs pieux dans le sol,
+la pointe inclinée vers l'ennemi. C'est ainsi que, d'ordinaire, ils se
+préparaient à combattre, et ils n'avaient pas fait autrement à la
+journée des Harengs. Le soleil baissait déjà<a id="footnotetag1205" name="footnotetag1205"></a><a href="#footnote1205" title="Lien vers la note 1205"><span class="smaller">[1205]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc d'Alençon n'était nullement décidé à descendre dans la plaine.
+En présence du Connétable, de monseigneur le Bâtard et des capitaines,
+il consulta la sainte fille, qui tourna sa réponse en énigme:</p>
+
+<p>&mdash;Ayez tous de bons éperons.</p>
+
+<p>Pensant qu'elle parlait des éperons du comte de Clermont, des éperons
+de Rouvray, le duc d'Alençon lui demanda:</p>
+
+<p>&mdash;Que dites-vous? Nous tournerons donc le dos?</p>
+
+<p>&mdash;Nenni, répondit-elle.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page433" name="page433"></a>(p. 433)</span> Ses Voix, en toute occasion, lui conseillaient une invariable
+confiance.</p>
+
+<p>&mdash;Nenni. En nom Dieu, allez sur eux, car ils s'enfuiront et
+n'arrêteront pas et seront déconfits, sans guère de perte pour vos
+gens; et pour ce, faut-il vos éperons pour les suivre<a id="footnotetag1206" name="footnotetag1206"></a><a href="#footnote1206" title="Lien vers la note 1206"><span class="smaller">[1206]</span></a>.</p>
+
+<p>Selon l'avis des maîtres et docteurs, il convenait d'écouter la
+Pucelle sans quitter les voies de la prudence humaine. Les chefs de
+l'armée, soit qu'ils jugeassent l'occasion mauvaise, soit qu'ils
+craignissent encore, après tant de défaites, de livrer une bataille
+rangée, ne descendirent point de leur colline. À deux hérauts
+d'Angleterre venus de la part de trois chevaliers qui offraient de
+combattre en combat singulier, il fut répondu:</p>
+
+<p>&mdash;Allez vous coucher pour aujourd'hui, car il est assez tard. Mais
+demain, au plaisir de Dieu et de Notre-Dame, nous nous verrons de plus
+près<a id="footnotetag1207" name="footnotetag1207"></a><a href="#footnote1207" title="Lien vers la note 1207"><span class="smaller">[1207]</span></a>.</p>
+
+<p>Les Anglais, certains qu'ils ne seraient pas attaqués, <span class="pagenum"><a id="page434" name="page434"></a>(p. 434)</span>
+quittèrent la place et s'en allèrent loger, pour la nuit, à
+Meung<a id="footnotetag1208" name="footnotetag1208"></a><a href="#footnote1208" title="Lien vers la note 1208"><span class="smaller">[1208]</span></a>.</p>
+
+<p>Les Français les y allèrent chercher le lendemain samedi 18, jour de
+saint Hubert; ils ne les y trouvèrent pas. Les Godons avaient déguerpi
+de bon matin et s'en étaient allés avec canons, munitions et vivres,
+vers Janville où ils comptaient se retrancher<a id="footnotetag1209" name="footnotetag1209"></a><a href="#footnote1209" title="Lien vers la note 1209"><span class="smaller">[1209]</span></a>.</p>
+
+<p>L'armée du roi Charles forte de douze mille hommes<a id="footnotetag1210" name="footnotetag1210"></a><a href="#footnote1210" title="Lien vers la note 1210"><span class="smaller">[1210]</span></a> se mit
+aussitôt à leur poursuite, sur la route de Paris par la plaine de
+Beauce, inculte, buissonneuse, et giboyeuse, couverte de broussailles
+et de taillis, belle pourtant au gré des chevaucheurs anglais et
+français qui la vantaient à l'envi<a id="footnotetag1211" name="footnotetag1211"></a><a href="#footnote1211" title="Lien vers la note 1211"><span class="smaller">[1211]</span></a>.</p>
+
+<p>Sur la plaine infinie où la terre glisse au regard et fuit, voyant le
+ciel devant elle, le ciel nuageux des plaines qui fait rêver de
+chevauchées merveilleuses par les montagnes de l'air, la Pucelle
+s'écria:</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu, s'ils étaient pendus aux nuées, nous les aurions<a id="footnotetag1212" name="footnotetag1212"></a><a href="#footnote1212" title="Lien vers la note 1212"><span class="smaller">[1212]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page435" name="page435"></a>(p. 435)</span> Comme la veille elle prophétisa.</p>
+
+<p>&mdash;Le gentil roi aura aujourd'hui plus grande victoire qu'il eût de
+longtemps. Et m'a dit mon Conseil qu'ils sont tous nôtres.</p>
+
+<p>Elle prédit que des Français il y aurait peu ou point de tués.</p>
+
+<p>Le capitaine Poton et le sire Arnault de Gugem allèrent en éclaireurs.
+Les plus experts hommes de guerre et parmi eux monseigneur le Bâtard
+et le maréchal de Boussac, montés sur fleur de coursiers, formèrent
+l'avant-garde. Puis, sous la conduite du capitaine La Hire, qui
+connaissait le pays, s'avançait le principal corps d'armée, composé
+des lances du duc d'Alençon, du comte de Vendôme, du Connétable de
+France, avec les archers et les arbalétriers. Enfin venait
+l'arrière-garde commandée par les seigneurs de Graville, de Laval, de
+Rais et de Saint-Gilles<a id="footnotetag1213" name="footnotetag1213"></a><a href="#footnote1213" title="Lien vers la note 1213"><span class="smaller">[1213]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle, qui avait bon c&oelig;ur, voulut aller en avant; on l'en
+empêcha. Elle ne conduisait pas les gens d'armes; les gens d'armes la
+conduisaient, la tenant non pour chef de guerre, mais pour
+porte-bonheur. Elle dut, grandement contristée, prendre place à
+l'arrière-garde, sans doute dans la compagnie du sire de <span class="pagenum"><a id="page436" name="page436"></a>(p. 436)</span>
+Rais, où d'abord on l'avait mise<a id="footnotetag1214" name="footnotetag1214"></a><a href="#footnote1214" title="Lien vers la note 1214"><span class="smaller">[1214]</span></a>. Tout le monde se hâtait fort,
+craignant que l'ennemi n'échappât.</p>
+
+<p>Après avoir chevauché près de cinq lieues, par une chaleur accablante,
+laissé à gauche Saint-Sigismond et dépassé Saint-Péravy, les soixante
+ou quatre-vingts coureurs du capitaine Poton, atteignirent l'endroit
+où le terrain, entièrement plat jusque-là, s'abaisse et la route
+dévale dans un bas-fond dit de la Retrève. Ils ne pouvaient voir le
+creux de la Retrève; mais au delà le sol se relève doucement et ils
+voyaient poindre à moins d'une demi-lieue le clocher de Lignerolles,
+sur la plaine boisée dite Climat-du-Camp. À une lieue, droit devant
+eux, se devinait la petite ville de Patay<a id="footnotetag1215" name="footnotetag1215"></a><a href="#footnote1215" title="Lien vers la note 1215"><span class="smaller">[1215]</span></a>.</p>
+
+<p>Il était deux heures après midi. Par aventure, les cavaliers de Poton
+et de Gugem lancent un cerf qui, débuchant d'un taillis, va fondre
+dans le creux de la Retrève. Alors de ce creux s'élève une clameur. Ce
+sont les soldats anglais qui se disputent à grands cris le gibier
+lancé sur eux. Avertis ainsi de la présence de l'ennemi, les coureurs
+français s'arrêtent et détachent aussitôt quelques-uns des leurs pour
+annoncer à l'armée <span class="pagenum"><a id="page437" name="page437"></a>(p. 437)</span> qu'ils ont surpris les Godons et que
+c'est l'heure de besogner<a id="footnotetag1216" name="footnotetag1216"></a><a href="#footnote1216" title="Lien vers la note 1216"><span class="smaller">[1216]</span></a>.</p>
+
+<p>Voici ce qui s'était passé du côté des Anglais. Ils se retiraient en
+bon ordre sur Janville, l'avant-garde conduite par un chevalier à
+l'étendard blanc<a id="footnotetag1217" name="footnotetag1217"></a><a href="#footnote1217" title="Lien vers la note 1217"><span class="smaller">[1217]</span></a>. Puis venaient l'artillerie et les vivres
+voiturés par les marchands, puis le corps de bataille, commandé par
+sir John Talbot et sir John Falstolf. L'arrière-garde, exposée à subir
+un rude choc, n'était formée que d'Anglais d'Angleterre<a id="footnotetag1218" name="footnotetag1218"></a><a href="#footnote1218" title="Lien vers la note 1218"><span class="smaller">[1218]</span></a>. Elle
+suivait à une assez longue distance. Ses coureurs, ayant vu les
+Français sans être vus, avertirent sir John Talbot, qui se trouvait
+alors entre le hameau de Saint-Péravy et la ville de Patay. Sur cet
+avis, arrêtant la marche de l'armée, il donna l'ordre à l'avant-garde
+de se ranger, avec les chariots et les canons, à l'orée des bois de
+Lignerolles. Position excellente: adossés à la futaie, les combattants
+ne craignaient point d'être pris à revers<a id="footnotetag1219" name="footnotetag1219"></a><a href="#footnote1219" title="Lien vers la note 1219"><span class="smaller">[1219]</span></a>; et ils se
+retranchaient derrière les charrois. Le corps de bataille n'alla pas
+si avant. Il fit halte à un demi-quart de lieue de Lignerolles, dans
+le creux de la Retrève. Il y avait, à cet endroit, au bord de la
+route, des haies vives. Sir John Talbot s'y porta avec cinq cents
+archers d'élite et mit pied à terre pour attendre les Français qui
+devaient <span class="pagenum"><a id="page438" name="page438"></a>(p. 438)</span> forcément passer là. Il comptait défendre la voie
+jusqu'à ce que l'arrière-garde eût rejoint le corps de bataille et
+pensait se rabattre ensuite sur l'armée en côtoyant les haies.</p>
+
+<p>Les archers s'apprêtaient à planter en terre, selon leur habitude, ces
+pieux aiguisés, dont ils tournaient la pointe contre le poitrail des
+chevaux ennemis, quand les Français, avertis par les éclaireurs de
+Poton, fondirent sur eux comme une trombe, les culbutèrent et les
+mirent en pièces<a id="footnotetag1220" name="footnotetag1220"></a><a href="#footnote1220" title="Lien vers la note 1220"><span class="smaller">[1220]</span></a>.</p>
+
+<p>En ce moment, sir John Falstolf, à la tête du corps de bataille, se
+disposait à rejoindre l'avant-garde: sentant déjà sur lui la cavalerie
+française, il donna de l'éperon et lança à fond de train sa troupe sur
+Lignerolles. Quand ils la virent venir ainsi débridée, ceux de
+l'étendard blanc crurent qu'elle était en déroute. Ils prirent peur
+et, quittant la lisière du bois, se jetèrent dans les halliers de
+Climat-du-Camp pour gagner en grand désordre la route de Paris. Sir
+John Falstolf poussa dans la même direction avec le principal corps
+d'armée. Il n'y eut pas de bataille. Ayant passé sur les cadavres des
+archers de Talbot, les Français entrèrent dans l'Angleterre éperdue
+comme dans un troupeau de moutons et tuèrent à plaisir. Ils tuèrent
+deux mille de ces gens de petit état que les Godons avaient coutume
+d'amener ainsi de leur pays mourir en <span class="pagenum"><a id="page439" name="page439"></a>(p. 439)</span> France. Quand ceux du
+principal corps d'armée, que conduisait La Hire, arrivèrent à
+Lignerolles, ils ne trouvèrent devant eux que huit cents fantassins,
+qu'ils culbutèrent. Des douze à treize mille Français cheminant sur la
+route, quinze cents à peine prirent part au combat, ou plutôt au
+massacre. Sir John Talbot, qui avait sauté sur son cheval sans
+chausser ses éperons, fut fait prisonnier par les capitaines La Hire
+et Poton<a id="footnotetag1221" name="footnotetag1221"></a><a href="#footnote1221" title="Lien vers la note 1221"><span class="smaller">[1221]</span></a>. Les seigneurs de Scales et de Hungerford, lord
+Falcombridge, sir Thomas Guérard, Richard Spencer et Fitz Walter
+furent également pris à rançon. On fit de douze à quinze cents
+prisonniers<a id="footnotetag1222" name="footnotetag1222"></a><a href="#footnote1222" title="Lien vers la note 1222"><span class="smaller">[1222]</span></a>.</p>
+
+<p>Deux cents hommes d'armes tout au plus donnèrent la chasse aux fuyards
+jusqu'aux portes de Janville. Hors l'avant-garde, qui s'était enfuie
+la première, l'armée anglaise était entièrement détruite. Du parti des
+Français, le sire de Termes, présent à l'affaire, assure qu'il n'y eut
+qu'un mort, un homme de sa compagnie. Perceval <span class="pagenum"><a id="page440" name="page440"></a>(p. 440)</span> de
+Boulainvilliers, conseiller chambellan du roi, dit qu'il y en eut
+trois<a id="footnotetag1223" name="footnotetag1223"></a><a href="#footnote1223" title="Lien vers la note 1223"><span class="smaller">[1223]</span></a>.</p>
+
+<p>Quand la Pucelle arriva, on tuait encore. Elle vit un Français qui
+conduisait des prisonniers, frapper l'un d'eux à la tête si rudement,
+que l'homme tomba comme mort. Elle descendit de cheval et fit
+confesser l'Anglais. Elle lui soutenait la tête et le consolait selon
+son pouvoir. Voilà la part qu'elle prit à la bataille de Patay<a id="footnotetag1224" name="footnotetag1224"></a><a href="#footnote1224" title="Lien vers la note 1224"><span class="smaller">[1224]</span></a>.
+Ce fut celle d'une sainte fille.</p>
+
+<p>Les Français passèrent la nuit dans la ville. Sir John Talbot amené au
+duc d'Alençon et au Connétable, le jeune duc lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Vous ne croyiez pas, ce matin, qu'ainsi vous adviendrait.</p>
+
+<p>Talbot répondit:</p>
+
+<p>&mdash;C'est la fortune de la guerre<a id="footnotetag1225" name="footnotetag1225"></a><a href="#footnote1225" title="Lien vers la note 1225"><span class="smaller">[1225]</span></a>.</p>
+
+<p>Quelques Godons arrivèrent hors d'haleine à Janville<a id="footnotetag1226" name="footnotetag1226"></a><a href="#footnote1226" title="Lien vers la note 1226"><span class="smaller">[1226]</span></a>. Mais les
+habitants, à qui ils avaient laissé en partant leur argent et leurs
+biens, leur formèrent la porte au nez et firent serment de fidélité au
+dauphin Charles.</p>
+
+<p>Les capitaines anglais de deux petites places de la Beauce, Montpipeau
+et Saint-Sigismond, mirent le feu à leur ville et s'enfuirent<a id="footnotetag1227" name="footnotetag1227"></a><a href="#footnote1227" title="Lien vers la note 1227"><span class="smaller">[1227]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page441" name="page441"></a>(p. 441)</span> De Patay, l'armée victorieuse se rendit à Orléans. Les
+habitants attendaient le roi. Ils avaient accroché des tapisseries
+pour son entrée<a id="footnotetag1228" name="footnotetag1228"></a><a href="#footnote1228" title="Lien vers la note 1228"><span class="smaller">[1228]</span></a>. Mais le roi et le sire chambellan, craignant,
+non sans motif, une agression du Connétable, restèrent enfermés dans
+le château de Sully<a id="footnotetag1229" name="footnotetag1229"></a><a href="#footnote1229" title="Lien vers la note 1229"><span class="smaller">[1229]</span></a>, d'où ils sortirent le 22 juin pour se
+rendre à Châteauneuf. La Pucelle rejoignit, ce jour même, le roi à
+Saint-Benoît-sur-Loire<a id="footnotetag1230" name="footnotetag1230"></a><a href="#footnote1230" title="Lien vers la note 1230"><span class="smaller">[1230]</span></a>. Il la reçut avec sa douceur coutumière
+et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;J'ai pitié de vous et de la peine que vous endurez.</p>
+
+<p>Et il la pressa de se reposer.</p>
+
+<p>En l'entendant parler, elle pleura. Elle pleura, dit-on, de sentir ce
+que l'affabilité du roi contenait pour elle d'indifférence et
+d'incroyance.</p>
+
+<p>Mais gardons-nous d'attribuer aux larmes des extatiques et des
+miraculées une cause intelligible à la commune raison humaine. Charles
+lui apparaissait revêtu d'une ineffable splendeur, tel que le plus
+saint des rois. Comment eût-elle supposé un instant qu'il manquait de
+foi puisqu'elle lui avait montré ses anges cachés au vulgaire.</p>
+
+<p>&mdash;N'en doutez point, lui dit-elle avec assurance, vous aurez tout
+votre royaume et serez de bref couronné<a id="footnotetag1231" name="footnotetag1231"></a><a href="#footnote1231" title="Lien vers la note 1231"><span class="smaller">[1231]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page442" name="page442"></a>(p. 442)</span> Assurément le roi Charles n'était pas pressé de recouvrer son
+royaume par chevalerie. Mais son conseil en ce moment n'avait nulle
+intention de se débarrasser de la Pucelle; il s'en servait au
+contraire adroitement pour donner du c&oelig;ur aux Français, épouvanter
+les Anglais et montrer à tous que Dieu, monseigneur saint Michel et
+madame sainte Catherine, étaient Armagnacs. En mandant aux bonnes
+villes la victoire de Patay, la chancellerie royale ne souffla mot du
+Connétable, et ne nomma pas davantage monseigneur le Bâtard<a id="footnotetag1232" name="footnotetag1232"></a><a href="#footnote1232" title="Lien vers la note 1232"><span class="smaller">[1232]</span></a>.
+Elle désigna la Pucelle comme chef de la bataille avec les deux
+princes du sang royal, le duc d'Alençon et duc de Vendôme. C'est donc
+qu'on en faisait étendard. Et certes elle valait aussi cher et plus
+cher qu'un grand capitaine, puisque le connétable tenta de s'emparer
+d'elle. Il chargea de l'entreprise un homme à lui, Andrieu de
+Beaumont, précédemment employé à enlever le sire de La Trémouille.
+Mais Andrieu de Beaumont, comme il avait manqué le chambellan, manqua
+la Pucelle<a id="footnotetag1233" name="footnotetag1233"></a><a href="#footnote1233" title="Lien vers la note 1233"><span class="smaller">[1233]</span></a>.</p>
+
+<p>Probablement elle ne sut rien elle-même de ce guet-apens. Elle demanda
+au roi qu'il reçût en grâce le <span class="pagenum"><a id="page443" name="page443"></a>(p. 443)</span> Connétable, requête qui
+témoigne d'une grande innocence. Richemont regagna par ordre sa
+seigneurie de Parthenay<a id="footnotetag1234" name="footnotetag1234"></a><a href="#footnote1234" title="Lien vers la note 1234"><span class="smaller">[1234]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc Jean de Bretagne, marié à une s&oelig;ur de Charles de Valois,
+n'avait pas toujours eu à se louer des conseillers de son beau-frère
+qui, en l'an 1420, le trouvant un peu trop bourguignon, lui
+cherchèrent près de Nantes, un pont de Montereau<a id="footnotetag1235" name="footnotetag1235"></a><a href="#footnote1235" title="Lien vers la note 1235"><span class="smaller">[1235]</span></a>. Il n'était en
+réalité, ni armagnac, ni bourguignon, ni français, ni anglais, mais
+breton. En 1423, il reconnut le traité de Troyes, mais deux ans plus
+tard, le duc de Richemont, son frère, ayant passé au roi français et
+reçu de lui l'épée de connétable, le duc Jean se rendit auprès de
+Charles de Valois à Saumur, et lui fit hommage de son duché<a id="footnotetag1236" name="footnotetag1236"></a><a href="#footnote1236" title="Lien vers la note 1236"><span class="smaller">[1236]</span></a>. En
+somme, il se tira fort adroitement des pas les plus difficiles et sut
+rester étranger à la querelle des deux rois qui prétendaient l'un et
+l'autre l'y engager. Tandis que la France et l'Angleterre
+s'entredétruisaient, tranquille, il relevait la Bretagne de ses
+ruines<a id="footnotetag1237" name="footnotetag1237"></a><a href="#footnote1237" title="Lien vers la note 1237"><span class="smaller">[1237]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page444" name="page444"></a>(p. 444)</span> La Pucelle lui inspira beaucoup de curiosité et d'admiration.
+Peu de temps après la bataille de Patay, il envoya vers elle Hermine,
+son héraut d'armes, et frère Yves Milbeau, son confesseur, pour lui
+faire compliment de sa victoire. Le bon frère avait mission
+d'interroger la jeune fille.</p>
+
+<p>Il lui demanda si c'était de par Dieu qu'elle était venue secourir le
+roi.</p>
+
+<p>Jeanne répondit qu'oui.</p>
+
+<p>&mdash;S'il en est ainsi, répliqua frère Yves Milbeau, monseigneur le duc
+de Bretagne notre droit seigneur est disposé à aider le roi de son
+service. Il ne peut venir de son propre corps, car il est dans un
+grand état d'infirmité. Mais il doit envoyer son fils aîné avec une
+grande armée.</p>
+
+<p>Le bon frère parlait légèrement et faisait là pour son duc une fausse
+promesse. Il était vrai seulement que beaucoup de nobles bretons
+venaient se mettre au service du roi Charles.</p>
+
+<p>En entendant ces paroles, la petite sainte commit une étrange méprise.
+Elle crut que frère Yves avait voulu dire que le duc de Bretagne était
+son droit seigneur à elle comme à lui, ce qui eût été vraiment hors de
+sens. Sa loyauté s'en révolta:</p>
+
+<p>&mdash;Le duc de Bretagne n'est pas mon droit seigneur, répliqua-t-elle
+vivement. C'est le roi qui est mon droit seigneur.</p>
+
+<p>Ainsi qu'on peut croire, la conduite prudente du duc de Bretagne
+n'était pas jugée favorablement en <span class="pagenum"><a id="page445" name="page445"></a>(p. 445)</span> France. On disait que
+c'était mal fait à lui de n'avoir pas obéi au ban de guerre du roi et
+d'avoir traité avec les Anglais. Jeanne le pensait et elle le dit sans
+détours à frère Yves:</p>
+
+<p>&mdash;Le duc ne devait pas raisonnablement attendre si longtemps pour
+envoyer ses gens aider le roi de leur service<a id="footnotetag1238" name="footnotetag1238"></a><a href="#footnote1238" title="Lien vers la note 1238"><span class="smaller">[1238]</span></a>.</p>
+
+<p>À quelques jours de là, le sire de Rostrenen, qui avait accompagné le
+Connétable à Beaugency et à Patay et Comment-Qu'il-Soit, héraut de
+Richard de Bretagne, comte d'Étampes, vinrent de la part du duc Jean
+stipuler relativement au mariage projeté entre François, son fils
+aîné, et Bonne de Savoie, fille du duc Amédée. Comment-Qu'il-Soit
+était chargé de présenter à la Pucelle une dague et des chevaux<a id="footnotetag1239" name="footnotetag1239"></a><a href="#footnote1239" title="Lien vers la note 1239"><span class="smaller">[1239]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y avait en 1428, à Rome, un clerc français compilateur d'une de ces
+cosmographies qui abondaient alors et se ressemblaient toutes. La
+sienne, qui commençait, selon l'usage, à la création, allait jusqu'au
+pontificat du pape Martin V alors vivant. «Sous ce pontificat, y
+disait l'auteur, la fleur et le lis du monde, le royaume de France,
+opulent entre les plus opulents et devant qui l'univers s'inclinait, a
+été jeté bas par le tyran Henri qui l'a envahi, n'étant pas seigneur
+légitime <span class="pagenum"><a id="page446" name="page446"></a>(p. 446)</span> même du royaume d'Angleterre». Puis, cet homme
+d'église voue les Bourguignons à une éternelle infamie et lance contre
+eux les plus terribles malédictions. «Que leurs yeux soient crevés,
+qu'ils meurent de male mort!» À ce langage, on reconnaît un bon
+Armagnac et peut-être un clerc dépouillé et chassé par les ennemis du
+royaume. En apprenant la venue de la Pucelle et la délivrance
+d'Orléans, transporté de joie et d'admiration, il rouvre sa
+cosmographie et y consigne ses arguments en faveur de cette
+prodigieuse Pucelle dont les actions lui paraissent plus divines
+qu'humaines, mais sur laquelle il sait peu de choses. Il la met en
+comparaison avec Déborah, Judith, Esther et Penthésilée. «On trouve,
+dit-il, dans les livres des Gentils que Penthésilée, et mille vierges
+avec elle, vinrent au secours du roi Priam et combattirent si
+courageusement qu'elles mirent en pièces les Myrmidons et tuèrent plus
+de deux mille Grecs.» Selon lui la Pucelle passe de beaucoup
+Penthésilée en courage et hauts faits. Elle réfute brièvement ceux qui
+soutiennent qu'elle a été envoyée par le Diable<a id="footnotetag1240" name="footnotetag1240"></a><a href="#footnote1240" title="Lien vers la note 1240"><span class="smaller">[1240]</span></a>.</p>
+
+<p>La prophétesse de Charles, en un moment, remplit de sa renommée la
+chrétienté tout entière. Tandis qu'au temporel les peuples
+s'entredéchiraient, l'unité d'obédience faisait de l'Europe une
+république spirituelle <span class="pagenum"><a id="page447" name="page447"></a>(p. 447)</span> n'ayant qu'une doctrine et qu'une
+langue, et qui se gouvernait par les Conciles. Le souffle de l'Église
+passait partout. En Italie, en Allemagne, il n'était bruit que de la
+Sibylle de France et les clercs, à l'envi, dissertaient sur sa nature
+et ses actes, qui intéressaient si grandement la foi chrétienne. En
+ces temps-là, les peintres représentaient parfois sur les murs des
+cloîtres les Arts Libéraux en figure de très nobles Dames. Ils
+peignaient, au milieu de ses s&oelig;urs, Logique assise dans une haute
+chaire, coiffée de l'antique turban, vêtue d'une robe éclatante, et
+tenant d'une main le scorpion, de l'autre le lézard en signe que sa
+science est d'atteindre l'adversaire au vif et de ne pas se laisser
+prendre. À ses pieds, Aristote, les yeux levés sur elle, disputait en
+nombrant ses arguments sur ses doigts<a id="footnotetag1241" name="footnotetag1241"></a><a href="#footnote1241" title="Lien vers la note 1241"><span class="smaller">[1241]</span></a>. Cette dame austère
+rendait tous ses disciples semblables les uns aux autres. Rien n'était
+alors plus méprisable et plus odieux qu'une idée singulière.
+L'originalité n'existait à aucun degré dans les esprits. Les clercs
+qui traitèrent de la Pucelle le firent tous suivant la même méthode,
+avec les mêmes arguments, sous l'autorité des mêmes textes sacrés et
+profanes. La conformité ne saurait aller plus loin. Ils avaient tous
+le même esprit, non le même c&oelig;ur; l'esprit argumente et c'est
+<span class="pagenum"><a id="page448" name="page448"></a>(p. 448)</span> le c&oelig;ur qui décide. Ces scolastiques, plus secs que leurs
+parchemins, étaient pourtant des hommes; ils se déterminaient par
+sentiment, par passions, par des intérêts spirituels ou temporels.
+Tandis que les docteurs armagnacs démontraient que dans le cas de la
+Pucelle, les raisons de croire l'emportaient sur celles de ne pas
+croire, les maîtres allemands ou italiens, étrangers à la querelle du
+Dauphin de Viennois, demeuraient dans le doute, n'étant mus ni par
+haine ni par amour.</p>
+
+<p>Un docteur en théologie, nommé Henri de Gorcum, qui enseignait à
+Cologne, rédigea, dès le mois de juin 1429, un mémoire sur la Pucelle.
+Les esprits étaient divisés en Allemagne, sur la question de savoir si
+cette jeune fille appartenait à l'humanité nature ou si elle n'était
+pas plutôt un être céleste en forme de femme; si ses faits
+s'expliquaient humainement ou par l'action d'une puissance supérieure
+à l'homme, et, dans ce cas, si la puissance était bonne ou si elle
+était mauvaise. Maître Henri de Gorcum composa son traité pour fournir
+dans les deux sens des arguments tirés de l'Écriture Sainte, et il
+s'abstint de conclure<a id="footnotetag1242" name="footnotetag1242"></a><a href="#footnote1242" title="Lien vers la note 1242"><span class="smaller">[1242]</span></a>.</p>
+
+<p>En Italie, mêmes doutes, même incertitude sur les faits de la Pucelle.
+Certains disaient que ce n'étaient que faussetés et pures inventions.
+On disputait à Milan s'il fallait croire les nouvelles qui venaient de
+France. Les notables de la ville résolurent d'envoyer, pour s'en
+<span class="pagenum"><a id="page449" name="page449"></a>(p. 449)</span> informer, un moine franciscain, frère Antonio de Rho, bon
+humaniste et prédicateur zélé pour la pureté des m&oelig;urs.</p>
+
+<p>Le seigneur Jean Corsini, sénateur du duché d'Arezzo, poussé par une
+semblable curiosité, consulta un savant clerc milanais, nommé
+Cosme-Raymond de Crémone. Ce clerc cicéronien lui répondit en
+substance:</p>
+
+<p>«Clarissime seigneur, ce serait chose nouvelle, dit-on, que Dieu
+choisisse une bergère pour rendre à un prince son royaume. Pourtant
+nous voyons que le berger David fut sacré roi. On rapporte que la
+Pucelle, conduisant une petite troupe, défit une nombreuse armée. On
+peut expliquer la victoire par l'avantage de la position, la
+soudaineté de l'attaque. Mais ne disons pas que les ennemis ont été
+surpris, que le c&oelig;ur leur a manqué, choses toutefois possibles;
+admettons qu'il y ait miracle: quoi d'étonnant? N'est-il pas plus
+admirable encore qu'avec une mâchoire d'âne, Samson ait tué tant de
+Philistins?</p>
+
+<p>»La Pucelle a, dit-on, le pouvoir de révéler les choses futures. Qu'il
+vous souvienne des Sibylles, notamment de celles d'Érythrée et de
+Cumes. Elles étaient païennes. Pourquoi serait-il moins accordé à une
+chrétienne? Cette femme est une bergère. Jacob, alors qu'il gardait
+les troupeaux de Laban, s'entretenait familièrement avec Dieu.</p>
+
+<p>»À ces exemples et à ces raisons, qui m'inclinent à donner fiance aux
+nouvelles qui courent, se joint une <span class="pagenum"><a id="page450" name="page450"></a>(p. 450)</span> raison tirée de la
+physique. J'ai lu souvent dans les livres qui traitent d'astrologie,
+que, par bénigne influence des astres, certains hommes de naissance
+intime sont devenus les égaux des plus hauts princes et furent
+considérés comme des hommes divins, chargés d'une mission céleste.
+Guido de Forli, habile astronome, en cite un très grand nombre. C'est
+pourquoi j'estimerais n'encourir nul reproche en croyant que c'est
+l'influence des astres qui a fait entreprendre à la Pucelle ce qu'on
+rapporte d'elle.»</p>
+
+<p>Et, concluant sur le fait de Jeanne, le clerc de Crémone dit qu'il ne
+le tient pas pour avéré sans le tenir comme entièrement à
+rejeter<a id="footnotetag1243" name="footnotetag1243"></a><a href="#footnote1243" title="Lien vers la note 1243"><span class="smaller">[1243]</span></a>.</p>
+
+<p class="p2">Jeanne demeurait ferme dans son propos d'aller à Reims pour y faire
+sacrer le roi. Elle ne jugeait pas qu'il valût mieux faire la guerre
+en Champagne qu'en Normandie. Elle ne se représentait pas assez
+clairement la figure du royaume pour en décider. Et l'on ne pensera
+pas que ses anges et ses saintes eussent plus de géographie qu'elle.
+Elle avait hâte de mener le roi à Reims pour être sacré, parce qu'elle
+ne croyait pas qu'il fût roi avant d'avoir reçu son sacre<a id="footnotetag1244" name="footnotetag1244"></a><a href="#footnote1244" title="Lien vers la note 1244"><span class="smaller">[1244]</span></a>. La
+pensée de le faire oindre du saint chrême lui était venue lorsqu'elle
+était encore dans son village et bien avant qu'Orléans fût assiégé.
+Cette inspiration était de source <span class="pagenum"><a id="page451" name="page451"></a>(p. 451)</span> purement spirituelle et ne
+répondait en aucune manière à l'état de choses créé par la délivrance
+d'Orléans et la victoire de Patay.</p>
+
+<p>Pour bien faire, il aurait fallu, le 18 juin, sans reprendre haleine,
+marcher sur Paris. On était à trente lieues seulement de la grande
+ville qui, à ce moment, n'eût pas même songé à se défendre. Le régent,
+la tenant pour déjà prise, s'enfermait dans la bastille de
+Vincennes<a id="footnotetag1245" name="footnotetag1245"></a><a href="#footnote1245" title="Lien vers la note 1245"><span class="smaller">[1245]</span></a>. On avait manqué l'occasion. Les conseillers du roi,
+les princes du sang de France, surpris par la victoire, encore
+incertains de ce qu'il fallait faire, délibéraient. Assurément, aucun
+d'eux ne songeait à reconquérir par les armes, à bref délai,
+l'héritage entier du roi Charles. Les forces dont ils disposaient et
+les conditions mêmes de la société où ils vivaient ne leur
+permettaient pas de concevoir une semblable entreprise. Les seigneurs
+du grand conseil ne ressemblaient pas à ces pauvres moines qui, dans
+leur cloître en ruines, rêvaient un âge de concorde et de paix<a id="footnotetag1246" name="footnotetag1246"></a><a href="#footnote1246" title="Lien vers la note 1246"><span class="smaller">[1246]</span></a>.
+Ils n'étaient point des songeurs; ils ne croyaient ni ne désiraient
+que la guerre prît fin. Mais ils entendaient la faire avec le moins
+possible de risques et de dépenses. Ils se disaient qu'il y aurait
+toujours des gens pour endosser le haubergeon et aller à la picorée;
+qu'on prendrait et reprendrait <span class="pagenum"><a id="page452" name="page452"></a>(p. 452)</span> toujours des villes dans le
+royaume, qu'à chaque jour suffit sa peine, qu'il faut se battre
+doucement pour se battre longtemps, que, neuf fois sur dix, on gagne
+plus par négociations et traités que par vaillantises d'armes, qu'il
+faut conclure habilement des trêves et les rompre à propos, s'attendre
+à perdre quelquefois et laisser de la besogne aux jeunes. Ainsi
+pensaient les bons serviteurs du roi Charles.</p>
+
+<p>Certains d'entre eux voulaient qu'on portât la guerre en
+Normandie<a id="footnotetag1247" name="footnotetag1247"></a><a href="#footnote1247" title="Lien vers la note 1247"><span class="smaller">[1247]</span></a>; ils y avaient songé dès le mois de mai, avant la
+campagne de la Loire, et certes ils ne manquaient pas d'arguments. En
+Normandie on tranchait l'arbre anglais à sa racine. Il était très
+possible de recouvrer tout de suite une partie de cette contrée où les
+Godons avaient très peu de monde. En 1424, les garnisons normandes se
+montaient en tout à quatre cents lances et douze cents archers<a id="footnotetag1248" name="footnotetag1248"></a><a href="#footnote1248" title="Lien vers la note 1248"><span class="smaller">[1248]</span></a>.
+Depuis lors, elles n'avaient pas dû être beaucoup renforcées. Le
+Régent ramassait des hommes partout et déployait une activité
+merveilleuse. Mais il manquait d'argent et ses soldats désertaient à
+l'envi<a id="footnotetag1249" name="footnotetag1249"></a><a href="#footnote1249" title="Lien vers la note 1249"><span class="smaller">[1249]</span></a>. Dans le pays de conquête, les Coués, aussitôt sortis de
+leurs places fortes, se trouvaient en territoire ennemi. Depuis les
+frontières de la <span class="pagenum"><a id="page453" name="page453"></a>(p. 453)</span> Bretagne, du Maine et du Perche, jusqu'au
+Ponthieu et à la Picardie, sur les rives de la Mayenne, de l'Orne, de
+la Dive, de la Touque, de l'Eure et de la Seine, des partisans
+tenaient la campagne, guetteurs de chemins, larrons, pillards,
+meurtriers, brigands<a id="footnotetag1250" name="footnotetag1250"></a><a href="#footnote1250" title="Lien vers la note 1250"><span class="smaller">[1250]</span></a>. Les Français eussent trouvé partout l'aide
+de ces hardis compagnons, ainsi que le bon vouloir des paysans et des
+curés de campagne. Mais il fallait s'attendre à demeurer longtemps
+devant des villes très fortes, qu'une petite garnison suffisait à
+défendre. Or, les gens d'armes redoutaient la lenteur des sièges, et
+le trésor royal n'était pas en état de soutenir ces opérations
+coûteuses. La Normandie était ruinée; plus de bétail, plus de
+moissons. Les capitaines et leurs gens voudraient-ils aller dans ce
+pays de famine? Et quel besoin le roi avait-il de reprendre une
+province misérable?</p>
+
+<p>Ces partisans enfin, prêts à tendre la main aux Français, n'étaient
+guère engageants. On savait que brigands ils étaient, brigands ils
+resteraient et que, la Normandie reconquise, il faudrait les
+exterminer jusqu'au dernier, sans honneur ni profit. En ce cas, ne
+valait-il pas mieux laisser les Godons aux prises avec eux?</p>
+
+<p>D'autres seigneurs demandaient qu'on allât en Champagne<a id="footnotetag1251" name="footnotetag1251"></a><a href="#footnote1251" title="Lien vers la note 1251"><span class="smaller">[1251]</span></a>. Et,
+quoi qu'on ait dit, les apocalypses de la <span class="pagenum"><a id="page454" name="page454"></a>(p. 454)</span> Pucelle n'étaient
+pour rien dans leur détermination. Les conseillers du roi conduisaient
+Jeanne, loin de se laisser conduire par elle. Ils l'avaient une
+première fois détournée de la route de Reims en lui donnant du travail
+sur la Loire. Ils pouvaient la dériver encore sur la Normandie sans
+seulement qu'elle s'en aperçût, tant elle ignorait les chemins et les
+pays. Si plusieurs recommandaient la campagne champenoise, c'était non
+sur la foi des anges et des saintes, mais pour des raisons humaines.
+Peut-on les nommer? Sans doute il y avait des seigneurs et des
+capitaines qui consultaient l'intérêt du roi et du royaume, mais il
+était si difficile à chacun de ne pas le confondre avec son propre
+intérêt, que l'on sera bien près de connaître ceux qui décidèrent la
+marche sur Reims quand on saura ceux à qui cette marche devait
+profiter. Certes, ce n'était pas au duc d'Alençon, qui aurait beaucoup
+mieux aimé reprendre son duché avec le secours de la Pucelle<a id="footnotetag1252" name="footnotetag1252"></a><a href="#footnote1252" title="Lien vers la note 1252"><span class="smaller">[1252]</span></a>. Ce
+n'était pas non plus à monseigneur le Bâtard ni au sire de Gaucourt,
+ni au roi lui-même, qui devaient surtout désirer, pour la sûreté du
+Berry et de l'Orléanais, qu'on enlevât La Charité au terrible Perrinet
+Gressart<a id="footnotetag1253" name="footnotetag1253"></a><a href="#footnote1253" title="Lien vers la note 1253"><span class="smaller">[1253]</span></a>. On peut supposer, au contraire, que la reine de Sicile
+ne voyait pas d'un mauvais &oelig;il le roi son gendre pousser vers le
+nord-est. Cette dame espagnole était prise de la folie angevine.
+Rassurée, pour l'instant, sur le sort de son <span class="pagenum"><a id="page455" name="page455"></a>(p. 455)</span> duché d'Anjou,
+elle poursuivait avec âpreté, et au grand dommage du royaume de
+France, l'établissement de son fils René dans le duché de Bar et dans
+l'héritage de Lorraine, et il ne devait pas lui déplaire que le roi
+Charles lui tînt la route libre de Gien à Troyes et à Châlons. Mais
+elle avait perdu tout pouvoir sur son gendre depuis l'exil du
+Connétable, et l'on ne voit pas qui l'aurait servie dans le conseil,
+au mois de mai 1429<a id="footnotetag1254" name="footnotetag1254"></a><a href="#footnote1254" title="Lien vers la note 1254"><span class="smaller">[1254]</span></a>. Au reste, sans chercher davantage, nous
+trouvons le personnage qui, plus que tout autre, devait être d'avis
+que le roi fût sacré, et qui, plus que tout autre, se trouvait en état
+de faire prévaloir son avis. C'était celui-là même à qui il
+appartenait de tenir la Sainte Ampoule entre ses mains sacrées,
+messire Regnault de Chartres, archevêque duc de Reims, chancelier du
+royaume.</p>
+
+<p>C'était un homme d'une intelligence rare, appliqué aux affaires, très
+habile négociateur, avide de biens, moins soucieux de vains honneurs
+que d'avantages solides; avare, peu scrupuleux, qui, aux environs de
+la cinquantaine, n'avait rien perdu de son activité dévorante: il
+venait de le montrer en se dépensant avec une belle ardeur pour la
+défense d'Orléans. Doué de la sorte, comment n'eût-il pas exercé dans
+le Gouvernement une action puissante?</p>
+
+<p>Archevêque duc de Reims depuis quinze ans, il <span class="pagenum"><a id="page456" name="page456"></a>(p. 456)</span> attendait
+encore le premier sou de ses énormes revenus. Il criait misère, bien
+qu'il fût riche; il adressait au pape des suppliques à fendre
+l'âme<a id="footnotetag1255" name="footnotetag1255"></a><a href="#footnote1255" title="Lien vers la note 1255"><span class="smaller">[1255]</span></a>. Si la Pucelle avait été jugée favorablement par les
+maîtres de Poitiers, monseigneur Regnault y était bien pour quelque
+chose. Les clercs n'eussent pas, sans lui, proposé au roi de
+l'essayer. Et ce n'est pas faire une supposition trop hasardeuse que
+de croire que, si l'on décida la marche sur Reims dans les conseils du
+roi, ce fut que le chancelier du royaume approuva par sagesse humaine
+ce que la Pucelle proposait par inspiration divine.</p>
+
+<p>Et, dans le fait, la campagne du sacre, qui n'allait point sans grands
+dommages et fâcheux inconvénients offrait aussi de précieux avantages
+et surtout des facilités secrètes. Par malheur, elle laissait libre
+tout le pays de France occupé par les Anglais et elle donnait à
+ceux-ci le temps de se refaire et de recevoir des secours d'outre-mer.
+Et l'on verra bientôt qu'ils mirent ce temps à profit<a id="footnotetag1256" name="footnotetag1256"></a><a href="#footnote1256" title="Lien vers la note 1256"><span class="smaller">[1256]</span></a>. Quant aux
+avantages, il s'en présentait plusieurs et de diverses sortes. Et
+d'abord Jeanne exprimait en vérité le sentiment des pauvres clercs et
+du commun peuple en disant que par son sacre le dauphin gagnerait
+beaucoup<a id="footnotetag1257" name="footnotetag1257"></a><a href="#footnote1257" title="Lien vers la note 1257"><span class="smaller">[1257]</span></a>. L'huile de la Sainte Ampoule devait communiquer au roi
+une splendeur, une majesté <span class="pagenum"><a id="page457" name="page457"></a>(p. 457)</span> dont le rayonnement s'étendrait
+sur la France et sur la chrétienté tout entière. La royauté, dans ce
+temps, était d'ordre spirituel autant que d'ordre temporel, et la
+foule des hommes pensait, ainsi que Jeanne, que les rois ne sont rois
+que par l'onction sainte. Aussi pouvait-on dire que Charles de Valois
+recevrait plus de force d'une goutte d'huile que de dix mille lances.
+De cela les conseillers du roi devaient tenir grand compte; encore
+fallait-il considérer le temps et le lieu. Ne pouvait-on pas faire la
+cérémonie ailleurs qu'à Reims? Ne pouvait-on pas accomplir ce qu'on
+appelait le «mystère», dans cette ville sauvée par l'intercession de
+ses bienheureux patrons, Saint-Aignan et Saint-Euverte? Deux rois
+issus de Hugues Capet, Robert le Sage et Louis le Gros, avaient été
+couronnés à Orléans<a id="footnotetag1258" name="footnotetag1258"></a><a href="#footnote1258" title="Lien vers la note 1258"><span class="smaller">[1258]</span></a>. Mais le souvenir de leur consécration
+royale se perdait dans la nuit des âges, tandis que le peuple gardait
+la mémoire d'une longue suite de rois très chrétiens sacrés dans la
+ville où la colombe divine avait apporté l'huile sainte à
+Clovis<a id="footnotetag1259" name="footnotetag1259"></a><a href="#footnote1259" title="Lien vers la note 1259"><span class="smaller">[1259]</span></a>. D'ailleurs le seigneur archevêque et duc de Reims
+n'aurait jamais souffert que le roi reçût les onctions autrement que
+de sa main et dans sa cathédrale.</p>
+
+<p>Il fallait donc aller à Reims; il fallait devancer les <span class="pagenum"><a id="page458" name="page458"></a>(p. 458)</span>
+Anglais qui avaient résolu d'y amener leur roi enfant, pour qu'il y
+fût sacré selon le cérémonial<a id="footnotetag1260" name="footnotetag1260"></a><a href="#footnote1260" title="Lien vers la note 1260"><span class="smaller">[1260]</span></a>. Mais les Français, en pénétrant
+dans la Normandie, auraient fermé au jeune roi Henri le chemin, déjà
+mal sûr pour lui, de Paris et de Reims, et vraiment il eût été puéril
+de dire que le sacre ne pouvait être retardé de quelques semaines. Si
+l'on renonçait à gagner des terres et des villes en Normandie, ce
+n'était donc pas seulement pour aller à la conquête de la Sainte
+Ampoule. Le seigneur archevêque de Reims avait d'autres considérations
+à présenter, celle-ci par exemple: En se plaçant hardiment entre le
+duc de Bourgogne et les Anglais ses alliés, on pouvait se flatter de
+produire quelque impression sur l'esprit du prince et de lui fournir,
+comme sujet de méditations salutaires, la vue de Charles, fils de
+Charles, roi de France, chevauchant à la tête d'une puissante armée.</p>
+
+<p>Pour atteindre la cité du bienheureux Remi, il fallait parcourir plus
+de cent lieues en pays rebelle, mais sans aucun risque d'y rencontrer
+de longtemps des gens d'armes ennemis. Anglais et Bourguignons
+levaient des troupes à force, engageaient, «endentaient». Pour le
+présent, ils n'avaient personne à opposer aux français. La Champagne,
+beau pays, peu boisé, avait beaucoup de blé, beaucoup de cultures,
+beaucoup de vin, beaucoup <span class="pagenum"><a id="page459" name="page459"></a>(p. 459)</span> de gros bétail<a id="footnotetag1261" name="footnotetag1261"></a><a href="#footnote1261" title="Lien vers la note 1261"><span class="smaller">[1261]</span></a>; elle n'était
+pas ruinée comme la Normandie; les hommes d'armes avaient chance de
+s'y nourrir, surtout si, comme on y comptait, les bonnes villes se
+laissaient tirer des vivres. Elles possédaient de grands biens; leurs
+greniers regorgeaient de blé. Quoiqu'elles reconnussent le roi Henri
+pour leur seigneur, elles ne se sentaient aucun attachement aux
+Anglais et aux Bourguignons; elles se gouvernaient elles-mêmes.
+C'étaient de riches marchandes qui ne voulaient que la paix et se
+donnaient au plus fort. À cette époque, elles soupçonnaient que la
+force passait aux Armagnacs. Elles avaient un clergé et des bourgeois
+à qui l'on pouvait parler. Il ne s'agissait pas de les assiéger avec
+de l'artillerie, des mines et des fossés, mais de les circonvenir avec
+de belles lettres d'amnistie, beaux traités de commerce et beaux
+engagements de respecter les privilèges du clergé. Avec elles on ne
+risquait pas de pourrir dans des taudis et de flamber dans des
+bastilles. On s'attendait à ce qu'elles ouvrissent leurs portes et,
+moitié amour, moitié peur, donnassent de l'argent au roi leur
+seigneur.</p>
+
+<p>La campagne était déjà préparée; elle l'était très habilement. On
+avait noué des intelligences, à Troyes, à Châlons; le roi Charles
+reçut de quelques notables de Reims avis, par lettres et messages, que
+s'il venait, ils lui feraient ouvrir les portes de leur ville. Il
+accueillit même trois ou quatre bourgeois qui lui dirent:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page460" name="page460"></a>(p. 460)</span> &mdash;Allez sûrement vers notre ville de Reims. Nous nous faisons
+fort de vous mettre en dedans<a id="footnotetag1262" name="footnotetag1262"></a><a href="#footnote1262" title="Lien vers la note 1262"><span class="smaller">[1262]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces assurances enhardirent le Conseil royal; et la marche en Champagne
+fut résolue.</p>
+
+<p>L'armée se rassembla à Gien; elle y croissait tous les jours. Les
+seigneurs de Bretagne et de Poitou arrivaient abondamment, la plupart
+en petite compagnie, sur un mauvais bidet<a id="footnotetag1263" name="footnotetag1263"></a><a href="#footnote1263" title="Lien vers la note 1263"><span class="smaller">[1263]</span></a>. Les plus pauvres,
+équipés en archers, venaient faire, faute de mieux, le service des
+gens de trait. Les vilains et les gens de métier s'offraient. De la
+Loire à la Seine et de la Seine à la Somme, la terre n'était plus
+cultivée qu'autour des châteaux et des forteresses; la plupart des
+champs restaient en jachères; en beaucoup d'endroits on ne tenait plus
+ni foires ni marchés; les ouvriers chômaient partout. La guerre, ayant
+détruit tous les métiers, devenait l'unique métier. «Chacun dit
+Eustache Deschamps, veut devenir écuyer. Il n'y a presque plus
+d'artisans<a id="footnotetag1264" name="footnotetag1264"></a><a href="#footnote1264" title="Lien vers la note 1264"><span class="smaller">[1264]</span></a>.» Il vint au lieu du rassemblement trente mille
+hommes, dont beaucoup de piétons, beaucoup de gens des communes, qui
+servaient pour la nourriture. Encore faut-il compter les moines, les
+valets, les femmes, la séquelle. <span class="pagenum"><a id="page461" name="page461"></a>(p. 461)</span> Et tout ce monde avait
+grand'faim. Le roi se rendit à Gien, et il y manda la reine qui était
+à Bourges<a id="footnotetag1265" name="footnotetag1265"></a><a href="#footnote1265" title="Lien vers la note 1265"><span class="smaller">[1265]</span></a>.</p>
+
+<p>Il pensait l'emmener à Reims pour qu'elle y fût sacrée avec lui, à
+l'exemple de la reine Blanche de Castille, de Jeanne de Valois et de
+la reine Jeanne, femme du roi Jean. Toutefois, les reines pour la
+plupart n'avaient pas été couronnées à Reims; la reine Ysabeau, mère
+du roi vivant, avait reçu la couronne des mains de l'archevêque de
+Rouen, dans la Sainte-Chapelle de Paris<a id="footnotetag1266" name="footnotetag1266"></a><a href="#footnote1266" title="Lien vers la note 1266"><span class="smaller">[1266]</span></a>. Avant elle, les épouses
+des rois, à l'exemple de Berthe, femme de Pépin le Bref, venaient de
+préférence à Saint-Denys recevoir la couronne d'or, de saphir et de
+perles donnée par Jeanne d'Évreux aux religieux de l'abbaye<a id="footnotetag1267" name="footnotetag1267"></a><a href="#footnote1267" title="Lien vers la note 1267"><span class="smaller">[1267]</span></a>.
+Tantôt les reines étaient couronnées avec leur époux, tantôt elles
+l'étaient seules et à part; plusieurs ne l'avaient jamais été.</p>
+
+<p>Pour que le roi Charles pensât emmener la reine Marie dans cette
+chevauchée, il fallait qu'il ne craignît ni fatigues trop rudes ni
+trop grands périls. Pourtant, au dernier moment, on changea d'avis. La
+reine, étant venue à Gien, fut renvoyée à Bourges; le roi se mit en
+chemin sans elle<a id="footnotetag1268" name="footnotetag1268"></a><a href="#footnote1268" title="Lien vers la note 1268"><span class="smaller">[1268]</span></a>.</p>
+
+<p class="poem10">
+ <span class="pagenum"><a id="page462" name="page462"></a>(p. 462)</span> Quand le roy s'en vint en France,<br>
+ Il feit oindre ses houssiaulx,<br>
+ Et la royne lui demande:<br>
+ Où veult aller cest damoiseaulx<a id="footnotetag1269" name="footnotetag1269"></a><a href="#footnote1269" title="Lien vers la note 1269"><span class="smaller">[1269]</span></a>?</p>
+
+<p>La reine ne demandait rien. Elle était laide et de faible vouloir.
+Mais la chanson dit qu'en partant le roi fit graisser ses vieux
+houssiaux, faute d'en pouvoir mettre de neufs. Ces plaisanteries sur
+la pauvreté du roi de Bourges, tout anciennes qu'elles étaient,
+pouvaient paraître bonnes encore<a id="footnotetag1270" name="footnotetag1270"></a><a href="#footnote1270" title="Lien vers la note 1270"><span class="smaller">[1270]</span></a>. Le roi n'était pas devenu
+riche. C'était l'usage de payer d'avance aux gens d'armes une partie
+des sommes convenues pour leurs gages. À Gien il fut fait un paiement
+de trois francs par homme d'armes. La somme parut maigre, mais on
+comptait gagner en route<a id="footnotetag1271" name="footnotetag1271"></a><a href="#footnote1271" title="Lien vers la note 1271"><span class="smaller">[1271]</span></a>.</p>
+
+<p>Le vendredi 24 juin, la Pucelle partit d'Orléans pour Gien. Le
+lendemain, elle dicta de Gien une lettre aux habitants de Tournai pour
+les instruire que les Anglais avaient été chassés de leurs places sur
+la Loire et déconfits en bataille, pour les inviter à venir au sacre
+du roi Charles à Reims et pour leur recommander de se maintenir loyaux
+Français.</p>
+
+<p>Voici cette lettre:</p>
+
+<div class="quote">
+<p class="center"><span class="pagenum"><a id="page463" name="page463"></a>(p. 463)</span> &#10013; JHESUS &#10013; MARIA.</p>
+
+<p>Gentilz loiaux Franchois de la ville du Tournay, la Pucelle vous
+ faict savoir des nouvelles de par dechà, que en viij jours elle a
+ cachié les Anglois hors de toutez les places qu'ilz tenoient sur
+ la rivire de Loire par assaut ou aultrement; où il en a eu mains
+ mors et prinz, et lez a desconfis en bataille. Et croiés que le
+ conte de Suffort, Lapoulle son frère, le sire de Tallebord, le
+ sire de Scallez et messires Jean Falscof et plusieurs chevaliers
+ et capitainez ont esté prinz, et le frère du conte de Suffort et
+ Glasdas mors. Maintenés vous bien loiaux Franchois, je vous en
+ pry, et vous pry et vous requiers que vous soiés tous prestz de
+ venir au sacre du gentil roy Charles à Rains où nous serons
+ briefment, et venés au devant de nous quand vous saurés que nous
+ aprocherons. À Dieu vous commans, Dieu soit garde de vous et vous
+ doinst grace que vous puissiés maintenir la bonne querelle du
+ royaume de France. Escript à Gien le <span class="smcap">XXV</span><sup>e</sup> jour de juing.</p>
+
+<p><i>Sur l'adresse</i>: Aux loiaux Franchois de la ville de
+ Tournay<a id="footnotetag1272" name="footnotetag1272"></a><a href="#footnote1272" title="Lien vers la note 1272"><span class="smaller">[1272]</span></a>.</p>
+</div>
+
+<p>Une lettre de la même teneur dut être envoyée par la chancellerie
+monacale de la Pucelle à toutes les villes restées favorables au roi
+Charles, et les religieux durent faire eux-mêmes la liste de ces
+villes<a id="footnotetag1273" name="footnotetag1273"></a><a href="#footnote1273" title="Lien vers la note 1273"><span class="smaller">[1273]</span></a>. Certes ils ne <span class="pagenum"><a id="page464" name="page464"></a>(p. 464)</span> pouvaient oublier la ville du
+domaine royal, qui, dans les Flandres, en pleine domination
+bourguignonne, demeurait fidèle à son légitime seigneur. La ville de
+Tournai, cédée à Philippe le Bon par le Gouvernement anglais, en 1423,
+n'avait pas reconnu son nouveau maître. Jean de Thoisy, son évêque,
+résidait auprès du duc Philippe<a id="footnotetag1274" name="footnotetag1274"></a><a href="#footnote1274" title="Lien vers la note 1274"><span class="smaller">[1274]</span></a>; mais elle restait «chambre du
+Roi» et l'attachement de ses habitants à la fortune du dauphin était
+connu de tous, exemplaire et fameux<a id="footnotetag1275" name="footnotetag1275"></a><a href="#footnote1275" title="Lien vers la note 1275"><span class="smaller">[1275]</span></a>. Les consuls d'Albi, dans
+une note très brève, qu'ils rédigèrent sur les merveilles de l'année
+1429, prirent soin de marquer que cette ville du nord, si lointaine,
+qu'ils ne savaient pas bien où elle était située, tenait pour la
+France, au milieu des ennemis de la France. «Le fait est,
+écrivirent-ils, que les Anglais occupaient tout le pays de Normandie
+et de Picardie, fors Tournay<a id="footnotetag1276" name="footnotetag1276"></a><a href="#footnote1276" title="Lien vers la note 1276"><span class="smaller">[1276]</span></a>.»</p>
+
+<p>Ceux du bailliage de Tournai, jaloux en effet de jouir des franchises
+et des privilèges que le roi de France leur avait accordés, n'eussent
+voulu pour rien au monde se disjoindre de la Couronne. Ils
+protestaient de leur fidélité et faisaient de belles processions pour
+le bien du roi et le recouvrement de son royaume; <span class="pagenum"><a id="page465" name="page465"></a>(p. 465)</span> mais là
+s'arrêtait leur dévouement, et quand leur seigneur Charles leur
+réclamait instamment les arrérages de leurs contributions, dont il
+disait avoir très grand besoin, leurs magistrats en délibéraient et
+décidaient de demander de nouveaux délais, les plus longs
+possibles<a id="footnotetag1277" name="footnotetag1277"></a><a href="#footnote1277" title="Lien vers la note 1277"><span class="smaller">[1277]</span></a>.</p>
+
+<p>Il n'est pas douteux que la Pucelle n'ait dicté elle-même cette
+missive. On voit qu'elle y attribue à elle seule la victoire, toute la
+victoire. Sa candeur l'y obligeait. À son sens, Dieu avait tout fait,
+et il avait tout fait par elle. «La Pucelle a chassé les Anglais de
+toutes les places qu'ils tenaient.» Elle seule pouvait montrer une foi
+si naïve en elle-même. Frère Pasquerel n'aurait pas écrit avec cette
+sainte simplicité.</p>
+
+<p>Il est remarquable que, dans cette lettre, sir John Falstolf est
+compté parmi les prisonniers. Cette erreur n'est pas particulière à
+Jeanne. Le roi mande à ses bonnes villes que trois capitaines anglais
+furent pris, Talbot, le sire de Scalles et Falstolf. Perceval de
+Boulainvilliers, dans son épître latine au duc de Milan, met Falstolf,
+qu'il nomme Fastechat, au nombre des mille prisonniers faits par les
+Dauphinois. Enfin, une missive, envoyée vers le 25 juin d'une des
+villes du diocèse de Luçon, témoigne d'une grande incertitude sur le
+sort de Talbot, Falstolf et Scalles, «qu'on dit être pris ou
+morts<a id="footnotetag1278" name="footnotetag1278"></a><a href="#footnote1278" title="Lien vers la note 1278"><span class="smaller">[1278]</span></a>». <span class="pagenum"><a id="page466" name="page466"></a>(p. 466)</span> Les Français avaient mis la main, peut-être,
+sur un seigneur qui ressemblait à John Falstolf de visage ou de nom;
+ou bien quelque homme d'armes, pour être reçu à rançon, avait dit être
+Falstolf. La lettre de la Pucelle parvint le 7 juillet à Tournai. Le
+lendemain, les consaux<a id="footnotetag1279" name="footnotetag1279"></a><a href="#footnote1279" title="Lien vers la note 1279"><span class="smaller">[1279]</span></a> de la ville décidèrent d'envoyer une
+ambassade au roi Charles de France<a id="footnotetag1280" name="footnotetag1280"></a><a href="#footnote1280" title="Lien vers la note 1280"><span class="smaller">[1280]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 27 juin ou environ, la Pucelle fit porter au duc de Bourgogne des
+lettres pour qu'il fût au sacre du roi. Elle ne reçut point de
+réponse<a id="footnotetag1281" name="footnotetag1281"></a><a href="#footnote1281" title="Lien vers la note 1281"><span class="smaller">[1281]</span></a>. Le duc Philippe était l'homme du monde le plus
+incapable de correspondre avec la Pucelle. Qu'elle lui écrivît
+obligeamment, c'était une marque de son bon esprit. Enfant, dans son
+village, elle avait été l'ennemie des Bourguignons avant d'être
+l'ennemie des Anglais, cependant elle voulait le bien du royaume et la
+réconciliation des Français.</p>
+
+<p>Le duc de Bourgogne ne pouvait facilement pardonner le guet-apens de
+Montereau, mais à aucun moment de sa vie il n'avait voué une haine
+irréconciliable au parti français. L'entente était devenue très
+possible depuis l'année 1425, alors que son beau-frère, le Connétable
+de France, avait chassé du Conseil royal les assassins du duc Jean.
+Quant au dauphin Charles, il se défendait <span class="pagenum"><a id="page467" name="page467"></a>(p. 467)</span> d'avoir eu part au
+crime et, parmi les Bourguignons, il passait pour idiot<a id="footnotetag1282" name="footnotetag1282"></a><a href="#footnote1282" title="Lien vers la note 1282"><span class="smaller">[1282]</span></a>. Dans le
+fond de son c&oelig;ur, le duc Philippe n'aimait pas les Anglais. Il leur
+avait refusé, après la mort du roi Henri V, de prendre la régence de
+France. On sait l'aventure de la comtesse Jacqueline qui faillit le
+brouiller tout à fait avec eux<a id="footnotetag1283" name="footnotetag1283"></a><a href="#footnote1283" title="Lien vers la note 1283"><span class="smaller">[1283]</span></a>. La maison de Bourgogne cherchait
+depuis de longues années à mettre la main sur les Pays-Bas. Le duc
+Philippe y parvint enfin en mariant son cousin germain Jean, duc de
+Brabant, avec Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, Hollande et
+Zélande, et dame de Frise. Jacqueline, qui ne pouvait souffrir son
+mari, s'enfuit en Angleterre, et, ayant fait casser son mariage par
+l'antipape Benoit XIII, épousa le duc de Glocester, frère du Régent.</p>
+
+<p>Bedford, aussi sage que Glocester était fol, s'efforçait au contraire
+de retenir le magnifique duc dans l'alliance anglaise; mais la haine
+secrète qu'il ressentait pour le Bourguignon éclatait par soudains
+accès. Qu'il ait voulu le faire assassiner et que le duc de Bourgogne
+l'ait su, ce n'est pas prouvé. On assure, tout au moins, qu'à ce
+prudent duc de Bedford il échappa, un jour, de dire que le duc
+Philippe pourrait bien s'en aller en Angleterre boire de la bière plus
+que son saoul<a id="footnotetag1284" name="footnotetag1284"></a><a href="#footnote1284" title="Lien vers la note 1284"><span class="smaller">[1284]</span></a>. Il <span class="pagenum"><a id="page468" name="page468"></a>(p. 468)</span> venait de le mécontenter très
+maladroitement en ne lui laissant pas prendre la ville
+d'Orléans<a id="footnotetag1285" name="footnotetag1285"></a><a href="#footnote1285" title="Lien vers la note 1285"><span class="smaller">[1285]</span></a>. Il s'en mordait les doigts et, tout repentant d'avoir
+refusé au duc le nombril de la Loire et le c&oelig;ur de la France, il
+s'empressa de lui offrir la Champagne, que les Français s'en allaient
+prendre: c'était, en effet, le moment d'en faire un présent au grand
+ami<a id="footnotetag1286" name="footnotetag1286"></a><a href="#footnote1286" title="Lien vers la note 1286"><span class="smaller">[1286]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant le magnifique duc ne pensait qu'à ses Flandres. Le pape
+Martin avait déclaré nul le mariage de la comtesse Jacqueline avec
+Glocester, et Glocester épousait une autre femme. Le Gargantua de
+Dijon remettait la main sur les terres de cette belle Jacqueline. Il
+restait l'allié des Anglais, comptant se servir d'eux et ne pas les
+servir, et se réservait, s'il y trouvait avantage, de combattre les
+Français avant de se réconcilier avec eux; il n'y voyait aucun mal.
+Après les Flandres c'étaient les dames et les belles peintures comme
+celles des frères Van Eyck qu'il avait le plus à gré. On imagine ce
+qu'une lettre de la Pucelle des Armagnacs devait peser sur son
+esprit<a id="footnotetag1287" name="footnotetag1287"></a><a href="#footnote1287" title="Lien vers la note 1287"><span class="smaller">[1287]</span></a>.</p>
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page469" name="page469"></a>(p. 469)</span> CHAPITRE XVII<br>
+
+<span class="smaller">LA CONVENTION D'AUXERRE. &mdash; FRÈRE RICHARD. &mdash; LA CAPITULATION DE TROYES.</span></h2>
+
+
+<p>Le 27 juin, l'avant-garde, commandée par le maréchal de Boussac, le
+sire de Rais, les capitaines La Hire et Poton, partit de Gien et se
+dirigea sur Montargis, dans le dessein d'occuper Sens. On se ravisa
+presque aussitôt et l'on se tourna vers Auxerre. Le roi se mit en
+marche le surlendemain, avec les princes du sang royal, une nombreuse
+chevalerie, la grosse bataille, comme on disait, et le sire de la
+Trémouille, qui conduisait toute l'entreprise<a id="footnotetag1288" name="footnotetag1288"></a><a href="#footnote1288" title="Lien vers la note 1288"><span class="smaller">[1288]</span></a>. L'armée arriva le
+1<sup>er</sup> juillet devant Auxerre<a id="footnotetag1289" name="footnotetag1289"></a><a href="#footnote1289" title="Lien vers la note 1289"><span class="smaller">[1289]</span></a>. La Pucelle, qui avait accompagné
+l'avant-garde, voyait la ville entourée de coteaux de vignes et de
+champs de blé, dresser ses murailles, <span class="pagenum"><a id="page470" name="page470"></a>(p. 470)</span> ses tours, ses toits
+et ses clochers au penchant d'une colline. Cette cité devant laquelle
+elle chevauchait au soleil d'été, tout armée, comme un beau saint
+Maurice, au milieu d'une ample chevalerie, elle l'avait vue, sous un
+ciel sombre et pluvieux quand, trois mois auparavant, habillée en
+galopin d'écurie, elle allait, sur un mauvais cheval, en compagnie de
+quelques pauvres routiers, vers le dauphin Charles<a id="footnotetag1290" name="footnotetag1290"></a><a href="#footnote1290" title="Lien vers la note 1290"><span class="smaller">[1290]</span></a>.</p>
+
+<p>Le comté d'Auxerre appartenait, depuis l'an 1424, au duc de Bourgogne,
+qui l'avait reçu en don du Régent et y exerçait son autorité au moyen
+d'un bailli et d'un capitaine<a id="footnotetag1291" name="footnotetag1291"></a><a href="#footnote1291" title="Lien vers la note 1291"><span class="smaller">[1291]</span></a>.</p>
+
+<p>Le seigneur évêque, messire Jean de Corbie, précédemment évêque de
+Mende, passait pour favorable au dauphin<a id="footnotetag1292" name="footnotetag1292"></a><a href="#footnote1292" title="Lien vers la note 1292"><span class="smaller">[1292]</span></a>. Le Chapitre de la
+cathédrale professait au contraire des sentiments bourguignons<a id="footnotetag1293" name="footnotetag1293"></a><a href="#footnote1293" title="Lien vers la note 1293"><span class="smaller">[1293]</span></a>.
+Douze jurés, élus par la communauté des bourgeois et des habitants,
+administraient la ville. On conçoit sans peine le sentiment qu'ils
+éprouvèrent à la venue de l'armée royale: ce fut l'épouvante. Les
+hommes d'armes, qu'ils portassent la croix blanche ou la croix rouge,
+inspiraient <span class="pagenum"><a id="page471" name="page471"></a>(p. 471)</span> une juste terreur aux gens des villes qui, pour
+détourner de leurs murs ces larrons sacrilèges et homicides, étaient
+capables des plus rudes efforts, même de mettre la main à
+l'escarcelle.</p>
+
+<p>À ceux d'Auxerre le roi manda par ses hérauts de le recevoir comme
+leur naturel et droiturier seigneur. Un tel mandement, appuyé sur des
+lances, les embarrassait fort. À refuser comme à consentir, ces bonnes
+gens couraient de grands risques. Changer d'obéissance n'était pas une
+chose à faire légèrement; il y allait de leurs biens et de leur vie.
+Prévoyant le danger et sentant leur faiblesse, ils étaient entrés dans
+la ligue communale formée par les cités champenoises contre la
+disgrâce de recevoir des gens d'armes et les périls d'avoir deux
+maîtres ennemis. Ils se présentèrent devant le roi Charles et
+promirent de lui faire telle et pareille obéissance que ceux des
+villes de Troyes, Châlons et Reims<a id="footnotetag1294" name="footnotetag1294"></a><a href="#footnote1294" title="Lien vers la note 1294"><span class="smaller">[1294]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce n'était pas obéir; ce n'était pas non plus se mettre en état de
+rébellion. On négocia; les ambassadeurs allaient de la ville au camp
+et du camp à la ville; finalement, les jurés, qui ne manquaient pas
+d'esprit, proposèrent un arrangement acceptable et que les princes
+concluaient entre eux à tout moment, la trêve.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page472" name="page472"></a>(p. 472)</span> Ils dirent au Roi:</p>
+
+<p>&mdash;Nous vous prions et requérons de vouloir bien passer outre, et nous
+vous demandons de conclure abstinence de guerre.</p>
+
+<p>Et, pour rendre leur prière plus agréable, ils donnèrent deux mille
+écus au sire de la Trémouille qui les garda, dit-on, sans vergogne. De
+plus, les habitants consentaient à fournir des vivres à l'armée,
+contre espèces sonnantes; et c'était à considérer, car la famine
+régnait dans le camp<a id="footnotetag1295" name="footnotetag1295"></a><a href="#footnote1295" title="Lien vers la note 1295"><span class="smaller">[1295]</span></a>. Cette trêve ne faisait pas l'affaire des
+gens d'armes qui y perdaient une belle occasion de dérober et piller.
+Des murmures s'élevèrent; plusieurs seigneurs et capitaines disaient
+qu'il ne serait pas difficile de prendre la ville et qu'il fallait
+essayer. La Pucelle, à qui ses Voix annonçaient perpétuellement la
+victoire, ne cessait d'appeler les soldats aux armes<a id="footnotetag1296" name="footnotetag1296"></a><a href="#footnote1296" title="Lien vers la note 1296"><span class="smaller">[1296]</span></a>. Sans
+aucunement s'émouvoir, le Roi conclut la trêve proposée, ne se
+souciant pas d'obtenir par force plus qu'il n'avait gagné par douceur.
+S'il avait attaqué la ville, peut-être l'aurait-il prise et tenue à sa
+merci; mais c'était le pillage, l'incendie, le meurtre et le viol
+certains. Et les Bourguignons seraient venus la reprendre sur ses
+talons, y piller, brûler, violer, massacrer <span class="pagenum"><a id="page473" name="page473"></a>(p. 473)</span> de nouveau. Que
+d'exemples on avait de ces malheureuses villes enlevées et perdues
+tout aussitôt, ruinées par les Français, ruinées par les Anglais et
+les Bourguignons, où chaque bourgeois gardait dans son coffre, pour
+s'en coiffer tour à tour, béret rouge et béret blanc! Fallait-il donc
+sans cesse renouveler ces massacres et ces abominations dont le
+ressentiment faisait exécrer les Armagnacs dans toute l'Île de France
+et rendait si difficile au roi légitime la recouvrance de sa ville de
+Paris? Le Conseil royal ne le crut pas; il pensa au contraire que
+Charles de Valois réussirait mieux à reprendre son bien en montrant en
+même temps sa mansuétude et sa force et en poursuivant avec une royale
+clémence jusqu'à la ville de Reims sa marche armée et pacifique.</p>
+
+<p>Après être demeurés trois jours sous les murs de la ville, les soldats
+rassasiés passèrent l'Yonne et s'en furent sous la ville de
+Saint-Florentin qui se mit aussitôt dans l'obéissance du roi. Le 4
+juillet, ils atteignirent le village de Saint-Phal, à quatre heures de
+Troyes<a id="footnotetag1297" name="footnotetag1297"></a><a href="#footnote1297" title="Lien vers la note 1297"><span class="smaller">[1297]</span></a>.</p>
+
+<p>En cette ville forte, quatre cents hommes au plus tenaient garnison,
+tous natifs du royaume de France: il n'y avait pas, il n'y avait
+jamais eu d'Anglais en Champagne; un bailli, messire Jean de
+Dinteville; deux capitaines, les sires de Rochefort et de Plancy,
+commandaient, dans la ville, pour le roi Henri et pour le <span class="pagenum"><a id="page474" name="page474"></a>(p. 474)</span>
+duc de Bourgogne<a id="footnotetag1298" name="footnotetag1298"></a><a href="#footnote1298" title="Lien vers la note 1298"><span class="smaller">[1298]</span></a>. Troyes était marchande: la draperie faisait sa
+richesse. Sans doute cette industrie déclinait depuis longtemps,
+atteinte par la concurrence et le déplacement des marchés; la misère
+publique et l'insécurité des routes précipitaient sa ruine. Pourtant
+la corporation des drapiers demeurait puissante et donnait au Conseil
+un grand nombre de magistrats<a id="footnotetag1299" name="footnotetag1299"></a><a href="#footnote1299" title="Lien vers la note 1299"><span class="smaller">[1299]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces marchands avaient juré, en 1420, le traité qui assurait à la
+maison de Lancastre la couronne de France; ils se trouvaient à la
+merci des Bourguignons et des Anglais. Pour tenir ces grandes foires
+où ils portaient leurs draps, il leur fallait vivre en paix avec leurs
+voisins de Bourgogne, et, si les Godons avaient fermé les ports de
+Seine à leurs ballots, ils fussent morts de faim. Aussi les notables
+de la ville étaient-ils devenus Anglais. Ce n'était pas à dire qu'ils
+dussent le rester toujours. De grands changements s'étaient accomplis
+dans le royaume depuis quelques semaines, et les Gilles Laiguisé, les
+Hennequin, les Jouvenel, ne se piquaient pas de demeurer immuables
+dans leurs sentiments parmi les mutations de la fortune qui ôtaient la
+force aux uns pour la communiquer aux autres. Les victoires des
+Français leur donnaient à réfléchir. Le menu peuple, les ouvriers
+tisseurs, teinturiers, corroyeurs, <span class="pagenum"><a id="page475" name="page475"></a>(p. 475)</span> nombreux le long des
+ruisseaux qui traversaient la cité, avaient le c&oelig;ur bourguignon.
+Quant aux hommes d'Église, s'ils ne se sentaient émus d'aucun amour
+pour les Armagnacs, ils n'en étaient pas moins enclins à croire que le
+roi Charles venait à eux par un décret spécial de la providence
+divine.</p>
+
+<p>Le seigneur évêque de Troyes était messire Jean Laiguisé, fils de
+maître Huet Laiguisé, un des premiers jureurs du traité de 1420<a id="footnotetag1300" name="footnotetag1300"></a><a href="#footnote1300" title="Lien vers la note 1300"><span class="smaller">[1300]</span></a>.
+Le Chapitre l'avait élu sans attendre la licence du régent, qui
+s'éleva contre l'élection et menaça de confisquer les biens des
+chanoines, non que le nouveau pontife lui déplût; messire Jean
+Laiguisé avait sucé sur le sein de l'alme Université de Paris la haine
+des Armagnacs et le respect de la rose de Lancastre. Mais monseigneur
+de Bedford ne tolérait pas ce mépris des droits du souverain.</p>
+
+<p>Peu de temps après, il souleva la réprobation de l'Église de France
+tout entière et fut jugé par les évêques pire que les plus cruels
+tyrans dont il est parlé dans l'Écriture, Pharaon, Nabuchodonosor,
+Artaxercès qui, châtiant Israël, avaient toutefois épargné les
+lévites. Plus méchant qu'eux et plus impie, monseigneur de Bedford
+attentait aux privilèges de l'Église gallicane, c'est-à-dire que, au
+profit du Saint-Siège, il dépouillait <span class="pagenum"><a id="page476" name="page476"></a>(p. 476)</span> les ordinaires de la
+collation des bénéfices, levait un double décime sur le clergé de
+France, et demandait aux gens d'Église de lui faire abandon des biens
+reçus par eux depuis quarante ans. Qu'il agît de la sorte avec
+l'agrément du pape, sa conduite n'en était pas moins exécrable au
+sentiment des seigneurs évêques de France, décidés à en appeler du
+pape mal informé au pape mieux informé, et qui tenaient l'autorité de
+l'évêque de Rome, petite auprès de l'autorité du Concile. Ils
+gémissaient: l'abomination de la désolation était dans la Gaule
+chrétienne. Monseigneur de Bedford, pour pacifier l'Église de France,
+soulevée contre lui, convoqua à Paris les évêques de la province
+ecclésiastique de Sens, qui comprenait les diocèses de Paris, de
+Troyes, d'Auxerre, de Nevers, de Meaux, de Chartres et
+d'Orléans<a id="footnotetag1301" name="footnotetag1301"></a><a href="#footnote1301" title="Lien vers la note 1301"><span class="smaller">[1301]</span></a>.</p>
+
+<p>Messire Jean Laiguisé se rendit à cette convocation. Le synode se tint
+à Paris, dans le prieuré de Saint-Éloi, sous la présidence du
+métropolitain, du 1<sup>er</sup> mars au 23 avril 1429<a id="footnotetag1302" name="footnotetag1302"></a><a href="#footnote1302" title="Lien vers la note 1302"><span class="smaller">[1302]</span></a>. Les évêques
+rassemblés représentèrent à monseigneur le Régent le malheureux état
+des seigneurs ecclésiastiques, à qui les paysans, pillés par les gens
+de guerre, ne payaient plus leurs redevances, les terres d'Église
+abandonnées, le service <span class="pagenum"><a id="page477" name="page477"></a>(p. 477)</span> divin cessé dans les campagnes,
+faute d'argent pour la célébration du culte. Ils furent unanimes à
+refuser le double décime au régent et au pape, menaçant d'en appeler
+du pape au concile. Quant à dépouiller les clercs de tous les biens
+qu'ils avaient reçus depuis quarante ans, ils déclarèrent que ce
+serait une impiété et ils avertirent charitablement monseigneur de
+Bedford du sort réservé dès ce monde aux impies par le juste jugement
+de Dieu. «Le Prince, lui dirent-ils, doit détourner de lui les misères
+et calamités advenues aux princes de plusieurs royaumes qui
+affligèrent de telles réquisitions l'Église que Dieu a délivrée par
+son précieux sang de la servitude du Démon, desquels les uns périrent
+par le glaive, plusieurs furent traînés en captivité, les autres
+dépouillés de leurs très illustres souverainetés. C'est pourquoi ils
+ne doivent pas croire qu'ils méritent la grâce de la divine Majesté,
+ceux-là qui s'efforcent de réduire en servitude l'Église son
+épouse<a id="footnotetag1303" name="footnotetag1303"></a><a href="#footnote1303" title="Lien vers la note 1303"><span class="smaller">[1303]</span></a>.»</p>
+
+<p>Les sentiments de Jean Laiguisé à l'égard du régent d'Angleterre
+étaient ceux du synode. Il n'en faut pas conclure que l'évêque de
+Troyes voulût la mort du pécheur, ni même qu'il fût l'ennemi des
+Anglais<a id="footnotetag1304" name="footnotetag1304"></a><a href="#footnote1304" title="Lien vers la note 1304"><span class="smaller">[1304]</span></a>. L'Église use communément de prudence à l'endroit des
+puissances temporelles. Sa mansuétude est grande et <span class="pagenum"><a id="page478" name="page478"></a>(p. 478)</span> sa
+patience inlassable. Elle menace longtemps avant que de frapper et
+admet l'impie à résipiscence dès qu'il donne signe de repentir. Mais
+on pouvait croire que, si Charles de Valois prenait pouvoir et volonté
+de protéger l'Église de France, le seigneur évêque et le chapitre de
+Troyes craindraient, en lui résistant, de résister à Dieu lui-même,
+car toute puissance vient de Dieu qui <i>deposuit potentes</i>.</p>
+
+<p>Le roi Charles ne s'était point aventuré en Champagne sans prendre ses
+sûretés; il savait sur qui compter en cette ville de Troyes. Il avait
+reçu des avis, des promesses; il entretenait des relations secrètes
+avec plusieurs bourgeois de la cité, et non des moindres<a id="footnotetag1305" name="footnotetag1305"></a><a href="#footnote1305" title="Lien vers la note 1305"><span class="smaller">[1305]</span></a>. Dans
+la première quinzaine de mai, un notaire royal et dix clercs et
+notables marchands, qui se rendaient vers lui, avaient été arrêtés au
+sortir de leurs murailles, sur la route de Paris, par un capitaine au
+service des Anglais, le sire de Chateauvillain<a id="footnotetag1306" name="footnotetag1306"></a><a href="#footnote1306" title="Lien vers la note 1306"><span class="smaller">[1306]</span></a>. Probablement que
+d'autres, plus heureux, purent accomplir leur mission. Il n'est pas
+difficile de deviner les questions agitées dans ces conciliabules. Les
+marchands demandaient que, au cas où le roi Charles deviendrait leur
+maître, il leur garantît l'entière liberté de leur trafic; les clercs
+voulaient être assurés qu'il respecterait les biens de l'Église. Et le
+roi, sans doute, ne ménageait point les promesses.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page479" name="page479"></a>(p. 479)</span> La Pucelle s'arrêta avec une partie de l'armée devant le
+château fort de Saint-Phal, appartenant à Philibert de Vaudrey,
+capitaine de la ville de Tonnerre, au service du duc de
+Bourgogne<a id="footnotetag1307" name="footnotetag1307"></a><a href="#footnote1307" title="Lien vers la note 1307"><span class="smaller">[1307]</span></a>. En ce lieu de Saint-Phal, elle vit venir à elle un
+cordelier qui, craignant qu'elle ne fût le diable, faisait des signes
+de croix, jetait de l'eau bénite et n'osait approcher sans l'avoir
+exorcisée. C'était frère Richard qui venait de Troyes<a id="footnotetag1308" name="footnotetag1308"></a><a href="#footnote1308" title="Lien vers la note 1308"><span class="smaller">[1308]</span></a>. Il y a
+intérêt à dire ce qu'était ce religieux, autant qu'on peut le savoir.</p>
+
+<p>On ignore le lieu de sa naissance<a id="footnotetag1309" name="footnotetag1309"></a><a href="#footnote1309" title="Lien vers la note 1309"><span class="smaller">[1309]</span></a>. Disciple du frère Vincent
+Ferrier et du frère Bernardin de Sienne, comme eux il enseignait
+l'avènement prochain de l'Antéchrist et le salut des fidèles par
+l'adoration du saint nom de Jésus<a id="footnotetag1310" name="footnotetag1310"></a><a href="#footnote1310" title="Lien vers la note 1310"><span class="smaller">[1310]</span></a>. Après avoir fait le
+pèlerinage de Jérusalem, il vint en France et prêcha dans la ville de
+Troyes l'avent de 1428. L'avent, qu'on nomme parfois aussi le carême
+<span class="pagenum"><a id="page480" name="page480"></a>(p. 480)</span> de la Saint-Martin, commence le dimanche qui tombe entre le
+27 novembre et le 3 décembre, et dure quatre semaines pendant
+lesquelles les chrétiens se préparent à célébrer le mystère de la
+Nativité.</p>
+
+<p>&mdash;Semez, disait-il, semez, bonnes gens; semez foison de fèves, car
+Celui qui doit venir viendra bien bref<a id="footnotetag1311" name="footnotetag1311"></a><a href="#footnote1311" title="Lien vers la note 1311"><span class="smaller">[1311]</span></a>.</p>
+
+<p>Par les fèves qu'il fallait semer, il entendait les bonnes &oelig;uvres
+qu'il convenait d'accomplir avant que Notre-Seigneur vînt, sur les
+nuées, juger les vivants et les morts. Or, il importait de semer les
+&oelig;uvres sans tarder, car bientôt serait la moisson. La venue de
+l'Antéchrist devait précéder de peu de temps la fin du monde et la
+consommation des siècles. Au mois d'avril 1429, frère Richard se
+rendit à Paris; le synode de la province de Sens tenait alors ses
+dernières séances. Que le bon frère ait été appelé dans la grande
+ville par l'évêque de Troyes présent au synode, c'est possible, mais
+il ne paraît pas que ce moine errant y fût venu pour défendre les
+droits de l'Église gallicane<a id="footnotetag1312" name="footnotetag1312"></a><a href="#footnote1312" title="Lien vers la note 1312"><span class="smaller">[1312]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 16 avril, il fit son premier sermon à Sainte-Geneviève; le
+lendemain et jours suivants, jusqu'au dimanche 24, il prêcha tous les
+matins, de cinq heures à dix et onze heures, en plein air, sur un
+échafaud adossé au charnier des Innocents, à l'endroit de la <span class="pagenum"><a id="page481" name="page481"></a>(p. 481)</span>
+danse macabre. Autour de l'estrade, haute d'une toise et demie, se
+pressaient cinq ou six mille personnes auxquelles il annonçait la
+venue prochaine de l'Antéchrist et la fin du monde<a id="footnotetag1313" name="footnotetag1313"></a><a href="#footnote1313" title="Lien vers la note 1313"><span class="smaller">[1313]</span></a>. «En Syrie,
+disait-il, j'ai rencontré des Juifs qui cheminaient par troupe; je
+leur demandai où ils allaient et ils me répondirent: «Nous nous
+rendons en foule à Babylone, parce qu'en vérité, le Messie est né
+parmi les hommes, et il nous restituera notre héritage, et il nous
+rétablira dans la terre de promission.» Ainsi parlaient ces Juifs de
+Syrie. Or, l'Écriture nous enseigne que celui qu'ils appellent le
+Messie est en effet l'Antéchrist de qui il est dit qu'il naîtra à
+Babylone, capitale du royaume de Perse, qu'il sera nourri à Bethsaïde
+et s'établira dans sa jeunesse à Coronaïm. C'est pourquoi
+Notre-Seigneur a dit: «<i>Vhe! vhe! tibi Bethsaïda. Vhe! Coronaïm</i>».
+L'an 1430, ajoutait frère Richard, apportera les plus grandes
+merveilles qu'on ait jamais vues<a id="footnotetag1314" name="footnotetag1314"></a><a href="#footnote1314" title="Lien vers la note 1314"><span class="smaller">[1314]</span></a>. Les temps étaient proches. Il
+était né, l'homme de péché, le fils de perdition, le méchant, la bête
+vomie par l'abîme, l'abomination de la désolation; il sortait de la
+tribu de Dan, dont il est écrit: «Que Dan devienne semblable à la
+couleuvre du chemin et au serpent du sentier!» Bientôt reviendraient
+sur la terre les prophètes Élie et Énoch, Moïse, Jérémie et saint Jean
+l'Évangéliste; et bientôt se lèverait <span class="pagenum"><a id="page482" name="page482"></a>(p. 482)</span> ce jour de colère, qui
+réduirait le siècle en poudre, selon le témoignage de David et de la
+Sibylle<a id="footnotetag1315" name="footnotetag1315"></a><a href="#footnote1315" title="Lien vers la note 1315"><span class="smaller">[1315]</span></a>. Et le bon frère concluait qu'il fallait se repentir,
+faire pénitence, renoncer aux faux biens. Enfin, c'était, au sentiment
+des clercs, un prud'homme, savant en oraisons; et ses sermons
+tournaient le peuple à la dévotion plus, croyait-on, que ceux de tous
+les sermonneurs qui, depuis cent ans, avaient prêché dans la ville. Il
+était à propos qu'il vînt, car, en ce temps-là, le peuple de Paris
+s'adonnait avec fureur aux jeux de hasard; les clercs eux-mêmes s'y
+livraient sans honte, et l'on avait vu, sept ans auparavant, un
+chanoine de Saint-Merry, grand amateur de dés, tenir un jeu dans sa
+propre maison<a id="footnotetag1316" name="footnotetag1316"></a><a href="#footnote1316" title="Lien vers la note 1316"><span class="smaller">[1316]</span></a>. Et malgré la guerre et la famine, les femmes de
+Paris se chargeaient de parures; le soin de leur beauté les occupait
+bien plus que le salut de leur âme.</p>
+
+<p>Frère Richard tonnait surtout contre les damiers des hommes et les
+atours des dames. Un jour, notamment, qu'il prêchait à
+Boulogne-la-Petite, il cria sus aux dés et aux hennins et parla si
+bien que le c&oelig;ur de ceux qui l'écoutaient en fut changé. De retour
+au logis, les bourgeois jetèrent dans la rue leurs tables à jeu, leurs
+damiers, leurs cartes, leurs billards et leurs billes, leurs dés et
+leurs cornets, et ils en firent un grand feu <span class="pagenum"><a id="page483" name="page483"></a>(p. 483)</span> devant leur
+porte. Plus de cent de ces feux restèrent allumés dans les rues
+pendant trois ou quatre heures. Les femmes suivirent le bon exemple:
+ce jour-là et le lendemain, elles brûlèrent publiquement leurs atours
+de tête, bourreaux, truffaux, pièces de cuir ou de baleine dont elles
+dressaient le devant de leurs chaperons; les demoiselles quittèrent
+leurs cornes et leurs queues, ayant enfin honte de s'attifer en
+diablesses<a id="footnotetag1317" name="footnotetag1317"></a><a href="#footnote1317" title="Lien vers la note 1317"><span class="smaller">[1317]</span></a>.</p>
+
+<p>Le bon frère fit brûler pareillement les racines de mandragores que
+beaucoup de gens gardaient alors chez eux. Ces racines présentent
+parfois l'aspect d'un petit homme très laid, d'une difformité bizarre
+et diabolique. C'est là, peut-être, ce qui fit qu'on leur attribua des
+vertus singulières. On les habillait magnifiquement, de fin lin et de
+soie, et l'on conservait ces poupées, dans la croyance qu'elles
+portaient bonheur et procuraient des richesses. Les sorcières en
+faisaient grand commerce et ceux qui croyaient que la Pucelle était
+sorcière l'accusaient très faussement de porter sur elle une
+mandragore. Frère Richard haïssait ces racines magiques d'autant plus
+véhémentement qu'il leur reconnaissait le pouvoir de procurer des
+richesses, sources de tous les maux de ce monde. Cette fois encore sa
+parole fut entendue; et beaucoup de Parisiens rejetèrent avec
+épouvante les mandragores qu'ils <span class="pagenum"><a id="page484" name="page484"></a>(p. 484)</span> avaient payées fort cher à
+ces vieilles femmes qui veulent trop savoir<a id="footnotetag1318" name="footnotetag1318"></a><a href="#footnote1318" title="Lien vers la note 1318"><span class="smaller">[1318]</span></a>.</p>
+
+<p>Pour mieux édifier les Parisiens, il leur faisait prendre des
+médailles d'étain, sur lesquelles était frappé le nom de Jésus, objet
+de sa dévotion particulière<a id="footnotetag1319" name="footnotetag1319"></a><a href="#footnote1319" title="Lien vers la note 1319"><span class="smaller">[1319]</span></a>.</p>
+
+<p>Ayant prêché dix fois en ville et une fois dans le village de
+Boulogne, le bon frère annonça qu'il s'en retournait en Bourgogne et
+prit congé des Parisiens.</p>
+
+<p>&mdash;Je prierai pour vous, dit-il, priez pour moi. <i>Amen</i>.</p>
+
+<p>Alors toutes gens, les grands et les petits, pleuraient amèrement et
+abondamment comme si chacun d'eux eût porté en terre son plus doux
+ami. Il pleura avec eux et consentit à retarder un peu son
+départ<a id="footnotetag1320" name="footnotetag1320"></a><a href="#footnote1320" title="Lien vers la note 1320"><span class="smaller">[1320]</span></a>.</p>
+
+<p>Le dimanche 1<sup>er</sup> mai, il devait parler pour la dernière fois au
+dévot peuple de Paris. Il avait donné rendez-vous à ses fidèles à
+Montmartre, au lieu même où monseigneur saint Denys avait souffert le
+martyre. La montagne était, par le malheur des temps, presque
+inhabitée. Dès la veille au soir, plus de six mille personnes s'y
+rendirent pour s'assurer d'une bonne place et passèrent la nuit, les
+uns dans des masures abandonnées, <span class="pagenum"><a id="page485" name="page485"></a>(p. 485)</span> le plus grand nombre dans
+les champs à la belle étoile. Le matin étant venu, ils ne virent point
+paraître frère Richard et l'attendirent en vain. Déçus et contristés,
+ils apprirent enfin que défense de prêcher avait été faite au bon
+frère<a id="footnotetag1321" name="footnotetag1321"></a><a href="#footnote1321" title="Lien vers la note 1321"><span class="smaller">[1321]</span></a>. Il n'avait rien dit dans ses sermons qui pût déplaire aux
+Anglais. Les habitants de Paris qui l'avaient entendu, le croyaient
+bon ami du régent et du duc de Bourgogne. Peut-être qu'il prit la
+fuite, ayant appris que la faculté de théologie voulait procéder
+contre lui. En effet, il professait des opinions singulières et
+dangereuses sur la fin du monde<a id="footnotetag1322" name="footnotetag1322"></a><a href="#footnote1322" title="Lien vers la note 1322"><span class="smaller">[1322]</span></a>.</p>
+
+<p>Frère Richard s'en fut à Auxerre. Et il alla prêchant par la Bourgogne
+et la Champagne. S'il était du parti du roi Charles il ne le laissa
+point paraître. Car, au mois de juin, les Champenois et spécialement
+les habitants de Châlons le considéraient comme un prud'homme attaché
+au duc de Bourgogne. Et nous avons vu que le 4 juillet il soupçonna la
+Pucelle d'être un diable ou une possédée<a id="footnotetag1323" name="footnotetag1323"></a><a href="#footnote1323" title="Lien vers la note 1323"><span class="smaller">[1323]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle ne s'y trompa pas. En voyant le bon frère se signer et jeter de
+l'eau bénite, elle comprit qu'il la prenait pour une chose horrible en
+manière de femme, <span class="pagenum"><a id="page486" name="page486"></a>(p. 486)</span> pour un fantôme formé par l'esprit du mal
+et à tout le moins pour une sorcière. Pourtant elle n'en fut pas
+offensée comme elle l'avait été des soupçons de messire Jean Fournier.
+À ce prêtre, qui l'avait entendue en confession, elle ne pardonnait
+pas de douter qu'elle fût bonne chrétienne<a id="footnotetag1324" name="footnotetag1324"></a><a href="#footnote1324" title="Lien vers la note 1324"><span class="smaller">[1324]</span></a>. Mais frère Richard
+ne la connaissait pas; il ne l'avait jamais vue. D'ailleurs elle
+s'habituait à ces façons. Le Connétable, frère Yves Milbeau, tant,
+d'autres qui venaient à elle lui demandaient si elle était de Dieu ou
+du diable<a id="footnotetag1325" name="footnotetag1325"></a><a href="#footnote1325" title="Lien vers la note 1325"><span class="smaller">[1325]</span></a>. Elle dit au bon prêcheur, sans colère, avec un peu de
+moquerie:</p>
+
+<p>&mdash;Approchez hardiment, je ne m'envolerai pas<a id="footnotetag1326" name="footnotetag1326"></a><a href="#footnote1326" title="Lien vers la note 1326"><span class="smaller">[1326]</span></a>.</p>
+
+<p>En même temps, frère Richard reconnaissait à l'épreuve de l'eau bénite
+et du signe de la croix que cette jeune fille n'était point un diable
+et qu'il n'y avait point de diable en elle. Et, comme elle se disait
+venue de Dieu, il la crut pleinement et la tint pour un ange du
+Seigneur<a id="footnotetag1327" name="footnotetag1327"></a><a href="#footnote1327" title="Lien vers la note 1327"><span class="smaller">[1327]</span></a>.</p>
+
+<p>Il lui confia la raison de sa venue<a id="footnotetag1328" name="footnotetag1328"></a><a href="#footnote1328" title="Lien vers la note 1328"><span class="smaller">[1328]</span></a>: Ceux de Troyes doutaient
+qu'elle fût chose de Dieu; il s'était rendu à Saint-Phal pour s'en
+éclaircir. Maintenant il savait qu'elle était chose de Dieu, et ce
+n'était pas pour l'étonner; il tenait comme certain que l'année 1430
+amènerait les plus grandes merveilles qu'on eût jamais <span class="pagenum"><a id="page487" name="page487"></a>(p. 487)</span> vues,
+et il s'attendait à rencontrer un jour ou l'autre le prophète Élie
+marchant et conversant parmi les vivants<a id="footnotetag1329" name="footnotetag1329"></a><a href="#footnote1329" title="Lien vers la note 1329"><span class="smaller">[1329]</span></a>. Dès ce moment, il
+s'attacha résolument au parti de la Pucelle et du dauphin. Il croyait
+le monde trop près de son terme pour s'intéresser au rétablissement du
+fils de l'Insensé dans son héritage; ce n'étaient pas les
+vaticinations de la Pucelle touchant le royaume de France qui
+l'attiraient vers cette sainte fille, mais il comptait que, après
+avoir établi la royauté de Jésus-Christ sur la terre des Lis, la
+prophétesse Jeanne et Charles, vicaire temporel de Jésus-Christ,
+conduiraient le peuple chrétien à la délivrance du Saint-Sépulcre,
+&oelig;uvre méritoire, qu'il convenait d'accomplir avant la consommation
+des siècles.</p>
+
+<p>Jeanne dicta une lettre par laquelle, se disant au service du Roi du
+ciel et parlant au nom de Dieu lui-même, elle mandait aux bourgeois et
+habitants de la ville de Troyes, en termes doux et pressants, de faire
+obéissance au roi Charles de France, et les avertissait que, bon gré
+mal gré, elle entrerait avec le roi dans toutes les villes du saint
+royaume et ferait bonne paix.</p>
+
+<p>Voici cette lettre<a id="footnotetag1330" name="footnotetag1330"></a><a href="#footnote1330" title="Lien vers la note 1330"><span class="smaller">[1330]</span></a>:</p>
+
+<div class="quote">
+<p class="center">JHESUS &#10013; MARIA</p>
+
+<p>Très chiers et bons amis, s'il ne tient à vous, seigneurs,
+ bourgeois et habitans de la ville de Troies, Jehanne la <span class="pagenum"><a id="page488" name="page488"></a>(p. 488)</span>
+ Pucelle vous mande et fait sçavoir de par le roy du Ciel, son
+ droitturier et souverain seigneur, duquel elle est chascun jour
+ en son service roial, que vous fassiés vraye obéissance et
+ recongnoissance au gentil roy de France quy sera bien brief à
+ Reins et à Paris, quy que vienne contre, et en ses bonnes villes
+ du sainct royaume, à l'ayde du roy Jhesus. Loiaulx François,
+ venés au devant du roy Charles et qu'il n'y ait point de faulte;
+ et ne vous doubtés de voz corps ne de voz biens, se ainsi le
+ faictes. Et se ainsi ne le faictes, je vous promectz et certiffie
+ sur voz vies que nous entrerons à l'ayde de Dieu en toultes les
+ villes quy doibvent estre du sainct royaulme, et y ferons bonne
+ paix fermes, quy que vienne contre. À Dieu vous commant, Dieu
+ soit garde de vous, s'il luy plaist. Responce brief. Devant la
+ cité de Troyes, escrit à Saint-Fale, le mardi quatriesme jour de
+ juillet<a id="footnotetag1331" name="footnotetag1331"></a><a href="#footnote1331" title="Lien vers la note 1331"><span class="smaller">[1331]</span></a>.</p>
+</div>
+
+<p>Au dos:</p>
+
+<p class="quote">Aux seigneurs, bourgeois de la cité de Troyes.</p>
+
+<p>La Pucelle remit cette lettre au frère Richard, qui se chargea de la
+porter aux habitants<a id="footnotetag1332" name="footnotetag1332"></a><a href="#footnote1332" title="Lien vers la note 1332"><span class="smaller">[1332]</span></a>.</p>
+
+<p>De Saint-Phal, suivant la voie romaine, l'armée s'avança vers
+Troyes<a id="footnotetag1333" name="footnotetag1333"></a><a href="#footnote1333" title="Lien vers la note 1333"><span class="smaller">[1333]</span></a>. À cette nouvelle, le Conseil de la ville s'assembla le
+mardi 5, de bon matin, et envoya aux habitants de Reims une missive
+dont voici le sens:</p>
+
+<p>«Nous attendons aujourd'hui les ennemis du roi Henri et du duc de
+Bourgogne pour être assiégés par <span class="pagenum"><a id="page489" name="page489"></a>(p. 489)</span> eux. À l'entreprise de ces
+ennemis, quelque puissance qu'ils aient, vu et considéré la juste
+querelle que nous tenons et les secours de nos princes qui nous ont
+été promis, nous sommes délibérés de nous garder de bien en mieux en
+l'obéissance du roi Henri et du duc de Bourgogne, jusques à la mort,
+comme nous avons juré sur le précieux corps de Notre-Seigneur
+Jésus-Christ, priant les habitants de Reims d'avoir souci de nous,
+comme frères et loyaux amis, et d'envoyer par devers monseigneur le
+Régent et le duc de Bourgogne, pour les requérir et supplier de
+prendre pitié de leurs pauvres sujets et de les venir secourir<a id="footnotetag1334" name="footnotetag1334"></a><a href="#footnote1334" title="Lien vers la note 1334"><span class="smaller">[1334]</span></a>.»</p>
+
+<p>Ce même jour, de Brinion-l'Archevêque où il avait pris logis, le roi
+Charles fit porter dès le matin, par ses hérauts, aux membres du
+Conseil de la ville de Troyes, des lettres closes, signées de sa main
+et scellées de son sceau, par lesquelles il leur faisait savoir que,
+sur l'avis de son Conseil, il avait entrepris d'aller à Reims pour y
+recevoir son sacre, que son intention était d'entrer le lendemain dans
+la cité de Troyes et qu'à cette fin il leur mandait et commandait de
+lui rendre l'obéissance qu'ils lui devaient et de se disposer à le
+recevoir. Il s'efforçait prudemment de les rassurer sur ses
+intentions, qui n'étaient point de tirer vengeance des choses passées.
+Il n'en avait point la volonté, disait-il; mais qu'ils se
+gouvernassent envers leur souverain <span class="pagenum"><a id="page490" name="page490"></a>(p. 490)</span> comme ils devaient, il
+mettrait tout en oubli et les tiendrait en sa bonne grâce<a id="footnotetag1335" name="footnotetag1335"></a><a href="#footnote1335" title="Lien vers la note 1335"><span class="smaller">[1335]</span></a>.</p>
+
+<p>Le Conseil refusa aux hérauts du roi Charles l'entrée de la ville,
+mais il reçut les lettres, les lut, en délibéra et fit connaître aux
+hérauts la délibération prise, dont voici la substance:</p>
+
+<p>«Les seigneurs chevaliers et écuyers qui sont en la ville, de par le
+roi Henri et le duc de Bourgogne, ont avec nous, habitants de Troyes,
+juré de ne faire entrer dans notre ville plus fort que nous, sans
+l'exprès commandement du duc de Bourgogne. Eu égard à leur serment,
+ceux qui sont dans la ville n'oseraient y mettre le roi Charles.»</p>
+
+<p>Et les conseillers ajoutèrent pour leur excuse:</p>
+
+<p>«Quelque vouloir que nous ayons, nous, habitants, il nous faut
+regarder aux hommes de guerre qui sont dans la ville, plus forts que
+nous.»</p>
+
+<p>Les conseillers firent afficher la lettre du roi Charles et,
+au-dessous, leur réponse<a id="footnotetag1336" name="footnotetag1336"></a><a href="#footnote1336" title="Lien vers la note 1336"><span class="smaller">[1336]</span></a>.</p>
+
+<p>Ils lurent en Conseil la lettre que la Pucelle avait dictée de
+Saint-Phal et remise au frère Richard. Le religieux n'avait pas
+préparé ces bourgeois à la recevoir favorablement, car ils en rirent
+beaucoup.</p>
+
+<p>&mdash;Il n'y a, dirent-ils, à cette lettre ni rime ni raison. Ce n'est que
+moquerie<a id="footnotetag1337" name="footnotetag1337"></a><a href="#footnote1337" title="Lien vers la note 1337"><span class="smaller">[1337]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page491" name="page491"></a>(p. 491)</span> Ils la jetèrent au feu sans y faire de réponse. Ils disaient
+de Jeanne qu'elle était cocarde<a id="footnotetag1338" name="footnotetag1338"></a><a href="#footnote1338" title="Lien vers la note 1338"><span class="smaller">[1338]</span></a>, c'est-à-dire toute niaise. Et
+ils ajoutaient:</p>
+
+<p>&mdash;Nous la certifions être une folle pleine du diable<a id="footnotetag1339" name="footnotetag1339"></a><a href="#footnote1339" title="Lien vers la note 1339"><span class="smaller">[1339]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce même jour, à neuf heures du matin, l'armée commença de passer le
+long des murs et à prendre logis autour de la ville<a id="footnotetag1340" name="footnotetag1340"></a><a href="#footnote1340" title="Lien vers la note 1340"><span class="smaller">[1340]</span></a>.</p>
+
+<p>Ceux qui campèrent au sud-ouest, vers les Hauts-Clos, purent admirer
+la cité qui dressait au milieu d'une vaste plaine ses longues
+murailles, ses portes guerrières, ses hautes tours et son beffroi. Ils
+voyaient à leur droite l'église de Saint-Pierre dont l'ample vaisseau,
+sans flèches ni tours, s'élevait au-dessus des toits<a id="footnotetag1341" name="footnotetag1341"></a><a href="#footnote1341" title="Lien vers la note 1341"><span class="smaller">[1341]</span></a>. C'est là
+que huit ans auparavant avaient été célébrées les fiançailles du roi
+Henri V d'Angleterre avec madame Catherine de France. Car, en cette
+ville de Troyes, la reine Ysabeau et le duc Jean avaient fait signer
+au roi Charles VI, privé de sens et de mémoire, l'abandon du royaume
+des Lis au roi d'Angleterre et la déchéance de Charles de Valois.
+Madame Ysabeau avait assisté aux fiançailles de sa fille, vêtue d'une
+robe <span class="pagenum"><a id="page492" name="page492"></a>(p. 492)</span> de damas de soie bleue et d'une houppelande de velours
+noir fourrée de quinze cents ventres de menu vair, après quoi elle
+avait fait venir, pour se distraire, ses oiseaux chanteurs,
+chardonnerets, pinsons, tarins et linots<a id="footnotetag1342" name="footnotetag1342"></a><a href="#footnote1342" title="Lien vers la note 1342"><span class="smaller">[1342]</span></a>.</p>
+
+<p>À l'arrivée des Français, la plupart des habitants étaient sur les
+murs, regardant, moins en ennemis qu'en curieux, et semblaient ne rien
+craindre; ils cherchaient surtout à voir le roi<a id="footnotetag1343" name="footnotetag1343"></a><a href="#footnote1343" title="Lien vers la note 1343"><span class="smaller">[1343]</span></a>.</p>
+
+<p>La ville était forte; le duc de Bourgogne pourvoyait depuis longtemps
+à ce qu'elle fût en état de défense. En 1417 et 1419 ceux de Troyes,
+comme en 1428 ceux d'Orléans, avaient rasé leurs faubourgs et démoli
+toutes les maisons situées hors de la ville à deux ou trois cents pas
+des remparts. L'arsenal était pourvu; les magasins regorgeaient de
+vivres, mais la garnison anglo-bourguignonne ne se composait que de
+trois cent cinquante à quatre cents hommes<a id="footnotetag1344" name="footnotetag1344"></a><a href="#footnote1344" title="Lien vers la note 1344"><span class="smaller">[1344]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce même jour encore, à cinq heures de l'après-midi, les conseillers de
+la ville de Troyes mandèrent aux habitants de Reims l'arrivée des
+Armagnacs, leur envoyèrent copie de la lettre de Charles de Valois, de
+<span class="pagenum"><a id="page493" name="page493"></a>(p. 493)</span> la réponse qu'ils y avaient faite et de la lettre de la
+Pucelle, qu'ils n'avaient donc pas brûlée tout de suite; et leur
+firent part de la résolution où ils étaient de résister jusqu'à la
+mort, au cas où ils fussent secourus.</p>
+
+<p>Ils écrivirent semblablement aux habitants de Châlons pour les aviser
+de la venue du dauphin, et ils leur firent connaître que la lettre de
+Jeanne la Pucelle avait été portée à Troyes par frère Richard le
+prêcheur<a id="footnotetag1345" name="footnotetag1345"></a><a href="#footnote1345" title="Lien vers la note 1345"><span class="smaller">[1345]</span></a>.</p>
+
+<p>Ces écritures revenaient à dire: Comme tout bourgeois en pareille
+occurrence, nous risquons d'être pendus par les Bourguignons et par
+les Armagnacs, de quoi nous aurions grand regret. Pour conjurer autant
+que possible cette disgrâce, nous donnons à entendre au roi Charles de
+Valois, que nous ne lui ouvrons pas nos portes, parce que la garnison
+nous en empêche, et que nous sommes les plus faibles, ce qui est vrai.
+Et nous faisons connaître à nos seigneurs le Régent et le duc de
+Bourgogne que, la garnison étant trop faible pour nous garder, ce qui
+est vrai, nous demandons à être secourus, ce qui est loyal, et nous
+comptons bien ne pas l'être, car alors il nous faudrait subir un siège
+et risquer d'être pris d'assaut, ce qui est une cruelle extrémité pour
+des marchands. Mais ayant demandé à être secourus et ne l'étant pas,
+nous nous rendrons sans encourir de reproche. Le point important est
+de faire déguerpir la garnison, heureusement <span class="pagenum"><a id="page494" name="page494"></a>(p. 494)</span> petite. Quatre
+cents hommes, c'est peu pour nous défendre, c'est trop pour nous
+rendre. Quant à charger les habitants de la ville de Reims de demander
+secours pour eux et pour nous, c'est montrer à notre seigneur de
+Bourgogne notre bonne volonté et nous n'y risquons rien, car nous
+savons de reste que nos compères les Rémois s'arrangent comme nous
+pour demander aide et n'en point recevoir, et qu'ils guettent le
+moment d'ouvrir leurs portes au roi Charles, qui a une forte armée. Et
+pour tout dire, nous résisterons jusqu'à la mort si nous sommes
+secourus, ce qu'à Dieu ne plaise!</p>
+
+<p>Ainsi pensaient finement ces âmes champenoises.</p>
+
+<p>Les bourgeois tirèrent quelques boulets de pierre sur les Français; la
+garnison escarmoucha quelque peu et rentra dans la ville<a id="footnotetag1346" name="footnotetag1346"></a><a href="#footnote1346" title="Lien vers la note 1346"><span class="smaller">[1346]</span></a>.</p>
+
+<p>Cependant l'armée du roi Charles criait famine<a id="footnotetag1347" name="footnotetag1347"></a><a href="#footnote1347" title="Lien vers la note 1347"><span class="smaller">[1347]</span></a>. Le conseil qu'on
+avait reçu du seigneur archevêque d'Embrun de pourvoir aux vivres par
+les moyens de la prudence humaine était plus facile à donner qu'à
+suivre. Il y rivait dans le camp bien six à sept mille hommes qui de
+huit jours n'avaient mangé de pain. Les gens d'armes se nourrissaient,
+vaille que vaille, d'épis de blé pilés encore verts et de fèves
+nouvelles qu'ils trouvaient <span class="pagenum"><a id="page495" name="page495"></a>(p. 495)</span> en abondance. On se rappela
+alors que, durant le carême de la Saint-Martin, frère Richard avait
+dit aux gens de Troyes: «Semez des fèves largement: Celui qui doit
+venir viendra bientôt.» Ce que le bon frère avait dit des semailles au
+sens spirituel fut pris au sens littéral; par un beau coq-à-l'âne, ce
+qui s'entendait de la venue du Messie fut appliqué à la venue du roi
+Charles. Frère Richard passa pour le prophète des Armagnacs et les
+gens d'armes crurent de bonne foi que ce prêcheur évangélique avait
+fait pousser les fèves qu'ils cueillaient et pourvu à leur nourriture
+par sa prud'homie, sagesse et pénétration dans les conseils du Dieu
+qui donna dans le désert la manne au peuple d'Israël<a id="footnotetag1348" name="footnotetag1348"></a><a href="#footnote1348" title="Lien vers la note 1348"><span class="smaller">[1348]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi, qui logeait à Brinion depuis le 4 juillet, arriva devant
+Troyes, après dîner, le vendredi 8<a id="footnotetag1349" name="footnotetag1349"></a><a href="#footnote1349" title="Lien vers la note 1349"><span class="smaller">[1349]</span></a>. Ce jour même il tint conseil
+avec les chefs de guerre et les princes du sang royal pour aviser si
+l'on resterait devant la ville jusqu'à ce qu'on obtînt, soit par
+promesses, soit par menaces, qu'elle se soumît, ou si l'on passerait
+outre, la laissant de côté comme Auxerre<a id="footnotetag1350" name="footnotetag1350"></a><a href="#footnote1350" title="Lien vers la note 1350"><span class="smaller">[1350]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page496" name="page496"></a>(p. 496)</span> La discussion avait beaucoup duré quand la Pucelle survint et
+prophétisa:</p>
+
+<p>&mdash;Gentil dauphin, dit-elle, ordonnez à vos gens d'assaillir la ville
+de Troyes et ne durez pas davantage en de trop longs conseils, car, en
+nom de Dieu, avant trois jours, je vous ferai entrer dans la ville,
+qui sera vôtre par amour ou par puissance et courage. Et en sera la
+fausse Bourgogne bien sotte<a id="footnotetag1351" name="footnotetag1351"></a><a href="#footnote1351" title="Lien vers la note 1351"><span class="smaller">[1351]</span></a>.</p>
+
+<p>Pourquoi, contre l'habitude, l'avait-on appelée au Conseil? Il
+s'agissait de tirer quelques coups de canon et de faire mine
+d'escalader les murs, de donner enfin un semblant d'assaut. On le
+devait bien aux habitants de Troyes, à ces bourgeois, à ces gens
+d'Église, qui ne pouvaient décemment céder qu'à la force; et il
+fallait effrayer le menu peuple qui restait Bourguignon de c&oelig;ur.
+Probablement le seigneur de Trèves ou quelque autre jugeait que la
+petite sainte, en se montrant sous les remparts, inspirerait aux
+ouvriers tisseurs de Troyes une terreur religieuse.</p>
+
+<p>On n'eut qu'à la laisser faire. Au sortir du Conseil, elle monta à
+cheval et, sa lance à la main, courut aux fossés, suivie d'une foule
+de chevaliers, d'écuyers et d'artisans<a id="footnotetag1352" name="footnotetag1352"></a><a href="#footnote1352" title="Lien vers la note 1352"><span class="smaller">[1352]</span></a>. L'attaque fut préparée
+contre le mur du nord-ouest, <span class="pagenum"><a id="page497" name="page497"></a>(p. 497)</span> entre la porte de la Madeleine
+et celle de Comporté<a id="footnotetag1353" name="footnotetag1353"></a><a href="#footnote1353" title="Lien vers la note 1353"><span class="smaller">[1353]</span></a>. Jeanne, qui croyait fermement que par elle
+la ville serait prise, excita toute la nuit les gens à apporter des
+fagots et à mettre l'artillerie en place. Elle criait: «À l'assaut!»
+et faisait le geste de jeter des fascines dans les fossés<a id="footnotetag1354" name="footnotetag1354"></a><a href="#footnote1354" title="Lien vers la note 1354"><span class="smaller">[1354]</span></a>.</p>
+
+<p>Cette menace produisit l'effet attendu. Les gens de petit état, voyant
+déjà la ville prise et s'attendant à ce que les Français vinssent
+piller, massacrer, violer, selon l'usage, se réfugièrent dans les
+églises. Quant aux clercs et aux notables, ils n'en demandèrent pas
+davantage<a id="footnotetag1355" name="footnotetag1355"></a><a href="#footnote1355" title="Lien vers la note 1355"><span class="smaller">[1355]</span></a>.</p>
+
+<p>Charles de Valois ayant fait savoir qu'on pouvait aller à lui en toute
+sûreté, le seigneur évêque Jean Laiguisé, messire Guillaume
+Andouillette, maître de l'Hôtel-Dieu, le doyen du chapitre, les
+membres du clergé, les notables, se rendirent auprès du roi<a id="footnotetag1356" name="footnotetag1356"></a><a href="#footnote1356" title="Lien vers la note 1356"><span class="smaller">[1356]</span></a>.</p>
+
+<p>Jean Laiguisé prit la parole. Il venait faire la révérence au roi et
+avait à c&oelig;ur d'excuser ceux de la ville.</p>
+
+<p>&mdash;Il ne tient pas à eux, dit-il, que le roi n'y entre à son bon
+plaisir. Le bailli et les gens de la garnison, qui sont bien de trois
+à quatre cents, gardent les portes <span class="pagenum"><a id="page498" name="page498"></a>(p. 498)</span> et s'opposent à ce qu'on
+les ouvre. Qu'il plaise au roi d'avoir patience jusqu'à ce que j'aie
+parlé à ceux de la ville. J'espère qu'aussitôt que je leur aurai
+parlé, ils donneront l'entrée et feront obéissance en sorte que le roi
+sera content d'eux<a id="footnotetag1357" name="footnotetag1357"></a><a href="#footnote1357" title="Lien vers la note 1357"><span class="smaller">[1357]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi, répondant à l'évêque, lui exposa les raisons de son voyage et
+les droits qu'il avait sur la ville de Troyes.</p>
+
+<p>&mdash;Je pardonnerai sans réserve, ajouta-t-il, tout ce qui fut fait au
+temps passé. Je tiendrai les habitants de Troyes en paix et franchise,
+à l'exemple du roi saint Louis<a id="footnotetag1358" name="footnotetag1358"></a><a href="#footnote1358" title="Lien vers la note 1358"><span class="smaller">[1358]</span></a>.</p>
+
+<p>Jean Laiguisé demanda que les gens d'église qui avaient régales ou
+collations du feu roi Charles VI les gardassent et que ceux qui les
+avaient du roi Henri d'Angleterre prissent lettres du roi Charles et
+qu'ils gardassent leurs bénéfices, au cas même où le roi en eût fait
+collation à d'autres.</p>
+
+<p>Le roi y consentit, et le seigneur évêque crut voir un nouveau Cyrus.</p>
+
+<p>Il rapporta ce colloque au Conseil de la ville qui délibéra et conclut
+de rendre obéissance au roi, attendu son bon droit et moyennant qu'il
+ferait absolution générale de tous les cas, ne laisserait point de
+garnison et abolirait les aides, excepté la gabelle<a id="footnotetag1359" name="footnotetag1359"></a><a href="#footnote1359" title="Lien vers la note 1359"><span class="smaller">[1359]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page499" name="page499"></a>(p. 499)</span> Sur quoi, le Conseil fit connaître, par lettres, cette
+résolution aux habitants de Reims en les exhortant à en prendre une
+semblable.</p>
+
+<p>«Ainsi, dirent-ils, nous aurons même seigneur; vous préserverez vos
+corps et vos biens, comme nous avons fait. Car autrement nous étions
+perdus. Nous ne regrettons point notre soumission. Il nous déplaît
+seulement d'avoir tant tardé. Vous serez joyeux de faire de même,
+d'autant que le roi Charles est le prince de la plus grande
+discrétion, entendement et vaillance qui de longtemps soit sorti de la
+noble maison de France<a id="footnotetag1360" name="footnotetag1360"></a><a href="#footnote1360" title="Lien vers la note 1360"><span class="smaller">[1360]</span></a>.»</p>
+
+<p>Frère Richard s'en fut trouver la Pucelle. Sitôt qu'il l'aperçut, et
+de fort loin, il s'agenouilla devant elle. Quand elle le vit, elle
+s'agenouilla pareillement devant lui, et ils se firent grande
+révérence. Rentré dans la ville, le bon frère prêcha abondamment le
+peuple et l'exhorta à se mettre en l'obéissance du roi Charles.</p>
+
+<p>&mdash;Dieu, dit-il, avise à son succès. Il lui a donné pour l'accompagner
+et conduire à son sacre une sainte Pucelle qui, comme je le crois
+fermement, a autant de puissance à pénétrer les secrets de Dieu,
+qu'aucun saint du Paradis, excepté saint Jean l'Évangéliste<a id="footnotetag1361" name="footnotetag1361"></a><a href="#footnote1361" title="Lien vers la note 1361"><span class="smaller">[1361]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page500" name="page500"></a>(p. 500)</span> C'était le moins que le bon frère laissât au-dessus de la
+Pucelle le premier des saints, l'apôtre qui avait reposé sa tête sur
+la poitrine de Jésus, le prophète qui devait revenir sur la terre, à
+la consommation des siècles, avant peu.</p>
+
+<p>&mdash;Si elle voulait, disait encore frère Richard, elle pourrait faire
+entrer tous les gens d'armes du roi par-dessus les murs, et comme il
+lui plairait. Elle peut beaucoup d'autres choses encore.</p>
+
+<p>Ceux de la ville avaient grande foi et confiance en ce bon père qui
+parlait bien. Ce qu'il disait de la Pucelle leur parut admirable et
+les tourna à l'obéissance d'un roi si bien accompagné. Ils crièrent
+tous d'une voix<a id="footnotetag1362" name="footnotetag1362"></a><a href="#footnote1362" title="Lien vers la note 1362"><span class="smaller">[1362]</span></a>:</p>
+
+<p>&mdash;Vive le roi Charles de France!</p>
+
+<p>Il fallait maintenant traiter avec le bailli, qui n'était pas
+intraitable, puisqu'il avait souffert cette allée et venue de la ville
+au camp et du camp à la ville, et trouver un moyen honnête de se
+débarrasser de la garnison. À cet effet, précédée du seigneur évêque,
+la commune alla très nombreuse vers le bailli et les capitaines et les
+somma de mettre la ville en sûreté<a id="footnotetag1363" name="footnotetag1363"></a><a href="#footnote1363" title="Lien vers la note 1363"><span class="smaller">[1363]</span></a>. Ce dont ils étaient bien
+incapables, car de délivrer une ville qui ne voulait pas être délivrée
+et de chasser trente mille Français, ils ne le pouvaient vraiment
+faire.</p>
+
+<p>Comme les habitants l'avaient prévu, le bailli se <span class="pagenum"><a id="page501" name="page501"></a>(p. 501)</span> trouvait
+dans un grand embarras. Ce que voyant, les conseillers de la ville lui
+dirent:</p>
+
+<p>&mdash;Si vous ne voulez tenir le traité que vous avez fait pour le bien
+public, nous mettrons les gens du roi dans la ville, que vous le
+veuillez ou non.</p>
+
+<p>Le bailli et les capitaines se refusèrent à trahir les Anglais et les
+Bourguignons qu'ils servaient, mais ils consentirent à s'en aller.
+C'est tout ce qu'on leur demandait<a id="footnotetag1364" name="footnotetag1364"></a><a href="#footnote1364" title="Lien vers la note 1364"><span class="smaller">[1364]</span></a>.</p>
+
+<p>La ville ouvrit ses portes au roi Charles. Le dimanche 10 juillet de
+très bon matin, la Pucelle entra la première dans Troyes, avec les
+communes dont elle était aimée si chèrement. Frère Richard
+l'accompagnait. Elle mit les gens de trait le long des rues que devait
+suivre le cortège, afin que le roi de France traversât la ville entre
+une double haie de ces piétons qui l'avaient suivi et grandement
+aidé<a id="footnotetag1365" name="footnotetag1365"></a><a href="#footnote1365" title="Lien vers la note 1365"><span class="smaller">[1365]</span></a>.</p>
+
+<p>Tandis que Charles de Valois entrait par une porte la garnison
+bourguignonne sortait par une autre<a id="footnotetag1366" name="footnotetag1366"></a><a href="#footnote1366" title="Lien vers la note 1366"><span class="smaller">[1366]</span></a>. Comme il avait été convenu,
+les gens du roi Henri et du duc Philippe emportaient leurs armes et
+leurs biens. Or, dans leurs biens, ils comprenaient les prisonniers du
+parti français, qu'ils avaient reçus à rançon. <span class="pagenum"><a id="page502" name="page502"></a>(p. 502)</span> Ils n'avaient
+pas tout à fait tort, semble-t-il, selon les usages et coutumes de la
+guerre, mais c'était pitié de voir ces gens du roi Charles emmenés
+ainsi captifs à la venue de leur seigneur. La Pucelle en fut avertie
+et son bon c&oelig;ur s'émut. Elle courut à la porte de la ville où déjà
+les gens de guerre étaient réunis avec armes et bagages. Elle y trouva
+les seigneurs de Rochefort et Philibert de Moslant, les interpella,
+leur cria de laisser les gens du dauphin. Les capitaines n'entendaient
+pas de cette oreille-là.</p>
+
+<p>&mdash;C'est fraude et malice, lui dirent-ils, de venir ainsi contre le
+traité.</p>
+
+<p>Cependant les prisonniers priaient à genoux la sainte de les garder.</p>
+
+<p>&mdash;En nom Dieu, s'écria-t-elle, ils ne partiront pas<a id="footnotetag1367" name="footnotetag1367"></a><a href="#footnote1367" title="Lien vers la note 1367"><span class="smaller">[1367]</span></a>.</p>
+
+<p>Durant cette altercation, un écuyer bourguignon faisait à part lui sur
+la Pucelle des Armagnacs des réflexions qu'il révéla par la suite.
+«C'est par ma foi, songeait-il, la plus simple chose que je vis
+oncques. En son fait il n'y a ni rime ni raison, non plus qu'en le
+plus sot que je vis oncques. Je ne la compare pas à si vaillante femme
+comme madame d'Or, et les Bourguignons ne font que se moquer de ceux
+qui ont peur d'elle<a id="footnotetag1368" name="footnotetag1368"></a><a href="#footnote1368" title="Lien vers la note 1368"><span class="smaller">[1368]</span></a>.»</p>
+
+<p>Pour entendre la finesse de cette plaisanterie il faut <span class="pagenum"><a id="page503" name="page503"></a>(p. 503)</span>
+savoir que madame d'Or, haute comme une botte, tenait l'emploi de
+sotte auprès de monseigneur Philippe<a id="footnotetag1369" name="footnotetag1369"></a><a href="#footnote1369" title="Lien vers la note 1369"><span class="smaller">[1369]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle ne put s'entendre, au sujet des prisonniers, avec les
+seigneurs de Rochefort et de Moslant. Ils avaient pour eux le droit de
+la guerre. Elle n'avait pour elle que les raisons de son bon c&oelig;ur.
+Ce débat parut fort plaisant aux gens d'armes des deux obéissances.
+Quand il en fut instruit, le roi Charles sourit et dit que, pour
+appointer les parties, il payerait la rançon des prisonniers, qui fut
+fixée à un marc d'argent par tête. Les Bourguignons, en recevant cette
+somme, louèrent fort le roi de France de ses grandes manières<a id="footnotetag1370" name="footnotetag1370"></a><a href="#footnote1370" title="Lien vers la note 1370"><span class="smaller">[1370]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce même jour de dimanche, environ neuf heures du matin, le roi Charles
+fit son entrée. Il avait revêtu ses habits de fête, éclatants de
+velours, d'or et de pierreries; le duc d'Alençon et la Pucelle, tenant
+sa bannière à la main, chevauchaient à ses côtés; il était suivi de
+toute sa chevalerie. Les habitants allumèrent des feux de joie et
+dansèrent des rondes; les petits enfants crièrent: «Noël!» frère
+Richard prêcha<a id="footnotetag1371" name="footnotetag1371"></a><a href="#footnote1371" title="Lien vers la note 1371"><span class="smaller">[1371]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page504" name="page504"></a>(p. 504)</span> La Pucelle fit ses dévotions dans les églises. En une de ces
+églises elle tint un enfant sur les fonts du baptême. On lui demandait
+souvent, comme à une princesse ou à une sainte femme, d'être marraine
+d'enfants qu'elle ne connaissait pas et qu'elle ne devait jamais
+revoir. Elle donnait de préférence aux garçons le nom de Charles, pour
+l'honneur de son roi, et aux filles son nom de Jeanne. Elle nommait
+parfois aussi ses filleuls comme les mères voulaient<a id="footnotetag1372" name="footnotetag1372"></a><a href="#footnote1372" title="Lien vers la note 1372"><span class="smaller">[1372]</span></a>.</p>
+
+<p>Le lendemain, 11 juillet, l'armée, qui était restée aux champs sous le
+commandement de messire Ambroise de Loré, traversa la ville. L'entrée
+des gens d'armes était un fléau aussi redouté des bourgeois que la
+peste noire<a id="footnotetag1373" name="footnotetag1373"></a><a href="#footnote1373" title="Lien vers la note 1373"><span class="smaller">[1373]</span></a>. Le roi Charles, qui traitait les habitants de
+Troyes avec d'extrêmes ménagements, prit soin de contenir le fléau.
+Par son commandement, les hérauts crièrent que nul ne fût si hardi,
+sous peine de la hart, d'entrer dans les maisons et de rien prendre
+contre le gré et la volonté de ceux de la ville<a id="footnotetag1374" name="footnotetag1374"></a><a href="#footnote1374" title="Lien vers la note 1374"><span class="smaller">[1374]</span></a>.</p>
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page505" name="page505"></a>(p. 505)</span> CHAPITRE XVIII<br>
+
+<span class="smaller">LA CAPITULATION DE CHÂLONS ET DE REIMS. &mdash; LE SACRE.</span></h2>
+
+
+<p>Au sortir de Troyes, l'armée royale s'engagea dans la Champagne
+pouilleuse, traversa l'Aube vers Arcis et prit son logis dans Lettrée,
+à cinq lieues de Châlons. De Lettrée, le roi envoya son héraut
+Montjoie à ceux de Châlons pour leur demander de le recevoir et de lui
+rendre pleine obéissance<a id="footnotetag1375" name="footnotetag1375"></a><a href="#footnote1375" title="Lien vers la note 1375"><span class="smaller">[1375]</span></a>.</p>
+
+<p>Les villes de Champagne se tenaient comme les doigts de la main. Quand
+le dauphin était encore à Brinion-l'Archevêque, les habitants de
+Châlons en avaient été instruits par leurs amis de Troyes. Ceux-ci les
+avaient même avertis que frère Richard, le prêcheur, leur avait porté
+une lettre de Jeanne la Pucelle. Sur <span class="pagenum"><a id="page506" name="page506"></a>(p. 506)</span> quoi ceux de Châlons
+écrivirent aux habitants de Reims:</p>
+
+<p>«Nous avons été fort ébahis du frère Richard. Nous pensions que ce fût
+un très bon prud'homme. Mais il est devenu sorcier. Nous vous mandons
+que les habitants de Troyes font forte guerre aux gens du dauphin.
+Nous avons intention de résister de toute notre puissance à ces
+ennemis<a id="footnotetag1376" name="footnotetag1376"></a><a href="#footnote1376" title="Lien vers la note 1376"><span class="smaller">[1376]</span></a>.»</p>
+
+<p>Ils ne pensaient pas un mot de ce qu'ils écrivaient et ils savaient
+que ceux de Reims n'en croyaient rien. Mais il importait de montrer
+une grande loyauté au duc de Bourgogne avant de recevoir un autre
+maître.</p>
+
+<p>L'évêque comte de Châlons vint à Lettrée au-devant du roi, et lui
+remit les clés de la ville. C'était Jean de Montbéliard-Sarrebrück,
+des sires de Commercy<a id="footnotetag1377" name="footnotetag1377"></a><a href="#footnote1377" title="Lien vers la note 1377"><span class="smaller">[1377]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 14 juillet, le roi entra avec son armée dans la ville de
+Châlons<a id="footnotetag1378" name="footnotetag1378"></a><a href="#footnote1378" title="Lien vers la note 1378"><span class="smaller">[1378]</span></a>. La Pucelle y trouva quatre ou cinq paysans de son
+village, qui venaient la voir, entre autres Jean Morel, un de ses
+parrains. Laboureur de son état, âgé de quarante-trois ans environ, il
+s'était <span class="pagenum"><a id="page507" name="page507"></a>(p. 507)</span> enfui avec la famille d'Arc à Neufchâteau, au
+passage des gens de guerre. Jeanne lui donna une robe rouge, qu'elle
+avait portée<a id="footnotetag1379" name="footnotetag1379"></a><a href="#footnote1379" title="Lien vers la note 1379"><span class="smaller">[1379]</span></a>. Elle vit aussi à Châlons un autre laboureur plus
+jeune que Morel d'une dizaine d'années, Gérardin d'Épinal, qu'elle
+appelait son compère, comme elle appelait Isabellette, femme de
+Gérardin, sa commère, pour la raison qu'elle avait tenu sur les fonts
+leur fils Nicolas et qu'une marraine est une mère en esprit. Au
+village, Jeanne se défiait de Gérardin, qui était Bourguignon; à
+Châlons, elle lui montra plus de confiance et, l'entretenant des
+progrès de l'armée, lui dit qu'elle ne craignait rien hors la
+trahison<a id="footnotetag1380" name="footnotetag1380"></a><a href="#footnote1380" title="Lien vers la note 1380"><span class="smaller">[1380]</span></a>. Elle avait déjà de sombres pressentiments; sans doute
+elle sentait que désormais la candeur de son âme et la simplicité de
+sa pensée étaient trop rudement combattues par la malice des hommes et
+les forces confuses des choses; déjà monseigneur saint Michel, madame
+sainte Catherine et madame sainte Marguerite ne lui parlaient plus
+avec autant de clarté que devant, faute de pénétrer dans les
+chancelleries de France et de Bourgogne, qui n'étaient pas choses du
+ciel.</p>
+
+<p>Ceux de Châlons, à l'exemple de leurs amis de Troyes, écrivirent aux
+habitants de Reims qu'ils avaient reçu le roi de France et qu'ils leur
+conseillaient de faire de même. En cette lettre, ils disaient qu'ils
+avaient trouvé le roi Charles doux, gracieux, pitoyable et
+miséricordieux; <span class="pagenum"><a id="page508" name="page508"></a>(p. 508)</span> et, dans le fait, ce roi prenait en douceur
+ses villes de Champagne. Ceux de Châlons ajoutaient qu'il était de
+haut entendement, beau de sa personne et de beau maintien<a id="footnotetag1381" name="footnotetag1381"></a><a href="#footnote1381" title="Lien vers la note 1381"><span class="smaller">[1381]</span></a>.
+C'était beaucoup dire.</p>
+
+<p>Les habitants de Reims se comportaient avec prudence. À la venue du
+roi de France, en même temps qu'ils lui envoyaient des messagers pour
+l'avertir que les portes de la ville lui seraient ouvertes, ils
+donnaient avis à leur seigneur le duc Philippe, ainsi qu'aux chefs
+anglais et bourguignons, des progrès de l'armée royale, selon ce
+qu'ils en pouvaient savoir, et ils leur mandaient de fermer le passage
+aux ennemis<a id="footnotetag1382" name="footnotetag1382"></a><a href="#footnote1382" title="Lien vers la note 1382"><span class="smaller">[1382]</span></a>. Mais ils n'étaient pas pressés d'obtenir des
+secours pour la défense de leur ville, comptant que, s'ils n'en
+recevaient pas, ils se rendraient au roi Charles sans encourir aucun
+blâme des Bourguignons, et qu'ainsi ils n'auraient rien à craindre de
+l'un et l'autre parti. Pour l'heure, ils gardaient deux loyautés, ce
+qui n'était pas trop d'une en ces conjonctures difficiles et
+périlleuses. Quand on voit comme ces villes de Champagne pratiquaient
+ingénieusement l'art de changer de maître, il est bon de savoir que de
+cet art dépendait le salut de leurs corps et de leurs biens.</p>
+
+<p>Dès le 1<sup>er</sup> juillet, le capitaine Philibert de Moslant leur écrivit
+de Nogent-sur-Seine, où il se trouvait avec <span class="pagenum"><a id="page509" name="page509"></a>(p. 509)</span> sa compagnie
+bourguignonne, que, s'ils avaient besoin de lui, il les viendrait
+secourir en bon chrétien<a id="footnotetag1383" name="footnotetag1383"></a><a href="#footnote1383" title="Lien vers la note 1383"><span class="smaller">[1383]</span></a>. Ils firent mine de ne pas entendre.
+Après tout, le seigneur Philibert n'était pas leur capitaine. Ce qu'il
+en pensait faire n'était, comme il le disait, que par charité
+chrétienne. Les notables de Reims, qui ne voulaient pas être sauvés,
+avaient à se garder surtout de leur naturel sauveur, le sire de
+Chastillon, grand queux de France, capitaine de la ville<a id="footnotetag1384" name="footnotetag1384"></a><a href="#footnote1384" title="Lien vers la note 1384"><span class="smaller">[1384]</span></a>. Et il
+fallait qu'ils lui demandassent secours de façon qu'ils n'obtinssent
+pas ce qu'ils demandaient, de peur d'être comme les Israélites de qui
+il est écrit: <i>Et tribuit eis petitionem eorum</i>.</p>
+
+<p>Alors que l'armée royale était encore sous Troyes, un héraut se
+présenta devant la ville de Reims, portant une lettre donnée par le
+roi, à Brinion-l'Archevêque, le lundi 4 juillet. Cette lettre fut
+remise au Conseil. «Vous pouvez bien avoir reçu nouvelle, disait le
+roi Charles aux habitants de Reims, de la bonne fortune et victoire
+qu'il a plu à Dieu nous donner sur les Anglais, nos anciens ennemis,
+devant la ville d'Orléans et, depuis lors, à Jargeau, Beaugency et
+Meung-sur-Loire, en chacun desquels lieux nos ennemis ont reçu très
+grand dommage; tous leurs chefs et des autres jusqu'au nombre de
+quatre mille y sont morts ou demeurés prisonniers. Ces choses étant
+advenues <span class="pagenum"><a id="page510" name="page510"></a>(p. 510)</span> plus par grâce divine que par &oelig;uvre humaine,
+selon l'avis des princes de notre sang et lignage et des conseillers
+de notre Grand-Conseil, nous nous sommes acheminés pour aller en la
+ville de Reims recevoir notre sacre et couronnement. C'est pourquoi
+nous vous mandons que, sur la loyauté et obéissance que vous nous
+devez, vous vous disposiez à nous recevoir dans la manière accoutumée,
+et comme vous avez fait à l'égard de nos prédécesseurs<a id="footnotetag1385" name="footnotetag1385"></a><a href="#footnote1385" title="Lien vers la note 1385"><span class="smaller">[1385]</span></a>.»</p>
+
+<p>Et le roi Charles, usant envers le peuple de Reims de la même
+bénignité prudente qu'il avait montrée à ceux de Troyes, faisait
+pleine promesse de pardon et d'oubli.</p>
+
+<p>«Que les choses passées, disait-il, et la crainte que j'en eusse
+encore mémoire ne vous arrêtent pas. Soyez assurés que, si vous vous
+conduisez envers moi comme vous devez, je vous traiterai en bons et
+loyaux sujets.»</p>
+
+<p>Même il leur demandait d'envoyer des notables traiter avec lui: «Si,
+pour être mieux informés de nos intentions, quelques-uns de la ville
+de Reims voulaient venir vers nous avec le héraut que nous vous
+envoyons, nous en serions très content. Ils y pourront aller sûrement
+en tel nombre qu'il leur plaira<a id="footnotetag1386" name="footnotetag1386"></a><a href="#footnote1386" title="Lien vers la note 1386"><span class="smaller">[1386]</span></a>.»</p>
+
+<p>Au reçu de cette lettre, le Conseil fut convoqué, mais il se trouva
+que les échevins ne furent point en <span class="pagenum"><a id="page511" name="page511"></a>(p. 511)</span> nombre pour délibérer;
+ce qui les tira d'un grand embarras. Ensuite de quoi ils firent
+assembler la commune par quartiers, et ils obtinrent des bourgeois
+ainsi consultés cette déclaration cauteleuse: «Nous entendons vivre et
+mourir avec le Conseil et les notables. Nous nous comporterons selon
+leur avis, en bonne union et paix, sans murmurer ni faire de réponse,
+si ce n'est par l'avis et ordonnance du capitaine de Reims et de son
+lieutenant<a id="footnotetag1387" name="footnotetag1387"></a><a href="#footnote1387" title="Lien vers la note 1387"><span class="smaller">[1387]</span></a>.»</p>
+
+<p>Le sire de Chastillon, capitaine de la ville, était alors à
+Château-Thierry avec ses lieutenants, Jean Cauchon et Thomas de
+Bazoches, tous deux écuyers. Les habitants de Reims jugèrent utile de
+mettre sous ses yeux la lettre du roi Charles; leur bailli, Guillaume
+Hodierne, se rendit auprès du soigneur capitaine et la lui montra. Le
+bailli répondit parfaitement au sentiment des habitants de Reims: il
+demanda au sire de Chastillon de venir, mais il le lui demanda de
+manière que le sire de Chastillon ne vînt pas. C'était le point
+essentiel; car, à ne le pas appeler, on se mettait en trahison
+ouverte, et, s'il venait, on risquait de subir un siège plein de
+calamités et de dangers.</p>
+
+<p>À ces fins, le bailli déclara que les habitants de Reims, désireux de
+communiquer avec leur capitaine, le recevraient accompagné de
+cinquante chevaux seulement; en quoi ils montraient leur bon vouloir;
+ayant <span class="pagenum"><a id="page512" name="page512"></a>(p. 512)</span> le droit de ne point recevoir garnison dans leur
+ville, ils consentaient à y laisser entrer cinquante lances, ce qui
+allait bien à deux cents combattants. Le sire de Chastillon, comme les
+habitants l'avaient prévu, jugea qu'en l'occurrence ce n'était pas
+assez pour sa sûreté et il mit, comme conditions à sa venue, que la
+ville fût emparée et munie, qu'il y entrât avec trois ou quatre cents
+combattants, qu'il en eût la garde ainsi que du château, avec cinq ou
+six notables pris, autant dire, comme otages. À ces conditions il
+était, disait-il, prêt à vivre et à mourir pour eux<a id="footnotetag1388" name="footnotetag1388"></a><a href="#footnote1388" title="Lien vers la note 1388"><span class="smaller">[1388]</span></a>.</p>
+
+<p>Il s'achemina avec sa compagnie jusque auprès de la ville et là fit
+savoir aux habitants qu'il était venu les aider. Il leur manda que
+dans cinq ou six semaines sans faute, une belle et grande armée
+anglaise, débarquée à Boulogne, marcherait à leur secours<a id="footnotetag1389" name="footnotetag1389"></a><a href="#footnote1389" title="Lien vers la note 1389"><span class="smaller">[1389]</span></a>.</p>
+
+<p>À la vérité les Anglais levaient des troupes autant qu'ils pouvaient
+et faisaient flèche de tout bois. Ils armaient, disait-on, jusqu'aux
+prêtres. Le Régent employait à sa guerre les croisés débarqués en
+France, que le cardinal de Winchester conduisait contre les
+Hussites<a id="footnotetag1390" name="footnotetag1390"></a><a href="#footnote1390" title="Lien vers la note 1390"><span class="smaller">[1390]</span></a>. Et, comme bien on pense, le conseil du roi <span class="pagenum"><a id="page513" name="page513"></a>(p. 513)</span>
+Henri ne négligeait pas d'avertir les habitants de Reims des armements
+qu'il ordonnait. Le 3 juillet, il les avisait que des troupes étaient
+en passage de mer, et le 10, Colard de Mailly, bailli de Vermandois,
+leur faisait savoir que ces troupes étaient déjà passées. Mais ces
+nouvelles ne donnaient pas grande confiance aux Champenois dans la
+force des Anglais et lorsque le sire de Chastillon leur promit, à
+quarante jours, une grande et belle armée d'outre-mer, le roi Charles
+chevauchait à quelques lieues de leur ville avec trente mille
+combattants. Le sire de Chastillon s'aperçut qu'il était joué, ce dont
+il avait eu déjà quelque soupçon. Les habitants de Reims refusèrent de
+le recevoir. Il ne lui restait plus qu'à tourner bride et à rejoindre
+les Anglais<a id="footnotetag1391" name="footnotetag1391"></a><a href="#footnote1391" title="Lien vers la note 1391"><span class="smaller">[1391]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 12 juillet, ils reçurent de monseigneur Regnault de Chartres,
+archevêque duc de Reims, une lettre les priant de se disposer à la
+venue du roi<a id="footnotetag1392" name="footnotetag1392"></a><a href="#footnote1392" title="Lien vers la note 1392"><span class="smaller">[1392]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce même jour, le Conseil de ville s'étant assemblé le greffier
+commença d'inscrire sur le registre des délibérations le procès-verbal
+de la séance:</p>
+
+<p>«..... Après ce qu'on a exposé à Monseigneur de Chastillon, comment il
+estoit capitaine, et les seigneurs et autre multitude de peuple
+qui<a id="footnotetag1393" name="footnotetag1393"></a><a href="#footnote1393" title="Lien vers la note 1393"><span class="smaller">[1393]</span></a>.....»</p>
+
+<p>Il n'en écrivit pas davantage. Trouvant difficile de <span class="pagenum"><a id="page514" name="page514"></a>(p. 514)</span>
+témoigner leur loyauté aux Anglais en préparant le sacre du roi
+Charles et contraire à la prudence de reconnaître un nouveau prince
+sans y être forcés, les citoyens renonçaient tout à coup à la parole
+qui est d'argent et se réfugiaient dans un silence d'or.</p>
+
+<p>Le samedi 16, le roi Charles prit gîte à quatre lieues de la ville du
+sacre, au château de Sept-Saulx, construit plus de deux cents ans
+auparavant par les prédécesseurs guerriers de messire Regnault et dont
+le fier donjon commandait le passage de la Vesle<a id="footnotetag1394" name="footnotetag1394"></a><a href="#footnote1394" title="Lien vers la note 1394"><span class="smaller">[1394]</span></a>. Il y reçut les
+bourgeois de Reims qui vinrent en grand nombre lui offrir pleine et
+entière obéissance<a id="footnotetag1395" name="footnotetag1395"></a><a href="#footnote1395" title="Lien vers la note 1395"><span class="smaller">[1395]</span></a>. Puis il se remit en marche avec la Pucelle
+et toute son armée, et ayant franchi sa dernière étape sur la chaussée
+qui côtoyait la Vesle, il entra dans la grande cité champenoise au
+tomber du jour, par la porte méridionale nommée Dieulimire, qui,
+devant lui, abaissa ses ponts et leva ses deux herses<a id="footnotetag1396" name="footnotetag1396"></a><a href="#footnote1396" title="Lien vers la note 1396"><span class="smaller">[1396]</span></a>.</p>
+
+<p>La tradition voulait que le sacre fut célébré, de préférence, un
+dimanche, et cette règle se trouvait mentionnée dans un cérémonial qui
+avait servi, croyait-on, <span class="pagenum"><a id="page515" name="page515"></a>(p. 515)</span> pour le sacre de Louis VIII et qui
+faisait autorité<a id="footnotetag1397" name="footnotetag1397"></a><a href="#footnote1397" title="Lien vers la note 1397"><span class="smaller">[1397]</span></a>. Les habitants de Reims travaillèrent pendant
+la nuit, afin que tout fût prêt pour le lendemain<a id="footnotetag1398" name="footnotetag1398"></a><a href="#footnote1398" title="Lien vers la note 1398"><span class="smaller">[1398]</span></a>. Leur amour
+subit du roi de France les aiguillonnait et surtout la peur qu'il
+demeurât quelques jours dans la ville avec son armée. Ils ressentaient
+à recevoir et à garder des gens d'armes dans leurs murs une crainte
+commune aux bourgeois de toutes les villes, qui, dans leur épouvante,
+ne distinguaient point les hommes de guerre armagnacs des hommes de
+guerre anglais et bourguignons<a id="footnotetag1399" name="footnotetag1399"></a><a href="#footnote1399" title="Lien vers la note 1399"><span class="smaller">[1399]</span></a>. Aussi furent-ils diligents à
+préparer toutes choses, avec la ferme intention d'en payer le moins
+possible. Attendu que le sacre ne leur rapportait «ni profit ni
+honneur<a id="footnotetag1400" name="footnotetag1400"></a><a href="#footnote1400" title="Lien vers la note 1400"><span class="smaller">[1400]</span></a>», les échevins, d'habitude, en rejetaient la charge sur
+l'archevêque, qui en tenait, disaient-ils, les émoluments comme pair
+de France<a id="footnotetag1401" name="footnotetag1401"></a><a href="#footnote1401" title="Lien vers la note 1401"><span class="smaller">[1401]</span></a>.</p>
+
+<p>Les ornements royaux déposés, après le sacre du feu <span class="pagenum"><a id="page516" name="page516"></a>(p. 516)</span> roi,
+dans le trésor de Saint-Denys, étaient aux mains des Anglais. La
+couronne de Charlemagne, brillante de rubis, de saphirs et
+d'émeraudes, fleuronnée de quatre fleurs de Lis, que recevaient les
+rois de France à leur couronnement, les Anglais voulaient la mettre
+sur la tête de leur roi Henri; ils se préparaient à ceindre le roi
+enfant de l'épée de Charlemagne, l'illustre Joyeuse, qui dormait dans
+son fourreau de velours violet, sous la garde de l'abbé bourguignon de
+Saint-Denys. Aux Anglais aussi le sceptre que surmontait un
+Charlemagne d'or en habit d'empereur, la verge de justice terminée par
+une main en corne de licorne, l'agrafe dorée du manteau de saint Louis
+et les éperons d'or, et le <i>Pontifical</i> contenant, dans sa reliure de
+vermeil émaillée, les cérémonies du sacre<a id="footnotetag1402" name="footnotetag1402"></a><a href="#footnote1402" title="Lien vers la note 1402"><span class="smaller">[1402]</span></a>. On dut se contenter
+d'une couronne conservée dans le trésor de la cathédrale<a id="footnotetag1403" name="footnotetag1403"></a><a href="#footnote1403" title="Lien vers la note 1403"><span class="smaller">[1403]</span></a>. Quant
+aux autres insignes de la royauté de Clovis, de saint Charlemagne et
+de saint Louis, on les représenterait comme on pourrait et il n'était
+pas mauvais après tout que ce sacre gagné dans une chevauchée se
+sentît des travaux et des misères qu'il avait coûtés et que la
+cérémonie participât en quelque chose de la pauvreté héroïque des
+hommes d'armes et des <span class="pagenum"><a id="page517" name="page517"></a>(p. 517)</span> gens des communes, qui y avaient
+conduit le dauphin.</p>
+
+<p>Les rois étaient sacrés par l'huile, car l'huile signifie renommée,
+gloire et sapience. Le matin, les seigneurs de Rais, de Boussac, de
+Graville et de Culant furent députés par le roi pour aller quérir la
+Sainte Ampoule<a id="footnotetag1404" name="footnotetag1404"></a><a href="#footnote1404" title="Lien vers la note 1404"><span class="smaller">[1404]</span></a>.</p>
+
+<p>C'était une fiole de cristal que le grand prieur de Saint-Remi tenait
+enfermée dans le tombeau de l'apôtre derrière le maître-autel de
+l'église abbatiale. Cette fiole contenait le saint chrême, dont le
+bienheureux Remi avait oint le roi Clovis, et elle était enchâssée
+dans un reliquaire en forme de colombe, parce qu'on avait vu la
+colombe du Paraclet apporter l'huile destinée au sacrement du premier
+roi chrétien. Il est vrai qu'on trouvait en de vieux livres qu'un ange
+était descendu du ciel avec l'ampoule miraculeuse<a id="footnotetag1405" name="footnotetag1405"></a><a href="#footnote1405" title="Lien vers la note 1405"><span class="smaller">[1405]</span></a>; mais ces
+incertitudes ne troublaient point les esprits, et l'on ne doutait pas,
+dans le peuple chrétien, que le saint chrême n'eût des vertus
+merveilleuses. On savait, par exemple, qu'il ne diminuait point à
+l'usage, et que la fiole restait toujours pleine, en présage et gage
+de la pérennité du royaume de France. Selon les observations des
+témoins, lors du sacre du feu roi Charles, l'huile n'avait pas diminué
+après les onctions<a id="footnotetag1406" name="footnotetag1406"></a><a href="#footnote1406" title="Lien vers la note 1406"><span class="smaller">[1406]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page518" name="page518"></a>(p. 518)</span> À neuf heures du matin, Charles de Valois entra dans l'église
+avec une suite nombreuse. Le roi d'armes de France appela par leurs
+noms, devant le maître-autel, les douze pairs du royaume. Des six
+pairs laïques, aucun ne répondit. À leur place se présentèrent le duc
+d'Alençon, les comtes de Clermont et de Vendôme, les sires de Laval,
+de la Trémouille et de Maillé.</p>
+
+<p>Des six pairs ecclésiastiques, trois répondirent à l'appel du roi
+d'armes: l'archevêque duc de Reims, l'évêque comte de Châlons,
+l'évêque duc de Laon. Les évêques détaillants de Langres, de Chaumont
+et de Noyon furent suppléés. En l'absence d'Arthur de Bretagne,
+connétable de France, l'épée fut tenue par Charles, sire
+d'Albret<a id="footnotetag1407" name="footnotetag1407"></a><a href="#footnote1407" title="Lien vers la note 1407"><span class="smaller">[1407]</span></a>.</p>
+
+<p>Devant l'autel se tenait Charles de Valois, revêtu d'habits fendus sur
+la poitrine et les épaules. Il jura, premièrement, de conserver à
+l'Église paix et privilèges; deuxièmement, de préserver le peuple des
+exactions et de ne le pas trop charger; troisièmement, de gouverner
+avec justice et miséricorde<a id="footnotetag1408" name="footnotetag1408"></a><a href="#footnote1408" title="Lien vers la note 1408"><span class="smaller">[1408]</span></a>.</p>
+
+<p>Il fut armé chevalier par son cousin d'Alençon<a id="footnotetag1409" name="footnotetag1409"></a><a href="#footnote1409" title="Lien vers la note 1409"><span class="smaller">[1409]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page519" name="page519"></a>(p. 519)</span> Puis l'archevêque lui fit les onctions avec l'huile mystique,
+dont le Saint-Esprit fortifie les prêtres, les rois, les prophètes et
+les martyrs et, nouveau Samuel, consacra le nouveau Saül, manifestant
+que toute puissance est de Dieu et que, à l'exemple de David, les rois
+sont les pontifes, les annonciateurs et les témoins du Seigneur. Cette
+effusion d'huile, dont étaient consacrés les rois, dans Israël,
+rendait brillants et forts les rois de la France très chrétienne
+depuis Charlemagne, depuis Clovis, car, s'il reçut de saint Remi non
+proprement le sacre, mais le baptême et la confirmation, Clovis fut
+consacré en même temps chrétien et roi par le bienheureux évêque, au
+moyen de l'huile sainte, envoyée par Dieu lui-même à ce prince et à
+ses successeurs<a id="footnotetag1410" name="footnotetag1410"></a><a href="#footnote1410" title="Lien vers la note 1410"><span class="smaller">[1410]</span></a>.</p>
+
+<p>Et Charles reçut les onctions présage de force et de victoire, car il
+est écrit au livre des Rois: «Samuel prit la fiole d'huile, la versa
+sur la tête de Saül et dit: Voici que le Seigneur t'a sacré prince sur
+son héritage, et tu délivreras son peuple des mains des ennemis qui
+l'environnent. <i>Ecce unxit te Dominus super hereditatem suam in
+principem, et liberabis populum suum de manibus inimicorum ejus, qui
+in circuitu ejus sunt.</i>» (<i>Reg.</i> I, <span class="smcap">X</span>, 1, 6.)</p>
+
+<p>Durant le mystère, comme on disait en ancien langage<a id="footnotetag1411" name="footnotetag1411"></a><a href="#footnote1411" title="Lien vers la note 1411"><span class="smaller">[1411]</span></a>, la Pucelle
+demeurait au côté du roi. Elle tint un <span class="pagenum"><a id="page520" name="page520"></a>(p. 520)</span> moment déployé son
+étendard blanc devant lequel le vieil étendard de Chandos avait
+reculé. Puis d'autres tinrent l'étendard à leur tour, son page Louis
+de Coutes, qui ne la quittait jamais, frère Richard le prêcheur, qui
+l'avait suivie à Châlons et à Reims<a id="footnotetag1412" name="footnotetag1412"></a><a href="#footnote1412" title="Lien vers la note 1412"><span class="smaller">[1412]</span></a>. Dans un de ses rêves, elle
+avait donné naguère une couronne éblouissante à son roi; elle
+s'attendait à ce que cette couronne fût apportée dans l'église par des
+messagers célestes<a id="footnotetag1413" name="footnotetag1413"></a><a href="#footnote1413" title="Lien vers la note 1413"><span class="smaller">[1413]</span></a>. Les saintes ne recevaient-elles pas
+communément des couronnes de la main des anges? Un ange offrit à
+sainte Cécile une couronne tressée de roses et de lis. Un ange donna à
+la vierge Catherine la couronne impérissable, que la sainte posa sur
+la tête de l'Impératrice de Rome. Mais la couronne étrangement riche
+et magnifique que Jeanne attendait ne vint point.</p>
+
+<p>L'archevêque prit sur l'autel la couronne de prix modique fournie par
+le chapitre, et l'éleva à deux mains sur la tête du roi. Les douze
+pairs en cercle autour du prince y portèrent le bras pour la soutenir.
+Les trompettes éclatèrent, et le peuple cria: «Noël<a id="footnotetag1414" name="footnotetag1414"></a><a href="#footnote1414" title="Lien vers la note 1414"><span class="smaller">[1414]</span></a>!»</p>
+
+<p>Ainsi fut oint et couronné Charles de France, issu de la royale lignée
+du noble roi Priam de Troie la Grande.</p>
+
+<p>Le mystère fut terminé à deux heures après midi<a id="footnotetag1415" name="footnotetag1415"></a><a href="#footnote1415" title="Lien vers la note 1415"><span class="smaller">[1415]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page521" name="page521"></a>(p. 521)</span> On
+rapporte qu'alors la Pucelle s'agenouilla et, embrassant le roi par
+les jambes, lui dit avec des larmes:</p>
+
+<p>&mdash;Gentil roi, maintenant est fait le plaisir de Dieu, qui voulait que
+je levasse le siège d'Orléans et vous amenasse en cette cité de Reims
+recevoir votre saint sacre, en montrant que vous êtes vrai roi et
+celui auquel le royaume de France doit appartenir<a id="footnotetag1416" name="footnotetag1416"></a><a href="#footnote1416" title="Lien vers la note 1416"><span class="smaller">[1416]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi fit les présents d'usage. Il offrit au Chapitre un tapis de
+satin vert, ainsi que des ornements de velours rouge et de damas
+blanc. De plus, il posa sur l'autel un vase d'argent du prix de treize
+écus d'or. Le seigneur archevêque s'en empara malgré les réclamations
+des chanoines, mais il ne lui servit de rien de l'avoir pris, car il
+lui fallut le rendre<a id="footnotetag1417" name="footnotetag1417"></a><a href="#footnote1417" title="Lien vers la note 1417"><span class="smaller">[1417]</span></a>.</p>
+
+<p>Après la cérémonie, Charles ceignit la couronne, revêtit le manteau
+royal, bleu comme le ciel, fleuri de lis d'or, et traversa sur son
+coursier les rues de la ville de Reims. Le peuple en liesse criait:
+«Noël!» comme il avait crié à l'entrée de monseigneur le duc de
+Bourgogne.</p>
+
+<p>Ce jour-là, le sire de Rais fut fait maréchal de France et le sire de
+la Trémouille comte; l'aîné des deux fils de madame de Laval, à qui la
+Pucelle avait offert <span class="pagenum"><a id="page522" name="page522"></a>(p. 522)</span> le vin à Selles-en-Berri, fut fait
+comte aussi. Le capitaine La Hire reçut le comté de Longueville avec
+tout ce qu'il prendrait en Normandie<a id="footnotetag1418" name="footnotetag1418"></a><a href="#footnote1418" title="Lien vers la note 1418"><span class="smaller">[1418]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi Charles fut servi à dîner en l'hôtel épiscopal, dans l'ancienne
+salle du Tau, par le duc d'Alençon et le comte de Clermont<a id="footnotetag1419" name="footnotetag1419"></a><a href="#footnote1419" title="Lien vers la note 1419"><span class="smaller">[1419]</span></a>. La
+table royale, selon la coutume, se prolongeait dans la rue et le
+festin débordait sur toute la ville. C'était un jour de franche lippée
+et de commune frairie. Dans les maisons, sous les portes, sur les
+bornes, on faisait ripaille, on se ruait en cuisine; il se dévorait
+b&oelig;ufs par douzaines, moutons par centaines, poules et lapins par
+milliers. On se bourrait d'épices, et comme on avait grand'soif, on
+humait à plein pot les vins de Bourgogne et notamment le parfumé vin
+de Beaune. Le très vieux cerf de la cour archiépiscopale, qui était de
+bronze et creux, on le transportait, à chaque couronnement, dans la
+rue du Parvis; on le remplissait de vin, et le peuple y venait boire
+comme à la fontaine. Finalement les bourgeois et habitants de la cité
+du bienheureux Remi, riches et pauvres, empiffrés, saouls de viandes
+et de vin, ayant hurlé «Noël!» à plein gosier, tombaient endormis sur
+les fûts et les victuailles dont, le lendemain, les <span class="pagenum"><a id="page523" name="page523"></a>(p. 523)</span> échevins
+moroses allaient disputer aigrement les restes aux gens du roi<a id="footnotetag1420" name="footnotetag1420"></a><a href="#footnote1420" title="Lien vers la note 1420"><span class="smaller">[1420]</span></a>.</p>
+
+<p>Jacques d'Arc était venu voir ce couronnement auquel sa fille avait
+tant ouvré. Il logeait à l'enseigne de l'<i>Âne rayé</i>, rue du Parvis,
+dans une hôtellerie tenue par Alix, veuve de Raulin Morieau. En même
+temps que sa fille, il revit son fils Pierre<a id="footnotetag1421" name="footnotetag1421"></a><a href="#footnote1421" title="Lien vers la note 1421"><span class="smaller">[1421]</span></a>. Ce cousin que
+Jeanne appelait son oncle et qui l'avait accompagnée auprès de sire
+Robert à Vaucouleurs, Durand Lassois, était pareillement venu aux
+fêtes du sacre. Il parla au roi et lui conta tout ce qu'il savait de
+sa cousine<a id="footnotetag1422" name="footnotetag1422"></a><a href="#footnote1422" title="Lien vers la note 1422"><span class="smaller">[1422]</span></a>. Jeanne trouva aussi à Reims un jeune compatriote,
+Husson Le Maistre, chaudronnier dans le village de Varville, à trois
+lieues de Domremy. Elle ne le connaissait pas, mais il avait bien
+entendu parler d'elle, et il était très familier avec Jacques et
+Pierre d'Arc<a id="footnotetag1423" name="footnotetag1423"></a><a href="#footnote1423" title="Lien vers la note 1423"><span class="smaller">[1423]</span></a>.</p>
+
+<p>Jacques d'Arc était un des notables de son village et peut-être le
+plus entendu aux affaires<a id="footnotetag1424" name="footnotetag1424"></a><a href="#footnote1424" title="Lien vers la note 1424"><span class="smaller">[1424]</span></a>. Il ne s'était pas rendu à Reims à
+seule fin de voir sa fille chevaucher par les rues de la cité en habit
+d'homme; il venait <span class="pagenum"><a id="page524" name="page524"></a>(p. 524)</span> demander au roi pour lui, pour ceux de
+son village, dépouillés par les gens de guerre, une exemption
+d'impôts. Cette demande, que la Pucelle transmit au roi, fut agréée.
+Le 31 du même mois, le roi ordonnait que les habitants de Greux et de
+Domremy fussent francs de toutes tailles, aides, subsides et
+subventions<a id="footnotetag1425" name="footnotetag1425"></a><a href="#footnote1425" title="Lien vers la note 1425"><span class="smaller">[1425]</span></a>. Les Élus de la ville payèrent sur les deniers
+publics les dépenses de Jacques d'Arc, et, quand il fut sur son
+départ, ils lui donnèrent un cheval pour retourner chez lui<a id="footnotetag1426" name="footnotetag1426"></a><a href="#footnote1426" title="Lien vers la note 1426"><span class="smaller">[1426]</span></a>.</p>
+
+<p>Durant les cinq ou six jours qu'elle demeura à Reims, la Pucelle se
+montra au peuple. Les humbles, les simples venaient à elle; les bonnes
+femmes lui prenaient les mains et faisaient toucher leurs anneaux au
+sien<a id="footnotetag1427" name="footnotetag1427"></a><a href="#footnote1427" title="Lien vers la note 1427"><span class="smaller">[1427]</span></a>. Elle portait au doigt un petit anneau que sa mère lui
+avait donné; il était de laiton, autrement appelé aurichalque<a id="footnotetag1428" name="footnotetag1428"></a><a href="#footnote1428" title="Lien vers la note 1428"><span class="smaller">[1428]</span></a>.
+L'aurichalque était, comme on disait, l'or des pauvres. Cet anneau
+n'avait pas de pierre et portait au chaton les noms de <i>Jhesus Maria</i>,
+avec trois croix. Elle y tenait souventes fois les regards pieusement
+fixés parce qu'un jour elle l'avait fait toucher par madame sainte
+Catherine<a id="footnotetag1429" name="footnotetag1429"></a><a href="#footnote1429" title="Lien vers la note 1429"><span class="smaller">[1429]</span></a>. Et que la sainte l'eût vraiment <span class="pagenum"><a id="page525" name="page525"></a>(p. 525)</span> touché, ce
+n'était pas incroyable, puisqu'il était manifeste que peu de temps
+auparavant, en l'an 1413, s&oelig;ur Colette, qui professait la chasteté
+virginale, avait reçu de l'apôtre vierge un riche anneau d'or, en
+signe d'alliance spirituelle avec le Roi des rois. S&oelig;ur Colette
+faisait toucher cet anneau aux religieux et aux religieuses de son
+ordre, et elle le confiait aux messagers qu'elle envoyait au loin,
+afin de les préserver des périls de la route<a id="footnotetag1430" name="footnotetag1430"></a><a href="#footnote1430" title="Lien vers la note 1430"><span class="smaller">[1430]</span></a>. La Pucelle
+attribuait aussi à son anneau de grandes vertus; toutefois elle ne
+s'en servait point pour opérer des guérisons<a id="footnotetag1431" name="footnotetag1431"></a><a href="#footnote1431" title="Lien vers la note 1431"><span class="smaller">[1431]</span></a>.</p>
+
+<p>On attendait d'elle les menus services qu'il était d'usage de demander
+aux saintes gens et parfois aux sorciers. Avant la cérémonie du sacre,
+les nobles et les chevaliers avaient reçu des gants, selon la coutume.
+L'un d'eux perdit les siens; il demanda, ou d'autres demandèrent pour
+lui, qu'elle les lui fît retrouver. Elle ne dit point qu'elle le
+ferait; cependant la chose fut sue et diversement jugée<a id="footnotetag1432" name="footnotetag1432"></a><a href="#footnote1432" title="Lien vers la note 1432"><span class="smaller">[1432]</span></a>.</p>
+
+<p>Après le sacre du roi, si, mêlé au peuple dans la rue du Parvis,
+quelque clerc méditatif leva les yeux sur la haute face historiée de
+la cathédrale, déjà très vieille alors pour des hommes qui,
+connaissant mal les chroniques, mesuraient le temps sur la durée de
+<span class="pagenum"><a id="page526" name="page526"></a>(p. 526)</span> la vie humaine, il vit sûrement, à gauche de l'arc aigu qui
+surmonte la rose, l'image colossale de Goliath dressé fièrement dans
+son armure à écailles, et cette même figure répétée à droite de l'arc,
+dans l'attitude d'un homme chancelant et qui tombe<a id="footnotetag1433" name="footnotetag1433"></a><a href="#footnote1433" title="Lien vers la note 1433"><span class="smaller">[1433]</span></a>. Alors ce
+clerc dut se rappeler ce qui est écrit au premier livre des Rois:</p>
+
+<p>«Les Philistins assemblèrent toutes leurs troupes pour combattre
+Israël. Or, il arriva qu'un homme, qui était bâtard, sortit du camp
+des Philistins. Il s'appelait Goliath; il était de Geth, et il avait
+six coudées et une palme de haut. Il était revêtu d'une cuirasse à
+écailles qui pesait cinq mille sicles d'airain. Et il vint disant:
+«J'ai jeté l'opprobre aux armées d'Israël. Donnez-moi un homme qui
+vienne combattre contre moi en un combat singulier.»</p>
+
+<p>»Or, David enfant s'en était allé à Bethléem pour paître les troupeaux
+de son père. Mais David, s'étant levé dès la pointe du jour, laissa à
+un serviteur le soin de son troupeau. Il vint au lieu appelé Magala,
+où l'armée s'était avancée pour donner la bataille. Et voyant Goliath,
+il demanda: «Qui est ce Philistin incirconcis qui jette l'opprobre aux
+armées du Dieu vivant?»</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page527" name="page527"></a>(p. 527)</span> »Ces paroles de David ayant été entendues, elles furent
+rapportées à Saül. Et Saül l'ayant fait venir devant lui, David lui
+parla de cette manière: «Que personne ne s'épouvante de ce Philistin,
+car moi, ton serviteur, je suis prêt à aller le combattre.» Saül lui
+dit: «Tu ne saurais résister à ce Philistin ni combattre contre lui,
+parce que tu es un enfant, et que celui-ci est un homme nourri à la
+guerre depuis sa jeunesse.» David répondit: «J'irai contre lui et je
+ferai cesser l'opprobre d'Israël.» Saül dit donc à David: «Va! et que
+le Seigneur soit avec toi!»</p>
+
+<p>»David prit son bâton, choisit dans le torrent cinq pierres très
+polies et, tenant à la main sa fronde, il marcha contre les
+Philistins.</p>
+
+<p>»Et Goliath, lorsqu'il eut aperçu David, voyant que c'était un bel
+enfant aux cheveux roux, lui dit: «Suis-je un chien, pour que tu
+viennes à moi avec un bâton?» Mais David répondit au Philistin: «Tu
+viens à moi avec l'épée, la lance et le bouclier. Mais moi, je viens à
+toi au nom du Seigneur des armées, du Dieu des batailles d'Israël,
+auquel tu as insulté aujourd'hui. Le Seigneur te livrera entre mes
+mains. Et que toute cette assemblée d'hommes reconnaisse que ce n'est
+point par l'épée, ni par la lance que Dieu sauve! Cette guerre est sa
+guerre et il vous livrera dans nos mains.»</p>
+
+<p>»Le Philistin s'avança donc et marcha contre David. Et David lança une
+pierre avec sa fronde et en frappa <span class="pagenum"><a id="page528" name="page528"></a>(p. 528)</span> le Philistin au front. Et
+Goliath tomba le visage contre terre.»</p>
+
+<p>Alors le clerc qui méditait ces paroles du Livre songeait que,
+toujours semblable à lui-même, le Seigneur qui sauva Israël et abattit
+Goliath par la fronde d'un berger enfant avait suscité la fille d'un
+laboureur pour la délivrance du très chrétien royaume et l'opprobre du
+Léopard<a id="footnotetag1434" name="footnotetag1434"></a><a href="#footnote1434" title="Lien vers la note 1434"><span class="smaller">[1434]</span></a>.</p>
+
+<p>La Pucelle avait fait écrire de Gien, vers le 27 juin, au duc de
+Bourgogne, pour l'inviter à se rendre au sacre du roi. N'ayant pas
+reçu de réponse, elle dicta, le jour même du sacre, une deuxième
+lettre au duc. Voici cette lettre:</p>
+
+<div class="quote">
+<p class="center">&#10013; JHESUS MARIA.</p>
+
+<p>Haultet reboubté prince, duc de Bourgoingne, Jehanne la Pucelle
+ vous requiert de par le Roy du ciel, mon droicturier et souverain
+ seigneur, que le roy de France et vous, faciez bonne paix ferme,
+ qui dure longuement. Pardonnez l'un à l'autre de bon cuer,
+ entièrement, ainsi que doivent faire loyaulx chrestians; et s'il
+ vous plaist à guerroier, si alez sur les Sarrazins. Prince de
+ Bourgoingne, je vous prie, supplie et requiers tant humblement
+ que requérir vous puis, que ne guerroiez plus ou saint royaume de
+ France, et faictes retraire incontinent et briefment voz gens qui
+ sont en aucunes places et forteresses dudit saint royaume; et de
+ la part du gentil roy de France, il est prest de faire paix à
+ vous, sauve son honneur, <span class="pagenum"><a id="page529" name="page529"></a>(p. 529)</span> s'il ne tient en vous. Et vous
+ faiz à savoir de par le Roy du ciel, mon droicturier et souverain
+ seigneur, pour vostre bien et pour vostre honneur et sur voz vie,
+ que vous n'y gaignerez point bataille à l'encontre des loyaulx
+ François, et que tous ceulx qui guerroient oudit saint royaume de
+ France, guerroient contre le roy Jhesus, roy du ciel et de tout
+ le monde, mon droicturier et souverain seigneur. Et vous prie et
+ requiers à jointes mains, que ne faictes nulle bataille ne ne
+ guerroiez contre nous, vous, vos gens ou subgiez; et croiez
+ seurement que, quelque nombre de gens que amenez contre nous,
+ qu'ilz n'y gagneront mie, et sera grant pitié de la grant
+ bataille et du sang qui y sera respendu de ceulx qui y vendront
+ contre nous. Et a trois semaines que je vous avoye escript et
+ envoié bonnes lettres par ung hérault, que feussiez au sacre du
+ roy qui, aujourd'hui dimenche, xvij<sup>e</sup> jour de ce présent mois
+ de juillet, ce fait en la cité de Reims: dont je n'ay eu point de
+ response, ne n'ouy oncques puis nouvelles dudit hérault. À Dieu
+ vous commens et soit garde de vous, s'il lui plaist; et prie Dieu
+ qu'il y mecte bonne pais. Escript audit lieu de Reims, ledit
+ xvij<sup>e</sup> jour de juillet.»</p>
+
+<p><i>Sur l'adresse:</i> «Au duc de Bourgoigne<a id="footnotetag1435" name="footnotetag1435"></a><a href="#footnote1435" title="Lien vers la note 1435"><span class="smaller">[1435]</span></a>.»</p>
+</div>
+
+<p>Sainte Catherine de Sienne, à Reims, n'aurait pas écrit autrement. La
+Pucelle, bien qu'elle n'aimât pas les Bourguignons, sentait à sa
+manière et fortement combien la paix avec le duc de Bourgogne était
+désirable. C'est à mains jointes qu'elle le prie de ne plus faire la
+guerre en France. «S'il vous plaît de guerroyer, <span class="pagenum"><a id="page530" name="page530"></a>(p. 530)</span> lui
+dit-elle, allez sur les Sarrasins.» Elle avait déjà conseillé aux
+Anglais de s'unir aux Français pour faire la croisade. La destruction
+des infidèles était alors le rêve des âmes douces et pacifiques, et
+beaucoup de bonnes personnes comptaient que le fils riche et puissant
+du vaincu de Nicopolis ferait payer cher aux Turcs leur antique
+victoire<a id="footnotetag1436" name="footnotetag1436"></a><a href="#footnote1436" title="Lien vers la note 1436"><span class="smaller">[1436]</span></a>.</p>
+
+<p>Par sa lettre, la Pucelle annonce, de la part du roi du ciel, au duc
+Philippe que, s'il combat contre le roi, il perdra la bataille. Ses
+voix lui avaient prédit la victoire de la France sur la Bourgogne;
+elles ne lui avaient pas révélé qu'au moment même où elle dictait sa
+lettre, les ambassadeurs du duc Philippe se trouvaient à Reims;
+c'était pourtant la vérité<a id="footnotetag1437" name="footnotetag1437"></a><a href="#footnote1437" title="Lien vers la note 1437"><span class="smaller">[1437]</span></a>.</p>
+
+<p>Le duc Philippe, estimant que le roi Charles, maître de la Champagne,
+était un prince à ménager, lui envoya, à Reims, David de Brimeu,
+bailli d'Artois, à la tête d'une ambassade, pour le saluer et lui
+faire des ouvertures de paix<a id="footnotetag1438" name="footnotetag1438"></a><a href="#footnote1438" title="Lien vers la note 1438"><span class="smaller">[1438]</span></a>. Les Bourguignons reçurent du
+chancelier et du Conseil un accueil empressé. On espérait que
+<span class="pagenum"><a id="page531" name="page531"></a>(p. 531)</span> la paix serait conclue avant leur départ. Les seigneurs
+angevins le mandèrent aux reines Yolande et Marie<a id="footnotetag1439" name="footnotetag1439"></a><a href="#footnote1439" title="Lien vers la note 1439"><span class="smaller">[1439]</span></a>. Ce n'était
+pas connaître le magnifique renard de Dijon. Les Français n'étaient
+pas encore assez forts, les Anglais assez faibles. Il fut convenu
+qu'une ambassade serait envoyée en août au duc de Bourgogne dans la
+ville d'Arras. Après quatre jours de conférences, une trêve de quinze
+jours fut signée et l'ambassade quitta Reims<a id="footnotetag1440" name="footnotetag1440"></a><a href="#footnote1440" title="Lien vers la note 1440"><span class="smaller">[1440]</span></a>. Dans le même
+moment, le duc renouvelait solennellement à Paris sa plainte contre
+Charles de Valois, assassin de son père, et s'engageait à amener une
+armée au secours des Anglais<a id="footnotetag1441" name="footnotetag1441"></a><a href="#footnote1441" title="Lien vers la note 1441"><span class="smaller">[1441]</span></a>.</p>
+
+<p>Laissant à Reims, comme capitaine, Antoine de Hellande, neveu de
+l'archevêque duc<a id="footnotetag1442" name="footnotetag1442"></a><a href="#footnote1442" title="Lien vers la note 1442"><span class="smaller">[1442]</span></a>, le roi de France sortit de la ville le 20
+juillet et se rendit à Saint-Marcoul-de-Corbeny où les rois avaient
+coutume de toucher les écrouelles au lendemain de leur sacre<a id="footnotetag1443" name="footnotetag1443"></a><a href="#footnote1443" title="Lien vers la note 1443"><span class="smaller">[1443]</span></a>.</p>
+
+<p>Monseigneur saint Marcoul guérissait les scrofules<a id="footnotetag1444" name="footnotetag1444"></a><a href="#footnote1444" title="Lien vers la note 1444"><span class="smaller">[1444]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page532" name="page532"></a>(p. 532)</span> Il
+était de race royale, mais sa puissance, révélée longtemps après mort,
+lui venait surtout de son nom, et l'on pensait que saint Marcoul était
+désigné pour guérir les affligés qui portaient des marques au cou,
+ainsi que saint Clair pour rendre la vue aux aveugles et saint Fort
+pour donner la vigueur aux enfants. Le roi de France partageait avec
+lui le pouvoir de guérir les scrofules et comme il le tenait de
+l'huile apportée du ciel par une colombe, on estimait que cette vertu
+agissait davantage au moment du sacre, d'autant plus qu'il risquait de
+la perdre par paillardise, désobéissance à l'église chrétienne ou
+autres dérèglements: c'est ce qui était arrivé au roi Philippe
+I<sup>er</sup><a id="footnotetag1445" name="footnotetag1445"></a><a href="#footnote1445" title="Lien vers la note 1445"><span class="smaller">[1445]</span></a>. Les rois d'Angleterre touchaient aussi les écrouelles;
+le roi Édouard III notamment opéra sur des scrofuleux couverts de
+plaies des cures admirables. Pour ces raisons, le mal des scrofules
+était dit mal Saint-Marcoul ou mal royal. Les vierges, ainsi que les
+rois, avaient le pouvoir de guérir le mal royal. Mais il fallait que
+la vierge, ayant jeûné, se mît nue et prononçât ces mots: <i>Negat
+Apollo pestem passe recrudescere, quam nuda virgo restringat</i><a id="footnotetag1446" name="footnotetag1446"></a><a href="#footnote1446" title="Lien vers la note 1446"><span class="smaller">[1446]</span></a>. Il
+était à <span class="pagenum"><a id="page533" name="page533"></a>(p. 533)</span> craindre qu'il n'y eût là quelque sorcellerie, comme
+à charmer les blessures, tandis que le pouvoir de saint Marcoul et du
+roi de France venait de Dieu. On sent la différence<a id="footnotetag1447" name="footnotetag1447"></a><a href="#footnote1447" title="Lien vers la note 1447"><span class="smaller">[1447]</span></a>.</p>
+
+<p>Le roi Charles fit ses dévotions, ses oraisons et ses offrandes à
+monseigneur saint Marcoul et toucha les écrouelles. Il reçut à Corbeny
+la soumission de la ville de Laon. Puis il s'en fut, le lendemain 22,
+à une petite ville forte de la vallée de l'Aisne, nommée Vailly, qui
+appartenait à l'archevêque duc de Reims. Il reçut à Vailly la
+soumission de la ville de Soissons<a id="footnotetag1448" name="footnotetag1448"></a><a href="#footnote1448" title="Lien vers la note 1448"><span class="smaller">[1448]</span></a>. Comme le disait alors un
+prophète armagnac, «les clés des portes guerrières reconnaissaient les
+mains qui les avaient forgées<a id="footnotetag1449" name="footnotetag1449"></a><a href="#footnote1449" title="Lien vers la note 1449"><span class="smaller">[1449]</span></a>».</p>
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page534" name="page534"></a>(p. 534)</span> CHAPITRE XIX<br>
+
+<span class="smaller">LA LÉGENDE DE LA PREMIÈRE HEURE.</span></h2>
+
+
+<p>Il est toujours difficile de savoir comment à la guerre les choses se
+sont passées; dans ce temps-là c'était tout à fait impossible de se
+faire une idée un peu raisonnable des actions accomplies. Il y avait à
+Orléans, sans doute, quelques personnes assez avisées pour
+s'apercevoir que les engins abondants et subtils, rassemblés par les
+procureurs, avaient été d'un grand secours; mais les habitants
+admirent généralement que la délivrance s'était opérée par miracle, et
+ils en rapportèrent le mérite premièrement à leurs benoîts patrons,
+Monsieur saint Aignan et Monsieur saint Euverte, et après eux, à
+Jeanne la Pucelle de Dieu, ne concevant pas aux faits accomplis sous
+leurs yeux d'explication plus simple, plus facile, plus
+naturelle<a id="footnotetag1450" name="footnotetag1450"></a><a href="#footnote1450" title="Lien vers la note 1450"><span class="smaller">[1450]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page535" name="page535"></a>(p. 535)</span> Guillaume Girault, ancien procureur de la ville et notaire au
+Châtelet, écrivit et signa de son nom une relation très brève de la
+délivrance, y consignant que, le mercredi, veille de l'Ascension, la
+bastille Saint-Loup fut prise comme par miracle à force d'armes,
+«présente et aidant Jeanne la Pucelle, envoyée de Dieu» et que, le
+samedi suivant, le siège que les Anglais avaient mis aux Tourelles du
+bout du pont fut levé «par le plus évident miracle qui ait apparu
+depuis la Passion». Et Guillaume Girault atteste que la Pucelle
+conduisait la besogne<a id="footnotetag1451" name="footnotetag1451"></a><a href="#footnote1451" title="Lien vers la note 1451"><span class="smaller">[1451]</span></a>. Quand les témoins, les acteurs eux-mêmes
+ne se rendaient point un compte exact des événements, quelle idée
+pouvait-on s'en faire au loin?</p>
+
+<p>Les nouvelles des victoires françaises volaient avec une étonnante
+rapidité<a id="footnotetag1452" name="footnotetag1452"></a><a href="#footnote1452" title="Lien vers la note 1452"><span class="smaller">[1452]</span></a>. À la brièveté des relations authentiques l'éloquence
+des clercs facondeux et l'imagination populaire amplement suppléaient.
+La campagne de la Loire et le voyage du sacre ne furent guère connus
+d'abord que par des fables, et le peuple ne put les concevoir que
+comme des événements surnaturels.</p>
+
+<p>Dans les lettres envoyées par la chancellerie royale aux villes du
+royaume et aux princes de la chrétienté, le nom de Jeanne la Pucelle
+était associé à tous les faits d'armes. Jeanne elle-même, par sa
+chancellerie monastique, <span class="pagenum"><a id="page536" name="page536"></a>(p. 536)</span> faisait savoir à tous les grandes
+choses qu'elle croyait fermement avoir accomplies<a id="footnotetag1453" name="footnotetag1453"></a><a href="#footnote1453" title="Lien vers la note 1453"><span class="smaller">[1453]</span></a>.</p>
+
+<p>On pensait que tout s'était fait par elle, que le roi l'avait
+consultée en toutes choses quand, en réalité, les conseillers du roi
+et les capitaines ne lui demandaient guère son avis, l'écoutaient peu
+et la montraient à propos. On rapportait tout à elle seule. Sa
+personne, présente à des actions avérées et qui semblaient inouïes,
+fut emportée en un vaste cycle de fables surprenantes et disparut dans
+une forêt de contes héroïques<a id="footnotetag1454" name="footnotetag1454"></a><a href="#footnote1454" title="Lien vers la note 1454"><span class="smaller">[1454]</span></a>.</p>
+
+<p>Il y avait alors des âmes contrites qui, attribuant aux péchés du
+peuple tous les maux du royaume, cherchaient la salut commun dans
+l'humilité, le repentir et la pénitence<a id="footnotetag1455" name="footnotetag1455"></a><a href="#footnote1455" title="Lien vers la note 1455"><span class="smaller">[1455]</span></a>. Elles attendaient la
+fin de l'iniquité et le règne de Dieu sur la terre. Jeanne procéda, du
+moins à ses débuts, de ces bonnes personnes. S'exprimant parfois en
+réformatrice mystique, elle disait que Jésus est roi du saint royaume
+de France, que le roi Charles est son lieutenant et n'a le royaume
+qu'en «commande». Elle prononçait des paroles qui donnaient à croire
+que sa mission était toute de charité, de paix et d'amour; celles-ci,
+par exemple: «J'ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des
+indigents<a id="footnotetag1456" name="footnotetag1456"></a><a href="#footnote1456" title="Lien vers la note 1456"><span class="smaller">[1456]</span></a>. «Ces doux pénitents, qui rêvaient un monde pur,
+fidèle et bénin, faisaient <span class="pagenum"><a id="page537" name="page537"></a>(p. 537)</span> de Jeanne leur prophétesse et
+leur sainte. Ils lui prêtaient des propos édifiants qu'elle n'avait
+jamais tenus.</p>
+
+<p>«Quand la Pucelle vint auprès du roi, disaient-ils, elle lui fit faire
+trois promesses: la première, de se démettre de son royaume, d'y
+renoncer et de le rendre à Dieu, de qui il le tenait; la deuxième, de
+pardonner à tous ceux des siens qui s'étaient tournés contre lui et
+l'avaient affligé; la troisième, qu'il s'humiliât assez, pour que tous
+ceux, pauvres et riches, amis et ennemis, qui viendraient à lui, il
+les reçût en grâce<a id="footnotetag1457" name="footnotetag1457"></a><a href="#footnote1457" title="Lien vers la note 1457"><span class="smaller">[1457]</span></a>.»</p>
+
+<p>Ou bien encore, ils la mettaient en action dans des apologues naïfs et
+charmants, comme celui-ci:</p>
+
+<p>«Un jour, la Pucelle demanda au roi de lui faire un présent, et le roi
+y ayant consenti, elle réclama comme don le royaume de France. Le roi,
+surpris, ne révoqua point sa promesse. La Pucelle voulut qu'ayant reçu
+ce don, l'acte en fût solennellement dressé par les quatre notaires du
+roi et que lecture fût faite de cet acte. Tandis que le roi entendait
+cette lecture, elle le montra aux assistants et dit: «Voilà le plus
+pauvre chevalier du royaume.» Et, après un peu de temps, en présence
+des notaires, disposant du royaume de France, elle le remit à Dieu.
+Puis, agissant au nom de Dieu, elle en investit le roi Charles et
+ordonna que de cette transmission acte solennel fût dressé par
+écrit<a id="footnotetag1458" name="footnotetag1458"></a><a href="#footnote1458" title="Lien vers la note 1458"><span class="smaller">[1458]</span></a>.»</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page538" name="page538"></a>(p. 538)</span> Jeanne, avait annoncé, croyait-on, qu'à la
+Saint-Jean-Baptiste de l'an 1429, il ne demeurerait pas un Anglais en
+France<a id="footnotetag1459" name="footnotetag1459"></a><a href="#footnote1459" title="Lien vers la note 1459"><span class="smaller">[1459]</span></a>. Ces hommes de bonne volonté s'attendaient à ce que les
+promesses de leur sainte fussent réalisées au jour fixé par elle. Ils
+annoncèrent qu'elle avait, le 23 juin, fait son entrée dans la ville
+de Rouen et que, le lendemain, jour de la Saint-Jean-Baptiste, les
+habitants de Paris avaient de bon c&oelig;ur ouvert leurs portes au roi
+de France. Au mois de juillet on en faisait des récits dans
+Avignon<a id="footnotetag1460" name="footnotetag1460"></a><a href="#footnote1460" title="Lien vers la note 1460"><span class="smaller">[1460]</span></a>. Les réformateurs, assez nombreux, ce semble, en France
+et dans la chrétienté, croyaient savoir que la Pucelle donnerait une
+constitution monastique aux Anglais et aux Français, dont elle ferait
+un seul peuple de béguins et de béguines, une même confrérie de
+pénitents et de pénitentes. Voici quelles étaient, selon eux, les
+intentions des deux partis et les principales clauses du traité:</p>
+
+<p>«Le roi Charles de Valois pardonne à tous, et il ne lui souvient plus
+des injures reçues. Les Anglais et les Français, tournés à contrition
+et pénitence, s'appliquent à conclure une bonne et droite paix. La
+Pucelle leur en a imposé elle-même les conditions. Conformément à sa
+volonté, Anglais et Français, durant une ou deux années, porteront un
+habit gris, avec une petite croix <span class="pagenum"><a id="page539" name="page539"></a>(p. 539)</span> cousue dessus; le vendredi
+de chaque semaine, ils ne prendront que du pain et de l'eau; ils
+vivront en bonne union avec leurs femmes et ne dormiront point avec
+d'autres. Ils promettent à Dieu de ne faire nulle guerre, si ce n'est
+pour la défense de leur patrimoine<a id="footnotetag1461" name="footnotetag1461"></a><a href="#footnote1461" title="Lien vers la note 1461"><span class="smaller">[1461]</span></a>.»</p>
+
+<p>Pendant la campagne du sacre, l'accord survenu entre les gens du roi
+et les habitants d'Auxerre demeurant ignoré, on rapportait, vers la
+fin de juillet, que, la ville prise d'assaut, quatre mille cinq cents
+bourgeois avaient été occis et mêmement quinze cents hommes d'armes
+tant chevaliers qu'écuyers des partis de Bourgogne et de Savoie. On
+nommait parmi les gentilshommes morts messire Humbert Maréchal, le
+seigneur de Varambon et un très fameux homme de guerre, le Viau de
+Bar. On racontait des histoires de trahisons et de massacres, des
+aventures horrifiques dans lesquelles la Pucelle était associée au
+valet de c&oelig;ur déjà fameux. On disait qu'elle avait fait couper la
+tête à douze traîtres<a id="footnotetag1462" name="footnotetag1462"></a><a href="#footnote1462" title="Lien vers la note 1462"><span class="smaller">[1462]</span></a>. C'était de vrais romans de chevalerie,
+dont voici un exemple:</p>
+
+<p>Environ deux mille Anglais entouraient le camp du roi, guettant s'ils
+n'y pourraient causer quelque dommage. Alors, la Pucelle fit appeler
+le capitaine La Hire et lui dit:</p>
+
+<p>&mdash;Tu as fait, en ton temps, de très nobles choses, mais au jour
+d'aujourd'hui, Dieu t'en a préparé à faire <span class="pagenum"><a id="page540" name="page540"></a>(p. 540)</span> une plus notable
+que celles que jamais tu fis. Prends tes gens d'armes et va à tel
+bois, à deux lieues d'ici, tu y trouveras deux mille Anglais, tous la
+lance en main; tu les prendras tous et tu les tueras.</p>
+
+<p>La Hire alla vers les Anglais et tous furent pris et tués, ainsi
+qu'avait dit la Pucelle<a id="footnotetag1463" name="footnotetag1463"></a><a href="#footnote1463" title="Lien vers la note 1463"><span class="smaller">[1463]</span></a>.</p>
+
+<p>Voilà les contes de Mélusine qu'on faisait d'elle, pour la joie des
+hommes simples et violents qui se complaisaient à l'idée d'une Pucelle
+coupe-têtes et tranche-montagne!</p>
+
+<p>Le bruit courait qu'après le sac d'Auxerre, le duc de Bourgogne avait
+été vaincu et pris dans une grande bataille, que le Régent était mort,
+que les Armagnacs étaient entrés dans Paris<a id="footnotetag1464" name="footnotetag1464"></a><a href="#footnote1464" title="Lien vers la note 1464"><span class="smaller">[1464]</span></a>. La capitulation de
+Troyes fut enveloppée de prodiges. À la venue des Français, les
+habitants virent, disait-on, du haut de leurs remparts une grande
+compagnie d'hommes d'armes, bien cinq à six mille, tenant chacun à la
+main un pennon blanc. Au départ des Français ils les revirent rangés à
+un trait d'arc derrière le roi Charles. Aussi merveilleux que les
+chevaliers à l'écharpe blanche que les Bretons avaient vus peu de
+temps auparavant chevaucher dans le ciel, ces chevaliers aux blancs
+pennons, quand le roi partit, s'évanouirent<a id="footnotetag1465" name="footnotetag1465"></a><a href="#footnote1465" title="Lien vers la note 1465"><span class="smaller">[1465]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page541" name="page541"></a>(p. 541)</span> Tout ce qu'avaient cru, dans leur simplicité, les Orléanais
+subitement désassiégés, tout ce qu'avaient conté les mendiants des
+Armagnacs et les clercs du dauphin, fut avidement recueilli, accru,
+amplifié. Trois mois après sa venue à Chinon, Jeanne eut sa légende
+qui, vivace, fleurie et touffue, se répandit au dehors, en Italie, en
+Flandre, en Allemagne<a id="footnotetag1466" name="footnotetag1466"></a><a href="#footnote1466" title="Lien vers la note 1466"><span class="smaller">[1466]</span></a>. Dans l'été de 1429, cette légende était
+entièrement trouvée. Toutes les parties éparses de ce qu'on peut
+appeler l'évangile de l'enfance existaient déjà.</p>
+
+<p>Âgée de sept ans, Jeanne menait paître les troupeaux; les loups
+n'approchaient point de ses moutons; les oiseaux des bois, quand elle
+les appelait, venaient manger son pain dans son giron. Le pouvoir
+était en elle d'écarter les méchants. Personne sous le toit où elle
+reposait n'avait à craindre la fraude et la malice des hommes<a id="footnotetag1467" name="footnotetag1467"></a><a href="#footnote1467" title="Lien vers la note 1467"><span class="smaller">[1467]</span></a>.</p>
+
+<p>Les miracles qui accompagnent la naissance de Jeanne, quand c'est un
+poète latin qui les célèbre, revêtent la majesté romaine et prennent
+le caractère de prodiges antiques; et c'est un spectacle assez étrange
+que de voir, en 1429, un humaniste appeler les Muses <span class="pagenum"><a id="page542" name="page542"></a>(p. 542)</span>
+ausoniennes sur le berceau de la fille de Zabillet Romée.</p>
+
+<p>«Le tonnerre gronda, la mer frémit, la terre trembla, le ciel
+s'enflamma, le monde donna des signes de joie; une ardeur inconnue
+mêlée d'épouvante agita les peuples ravis. Ils chantent de doux poèmes
+et forment des danses rythmées en signe du salut destiné à la race
+française par cette naissance céleste<a id="footnotetag1468" name="footnotetag1468"></a><a href="#footnote1468" title="Lien vers la note 1468"><span class="smaller">[1468]</span></a>.»</p>
+
+<p>On fit plus. Dès la première heure on voulut que les merveilles qui
+avaient signalé la nativité de Jésus se fussent renouvelées lors de la
+venue de Jeanne au monde. On imagina qu'elle était née dans la nuit de
+Noël; les bergers du village, émus d'une joie indicible dont ils
+ignoraient la cause, couraient dans l'ombre pour découvrir la
+merveille inconnue. Les coqs, hérauts de cette allégresse nouvelle,
+font éclater à l'heure inaccoutumée des chants inouïs, et, battant des
+ailes, durant deux heures semblent vaticiner. Ainsi l'enfant eut dans
+sa crèche son adoration des bergers<a id="footnotetag1469" name="footnotetag1469"></a><a href="#footnote1469" title="Lien vers la note 1469"><span class="smaller">[1469]</span></a>.</p>
+
+<p>De sa venue en France on avait beaucoup à conter. On croyait savoir
+que, dans le château de Chinon, elle avait reconnu le roi qu'elle
+n'avait jamais vu auparavant, et qu'elle était allée droit à lui, bien
+qu'il se cachât sous des habits sans richesse, dans la foule des
+seigneurs<a id="footnotetag1470" name="footnotetag1470"></a><a href="#footnote1470" title="Lien vers la note 1470"><span class="smaller">[1470]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page543" name="page543"></a>(p. 543)</span> On disait qu'elle avait donné un signe au
+roi, qu'elle lui avait révélé un secret et qu'à la révélation de ce
+secret, connu de lui seul, il avait été inondé d'une joie céleste; et
+sur cette entrevue de Chinon, tandis que les assistants n'avaient
+guère à dire, plusieurs, qui ne s'y étaient pas trouvés, étaient
+inépuisables<a id="footnotetag1471" name="footnotetag1471"></a><a href="#footnote1471" title="Lien vers la note 1471"><span class="smaller">[1471]</span></a>.</p>
+
+<p>Le 7 mai, à quatre heures après midi, une colombe blanche se posa sur
+l'étendard de la Pucelle; et l'on vit, le même jour, pendant l'assaut,
+deux oiseaux blancs voltiger sur ses épaules<a id="footnotetag1472" name="footnotetag1472"></a><a href="#footnote1472" title="Lien vers la note 1472"><span class="smaller">[1472]</span></a>. Les saintes
+étaient fréquentées des colombes. Un jour que sainte Catherine de
+Sienne se tenait agenouillée dans la maison du foulon, une colombe
+blanche comme la neige se posa sur la tête de l'enfant<a id="footnotetag1473" name="footnotetag1473"></a><a href="#footnote1473" title="Lien vers la note 1473"><span class="smaller">[1473]</span></a>.</p>
+
+<p>Un petit conte qui courait alors est intéressant en ce qu'on y voit
+l'idée qu'on se faisait des relations du roi et de la Pucelle et aussi
+comme exemple des déformations que peut subir, en passant de bouche en
+bouche, le récit d'un fait véritable. Voici l'historiette, telle
+qu'elle a été recueillie par un marchand allemand:</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page544" name="page544"></a>(p. 544)</span> Un jour, en une certaine ville, la Pucelle, avisée que les
+Anglais étaient proches, prit les champs, et aussitôt, tous les gens
+d'armes qui se trouvaient dans la ville sautèrent à cheval pour la
+suivre. Pendant ce temps le roi, qui dînait à table, apprenant que
+chacun allait en compagnie de la Pucelle, fit fermer les portes de la
+cité.</p>
+
+<p>On en avertit la Pucelle qui répondit sans se troubler:</p>
+
+<p>&mdash;Avant qu'il soit heure de none, il sera au roi tel besoin de venir à
+moi, qu'il me suivra tout de suite, son manteau à peine jeté sur lui,
+et sans éperons.</p>
+
+<p>Ainsi en advint-il. Car les gens d'armes enfermés dans la ville
+mandèrent au roi qu'il fît immédiatement ouvrir les portes, sinon
+qu'ils le détruiraient. Les portes furent ouvertes et tous les gens
+d'armes coururent vers la Pucelle, sans se soucier du roi, qui jeta
+son manteau sur lui et les suivit.</p>
+
+<p>Ce jour-là un grand nombre d'Anglais furent détruits<a id="footnotetag1474" name="footnotetag1474"></a><a href="#footnote1474" title="Lien vers la note 1474"><span class="smaller">[1474]</span></a>.</p>
+
+<p>On reconnaît dans ce conte le souvenir très altéré des faits qui se
+passèrent le 6 mai, à Orléans. Les bourgeois couraient en foule à la
+porte Bourgogne, décidés à passer la Loire pour attaquer les
+Tourelles. Trouvant la porte fermée, ils se jetèrent furieux sur le
+sire de Gaucourt qui la gardait. Le vieux seigneur fit ouvrir la porte
+toute grande et leur dit: «Venez, je <span class="pagenum"><a id="page545" name="page545"></a>(p. 545)</span> serai votre
+capitaine<a id="footnotetag1475" name="footnotetag1475"></a><a href="#footnote1475" title="Lien vers la note 1475"><span class="smaller">[1475]</span></a>.» Dans le conte, les bourgeois sont devenus des gens
+d'armes, et ce n'est plus le sire de Gaucourt qui fait méchamment
+fermer la porte, c'est le roi; il n'a pas à s'en féliciter, et l'on
+est surpris de trouver dès la première heure cette idée toute formée
+dans l'esprit du peuple, que bien loin d'aider la Pucelle à chasser
+les Anglais, le roi lui suscitait des obstacles et était toujours le
+dernier à la suivre.</p>
+
+<p>Entrevue dans ce chaos de récits plus confus que les nuées d'un ciel
+orageux, Jeanne apparaissait comme une merveille inouïe. Elle
+prophétisait et plusieurs de ses prophéties étaient déjà accomplies.
+Elle avait annoncé la délivrance d'Orléans, et Orléans était délivré.
+Elle avait annoncé qu'elle serait blessée, et elle avait reçu une
+flèche au-dessus de la mamelle gauche. Elle avait annoncé qu'elle
+mènerait le roi à Reims, et le roi avait été sacré dans cette ville.
+Elle avait fait d'autres prophéties encore touchant le royaume de
+France, comme de délivrer le duc d'Orléans, d'entrer dans Paris, de
+chasser tous les Anglais hors du saint royaume, et l'on en attendait
+l'accomplissement<a id="footnotetag1476" name="footnotetag1476"></a><a href="#footnote1476" title="Lien vers la note 1476"><span class="smaller">[1476]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle prophétisait tous les jours, notamment au sujet <span class="pagenum"><a id="page546" name="page546"></a>(p. 546)</span> de
+plusieurs hommes qui lui avaient manqué de respect et qui étaient
+morts de male mort<a id="footnotetag1477" name="footnotetag1477"></a><a href="#footnote1477" title="Lien vers la note 1477"><span class="smaller">[1477]</span></a>.</p>
+
+<p>À Chinon, tandis qu'elle était menée au roi, un homme d'armes qui
+chevauchait devant le château, pensant la reconnaître, demanda:</p>
+
+<p>&mdash;N'est-ce point là la Pucelle? Jarnidieu, si je la tenais une nuit,
+je ne la laisserais pas pucelle.</p>
+
+<p>Alors Jeanne prophétisa et dit:</p>
+
+<p>&mdash;Ha! en nom Dieu, tu le renies, et tu es si près de ta mort!</p>
+
+<p>Moins d'une heure après, cet homme tomba à l'eau et se noya<a id="footnotetag1478" name="footnotetag1478"></a><a href="#footnote1478" title="Lien vers la note 1478"><span class="smaller">[1478]</span></a>.</p>
+
+<p>Ce miracle fut mis tout de suite en vers latins. Dans le poème, où se
+déroule l'histoire merveilleuse de Jeanne jusqu'à la délivrance
+d'Orléans, le paillard qui renia Dieu et fit, comme tous les
+blasphémateurs, une mauvaise fin, est noble et se nomme
+Furtivolus<a id="footnotetag1479" name="footnotetag1479"></a><a href="#footnote1479" title="Lien vers la note 1479"><span class="smaller">[1479]</span></a>.</p>
+
+<p class="quote"><i>...generoso sanguine natus, Nomine Furtivolus, veneris moderator
+ iniquus.</i></p>
+
+<p>Le capitaine Glasdall appela Jeanne putain et renia son Créateur.
+Jeanne lui annonça qu'il mourrait sans saigner, et Glasdall se noya
+dans la Loire<a id="footnotetag1480" name="footnotetag1480"></a><a href="#footnote1480" title="Lien vers la note 1480"><span class="smaller">[1480]</span></a>.</p>
+
+<p>Imitations manifestes des historiettes contées dans <span class="pagenum"><a id="page547" name="page547"></a>(p. 547)</span> les vies
+des saints qu'on lisait alors. Une femme hérétique ayant tiré saint
+Ambroise par son vêlement, le bienheureux évêque lui dit: «Crains que,
+par un jugement de Dieu, il ne te survienne quelque châtiment.» Le
+lendemain cette femme mourut et le bienheureux Ambroise la conduisit
+au tombeau<a id="footnotetag1481" name="footnotetag1481"></a><a href="#footnote1481" title="Lien vers la note 1481"><span class="smaller">[1481]</span></a>.</p>
+
+<p>Une religieuse encore vivante et qui devait mourir en odeur de
+sainteté, s&oelig;ur Colette de Corbie, avait rencontré son Furtivolus et
+l'avait puni, mais avec douceur. Un jour qu'elle priait dans une
+église de Corbie, un étranger s'approcha d'elle et lui tint des propos
+contraires à la chasteté. «Plaise à Dieu, lui répondit-elle, de vous
+faire connaître la laideur du langage que vous venez de tenir.»
+L'étranger, pris de honte, gagna la porte. Mais une main invisible
+l'arrêta sur le seuil. Comprenant alors la grandeur de son péché, il
+demanda pardon à la sainte et put sortir librement de l'église<a id="footnotetag1482" name="footnotetag1482"></a><a href="#footnote1482" title="Lien vers la note 1482"><span class="smaller">[1482]</span></a>.</p>
+
+<p>Après que l'armée royale eut quitté Gien, la Pucelle avait annoncé,
+disait-on, qu'une grande bataille serait livrée entre Auxerre et
+Reims<a id="footnotetag1483" name="footnotetag1483"></a><a href="#footnote1483" title="Lien vers la note 1483"><span class="smaller">[1483]</span></a>. Quand des prédictions, comme celle-ci, ne se vérifiaient
+pas, on les oubliait. D'ailleurs il était admis alors que les vrais
+prophètes <span class="pagenum"><a id="page548" name="page548"></a>(p. 548)</span> pouvaient prophétiser parfois à faux. Le
+théologien subtil distinguait entre les prophéties de prédestination
+qui se réalisent toujours et celles de commination qui, étant
+conditionnelles, peuvent ne pas se réaliser, sans qu'on doive accuser
+de mensonge la bouche qui les fit<a id="footnotetag1484" name="footnotetag1484"></a><a href="#footnote1484" title="Lien vers la note 1484"><span class="smaller">[1484]</span></a>. On admirait qu'une enfant des
+champs découvrît les choses futures et l'on s'écriait avec l'apôtre: «
+Je vous loue, ô Père, de ce que vous avez dérobé vos secrets aux sages
+et aux prudents, et de ce que vous les avez révélés aux petits.»</p>
+
+<p>Les prophéties de la Pucelle se répandirent en un moment dans toute la
+chrétienté<a id="footnotetag1485" name="footnotetag1485"></a><a href="#footnote1485" title="Lien vers la note 1485"><span class="smaller">[1485]</span></a>. Un clerc de Spire composa sur elle un traité
+intitulé <i>Sibylla Francica</i>, et divisé en deux rôles. Le premier rôle
+fut rédigé, au plus tard, dans le mois de juillet de l'année 1429. Le
+second est daté du 17 septembre de la même année. Ce clerc croit que
+la Pucelle exerçait la divination par l'astrologie. Il avait ouï dire
+à un religieux français, de l'ordre des Prémontrés, que Jeanne se
+plaisait, la nuit, à observer le ciel. Il remarque qu'elle ne
+prophétisa jamais que sur le royaume de France et il donne comme
+sortie de la bouche de la Pucelle la vaticination que voici: «Après
+avoir accompli vingt <span class="pagenum"><a id="page549" name="page549"></a>(p. 549)</span> années de royauté, le dauphin dormira
+avec ses pères. Après lui, son fils aîné, maintenant enfant de six
+ans, régnera avec plus grande gloire, honneur et puissance royale
+qu'aucun des rois de France depuis Charlemagne<a id="footnotetag1486" name="footnotetag1486"></a><a href="#footnote1486" title="Lien vers la note 1486"><span class="smaller">[1486]</span></a>.»</p>
+
+<p>La Pucelle avait le don de voir certaines choses qui s'accomplissaient
+loin d'elle.</p>
+
+<p>Elle sut, à Vaucouleurs, le jour même de la bataille des Harengs,
+qu'un grand meschef advenait au dauphin<a id="footnotetag1487" name="footnotetag1487"></a><a href="#footnote1487" title="Lien vers la note 1487"><span class="smaller">[1487]</span></a>.</p>
+
+<p>Un jour qu'elle mangeait assise auprès du roi, elle se mit à rire à la
+dérobée. Le roi, s'en avisant, lui demanda:</p>
+
+<p>&mdash;Bien-aimée, pourquoi riez-vous de si grand c&oelig;ur?</p>
+
+<p>Elle répondit qu'elle le lui dirait après le repas.</p>
+
+<p>Et quand on apporta l'aiguière:</p>
+
+<p>&mdash;Sire, fit-elle, en ce jour, cinq cents Anglais sont noyés en la mer,
+qui voulaient passer par delà, en votre terre, pour vous porter
+dommage. Voilà pourquoi j'ai ri. Dans trois jours, il vous viendra
+nouvelles certaines que c'est vérité.</p>
+
+<p>Et il en fut ainsi<a id="footnotetag1488" name="footnotetag1488"></a><a href="#footnote1488" title="Lien vers la note 1488"><span class="smaller">[1488]</span></a>.</p>
+
+<p>Une autre fois, comme elle était dans une ville éloignée de plusieurs
+lieues du château où se tenait le <span class="pagenum"><a id="page550" name="page550"></a>(p. 550)</span> roi, faisant sa prière
+avant de s'endormir, elle apprit par révélation que des ennemis du roi
+le voulaient empoisonner à son dîner. Aussitôt elle appela ses frères
+et les dépêcha au roi pour l'aviser de ne prendre aucune nourriture
+avant sa venue.</p>
+
+<p>Quand elle parut devant lui, il était à table avec onze personnes
+autour de lui.</p>
+
+<p>&mdash;Sire, dit-elle, faites emporter les mets.</p>
+
+<p>Elle les donna à des chiens qui les mangèrent et moururent aussitôt.</p>
+
+<p>Alors désignant un chevalier qui se tenait près du roi et deux autres
+convives:</p>
+
+<p>&mdash;Ceux-là, dit-elle, voulaient vous empoisonner.</p>
+
+<p>Le chevalier avoua sur l'heure que c'était la vérité, et il fut traité
+selon ses mérites<a id="footnotetag1489" name="footnotetag1489"></a><a href="#footnote1489" title="Lien vers la note 1489"><span class="smaller">[1489]</span></a>.</p>
+
+<p>Elle avait reconnu qu'un prêtre était concubinaire<a id="footnotetag1490" name="footnotetag1490"></a><a href="#footnote1490" title="Lien vers la note 1490"><span class="smaller">[1490]</span></a>; et,
+rencontrant un jour, au camp, une fille habillée en homme, elle avait
+su par illumination que cette fille était grosse et qu'ayant déjà
+accouché d'un enfant, elle l'avait fait périr<a id="footnotetag1491" name="footnotetag1491"></a><a href="#footnote1491" title="Lien vers la note 1491"><span class="smaller">[1491]</span></a>.</p>
+
+<p>On attribuait aussi à la Pucelle la faculté de découvrir les objets
+cachés. Elle-même se l'était attribuée lors de son passage à Tours.
+Elle avait, disait-elle, connu par révélation une épée enfouie sous
+terre dans la chapelle de Sainte-Catherine-de-Fierbois, et <span class="pagenum"><a id="page551" name="page551"></a>(p. 551)</span>
+s'était armée de cette épée. On pensait que c'était l'épée dont
+Charles Martel avait frappé les Sarrasins. D'autres soupçonnaient que
+ce fût celle d'Alexandre le Grand<a id="footnotetag1492" name="footnotetag1492"></a><a href="#footnote1492" title="Lien vers la note 1492"><span class="smaller">[1492]</span></a>.</p>
+
+<p>Jeanne avait connu pareillement avant le sacre, disait-on, une
+couronne précieuse, célée à tous les yeux. Et voici le conte que l'on
+faisait à ce sujet:</p>
+
+<p>Un évêque gardait la couronne de saint Louis. On ne savait pas bien
+quel évêque c'était, mais on savait que la Pucelle lui avait envoyé un
+messager avec une lettre pour le prier de rendre la couronne. L'évêque
+répondit au messager que la Pucelle avait rêvé. Elle réclama une
+deuxième fois le saint joyau et l'évêque fit même réponse. Alors elle
+écrivit aux bourgeois de la ville épiscopale que, si la couronne
+n'était pas rendue au roi, le Seigneur leur enverrait un châtiment, et
+aussitôt il tomba dans le pays une grêle si abondante, que ce fut
+grande merveille. Communément c'étaient les sorciers qui faisaient
+grêler. Cette fois la grêle était une plaie envoyée par le Dieu qui
+affligea dix plaies à l'Égypte. Après quoi la Pucelle fit tenir aux
+bourgeois de la ville une troisième lettre dans laquelle elle leur
+décrivait la forme et la façon de la couronne que l'évêque tenait
+cachée, et les avertissait que, si elle n'était <span class="pagenum"><a id="page552" name="page552"></a>(p. 552)</span> pas rendue
+au roi, il leur adviendrait pis qu'il n'était advenu. L'évêque, qui
+croyait que le merveilleux chapeau d'or n'était connu que de lui,
+admira que la forme et la façon en fussent décrites dans cette lettre.
+Il se repentit de sa méchanceté, pleura abondamment et ordonna que la
+couronne fût envoyée au Roi et à la Pucelle<a id="footnotetag1493" name="footnotetag1493"></a><a href="#footnote1493" title="Lien vers la note 1493"><span class="smaller">[1493]</span></a>.</p>
+
+<p>Nous discernons sans trop de peine de quels éléments ce conte a pu se
+former. La couronne de Charlemagne, que les rois de France ceignaient
+dans la cérémonie du sacre, était à Saint-Denys en France, aux mains
+des Anglais. Jeanne se vantait d'avoir donné au dauphin à Chinon une
+couronne précieuse, apportée par des anges. Elle disait que cette
+couronne avait été envoyée à Reims pour le couronnement, mais qu'on
+n'avait pas pu l'attendre<a id="footnotetag1494" name="footnotetag1494"></a><a href="#footnote1494" title="Lien vers la note 1494"><span class="smaller">[1494]</span></a>. Quant au cel de la couronne par un
+évêque, cela ne fut-il pas inspiré par ce qu'on savait de l'avidité de
+messire Regnault de Chartres, archevêque de Reims, qui avait pris un
+vase d'argent déposé par le roi sur l'autel, après la cérémonie, et
+destiné au chapitre de la cathédrale<a id="footnotetag1495" name="footnotetag1495"></a><a href="#footnote1495" title="Lien vers la note 1495"><span class="smaller">[1495]</span></a>?</p>
+
+<p>On parlait aussi de gants perdus à Reims et d'une tasse que Jeanne
+avait retrouvés<a id="footnotetag1496" name="footnotetag1496"></a><a href="#footnote1496" title="Lien vers la note 1496"><span class="smaller">[1496]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page553" name="page553"></a>(p. 553)</span> Pucelle guerrière et pacifique, béguine, prophétesse,
+magicienne, ange du Seigneur, ogresse, chacun dans le peuple la voit à
+sa façon, la rêve à son image. Les âmes pieuses lui prêtent une
+invincible douceur et les trésors divins de la charité, les simples la
+font simple comme eux; les hommes violents et grossiers se la
+représentent ainsi qu'une géante burlesque et terrible. Pourra-t-on
+désormais apercevoir quelques traits de son véritable visage? La voilà
+dès la première heure et pour toujours, peut-être, enfermée dans le
+buisson fleuri des légendes!</p>
+
+<p class="p2 center smcap">FIN DU TOME PREMIER</p>
+
+
+
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page555" name="page555"></a>(p. 555)</span> TABLE DU TOME PREMIER</h2>
+
+<div class="tam">
+<ul class="none">
+<li>PRÉFACE. <span class="ralign10"><a href="#pageI">i</a></span></li>
+</ul>
+<ul class="roman">
+<li>&mdash;L'ENFANCE. <span class="ralign10"><a href="#page1">1</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LES VOIX. <span class="ralign10"><a href="#page33">33</a></span></li>
+
+<li>&mdash;PREMIER SÉJOUR À VAUCOULEURS. &mdash; FUITE À
+ NEUFCHÂTEAU. &mdash; VOYAGE À TOUL. &mdash; SECOND
+ SÉJOUR À VAUCOULEURS. <span class="ralign10"><a href="#page70">70</a></span></li>
+
+<li>&mdash;VOYAGE À NANCY. &mdash; ITINÉRAIRE DE VAUCOULEURS
+ À SAINTE-CATHERINE-DE-FIERBOIS. <span class="ralign10"><a href="#page105">105</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LE SIÈGE D'ORLÉANS, DU 12 OCTOBRE 1428 AU
+ 6 MARS 1429. <span class="ralign10"><a href="#page122">122</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PUCELLE À CHINON. &mdash; PROPHÉTIES. <span class="ralign10"><a href="#page167">167</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PUCELLE À POITIERS. <span class="ralign10"><a href="#page215">215</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PUCELLE À POITIERS (<i>Suite</i>). <span class="ralign10"><a href="#page236">236</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PUCELLE À TOURS. <span class="ralign10"><a href="#page252">252</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LE SIÈGE D'ORLÉANS, DU 7 MARS AU 28 AVRIL 1429. <span class="ralign10"><a href="#page267">267</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PUCELLE À BLOIS. &mdash; LA LETTRE AUX ANGLAIS. &mdash; LE
+ DÉPART POUR ORLÉANS. <span class="ralign10"><a href="#page282">282</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PUCELLE À ORLÉANS. <span class="ralign10"><a href="#page300">300</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PRISE DES TOURELLES ET LA DÉLIVRANCE
+ D'ORLÉANS. <span class="ralign10"><a href="#page345">345</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PUCELLE À TOURS ET À SELLES-EN-BERRY. &mdash; LES
+ TRAITÉS DE JACQUES GÉLU ET DE JEAN
+ GERSON. <span class="ralign10"><a href="#page371">371</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA PRISE DE JARGEAU. &mdash; LE PONT DE MEUNG. &mdash; BEAUGENCY. <span class="ralign10"><a href="#page403">403</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA BATAILLE DE PATAY. &mdash; L'OPINION DES
+ CLERCS D'ITALIE ET D'ALLEMAGNE. &mdash; L'ARMÉE
+ DE GIEN. <span class="ralign10"><a href="#page430">430</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA CONVENTION D'AUXERRE. &mdash; FRÈRE RICHARD. &mdash; LA
+ CAPITULATION DE TROYES. <span class="ralign10"><a href="#page469">469</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA CAPITULATION DE CHÂLONS ET DE REIMS. &mdash; LE
+ SACRE. <span class="ralign10"><a href="#page505">505</a></span></li>
+
+<li>&mdash;LA LÉGENDE DE LA PREMIÈRE HEURE. <span class="ralign10"><a href="#page534">534</a></span></li>
+</ul>
+</div>
+<p class="p2 center"><span class="smcap">Imprimerie Chaix, rue Bergère, 20, Paris</span>.&mdash;2854-2-08.&mdash;(Encre
+Lorilleux).</p>
+
+
+<h2>CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS<br>
+
+<span class="smaller">DU MÊME AUTEUR<br>
+Format grand in-18.</span></h2>
+
+<div class="tam">
+<ul class="none">
+<li>BALTHASAR. <span class="ralign10">1 vol.</span></li>
+
+<li>CRAINQUEBILLE, PUTOIS, RIQUET. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LE CRIME DE SYLVESTRE BONNARD (<i>Ouvrage
+ couronné par l'Académie française</i>). <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LES DÉSIRS DE JEAN SERVIEN. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>L'ÉTUI DE NACRE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>HISTOIRE COMIQUE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LE JARDIN D'ÉPICURE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>JOCASTE ET LE CHAT MAIGRE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LE LIVRE DE MON AMI. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LE LYS ROUGE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LES OPINIONS DE M. JÉRÔME COIGNARD. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LE PUITS DE SAINTE-CLAIRE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LA RÔTISSERIE DE LA REINE PÉDAUQUE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>SUR LA PIERRE BLANCHE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>THAÏS. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>LA VIE LITTÉRAIRE. <span class="ralign10">4 &mdash;</span></li>
+
+<li>PAGES CHOISIES. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+<li>&nbsp;</li>
+
+<li>HISTOIRE CONTEMPORAINE</li>
+<li><ol class="roman">
+
+<li>&mdash;L'ORME DU MAIL. <span class="ralign10">1 vol.</span></li>
+
+<li>&mdash;LE MANNEQUIN D'OSIER. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>&mdash;L'ANNEAU D'AMÉTHYSTE. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+
+<li>&mdash;MONSIEUR BERGERET À PARIS. <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+</ol></li>
+
+<li>&nbsp;</li>
+
+<li>ÉDITION ILLUSTRÉE</li>
+<li><ol class="none">
+
+<li>CLIO (<i>Illustrations en couleurs de Mucha</i>) <span class="ralign10">1 vol.</span></li>
+
+<li>HISTOIRE COMIQUE (<i>Pointes sèches et eaux-fortes de
+ Edgar Chahine</i>) <span class="ralign10">1 &mdash;</span></li>
+</ol></li>
+</ul>
+</div>
+
+<p class="p2 center"><span class="smcap">Imprimerie Chaix, rue Bergère, 20, Paris.</span>&mdash;2716-2-08.&mdash;(Encre
+Lorilleux).</p>
+
+<h2>Notes</h2>
+
+<div class="notes">
+<p><a id="footnote1" name="footnote1"></a><a href="#footnotetag1">[1]</a> Le P. Lelong, <i>Bibliothèque historique de la France</i>,
+Paris, 1768 (5 vol. in fol.), II, n. 17172-17242.&mdash;Potthast,
+<i>Bibliotheca medii &oelig;vi</i>, Berlin, 1895, in-8<sup>o</sup>, t. 1, pp. 643 et
+suiv.&mdash;U. Chevalier, <i>Répertoire des sources historiques du Moyen
+Âge</i>, Paris, in-8<sup>o</sup>, 1877, pp. 1247-1255; <i>Jeanne d'Arc,
+biobibliographie</i>, Montbéliard, 1878 [Extrait]; <i>Supplément au
+Répertoire</i>, Paris, 1883, pp. 2684-2686, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Lanéry d'Arc, <i>Le
+livre d'Or de Jeanne d'Arc, bibliographie raisonnée et analytique des
+ouvrages relatifs à Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1894, gr. in-8<sup>o</sup> et
+supplément.&mdash;A. Molinier, <i>Les sources de l'histoire de France des
+origines aux guerres d'Italie</i>, IV: <i>Les Valois</i>, 1328-1461, Paris,
+1904, pp. 310-348.</p>
+
+<p><a id="footnote2" name="footnote2"></a><a href="#footnotetag2">[2]</a> Jules Quicherat, <i>Procès de condamnation et de
+réhabilitation de Jeanne d'Arc</i>, Paris, in-8<sup>o</sup>, 1841, t. I.</p>
+
+<p><a id="footnote3" name="footnote3"></a><a href="#footnotetag3">[3]</a> <i>Procès</i>, t. I. p. 93 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote4" name="footnote4"></a><a href="#footnotetag4">[4]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 89, 142, 161, 176, 178, 201.</p>
+
+<p><a id="footnote5" name="footnote5"></a><a href="#footnotetag5">[5]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 478 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote6" name="footnote6"></a><a href="#footnotetag6">[6]</a> Jean de Bueil, <i>le Jouvencel</i>, éd. C. Fabre et L.
+Lecestre, Paris, 1887, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 283.</p>
+
+<p><a id="footnote7" name="footnote7"></a><a href="#footnotetag7">[7]</a> Perceval de Cagny, <i>Chroniques</i>, publiées par H.
+Moranvillé, Paris, 1902, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote8" name="footnote8"></a><a href="#footnotetag8">[8]</a> <i>Ibid.</i>, p. 31.</p>
+
+<p><a id="footnote9" name="footnote9"></a><a href="#footnotetag9">[9]</a> <i>Procès</i>, t. IV, p. 1.</p>
+
+<p><a id="footnote10" name="footnote10"></a><a href="#footnotetag10">[10]</a> <i>Ibid.</i>, t. IV, pp. 40 à 50.&mdash;D. Godefroy, <i>Histoire de
+Charles VII</i>, Paris, 1661, in-fol., pp. 369-474.</p>
+
+<p><a id="footnote11" name="footnote11"></a><a href="#footnotetag11">[11]</a> Jean Chartier, <i>Chronique de Charles VII, roi de
+France</i>, publ. par Vallet de Viriville, Paris, 1858, 3 vol. in-18
+(Bibliothèque Elzévirienne).</p>
+
+<p><a id="footnote12" name="footnote12"></a><a href="#footnotetag12">[12]</a> Jean Chartier, <i>Chronique de Charles VII, roi de
+France</i>, t. I, p. 122.</p>
+
+<p><a id="footnote13" name="footnote13"></a><a href="#footnotetag13">[13]</a> Jean Chartier, <i>Chronique de Charles VII, roi de
+France</i>, t. I, p. 121.</p>
+
+<p><a id="footnote14" name="footnote14"></a><a href="#footnotetag14">[14]</a> <i>Ibid.</i>, t. 1, p. 87.</p>
+
+<p><a id="footnote15" name="footnote15"></a><a href="#footnotetag15">[15]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote16" name="footnote16"></a><a href="#footnotetag16">[16]</a> <i>Journal du siège d'Orléans</i> (1428-1429), publié par P.
+Charpentier et C. Cuissart, Orléans, 1896, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote17" name="footnote17"></a><a href="#footnotetag17">[17]</a> <i>Ibid.</i>, p. 81.&mdash;<i>Procès</i>, t. IV, p. 162, note.</p>
+
+<p><a id="footnote18" name="footnote18"></a><a href="#footnotetag18">[18]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 97.&mdash;<i>Procès</i>, t. III, p. 215.</p>
+
+<p><a id="footnote19" name="footnote19"></a><a href="#footnotetag19">[19]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i> ou <i>Chronique de Cousinot</i>,
+publiée par Vallet de Viriville, Paris, 1859, in-16 (Bibliothèque
+Gauloise).</p>
+
+<p><a id="footnote20" name="footnote20"></a><a href="#footnotetag20">[20]</a> <i>Mistère du siège d'Orléans</i>, publ. pour la première
+fois d'après le manuscrit unique conservé à la bibliothèque du
+Vatican, par MM. F. Guessard et E. de Certain, Paris, 1862,
+in-4<sup>o</sup>.&mdash;Cf. <i>Étude sur le mystère du siège d'Orléans</i>, par H. Tivier,
+Paris, 1868, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote21" name="footnote21"></a><a href="#footnotetag21">[21]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 309.</p>
+
+<p><a id="footnote22" name="footnote22"></a><a href="#footnotetag22">[22]</a> L'abbé E. Bossard et de Maulde, <i>Gilles de Rais,
+maréchal de France dit Barbe-Bleue</i> (1404-1440), 2<sup>e</sup> édit., Paris,
+1886, in-8<sup>o</sup>, pp. 94 à 113.</p>
+
+<p><a id="footnote23" name="footnote23"></a><a href="#footnotetag23">[23]</a> <i>Mistère du siège</i>, p. viij.</p>
+
+<p><a id="footnote24" name="footnote24"></a><a href="#footnotetag24">[24]</a> <i>Mistère du siège</i>, préface, p. <span class="smcap">X</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote25" name="footnote25"></a><a href="#footnotetag25">[25]</a> <i>Mistère du siège</i>, pp. 397-398.</p>
+
+<p><a id="footnote26" name="footnote26"></a><a href="#footnotetag26">[26]</a> <i>Mistère du siège</i>, vers 14375-14381, p. 559.</p>
+
+<p><a id="footnote27" name="footnote27"></a><a href="#footnotetag27">[27]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 285 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote28" name="footnote28"></a><a href="#footnotetag28">[28]</a> <i>Relation inédite sur Jeanne d'Arc, extraite du livre
+noir de l'hôtel de ville de La Rochelle</i>, publ. par J. Quicherat,
+Orléans, 1879, in-8<sup>o</sup>, et <i>Revue Historique</i>, t. IV, 1877, pp.
+329-344.</p>
+
+<p><a id="footnote29" name="footnote29"></a><a href="#footnotetag29">[29]</a> Bibl. nat. fr., 23.018.&mdash;J. Quicherat, <i>Supplément aux
+témoignages contemporains sur Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Revue Historique</i>,
+t. XIX, mai-juin 1882, pp. 72-83.</p>
+
+<p><a id="footnote30" name="footnote30"></a><a href="#footnotetag30">[30]</a> Pierre Champion, <i>Guillaume de Flavy</i>, Paris, 1906,
+in-8<sup>o</sup>, pp. xj et xij.</p>
+
+<p><a id="footnote31" name="footnote31"></a><a href="#footnotetag31">[31]</a> <i>Chronique d'Antonio Morosini</i>, introd. et comm., par
+Germain Lefèvre-Pontalis, texte établi par Léon Dorez, t. III, 1901,
+p. 302 et t. IV, annexe xxj.</p>
+
+<p><a id="footnote32" name="footnote32"></a><a href="#footnotetag32">[32]</a> Enguerran de Monstrelet, <i>Chronique</i>, publ. par
+Doüet-d'Arcq, Paris, 1857-1861, 6 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote33" name="footnote33"></a><a href="#footnotetag33">[33]</a> Rabelais, <i>Pantagruel</i>, t. III, ch. <span class="smcap">XXIV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote34" name="footnote34"></a><a href="#footnotetag34">[34]</a> Jehan de Wavrin, <i>Anchiennes croniques d'Engleterre</i>,
+éd. de mademoiselle Dupont, Paris, 1858-1863, 3 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote35" name="footnote35"></a><a href="#footnotetag35">[35]</a> Additions de Wavrin à Monstrelet, dans <i>Procès</i>, t. IV,
+p. 407.</p>
+
+<p><a id="footnote36" name="footnote36"></a><a href="#footnotetag36">[36]</a> <i>Chronique de Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy</i>,
+publ. par François Morand, Taris, 1876-81, 2 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote37" name="footnote37"></a><a href="#footnotetag37">[37]</a> <i>Chronique des ducs de Bourgogne</i>, Paris, 1827, 2 vol.
+in-8<sup>o</sup>, t. XLII et XLIII de la <i>Collection des Chroniques françaises</i>
+de Buchon.&mdash;<i>&OElig;uvres de Georges Chastellain</i>, publiées par Kervyn de
+Lettenhove, Bruxelles, 1863, 8 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote38" name="footnote38"></a><a href="#footnotetag38">[38]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i> (1405-1449), publié
+par A. Tuetey, Paris, 1881, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote39" name="footnote39"></a><a href="#footnotetag39">[39]</a> <i>Chronique d'Antonio Morosini</i>, publ. par Léon Dorez et
+Germain Lefèvre-Pontalis, Paris, 1900-1902, 4 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote40" name="footnote40"></a><a href="#footnotetag40">[40]</a> G. Lefèvre-Pontalis, <i>Les sources allemandes de
+l'histoire de Jeanne d'Arc</i>, Eberhard Windecke, Paris, 1903, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote41" name="footnote41"></a><a href="#footnotetag41">[41]</a> <i>Procès</i>, t. II à III, 1844-45. (Les tomes V et VI,
+1846-47, contiennent les témoignages.)</p>
+
+<p><a id="footnote42" name="footnote42"></a><a href="#footnotetag42">[42]</a> Lanéry d'Arc, <i>Mémoires et consultations en faveur de
+Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1889, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote43" name="footnote43"></a><a href="#footnotetag43">[43]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 378-463.</p>
+
+<p><a id="footnote44" name="footnote44"></a><a href="#footnotetag44">[44]</a> J. Quicherat, <i>Histoire du costume</i>, Paris, 1875, gr.
+in-8<sup>o</sup>, <i>passim</i>.&mdash;G. Demay, <i>Le costume au moyen âge d'après les
+sceaux</i>, Paris, 1880, p. 121, fig. 76 et 77.</p>
+
+<p><a id="footnote45" name="footnote45"></a><a href="#footnotetag45">[45]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 34.</p>
+
+<p><a id="footnote46" name="footnote46"></a><a href="#footnotetag46">[46]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 100.</p>
+
+<p><a id="footnote47" name="footnote47"></a><a href="#footnotetag47">[47]</a> Il convient toutefois de remarquer que frère Pasquerel,
+qui n'était ni à Chinon, ni à Poitiers, prend soin de dire qu'il ne
+sait du séjour de Jeanne dans ces deux villes que ce qu'elle-même lui
+a appris. Or, nous voyons, non sans surprise, qu'elle mettait aussi
+l'examen de Poitiers avant l'audience de Chinon, puisqu'elle a dit
+dans son procès, que, à Chinon, ayant montré un signe à son roi, les
+clercs cessèrent de «l'arguer» (<i>Procès</i>, t. I, p. 146).</p>
+
+<p><a id="footnote48" name="footnote48"></a><a href="#footnotetag48">[48]</a> <i>Expectando succursum regis</i> (<i>Procès</i>, t. III, p.
+109).</p>
+
+<p><a id="footnote49" name="footnote49"></a><a href="#footnotetag49">[49]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 105.</p>
+
+<p><a id="footnote50" name="footnote50"></a><a href="#footnotetag50">[50]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 2 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote51" name="footnote51"></a><a href="#footnotetag51">[51]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 12.</p>
+
+<p><a id="footnote52" name="footnote52"></a><a href="#footnotetag52">[52]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 15, 161, 329; t. III, pp. 41 et
+<i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote53" name="footnote53"></a><a href="#footnotetag53">[53]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 23.</p>
+
+<p><a id="footnote54" name="footnote54"></a><a href="#footnotetag54">[54]</a> L. Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise au siège
+d'Orléans</i> (1428-1429). Orléans, 1892, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote54a" name="footnote54a"></a><a href="#footnotetag54a">[54a]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 85.</p>
+
+<p><a id="footnote54b" name="footnote54b"></a><a href="#footnotetag54b">[54b]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 100.&mdash;Voir, par contre, la
+déposition de Dunois (t. III, p. 16) «<i>licet dicta Johanna
+aliquotiens jocose loqueretur de facto armorum, pro animante
+armatos... tamen quando loquebatur seriose de guerra... nunquam
+affirmative asserebat nisi quod erat missa ad levandum obsidionem
+Aurelianensem.</i></p>
+
+<p><a id="footnote54c" name="footnote54c"></a><a href="#footnotetag54c">[54c]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 438, 457; t. III, pp. 100, 219.</p>
+
+<p><a id="footnote55" name="footnote55"></a><a href="#footnotetag55">[55]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 20.</p>
+
+<p><a id="footnote56" name="footnote56"></a><a href="#footnotetag56">[56]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 87.</p>
+
+<p><a id="footnote57" name="footnote57"></a><a href="#footnotetag57">[57]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 438; t. III, pp. 15, 76, 100, 219 et
+457.</p>
+
+<p><a id="footnote58" name="footnote58"></a><a href="#footnotetag58">[58]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 89 et 121.</p>
+
+<p><a id="footnote59" name="footnote59"></a><a href="#footnotetag59">[59]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 2 et 35.</p>
+
+<p><a id="footnote60" name="footnote60"></a><a href="#footnotetag60">[60]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 100 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote61" name="footnote61"></a><a href="#footnotetag61">[61]</a> Siméon Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy, recherches
+critiques sur les origines de la mission de la Pucelle</i>, Paris, 1886,
+in-8<sup>o</sup>; <i>La France pendant la guerre de cent ans: épisodes historiques
+et vie privée aux XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles</i>, Paris, 1890, in-12.</p>
+
+<p><a id="footnote62" name="footnote62"></a><a href="#footnotetag62">[62]</a> D. Lottin, <i>Recherches sur la ville d'Orléans</i>, Orléans,
+7 vol. in-8<sup>o</sup>.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Les comptes de ville d'Orléans
+des XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles</i>, Orléans, 1880, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Jules
+Loiseleur, <i>Compte des dépenses faites par Charles VII pour secourir
+Orléans pendant le siège de 1428</i>, Orléans, 1808, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Louis
+Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise au siège d'Orléans</i>, Orléans,
+1892, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Couret, <i>Un fragment inédit des anciens registres de la
+prévôté d'Orléans, relatif au règlement des frais du siège de
+1428-1429</i>, Orléans, 1897, in-8<sup>o</sup> (extrait des <i>Mémoires de l'Académie
+de Sainte Croix</i>).</p>
+
+<p><a id="footnote63" name="footnote63"></a><a href="#footnotetag63">[63]</a> Rymer, <i>F&oelig;dera, conventiones...</i> éd. tercia, Hagæ
+Comitis, 1739-1745, 10 vol. in-fol.&mdash;Delpit, <i>Collection de documents
+français qui se trouvent en Angleterre</i>, Paris, 1847, in-4<sup>o</sup>.&mdash;J.
+Stevenson, <i>Letters and papers illustrative of the wars of the English
+in France during the reign of Henry VI</i>, 1861-1864, 3 part., en 2 vol.
+in-8<sup>o</sup>.&mdash;Charles Gross, <i>The sources and literature of English
+history</i>, 1900, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote64" name="footnote64"></a><a href="#footnotetag64">[64]</a> Varin, <i>Archives législatives de la ville de Reims</i>,
+2<sup>e</sup> partie, <i>Statuts</i>, t. I, p. 596.&mdash;<i>Procès</i>, t. IV, pp. 284 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote65" name="footnote65"></a><a href="#footnotetag65">[65]</a> E. Robillard de Beaurepaire, <i>Recherches sur le procès
+de condamnation de Jeanne d'Arc</i>, Rouen, 1869, in-8<sup>o</sup>; [<i>Précis des
+travaux de l'Académie de Rouen</i>, 1867-1868, pp. 321-448]; <i>Notes sur
+les juges et les assesseurs du procès de condamnation de Jeanne
+d'Arc</i>, Rouen, 1890, in-8<sup>o</sup>; [<i>Précis des travaux de l'Académie de
+Rouen</i>, 1888-89, pp. 375-504].</p>
+
+<p><a id="footnote66" name="footnote66"></a><a href="#footnotetag66">[66]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 342 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote67" name="footnote67"></a><a href="#footnotetag67">[67]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 219.</p>
+
+<p><a id="footnote68" name="footnote68"></a><a href="#footnotetag68">[68]</a> Brière de Boismont, <i>De l'hallucination historique, ou
+étude médico-psychique sur les voix et les révélations de Jeanne
+d'Arc</i>, 1861, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Le vicomte de Mouchy, <i>Jeanne d'Arc, étude
+historique et psychologique</i>, Montpellier, 1868, in-8<sup>o</sup>, 67 p.</p>
+
+<p><a id="footnote69" name="footnote69"></a><a href="#footnotetag69">[69]</a> T. II.</p>
+
+<p><a id="footnote70" name="footnote70"></a><a href="#footnotetag70">[70]</a> <i>Acta Sanctorum</i>, 1675, Avril, III, 851.</p>
+
+<p><a id="footnote71" name="footnote71"></a><a href="#footnotetag71">[71]</a> <i>Ibid.</i>, Mars, I, 532.</p>
+
+<p><a id="footnote72" name="footnote72"></a><a href="#footnotetag72">[72]</a> Le Père Hugues de Saint-François, <i>Les grandeurs de
+sainte Anne</i>, Rennes, 1657, in-8<sup>o</sup>.&mdash;L'abbé Max Nicol,
+<i>Sainte-Anne-d'Auray</i>, Paris, Bruxelles, s. d. in-8<sup>o</sup>, pp. 37 et
+suiv.&mdash;M. le docteur G. de Closmadeuc a bien voulu me communiquer son
+précieux travail inédit sur Yves Nicolazic, dans lequel on retrouve la
+sûreté d'information et de critique qui caractérise ses études
+d'histoire locale.</p>
+
+<p><a id="footnote73" name="footnote73"></a><a href="#footnotetag73">[73]</a> <i>Recueil des ouvrages de la célèbre mademoiselle
+Labrousse, du Bourg de Vauxains, en Périgord, canton de Ribeirac,
+département de la Dordogne, actuellement prisonnière au château
+Saint-Ange, à Rome</i>, Bordeaux, 1797, in-8<sup>o</sup>.&mdash;E. Lairtullier, <i>Les
+femmes célèbres de 1789 à 1795</i>, Paris, 1842, in-8<sup>o</sup>, t. I, pp. 212 et
+suiv.&mdash;Abbé Chr. Moreau, <i>Une mystique révolutionnaire, Suzette
+Labrousse</i>, Paris, 1886, in-8<sup>o</sup>.&mdash;A. France, <i>Suzette Labrousse</i>,
+Paris, 1907, in-12.</p>
+
+<p><a id="footnote74" name="footnote74"></a><a href="#footnotetag74">[74]</a> T. II, appendices II et III.</p>
+
+<p><a id="footnote75" name="footnote75"></a><a href="#footnotetag75">[75]</a> Le P. Ayroles, <i>La vraie Jeanne d'Arc</i>, 5 vol. grand
+in-8<sup>o</sup>, Paris, 1894-1902. En parlant de ce livre dans une étude sur
+l'<i>Abjuration de Jeanne d'Arc</i> (Paris, 1902, pp. 7 et 8, note), le
+chanoine Ulysse Chevalier, auteur d'un précieux <i>Répertoire des
+sources du moyen âge</i>, s'exprime avec beaucoup de sens et de fermeté.
+«Par les dimensions de ses cinq volumes, dit-il, cet ouvrage pourrait
+faire l'illusion d'être la plus ample histoire de Jeanne d'Arc; il
+n'en est rien. C'est un chaos de mémoires traduits ou mis en français
+de notre temps, de réflexions et de controverses contre la libre
+pensée, représentée par Michelet, H. Martin, Quicherat, Vallet de
+Viriville, Sim. Luce et Jos. Fabre. Deux titres suffiront pour donner
+une idée du ton. «Les pseudo-théologiens bourreaux de Jeanne d'Arc,
+bourreaux de la Papauté» (t. I, p. 87). «L'Université de Paris et le
+brigandage de Rouen» (p. 149). L'auteur juge trop souvent le <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup>
+siècle d'après les préoccupations du <span class="smcap">XIX</span><sup>e</sup>. Est-il sûr que, membre
+de l'Université de Paris, en 1431, il eût pensé et jugé en faveur de
+Jeanne d'Arc, à l'encontre de ses collègues?».</p>
+
+<p><a id="footnote76" name="footnote76"></a><a href="#footnotetag76">[76]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 456.</p>
+
+<p><a id="footnote77" name="footnote77"></a><a href="#footnotetag77">[77]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises, monastères,
+hôpitaux en France vers le milieu du XV<sup>e</sup> siècle</i>, Mâcon, 1897,
+in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote78" name="footnote78"></a><a href="#footnotetag78">[78]</a> O. Raguenet, <i>Les juges de Jeanne d'Arc à Poitiers,
+membres du Parlement ou gens d'Église?</i> dans <i>Lettres et mémoires de
+l'Académie de Sainte-Croix d'Orléans</i>, VII, 1894, pp. 399-442.&mdash;D.
+Lacombe, <i>L'hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau,
+président au Parlement de Poitiers</i>, dans <i>Revue du Bas-Poitou</i>, 1891,
+pp. 46-66.</p>
+
+<p><a id="footnote79" name="footnote79"></a><a href="#footnotetag79">[79]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 146.</p>
+
+<p><a id="footnote80" name="footnote80"></a><a href="#footnotetag80">[80]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 2 et suiv., p. 96.</p>
+
+<p><a id="footnote81" name="footnote81"></a><a href="#footnotetag81">[81]</a> Lettre d'Alain Chartier dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 135,
+136.&mdash;Capitaine P. Marin, <i>Jeanne d'Arc tacticien et stratégiste</i>,
+Paris, 1889, 4 vol. in-12.&mdash;Le général Canonge, <i>Jeanne d'Arc
+guerrière</i>, Paris, 1907, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote82" name="footnote82"></a><a href="#footnotetag82">[82]</a> <i>Rossel et la légende de Jeanne d'Arc</i>, dans la <i>Petite
+République</i> du 15 juillet 1896.&mdash;<i>Jeanne d'Arc soldat</i>, par Art Roë,
+dans le <i>Temps</i> du 8 mai 1907.&mdash;Voyez aussi les ouvrages du capitaine
+Marin, si recommandables d'ailleurs par le soin et la bonne foi.</p>
+
+<p><a id="footnote83" name="footnote83"></a><a href="#footnotetag83">[83]</a> Alain Chartier, <i>&OElig;uvres</i>, éd. André du Chesne, p.
+412.</p>
+
+<p><a id="footnote84" name="footnote84"></a><a href="#footnotetag84">[84]</a> Jean Chartier, <i>Chronique de Charles VII</i>, t. I, p.
+121.</p>
+
+<p><a id="footnote85" name="footnote85"></a><a href="#footnotetag85">[85]</a> Voir la délibération des communes du 2 décembre 1421,
+dans Bréquigny, <i>Lettres des rois, reines et autres personnages des
+cours de France et d'Angleterre</i>, Paris, 1847 (2 vol. in-4<sup>o</sup>), t. II,
+pp. 393 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote86" name="footnote86"></a><a href="#footnotetag86">[86]</a> Le R. P. M. Fornier, <i>Histoire des Alpes-Maritimes</i>,
+Paris, 1890, in-8<sup>o</sup>, t. II. p. 324.&mdash;Lanéry d'Arc, <i>Mémoires et
+consultations</i>, pp. 565 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote87" name="footnote87"></a><a href="#footnotetag87">[87]</a> Marquis de Gaucourt, <i>Le sire de Gaucourt</i>, Orléans,
+1855, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote88" name="footnote88"></a><a href="#footnotetag88">[88]</a> H. Martin, <i>Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1856, in-12.&mdash;J.
+Quicherat, <i>Nouvelles preuves des trahisons essuyées par la Pucelle</i>
+dans <i>Revue de Normandie</i>, t. VI (1866), pp. 396-401.</p>
+
+<p><a id="footnote89" name="footnote89"></a><a href="#footnotetag89">[89]</a> Même à considérer seulement ceux des chanoines qui
+siégèrent au procès. Cf. Ch. de Beaurepaire, <i>Recherches sur le procès
+de condamnation de Jeanne d'Arc</i>, Rouen, 1869, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote90" name="footnote90"></a><a href="#footnotetag90">[90]</a> Ou du moins les conclusions des docteurs qui nous sont
+parvenues. Quant au registre, il ne devait pas contenir grand'chose.
+On voit, par les témoignages du procès de réhabilitation, que les
+clercs de Poitiers ne tenaient pas beaucoup à ce qu'on parlât de leur
+enquête.</p>
+
+<p><a id="footnote91" name="footnote91"></a><a href="#footnotetag91">[91]</a> Aug. Vallet, <i>Observation sur l'ancien monument érigé à
+Orléans</i>, Paris, 1858, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote92" name="footnote92"></a><a href="#footnotetag92">[92]</a> Voir un curieux projet de décoration du terre-plein du
+Pont-Neuf adressé à Louis XIV (B. N., V p<sup>zz</sup> 338, in-fol.). Un sieur
+Dupuis, aide des Cérémonies, y propose l'érection de statues «à ces
+grands et illustres capitaines qui de règne en règne ont vaillamment
+soutenu la dignité de la couronne... Artus de Bretagne, connestable,
+Jean, comte de Dunois, Jeanne Dark, pucelle d'Orléans, Roger de
+Gramont, comte de Guiche, Guillaume, comte de Chaumont, Amaury de
+Severac, Vignoles dit La Hire...». (Communications de M. Paul Lacombe,
+<i>Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris</i>, 1894, p. 115; 11 juin
+1907, <i>Ibid.</i>).</p>
+
+<p><a id="footnote93" name="footnote93"></a><a href="#footnotetag93">[93]</a> <i>Puellæ Aureliensis causa adversariis orationibus
+disceptata auctore Jacobo Jolio</i>, Parisiis, apud Julianum Bertaut,
+1609.</p>
+
+<p><a id="footnote94" name="footnote94"></a><a href="#footnotetag94">[94]</a> Jean Hordal, <i>Heroinæ nobilissimæ Ioannæ Darc Lotharingæ
+vulgo aurelianensis puellæ historia...</i> Ponti-Mussi, 1612, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote95" name="footnote95"></a><a href="#footnotetag95">[95]</a> Rabelais, <i>Gargantua</i>, chap. <span class="smcap">VI</span>.&mdash;Abbé Thiers, <i>Traité
+des superstitions selon l'Écriture sainte</i>, Paris, 1697, t. I, p.
+109.</p>
+
+<p><a id="footnote96" name="footnote96"></a><a href="#footnotetag96">[96]</a> Edmond Richer, <i>Histoire de la Pucelle d'Orléans en 4
+livres</i>, ms., Biblioth. Nat, f. fr., 10448, fol. 12<sup>20</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote97" name="footnote97"></a><a href="#footnotetag97">[97]</a> «La vie de sainte Catherine, vierge et martyre, est
+toute fabuleuse depuis le commencement jusqu'à la fin.» <i>Valesiana</i>,
+p. 48.&mdash;«M. de Launoy, docteur en théologie, avait rayé de son
+calendrier sainte Catherine, vierge et martyre. Il disait que sa vie
+était une fable, et, pour montrer qu'il n'y ajoutait aucune foi, tous
+les ans, au jour de la fête de cette sainte, il disait une messe de
+<i>Requiem</i>. C'est de lui-même que je tiens cette particularité.»
+<i>Ibidem</i>, p. 36.</p>
+
+<p><a id="footnote98" name="footnote98"></a><a href="#footnotetag98">[98]</a> Jean Chapelain, <i>La Pucelle ou la France délivrée</i>,
+Paris, 1656, in-f<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote99" name="footnote99"></a><a href="#footnotetag99">[99]</a> <i>&OElig;uvres de messire Jacques-Bénigne Bossuet</i>, Paris,
+in-4<sup>o</sup>, tome XI, 1749, feuillets chiffrés; tome XII, pp. 234 et
+suiv.&mdash;Cf. Ce qu'il nous dit des inspirées dans l'<i>Instruction sur les
+états d'oraison</i>, Paris, 1697, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote100" name="footnote100"></a><a href="#footnotetag100">[100]</a> «Cette fille nommée Jeanne d'Arq... avoit été servante
+dans une hôtellerie.» <i>Loc. cit.</i>, p. 233.</p>
+
+<p><a id="footnote101" name="footnote101"></a><a href="#footnotetag101">[101]</a> Il ne faut pas juger trop sévèrement les cahiers d'un
+précepteur; mais Bossuet, qui place la réhabilitation sous la rubrique
+de 1431, ne nous avertit pas qu'elle ne fut prononcée que vingt-cinq
+ans plus tard. Bien au contraire, il ne tient qu'à lui qu'on la croie
+antérieure à la délivrance de Compiègne. Voici son texte: «En
+exécution de cette sentence, elle fut brûlée toute vive à Rouen en
+1431. Les Anglois firent courir le bruit qu'elle avoit enfin reconnu
+que les révélations dont elle s'étoit vantée étaient fausses. Mais le
+Pape, quelque temps après, nomma des commissaires. Son procès fut revu
+solemnellement, et sa conduite approuvée par un dernier jugement que
+le Pape lui-même confirma. Les Bourguignons furent contraints de lever
+le siège de Compiègne» (<i>Loc. cit.</i>, p. 236).</p>
+
+<p>Mézeray est plus crédule que Bossuet; il nomme «les saintes Catherine
+et Marguerite, qui purifioient son âme par des conversations célestes,
+à cause qu'elle les vénéroit d'une particulière dévotion». Comme
+Bossuet, en exposant le procès, il passe sous silence le
+vice-inquisiteur (<i>Histoire de France</i>, t. II, 1746, in-folio, pp. 11
+et suiv.).</p>
+
+<p><a id="footnote102" name="footnote102"></a><a href="#footnotetag102">[102]</a> Voltaire, éd. Beuchot, t. XXVI.&mdash;Cf. aussi: <i>Essai sur
+les m&oelig;urs</i>, chap. <span class="smcap">LXXX</span>. «Enfin, accusée d'avoir repris une fois
+l'habit d'homme qu'on lui avait laissé exprès pour la tenter, ses
+juges... la déclarèrent hérétique relapse, et firent mourir par le feu
+celle qui, ayant sauvé son roi, aurait eu des autels dans les temps
+héroïques, où les hommes en élevaient à leurs libérateurs. Charles VII
+rétablit depuis sa mémoire, assez honorée par son supplice même.»</p>
+
+<p><a id="footnote103" name="footnote103"></a><a href="#footnotetag103">[103]</a> L'abbé Lenglet du Fresnoy, <i>Histoire de Jeanne d'Arc,
+vierge, héroïne et martyre d'État suscitée par la Providence pour
+rétablir la monarchie française, tirée des procès et pièces originales
+du temps</i>. Paris, 1753-54, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><a id="footnote104" name="footnote104"></a><a href="#footnotetag104">[104]</a> F. de L'Averdy, <i>Mémorial lu au comité des manuscrits
+concernant la recherche à faire des minutes originales des différentes
+affaires qui ont eu lieu par rapport à Jeanne d'Arc, appelée
+communément la Pucelle d'Orléans</i>. Paris, Imprimerie Royale, 1787,
+in-4<sup>o</sup>.&mdash;<i>Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du
+roi, lus au comité établi par sa Majesté dans l'Académie royale des
+Inscriptions et Belles Lettres.</i> Paris, Imp. Royale, 1790, t. III.</p>
+
+<p><a id="footnote105" name="footnote105"></a><a href="#footnotetag105">[105]</a> «Il n'y avait dans les temps modernes que deux beaux
+sujets de poëme épique les <i>Croisades</i> et la <i>Découverte du Nouveau
+Monde</i>» (éd. de 1802, Paris, t. II, p. 7.)</p>
+
+<p><a id="footnote106" name="footnote106"></a><a href="#footnotetag106">[106]</a> «L'illustre Jeanne d'Arc a prouvé qu'il n'est pas de
+miracle que le génie français ne puisse produire dans les
+circonstances où l'indépendance nationale est menacée» (<i>Moniteur</i> du
+10 pluviôse, an XI&mdash;30 janvier 1803).&mdash;Pour l'approbation du premier
+Consul: Fac-similé dans A. Sarrazin, <i>Jeanne d'Arc et la Normandie</i>,
+p. 600 [Original tiré de la collection de Reiset].</p>
+
+<p><a id="footnote107" name="footnote107"></a><a href="#footnotetag107">[107]</a> Le Brun de Charmettes, <i>Histoire de Jeanne d'Arc
+surnommée la Pucelle d'Orléans</i>, Paris, 1817, 4 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote108" name="footnote108"></a><a href="#footnotetag108">[108]</a> Michelet, <i>Histoire de France</i>, t. V.</p>
+
+<p><a id="footnote109" name="footnote109"></a><a href="#footnotetag109">[109]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II,
+Paris, 1863, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote110" name="footnote110"></a><a href="#footnotetag110">[110]</a> H. Wallon, <i>Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1860, 2 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote111" name="footnote111"></a><a href="#footnotetag111">[111]</a> M. Sepet, <i>Jeanne d'Arc</i>, avec une introduction par
+Léon Gauthier, Tours, 1869, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote112" name="footnote112"></a><a href="#footnotetag112">[112]</a> Chanoine Dunand, <i>Histoire de Jeanne d'Arc</i>, Toulouse,
+1898-1899, 3 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote113" name="footnote113"></a><a href="#footnotetag113">[113]</a> Joseph Fabre, <i>Jeanne d'Arc, libératrice de la France</i>,
+n. éd., Paris, 1894, in-12.</p>
+
+<p><a id="footnote114" name="footnote114"></a><a href="#footnotetag114">[114]</a> <i>Procès de condamnation de Jeanne d'Arc...</i> traduction
+avec éclaircissements, par J. Fabre, n. éd., Paris, 1895, in-18.</p>
+
+<p><a id="footnote115" name="footnote115"></a><a href="#footnotetag115">[115]</a> <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, <i>op. cit.</i>&mdash;<i>La France
+pendant la guerre de Cent Ans</i>, <i>op. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote116" name="footnote116"></a><a href="#footnotetag116">[116]</a> Lanéry d'Arc, <i>Le Livre d'Or de Jeanne d'Arc</i>, n<sup>os</sup>
+2080 à 2112.</p>
+
+<p><a id="footnote117" name="footnote117"></a><a href="#footnotetag117">[117]</a> A. Thomas, <i>Le mot «Patrie» et Jeanne d'Arc</i>, dans
+<i>Revue des Idées</i>, 15 juillet 1906.</p>
+
+<p><a id="footnote118" name="footnote118"></a><a href="#footnotetag118">[118]</a> <i>Les &oelig;uvres de Maistre Alain Chartier</i>, publ. par
+André Duchesne, Paris, 1642, in-4<sup>o</sup>, p. 410.</p>
+
+<p><a id="footnote119" name="footnote119"></a><a href="#footnotetag119">[119]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 436.</p>
+
+<p><a id="footnote120" name="footnote120"></a><a href="#footnotetag120">[120]</a> Froissart, <i>Chroniques</i>, livre I, chap. 128.</p>
+
+<p><a id="footnote121" name="footnote121"></a><a href="#footnotetag121">[121]</a> Jean Juvénal des Ursins dans Buchon, <i>Choix de
+chroniques</i>, IV.</p>
+
+<p><a id="footnote122" name="footnote122"></a><a href="#footnotetag122">[122]</a> Rymer, <i>F&oelig;dera</i>, t. IX, p. 427.</p>
+
+<p><a id="footnote123" name="footnote123"></a><a href="#footnotetag123">[123]</a> <i>Pantagruel</i>, l. IV, ch. LXVII.</p>
+
+<p><a id="footnote124" name="footnote124"></a><a href="#footnotetag124">[124]</a> <i>La Pucelle</i>, préface.</p>
+
+<p><a id="footnote125" name="footnote125"></a><a href="#footnotetag125">[125]</a> Germain Lefèvre-Pontalis, <i>Les sources allemandes de
+l'histoire de Jeanne d'Arc</i>, p. 93.</p>
+
+<p><a id="footnote126" name="footnote126"></a><a href="#footnotetag126">[126]</a> T. II.</p>
+
+<p><a id="footnote127" name="footnote127"></a><a href="#footnotetag127">[127]</a> Voir le tableau daté de 1581, conservé au musée
+d'Orléans et reproduit dans la <i>Jeanne d'Arc</i> de Wallon, p. 466.</p>
+
+<p><a id="footnote128" name="footnote128"></a><a href="#footnotetag128">[128]</a> <i>La Danse des Morts</i>, peinte à Berne, dans les années
+1515 à 1520, par Nicolas Manuel, lithographiée par Guillaume Stettler,
+s. d. in-f<sup>o</sup> oblong, pl. XX.</p>
+
+<p><a id="footnote129" name="footnote129"></a><a href="#footnotetag129">[129]</a> Lanéry d'Arc, <i>Le livre d'or de Jeanne d'Arc</i>,
+Iconographie, n<sup>os</sup> 2080-2112.</p>
+
+<p><a id="footnote130" name="footnote130"></a><a href="#footnotetag130">[130]</a> J. Ch. Chapellier, <i>Étude historique et géographique
+sur Domremy, pays de Jeanne d'Arc</i>, Saint-Dié, 1890, in-8<sup>o</sup>.&mdash;E.
+Hinzelin, <i>Chez Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1894, in-18.</p>
+
+<p><a id="footnote131" name="footnote131"></a><a href="#footnotetag131">[131]</a> C'est ce qu'on peut induire de <i>Procès</i>, t. I, p. 46.
+Mais Jeanne ne savait pas à quel âge elle avait quitté la maison de
+son père (<i>Procès</i>, t. I, p. 51). Je n'ai pas fait usage de <i>Procès</i>,
+t. V, p. 116, qui est tout à fait fabuleux.</p>
+
+<p><a id="footnote132" name="footnote132"></a><a href="#footnotetag132">[132]</a> Darc (<i>Procès</i>, t. I, p. 191, t. II, p. 82); Dars
+(Siméon Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. 360); Day (<i>Procès</i>, t. V,
+p. 150); Daiz (communication de M. Pierre Champion), et cette graphie
+paraît attester la prononciation de Jeanne d'Arc.&mdash;Sur l'orthographe
+du nom de d'Arc, cf. Lanéry d'Arc, <i>Livre d'Or de Jeanne d'Arc</i>,
+notices 647-657.</p>
+
+<p><a id="footnote133" name="footnote133"></a><a href="#footnotetag133">[133]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 46, 208.&mdash;E. de Bouteiller et G. de
+Braux, <i>La famille de Jeanne d'Arc</i>, Paris, in-8<sup>o</sup>, 1878, p. 185;
+<i>Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc</i>, Paris-Orléans,
+1879, in-12, p. x et <i>passim</i>.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Jacques d'Arc,
+père de la Pucelle</i>, Orléans, 1885, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote134" name="footnote134"></a><a href="#footnotetag134">[134]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 378 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote135" name="footnote135"></a><a href="#footnotetag135">[135]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 191 et 208; t. II, p. 74, n.
+1.&mdash;Armand Boucher de Crèvec&oelig;ur, <i>Les Romée et les de Perthes,
+famille maternelle de Jeanne d'Arc</i>, Abbeville, 1891, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Lanéry
+d'Arc, <i>Livre d'Or</i>, notices 1278 à 1308.</p>
+
+<p><a id="footnote136" name="footnote136"></a><a href="#footnotetag136">[136]</a> Du Cange, <i>Glossaire</i>, au mot: <i>Romeus</i>.&mdash;G. de Braux,
+<i>Jeanne d'Arc à Saint-Nicolas</i>, Nancy, 1889, p. 8.&mdash;<i>Revue catholique
+des Institutions et du Droit</i>, août 1886.&mdash;E. de Bouteiller,
+<i>Nouvelles recherches</i>, p. <span class="smcap">XII</span>.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de
+Charles VII</i>, t. II, p. 43.</p>
+
+<p><a id="footnote137" name="footnote137"></a><a href="#footnotetag137">[137]</a> Très probablement avant la naissance de Jeanne: «J'ai
+pour surnom d'Arc ou Romée» dit Jeanne (<i>Procès</i>, t. I, p. 191). On
+voit qu'elle se donne indifféremment le surnom de son père ou celui de
+sa mère, bien qu'elle dise (<i>Procès</i>, t. I, p. 191) que les filles,
+dans son pays, portaient le surnom de leur mère.</p>
+
+<p><a id="footnote138" name="footnote138"></a><a href="#footnotetag138">[138]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 252.&mdash;E. de Bouteiller et G. de
+Braux, <i>Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc</i>, Paris,
+1879, pp. 3 à 20.&mdash;Ch. du Lys, <i>Traité sommaire tant du nom et des
+armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d'Orléans et de ses
+frères</i>, édit. Vallet de Viriville, Paris, 1857, p. 28.&mdash;E. Georges,
+<i>Jeanne d'Arc considérée au point de vue Franco-Champenois</i>, Troyes,
+1893, in-8<sup>o</sup>, p. 101.</p>
+
+<p><a id="footnote139" name="footnote139"></a><a href="#footnotetag139">[139]</a> Rien de moins certain que l'ordre de naissance des
+enfants de Jacques d'Arc (<i>Procès</i>, à la table, au mot: <i>Arc</i>).</p>
+
+<p><a id="footnote140" name="footnote140"></a><a href="#footnotetag140">[140]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 393 et <i>passim</i>.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne
+d'Arc à Domremy</i>, <span class="smcap">XVI</span>, p. 357.</p>
+
+<p><a id="footnote141" name="footnote141"></a><a href="#footnotetag141">[141]</a> A. Monteil, <i>Histoire des Français</i>, 1853, in-18, t.
+II, p. 194.</p>
+
+<p><a id="footnote142" name="footnote142"></a><a href="#footnotetag142">[142]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 46, Jean Minet était originaire de
+Neufchâteau.</p>
+
+<p><a id="footnote143" name="footnote143"></a><a href="#footnotetag143">[143]</a> J. Corblet, <i>Parrains et marraines</i>, dans <i>Revue de
+l'Art chrétien</i>, 1881, t. XIV, pp. 336 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote144" name="footnote144"></a><a href="#footnotetag144">[144]</a> Siméon Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, LI, p. 98.</p>
+
+<p><a id="footnote145" name="footnote145"></a><a href="#footnotetag145">[145]</a> Cf. <i>Procès</i>, à la table, aux articles: <i>parrains</i> et
+<i>marraines</i>.&mdash;Il n'est pas toujours possible du donner aux personnes
+les noms et l'état qu'elles avaient précisément à la date où nous les
+voyons intervenir.</p>
+
+<p><a id="footnote146" name="footnote146"></a><a href="#footnotetag146">[146]</a> <i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, t. IV, p. 342. Cf. Eustache Deschamps, ballade 354, t.
+III, p. 83, éd. Queux de Saint-Hilaire.</p>
+
+<p><a id="footnote147" name="footnote147"></a><a href="#footnotetag147">[147]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 74-388; t. V, pp. 151, 220 et
+<i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote148" name="footnote148"></a><a href="#footnotetag148">[148]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 46.&mdash;Henri Lepage, <i>Jeanne d'Arc
+est-elle Lorraine?</i> Nancy, 1852, pp. 57 à 79.</p>
+
+<p><a id="footnote149" name="footnote149"></a><a href="#footnotetag149">[149]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 244 et suiv.&mdash;La maison de Jacques
+d'Arc était sans doute sur la route; les Du Lys, ou plutôt les
+Thiesselin, la démolirent et bâtirent à la place une maison qui
+n'existe plus. Les écus qui en ornaient la façade ont été appliqués
+sur la porte de celle qu'on montre aujourd'hui comme la maison de
+Jeanne. Ce qu'on donne pour la chambre de Jeanne est le fournil (É.
+Hinzelin, <i>Chez Jeanne d'Arc</i>, p. 74. Voir un article de Henri Arsac,
+dans l'<i>Écho de l'Est</i>, du 26 juillet 1890). Il y a sur ce sujet toute
+une littérature (Lanéry d'Arc, <i>Livre d'Or</i>, pp. 330 et suiv.).</p>
+
+<p><a id="footnote150" name="footnote150"></a><a href="#footnotetag150">[150]</a> Émile Hinzelin, <i>Chez Jeanne d'Arc</i>, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote151" name="footnote151"></a><a href="#footnotetag151">[151]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 151, 220.</p>
+
+<p><a id="footnote152" name="footnote152"></a><a href="#footnotetag152">[152]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 417.</p>
+
+<p><a id="footnote153" name="footnote153"></a><a href="#footnotetag153">[153]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 429.</p>
+
+<p><a id="footnote154" name="footnote154"></a><a href="#footnotetag154">[154]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 408.</p>
+
+<p><a id="footnote155" name="footnote155"></a><a href="#footnotetag155">[155]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 423.</p>
+
+<p><a id="footnote156" name="footnote156"></a><a href="#footnotetag156">[156]</a> E. Georges, <i>Jeanne d'Arc considérée au point de vue
+Franco-Champenois</i>, p. 115.&mdash;De La Fons-Mélicocq, <i>Documents inédits
+pour servir à l'histoire de l'instruction publique en France et à
+l'histoire des m&oelig;urs au XV<sup>e</sup> siècle</i>, dans <i>Bulletin de la
+Société des Antiquaires de la Morinie</i>, t. III, pp. 460 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote157" name="footnote157"></a><a href="#footnotetag157">[157]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 65-66.&mdash;(<i>Item.</i>, je donne à
+Oudinot, à Richard et à Gérard, clercz enfantz du maistre de l'escole
+de Marcey dessoubz Brixey, doubz escus pour priier pour mi et pour
+dire les sept psaulmes.) Testament de Jean de Bourlémont, 23 octobre
+1399, dans S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, preuve <span class="smcap">XIII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote158" name="footnote158"></a><a href="#footnotetag158">[158]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 46, 47.</p>
+
+<p><a id="footnote159" name="footnote159"></a><a href="#footnotetag159">[159]</a> Voyez dans Montfaucon, <i>Monuments de la Monarchie
+française</i>, t. III, la gravure de la seconde miniature des «Douze
+périls d'enfer».</p>
+
+<p><a id="footnote160" name="footnote160"></a><a href="#footnotetag160">[160]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 51, 66.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. lij.</p>
+
+<p><a id="footnote161" name="footnote161"></a><a href="#footnotetag161">[161]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 404.</p>
+
+<p><a id="footnote162" name="footnote162"></a><a href="#footnotetag162">[162]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 423.</p>
+
+<p><a id="footnote163" name="footnote163"></a><a href="#footnotetag163">[163]</a> <i>Procès</i>, table, au mot: <i>Bermont</i>.&mdash;Du Haldat, <i>Notice
+sur la chapelle de Belmont</i>, dans les <i>Mémoires de l'Académie
+Stanislas de Nancy</i>, 1833-1834, p. 96.&mdash;E. Hinzelin, <i>Chez Jeanne
+d'Arc</i>, p. 95.&mdash;Lanéry d'Arc, <i>Livre d'Or</i>, p. 330.</p>
+
+<p><a id="footnote164" name="footnote164"></a><a href="#footnotetag164">[164]</a> Alexis Monteil, <i>Histoire des Français</i>, t. I, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote165" name="footnote165"></a><a href="#footnotetag165">[165]</a> <i>Procès</i>, table, au mot: <i>Bois Chesnu</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote166" name="footnote166"></a><a href="#footnotetag166">[166]</a> <i>Ibid.</i>, table, au mot: <i>Fontaine des Groseilliers</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote167" name="footnote167"></a><a href="#footnotetag167">[167]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 67-210; t. II, pp. 391 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote168" name="footnote168"></a><a href="#footnotetag168">[168]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, éd. Tuetey, p. 267.</p>
+
+<p><a id="footnote169" name="footnote169"></a><a href="#footnotetag169">[169]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 209.</p>
+
+<p><a id="footnote170" name="footnote170"></a><a href="#footnotetag170">[170]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 67, 187, 209; t. II, pp. 390, 404,
+450.</p>
+
+<p><a id="footnote171" name="footnote171"></a><a href="#footnotetag171">[171]</a> Wolf, <i>Mythologie des fées et des elfes</i>, 1828,
+in-8<sup>o</sup>.&mdash;A. Maury, <i>Les fées au moyen âge</i>, 1843, in-18 et <i>Croyances
+et légendes du moyen âge</i>, Paris, 1896, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote172" name="footnote172"></a><a href="#footnotetag172">[172]</a> Richer, <i>Histoire manuscrite de Jeanne d'Arc</i>, ms. fr.
+10448, fol. 14-15.</p>
+
+<p><a id="footnote173" name="footnote173"></a><a href="#footnotetag173">[173]</a> Sur le culte des arbres, voir l'étude de M. Henry
+Carnoy dans <i>la Tradition</i>, du 15 mars 1889.</p>
+
+<p><a id="footnote174" name="footnote174"></a><a href="#footnotetag174">[174]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 422.</p>
+
+<p><a id="footnote175" name="footnote175"></a><a href="#footnotetag175">[175]</a> <i>Ibid.</i>, à la table, au mot: <i>Arbre des Fées</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote176" name="footnote176"></a><a href="#footnotetag176">[176]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 404.</p>
+
+<p><a id="footnote177" name="footnote177"></a><a href="#footnotetag177">[177]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 404 et <i>passim</i>.&mdash;<i>Simple crayon de
+la noblesse des ducs de Lorraine et de Bar</i> dans Le Brun des
+Charmettes, <i>Histoire de Jeanne d'Arc</i>, t. I, p. 266.&mdash;Jules Baudot,
+<i>Les princesses Yolande et les ducs de Bar de la famille des Valois</i>,
+1<sup>re</sup> partie: <i>Mélusine</i>, Paris, 1901, in-8<sup>o</sup>, p. 121.</p>
+
+<p><a id="footnote178" name="footnote178"></a><a href="#footnotetag178">[178]</a> <i>Propter eorum peccata</i>, dans <i>Procès</i>, t. II, p. 396.
+Le sens n'est pas douteux.</p>
+
+<p><a id="footnote179" name="footnote179"></a><a href="#footnotetag179">[179]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 390.</p>
+
+<p><a id="footnote180" name="footnote180"></a><a href="#footnotetag180">[180]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 397.</p>
+
+<p><a id="footnote181" name="footnote181"></a><a href="#footnotetag181">[181]</a> Bergier, <i>Dictionnaire de Théologie</i>, au mot:
+<i>Conjuration</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote182" name="footnote182"></a><a href="#footnotetag182">[182]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 450.</p>
+
+<p><a id="footnote183" name="footnote183"></a><a href="#footnotetag183">[183]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 67, 209.</p>
+
+<p><a id="footnote184" name="footnote184"></a><a href="#footnotetag184">[184]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 178, 209 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote185" name="footnote185"></a><a href="#footnotetag185">[185]</a> Sur les traditions relatives aux fées à Domremy et sur
+ce qu'en pensait Jeanne: <i>Procès</i>, table, au mot: <i>Fées</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote186" name="footnote186"></a><a href="#footnotetag186">[186]</a> Sur le dimanche et la fête des Fontaines à Domremy:
+<i>Procès</i>, table, au mot: <i>Fontaine</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote187" name="footnote187"></a><a href="#footnotetag187">[187]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 67, 212, 404 et suiv.&mdash;S. Luce,
+<i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. xx à xxij.</p>
+
+<p><a id="footnote188" name="footnote188"></a><a href="#footnotetag188">[188]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 391-462.</p>
+
+<p><a id="footnote189" name="footnote189"></a><a href="#footnotetag189">[189]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 67, 209, 210.</p>
+
+<p><a id="footnote190" name="footnote190"></a><a href="#footnotetag190">[190]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 434.</p>
+
+<p><a id="footnote191" name="footnote191"></a><a href="#footnotetag191">[191]</a> <i>Atropa Mandragor</i>, mandragore femelle, main-de-gloire,
+herbe-aux-magiciens: <i>Procès</i>, t. I, pp. 89 et 213.&mdash;<i>Journal d'un
+bourgeois de Paris</i>, p. 236.</p>
+
+<p><a id="footnote192" name="footnote192"></a><a href="#footnotetag192">[192]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 209.</p>
+
+<p><a id="footnote193" name="footnote193"></a><a href="#footnotetag193">[193]</a> Cela est probable, non certain.&mdash;<i>Procès</i>, t. II, pp.
+74, 388; t. V, p. 252.&mdash;E. de Bouteiller et G. de Braux, <i>Nouvelles
+recherches sur la famille de Jeanne d'Arc</i>, pp. <span class="smcap">XVIII</span> et suiv.; 7, 8,
+10 et <i>passim</i>.&mdash;C. Gilardoni, <i>Sermaize et son église</i>,
+Vitry-le-François, 1893, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote194" name="footnote194"></a><a href="#footnotetag194">[194]</a> Capitaine Champion, <i>Jeanne d'Arc écuyère</i>, Paris,
+1901, in-12, p. 28.</p>
+
+<p><a id="footnote195" name="footnote195"></a><a href="#footnotetag195">[195]</a> Boucher de Molandon, <i>La famille de Jeanne d'Arc</i>, p.
+627.&mdash;E. de Bouteiller et G. de Braux, <i>Nouvelles recherches</i>, pp. 9
+et 10.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">XLV</span> et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote196" name="footnote196"></a><a href="#footnotetag196">[196]</a> E. Misset, <i>Jeanne d'Arc champenoise</i>, Paris, s. d.
+(1894), in-8<sup>o</sup>.&mdash;Sur la nationalité de Jeanne d'Arc il y a toute une
+littérature d'une richesse extrême dont il m'est impossible de donner
+ici la bibliographie. Cf. Lanéry d'Arc, <i>Livre d'Or</i>, pp. 295 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote197" name="footnote197"></a><a href="#footnotetag197">[197]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 208.</p>
+
+<p><a id="footnote198" name="footnote198"></a><a href="#footnotetag198">[198]</a> P. Jollois, <i>Histoire abrégée de la vie et des exploits
+de Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1821, pl. I, p. 190.&mdash;A. Renard, <i>La patrie
+de Jeanne d'Arc</i>, Langres, 1880, in-18, p. 6.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc
+à Domremy</i>, Supplément aux preuves, pp. 281, 282.</p>
+
+<p><a id="footnote199" name="footnote199"></a><a href="#footnotetag199">[199]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 152.</p>
+
+<p><a id="footnote200" name="footnote200"></a><a href="#footnotetag200">[200]</a> Colonel de Boureulle, <i>Le pays de Jeanne d'Arc</i>,
+Saint-Dié, 1890, in-8<sup>o</sup>, 28 p. pl.&mdash;J.-Ch. Chappellier, <i>Étude
+historique sur Domremy, pays de Jeanne d'Arc</i>, 2 plans.&mdash;C. Niobé, <i>Le
+pays de Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Mémoires de la Société académique de
+l'Aube</i>, 1894, 3<sup>e</sup> série, t. XXXI, pp. 307 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote201" name="footnote201"></a><a href="#footnotetag201">[201]</a> Juvénal des Ursins, dans la <i>Collection Michaud et
+Poujoulat</i>, col. 561.</p>
+
+<p><a id="footnote202" name="footnote202"></a><a href="#footnotetag202">[202]</a> A. Tuetey, <i>Les écorcheurs sous Charles VII</i>,
+Montbéliard, 1874, t. I, p. 87.</p>
+
+<p><a id="footnote203" name="footnote203"></a><a href="#footnotetag203">[203]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 66, 215.</p>
+
+<p><a id="footnote204" name="footnote204"></a><a href="#footnotetag204">[204]</a> «Imal, dit Le Trévoux, mesure de grains dont on se sert
+à Nancy. La quarte fait deux imaux, et quatre quartes le réal qui
+contient quinze boisseaux, mesure de Paris.»</p>
+
+<p><a id="footnote205" name="footnote205"></a><a href="#footnotetag205">[205]</a> Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle,
+layette Ruppes, II, n<sup>o</sup> 28.&mdash;Le bail à ferme du 2 avril 1420 a été
+publié pour la première fois par M. J.-Ch. Chappellier dans le
+<i>Journal de la Société d'Archéologie lorraine</i>, janvier-février 1889,
+et <i>Deux actes inédits du XV<sup>e</sup> siècle sur Domremy</i>, Nancy 1889,
+in-8<sup>o</sup>, 16 p.&mdash;S. Luce, <i>La France pendant la guerre de cent ans</i>,
+1890, in-18, pp. 274 et suiv.&mdash;Lefèvre-Pontalis, <i>Étude historique et
+géographique sur Domremy, pays de Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Bibliothèque de
+l'École des Chartes</i>, t. LVI, pp. 154-168.</p>
+
+<p><a id="footnote206" name="footnote206"></a><a href="#footnotetag206">[206]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 420-426.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. lxiv.</p>
+
+<p><a id="footnote207" name="footnote207"></a><a href="#footnotetag207">[207]</a> Liénard, <i>Dictionnaire topographique de la Meuse</i>,
+introduction, p. x.</p>
+
+<p><a id="footnote208" name="footnote208"></a><a href="#footnotetag208">[208]</a> Dom Devienne, <i>Histoire de Bordeaux</i>, pp. 98 et
+103.&mdash;L. Bachelier, <i>Histoire du commerce de Bordeaux</i>, Bordeaux,
+1862, in-8<sup>o</sup>, p. 45.&mdash;D. Brissaud, <i>Les Anglais en Guyenne</i>, Paris,
+1875, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote209" name="footnote209"></a><a href="#footnotetag209">[209]</a> Ch. de Beaurepaire, <i>De l'administration de la
+Normandie sous la domination anglaise</i>, Caen, 1859, in-4<sup>o</sup>, et <i>États
+de Normandie sous la domination anglaise</i>, Évreux, 1859, in-8<sup>o</sup>.&mdash;De
+Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. V, pp. 40-56, pp. 261-286.</p>
+
+<p><a id="footnote210" name="footnote210"></a><a href="#footnotetag210">[210]</a> Thomas Basin, <i>Histoire de Charles VII et de Louis XI</i>,
+éd. Quicherat, t. I, p. 27.</p>
+
+<p><a id="footnote211" name="footnote211"></a><a href="#footnotetag211">[211]</a> La Curne, aux mots: <i>Anglais</i> et <i>Goddons</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote212" name="footnote212"></a><a href="#footnotetag212">[212]</a> Voragine, <i>La légende de Saint-Grégoire</i>.&mdash;Du Cange,
+<i>Glossaire</i>, au mot: <i>Caudatus</i>.&mdash;Le Roux de Lincy, <i>Recueil de chants
+historiques français</i>, Paris, 1851, t. I, pp. 300-301.&mdash;Cette injure
+se trouve déjà couramment chez Eustache Deschamps; elle est encore
+vivace au <span class="smcap">XVII</span><sup>e</sup> siècle (<i>Sommaire tant du nom et des armes que de
+la naissance et parenté de la Pucelle</i>, éd. Vallet de Viriville).</p>
+
+<p><a id="footnote213" name="footnote213"></a><a href="#footnotetag213">[213]</a> Carlier, <i>Histoire du Valois</i>, t. II, pp. 441 et
+suiv.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, ch. <span class="smcap">III</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote214" name="footnote214"></a><a href="#footnotetag214">[214]</a> Dom Calmet, <i>Histoire de Lorraine</i>, t. II, col.
+631.&mdash;Bonnabelle, <i>Notice sur la ville de Vaucouleurs</i>, Bar-le-Duc,
+1879, in-8<sup>o</sup> de 75 pages.</p>
+
+<p><a id="footnote215" name="footnote215"></a><a href="#footnotetag215">[215]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 65-66.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, pp. 18 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote216" name="footnote216"></a><a href="#footnotetag216">[216]</a> N. Villiaumé, <i>Histoire de Jeanne d'Arc</i>, 1864, in-8<sup>o</sup>,
+p. 52, note I.</p>
+
+<p><a id="footnote217" name="footnote217"></a><a href="#footnotetag217">[217]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, ch. <span class="smcap">III</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote218" name="footnote218"></a><a href="#footnotetag218">[218]</a> Pierre d'Alheim, <i>Le jargon jobelin</i>, Paris, 1892,
+in-18, glossaire, au mot: <span class="smcap">Hirenalle</span>, p. 61, et communication verbale
+de M. Marcel Schwob.&mdash;<i>Cronique Martiniane</i>, éd. P. Champion, p. 8,
+note 3.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 270.&mdash;De Montlezun,
+<i>Histoire de Gascogne</i>, 1847, in-8<sup>o</sup>, p. 143.&mdash;A. Castaing, <i>La patrie
+du valet de c&oelig;ur</i>, dans <i>Revue de Gascogne</i>, 1869, X, 29-33.</p>
+
+<p><a id="footnote219" name="footnote219"></a><a href="#footnotetag219">[219]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. lxxiij et 87,
+note 1.&mdash;E. de Bouteiller et G. de Braux, <i>Nouvelles recherches</i>, pp.
+4-15.</p>
+
+<p><a id="footnote220" name="footnote220"></a><a href="#footnotetag220">[220]</a> Bonvalot, <i>Le tiers état d'après la charte de Beaumont
+et ses filiales</i>, Paris, 1886, p. 412.</p>
+
+<p><a id="footnote221" name="footnote221"></a><a href="#footnotetag221">[221]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. lxxi et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote222" name="footnote222"></a><a href="#footnotetag222">[222]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, preuve <span class="smcap">LI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote223" name="footnote223"></a><a href="#footnotetag223">[223]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, pp.
+16-17.</p>
+
+<p><a id="footnote224" name="footnote224"></a><a href="#footnotetag224">[224]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, preuve <span class="smcap">LXII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote225" name="footnote225"></a><a href="#footnotetag225">[225]</a> Du Chesne, <i>Généalogie de la maison de Vergy</i>, Paris,
+1625, in-folio.&mdash;Nouvelle Biographie Générale, t. XLV, p. 1125.</p>
+
+<p><a id="footnote226" name="footnote226"></a><a href="#footnotetag226">[226]</a> S. Luce, Domremy et Vaucouleurs, de 1412 à 1425, dans
+<i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, ch. <span class="smcap">III</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote227" name="footnote227"></a><a href="#footnotetag227">[227]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 66.</p>
+
+<p><a id="footnote228" name="footnote228"></a><a href="#footnotetag228">[228]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 66.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. <span class="smcap">LXXXVI</span> et preuve <span class="smcap">XIV</span>, p. 20.</p>
+
+<p><a id="footnote229" name="footnote229"></a><a href="#footnotetag229">[229]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. 275 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote230" name="footnote230"></a><a href="#footnotetag230">[230]</a> E. de Bouteiller et G. de Braux, <i>Nouvelles
+recherches</i>, pp. 4-15.</p>
+
+<p><a id="footnote231" name="footnote231"></a><a href="#footnotetag231">[231]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 52, 72-73, 89, 170.</p>
+
+<p><a id="footnote232" name="footnote232"></a><a href="#footnotetag232">[232]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 52.&mdash;Le manuscrit porte <i>non
+jejunaverat die præcedenti</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote233" name="footnote233"></a><a href="#footnotetag233">[233]</a> V. Servais, <i>Annales historiques du Barrois</i>,
+Bar-le-Duc, 1865, t. I, planche 2.</p>
+
+<p><a id="footnote234" name="footnote234"></a><a href="#footnotetag234">[234]</a> P.-Ch. Cahier, <i>Caractéristique des Saints dans l'art
+populaire</i>, t. I, p. 363.&mdash;Quicherat, <i>Aperçus nouveaux</i>, p. 50.&mdash;S.
+Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">XCV</span>, <span class="smcap">XCVI</span> et preuve <span class="smcap">XXIV</span>, p. 74.</p>
+
+<p><a id="footnote235" name="footnote235"></a><a href="#footnotetag235">[235]</a> <i>Mystère de Saint Remi</i>, Biblioth. de l'Arsenal, ms.
+3.364, f<sup>os</sup> 4 et 108.</p>
+
+<p><a id="footnote236" name="footnote236"></a><a href="#footnotetag236">[236]</a> «<i>Sed signifer Sanctus Michael representet eas [animas]
+in lucem sanctam</i>». Offertoire de la messe des morts.</p>
+
+<p><a id="footnote237" name="footnote237"></a><a href="#footnotetag237">[237]</a> A. Maury, <i>Croyances et légendes du moyen âge</i>, pp. 171
+et suiv.&mdash;Barbier de Montault, <i>Traité d'Iconographie chrétienne</i>, t.
+I, p. 191.</p>
+
+<p><a id="footnote238" name="footnote238"></a><a href="#footnotetag238">[238]</a> AA. SS, 1672; t. III, I. pp. 85 et suiv.&mdash;Dom J.
+Huynes, <i>Histoire générale de l'abbaye du Mont-Saint-Michel</i>, éd. R.
+de Beaurepaire, Rouen, 1872, pp. 61 et suiv.&mdash;A. Forgeais. <i>Collection
+de plombs historiés trouvés dans la Seine</i>, Paris, 1864, t. III, p.
+197.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, ch. <span class="smcap">IV</span>.&mdash;<i>Chronique du
+Mont-Saint-Michel</i> (1343-1468), éd. S. Luce, Paris, 1880-1886 (2 vol.
+in-8<sup>o</sup>), t. I, pp. 26, 146, 163 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote239" name="footnote239"></a><a href="#footnotetag239">[239]</a> Lanéry d'Arc, <i>Mémoires et consultations en faveur de
+Jeanne d'Arc</i>, p. 272 [Opinion de Jean Bochard, dit de Vaucelle,
+évêque d'Avranches].&mdash;Dom. J. Huynes, <i>loc cit.</i>, ch. <span class="smcap">VIII</span>, p. 105.</p>
+
+<p><a id="footnote240" name="footnote240"></a><a href="#footnotetag240">[240]</a> Dom Félibien, <i>Histoire de l'abbaye royale de
+Saint-Denis...</i>, Paris, 1706, in-fol. p. 341.</p>
+
+<p><a id="footnote241" name="footnote241"></a><a href="#footnotetag241">[241]</a> Richer, <i>Histoire manuscrite de la Pucelle</i>, ms. fr.
+10448, fol. 13.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, preuve <span class="smcap">XXIV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote242" name="footnote242"></a><a href="#footnotetag242">[242]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 72-73.</p>
+
+<p><a id="footnote243" name="footnote243"></a><a href="#footnotetag243">[243]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 170.</p>
+
+<p><a id="footnote244" name="footnote244"></a><a href="#footnotetag244">[244]</a> <i>La vierge Marguerite substituée à la Lucine antique</i>,
+analyse d'un poème inédit du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, Paris, 1885, in-8<sup>o</sup>, p.
+2.&mdash;Rabelais, <i>Gargantua</i>, l. I, ch. <span class="smcap">VI</span>.&mdash;L'abbé J.-B. Thiers, <i>Traité
+des superstitions selon l'Écriture sainte</i>, Paris, 1697 (4 vol.
+in-12), t. I, p. 109.</p>
+
+<p><a id="footnote245" name="footnote245"></a><a href="#footnotetag245">[245]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, preuve <span class="smcap">CCXXXIV</span>, p.
+272.</p>
+
+<p><a id="footnote246" name="footnote246"></a><a href="#footnotetag246">[246]</a> Abbé Bourgaut, <i>Guide du pèlerin à Domremy</i>, Nancy,
+1878, in-12, p. 60.&mdash;E. Hinzelin, <i>Chez Jeanne d'Arc</i>, pp. 65 et 72.</p>
+
+<p><a id="footnote247" name="footnote247"></a><a href="#footnotetag247">[247]</a> <i>Legenda Sanctorum</i>, Bâle, Nicolas Kesler, in-fol.,
+1486, lég. <span class="smcap">LXXXVIII</span>.&mdash;Douhet, <i>Dictionnaire des légendes</i>, pp.
+824-836.</p>
+
+<p><a id="footnote248" name="footnote248"></a><a href="#footnotetag248">[248]</a> Gaston Paris, <i>La littérature française au moyen âge</i>,
+1890, in-16, p. 212.</p>
+
+<p><a id="footnote249" name="footnote249"></a><a href="#footnotetag249">[249]</a> La Curne, <i>Dictionnaire de l'ancien langage français</i>,
+au mot: <i>Olibrius</i>. Olibrius se trouve aussi dans la légende de sainte
+Reine où il est gouverneur des Gaules. La légende de sainte Reine
+n'est qu'une variante assez ancienne de la légende de sainte
+Marguerite.</p>
+
+<p><a id="footnote250" name="footnote250"></a><a href="#footnotetag250">[250]</a> Bibliothèque Mazarine, manuscrit 515. <i>Recueil, de
+prières</i>, f<sup>o</sup> 55. Ce manuscrit est précisément originaire des bords de
+la Meuse.</p>
+
+<p><a id="footnote251" name="footnote251"></a><a href="#footnotetag251">[251]</a> S. Luce, <i>loc. cit.</i>, preuve <span class="smcap">XIII</span>, p. 19, note 2.&mdash;E.
+de Bouteiller et G. de Braux, <i>Nouvelles recherches sur la famille de
+Jeanne d'Arc</i>, pp. <span class="smcap">XVI</span> et 62.&mdash;<i>Guide et souvenir du pèlerin à
+Domremy</i>, Nancy, 1878, in-18, p. 60.</p>
+
+<p><a id="footnote252" name="footnote252"></a><a href="#footnotetag252">[252]</a> J. Miélot, <i>Vie de sainte Catherine</i>, texte revu par
+Marius Sepet, 1881, gr. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote253" name="footnote253"></a><a href="#footnotetag253">[253]</a> Gaston Paris, <i>La littérature française au moyen âge</i>,
+pp. 82, 213.</p>
+
+<p><a id="footnote254" name="footnote254"></a><a href="#footnotetag254">[254]</a> Voragine, <i>La légende dorée</i>, 1846, pp.
+789-797.&mdash;Douhet, <i>Dictionnaire des légendes</i>, 1855, p. 282.</p>
+
+<p><a id="footnote255" name="footnote255"></a><a href="#footnotetag255">[255]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 128.&mdash;Hinzelin, <i>Chez Jeanne d'Arc</i>,
+p. 29.&mdash;Nous examinerons, au moment du procès, s'il est possible de
+concilier les assertions de Jeanne relativement à ce v&oelig;u.</p>
+
+<p><a id="footnote256" name="footnote256"></a><a href="#footnotetag256">[256]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 128; t. III, p. 219.</p>
+
+<p><a id="footnote257" name="footnote257"></a><a href="#footnotetag257">[257]</a> <i>Ibid.</i>, table, aux mots: <i>Voix</i>, <i>Catherine</i> et
+<i>Marguerite</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote258" name="footnote258"></a><a href="#footnotetag258">[258]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 71-85; 167 et suiv.; 186 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote259" name="footnote259"></a><a href="#footnotetag259">[259]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 185-186.</p>
+
+<p><a id="footnote260" name="footnote260"></a><a href="#footnotetag260">[260]</a> Humblement n'exprime dans la langue ancienne qu'un
+sentiment affable. On trouve dans Froissart (cité par La Curne): «Li
+contes de Hainaut rechut ces seigneurs d'Engleterre, l'un après
+l'autre, moult humblement.»</p>
+
+<p><a id="footnote261" name="footnote261"></a><a href="#footnotetag261">[261]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 130.</p>
+
+<p><a id="footnote262" name="footnote262"></a><a href="#footnotetag262">[262]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 130.</p>
+
+<p><a id="footnote263" name="footnote263"></a><a href="#footnotetag263">[263]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 413 et note 2.</p>
+
+<p><a id="footnote264" name="footnote264"></a><a href="#footnotetag264">[264]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 52, glose marginale du ms. d'Urfé:
+<i>Celavit visiones curato, patri et matri et cuicumque</i>, dans <i>Procès</i>,
+t. I, p. 128, note.&mdash;Lanéry d'Arc, <i>Mémoires et consultations en
+faveur de Jeanne d'Arc</i>, p. 471.</p>
+
+<p><a id="footnote265" name="footnote265"></a><a href="#footnotetag265">[265]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 171: «Et luy racontet l'angle la
+pitié qui estoit ou royaume de France». <i>Pitié</i> sujet de tendresse et
+d'amour: L'ange pense spécialement au Dauphin. Pour le sens et
+l'emploi de ce mot, comparez <i>Monstrelet</i>, t. III. p. 74: «... et le
+peuple plorant de pitié et de joie qu'ils avoient à regarder leur
+seigneur». Gérard de Nevers dans La Curne: «Pitié estoit de voir
+festoyer leur seigneur; on ne pourrait retenir ses larmes en voyant la
+joie qu'ils marquoient de recevoir leur seigneur.»</p>
+
+<p><a id="footnote266" name="footnote266"></a><a href="#footnotetag266">[266]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 53.</p>
+
+<p><a id="footnote267" name="footnote267"></a><a href="#footnotetag267">[267]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 444.</p>
+
+<p><a id="footnote268" name="footnote268"></a><a href="#footnotetag268">[268]</a> «Nonne alios dictum fuit quod Francia per mulierem
+desolaretur, et postea per Virginem restaurari debebat» Déposition de
+Durand Lassois dans <i>Procès</i>, t. II, p. 444.</p>
+
+<p><a id="footnote269" name="footnote269"></a><a href="#footnotetag269">[269]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 447.</p>
+
+<p><a id="footnote270" name="footnote270"></a><a href="#footnotetag270">[270]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p 83.&mdash;Morosini, t. IV, annexe XVI.</p>
+
+<p><a id="footnote271" name="footnote271"></a><a href="#footnotetag271">[271]</a> Monstrelet, t. III, p. 180.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique
+latine</i>, éd. Vallet de Viriville, t. I, p. 13.&mdash;Th. Basin, <i>Histoire
+de Charles VII et de Louis XI</i>, t. I, p. 44 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote272" name="footnote272"></a><a href="#footnotetag272">[272]</a> Alain Chartier, <i>Quadriloge invectif</i>, éd. André
+Duchesne, Paris, 1617, pp. 440 et suiv.&mdash;<i>Ordonnances</i>, t. XI, pp. 101
+et suiv.&mdash;Vuitry, <i>Les monnaies sous les trois premiers Valois</i>,
+Paris, 1881, in-8<sup>o</sup>, <i>passim</i>.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. I, ch. <span class="smcap">XI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote273" name="footnote273"></a><a href="#footnotetag273">[273]</a> Juvénal des Ursins et <i>Journal d'un bourgeois de
+Paris</i>, <i>passim</i>.&mdash;Lettre de Nicolas de Clemangis à Gerson, dans
+<i>Clemangis opera omnia</i>, 1613, in-4<sup>o</sup>, II, pp. 159 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote274" name="footnote274"></a><a href="#footnotetag274">[274]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises,
+monastères...</i>, Mâcon, 1897, in-8<sup>o</sup>, introduction.</p>
+
+<p><a id="footnote275" name="footnote275"></a><a href="#footnotetag275">[275]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp 402, 434.</p>
+
+<p><a id="footnote276" name="footnote276"></a><a href="#footnotetag276">[276]</a> Toutefois ces deux personnages ne nous sont connus que
+par des documents généalogiques très suspects. <i>Procès</i>, t. V, p.
+252&mdash;Boucher de Molandon, <i>La famille de Jeanne d'Arc</i>, p. 127.&mdash;G. de
+Braux et E. de Bouteiller, <i>Nouvelles recherches</i>, pp. 7 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote277" name="footnote277"></a><a href="#footnotetag277">[277]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 52, 53.</p>
+
+<p><a id="footnote278" name="footnote278"></a><a href="#footnotetag278">[278]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 404, 407, 409, 411, 414, 416 et
+<i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote279" name="footnote279"></a><a href="#footnotetag279">[279]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 402, 434.</p>
+
+<p><a id="footnote280" name="footnote280"></a><a href="#footnotetag280">[280]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 402.&mdash;Sur les pratiques religieuses
+de Jeanne, <i>Procès</i>, à la table, aux mots: <i>Messe</i>, <i>Vierge</i>,
+<i>Cloche</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote281" name="footnote281"></a><a href="#footnotetag281">[281]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 429.</p>
+
+<p><a id="footnote282" name="footnote282"></a><a href="#footnotetag282">[282]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 426.</p>
+
+<p><a id="footnote283" name="footnote283"></a><a href="#footnotetag283">[283]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 432.</p>
+
+<p><a id="footnote284" name="footnote284"></a><a href="#footnotetag284">[284]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 52-53.</p>
+
+<p><a id="footnote285" name="footnote285"></a><a href="#footnotetag285">[285]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 393, 400 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote286" name="footnote286"></a><a href="#footnotetag286">[286]</a> Grégoire de Tours, <i>Le livre des miracles</i>, éd.
+Bordier, 1864, in-8<sup>o</sup>, t. II, pp. 27, 31.&mdash;Hincmar, <i>Vita sancti
+Remigii</i>, dans la <i>Patrologie de Migne</i>, t. CXXV, pp. 1130 et
+suiv.&mdash;H. Jadart, <i>Bibliographie des ouvrages concernant la vie et le
+culte de saint Remi, évêque de Reims</i>, Reims, 1891, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote287" name="footnote287"></a><a href="#footnotetag287">[287]</a> Froissart, l. II, ch. <span class="smcap">LXXIV</span>.&mdash;Le doyen de
+Saint-Thibaud, p. 328.&mdash;Vertot, <i>Dissertation au sujet de la sainte
+ampoule conservée à Reims</i>, dans <i>Mémoires de l'Acad. des Inscr. et
+Belles-Lettres</i>, 1736, t. II, pp. 619-33; t. IV, pp. 1350-65.&mdash;Leber,
+<i>Des cérémonies du sacre ou recherches historiques et critiques sur
+les m&oelig;urs, les coutumes dans l'ancienne monarchie</i>, Paris, Reims,
+1825, in-8<sup>o</sup>, pp. 255 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote288" name="footnote288"></a><a href="#footnotetag288">[288]</a> A. Monteil, <i>Histoire des Français</i>, 1853, t. II, p.
+194.</p>
+
+<p><a id="footnote289" name="footnote289"></a><a href="#footnotetag289">[289]</a> <i>Mystère de saint Remi</i>, bibliothèque de l'Arsenal,
+3.364. Ce mystère date du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, du temps des guerres en
+Champagne.</p>
+
+<p>Voici des vers qui s'y rapportent aux malheurs du royaume:</p>
+
+<div class="poem10">
+<p>SAINT-ESTIENNE.</p>
+
+<p>Ô Jhesucrist, qui les sains cieulx<br>
+ As de lumière environnez,<br>
+ Soleil et lune enluminés,<br>
+ Et ordonnez à ta plaisance;<br>
+ Pour le très doulz païs de France<br>
+ Les martirs, non pas un mais tous,<br>
+ À jointes mains et à genoux<br>
+ Te requièrent que tu effaces<br>
+ La grant doleur de France; et faces<br>
+ Par ta sainte digne vertu<br>
+ Qu'ilz aient paix; adfin que tu,<br>
+ Ta doulce mère et tous les sains,<br>
+ Et ceulx qui sont de pechiez sains,<br>
+ Devotement servis y soient!...</p>
+
+<p>SAINT-NICOLAS...</p>
+
+<p>Dieu tout puissant fay tant qu'il ysse<br>
+ Hors du doulz païs sans amer<br>
+ Que toutes gens doivent amer<br>
+ C'est France, où sont les bons Chrestiens<br>
+ S'on les confort; si les soustiens<br>
+ Car l'engin de leur adversaire<br>
+ Et son faulx art les tire à faire<br>
+ Contre ta sainte voulenté.<br>
+ Ayez pitié de Crestienté<br>
+ Beau sire Dieux<br>
+ Tant en France qu'en autres lieux!<br>
+ Ce seroit Pitié à oultrance<br>
+ Que si noble roiaume, comme France,<br>
+ Fust par male temptacion<br>
+ Mis du tout à perdicion...</p>
+</div>
+
+<p class="left50">Fol. 3, verso.</p>
+
+<p><a id="footnote290" name="footnote290"></a><a href="#footnotetag290">[290]</a> <i>Mystère de saint Remi</i>, Bibliothèque de l'Arsenal,
+ms., n<sup>o</sup> 3.364, fol. 69, verso.</p>
+
+<p><a id="footnote291" name="footnote291"></a><a href="#footnotetag291">[291]</a> <i>Mystère de saint Remi</i>, fol. 71, verso.</p>
+
+<p><a id="footnote292" name="footnote292"></a><a href="#footnotetag292">[292]</a></p>
+
+<p class="poem10">
+ Le bon archevesque Remy<br>
+ Qui tant aime le sang royal,<br>
+ Qui tant a son conseil loyal,<br>
+ Qui tant aime Dieu et l'Église.</p>
+
+<p class="left50"><i>Mystère de saint Remi</i>, fol. 77.</p>
+
+<p><a id="footnote293" name="footnote293"></a><a href="#footnotetag293">[293]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 130.</p>
+
+<p><a id="footnote294" name="footnote294"></a><a href="#footnotetag294">[294]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 130; t. II, p. 456; t. III, p. 3 et
+<i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote295" name="footnote295"></a><a href="#footnotetag295">[295]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CLIV</span>, <span class="smcap">CLV</span>, <span class="smcap">CLVI</span>,
+97, 359 et suiv.; <i>La France pendant la guerre de cent ans</i>, p. 287.</p>
+
+<p><a id="footnote296" name="footnote296"></a><a href="#footnotetag296">[296]</a> <i>Procès</i>, t. I, 53.</p>
+
+<p><a id="footnote297" name="footnote297"></a><a href="#footnotetag297">[297]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 128.</p>
+
+<p><a id="footnote298" name="footnote298"></a><a href="#footnotetag298">[298]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 443.&mdash;Boucher de Molandon, <i>La
+famille de Jeanne d'Arc</i>, p. 146.&mdash;E. de Bouteiller et G. de Braux,
+<i>Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc</i>, introduction,
+pp. <span class="smcap">XXI</span>, <span class="smcap">XXII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote299" name="footnote299"></a><a href="#footnotetag299">[299]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 411, 431, 439.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne
+d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXI</span>.&mdash;Hinzelin, <i>Chez Jeanne d'Arc</i>, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote300" name="footnote300"></a><a href="#footnotetag300">[300]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 443, 444.</p>
+
+<p><a id="footnote301" name="footnote301"></a><a href="#footnotetag301">[301]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 442.</p>
+
+<p><a id="footnote302" name="footnote302"></a><a href="#footnotetag302">[302]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p, 33, 221; t. II, pp. 443.</p>
+
+<p><a id="footnote303" name="footnote303"></a><a href="#footnotetag303">[303]</a> Enquête généalogique du bailli de Chaumont sur Jehan
+Royer (8 octobre 1555) dans E. de Bouteiller et G. de Braux,
+<i>Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc</i>, p. 62.
+(Document assez suspect.)</p>
+
+<p><a id="footnote304" name="footnote304"></a><a href="#footnotetag304">[304]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 271.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 67.&mdash;Le R. P. Benoît, <i>Histoire ecclésiastique
+et politique de la ville et du diocèse de Toul</i>, Toul, 1707, p.
+529.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CLXII</span>-<span class="smcap">CLXIII</span>.&mdash;Léon
+Mougenot, <i>Jeanne d'Arc, le Duc de Lorraine et le Sire de
+Baudricourt</i>, 1895, in-8<sup>o</sup>.&mdash;G. de Braux et E. de Bouteiller,
+<i>Nouvelles recherches</i>, p. <span class="smcap">XVIII</span>.&mdash;C. Nioré, <i>Le pays de Jeanne
+d'Arc</i>, dans <i>Mémoires de la Société académique de l'Aube</i>, 1894, t.
+XXXI, pp. 307-320.&mdash;De Pange, <i>Le pays de Jeanne d'Arc. Le fief et
+l'arrière-fief. Les Baudricourt</i>, Paris, 1903, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote305" name="footnote305"></a><a href="#footnotetag305">[305]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 436.</p>
+
+<p><a id="footnote306" name="footnote306"></a><a href="#footnotetag306">[306]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 456.</p>
+
+<p><a id="footnote307" name="footnote307"></a><a href="#footnotetag307">[307]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 456.</p>
+
+<p><a id="footnote308" name="footnote308"></a><a href="#footnotetag308">[308]</a> <i>Chronique des quatre premiers Valois</i>, éd. S. Luce,
+Paris, 1861, in-8<sup>o</sup>, pp. 46-48.</p>
+
+<p><a id="footnote309" name="footnote309"></a><a href="#footnotetag309">[309]</a> P. de Fénin, <i>Mémoires</i>, éd. de mademoiselle Dupont,
+Paris, 1837, pp. 195, 222, 223.</p>
+
+<p><a id="footnote310" name="footnote310"></a><a href="#footnotetag310">[310]</a> L. Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise au siège
+d'Orléans</i>, Orléans, 1892, in-8<sup>o</sup>, pp. 75-76.</p>
+
+<p><a id="footnote311" name="footnote311"></a><a href="#footnotetag311">[311]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 456.</p>
+
+<p><a id="footnote312" name="footnote312"></a><a href="#footnotetag312">[312]</a> Voir La Curne et Godefroy au mot: <i>commande</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote313" name="footnote313"></a><a href="#footnotetag313">[313]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 392, 393, 458, 459.</p>
+
+<p><a id="footnote314" name="footnote314"></a><a href="#footnotetag314">[314]</a> Quant à Nicolas de Vouthon, religieux de l'abbaye de
+Cheminon, ce qui est dit de lui dans l'information des 2 et 3 novembre
+1476 semble peu vraisemblable. <i>Procès</i>, t. V, p. 252.&mdash;E. de
+Bouteiller et G. de Braux, <i>Nouvelles recherches sur la famille de
+Jeanne d'Arc</i>, pp. <span class="smcap">XVIII</span> et suiv., p. 9.</p>
+
+<p><a id="footnote315" name="footnote315"></a><a href="#footnotetag315">[315]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 475.&mdash;Servais, dans <i>Mémoires de la
+Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc</i>, t. VI, p.
+139.&mdash;E. de Bouteiller et G. de Braux, <i>Nouvelles recherches</i>, p.
+<span class="smcap">XXVIII</span>.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, preuve <span class="smcap">XCV</span>, p. 143, et
+note 3.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 204.</p>
+
+<p><a id="footnote316" name="footnote316"></a><a href="#footnotetag316">[316]</a> Cela apparaît à la manière dont il rapporte les paroles
+de Jeanne.</p>
+
+<p><a id="footnote317" name="footnote317"></a><a href="#footnotetag317">[317]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 451, 458.</p>
+
+<p><a id="footnote318" name="footnote318"></a><a href="#footnotetag318">[318]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 85.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+72.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 35.</p>
+
+<p><a id="footnote319" name="footnote319"></a><a href="#footnotetag319">[319]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 444.&mdash;L. Mougenot, <i>Jeanne d'Arc,
+le Duc de Lorraine et le Sire de Baudricourt</i>, Nancy, 1895, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote320" name="footnote320"></a><a href="#footnotetag320">[320]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 53.</p>
+
+<p><a id="footnote321" name="footnote321"></a><a href="#footnotetag321">[321]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 440.</p>
+
+<p><a id="footnote322" name="footnote322"></a><a href="#footnotetag322">[322]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 423.</p>
+
+<p><a id="footnote323" name="footnote323"></a><a href="#footnotetag323">[323]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 131-132 et 219.</p>
+
+<p><a id="footnote324" name="footnote324"></a><a href="#footnotetag324">[324]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 421.</p>
+
+<p><a id="footnote325" name="footnote325"></a><a href="#footnotetag325">[325]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 68.</p>
+
+<p><a id="footnote326" name="footnote326"></a><a href="#footnotetag326">[326]</a> Compte d'André d'Épernon dans S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXVII</span> et preuves, pp. 217-218 et 220.</p>
+
+<p><a id="footnote327" name="footnote327"></a><a href="#footnotetag327">[327]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 51, 214; t. II, pp. 392-454.&mdash;S.
+Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXXVI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote328" name="footnote328"></a><a href="#footnotetag328">[328]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 214.</p>
+
+<p><a id="footnote329" name="footnote329"></a><a href="#footnotetag329">[329]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXXVII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote330" name="footnote330"></a><a href="#footnotetag330">[330]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 51, 214; t. II, p. 402.</p>
+
+<p><a id="footnote331" name="footnote331"></a><a href="#footnotetag331">[331]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 409, 423, 428, 463.</p>
+
+<p><a id="footnote332" name="footnote332"></a><a href="#footnotetag332">[332]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 417.</p>
+
+<p><a id="footnote333" name="footnote333"></a><a href="#footnotetag333">[333]</a> <i>Monstrelet</i>, t. III, p. 314.</p>
+
+<p><a id="footnote334" name="footnote334"></a><a href="#footnotetag334">[334]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 51.</p>
+
+<p><a id="footnote335" name="footnote335"></a><a href="#footnotetag335">[335]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXXVII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote336" name="footnote336"></a><a href="#footnotetag336">[336]</a> Expilly, <i>Dictionnaire géographique de la France</i>, au
+mot: <i>Neufchâteau</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote337" name="footnote337"></a><a href="#footnotetag337">[337]</a> S.-M. de Vernon, <i>Histoire générale et particulière du
+tiers-ordre de Saint-François</i>, Paris, 1667, 3 vol. in-8<sup>o</sup>.&mdash;Hilarion
+de Nolay, <i>Histoire du tiers-ordre</i>, Lyon, 1694, in-4<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote338" name="footnote338"></a><a href="#footnotetag338">[338]</a> AA. SS., Mars, t. I. p. 549.</p>
+
+<p><a id="footnote339" name="footnote339"></a><a href="#footnotetag339">[339]</a> Wadding, <i>Annales Minorum</i>, V, p. 183.</p>
+
+<p><a id="footnote340" name="footnote340"></a><a href="#footnotetag340">[340]</a> Jean Morel déclare qu'elle fut quatre jours à
+Neufchâteau, et il ajoute: «Ce que je vous dis, je le sais, car je fus
+avec les autres à Neufchâteau» (<i>Procès</i>, t. II, p. 392); Gérard
+Guillemette parle de quatre ou cinq jours (<i>Procès</i>, t. II, p. 414);
+Nicolas Bailly de trois ou quatre (<i>Procès</i>, t. II, p. 451). Mais
+Jeanne dit aux juges de Rouen qu'elle était restée quinze jours à
+Neufchâteau (<i>Procès</i>, t. I, p. 51); elle avait un souvenir moins
+lointain et sans doute plus fidèle.</p>
+
+<p><a id="footnote341" name="footnote341"></a><a href="#footnotetag341">[341]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 51.</p>
+
+<p><a id="footnote342" name="footnote342"></a><a href="#footnotetag342">[342]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, ch. <span class="smcap">IX</span>, <span class="smcap">X</span>, <span class="smcap">XI</span>.&mdash;Abbé
+V. Mourot, <i>Jeanne d'Arc et le tiers-ordre de Saint-François</i>,
+Saint-Dié, 1886, in-8<sup>o</sup>.&mdash;L. de Kerval, <i>Jeanne d'Arc et les
+Franciscains</i>, Vanves, 1893, in-18.&mdash;<i>E iera begina</i>, dit une
+correspondance de Morosini, éd. Lefévre-Pontalis, t. III, p. 92 et
+note 2.</p>
+
+<p><a id="footnote343" name="footnote343"></a><a href="#footnotetag343">[343]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 476.&mdash;E. Misset, <i>Jeanne d'Arc
+Champenoise</i>, 1895, in-8<sup>o</sup>, p. 28.</p>
+
+<p><a id="footnote344" name="footnote344"></a><a href="#footnotetag344">[344]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 128.</p>
+
+<p><a id="footnote345" name="footnote345"></a><a href="#footnotetag345">[345]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 215.&mdash;L'article 9 de l'acte
+d'accusation est constitué d'après une enquête faite à Neufchâteau.</p>
+
+<p><a id="footnote346" name="footnote346"></a><a href="#footnotetag346">[346]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 396 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote347" name="footnote347"></a><a href="#footnotetag347">[347]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CLXXX</span> et 230.</p>
+
+<p><a id="footnote348" name="footnote348"></a><a href="#footnotetag348">[348]</a> <i>Mistère du siège</i>, V. 497.</p>
+
+<p><a id="footnote349" name="footnote349"></a><a href="#footnotetag349">[349]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, ch. <span class="smcap">XXXIV</span> et <span class="smcap">XXXV</span>.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, ch. <span class="smcap">XXXII</span>, <span class="smcap">XXXV</span>.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 2 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote350" name="footnote350"></a><a href="#footnotetag350">[350]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 52, 216.</p>
+
+<p><a id="footnote351" name="footnote351"></a><a href="#footnotetag351">[351]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 456.</p>
+
+<p><a id="footnote352" name="footnote352"></a><a href="#footnotetag352">[352]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 428, 434.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXXX</span>.&mdash;G. de Braux et E. de Bouteiller, <i>Nouvelles
+recherches</i>, p. <span class="smcap">XXIII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote353" name="footnote353"></a><a href="#footnotetag353">[353]</a> <i>Les caquets de l'accouchée</i>, nouv. éd. par E. Fournier
+et Le Roux de Lincy, Paris, 1855, in-16, introduction.</p>
+
+<p><a id="footnote354" name="footnote354"></a><a href="#footnotetag354">[354]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 53; t. II, p. 443 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote355" name="footnote355"></a><a href="#footnotetag355">[355]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 428, 430, 431.</p>
+
+<p><a id="footnote356" name="footnote356"></a><a href="#footnotetag356">[356]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 416.</p>
+
+<p><a id="footnote357" name="footnote357"></a><a href="#footnotetag357">[357]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 431.</p>
+
+<p><a id="footnote358" name="footnote358"></a><a href="#footnotetag358">[358]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 416.</p>
+
+<p><a id="footnote359" name="footnote359"></a><a href="#footnotetag359">[359]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 419.</p>
+
+<p><a id="footnote360" name="footnote360"></a><a href="#footnotetag360">[360]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 436.</p>
+
+<p><a id="footnote361" name="footnote361"></a><a href="#footnotetag361">[361]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CLXVIII</span> et 222,
+234.</p>
+
+<p><a id="footnote362" name="footnote362"></a><a href="#footnotetag362">[362]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 273.&mdash;La <i>Chronique de
+Lorraine</i>, dans Dom Calmet, <i>Histoire de Lorraine</i>, t. III, col. vj.,
+donne une version amplifiée et suspecte de ces paroles.</p>
+
+<p><a id="footnote363" name="footnote363"></a><a href="#footnotetag363">[363]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 219, 220.&mdash;La source est suspecte.
+Pourtant l'accusation s'appuie ici sur les données de l'enquête. Si
+Jeanne nia avoir tenu ce propos, c'est qu'elle l'avait oublié, ou
+qu'on le lui avait assez changé, pour qu'elle pût le désavouer sous la
+forme où on le lui présentait.</p>
+
+<p><a id="footnote364" name="footnote364"></a><a href="#footnotetag364">[364]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 86.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+272.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 35.</p>
+
+<p><a id="footnote365" name="footnote365"></a><a href="#footnotetag365">[365]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 51, 214; t. II, pp. 392, 395 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote366" name="footnote366"></a><a href="#footnotetag366">[366]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CXCXIV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote367" name="footnote367"></a><a href="#footnotetag367">[367]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 460, 461.</p>
+
+<p><a id="footnote368" name="footnote368"></a><a href="#footnotetag368">[368]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 446.</p>
+
+<p><a id="footnote369" name="footnote369"></a><a href="#footnotetag369">[369]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 447.</p>
+
+<p><a id="footnote370" name="footnote370"></a><a href="#footnotetag370">[370]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 447.</p>
+
+<p><a id="footnote371" name="footnote371"></a><a href="#footnotetag371">[371]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 448.</p>
+
+<p><a id="footnote372" name="footnote372"></a><a href="#footnotetag372">[372]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 450.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. 103.</p>
+
+<p><a id="footnote373" name="footnote373"></a><a href="#footnotetag373">[373]</a> <i>Ibid.</i>, t. V, p. 363.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 45.&mdash;S.
+Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, xcv, cxi, cxxvj.&mdash;De Beaucourt,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 204, note.&mdash;G. de Braux et E. de
+Bouteiller, <i>Nouvelles recherches</i>, pp. <span class="smcap">XXV</span> et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote374" name="footnote374"></a><a href="#footnotetag374">[374]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CXC</span>, 160-161.</p>
+
+<p><a id="footnote375" name="footnote375"></a><a href="#footnotetag375">[375]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 435-457.&mdash;E. de Bouteiller et G. de
+Braux, <i>Nouvelles recherches</i>, pp. <span class="smcap">XXVI</span>-<span class="smcap">XXVII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote376" name="footnote376"></a><a href="#footnotetag376">[376]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 436.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de
+Charles VII</i>, t. II, pp. 396 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote377" name="footnote377"></a><a href="#footnotetag377">[377]</a> <i>Procès</i>, <i>ibid.</i>&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>,
+p. <span class="smcap">CXCI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote378" name="footnote378"></a><a href="#footnotetag378">[378]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 436.</p>
+
+<p><a id="footnote379" name="footnote379"></a><a href="#footnotetag379">[379]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 161, 176, 332.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 45.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 372.</p>
+
+<p><a id="footnote380" name="footnote380"></a><a href="#footnotetag380">[380]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 446.</p>
+
+<p><a id="footnote381" name="footnote381"></a><a href="#footnotetag381">[381]</a> Voragine, <i>La légende dorée</i>, en la fête de
+l'Exaltation de la Sainte-Croix.</p>
+
+<p><a id="footnote382" name="footnote382"></a><a href="#footnotetag382">[382]</a> Migne, <i>Dictionnaire des sciences occultes</i>, Paris, 2
+vol. gr. in-8<sup>o</sup>, au mot: <i>Exorcisme</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote383" name="footnote383"></a><a href="#footnotetag383">[383]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 446.</p>
+
+<p><a id="footnote384" name="footnote384"></a><a href="#footnotetag384">[384]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 115.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+48.&mdash;<i>Mirouer des femmes vertueuses</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 267.</p>
+
+<p><a id="footnote385" name="footnote385"></a><a href="#footnotetag385">[385]</a> Extrait du 8<sup>e</sup> compte de Guillaume Charrier, dans
+<i>Procès</i>, t. V, pp. 257 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote386" name="footnote386"></a><a href="#footnotetag386">[386]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 447.</p>
+
+<p><a id="footnote387" name="footnote387"></a><a href="#footnotetag387">[387]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 53; t. II, pp. 443 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote388" name="footnote388"></a><a href="#footnotetag388">[388]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 445-447.</p>
+
+<p><a id="footnote389" name="footnote389"></a><a href="#footnotetag389">[389]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 447-457.</p>
+
+<p><a id="footnote390" name="footnote390"></a><a href="#footnotetag390">[390]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 406.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. 160, note 6.</p>
+
+<p><a id="footnote391" name="footnote391"></a><a href="#footnotetag391">[391]</a> Monstrelet, t. IV, pp. 314-315.&mdash;Poème anonyme sur
+l'arrivée de la Pucelle, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 30.</p>
+
+<p><a id="footnote392" name="footnote392"></a><a href="#footnotetag392">[392]</a> Durand Lassois dit qu'il coûte douze francs; Jean de
+Metz seize. «Ce serait aujourd'hui un cheval de cent écus» (L.
+Champion, <i>Jeanne d'Arc écuyère</i>, 1901, p. 55).</p>
+
+<p><a id="footnote393" name="footnote393"></a><a href="#footnotetag393">[393]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 54, 222; t. II, pp. 391, 406, 432,
+437, 442-450, 456-457; t. III, pp. 87, 115; Extrait du 8<sup>e</sup> compte de
+Guillaume Charrier et du 13<sup>e</sup> compte de Hémon Raguier, dans
+<i>Procès</i>, t. V, pp. 257 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote394" name="footnote394"></a><a href="#footnotetag394">[394]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 457.&mdash;A. Renard, <i>Jeanne d'Arc.
+Examen d'une question de lieu</i>, Orléans, 1861, in-8<sup>o</sup>, 16 pages.&mdash;G.
+de Braux, <i>Jeanne d'Arc à Saint-Nicolas</i>, Nancy, 1889, in-8<sup>o</sup>.&mdash;De
+Pimodan, <i>La première étape de Jeanne d'Arc</i>, 1890, in-8<sup>o</sup>, cartes.</p>
+
+<p><a id="footnote395" name="footnote395"></a><a href="#footnotetag395">[395]</a> Le P. Anselme, <i>Histoire généalogique de la Maison de
+France</i>, II, p. 218.&mdash;Ludovic Drapeyron, <i>Jeanne d'Arc et Philippe le
+Bon</i>, dans <i>Revue de Géographie</i>, novembre 1886, p. 236.&mdash;S. Luce,
+<i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">LXVI</span>, <span class="smcap">CXCIX</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote396" name="footnote396"></a><a href="#footnotetag396">[396]</a> <i>&OElig;uvres du roi René</i>, par le comte de de
+Quatrebarbes, Angers, 1845, t. I, notice, pp. <span class="smcap">LXXVI</span> et suiv.&mdash;Leroy de
+la Marche, <i>Le roi René, sa vie, son administration, ses travaux
+artistiques et littéraires</i>, Paris, 1875, 2 vol. in 8<sup>o</sup>, et Giry,
+compte rendu dans <i>Revue Critique</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote397" name="footnote397"></a><a href="#footnotetag397">[397]</a> Dom Calmet, <i>Histoire de Lorraine</i>, t. II. col. 695,
+703.</p>
+
+<p><a id="footnote398" name="footnote398"></a><a href="#footnotetag398">[398]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CXCVII</span>,
+<span class="smcap">CLXXXVII</span>, <span class="smcap">CLXXXVIII</span> et 236.&mdash;Le registre des Archives de la Meuse, B
+1051, conserve la trace d'une correspondance active du duc de Bar avec
+Baudricourt.</p>
+
+<p><a id="footnote399" name="footnote399"></a><a href="#footnotetag399">[399]</a> <i>Chronique du doyen de Saint-Thibaud</i>, dans Dom Calmet,
+<i>Histoire de Lorraine</i>, preuves, t. II, col. <span class="smcap">CXCIX</span>.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne
+d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CXCVII</span> et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote400" name="footnote400"></a><a href="#footnotetag400">[400]</a> Lettre de Jean Desch, secrétaire de la ville de Metz,
+dans <i>Procès</i>, t. V, p. 355.&mdash;Dom Calmet, <i>Histoire de Lorraine</i>, t.
+II, preuves, col. <span class="smcap">CXCIX</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote401" name="footnote401"></a><a href="#footnotetag401">[401]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CC</span>, note.</p>
+
+<p><a id="footnote402" name="footnote402"></a><a href="#footnotetag402">[402]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 7.&mdash;Dom Calmet, <i>Histoire de
+Lorraine</i>, t. III, preuves, col. vj.</p>
+
+<p><a id="footnote403" name="footnote403"></a><a href="#footnotetag403">[403]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 391 et 444.</p>
+
+<p><a id="footnote404" name="footnote404"></a><a href="#footnotetag404">[404]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 129.</p>
+
+<p><a id="footnote405" name="footnote405"></a><a href="#footnotetag405">[405]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 54; t. II, pp. 438, 445, 447,
+457.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, dans <i>Revue Historique</i>,
+t. IV, p. 336.</p>
+
+<p><a id="footnote406" name="footnote406"></a><a href="#footnotetag406">[406]</a> <i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, <i>ibid.</i></p>
+
+<p><a id="footnote407" name="footnote407"></a><a href="#footnotetag407">[407]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 406, 432, 442, 457; t. III, p.
+209.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">XCV</span>, 143 note 3.&mdash;G. de
+Braux et E. de Bouteiller, <i>Nouvelles recherches</i>, pp. <span class="smcap">XXIX</span> et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote408" name="footnote408"></a><a href="#footnotetag408">[408]</a> <i>Les routiers en Lorraine</i>, dans <i>Journal de la Société
+archéologique de Lorraine</i>, 1866, p. 161.&mdash;D<sup>r</sup> A. Lapierre, <i>La
+guerre de cent ans dans l'Argonne et le Rethélois</i>, Sedan, 1900,
+in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote409" name="footnote409"></a><a href="#footnotetag409">[409]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 272 (texte assez suspect
+à cause de sa tendance hagiographique).</p>
+
+<p><a id="footnote410" name="footnote410"></a><a href="#footnotetag410">[410]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 54; t. II, p. 437.&mdash;<i>Chronique du
+Mont-Saint-Michel</i>, t. I, p. 30.&mdash;De Boismarmin, <i>Mémoire sur la date
+de l'arrivée de Jeanne d'Arc à Chinon</i>, dans <i>Bulletin du Comité des
+travaux historiques et scientifiques</i>, 1892, pp. 350-359.&mdash;Ulysse
+Chevalier, <i>L'abjuration de Jeanne d'Arc</i>, p. 10, note 1.</p>
+
+<p><a id="footnote411" name="footnote411"></a><a href="#footnotetag411">[411]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 431, 446.</p>
+
+<p><a id="footnote412" name="footnote412"></a><a href="#footnotetag412">[412]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 449.</p>
+
+<p><a id="footnote413" name="footnote413"></a><a href="#footnotetag413">[413]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 55.</p>
+
+<p><a id="footnote414" name="footnote414"></a><a href="#footnotetag414">[414]</a> De Pimodan, <i>La première étape de Jeanne d'Arc</i>, Paris,
+1891, in-8<sup>o</sup>, cartes.</p>
+
+<p><a id="footnote415" name="footnote415"></a><a href="#footnotetag415">[415]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 54.</p>
+
+<p><a id="footnote416" name="footnote416"></a><a href="#footnotetag416">[416]</a> Jolibois, <i>Dictionnaire historique de la Haute-Marne</i>,
+p. 492.</p>
+
+<p><a id="footnote417" name="footnote417"></a><a href="#footnotetag417">[417]</a> De Pimodan, <i>La première étape de Jeanne d'Arc</i>, <i>loc.
+cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote418" name="footnote418"></a><a href="#footnotetag418">[418]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 54-55.</p>
+
+<p><a id="footnote419" name="footnote419"></a><a href="#footnotetag419">[419]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 437, 457.</p>
+
+<p><a id="footnote420" name="footnote420"></a><a href="#footnotetag420">[420]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 457.</p>
+
+<p><a id="footnote421" name="footnote421"></a><a href="#footnotetag421">[421]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 449.</p>
+
+<p><a id="footnote422" name="footnote422"></a><a href="#footnotetag422">[422]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 199.</p>
+
+<p><a id="footnote423" name="footnote423"></a><a href="#footnotetag423">[423]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 437, 458.</p>
+
+<p><a id="footnote424" name="footnote424"></a><a href="#footnotetag424">[424]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 437, 457.</p>
+
+<p><a id="footnote425" name="footnote425"></a><a href="#footnotetag425">[425]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 54; t. III pp. 3-21.</p>
+
+<p><a id="footnote426" name="footnote426"></a><a href="#footnotetag426">[426]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 406, 432, 445, 448, 457.</p>
+
+<p><a id="footnote427" name="footnote427"></a><a href="#footnotetag427">[427]</a> Monstrelet, t. V, p. 269.&mdash;Th. Basin, t. I, p.
+44.&mdash;Bueil, <i>Le Jouvencel</i>, introduction.&mdash;Lettres de rémission, dans
+E. Boularic, <i>Institutions militaires de la France avant les armées
+permanentes...</i>, 1863, in-8<sup>o</sup>, p. 266.&mdash;<i>Récit du prieur de Droillet</i>,
+éd. Quicherat, dans <i>Bibliothèque de l'École des Chartes</i>, IV<sup>e</sup>
+série, t. III, p. 359.&mdash;Mantellier, <i>Histoire de la communauté des
+marchands fréquentant la rivière de Loire</i> t. I, p. 195.&mdash;Le P. H.
+Denifle, <i>La désolation des églises, monastères hôpitaux en France,
+vers le milieu du XV<sup>e</sup> siècle</i>, Mâcon, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote428" name="footnote428"></a><a href="#footnotetag428">[428]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 293.</p>
+
+<p><a id="footnote429" name="footnote429"></a><a href="#footnotetag429">[429]</a> Abbé J.-J. Bourassé, <i>Les miracles de madame Sainte
+Katerine de Fierboys en Touraine, d'après un manuscrit de la
+Bibliothèque Impériale</i>, Paris, in-12, 1858, p. 28.</p>
+
+<p><a id="footnote430" name="footnote430"></a><a href="#footnotetag430">[430]</a> Je joins ici ce que dit Seguin, <i>Procès</i>, t. III, p.
+203, et ce que dit la Touroulde, <i>Procès</i>, t. III, pp. 86, 87. Il me
+semble bien qu'il s'agit du même fait, rapporté sommairement par le
+premier, inexactement par la seconde.</p>
+
+<p><a id="footnote431" name="footnote431"></a><a href="#footnotetag431">[431]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 56, 75; t. III, pp. 3, 21; t. V, p.
+378.</p>
+
+<p><a id="footnote432" name="footnote432"></a><a href="#footnotetag432">[432]</a> Que sainte Catherine ait été connue en Occident un peu
+avant les croisades, cela est possible, mais que son culte remonte à
+Charles-Martel, non pas; il était du moins très vivace au temps de
+Jeanne d'Arc. Cf. H. Moranvillé, <i>Un pèlerinage en Terre sainte et au
+Sinaï au XV<sup>e</sup> siècle</i>, dans <i>Bibliothèque de l'École des Chartes</i>,
+t. LXVI (1905), pp. 70 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote433" name="footnote433"></a><a href="#footnotetag433">[433]</a> <i>Les miracles de madame sainte Katerine</i>, <i>passim</i>.&mdash;G.
+Launay, <i>Notice...</i>, dans <i>Bull. Soc. archéol. du Vendômois, 1880</i>, t.
+<span class="smcap">XIX</span>, p. 23-25.</p>
+
+<p><a id="footnote434" name="footnote434"></a><a href="#footnotetag434">[434]</a> G. Lefèvre-Pontalis, <i>La guerre des partisans dans la
+Haute Normandie</i> (1424-1429) dans <i>Bibliothèque de l'École des
+Chartes</i> (1893-1896).</p>
+
+<p><a id="footnote435" name="footnote435"></a><a href="#footnotetag435">[435]</a> <i>Les miracles de madame sainte Katerine</i>, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote436" name="footnote436"></a><a href="#footnotetag436">[436]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 75.</p>
+
+<p><a id="footnote437" name="footnote437"></a><a href="#footnotetag437">[437]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 190.&mdash;Alain
+Chartier, <i>L'espérance ou consolation des trois vertus</i>, dans
+<i>&OElig;uvres</i>, p. 271.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 14.</p>
+
+<p><a id="footnote438" name="footnote438"></a><a href="#footnotetag438">[438]</a> <i>Mistère du siège</i>, vers 497.</p>
+
+<p><a id="footnote439" name="footnote439"></a><a href="#footnotetag439">[439]</a> Perceval de Cagny, pp. 21-22.</p>
+
+<p><a id="footnote440" name="footnote440"></a><a href="#footnotetag440">[440]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 255.&mdash;<i>Chronique de
+l'établissement de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 286.&mdash;Le Maire,
+<i>Histoire et antiquités de la ville et duché d'Orléans</i>, Orléans,
+1645, in-4<sup>o</sup>, pp. 129 et suiv.&mdash;Lottin, <i>Recherches historiques sur la
+ville d'Orléans</i>, Orléans, 1836-1845 (7 vol. in-8<sup>o</sup>), t. I, p. 197.</p>
+
+<p><a id="footnote441" name="footnote441"></a><a href="#footnotetag441">[441]</a> Stevenson, <i>Letters and papers</i>, introduction, t. I, p.
+<span class="smcap">XLVII</span>.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 17.</p>
+
+<p><a id="footnote442" name="footnote442"></a><a href="#footnotetag442">[442]</a> Rymer, <i>F&oelig;dera</i>, t. IV. part. IV, p.
+135.&mdash;Mademoiselle A. de Villaret, <i>Campagne des Anglais dans
+l'Orléanais, la Beauce chartraine et le Gâtinais</i> (1421-1428),
+Orléans, 1893, in-8<sup>o</sup>, pièces justif., p. 134.&mdash;Stevenson, <i>Letters
+and papers</i>, t. I, pp. 403 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote443" name="footnote443"></a><a href="#footnotetag443">[443]</a> Monstrelet, t. IV, p. 300.</p>
+
+<p><a id="footnote444" name="footnote444"></a><a href="#footnotetag444">[444]</a> L. Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise au siège
+d'Orléans</i>, 1428-1429, Orléans, 1892, in-8<sup>o</sup>, pp. 59 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote445" name="footnote445"></a><a href="#footnotetag445">[445]</a> Monstrelet, t. IV, p. 293.&mdash;Rymer, <i>F&oelig;dera</i>, t. IV,
+partie IV, pp. 132, 135, 138.</p>
+
+<p><a id="footnote446" name="footnote446"></a><a href="#footnotetag446">[446]</a> L. Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, pp. 26-27.</p>
+
+<p><a id="footnote447" name="footnote447"></a><a href="#footnotetag447">[447]</a> Monstrelet, t. IV, p. 294.&mdash;Stevenson, <i>Letters and
+papers</i>, p. <span class="smcap">LXII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote448" name="footnote448"></a><a href="#footnotetag448">[448]</a> Boucher de Molandon et A. de Beaucorps, <i>L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc sous les murs d'Orléans</i>, Orléans,
+1892, in-8<sup>o</sup>, p. 61.&mdash;L. Jarry, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote449" name="footnote449"></a><a href="#footnotetag449">[449]</a> Le Maire, <i>Antiquités</i>, p. 29.</p>
+
+<p><a id="footnote450" name="footnote450"></a><a href="#footnotetag450">[450]</a> Astesan dans <i>Paris et ses historiens</i>, par Le Roux de
+Lincy et Tisserand, pp. 528 et suiv.&mdash;Le Maire, <i>Antiquités</i>, ch. <span class="smcap">XIX</span>,
+pp. 75 et suiv.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du siège d'Orléans</i>, in-18,
+pp. 22, 24.&mdash;E. Fournier, <i>Le Conteur Orléanais</i>, p. 111.&mdash;C.
+Cuissard, <i>Étude sur la musique dans l'Orléanais</i>, Orléans, 1886, p.
+50.&mdash;Jodocius Sincere, <i>Itinerarium Galliæ</i>, Amstelodami, 1655, pp.
+24, 25.&mdash;Paul Charpentier et Cuissard, <i>Histoire du siège d'Orléans,
+mémoire inédit de M. l'abbé Dubois</i>, Orléans, 1894, in-8<sup>o</sup>, p.
+129.&mdash;De Buzonnière, <i>Histoire architecturale de la ville d'Orléans</i>,
+1849 (2 vol. in-8<sup>o</sup>), t. I, p. 76.</p>
+
+<p><a id="footnote451" name="footnote451"></a><a href="#footnotetag451">[451]</a> Jollois, <i>Histoire du siège d'Orléans</i>, Paris, 1833,
+in-4<sup>o</sup>, fig.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, pp. 183 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote452" name="footnote452"></a><a href="#footnotetag452">[452]</a> Jollois, <i>Lettre à Messieurs les Membres de la Société
+des Antiquaires de France, sur l'emplacement du fort des Tourelles de
+l'ancien pont d'Orléans</i>, Paris, 1834, in-f<sup>o</sup>, fig.&mdash;Abbé Dubois,
+<i>Histoire du siège</i>, dissertation, v. Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, pp.
+15-18.&mdash;Vergniaud Romagnési, <i>Des différentes enceintes de la ville
+d'Orléans</i>, pp. 17-19.&mdash;A. Collin, <i>Le pont des Tourelles à Orléans</i>,
+Orléans, 1895, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Morosini, t. III, p. 13, note 2.</p>
+
+<p><a id="footnote453" name="footnote453"></a><a href="#footnotetag453">[453]</a> Jollois, <i>Histoire du siège</i>, planche 1.&mdash;Abbé Dubois,
+<i>Histoire du siège</i>, pp. 193, 199.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Première
+expédition de Jeanne d'Arc</i>, p. 16.</p>
+
+<p><a id="footnote454" name="footnote454"></a><a href="#footnotetag454">[454]</a> Symphorien Guyon, <i>Histoire de l'église et diocèse
+d'Orléans</i>, Orléans, 1647, t. I, préface.&mdash;Le Maire, <i>Antiquités</i>, p.
+36.</p>
+
+<p><a id="footnote455" name="footnote455"></a><a href="#footnotetag455">[455]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 13, 15.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 270.&mdash;Hubert, <i>Antiquités historiques de l'église royale
+d'Orléans</i>, Orléans, 1661, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Le Maire, <i>Antiquités</i>, p.
+284.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire du siège</i>, pp. 133, 205, 277 et
+<i>passim</i>.&mdash;Jollois, <i>Histoire du siège</i>, p. 21.&mdash;H. Baraude, <i>Le siège
+d'Orléans et Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1906, pp. 10 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote456" name="footnote456"></a><a href="#footnotetag456">[456]</a> Le Maire, <i>Antiquités</i>, p. 43.</p>
+
+<p><a id="footnote457" name="footnote457"></a><a href="#footnotetag457">[457]</a> Abbé Dubois, <i>Histoire du siège</i>, p. 296.&mdash;Boucher de
+Molandon, <i>Première expédition de Jeanne d'Arc, le ravitaillement
+d'Orléans, nouveaux documents</i>, Orléans, 1874, gr. in-8<sup>o</sup>, plan
+topographique: <i>Orléans, la Loire et ses îles en 1429</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote458" name="footnote458"></a><a href="#footnotetag458">[458]</a> Abbé Dubois, <i>Histoire du siège</i>, pp. 391,
+399.&mdash;Jollois, <i>Histoire du siège</i>, pp. 41, 44.&mdash;P. Mantellier,
+<i>Histoire du siège</i>, Orléans, 1867, in-8<sup>o</sup>, p. 24.&mdash;Lottin,
+<i>Recherches sur Orléans</i>, t. I, p. 141.</p>
+
+<p><a id="footnote459" name="footnote459"></a><a href="#footnotetag459">[459]</a> Le Roux de Lincy, <i>Chants historiques et populaires du
+temps de Charles VII</i>, Paris, 1862, in-18, p. 28.</p>
+
+<p><a id="footnote460" name="footnote460"></a><a href="#footnotetag460">[460]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, pp. 225-226.&mdash;<i>Geste
+des Nobles</i>, p. 202.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 251.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 59.&mdash;Jarry, <i>Le compte de l'armée
+anglaise</i>, pp. 107-112.</p>
+
+<p><a id="footnote461" name="footnote461"></a><a href="#footnotetag461">[461]</a> Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, pp. 164, 171.&mdash;P.
+Mantellier, <i>Histoire du siège</i>, p. 25.</p>
+
+<p><a id="footnote462" name="footnote462"></a><a href="#footnotetag462">[462]</a> Le religieux de Dunfermling, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+341.&mdash;Le Maire, <i>Antiquités</i>, pp. 283 et suiv.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>,
+t. I, pp. 160-161.</p>
+
+<p><a id="footnote463" name="footnote463"></a><a href="#footnotetag463">[463]</a> Jollois, <i>Histoire du siège</i>, p. 6.&mdash;Lottin,
+<i>Recherches</i>, t. I, pp. 202-205.</p>
+
+<p><a id="footnote464" name="footnote464"></a><a href="#footnotetag464">[464]</a> Comptes de forteresses, dans <i>Journal du siège</i>, pp.
+301 et suiv.&mdash;Jollois, <i>Histoire du siège</i>, p. 12.&mdash;P. Mantellier,
+<i>Histoire du siège</i>, pp. 15-17.&mdash;Loiseleur, <i>Comptes des dépenses
+faites par Charles VII pour secourir Orléans pendant le siège de
+1428</i>, Orléans, 1868, in-8<sup>o</sup>, p. 113.&mdash;Boucher de Molandon et de
+Beaucorps, <i>L'armée anglaise vaincue par Jeanne d'Arc</i>, p. 81.</p>
+
+<p><a id="footnote465" name="footnote465"></a><a href="#footnotetag465">[465]</a> Compte de Hémon Raguier, Bibl. Nat., Fr. 7858, fol.
+41&mdash;Loiseleur, <i>Comptes des dépenses</i>, p. 65.&mdash;Pallet, <i>Nouvelle
+Histoire du Berry</i>, t. III, pp. 78-80.&mdash;Vallet de Viriville, dans
+<i>Bulletin de la Société d'Histoire de France</i>.&mdash;<i>Cabinet Historique</i>,
+V, 2<sup>e</sup> partie, 107.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du siège</i>, p. 15.</p>
+
+<p><a id="footnote466" name="footnote466"></a><a href="#footnotetag466">[466]</a> A. Thomas, <i>Le siège d'Orléans, Jeanne d'Arc et les
+capitouls de Toulouse</i>, dans <i>Annales du Midi</i>, avril 1889, p.
+232.&mdash;M. Boudet, <i>Villandrando et les écorcheurs à Saint-Flour</i>, pp.
+18 et 19.&mdash;A. de Villaret, <i>Campagne des Anglais</i>, p. 61.</p>
+
+<p><a id="footnote467" name="footnote467"></a><a href="#footnotetag467">[467]</a> Le religieux de Dunfermling, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+341.</p>
+
+<p><a id="footnote468" name="footnote468"></a><a href="#footnotetag468">[468]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 51.&mdash;<i>Chronique de la fête</i> dans
+<i>Procès</i>, t. V, p. 296.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, pp. 27-31.</p>
+
+<p><a id="footnote469" name="footnote469"></a><a href="#footnotetag469">[469]</a> Hubert, <i>Antiquitez historiques de l'église royale de
+Saint-Aignan d'Orléans</i>, Orléans, 1661, in-8<sup>o</sup>, pp. 1-15.</p>
+
+<p><a id="footnote470" name="footnote470"></a><a href="#footnotetag470">[470]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 32.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+14.&mdash;Hubert, <i>loc. cit.</i>, chap. <span class="smcap">III-IV</span>.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I,
+pp. 82-83.</p>
+
+<p><a id="footnote471" name="footnote471"></a><a href="#footnotetag471">[471]</a> Le Maire, <i>Antiquités</i>, p. 285.&mdash;P. Mantellier,
+<i>Histoire du siège</i>, p. 16.</p>
+
+<p><a id="footnote472" name="footnote472"></a><a href="#footnotetag472">[472]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 257-258.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, pp. 6-7.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, p. 204.&mdash;J. Devaux, <i>Le
+Gâtinais au temps de Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Ann. Soc. hist. et arch. du
+Gâtinais</i>, V, 1887, p. 220.</p>
+
+<p><a id="footnote473" name="footnote473"></a><a href="#footnotetag473">[473]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote474" name="footnote474"></a><a href="#footnotetag474">[474]</a> <i>Geste des Nobles</i>, p. 204.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 256.&mdash;Lettre de Salisbury à la Commune de Londres, dans Delpit,
+<i>Collection de documents français qui se trouvent en Angleterre</i>, pp.
+236-237.&mdash;Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, pp. 79-89.</p>
+
+<p><a id="footnote475" name="footnote475"></a><a href="#footnotetag475">[475]</a> Abbé Dubois, <i>Histoire du siège</i>, p. 11.&mdash;Jarry, <i>Le
+compte de l'armée anglaise</i>, p. 82.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Les comptes
+de ville d'Orléans des quatorzième et quinzième siècles</i>, Orléans,
+1880, in-8<sup>o</sup>, pp. 91 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote476" name="footnote476"></a><a href="#footnotetag476">[476]</a> Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, p. 205.&mdash;P. Mantellier,
+<i>Histoire du siège</i>, p. 17.</p>
+
+<p><a id="footnote477" name="footnote477"></a><a href="#footnotetag477">[477]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 4.</p>
+
+<p><a id="footnote478" name="footnote478"></a><a href="#footnotetag478">[478]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 2-4.&mdash;Boucher de Molandon et de
+Beaucorps, <i>L'armée anglaise vaincue par Jeanne d'Arc</i>, p. 129.</p>
+
+<p><a id="footnote479" name="footnote479"></a><a href="#footnotetag479">[479]</a> L. Jarry, <i>Le compte de l'année anglaise</i>, pp. 26, 28,
+29.&mdash;Boucher de Molandon et de Beaucorps, <i>L'armée anglaise vaincue
+par Jeanne d'Arc</i>, pp. 50 et suiv.&mdash;Mademoiselle A. de Villaret,
+<i>Campagne des Anglais</i>, ch. IV, pp. 39, 53; comptes du siège, n<sup>os</sup>
+30, 31, p. 214.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, p. 205.</p>
+
+<p><a id="footnote480" name="footnote480"></a><a href="#footnotetag480">[480]</a> L. Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, p. 61.</p>
+
+<p><a id="footnote481" name="footnote481"></a><a href="#footnotetag481">[481]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 258.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, p. 66.&mdash;Jean Raoulet dans Chartier, <i>Chronique</i>, t. III,
+p. 198.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 1, 2.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire du
+siège</i>, p. 246.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du siège</i>, p. 27.&mdash;H.
+Baraude, <i>Le siège d'Orléans et Jeanne d'Arc</i>, p. 31.</p>
+
+<p><a id="footnote482" name="footnote482"></a><a href="#footnotetag482">[482]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 4.</p>
+
+<p><a id="footnote483" name="footnote483"></a><a href="#footnotetag483">[483]</a> <i>Ibid.</i>, p. 7-8.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, pp. 208,
+210.</p>
+
+<p><a id="footnote484" name="footnote484"></a><a href="#footnotetag484">[484]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 5 à 8.</p>
+
+<p><a id="footnote485" name="footnote485"></a><a href="#footnotetag485">[485]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 10, 12.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 264.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 298.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 63.&mdash;<i>Mistère d'Orléans</i>, vers 3104 et
+suiv.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 288.&mdash;Morosini,
+t. III, p. 131.&mdash;Lorenzo Buonincontro, dans Muratori, <i>Rerum
+Italicarum Scriptores</i>, t. XXI, col. 136.&mdash;Jarry, <i>Le compte de
+l'armée anglaise</i>, pp. 85-86.</p>
+
+<p><a id="footnote486" name="footnote486"></a><a href="#footnotetag486">[486]</a> <i>Procès</i>, t. IV, p. 345.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+263.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 10.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de
+Charles VII</i>, t. II, p. 32.</p>
+
+<p><a id="footnote487" name="footnote487"></a><a href="#footnotetag487">[487]</a> L. Jarry, <i>Deux chansons normandes</i>, Orléans, 1894,
+in-8<sup>o</sup>, p. 11.</p>
+
+<p><a id="footnote488" name="footnote488"></a><a href="#footnotetag488">[488]</a> Le texte publié par M. Jarry porte «mielux».</p>
+
+<p><a id="footnote489" name="footnote489"></a><a href="#footnotetag489">[489]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I,
+p. 25; t. II, p. 389.</p>
+
+<p><a id="footnote490" name="footnote490"></a><a href="#footnotetag490">[490]</a> Monstrelet, t. IV, pp. 273, 274.&mdash;<i>Chronique du la
+Pucelle</i>, pp. 243, 247.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p.
+54.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 221.&mdash;<i>Cronique
+Martiniane</i>, p. 7.</p>
+
+<p><a id="footnote491" name="footnote491"></a><a href="#footnotetag491">[491]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. II, p. 105.</p>
+
+<p><a id="footnote492" name="footnote492"></a><a href="#footnotetag492">[492]</a> Mathieu d'Escouchy, <i>Chronique</i>, édit. de Beaucourt,
+Paris, 1863, t. I, p. 186.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>,
+t. II, p. 236.</p>
+
+<p><a id="footnote493" name="footnote493"></a><a href="#footnotetag493">[493]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 10 et 12.&mdash;<i>Cronique
+Martiniane</i>, p. 8.&mdash;<i>Le Jouvencel</i>, p. 277.&mdash;Loiseleur, <i>Comptes des
+dépenses</i>, pp. 90, 91.</p>
+
+<p><a id="footnote494" name="footnote494"></a><a href="#footnotetag494">[494]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 12, 13.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire
+du siège</i>, p. 245.&mdash;Boucher de Molandon et de Beaucorps, <i>L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc</i>, pp. 92, 111.&mdash;Jean de Bueil, <i>Le
+Jouvencel</i>, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote495" name="footnote495"></a><a href="#footnotetag495">[495]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 7.</p>
+
+<p><a id="footnote496" name="footnote496"></a><a href="#footnotetag496">[496]</a> <i>Le Jouvencel</i>, t. I, p. 142.</p>
+
+<p><a id="footnote497" name="footnote497"></a><a href="#footnotetag497">[497]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 19.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 270.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 61.&mdash;Le P. Denifle, <i>La
+désolation des églises de France</i>, supplique C.</p>
+
+<p><a id="footnote498" name="footnote498"></a><a href="#footnotetag498">[498]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 16 et 17.</p>
+
+<p><a id="footnote499" name="footnote499"></a><a href="#footnotetag499">[499]</a> <i>Ibid.</i>, p. 17.&mdash;J.-L. Micqueau, <i>Histoire du siège
+d'Orléans par les Anglais</i>, traduite par Du Breton, Paris, 1631, p.
+27.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire du siège</i>, p. 287.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>,
+t. I, pp. 209, 210.</p>
+
+<p><a id="footnote500" name="footnote500"></a><a href="#footnotetag500">[500]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 18.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXXXV</span>.&mdash;Loiseleur, <i>Compte des dépenses faites par
+Charles VII pour secourir Orléans</i>, dans <i>Mém. Soc. Arch. de
+l'Orléanais</i>, t. XI, pp. 114 et 186.</p>
+
+<p><a id="footnote501" name="footnote501"></a><a href="#footnotetag501">[501]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 28.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I,
+p. 214.</p>
+
+<p><a id="footnote502" name="footnote502"></a><a href="#footnotetag502">[502]</a> Loiseleur, <i>Comptes</i>, p. 114.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire
+du siège</i>, p. 33.</p>
+
+<p><a id="footnote503" name="footnote503"></a><a href="#footnotetag503">[503]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 15, 18.</p>
+
+<p><a id="footnote504" name="footnote504"></a><a href="#footnotetag504">[504]</a> <i>Ibid.</i>, p. 20.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+265.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire du siège</i>, p. 252.&mdash;Jollois, <i>Histoire du
+siège</i>, pp. 26, 27.</p>
+
+<p><a id="footnote505" name="footnote505"></a><a href="#footnotetag505">[505]</a> Relation de G. Girault, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+283.&mdash;Morosini, t. III, p. 16, note 5; t. IV, annexe <span class="smcap">XIII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote506" name="footnote506"></a><a href="#footnotetag506">[506]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 22, 23, 24, 25, 27, 34.</p>
+
+<p><a id="footnote507" name="footnote507"></a><a href="#footnotetag507">[507]</a> Boucher de Molandon et A. de Beaucorps, <i>L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc</i>, pp. 3 et suiv.&mdash;Jarry, <i>Le compte
+de l'armée anglaise</i>, pièce justificative <span class="smcap">V</span>, p. 233.</p>
+
+<p><a id="footnote508" name="footnote508"></a><a href="#footnotetag508">[508]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 21, 22, 30.</p>
+
+<p><a id="footnote509" name="footnote509"></a><a href="#footnotetag509">[509]</a> <i>Ibid.</i>, p. 26.</p>
+
+<p><a id="footnote510" name="footnote510"></a><a href="#footnotetag510">[510]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 32.</p>
+
+<p><a id="footnote511" name="footnote511"></a><a href="#footnotetag511">[511]</a> <i>Gallia Christiana</i>, t. II, p. 732.&mdash;Vallet de
+Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 213; t. II, p. 6, note
+2.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CCXCV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote512" name="footnote512"></a><a href="#footnotetag512">[512]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 21, 36-38.&mdash;Compte de Hémon
+Raguier, Bibl. Nat., fr. 7858, fol. 41.&mdash;Loiseleur, <i>Comptes et
+dépenses de Charles VII pour secourir Orléans</i>, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote513" name="footnote513"></a><a href="#footnotetag513">[513]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 37.</p>
+
+<p><a id="footnote514" name="footnote514"></a><a href="#footnotetag514">[514]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 231.&mdash;<i>Chronique
+de la Pucelle</i>, pp. 266, 267.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 37, 38.</p>
+
+<p><a id="footnote515" name="footnote515"></a><a href="#footnotetag515">[515]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 38, 39.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, pp. 267, 268.&mdash;<i>Mistère du siège</i>, vers 8867.&mdash;Dom Plancher,
+<i>Histoire de Bourgogne</i>, t. IV, p. 127.</p>
+
+<p><a id="footnote516" name="footnote516"></a><a href="#footnotetag516">[516]</a> Monstrelet, t. IV, p. 312.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+43.&mdash;Chastellain, éd. Kervyn de Lettenhove, t. II, p. 164.</p>
+
+<p><a id="footnote517" name="footnote517"></a><a href="#footnotetag517">[517]</a> Monstrelet, t. IV, p. 311.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+39.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 231.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, pp. 267 et 268.&mdash;Perceval de Cagny, pp. 137 et 139.</p>
+
+<p><a id="footnote518" name="footnote518"></a><a href="#footnotetag518">[518]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 40, 41.</p>
+
+<p><a id="footnote519" name="footnote519"></a><a href="#footnotetag519">[519]</a> <i>Ibid.</i>, p. 43.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p.
+232.</p>
+
+<p><a id="footnote520" name="footnote520"></a><a href="#footnotetag520">[520]</a> <i>Ibid.</i>, p. 43&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+269.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 313.</p>
+
+<p><a id="footnote521" name="footnote521"></a><a href="#footnotetag521">[521]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 42.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>,
+t. I, p. 63.</p>
+
+<p><a id="footnote522" name="footnote522"></a><a href="#footnotetag522">[522]</a> <i>Ibid.</i>, p. 44.</p>
+
+<p><a id="footnote523" name="footnote523"></a><a href="#footnotetag523">[523]</a> <i>Ibid.</i>, pp. 43, 44.</p>
+
+<p><a id="footnote524" name="footnote524"></a><a href="#footnotetag524">[524]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, pp.
+230-233.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 313.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t.
+II, p. 62.&mdash;Symphorien Guyon, <i>Histoire de la ville d'Orléans</i>, t. II,
+p. 195.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p.
+37.</p>
+
+<p><a id="footnote525" name="footnote525"></a><a href="#footnotetag525">[525]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 50, 52.</p>
+
+<p><a id="footnote526" name="footnote526"></a><a href="#footnotetag526">[526]</a> <i>Ibid.</i>, p. 51.</p>
+
+<p><a id="footnote527" name="footnote527"></a><a href="#footnotetag527">[527]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 59.</p>
+
+<p><a id="footnote528" name="footnote528"></a><a href="#footnotetag528">[528]</a> Thaumas de la Thaumassière, <i>Histoire du Berry</i>,
+Bourges, 1689, in-fol., pp. 648-656.</p>
+
+<p><a id="footnote529" name="footnote529"></a><a href="#footnotetag529">[529]</a> Monstrelet, t. IV, p. 317.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+52.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 269.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>,
+t. I, p. 65.&mdash;Morosini, pp. 16, 17; t. IV, annexe <span class="smcap">XIV</span>.&mdash;Du Tillet,
+<i>Recueil des traités</i>, p. 221.</p>
+
+<p><a id="footnote530" name="footnote530"></a><a href="#footnotetag530">[530]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 54.</p>
+
+<p><a id="footnote531" name="footnote531"></a><a href="#footnotetag531">[531]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 21-23.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp.
+46 et suiv.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 278.</p>
+
+<p><a id="footnote532" name="footnote532"></a><a href="#footnotetag532">[532]</a> La Curne et Godefroy, au mot: <i>Pucelle</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote533" name="footnote533"></a><a href="#footnotetag533">[533]</a> <i>Relation contemporaine du combat de Montendre</i>, dans
+<i>Bulletin de la Société de l'Histoire de France</i>, 1834, pp. 109-113.</p>
+
+<p><a id="footnote534" name="footnote534"></a><a href="#footnotetag534">[534]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 3, 125, 215.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+pp. 5, 6, 31, 44.&mdash;<i>Nouvelle Biographie Générale</i>, articles de Vallet
+de Viriville.</p>
+
+<p><a id="footnote535" name="footnote535"></a><a href="#footnotetag535">[535]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 56, 75.</p>
+
+<p><a id="footnote536" name="footnote536"></a><a href="#footnotetag536">[536]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 56.</p>
+
+<p><a id="footnote537" name="footnote537"></a><a href="#footnotetag537">[537]</a> Bueil, <i>Le Jouvencel</i>, t. I, p. 32 et Tringant,
+XV.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, ch. <span class="smcap">CXXXVIII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote538" name="footnote538"></a><a href="#footnotetag538">[538]</a> Vallet de Viriville, <i>Isabeau de Bavière</i>, 1859,
+in-8<sup>o</sup>, et <i>Notes sur l'état civil des princes et princesses nés
+d'Isabeau de Bavière</i> dans la <i>Bibliothèque de l'École des Chartes</i>,
+t. XIX, pp. 473-482.</p>
+
+<p><a id="footnote539" name="footnote539"></a><a href="#footnotetag539">[539]</a> Th. Basin, <i>Histoire de Charles VII et de Louis XI</i>, t.
+I, p. 312.&mdash;Chastellain, édit. Kervyn de Lettenhove, t. 11, p. 178.</p>
+
+<p><a id="footnote540" name="footnote540"></a><a href="#footnotetag540">[540]</a> <i>Chronique du Religieux de Saint-Denis</i>, t. I, pp. 28
+et 43.&mdash;Docteur A. Chevreau, <i>De la maladie de Charles VI, roi de
+France, et des médecins qui ont soigné ce prince</i>, dans l'<i>Union
+Médicale</i>, février-mars 1862.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. I, p. 4, note.</p>
+
+<p><a id="footnote541" name="footnote541"></a><a href="#footnotetag541">[541]</a> Monstrelet, t. III, p. 347.</p>
+
+<p><a id="footnote542" name="footnote542"></a><a href="#footnotetag542">[542]</a> Gruel, éd. Le Vavasseur, pp. 46 et suiv.&mdash;<i>Chronique de
+la Pucelle</i>, p. 239.&mdash;Berry, p. 374.&mdash;Pierre de Fénin, <i>Mémoires</i>,
+édit. de mademoiselle Dupont, pp. 222, 223.&mdash;Vallet de Viriville,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 453.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de
+Charles VII</i>, t. II, p. 432.</p>
+
+<p><a id="footnote543" name="footnote543"></a><a href="#footnotetag543">[543]</a> Gruel, pp. 53, 193.&mdash;<i>Geste des Nobles</i>, p. 200.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, pp. 23, 24, 54.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire
+de Charles VII</i>, t. II, p. 132.&mdash;E. Cosneau, <i>Le connétable de
+Richemont</i>, Paris, 1886, in-8<sup>o</sup>, p. 131.</p>
+
+<p><a id="footnote544" name="footnote544"></a><a href="#footnotetag544">[544]</a> Gruel, p. 231.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 200,
+248.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 54; t. III, p. 189.&mdash;De
+Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 142.&mdash;E. Cosneau, <i>Le
+connétable de Richemont</i>, p. 140.</p>
+
+<p><a id="footnote545" name="footnote545"></a><a href="#footnotetag545">[545]</a> De Beaucourt, <i>op. cit.</i>, t. II, pp. 143, 144 et
+suiv.&mdash;E. Cosneau, <i>op. cit.</i>, pp. 142 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote546" name="footnote546"></a><a href="#footnotetag546">[546]</a> Dom Morice, <i>Preuves de l'histoire de Bretagne</i>, t. II,
+col. 1199.&mdash;De Beaucourt, <i>op. cit.</i>, t. II, p. 150.&mdash;E. Cosneau, <i>op.
+cit.</i>, p. 144.</p>
+
+<p><a id="footnote547" name="footnote547"></a><a href="#footnotetag547">[547]</a> P. de Fénin, <i>Mémoires</i>, p. 222.&mdash;De Beaucourt,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, Introduction.&mdash;E. Charles, <i>Le caractère de
+Charles VII</i>, dans <i>Revue Contemporaine</i>, t. XXII, pp. 300-328.</p>
+
+<p><a id="footnote548" name="footnote548"></a><a href="#footnotetag548">[548]</a> Le doyen de Saint-Thibaud, <i>Tableau des rois de
+France</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 325.</p>
+
+<p><a id="footnote549" name="footnote549"></a><a href="#footnotetag549">[549]</a> Martial d'Auvergne, <i>Les vigiles de Charles VII</i>, éd.
+Coustelier, 1724, (2 vol. in-12), t. I, p. 56.</p>
+
+<p><a id="footnote550" name="footnote550"></a><a href="#footnotetag550">[550]</a> L. Drapeyron, <i>Jeanne d'Arc et Philippe le Bon</i>, dans
+<i>Revue de Géographie</i>, novembre 1886, p. 331.</p>
+
+<p><a id="footnote551" name="footnote551"></a><a href="#footnotetag551">[551]</a> <i>Recueil des Ordonnances</i>, t. XIII, p. <span class="smcap">XCIX</span>, et la
+table de ce volume au mot: <i>Impôts</i>.&mdash;Loiseleur, <i>Compte des
+dépenses</i>, pp. 51 et suiv.&mdash;A. Thomas, <i>Les États Généraux sous
+Charles VII</i> dans le <i>Cabinet Historique</i>, t. XXIV, 1878; <i>Les États
+provinciaux de la France centrale sous Charles VII</i>, Paris, 1879, 2
+vol. in-8<sup>o</sup>, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote552" name="footnote552"></a><a href="#footnotetag552">[552]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. III, p. 318.&mdash;Vallet de
+Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 390.&mdash;De Beaucourt,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 428; t. II, pp. 646 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote553" name="footnote553"></a><a href="#footnotetag553">[553]</a> <i>Le Jouvencel</i>, t. I, Introduction, pp. <span class="smcap">XIX</span>, <span class="smcap">XX</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote554" name="footnote554"></a><a href="#footnotetag554">[554]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 237.&mdash;Loiseleur, <i>Compte
+des dépenses</i>, p. 61.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Mémoire sur les
+institutions de Charles VII</i>, dans <i>Bibliothèque de l'École des
+Chartes</i>, t. XXXIII, p. 37.</p>
+
+<p><a id="footnote555" name="footnote555"></a><a href="#footnotetag555">[555]</a> Dom Vaissette, <i>Histoire du Languedoc</i>, t. IV, p. 471.</p>
+
+<p><a id="footnote556" name="footnote556"></a><a href="#footnotetag556">[556]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p.
+167.</p>
+
+<p><a id="footnote557" name="footnote557"></a><a href="#footnotetag557">[557]</a> Dom Vaissette, <i>Histoire du Languedoc</i>, IV, p. 471.&mdash;A.
+Thomas, <i>Les États Généraux sous Charles VII</i>, pp. 49-50.</p>
+
+<p><a id="footnote558" name="footnote558"></a><a href="#footnotetag558">[558]</a> Dom Vaissette, <i>Histoire du Languedoc</i>, t. IV, p.
+472.&mdash;Raynal, <i>Histoire du Berry</i>, t. III, p. 20.&mdash;Loiseleur, <i>Compte
+des dépenses</i>, pp. 63 et suiv.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. II, pp. 170 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote559" name="footnote559"></a><a href="#footnotetag559">[559]</a> Th. Basin, <i>Histoire de Charles VII</i>, liv. II, ch.
+<span class="smcap">VI</span>.&mdash;Antoine Loysel, <i>Mémoires des pays, villes, comtés et comtes de
+Beauvais et Beauvoisis</i>, Paris, 1618, p. 229.&mdash;P. Mantellier,
+<i>Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de
+Loire</i>, t. I, p. 195.</p>
+
+<p><a id="footnote560" name="footnote560"></a><a href="#footnotetag560">[560]</a> Dom Morice, <i>Preuves de l'Histoire de Bretagne</i>, t. II,
+col. 1145, 1194.&mdash;<i>Ordonnances</i>, t. XV, p. 147.</p>
+
+<p><a id="footnote561" name="footnote561"></a><a href="#footnotetag561">[561]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I,
+p. 373.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 175.&mdash;Duc
+de La Trémoïlle, <i>Chartrier de Thouars, documents historiques et
+généalogiques</i>, p. 17; <i>Les La Trémoïlle pendant cinq siècles</i>, t. I,
+p. 175.</p>
+
+<p><a id="footnote562" name="footnote562"></a><a href="#footnotetag562">[562]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>. t. II, p.
+632.</p>
+
+<p><a id="footnote563" name="footnote563"></a><a href="#footnotetag563">[563]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. III, Comptes, p.
+316.&mdash;<i>Cabinet Historique</i>, juin 1858, p. 176.</p>
+
+<p><a id="footnote564" name="footnote564"></a><a href="#footnotetag564">[564]</a> <i>Cabinet Historique</i>, sept. et oct. 1858, p. 263.</p>
+
+<p><a id="footnote565" name="footnote565"></a><a href="#footnotetag565">[565]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I,
+p. 374.</p>
+
+<p><a id="footnote566" name="footnote566"></a><a href="#footnotetag566">[566]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p.
+634.</p>
+
+<p><a id="footnote567" name="footnote567"></a><a href="#footnotetag567">[567]</a> Loiseleur, <i>Compte des dépenses</i>, p. 57.</p>
+
+<p><a id="footnote568" name="footnote568"></a><a href="#footnotetag568">[568]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p.
+634.</p>
+
+<p><a id="footnote569" name="footnote569"></a><a href="#footnotetag569">[569]</a> Vuitry, <i>Les monnaies sous les trois premiers Valois</i>,
+Paris, 1881, in-8<sup>o</sup>, pp. 29 et suiv.&mdash;Loiseleur, <i>Compte des
+dépenses</i>, p. 47.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t.
+I, p. 243.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, pp. 620 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote570" name="footnote570"></a><a href="#footnotetag570">[570]</a> Clairambault, <i>Titres, scellés</i>, vol. 205, pp. 8769,
+8771, 8773 et <i>passim</i>.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t.
+II, p. 293.</p>
+
+<p><a id="footnote571" name="footnote571"></a><a href="#footnotetag571">[571]</a> Arch. nat. J. 183, n<sup>o</sup> 142.&mdash;Duc de La Trémoïlle, <i>Les
+La Trémoïlle pendant cinq siècles</i>, t. 1, p. 177.&mdash;De Beaucourt,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 198.</p>
+
+<p><a id="footnote572" name="footnote572"></a><a href="#footnotetag572">[572]</a> Le P. Anselme, <i>Histoire générale et chronologique de
+la maison de France</i>, t. VI, p. 399.&mdash;Vallet de Viriville, dans
+<i>Nouvelle Biographie générale</i>.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. I, p. 63.</p>
+
+<p><a id="footnote573" name="footnote573"></a><a href="#footnotetag573">[573]</a> Marquis de Gaucourt, <i>Le Sire de Gaucourt</i>, Orléans,
+1855, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote574" name="footnote574"></a><a href="#footnotetag574">[574]</a> Le P. Anselme, <i>Histoire généalogique et chronologique
+de la maison de France</i>, t. VI, p. 339.&mdash;<i>Gallia Christiana</i>, t. IX,
+col. 135.&mdash;Hermant, <i>Histoire ecclésiastique de Beauvais</i> (Bibl. nat.,
+fr. 8581), fol. 15 et suiv.&mdash;Article de Vallet de Viriville dans
+<i>Nouvelle Biographie générale</i> et <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, pp.
+160 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote575" name="footnote575"></a><a href="#footnotetag575">[575]</a> Le P. Denifle, <i>Cartularium Universitatis Parisiensis</i>,
+t. IV, p. 275.</p>
+
+<p><a id="footnote576" name="footnote576"></a><a href="#footnotetag576">[576]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 109.</p>
+
+<p><a id="footnote577" name="footnote577"></a><a href="#footnotetag577">[577]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises</i>, t. I, pp.
+594, 595.&mdash;Garnier, <i>Documents relatifs à la surprise de Paris par les
+Bourguignons en mai 1418</i>, dans <i>Bulletin de la Société de l'Histoire
+de Paris</i>, 1877, p. 51.</p>
+
+<p><a id="footnote578" name="footnote578"></a><a href="#footnotetag578">[578]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, pp. 268,
+276, 339.&mdash;P. Champion, <i>Guillaume de Flavy</i>, p. 4 et pièce
+justificative <span class="smcap">LXXJ</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote579" name="footnote579"></a><a href="#footnotetag579">[579]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises</i>, <i>loc.
+cit.</i>&mdash;Par une fiction «légitimiste» il allègue le service du roi
+Charles VI et de son fils le Dauphin «... <i>tam propter sue persone
+debilitatem, quam etiam propter assidua viagia et ambassiatas, que
+ipse serviendo Carolo Francorum regi et Carolo, ejusdem régis
+unigenito filio, dalphino Viennensi</i>...».</p>
+
+<p><a id="footnote580" name="footnote580"></a><a href="#footnotetag580">[580]</a> Vallet de Viriville, <i>Nouvelle Biographie
+générale</i>.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, pp. 64 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote581" name="footnote581"></a><a href="#footnotetag581">[581]</a> F. Duchesne, <i>Histoire des chanceliers et gardes des
+sceaux de France</i>, Paris, 1680, in-fol., p. 483.</p>
+
+<p><a id="footnote582" name="footnote582"></a><a href="#footnotetag582">[582]</a> Arch. Nat., p. 2298.</p>
+
+<p><a id="footnote583" name="footnote583"></a><a href="#footnotetag583">[583]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p.
+632.</p>
+
+<p><a id="footnote584" name="footnote584"></a><a href="#footnotetag584">[584]</a> Le P. Anselme, <i>Histoire généalogique de la maison de
+France</i>, t. I, p. 407.</p>
+
+<p><a id="footnote585" name="footnote585"></a><a href="#footnotetag585">[585]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 51.</p>
+
+<p><a id="footnote586" name="footnote586"></a><a href="#footnotetag586">[586]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises</i>,
+introduction.&mdash;Cf. La série des quittances à la Bibl. Nat., fr. 20887,
+Pièces originales 693, Clairambault, <i>titres, scellés</i>, vol. 29.</p>
+
+<p><a id="footnote587" name="footnote587"></a><a href="#footnotetag587">[587]</a> F. Duchesne, <i>Histoire des chanceliers et garde des
+sceaux de France</i>, p. 487.</p>
+
+<p><a id="footnote588" name="footnote588"></a><a href="#footnotetag588">[588]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 56.</p>
+
+<p><a id="footnote589" name="footnote589"></a><a href="#footnotetag589">[589]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 394, 462.</p>
+
+<p><a id="footnote590" name="footnote590"></a><a href="#footnotetag590">[590]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 143.</p>
+
+<p><a id="footnote591" name="footnote591"></a><a href="#footnotetag591">[591]</a> <i>La vie de saint Harenc glorieux martir et comment il
+fut pesché en la mer et porté à Dieppe</i>, dans <i>Recueil des poésies
+françaises des XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles</i>, par A. de Montaiglon, t.
+II, pp. 325-332.</p>
+
+<p><a id="footnote592" name="footnote592"></a><a href="#footnotetag592">[592]</a> Pourtant si Jeanne avait alors l'âge qu'on lui donne,
+environ dix-huit ans, elle n'était pas obligée de jeûner; seule
+l'abstinence lui était d'obligation.</p>
+
+<p><a id="footnote593" name="footnote593"></a><a href="#footnotetag593">[593]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 103.</p>
+
+<p><a id="footnote594" name="footnote594"></a><a href="#footnotetag594">[594]</a> G. de Cougny, <i>Notice archéologique et historique sur
+le château de Chinon</i>, Chinon, 1860, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote595" name="footnote595"></a><a href="#footnotetag595">[595]</a> <i>La Légende dorée</i>, trad. Gustave Brunet, 1846, pp.
+259, 264.&mdash;Douhet, <i>Dictionnaire des légendes</i>, pp. 426, 436.</p>
+
+<p><a id="footnote596" name="footnote596"></a><a href="#footnotetag596">[596]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 273.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 46-47.</p>
+
+<p><a id="footnote597" name="footnote597"></a><a href="#footnotetag597">[597]</a> Épître de Jouvenel des Ursins, dans De Beaucourt,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. V, p. 206, note 1.</p>
+
+<p><a id="footnote598" name="footnote598"></a><a href="#footnotetag598">[598]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II,
+p. <span class="smcap">X</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote599" name="footnote599"></a><a href="#footnotetag599">[599]</a> <i>Acta sanctorum</i>, t. III, Mars, p. 742.&mdash;Abbé Pétin,
+<i>Dictionnaire hagiographique</i>, 1850, t. II, p. 1516.</p>
+
+<p><a id="footnote600" name="footnote600"></a><a href="#footnotetag600">[600]</a> Froissart, <i>Chroniques</i>, liv. IV, ch. XLIII et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote601" name="footnote601"></a><a href="#footnotetag601">[601]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 83, note 2.&mdash;Vallet de Viriville,
+<i>Procès de condamnation de Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1867, in-8<sup>o</sup>, pp.
+XXXI et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote602" name="footnote602"></a><a href="#footnotetag602">[602]</a> <i>Le songe du vieil Pèlerin</i>, par Philippe de Maizières
+(Bibl. Nat., fonds français, n<sup>o</sup> 22542).</p>
+
+<p><a id="footnote603" name="footnote603"></a><a href="#footnotetag603">[603]</a> Chastellain, éd. Buchon, pp. 114 et 116.&mdash;<i>Acta
+Sanctorum Junii</i>, t. I, p. 648.&mdash;Le P. De Buck, <i>Le bienheureux Jean
+de Gand</i>, Bruxelles, 1862, in-8<sup>o</sup>, 40. p.&mdash;Le P. Chapotin, <i>La guerre
+de cent ans; Jeanne d'Arc et les Dominicains</i>, Évreux, 1888, in-8<sup>o</sup>,
+p. 89.</p>
+
+<p><a id="footnote604" name="footnote604"></a><a href="#footnotetag604">[604]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 273.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 46.</p>
+
+<p><a id="footnote605" name="footnote605"></a><a href="#footnotetag605">[605]</a> <i>Parvus Thalamus</i>, éd. de la Société archéologique de
+Montpellier, p. 464.&mdash;Th. de Bèze, <i>Histoire ecclésiastique</i>, 1580, t.
+I, p. 217.&mdash;A. Germain, <i>Catherine Sauve</i>, Montpellier, 1853, in-4<sup>o</sup>,
+16 pages.&mdash;H.-C. Lea, <i>Histoire de l'inquisition au moyen âge</i>, trad.
+S. Reinach, t. II, p. 185.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. II. p. <span class="smcap">X</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote606" name="footnote606"></a><a href="#footnotetag606">[606]</a> Jean Nider, <i>Formicarium</i> dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+502.</p>
+
+<p><a id="footnote607" name="footnote607"></a><a href="#footnotetag607">[607]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 115.</p>
+
+<p><a id="footnote608" name="footnote608"></a><a href="#footnotetag608">[608]</a> S. Luce, <i>Chronique des quatre premiers Valois</i>, Paris,
+1861, in-8<sup>o</sup>, pp. 46, 48.</p>
+
+<p><a id="footnote609" name="footnote609"></a><a href="#footnotetag609">[609]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 115.&mdash;Thomassin, <i>Registre
+Delphinal</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 304.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 273.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 47.</p>
+
+<p><a id="footnote610" name="footnote610"></a><a href="#footnotetag610">[610]</a> <i>Gallia Christiana</i>, t. III, col. 1089.</p>
+
+<p><a id="footnote611" name="footnote611"></a><a href="#footnotetag611">[611]</a> Le R. P. Marcellin Fornier, <i>Histoire générale des
+Alpes-Maritimes ou Cottiennes</i>, publ. par l'abbé Paul Guillaume,
+Paris, 1890-1892 (3 vol. in-8<sup>o</sup>), t. II, pp. 313 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote612" name="footnote612"></a><a href="#footnotetag612">[612]</a> Le Religieux de Dunfermling, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+340.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, pp. 265 et
+suiv.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 243.</p>
+
+<p><a id="footnote613" name="footnote613"></a><a href="#footnotetag613">[613]</a> Simon de Phares, <i>Recueil des plus célèbres
+astrologues</i>, ms. fr. 1357.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. I, p. 306; t. II, p. 345, note.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de
+Charles VII</i>, t. VI, p. 399.</p>
+
+<p><a id="footnote614" name="footnote614"></a><a href="#footnotetag614">[614]</a> Chastellain, t. III, p. 446.</p>
+
+<p><a id="footnote615" name="footnote615"></a><a href="#footnotetag615">[615]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I,
+p. 173.</p>
+
+<p><a id="footnote616" name="footnote616"></a><a href="#footnotetag616">[616]</a> Je corrige à cet endroit le texte de Simon de Phares
+(<i>Procès</i>, IV, p. 536) d'après une communication écrite de M. Camille
+Flammarion.</p>
+
+<p><a id="footnote617" name="footnote617"></a><a href="#footnotetag617">[617]</a> <i>Procès</i>, t. IV, p. 536.</p>
+
+<p><a id="footnote618" name="footnote618"></a><a href="#footnotetag618">[618]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 341.</p>
+
+<p><a id="footnote619" name="footnote619"></a><a href="#footnotetag619">[619]</a> Recueil de Simon de Phares, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 32,
+note.</p>
+
+<p><a id="footnote620" name="footnote620"></a><a href="#footnotetag620">[620]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 143; t. III. p. 143.</p>
+
+<p><a id="footnote621" name="footnote621"></a><a href="#footnotetag621">[621]</a> La margelle a été enlevée sous le second Empire. On
+sait d'ailleurs qu'il ne faut accorder aucune confiance aux traditions
+de ce genre.&mdash;G. de Cougny, <i>Charles VII et Jeanne d'Arc à Chinon</i>,
+Tours, 1877, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote622" name="footnote622"></a><a href="#footnotetag622">[622]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 75; t. III, p. 115.&mdash;<i>Chronique de
+la Pucelle</i>, p. 273.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 46, 47.&mdash;Th. Basin,
+<i>Histoire de Charles VII et de Louis XI</i>, t. I, p. 68.</p>
+
+<p><a id="footnote623" name="footnote623"></a><a href="#footnotetag623">[623]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 79, 141.</p>
+
+<p><a id="footnote624" name="footnote624"></a><a href="#footnotetag624">[624]</a> Le Curial, dans <i>Les &oelig;uvres de maistre Alain
+Chartier</i>, éd. Du Chesne, Paris, 1642, in-4<sup>o</sup>, p. 398.</p>
+
+<p><a id="footnote625" name="footnote625"></a><a href="#footnotetag625">[625]</a> Jeanne cite comme présent La Trémoïlle et l'archevêque
+de Reims, mais elle cite aussi le duc d'Alençon qui certainement ne
+s'y trouvait pas.</p>
+
+<p><a id="footnote626" name="footnote626"></a><a href="#footnotetag626">[626]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 115.</p>
+
+<p><a id="footnote627" name="footnote627"></a><a href="#footnotetag627">[627]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 79 et 141.</p>
+
+<p><a id="footnote628" name="footnote628"></a><a href="#footnotetag628">[628]</a> Mathieu Thomassin, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 304;
+<i>Chronique de Lorraine</i>, <i>ibid.</i>, p. 330; Philippe de Bergame,
+<i>ibid.</i>, p. 523.</p>
+
+<p><a id="footnote629" name="footnote629"></a><a href="#footnotetag629">[629]</a> <i>Relation du Greffier de la Rochelle</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, t. IV, p. 336.</p>
+
+<p><a id="footnote630" name="footnote630"></a><a href="#footnotetag630">[630]</a> Saint Paul, Épître aux Corynthiens, 11.&mdash;Labbe,
+<i>Collection des Conciles</i>, t. VII, p. 978.&mdash;Saumaise, <i>Epistola ad
+Andream Colvium super cap. XI, I ad Corynth. de cæsarie virorum et
+mulierum coma</i>, Lugd. Batavor, ex off. Elz. 1644, in-12.&mdash;<i>Quelques
+notes d'archéologie sur la chevelure féminine</i> dans <i>Comptes rendus de
+l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres</i>, 1888, XVI, pp. 419,
+425.</p>
+
+<p><a id="footnote631" name="footnote631"></a><a href="#footnotetag631">[631]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 75; III, pp. 17, 92, 115.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 67.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+273.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 46.</p>
+
+<p><a id="footnote632" name="footnote632"></a><a href="#footnotetag632">[632]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p.
+195.</p>
+
+<p><a id="footnote633" name="footnote633"></a><a href="#footnotetag633">[633]</a> Th. Basin, t. I, p. 312.&mdash;Chastellain, t. II, p.
+178.&mdash;<i>Portrait historique du roi Charles VII</i>, par Henri Baude,
+publié par Vallet de Viriville dans <i>Nouvelles Recherches sur Henri
+Baude</i>, p. 6.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, p. 83.</p>
+
+<p><a id="footnote634" name="footnote634"></a><a href="#footnotetag634">[634]</a> Comme dans la miniature de Jean Fouquet, de plus de dix
+ans postérieure. Gruyer, <i>Les Quarante Fouquet de Chantilly</i>, Paris,
+1897, in-4<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote635" name="footnote635"></a><a href="#footnotetag635">[635]</a> <i>Note sur un ancien portrait de Charles VII conservé au
+Louvre</i>, dans <i>Bulletin de la Société des Antiquaires de France</i>,
+1862, pp. 67 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote636" name="footnote636"></a><a href="#footnotetag636">[636]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 103.&mdash;<i>Relation du Greffier de La
+Rochelle</i>, p. 337.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 273.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, pp. 67, 68.</p>
+
+<p><a id="footnote637" name="footnote637"></a><a href="#footnotetag637">[637]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 103.</p>
+
+<p><a id="footnote638" name="footnote638"></a><a href="#footnotetag638">[638]</a> L'abréviateur du Procès, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp.
+258-259.&mdash;Basin, <i>Histoire de Charles VII et de Louis XI</i>, t. I, p.
+67.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 48.</p>
+
+<p><a id="footnote639" name="footnote639"></a><a href="#footnotetag639">[639]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 116.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à
+Domremy</i>, p. <span class="smcap">LXI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote640" name="footnote640"></a><a href="#footnotetag640">[640]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 209.</p>
+
+<p><a id="footnote641" name="footnote641"></a><a href="#footnotetag641">[641]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 209.</p>
+
+<p><a id="footnote642" name="footnote642"></a><a href="#footnotetag642">[642]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 66.</p>
+
+<p><a id="footnote643" name="footnote643"></a><a href="#footnotetag643">[643]</a> G. de Cougny, <i>Charles VII et Jeanne d'Arc à Chinon</i>,
+Tours, 1877, p. 40.</p>
+
+<p><a id="footnote644" name="footnote644"></a><a href="#footnotetag644">[644]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 17.</p>
+
+<p><a id="footnote645" name="footnote645"></a><a href="#footnotetag645">[645]</a> Du Cange, <i>Glossarium, ad verb</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote646" name="footnote646"></a><a href="#footnotetag646">[646]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 65, 73.&mdash;Mademoiselle A. de
+Villaret, <i>Louis de Coutes, page de Jeanne d'Arc</i>, Orléans, 1890,
+in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote647" name="footnote647"></a><a href="#footnotetag647">[647]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 17.</p>
+
+<p><a id="footnote648" name="footnote648"></a><a href="#footnotetag648">[648]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 66.</p>
+
+<p><a id="footnote649" name="footnote649"></a><a href="#footnotetag649">[649]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 274 et suiv.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, p. 68.</p>
+
+<p><a id="footnote650" name="footnote650"></a><a href="#footnotetag650">[650]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 68.</p>
+
+<p><a id="footnote651" name="footnote651"></a><a href="#footnotetag651">[651]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 133, 340.&mdash;Thomassin, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 395.&mdash;Walter Bower, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+489.&mdash;Christine de Pisan, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 12.&mdash;La Borderie,
+<i>Les véritables prophéties de Merlin, examen des poèmes bretons
+attribues à ce barde</i>, dans <i>Revue de Bretagne</i>, 1883, t. LIII.</p>
+
+<p><a id="footnote652" name="footnote652"></a><a href="#footnotetag652">[652]</a> Cuvelier, <i>Le poème de Du Guesclin</i>, v.
+3285.&mdash;Francisque-Michel et Th. Wright, <i>Vie de Merlin attribuée à
+Geoffroy de Monmouth, suivie des prophéties de ce barde, tirées de
+l'histoire des Bretons</i>, Paris, 1837, in-8<sup>o</sup>, pp. 67 et suiv.&mdash;La
+Villemarqué, <i>Myrdhin ou Merlin l'Enchanteur, son histoire, ses
+&oelig;uvres, son influence</i>, n. éd., Paris, 1862, in-12.&mdash;D'Arbois de
+Jubainville, <i>Merlin est-il un personnage réel?</i> dans <i>Revue des
+Questions Historiques</i>, 1868, pp. 559-568.&mdash;Lefèvre-Pontalis,
+<i>Morosini</i>, t. IV, annexe XVI.&mdash;«[Geoffroy de Monmouth] fit prédire
+par lui (Merlin) tous les événements de l'histoire de Bretagne jusqu'à
+l'année même où il écrivait (1135)... Le succès de l'<i>Historia regum</i>
+fut très grand dans le monde des clercs; on accepta ses fables pour
+vérité, et, s'émerveillant de l'exactitude des prophéties de Merlin
+jusqu'en 1135, on s'efforça de démêler ce qu'elles annonçaient pour
+les temps subséquents.» Gaston Paris, <i>La Littérature française au
+moyen âge</i>, 1890, pp. 86-104.</p>
+
+<p><a id="footnote653" name="footnote653"></a><a href="#footnotetag653">[653]</a> Le Baud, <i>Histoire de Bretagne</i>, Paris, 1638. in-fol.
+p. 451.</p>
+
+<p><a id="footnote654" name="footnote654"></a><a href="#footnotetag654">[654]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 340-342.</p>
+
+<p><a id="footnote655" name="footnote655"></a><a href="#footnotetag655">[655]</a> Morosini, t. IV, p. 324.</p>
+
+<p><a id="footnote656" name="footnote656"></a><a href="#footnotetag656">[656]</a> Pierre Migiet fond les deux prophéties en une seule
+qu'il dit avoir lue dans un livre, <i>Procès</i>, t. III, p. 133.</p>
+
+<p><a id="footnote657" name="footnote657"></a><a href="#footnotetag657">[657]</a> En adoptant la correction de M. Germain
+Lefèvre-Pontalis, <i>Chronique d'Antonio Morosini</i>, t. III, pp. 126,
+127; t. IV, pp. 316 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote658" name="footnote658"></a><a href="#footnotetag658">[658]</a> <i>The complete works of Venerable Bede</i>, éd. Giles,
+Londres, 1843-44, 12 vol. in-8<sup>o</sup>, ap. <i>Patres Ecclesiæ anglicanæ</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote659" name="footnote659"></a><a href="#footnotetag659">[659]</a> Christine de Pisan, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+12.&mdash;Morosini, t. III, p. 126.&mdash;Le Doyen de Saint Thibaud, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 423.&mdash;Herman Korner, dans le P. Ayroles, <i>La vraie
+Jeanne d'Arc</i>, pp. 279 et suiv.&mdash;Walter Bower, dans <i>Procès</i>, t. IV,
+p. 481.</p>
+
+<p><a id="footnote660" name="footnote660"></a><a href="#footnotetag660">[660]</a> Buchon, <i>Math. d'Escouchy, etc.</i>, p. 537.&mdash;G.
+Lefèvre-Pontalis, <i>Eberhard Windecke</i>, pp. 21 à 31.&mdash;On trouve sur un
+feuillet de garde du Cartulaire de Thérouanne un texte latin de cette
+prophétie.</p>
+
+<p><a id="footnote661" name="footnote661"></a><a href="#footnotetag661">[661]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 393-407, t. V, pp. 473.&mdash;Marcellin
+Fornier, <i>Histoire des Alpes-Maritimes ou Cottiennes</i>, t. II, pp. 313,
+314.</p>
+
+<p><a id="footnote662" name="footnote662"></a><a href="#footnotetag662">[662]</a> L'imprimé donne «grace» qui n'est pas possible. J'ai
+conjecturé garce, qui est extrêmement probable.</p>
+
+<p><a id="footnote663" name="footnote663"></a><a href="#footnotetag663">[663]</a> M. Fornier, <i>Histoire des Alpes-Maritimes ou
+Cottiennes</i>, <i>ibid.</i></p>
+
+<p><a id="footnote664" name="footnote664"></a><a href="#footnotetag664">[664]</a> Greffier de l'Hôtel de Ville d'Albi, dans <i>Procès</i>, t.
+IV, p. 300.</p>
+
+<p><a id="footnote665" name="footnote665"></a><a href="#footnotetag665">[665]</a> Thomassin, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 304.</p>
+
+<p><a id="footnote666" name="footnote666"></a><a href="#footnotetag666">[666]</a> Du Cange, <i>Glossaire</i>, au mot: <i>auriflamma</i>.&mdash;Le Roux
+de Lincy et Tisserand, <i>Paris et ses historiens</i>, pp. 150, 251, 257,
+259. [<i>Histoire générale de Paris</i>.]</p>
+
+<p><a id="footnote667" name="footnote667"></a><a href="#footnotetag667">[667]</a> Perceval de Cagny, p. 136.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+pp. 224, 249.</p>
+
+<p><a id="footnote668" name="footnote668"></a><a href="#footnotetag668">[668]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote669" name="footnote669"></a><a href="#footnotetag669">[669]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. III,
+pp. 408, 409.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. VI, pp. 43,
+44.</p>
+
+<p><a id="footnote670" name="footnote670"></a><a href="#footnotetag670">[670]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote671" name="footnote671"></a><a href="#footnotetag671">[671]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 91 et 92.&mdash;Eberhard Windecke, pp.
+152 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote672" name="footnote672"></a><a href="#footnotetag672">[672]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote673" name="footnote673"></a><a href="#footnotetag673">[673]</a> Perceval de Cagny, p. 148.</p>
+
+<p><a id="footnote674" name="footnote674"></a><a href="#footnotetag674">[674]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 96.</p>
+
+<p><a id="footnote675" name="footnote675"></a><a href="#footnotetag675">[675]</a> Perceval de Cagny, p. 151 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote676" name="footnote676"></a><a href="#footnotetag676">[676]</a> Monstrelet, t. IV, p. 240.</p>
+
+<p><a id="footnote677" name="footnote677"></a><a href="#footnotetag677">[677]</a> P. Dupuy, <i>Procès de Jean II duc d'Alençon</i> 1458-1474,
+1658, in-4<sup>o</sup>.&mdash;Michelet, <i>Histoire de France</i>, t. V, p. 382.&mdash;Docteur
+Chereau, <i>Médecins du quinzième siècle</i>, dans l'<i>Union Médicale</i>, t.
+XIV, août 1862.&mdash;Joseph Guibert, <i>Jean II duc d'Alençon</i>, dans les
+<i>Positions de l'École des Chartes</i>, année 1893.</p>
+
+<p><a id="footnote678" name="footnote678"></a><a href="#footnotetag678">[678]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 116 et 209.</p>
+
+<p><a id="footnote679" name="footnote679"></a><a href="#footnotetag679">[679]</a> Bélisaire Ledain, <i>Jeanne d'Arc à Poitiers</i>,
+Saint-Maixent, 1891, in-8<sup>o</sup> de 15 p.&mdash;Neuville, <i>Le Parlement royal à
+Poitiers</i>, dans <i>Revue Historique</i>, t. VI, p. 284.</p>
+
+<p><a id="footnote680" name="footnote680"></a><a href="#footnotetag680">[680]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 275.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 48.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 316.</p>
+
+<p><a id="footnote681" name="footnote681"></a><a href="#footnotetag681">[681]</a> Neuville, <i>Le Parlement royal à Poitiers</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, t. VI, p. 18.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>,
+t. II, pp. 571 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote682" name="footnote682"></a><a href="#footnotetag682">[682]</a> Louis Batiffol, <i>Jean Jouvenel, prévôt des marchands de
+la ville de Paris</i>, Paris, 1894, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Juvénal des Ursins,
+<i>Histoire de Charles VI</i>, pp. 359, 360.</p>
+
+<p><a id="footnote683" name="footnote683"></a><a href="#footnotetag683">[683]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 92.&mdash;<i>Gallia Christiana</i>, t. II,
+col. 1198.</p>
+
+<p><a id="footnote684" name="footnote684"></a><a href="#footnotetag684">[684]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 92.&mdash;Le P. Ayroles, <i>La Pucelle
+devant l'Église de son temps</i>, p. 6.</p>
+
+<p><a id="footnote685" name="footnote685"></a><a href="#footnotetag685">[685]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 203, 204.</p>
+
+<p><a id="footnote686" name="footnote686"></a><a href="#footnotetag686">[686]</a> Le Maire, <i>Procès</i>, t. III, pp. 19 et 203.</p>
+
+<p><a id="footnote687" name="footnote687"></a><a href="#footnotetag687">[687]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 74, 75.&mdash;Launoy, <i>Historia
+Collegii Navarrici</i>, lib. II, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote688" name="footnote688"></a><a href="#footnotetag688">[688]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 92, 102.</p>
+
+<p><a id="footnote689" name="footnote689"></a><a href="#footnotetag689">[689]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 74, 75.</p>
+
+<p><a id="footnote690" name="footnote690"></a><a href="#footnotetag690">[690]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 74, 92, 102.</p>
+
+<p><a id="footnote691" name="footnote691"></a><a href="#footnotetag691">[691]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, p. 203.</p>
+
+<p><a id="footnote692" name="footnote692"></a><a href="#footnotetag692">[692]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 27, 28.</p>
+
+<p><a id="footnote693" name="footnote693"></a><a href="#footnotetag693">[693]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 19, 74, 92, 203.&mdash;<i>Gallia
+Christiana</i>, t. III, col. 1128.</p>
+
+<p><a id="footnote694" name="footnote694"></a><a href="#footnotetag694">[694]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 203.&mdash;<i>Gallia Christiana</i>, t. III,
+col. 1129.</p>
+
+<p><a id="footnote695" name="footnote695"></a><a href="#footnotetag695">[695]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote696" name="footnote696"></a><a href="#footnotetag696">[696]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 19, 83, 203.</p>
+
+<p><a id="footnote697" name="footnote697"></a><a href="#footnotetag697">[697]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 19, 203.&mdash;Le P. Chapotin, <i>La
+guerre de cent ans; Jeanne d'Arc et les Dominicains</i>, p. 132.</p>
+
+<p><a id="footnote698" name="footnote698"></a><a href="#footnotetag698">[698]</a> Le Chanoine Dunand, <i>La légende anglaise de Jeanne</i>,
+Paris, 1903, in-8<sup>o</sup>, p. 118.</p>
+
+<p><a id="footnote699" name="footnote699"></a><a href="#footnotetag699">[699]</a> O. Raguenet de Saint-Albin, <i>Les juges de Jeanne d'Arc
+à Poitiers, membres du Parlement ou gens d'Église?</i>, Orléans, 1894,
+in-8<sup>o</sup>, 46 p.</p>
+
+<p><a id="footnote700" name="footnote700"></a><a href="#footnotetag700">[700]</a> Voir plus haut, pp. 176-179].
+
+<p><a id="footnote701" name="footnote701"></a><a href="#footnotetag701">[701]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 19, 74, 82, 203.&mdash;<i>Chronique de
+la Pucelle</i>, p. 275.&mdash;B. Ledain, <i>Jeanne d'Arc à Poitiers</i>,
+Saint-Maixent, 1891, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote702" name="footnote702"></a><a href="#footnotetag702">[702]</a> Voyez toutefois le <i>Mistère du siège</i>, pp. 397-406.</p>
+
+<p><a id="footnote703" name="footnote703"></a><a href="#footnotetag703">[703]</a> On peut d'autant moins soupçonner cette dame de ne
+point mériter sa bonne renommée qu'on ne sait rien d'elle et qu'on
+ignore même si c'est la première ou la seconde femme de maître Jean
+Rabateau: car il en eut deux. La première était fille de Benoît
+Pidelet.&mdash;Cf. B. Ledain, <i>La maison de Jeanne d'Arc à Poitiers</i>,
+Saint-Maixent, 1892, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Henri Daniel-Lacombe, <i>L'hôte de Jeanne
+d'Arc à Poitiers, maître Jean Rabateau</i> (<i>Revue du Bas-Poitou</i>, avril
+1891, pp. 48, 66).&mdash;A. Barbier, <i>Jeanne d'Arc et l'hôtellerie de la
+Rose</i>, Poitiers, 1892, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote704" name="footnote704"></a><a href="#footnotetag704">[704]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 82.</p>
+
+<p><a id="footnote705" name="footnote705"></a><a href="#footnotetag705">[705]</a> Voragine, <i>La légende dorée</i> (Vie de sainte
+Catherine).</p>
+
+<p><a id="footnote706" name="footnote706"></a><a href="#footnotetag706">[706]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 204.</p>
+
+<p><a id="footnote707" name="footnote707"></a><a href="#footnotetag707">[707]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 203-204.</p>
+
+<p><a id="footnote708" name="footnote708"></a><a href="#footnotetag708">[708]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 73-74.</p>
+
+<p><a id="footnote709" name="footnote709"></a><a href="#footnotetag709">[709]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote710" name="footnote710"></a><a href="#footnotetag710">[710]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 275.</p>
+
+<p><a id="footnote711" name="footnote711"></a><a href="#footnotetag711">[711]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 74.</p>
+
+<p><a id="footnote712" name="footnote712"></a><a href="#footnotetag712">[712]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 74.&mdash;Boucher de Molandon et A. de
+Beaucorps, <i>L'armée anglaise</i>, p. 111.&mdash;La Poule, comme il est ici
+nommé à la française, n'est autre que Suffort, c'est-à-dire William
+Pole, comte de Suffolk; à moins qu'on ne veuille désigner le frère de
+William, John Pole, qui n'était pas un des trois chefs du siège. Quant
+à Clasdas ou Glasdale, pour le nommer comme les Français, il servait
+sous les ordres du commandant des Tourelles. Ces erreurs peuvent être
+du fait de Jeanne; elles peuvent être aussi du témoin. On ne les
+retrouve pas dans la lettre aux Anglais.</p>
+
+<p><a id="footnote713" name="footnote713"></a><a href="#footnotetag713">[713]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 83.</p>
+
+<p><a id="footnote714" name="footnote714"></a><a href="#footnotetag714">[714]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 75.</p>
+
+<p><a id="footnote715" name="footnote715"></a><a href="#footnotetag715">[715]</a> Lettres de Gérard Machet, Bibl. nat., fonds latin n<sup>o</sup>
+8577.&mdash;Launoy, <i>Regii Navarræ Gymnasii Parisiensis historia...</i>,
+Paris, 1682 (2 vol. in-4<sup>o</sup>), t. II, pp. 533, 557.&mdash;Du Boulay, <i>Hist.
+Univ. Parisiensis</i>, t. V, p. 875.&mdash;Vallet de Viriville, dans <i>Nouvelle
+Biographie générale</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote716" name="footnote716"></a><a href="#footnotetag716">[716]</a> De Beaucourt, <i>Extrait du catalogue des actes de
+Charles VII</i>, p. 18.</p>
+
+<p><a id="footnote717" name="footnote717"></a><a href="#footnotetag717">[717]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 71, 72, 73, 171.</p>
+
+<p><a id="footnote718" name="footnote718"></a><a href="#footnotetag718">[718]</a> Labbe, <i>Sacro-Sancta Consilia</i> (1671), II, 413-34.</p>
+
+<p><a id="footnote719" name="footnote719"></a><a href="#footnotetag719">[719]</a> Surius, <i>Vitæ S.S.</i> (1618), t. I, pp. 21-24.&mdash;Gabriel
+Brosse, <i>Histoire abrégée de la vie et de la translation de sainte
+Euphrosine, vierge d'Alexandrie, patronne de l'abbaye de
+Beaulieu-lès-Compiègne</i>, Paris, 1649, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote720" name="footnote720"></a><a href="#footnotetag720">[720]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 20.</p>
+
+<p><a id="footnote721" name="footnote721"></a><a href="#footnotetag721">[721]</a> Il est à remarquer que la consultation des docteurs,
+telle que Thomassin l'a insérée dans le <i>Registre delphinal</i>, désigne
+Charles de Valois tour à tour et indifféremment par le titre de roi et
+par celui de dauphin (<i>Procès</i>, t. IV, p. 303).</p>
+
+<p><a id="footnote722" name="footnote722"></a><a href="#footnotetag722">[722]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 86.</p>
+
+<p><a id="footnote723" name="footnote723"></a><a href="#footnotetag723">[723]</a> Le Père Didon, <i>Vie de Jésus</i>, t. 1<sup>er</sup>, préface.</p>
+
+<p><a id="footnote724" name="footnote724"></a><a href="#footnotetag724">[724]</a> Juvénal des Ursins, <i>Histoire de Charles VI</i>, p. 359.</p>
+
+<p><a id="footnote725" name="footnote725"></a><a href="#footnotetag725">[725]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 204.</p>
+
+<p><a id="footnote726" name="footnote726"></a><a href="#footnotetag726">[726]</a> C'était donc la destinée des Limousins d'être raillés
+par les Français de Champagne et de France! Après Frère Seguin, ce
+sera l'étudiant limousin à qui Pantagruel dit: «Tu es Limousin pour
+tous potaige, et tu veux icy contrefaire le Parisian.» Et ce sera M.
+de Pourceaugnac. La Fontaine écrit de Limoges, à sa femme, en 1663,
+que les Limousins ne sont ni malheureux ni disgraciés du Ciel, «comme
+on se le figure dans nos provinces». Mais il ajoute que leurs
+habitudes ne lui plaisent pas. Il semble que le Frère Seguin ait été
+d'abord piqué des moqueries et des vivacités de la jeune fille. Mais
+il ne lui garda pas rancune. «Le bon naturel du Limousin, dit Abel
+Hugo, ne sait pas nourrir longtemps un sentiment haineux.» <i>La France
+pittoresque: Haute-Vienne.</i>&mdash;Cf. A. Précicou, <i>Rabelais et les
+Limousins</i>, Limoges, 1906, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote727" name="footnote727"></a><a href="#footnotetag727">[727]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 205.</p>
+
+<p><a id="footnote728" name="footnote728"></a><a href="#footnotetag728">[728]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 20.</p>
+
+<p><a id="footnote729" name="footnote729"></a><a href="#footnotetag729">[729]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 20 et 205.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 278.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 49.</p>
+
+<p><a id="footnote730" name="footnote730"></a><a href="#footnotetag730">[730]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 19-20.</p>
+
+<p><a id="footnote731" name="footnote731"></a><a href="#footnotetag731">[731]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 95; t. III, p. 209.</p>
+
+<p><a id="footnote732" name="footnote732"></a><a href="#footnotetag732">[732]</a> Mary Darmesteter, <i>Froissart</i>, Paris, 1894, in-12, p.
+96.</p>
+
+<p><a id="footnote733" name="footnote733"></a><a href="#footnotetag733">[733]</a> Jean-Philippe de Lignan, Rome, 1481 (non paginé),
+feuillets 10 et suiv.&mdash;Sur l'assimilation de Jeanne d'Arc à la Sibylle
+antique, voir le clerc de Spire.&mdash;<i>Sibylla Francica</i>, dans <i>Procès</i>,
+t. III, p. 422.&mdash;Christine de Pisan, dans <i>Procès</i>, t. V, p,
+12.&mdash;Lanéry d'Arc, <i>Mémoires et consultations en faveur de Jeanne
+d'Arc</i>, pp. 8-10.&mdash;Barbier de Montault, <i>Iconographie des Sibylles</i>,
+dans <i>Revue de l'Art Chrétien</i>, XIII-XIV (1869-1870).&mdash;Barraud,
+<i>Notice sur les attributs avec lesquels on représente les Sibylles aux
+XV<sup>e</sup> et XVI<sup>e</sup> siècles</i> dans <i>Bulletin archéologique de la
+commission hist. des Arts Mon.</i>, t. IV (1848).&mdash;Cf. Morosini, t. IV,
+annexe <span class="smcap">XIV</span>, p. 319.</p>
+
+<p><a id="footnote734" name="footnote734"></a><a href="#footnotetag734">[734]</a> Voragine, <i>La légende dorée</i> (Assomption de la
+Vierge).</p>
+
+<p><a id="footnote735" name="footnote735"></a><a href="#footnotetag735">[735]</a> Le curé de Saint-Sulpice, <i>Notre-Dame de France ou
+hist. du culte de la Sainte Vierge en France</i>, Paris, 1862, 7 vol.
+in-8<sup>o</sup>.&mdash;Abbé Mignard, <i>La Sainte Vierge</i>, Paris, 1877, in-8<sup>o</sup>, pp.
+382 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote736" name="footnote736"></a><a href="#footnotetag736">[736]</a> <i>De l'Unicorne qu'une jeune fille séduit</i>, dans le
+<i>Bestiaire</i> de R. de Fournival (Paulin Paris, <i>Manuscrits français</i>,
+t. IV, p. 25.)&mdash;Berger de Xivrey, <i>Traditions tératologiques</i>, p.
+559.&mdash;J. Doublet, <i>Histoire de l'abbaye de Saint-Denys</i>, t. I, p.
+320.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Nouvelles recherches sur Agnès Sorel</i>,
+dans <i>Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie</i>, t. VI, p.
+621.&mdash;A. Maury, <i>Croyances et légendes du moyen âge</i>, pp. 262 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote737" name="footnote737"></a><a href="#footnotetag737">[737]</a> Leber, <i>Des cérémonies du sacre</i>, Paris, 1825, in-8<sup>o</sup>,
+p. 459.</p>
+
+<p><a id="footnote738" name="footnote738"></a><a href="#footnotetag738">[738]</a> L. Tanon, <i>Histoire des tribunaux de l'inquisition en
+France</i>, Paris, 1893, in-8<sup>o</sup>, p. 293.</p>
+
+<p><a id="footnote739" name="footnote739"></a><a href="#footnotetag739">[739]</a> Du Cange, <i>Glossaire</i>, au mot: <i>Matrimonium</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote740" name="footnote740"></a><a href="#footnotetag740">[740]</a> Pierre Le Loyer, <i>Livre des spectres</i>, 1586, in-4<sup>o</sup>,
+pp. 527, 551.</p>
+
+<p><a id="footnote741" name="footnote741"></a><a href="#footnotetag741">[741]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 102.&mdash;Vallet de Viriville, article
+<i>Le Maçon</i>, dans <i>Nouvelle Biographie générale</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote742" name="footnote742"></a><a href="#footnotetag742">[742]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 210.&mdash;Eberhard Windecke, p.
+157.&mdash;Morosini, p. 99.</p>
+
+<p><a id="footnote743" name="footnote743"></a><a href="#footnotetag743">[743]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 82.</p>
+
+<p><a id="footnote744" name="footnote744"></a><a href="#footnotetag744">[744]</a> Lettre de Perceval de Boulainvilliers au duc de Milan,
+dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 115, 121.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>,
+p. 237.</p>
+
+<p><a id="footnote745" name="footnote745"></a><a href="#footnotetag745">[745]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 48.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 275.</p>
+
+<p><a id="footnote746" name="footnote746"></a><a href="#footnotetag746">[746]</a> <i>Seules</i> est douteux dans le texte.</p>
+
+<p><a id="footnote747" name="footnote747"></a><a href="#footnotetag747">[747]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 391, 392; t. IV, pp. 306, 487,
+488.</p>
+
+<p><a id="footnote748" name="footnote748"></a><a href="#footnotetag748">[748]</a> Eberhard Windecke, pp. 32, 41.</p>
+
+<p><a id="footnote749" name="footnote749"></a><a href="#footnotetag749">[749]</a> Les conclusions de la commission de Poitiers se
+répandirent partout. Les traces de cette diffusion se retrouvent: en
+Bretagne (Buchon et <i>Chronique de Morosini</i>); en Flandre (<i>Chronique
+de Tournai</i> et <i>Chronique de Morosini</i>); en Allemagne (Eb. Windecke);
+en Dauphiné (Buchon).</p>
+
+<p><a id="footnote750" name="footnote750"></a><a href="#footnotetag750">[750]</a> «<i>Altra santa Catarina</i>.» (Morosini, t. III, p.
+52.)&mdash;Sans aucun doute, c'est à sainte Catherine d'Alexandrie qu'elle
+est comparée en cet endroit, et non pas à sainte Catherine de Sienne.</p>
+
+<p><a id="footnote751" name="footnote751"></a><a href="#footnotetag751">[751]</a> Morosini, t. III, pp. 101.</p>
+
+<p><a id="footnote752" name="footnote752"></a><a href="#footnotetag752">[752]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 66 et 210.</p>
+
+<p><a id="footnote753" name="footnote753"></a><a href="#footnotetag753">[753]</a> Jean Bouchet, <i>Annales d'Aquitaine</i>, dans <i>Procès</i>, t.
+IV, pp. 536-537.</p>
+
+<p><a id="footnote754" name="footnote754"></a><a href="#footnotetag754">[754]</a> M. de la Fontenelle de Vaudoré écrivait en 1845: «Or,
+sous la Restauration, à une époque où l'on pavait cette rue (la rue
+Saint-Estienne), nous étant aperçu que cette pierre (celle dont parle
+Bouchet) appelée par le peuple le montoir de la Pucelle, et formant un
+beau fragment de granit vert, étranger au pays, venait d'être brisée
+par les paveurs, nous en recueillîmes religieusement les fragments,
+afin d'en déposer une partie au musée de la ville et de réserver
+l'autre pour nous et les autres amateurs de reliques historiques.»
+(Guilbert, <i>Histoire des villes de France</i>, t. IV, Poitiers.)</p>
+
+<p>La pierre dont parle ici M. de la Fontenelle de Vaudoré et qui a été
+transportée à la Bibliothèque publique en 1823 était placée au coin de
+la rue du Petit-Maure. Si c'est vraiment celle que Jean Bouchet vit au
+coin de la rue Saint-Étienne, il faut qu'elle ait été déplacée, ce qui
+ne s'explique pas. Il y avait des bornes semblables devant tous les
+hôtels. Cf. B. Ledain, <i>La maison de Jeanne d'Arc à Poitiers</i>,
+Saint-Maixent, 1892, in-8<sup>o</sup>.&mdash;L'hôtel de la Rose s'élevait, selon M.
+Ledain, sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la maison n<sup>o</sup> 13 de
+la rue Notre-Dame-la-Petite.</p>
+
+<p><a id="footnote755" name="footnote755"></a><a href="#footnotetag755">[755]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 66.</p>
+
+<p><a id="footnote756" name="footnote756"></a><a href="#footnotetag756">[756]</a> Vallet de Viriville, <i>Notices et extraits de chartes et
+de manuscrits appartenant au British Museum de Londres</i>, dans
+<i>Bibliothèque de l'École des Chartes</i>, t. VIII, pp. 139, 140.</p>
+
+<p><a id="footnote757" name="footnote757"></a><a href="#footnotetag757">[757]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 77.</p>
+
+<p><a id="footnote758" name="footnote758"></a><a href="#footnotetag758">[758]</a> Vallet de Viriville, <i>Analyse et fragments tirés des
+Archives municipales de Tours</i> dans <i>Cabinet Historique</i>, V, pp.
+102-121.</p>
+
+<p><a id="footnote759" name="footnote759"></a><a href="#footnotetag759">[759]</a> Quicherat, <i>Rodrigue de Villandrando</i>, Paris, 1879
+in-8<sup>o</sup>, pp. 14 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote760" name="footnote760"></a><a href="#footnotetag760">[760]</a> <i>Le Jouvencel</i>, t. I, Introduction, p. xxij., note 1.</p>
+
+<p><a id="footnote761" name="footnote761"></a><a href="#footnotetag761">[761]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 100 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote762" name="footnote762"></a><a href="#footnotetag762">[762]</a> Francisque Mandet, <i>Histoire du Velay</i>, Le Puy,
+1860-1862 (7 vol. in-12), t. I, pp. 570 et suiv.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne
+d'Arc à Domremy</i>, ch. <span class="smcap">XII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote763" name="footnote763"></a><a href="#footnotetag763">[763]</a> Jean Juvénal des Ursins, année 1407.</p>
+
+<p><a id="footnote764" name="footnote764"></a><a href="#footnotetag764">[764]</a> Nicole de Savigni, <i>Notes sur les exploits de Jeanne
+d'Arc et sur divers événements de son temps</i>, dans <i>Bulletin de la
+Société de l'Histoire de Paris</i>, I, 1874, p. 43.&mdash;Chanoine Lucot,
+<i>Jeanne d'Arc en Champagne</i>, Châlons, 1880, pp. 12 et 13.</p>
+
+<p><a id="footnote765" name="footnote765"></a><a href="#footnotetag765">[765]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 191; t. II, p. 74, note.&mdash;La Romée
+peut avoir reçu son surnom pour une toute autre raison. Nous ne
+connaissons guère la mère de Jeanne que par des documents
+généalogiques extrêmement suspects.</p>
+
+<p><a id="footnote766" name="footnote766"></a><a href="#footnotetag766">[766]</a> Francis C. Lowell regarde l'idée du pèlerinage de la
+Romée au Puy comme «a characteristic exemple of the madness» de Siméon
+Luce (<i>Joan of Arc</i>, Boston, 1896, in-8<sup>o</sup>, p. 72, note.)&mdash;Toutefois,
+après une assez longue hésitation, j'ai, comme Luce, repoussé les
+corrections proposées par Lebrun de Charmettes et Quicherat, et admis
+sans changement le texte du procès.</p>
+
+<p><a id="footnote767" name="footnote767"></a><a href="#footnotetag767">[767]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 101.&mdash;Sur la signification du mot
+<i>Lector</i>, professeur de théologie, cf. Du Cange.</p>
+
+<p><a id="footnote768" name="footnote768"></a><a href="#footnotetag768">[768]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 101 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote769" name="footnote769"></a><a href="#footnotetag769">[769]</a> E. Giraudet, <i>Histoire de la ville de Tours</i>, Tours,
+1874, 2 vol., in-8<sup>o</sup>, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote770" name="footnote770"></a><a href="#footnotetag770">[770]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 67, 94, 210; t. IV, pp. 3, 301,
+363.</p>
+
+<p><a id="footnote771" name="footnote771"></a><a href="#footnotetag771">[771]</a> J. Quicherat, <i>Histoire du costume en France</i>, Paris,
+1875, gr. in-8<sup>o</sup>, pp. 270-271.</p>
+
+<p><a id="footnote772" name="footnote772"></a><a href="#footnotetag772">[772]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 67, 94, 210.&mdash;<i>Relation du
+greffier de La Rochelle</i>, p. 60.&mdash;«Le harnais blanc des hommes d'armes
+du <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle, si simple qu'il fût, coûtait fort cher, dix mille
+francs environ du pouvoir d'argent actuel. Mais dans cette somme
+comptait aussi le harnais complet de cheval.» (Maurice Maindron, <i>Pour
+l'histoire de l'armure</i>, dans le <i>Monde moderne</i>, 1896).</p>
+
+<p><a id="footnote773" name="footnote773"></a><a href="#footnotetag773">[773]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 76.&mdash;Lettre de Perceval de
+Boulainvilliers, <i>ibid.</i>, t. V, p. 120.&mdash;Greffier de la Chambre des
+comptes de Brabant, <i>ibid.</i>, t. IV, p. 428.&mdash;Le Fèvre de Saint-Remy,
+<i>ibid.</i>, t. IV, p. 439.</p>
+
+<p><a id="footnote774" name="footnote774"></a><a href="#footnotetag774">[774]</a> <i>Poème anonyme</i> dans <i>Procès</i>, t. V, p. 38, et note.</p>
+
+<p><a id="footnote775" name="footnote775"></a><a href="#footnotetag775">[775]</a> Capitaine Champion, <i>Jeanne d'Arc écuyère</i>, pp. 146 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote776" name="footnote776"></a><a href="#footnotetag776">[776]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 56, 75-76-77.</p>
+
+<p><a id="footnote777" name="footnote777"></a><a href="#footnotetag777">[777]</a> Abbé Bourassé, <i>Les miracles de madame Sainte Katerine
+de Fierboys en Touraine</i> (1375-1446), Tours, 1858, in-8<sup>o</sup>, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote778" name="footnote778"></a><a href="#footnotetag778">[778]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 277.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 69.</p>
+
+<p><a id="footnote779" name="footnote779"></a><a href="#footnotetag779">[779]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 77.&mdash;<i>Les miracles de madame sainte
+Katerine</i>, <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote780" name="footnote780"></a><a href="#footnotetag780">[780]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 76, 234, 236.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 277.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 49.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, pp. 69-70.&mdash;Guerneri Berni, dans <i>Procès</i>, t. IV,
+p. 519.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 267.&mdash;Morosini, t. III,
+p. 109.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, pp. 337,
+338.&mdash;<i>Chronique Messine</i>, éd. de Bouteiller, 1878, Orléans, in-8<sup>o</sup>,
+26 pages.</p>
+
+<p><a id="footnote781" name="footnote781"></a><a href="#footnotetag781">[781]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 75, 235.</p>
+
+<p><a id="footnote782" name="footnote782"></a><a href="#footnotetag782">[782]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 76.</p>
+
+<p><a id="footnote783" name="footnote783"></a><a href="#footnotetag783">[783]</a> Morosini, t. III, pp. 108, 109.&mdash;<i>Chronique de
+Lorraine</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 332.&mdash;Eberhard Windecke, p. 101.</p>
+
+<p><a id="footnote784" name="footnote784"></a><a href="#footnotetag784">[784]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 77, 179, 236; t. III, p. 103.</p>
+
+<p><a id="footnote785" name="footnote785"></a><a href="#footnotetag785">[785]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 78, 117.</p>
+
+<p><a id="footnote786" name="footnote786"></a><a href="#footnotetag786">[786]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 78, 117, 181, 300.&mdash;<i>Relation du
+greffier de La Rochelle</i>, p. 338.&mdash;Morosini, t. III, p. 110; t. IV,
+annexe <span class="smcap">XV/SC</span>, pp. 313, 315.</p>
+
+<p><a id="footnote787" name="footnote787"></a><a href="#footnotetag787">[787]</a> Perceval de Cagny, p. 150.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+70.&mdash;<i>Relation du Greffier d'Albi</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+301.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, p. 338.&mdash;<i>Chronique du
+doyen de Saint-Thibaud de Metz</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+322.&mdash;Extrait du 13<sup>e</sup> compte d'Hémon Raguier, dans <i>Procès</i>, t. V,
+p. 258.</p>
+
+<p><a id="footnote788" name="footnote788"></a><a href="#footnotetag788">[788]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II,
+p. 65; <i>Un épisode de la vie de Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Bibliothèque de
+l'École des Chartes</i>, t. IV 1<sup>re</sup> série, p. 488.</p>
+
+<p><a id="footnote789" name="footnote789"></a><a href="#footnotetag789">[789]</a> La Curne, au mot: <i>Étendard</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote790" name="footnote790"></a><a href="#footnotetag790">[790]</a> L'Hotel-Dieu d'Orléans, à côté de la Cathédrale.</p>
+
+<p><a id="footnote791" name="footnote791"></a><a href="#footnotetag791">[791]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 56, 57.</p>
+
+<p><a id="footnote792" name="footnote792"></a><a href="#footnotetag792">[792]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 64.</p>
+
+<p><a id="footnote793" name="footnote793"></a><a href="#footnotetag793">[793]</a> Boucher de Molandan, <i>L'armée anglaise vaincue par
+Jeanne d'Arc</i>, ch. <span class="smcap">II</span>.&mdash;Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, pp.
+60, 107, 110, 112.</p>
+
+<p><a id="footnote794" name="footnote794"></a><a href="#footnotetag794">[794]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 57, 58.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire
+du siège</i>, dissertation <span class="smcap">VI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote795" name="footnote795"></a><a href="#footnotetag795">[795]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 265, 267.&mdash;Morosini, t.
+IV, annexe <span class="smcap">XIII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote796" name="footnote796"></a><a href="#footnotetag796">[796]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 58.</p>
+
+<p><a id="footnote797" name="footnote797"></a><a href="#footnotetag797">[797]</a> <i>Le Jouvencel</i>, t. I, xxij; t. II, p. 44.</p>
+
+<p><a id="footnote798" name="footnote798"></a><a href="#footnotetag798">[798]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 56, 62.</p>
+
+<p><a id="footnote799" name="footnote799"></a><a href="#footnotetag799">[799]</a> Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, pp. 50, 58.</p>
+
+<p><a id="footnote800" name="footnote800"></a><a href="#footnotetag800">[800]</a> Compte de Pierre Sureau, dans Jarry, <i>Le compte de
+l'armée anglaise</i>, pièce justificative n<sup>o</sup> <span class="smcap">VI</span> et pp. 45-46.</p>
+
+<p><a id="footnote801" name="footnote801"></a><a href="#footnotetag801">[801]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, pp. 221, 222 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote802" name="footnote802"></a><a href="#footnotetag802">[802]</a> Shakespeare, <i>Henry VI</i>, première partie, scène <span class="smcap">II</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote803" name="footnote803"></a><a href="#footnotetag803">[803]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 65.</p>
+
+<p><a id="footnote804" name="footnote804"></a><a href="#footnotetag804">[804]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 69, 70.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 270.&mdash;Monstrelet, t. IV, pp. 317 et suiv.&mdash;Morosini, t.
+III, pp. 19, 20 et 21; t. IV, annexe <span class="smcap">XIV</span>, p. 311.&mdash;Jarry, <i>Le compte
+de l'armée anglaise</i>, pp. 68 et suiv.&mdash;Boucher de Molandon, <i>L'armée
+anglaise vaincue par Jeanne d'Arc</i>, p. 145.</p>
+
+<p><a id="footnote805" name="footnote805"></a><a href="#footnotetag805">[805]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 70.</p>
+
+<p><a id="footnote806" name="footnote806"></a><a href="#footnotetag806">[806]</a> Jollois, <i>Histoire du siège</i>, part. VI, chap. <span class="smcap">I</span>.&mdash;Abbé
+Dubois, <i>Histoire du siège</i>, diss. <span class="smcap">IX</span>.&mdash;Loiseleur, <i>Compte des
+dépenses de Charles VII</i>, chap. <span class="smcap">V</span>.&mdash;Lottin, <i>Recherches historiques sur
+la ville d'Orléans</i>, t. II, p. 205.&mdash;Morosini, t. III, p. 25, note 2.</p>
+
+<p><a id="footnote807" name="footnote807"></a><a href="#footnotetag807">[807]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 64.</p>
+
+<p><a id="footnote808" name="footnote808"></a><a href="#footnotetag808">[808]</a> <i>Ibid.</i>, p. 59.</p>
+
+<p><a id="footnote809" name="footnote809"></a><a href="#footnotetag809">[809]</a> Charles d'Orléans, <i>Poésies</i>, publiées par A.
+Champollion-Figeac, Paris, 1842, in-8<sup>o</sup>, p. 176.</p>
+
+<p><a id="footnote810" name="footnote810"></a><a href="#footnotetag810">[810]</a> Miniature du ms. des poésies de Charles d'Orléans, du
+British Museum, Royal 16 F ij, fol. 73 v<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote811" name="footnote811"></a><a href="#footnotetag811">[811]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 43.&mdash;Symphorien Guyon,
+<i>Histoire de la ville d'Orléans</i>, t. II, p. 43.</p>
+
+<p><a id="footnote812" name="footnote812"></a><a href="#footnotetag812">[812]</a> <i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 297.</p>
+
+<p><a id="footnote813" name="footnote813"></a><a href="#footnotetag813">[813]</a> Comptes de Commune, <i>passim</i>, dans <i>Journal du siège</i>,
+pp. 210 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote814" name="footnote814"></a><a href="#footnotetag814">[814]</a> <i>Mistère du siège</i>, vers 6964 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote815" name="footnote815"></a><a href="#footnotetag815">[815]</a> Aug. Theiner, <i>Saint Aignan ou le siège d'Orléans par
+Attila, notice historique suivie de la vie de ce saint, tirées des
+mms. de la Bibliothèque du roi</i>, Paris, 1832, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote816" name="footnote816"></a><a href="#footnotetag816">[816]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 46.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 278.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, p. 66.</p>
+
+<p><a id="footnote817" name="footnote817"></a><a href="#footnotetag817">[817]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 47 et 48.&mdash;P. Mantellier,
+<i>Histoire du siège</i>, pp. 61 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote818" name="footnote818"></a><a href="#footnotetag818">[818]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 77.</p>
+
+<p><a id="footnote819" name="footnote819"></a><a href="#footnotetag819">[819]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 93.&mdash;<i>Geste des nobles</i>, dans la
+<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 250.&mdash;Comptes de forteresses,
+(1428-1430) dans Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne
+d'Arc</i>, pp. 30 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote820" name="footnote820"></a><a href="#footnotetag820">[820]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 287.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 81.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne d'Arc</i>,
+pp. 28-29.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du siège</i>, p. 230.</p>
+
+<p><a id="footnote821" name="footnote821"></a><a href="#footnotetag821">[821]</a> <i>Le siège d'Orléans, Jeanne d'Arc et les capitouls de
+Toulouse</i>, par A. Thomas, dans <i>Annales du Midi</i>, 1889, p. 232.&mdash;Il ne
+paraît pas que Saint-Flour, sollicitée, ait contribué: elle avait
+assez à faire de se garder des routiers qui rôdaient autour d'elle.
+Cf. <i>Villandrando et les écorcheurs à Saint-Flour</i>, par M. Boudet,
+Clermond-Ferrand, 1895, in-8<sup>o</sup>, pp. 18 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote822" name="footnote822"></a><a href="#footnotetag822">[822]</a> Quittances de la ville d'Orléans en 1429, dans Boucher
+de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne d'Arc</i>, p. 36.</p>
+
+<p><a id="footnote823" name="footnote823"></a><a href="#footnotetag823">[823]</a> Florent d'Illiers, issu d'une ancienne famille du pays
+chartrain, avait épousé Jeanne, fille de Jean de Coutes et s&oelig;ur de
+ce petit page que le sire de Gaucourt avait donné à la Pucelle (A. de
+Villaret).</p>
+
+<p><a id="footnote824" name="footnote824"></a><a href="#footnotetag824">[824]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 73.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 278.</p>
+
+<p><a id="footnote825" name="footnote825"></a><a href="#footnotetag825">[825]</a> <i>Le Jouvencel</i>, t. II, p. 44.</p>
+
+<p><a id="footnote826" name="footnote826"></a><a href="#footnotetag826">[826]</a> Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, pp. 75 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote827" name="footnote827"></a><a href="#footnotetag827">[827]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 4.</p>
+
+<p><a id="footnote828" name="footnote828"></a><a href="#footnotetag828">[828]</a> <i>Journal du siège</i>, <i>passim</i>.&mdash;<i>Chronique de
+Tournai</i>, éd. de Smedt (t. III, du <i>Recueil des chroniques de
+Flandre</i>), p. 409.</p>
+
+<p><a id="footnote829" name="footnote829"></a><a href="#footnotetag829">[829]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 93.</p>
+
+<p><a id="footnote830" name="footnote830"></a><a href="#footnotetag830">[830]</a> Wavrin dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 407.&mdash;Monstrelet, t.
+IV, p. 316.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 278.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, p. 68.&mdash;<i>Mistère du siège</i>, v. 11431 et suiv.&mdash;Abbé
+Bossard, <i>Gilles de Rais, maréchal de France, dit Barbe-Bleue</i>
+(1404-1440), Paris, 1886, in-8<sup>o</sup>, pp. 31, 106.</p>
+
+<p><a id="footnote831" name="footnote831"></a><a href="#footnotetag831">[831]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 74.</p>
+
+<p><a id="footnote832" name="footnote832"></a><a href="#footnotetag832">[832]</a></p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" summary="Opinions">
+<colgroup>
+ <col width="60%">
+ <col width="30%">
+</colgroup>
+<tr>
+<td>Jeanne dit (dans son <i>Procès</i>)</td>
+<td class="right">de 10 à 12000 hommes.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Monstrelet</td>
+<td class="right">7000 hommes.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Eberhard Windecke</td>
+<td class="right">3000 hommes.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Morosini</td>
+<td class="right">12000 hommes.</td>
+</tr>
+</table>
+
+<p><a id="footnote833" name="footnote833"></a><a href="#footnotetag833">[833]</a> «Car vous ne trouverez nulz marchans qu'ils se mettent
+en ceste peine ne en ce danger, s'ilz n'ont l'argent contant.» <i>Le
+Jouvencel</i>, t. I, p. 184.</p>
+
+<p><a id="footnote834" name="footnote834"></a><a href="#footnotetag834">[834]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 74.</p>
+
+<p><a id="footnote835" name="footnote835"></a><a href="#footnotetag835">[835]</a> On a de cette lettre huit textes anciens:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Le texte introduit dans les pièces du procès de Rouen (<i>P.</i> I, p.
+240);</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Un texte probablement de la main d'un chevalier de Saint-Jean de
+Jérusalem; ce texte n'existe plus, mais on en a deux copies du
+<span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> siècle (<i>P.</i> V, p. 95);</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Le texte inséré dans le <i>Journal du siège</i> (<i>P.</i> IV, p. 139);</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Le texte qui se trouve dans la <i>Chronique de la Pucelle</i> (<i>P.</i> IV,
+p. 215);</p>
+
+<p>5<sup>o</sup> Le texte qui fut inscrit dans le <i>Registre Delphinal</i> de Thomassin
+(<i>P.</i> IV, p. 306);</p>
+
+<p>6<sup>o</sup> Le texte du Greffier de La Rochelle (<i>Revue Historique</i>, t. IV);</p>
+
+<p>7<sup>o</sup> Le texte de la Chronique de Tournai (<i>Recueil des Chroniques de
+Flandre</i>, t. III, p. 407);</p>
+
+<p>8<sup>o</sup> Le texte inséré dans le <i>Mistère du Siège</i>.</p>
+
+<p>Mentionnons aussi une traduction en allemand, contemporaine (Eberhard
+Windecke).</p>
+
+<p>Je donne ici le texte du Procès, lequel représente l'original. Les
+autres textes diffèrent trop de celui-ci et sont trop différents les
+uns des autres pour qu'il soit possible d'indiquer les variantes
+autrement qu'en donnant les huit textes en entier. Au reste, ces
+différences pour la plupart n'ont pas grande importance.</p>
+
+<p><a id="footnote836" name="footnote836"></a><a href="#footnotetag836">[836]</a> Comparez:</p>
+
+<p class="poem10">
+ Dangier, je vous gecte mon gant,<br>
+ Vous appelant de traïson,<br>
+ Devant le Dieu d'amours puissant<br>
+ <i>Qui me fera de vous raison</i>.</p>
+
+<p class="left50">(Poésies de Charles d'Orléans, publ. par A. Champollion-Figeac,
+ 1842, in-8<sup>o</sup>, p. 17.)</p>
+
+<p><a id="footnote837" name="footnote837"></a><a href="#footnotetag837">[837]</a> C'est le roi de France qui nommait «bonnes» celles de
+ses villes qu'il voulait honorer.</p>
+
+<p><a id="footnote838" name="footnote838"></a><a href="#footnotetag838">[838]</a> Comparez: «Et ardirent la ville et <i>violèrent
+l'abbaye</i>» (Froissart, cité par Littré).</p>
+
+<p>On trouve déjà dans la Chanson de Roland:</p>
+
+<p class="quote">Les castels pris, les cités violées.</p>
+
+<p><a id="footnote839" name="footnote839"></a><a href="#footnotetag839">[839]</a> La délivrance du duc d'Orléans.</p>
+
+<p><a id="footnote840" name="footnote840"></a><a href="#footnotetag840">[840]</a> <i>France</i> est régime.&mdash;<i>Jus</i>, opposé à <i>sus</i>. <i>Mettre
+jus</i>, laisser de côté.&mdash;<i>Tenu</i>, dû. Que vous laisserez la France
+tranquille et payerez ce que vous devez.&mdash;Le <i>Journal du siège</i> omet
+le mot France et rend ainsi la phrase inintelligible. Cette omission
+est le fait d'un texte sans doute fort ancien dont procèdent notamment
+<i>La Chronique de la Pucelle</i> et le Greffier de La Rochelle que cette
+phrase tronquée a visiblement embarrassé.</p>
+
+<p><a id="footnote841" name="footnote841"></a><a href="#footnotetag841">[841]</a> <i>Gentil</i> opposé à vilain. <i>Gentils et autres</i>, nobles
+et vilains.&mdash;Sans aucun doute, il faut ici prendre les termes de
+<i>compagnons</i> et de <i>gentils</i> dans leur vrai sens et ne pas croire
+qu'ils aient été mis par antiphrase, comme dans cet endroit de
+Froissart: «Il (le duc de Lancastre) entendit comme il pourroit estre
+saisy de quatre <i>gentils compaignons</i> qui estranglé avoyent son oncle,
+le duc de Clocestre, au chasteau de Calais» (Froissart, dans La
+Curne).</p>
+
+<p><a id="footnote842" name="footnote842"></a><a href="#footnotetag842">[842]</a> <i>Attendez les nouvelles de la Pucelle...</i>, et plus bas:
+<i>Si vous ne voulés croire lez nouvelles de par Dieu de la Pucelle...</i>
+Ce mot de «<i>Nouvelles</i>» s'entendait alors comme aujourd'hui, mais il
+avait aussi le sens de «prodiges», ainsi qu'on voit dans cette phrase:
+«En celle année apparurent maintes <i>nouvelles</i> à Rosay en Brie: le vin
+fut mué en sang et le pain en chair sensiblement ou (au) sacrement de
+l'autel» (<i>Chroniques de Saint Denys</i>, dans La Curne).</p>
+
+<p><a id="footnote843" name="footnote843"></a><a href="#footnotetag843">[843]</a> <i>Tendrez</i>..., <i>tendra</i>: tiendrez, tiendra.</p>
+
+<p><a id="footnote844" name="footnote844"></a><a href="#footnotetag844">[844]</a> <i>Fils sainte Marie</i>, comme <i>Hôtel Dieu</i>, <i>les fils
+Aymon</i>, etc.</p>
+
+<p><a id="footnote845" name="footnote845"></a><a href="#footnotetag845">[845]</a> Comprenez: Et n'ayez point en votre opinion, ne croyez
+pas que vous tiendrez de Dieu le royaume de France, car c'est le roi
+Charles qui le tiendra de Dieu.</p>
+
+<p><a id="footnote846" name="footnote846"></a><a href="#footnotetag846">[846]</a> Lequel roi Charles.</p>
+
+<p><a id="footnote847" name="footnote847"></a><a href="#footnotetag847">[847]</a> <i>Ferrons</i>, frapperons.</p>
+
+<p><a id="footnote848" name="footnote848"></a><a href="#footnotetag848">[848]</a> Un grand cri de guerre. Il faut corriger <i>hahut</i> dans
+<i>Procès</i>, t. III, p. 107.&mdash;Comparez «Ceux qui avoient fait le guet
+devers l'ost ouïrent le cri à le <i>hahay</i>» (Froissart, liv. I, dans La
+Curne).</p>
+
+<p class="poem10">
+ Princes à ce mot me convint eveillier<br>
+ Pour un <i>hahay</i> que j'oy escrier<br>
+ Par nuit, en l'ost, assez près de Coulogne.</p>
+
+<p class="left50">(Eustache Deschamps, dans La Curne.)</p>
+
+<p class="poem10">
+ La dame d'Orlyens s'aparut sans delay<br>
+ Tout droit en parlement, et fist un grand <i>hahay</i>.</p>
+
+<p class="left50">(<i>Geste des ducs de Bourgogne</i>, dans Godefroy.)</p>
+
+<p><a id="footnote849" name="footnote849"></a><a href="#footnotetag849">[849]</a> Grande et indéterminée longueur de temps. Il est bien
+inutile de chercher ce qui se passa en France mille ans auparavant. Ni
+Jeanne ni les moines n'y songeaient.</p>
+
+<p><a id="footnote850" name="footnote850"></a><a href="#footnotetag850">[850]</a> Comparez: «Se mirent en grands et rudes <i>orions</i>,
+tellement qu'il sembloit la bataille estre mortelle» (<i>Histoire du
+chevalier Bayard</i>, dans La Curne).</p>
+
+<p><a id="footnote851" name="footnote851"></a><a href="#footnotetag851">[851]</a> Le futur <i>ara</i> pour <i>aura</i> est picard, mais se trouve
+ailleurs qu'en Picardie (Communication de M. E. Langlois, professeur à
+la Faculté des Lettres de Lille).</p>
+
+<p><a id="footnote852" name="footnote852"></a><a href="#footnotetag852">[852]</a> Comprenez: De la part de Dieu, et il n'y aura pas lieu
+de suppléer <i>ou de vous</i>. Pourtant la copie du Chevalier de
+Saint-Jean, le <i>Journal du siège</i>, la <i>Chronique de la Pucelle</i>
+ajoutent ces trois mots. Avec cette addition, le sens me semble moins
+bon.</p>
+
+<p><a id="footnote853" name="footnote853"></a><a href="#footnotetag853">[853]</a> <i>Franchois</i> est de Picardie et de la partie orientale
+de la Normandie.</p>
+
+<p><a id="footnote854" name="footnote854"></a><a href="#footnotetag854">[854]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 55, 84, 240.</p>
+
+<p><a id="footnote855" name="footnote855"></a><a href="#footnotetag855">[855]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 55, 56, 84.</p>
+
+<p><a id="footnote856" name="footnote856"></a><a href="#footnotetag856">[856]</a> Morosini, t. III, pp. 64, 82 et suiv.&mdash;Christine de
+Pisan, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 16.&mdash;Sur l'idée de Croisade, Cf. N.
+Jorga, <i>Philippe de Mézières</i>, 1896, in-8<sup>o</sup>; <i>Notes et extraits pour
+servir à l'histoire des Croisades au XV<sup>e</sup> siècle</i>, Paris, 1899-1902,
+3 vol. in-8<sup>o</sup> (Extrait de la <i>Revue de l'Orient Latin</i>).</p>
+
+<p><a id="footnote857" name="footnote857"></a><a href="#footnotetag857">[857]</a> <i>Pii Secundi commentarii</i>, éd. 1614, p. 440.&mdash;Wadding,
+<i>Annales Minorum</i>, t. V, pp. 130 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote858" name="footnote858"></a><a href="#footnotetag858">[858]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 233.&mdash;S. Luce,
+<i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">XV</span>, <span class="smcap">CCXXXVII</span>.&mdash;Voir les planches des
+nombreux livrets populaires sur l'Antéchrist au <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle (Brunet,
+<i>Manuel du Libraire</i>, t. I, col. 316).</p>
+
+<p><a id="footnote859" name="footnote859"></a><a href="#footnotetag859">[859]</a> Félix Rabbe, <i>Jeanne d'Arc en Angleterre</i>, Paris, 1891,
+p. 12.</p>
+
+<p><a id="footnote860" name="footnote860"></a><a href="#footnotetag860">[860]</a> Monstrelet, t. IV, p. 112.&mdash;Vallet de Viriville,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 340.</p>
+
+<p><a id="footnote861" name="footnote861"></a><a href="#footnotetag861">[861]</a> Le P. Marcellin Fornier, <i>Histoire des Alpes-Maritimes
+ou Cottiennes</i>, t. II, pp. 315 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote862" name="footnote862"></a><a href="#footnotetag862">[862]</a> Dans toutes les copies de la lettre aux Anglais qui
+nous sont parvenues, hors dans celle du Procès, à cet endroit: «Encore
+que pourrez venir, etc.» le texte est complètement défiguré.</p>
+
+<p><a id="footnote863" name="footnote863"></a><a href="#footnotetag863">[863]</a> <i>Procès</i>, t. IV, p. 7.&mdash;Mathieu Thomassin, <i>Registre
+Delphinal</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 304.</p>
+
+<p><a id="footnote864" name="footnote864"></a><a href="#footnotetag864">[864]</a> Elle contient au contraire des formes qu'on ne
+rencontrerait pas sous la plume d'un Picard, d'un Bourguignon, d'un
+Lorrain ou d'un Champenois, tel le participe <i>envoyée</i>. Les formes et
+la graphie sont bien d'un clerc français (Communication de M. E.
+Langlois).</p>
+
+<p><a id="footnote865" name="footnote865"></a><a href="#footnotetag865">[865]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 252.&mdash;E. de Bouteiller et G. de
+Braux, <i>Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc</i>, pp. <span class="smcap">XX</span>,
+9 et 10. Source très suspecte.</p>
+
+<p><a id="footnote866" name="footnote866"></a><a href="#footnotetag866">[866]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 101.</p>
+
+<p><a id="footnote867" name="footnote867"></a><a href="#footnotetag867">[867]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 65, 67, 124.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 277.&mdash;A. de Villaret, <i>Louis de Coutes, page de Jeanne
+d'Arc</i>, Orléans, 1890, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote868" name="footnote868"></a><a href="#footnotetag868">[868]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 26-27.</p>
+
+<p><a id="footnote869" name="footnote869"></a><a href="#footnotetag869">[869]</a> Extraits des comptes de Hémon Raguier, <i>Procès</i>, t. V,
+pp. 257, 258.</p>
+
+<p><a id="footnote870" name="footnote870"></a><a href="#footnotetag870">[870]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 211.</p>
+
+<p><a id="footnote871" name="footnote871"></a><a href="#footnotetag871">[871]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 15.</p>
+
+<p><a id="footnote872" name="footnote872"></a><a href="#footnotetag872">[872]</a> Duc de la Trémoïlle, <i>Les La Trémouille pendant cinq
+siècles, Guy VI et Georges</i> (1343-1446), Nantes, 1890, pp. 196, 201.</p>
+
+<p><a id="footnote873" name="footnote873"></a><a href="#footnotetag873">[873]</a> Juvénal des Ursins, année 1396.</p>
+
+<p><a id="footnote874" name="footnote874"></a><a href="#footnotetag874">[874]</a> <i>Ordonnances des rois de France</i>, t. XI, p. 105; t.
+XIII, p. 247.&mdash;S. de Bouillerie, <i>La répression du blasphème dans
+l'ancienne législation</i> dans <i>Revue historique et archéologique du
+Maine</i>, 1884, pp. 369 et suiv.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. I, p. 370; t. II, p. 189.&mdash;A. Longnon, <i>Paris pendant la
+domination anglaise</i>, Paris, 1878, in-8<sup>o</sup>, pp. 11 et 56.</p>
+
+<p><a id="footnote875" name="footnote875"></a><a href="#footnotetag875">[875]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 78, 104, 105.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 283.&mdash;On l'associa de très bonne heure à La Hire, comme
+au plus vaillant homme de France, et l'on imagina qu'elle le fit
+confesser et l'habitua à ne plus jurer le nom de Dieu. Ce sont là de
+petits contes édifiants (<i>Procès</i>, t. III, p. 32; t. IV, p. 327).</p>
+
+<p><a id="footnote876" name="footnote876"></a><a href="#footnotetag876">[876]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 103.&mdash;Boucher de Molandon,
+<i>Première expédition de Jeanne d'Arc</i>, p. 47.&mdash;L.-A. Bosseb&oelig;uf,
+<i>Jeanne d'Arc en Touraine</i>, Tours, 1899, pp. 34 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote877" name="footnote877"></a><a href="#footnotetag877">[877]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises, monastères,
+hôpitaux, en France, vers le milieu du XV<sup>e</sup> siècle</i>, Mâcon, 1897,
+in-8<sup>o</sup>, Introduction.</p>
+
+<p><a id="footnote878" name="footnote878"></a><a href="#footnotetag878">[878]</a> <i>Procès</i>, t. IV, p. 327.&mdash;Tringant, <i>Le Jouvencel</i>, t.
+II, p. 277, dit seulement que peu de gens d'armes allaient volontiers
+secourir Orléans, ce qui n'est pas bien exact.</p>
+
+<p><a id="footnote879" name="footnote879"></a><a href="#footnotetag879">[879]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 78, 117, 181.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 281.&mdash;Morosini, t. III, pp. 110, 111; t. IV, pp.
+313-315.&mdash;G. Martin, <i>L'étendard de Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Notes d'art
+et d'arch.</i>, 1834, pp. 65-71, 81-88, pl.</p>
+
+<p><a id="footnote880" name="footnote880"></a><a href="#footnotetag880">[880]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 93.&mdash;<i>Chronique du doyen de
+Saint-Thibaud</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 327.</p>
+
+<p><a id="footnote881" name="footnote881"></a><a href="#footnotetag881">[881]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 5, 67, 78, 105, 212; Martial
+d'Auvergne, <i>ibid.</i>, t. V, p. 53.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>, <i>ibid.</i>, p.
+290.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 281.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>,
+t. I, p. 71.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne
+d'Arc</i>, pp. 38 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote882" name="footnote882"></a><a href="#footnotetag882">[882]</a> Le 28 avril, selon Eberhard Windecke, p. 165. Le 27,
+si, comme le dit Pasquerel, l'armée coucha deux nuits aux champs.</p>
+
+<p><a id="footnote883" name="footnote883"></a><a href="#footnotetag883">[883]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 105.</p>
+
+<p><a id="footnote884" name="footnote884"></a><a href="#footnotetag884">[884]</a> Eberhard Windecke, p. 167.</p>
+
+<p><a id="footnote885" name="footnote885"></a><a href="#footnotetag885">[885]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 104.</p>
+
+<p><a id="footnote886" name="footnote886"></a><a href="#footnotetag886">[886]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 67.</p>
+
+<p><a id="footnote887" name="footnote887"></a><a href="#footnotetag887">[887]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 4 et 5.&mdash;Boucher de Molandon,
+<i>Bulletin de la Société archéologique de l'Orléanais</i>, t. IV, p. 427,
+et IX, p. 73.&mdash;Le même, <i>Première expédition de Jeanne d'Arc</i>, pp. 41
+et suiv.&mdash;<i>Mistère du siège</i>, vers. 11480 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote888" name="footnote888"></a><a href="#footnotetag888">[888]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 75.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 283.&mdash;<i>Chronique de l'établissement de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t.
+V, p. 289.</p>
+
+<p><a id="footnote889" name="footnote889"></a><a href="#footnotetag889">[889]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 281.&mdash;<i>Procès</i>, t. III,
+p. 78.</p>
+
+<p><a id="footnote890" name="footnote890"></a><a href="#footnotetag890">[890]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 5-6.</p>
+
+<p><a id="footnote891" name="footnote891"></a><a href="#footnotetag891">[891]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 5.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+284.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne d'Arc</i>, p.
+49.</p>
+
+<p><a id="footnote892" name="footnote892"></a><a href="#footnotetag892">[892]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 68.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 48.</p>
+
+<p><a id="footnote893" name="footnote893"></a><a href="#footnotetag893">[893]</a> Opinion de Martin Berruyer, dans Lanéry d'Arc,
+<i>Mémoires et consultations</i>, chap. <span class="smcap">VII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote894" name="footnote894"></a><a href="#footnotetag894">[894]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 78 et 214.</p>
+
+<p><a id="footnote895" name="footnote895"></a><a href="#footnotetag895">[895]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 78.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp.
+74-75.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 290.</p>
+
+<p><a id="footnote896" name="footnote896"></a><a href="#footnotetag896">[896]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 105.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 284.</p>
+
+<p><a id="footnote897" name="footnote897"></a><a href="#footnotetag897">[897]</a> Boucher de Molandon, <i>La délivrance d'Orléans et
+l'institution de la fête du 8 mai, Chronique anonyme du XV<sup>e</sup>
+siècle</i>, Orléans, 1883, in-8<sup>o</sup>, pp. 28, 29.</p>
+
+<p><a id="footnote898" name="footnote898"></a><a href="#footnotetag898">[898]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 6.</p>
+
+<p><a id="footnote899" name="footnote899"></a><a href="#footnotetag899">[899]</a> <i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+290.&mdash;Morosini, t. III, p. 23, note 5.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Première
+expédition de Jeanne d'Arc</i>, pp. 52-56.</p>
+
+<p><a id="footnote900" name="footnote900"></a><a href="#footnotetag900">[900]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 6.</p>
+
+<p><a id="footnote901" name="footnote901"></a><a href="#footnotetag901">[901]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 78.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+280.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 285.&mdash;Boucher de
+Molandon, <i>Première expédition de Jeanne d'Arc</i>, pp. 61-62.</p>
+
+<p><a id="footnote902" name="footnote902"></a><a href="#footnotetag902">[902]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 105.&mdash;<i>Mistère du siège</i>, v.
+11616.</p>
+
+<p><a id="footnote903" name="footnote903"></a><a href="#footnotetag903">[903]</a> Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne
+d'Arc</i>, pp. 62 et 99, note <span class="smcap">XIV</span>, et dans <i>Bulletin de la Société
+archéologique de l'Orléanais</i>, t. IV, p. 429; t. IX, p. 73.</p>
+
+<p><a id="footnote904" name="footnote904"></a><a href="#footnotetag904">[904]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 75.&mdash;Ch. du Lys, <i>Traité
+sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la
+Pucelle d'Orléans et de ses frères</i>, Paris, 1628, in-4<sup>o</sup>, p. 50.&mdash;Abbé
+Dubois, <i>Histoire du siège</i>, p. 344.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du
+siège</i>, p. 86.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne
+d'Arc</i>, p. 65, pièces justificatives, note <span class="smcap">XV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote905" name="footnote905"></a><a href="#footnotetag905">[905]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 75-76.</p>
+
+<p><a id="footnote906" name="footnote906"></a><a href="#footnotetag906">[906]</a> Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne
+d'Arc</i>, p. 68.</p>
+
+<p><a id="footnote907" name="footnote907"></a><a href="#footnotetag907">[907]</a> <i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 290.</p>
+
+<p><a id="footnote908" name="footnote908"></a><a href="#footnotetag908">[908]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 74, 75.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 69.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 284-285.</p>
+
+<p><a id="footnote909" name="footnote909"></a><a href="#footnotetag909">[909]</a> Boucher de Molandon, <i>Première expédition de Jeanne
+d'Arc</i>, pp. 51 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote910" name="footnote910"></a><a href="#footnotetag910">[910]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 75.</p>
+
+<p><a id="footnote911" name="footnote911"></a><a href="#footnotetag911">[911]</a> <i>Ibid.</i>, p. 76.</p>
+
+<p><a id="footnote912" name="footnote912"></a><a href="#footnotetag912">[912]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 76-77.</p>
+
+<p><a id="footnote913" name="footnote913"></a><a href="#footnotetag913">[913]</a> Et maintenant encore les trompettes montent des chevaux
+blancs (<i>Histoire de Jeanne d'Arc</i>, par Lebrun de Charmettes, 1817,
+in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 21).</p>
+
+<p><a id="footnote914" name="footnote914"></a><a href="#footnotetag914">[914]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 7.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+76.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 287.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>,
+t. I, p. 72.&mdash;Morosini, t. III, pp. 28-30.</p>
+
+<p><a id="footnote915" name="footnote915"></a><a href="#footnotetag915">[915]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 24.</p>
+
+<p><a id="footnote916" name="footnote916"></a><a href="#footnotetag916">[916]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 77.</p>
+
+<p><a id="footnote917" name="footnote917"></a><a href="#footnotetag917">[917]</a> <i>Chronique de l'établissement de la fête</i>, p. 28.</p>
+
+<p><a id="footnote918" name="footnote918"></a><a href="#footnotetag918">[918]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 101; t. III, pp. 34, 68, 124 et
+suiv.; p. 211.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 285.&mdash;Boucher de
+Molandon, <i>Jacques Boucher, sieur de Guilleville, trésorier général du
+district d'Orléans...</i>, dans <i>Mémoires de la Société archéologique de
+l'Orléanais</i>, t. XXII, 1889, p. 373.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Première
+expédition de Jeanne d'Arc</i>, p. 101, note <span class="smcap">XVI</span>; pièces justificatives,
+p. 108.</p>
+
+<p><a id="footnote919" name="footnote919"></a><a href="#footnotetag919">[919]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 73.&mdash;<i>Chronique de
+la Pucelle</i>, éd. Vallet de Viriville, p. 20 [Notice sur G. Cousinot le
+Chancelier]; Cf. <i>Nouvelle Biographie générale</i>.&mdash;Vallet de Viriville,
+<i>Essais critiques sur les historiens originaux du règne de Charles
+VII</i>, dans <i>Bibliothèque de l'École des Chartes</i>, 1857, 4<sup>e</sup> série,
+t. III, pp. 11-14; 105-111.</p>
+
+<p><a id="footnote920" name="footnote920"></a><a href="#footnotetag920">[920]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 101; t. III, pp. 68, 124 et suiv.;
+t. IV, pp. 153, 219, 227.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 77, 78.&mdash;Boucher de
+Molandon, <i>Première expédition de Jeanne d'Arc</i>, pp. 69, 101, note
+<span class="smcap">XVI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote921" name="footnote921"></a><a href="#footnotetag921">[921]</a> G. Lefèvre-Pontalis (<i>Chronique d'Antonio Morosini</i>, t.
+III, p. 101, note) reconnaît dans la <i>Chronique de la Pucelle</i> (XLIV,
+p. 285) un mauvais emploi d'un trait cité par Dunois dans sa
+déposition et qu'il faut laisser à la date du 7 mai où Dunois l'a
+placé (<i>Procès</i>, t. III, p. 9).</p>
+
+<p><a id="footnote922" name="footnote922"></a><a href="#footnotetag922">[922]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 34, 68.</p>
+
+<p><a id="footnote923" name="footnote923"></a><a href="#footnotetag923">[923]</a> Franklin, <i>La vie privée d'autrefois</i>, t. II et XIX,
+<i>passim</i>.&mdash;H. Havard, <i>Dictionnaire de l'ameublement</i>, au mot: <i>lit</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote924" name="footnote924"></a><a href="#footnotetag924">[924]</a> Comptes de forteresse, dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 259,
+260.</p>
+
+<p><a id="footnote925" name="footnote925"></a><a href="#footnotetag925">[925]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 43-44.</p>
+
+<p><a id="footnote926" name="footnote926"></a><a href="#footnotetag926">[926]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 7 et 211.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 287.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, pp. 74-75.</p>
+
+<p><a id="footnote927" name="footnote927"></a><a href="#footnotetag927">[927]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 78.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>,
+dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 291-292.&mdash;Lettre écrite d'Allemagne dans
+<i>Procès</i>, t. V, p. 347.</p>
+
+<p><a id="footnote928" name="footnote928"></a><a href="#footnotetag928">[928]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 27, 108.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+79.</p>
+
+<p><a id="footnote929" name="footnote929"></a><a href="#footnotetag929">[929]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 284.&mdash;<i>Procès</i>, t. III,
+p. 26.</p>
+
+<p><a id="footnote930" name="footnote930"></a><a href="#footnotetag930">[930]</a> Martial de Paris, dit d'Auvergne, <i>Vigiles de Charles
+VII</i>, éd. Coustelier, 1724, t. I, p. 98.</p>
+
+<p><a id="footnote931" name="footnote931"></a><a href="#footnotetag931">[931]</a> La Curne, au mot: <i>Periapt</i>.&mdash;Shakespeare, <i>Henry VI</i>,
+première partie, scène <span class="smcap">XXIV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote932" name="footnote932"></a><a href="#footnotetag932">[932]</a> Shakespeare, <i>Henry VI</i>, première partie, scène <span class="smcap">XI</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote933" name="footnote933"></a><a href="#footnotetag933">[933]</a> Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I,
+p. 306.&mdash;Carlier, <i>Histoire du Valois</i>, t. II, p. 442.</p>
+
+<p><a id="footnote934" name="footnote934"></a><a href="#footnotetag934">[934]</a> Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, p. 61.</p>
+
+<p><a id="footnote935" name="footnote935"></a><a href="#footnotetag935">[935]</a> Shakespeare, <i>Henry VI</i>, première partie, scène <span class="smcap">I</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote936" name="footnote936"></a><a href="#footnotetag936">[936]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 26.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+79.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 285-286.</p>
+
+<p><a id="footnote937" name="footnote937"></a><a href="#footnotetag937">[937]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 108.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois de
+Paris</i>, p. 237.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 79.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 290.</p>
+
+<p><a id="footnote938" name="footnote938"></a><a href="#footnotetag938">[938]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 7.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 79.</p>
+
+<p><a id="footnote939" name="footnote939"></a><a href="#footnotetag939">[939]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 211.</p>
+
+<p><a id="footnote940" name="footnote940"></a><a href="#footnotetag940">[940]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 80&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du
+siège</i>, pp. 92-95.</p>
+
+<p><a id="footnote941" name="footnote941"></a><a href="#footnotetag941">[941]</a> <i>Ibid.</i>, p. 80.</p>
+
+<p><a id="footnote942" name="footnote942"></a><a href="#footnotetag942">[942]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 68.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 79.</p>
+
+<p><a id="footnote943" name="footnote943"></a><a href="#footnotetag943">[943]</a> Extraits des comptes de forteresse, dans <i>Procès</i>, t.
+V, p. 259.</p>
+
+<p><a id="footnote944" name="footnote944"></a><a href="#footnotetag944">[944]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 64.</p>
+
+<p><a id="footnote945" name="footnote945"></a><a href="#footnotetag945">[945]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 9, 15, 18, 22, 60; t. V, p.
+120.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 285.&mdash;Morosini, p. 101.&mdash;<i>Relation
+du greffier de La Rochelle</i>, p. 337.</p>
+
+<p><a id="footnote946" name="footnote946"></a><a href="#footnotetag946">[946]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 80.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du
+siège</i>, p. 95.</p>
+
+<p><a id="footnote947" name="footnote947"></a><a href="#footnotetag947">[947]</a> Charles Cuissard, <i>Notes chronologiques sur Jean de
+Macon</i>, dans <i>Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais</i>, t.
+XI, 1897, pp. 529, 545.</p>
+
+<p><a id="footnote948" name="footnote948"></a><a href="#footnotetag948">[948]</a> <i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+291.&mdash;Lottin, <i>Recherches</i>, t. I, p. 30.</p>
+
+<p><a id="footnote949" name="footnote949"></a><a href="#footnotetag949">[949]</a> Note de Guill. Girault, notaire, dans <i>Procès</i>, t. IV,
+p. 282.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 135.</p>
+
+<p><a id="footnote950" name="footnote950"></a><a href="#footnotetag950">[950]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 112-113.</p>
+
+<p><a id="footnote951" name="footnote951"></a><a href="#footnotetag951">[951]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 23.</p>
+
+<p><a id="footnote952" name="footnote952"></a><a href="#footnotetag952">[952]</a> <i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 291.</p>
+
+<p><a id="footnote953" name="footnote953"></a><a href="#footnotetag953">[953]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 23.</p>
+
+<p><a id="footnote954" name="footnote954"></a><a href="#footnotetag954">[954]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 51-52.</p>
+
+<p><a id="footnote955" name="footnote955"></a><a href="#footnotetag955">[955]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 79.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+286.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du siège</i>, p. 85.</p>
+
+<p><a id="footnote956" name="footnote956"></a><a href="#footnotetag956">[956]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 81.</p>
+
+<p><a id="footnote957" name="footnote957"></a><a href="#footnotetag957">[957]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 287.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 81.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire du siège</i>, dissertation <span class="smcap">IX</span>.&mdash;Lottin,
+<i>Recherches</i>, t. I, p. 205.&mdash;Loiseleur, <i>Comptes des dépenses</i>, ch.
+<span class="smcap">VII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote958" name="footnote958"></a><a href="#footnotetag958">[958]</a> Le 4 mai, comme le 29 avril, les blés descendirent par
+la Loire. En effet, on trouve dans un mandement de paiement mention
+des «nottoniers qui amenèrent les blés qui furent amenés de Blois le
+iiij<sup>e</sup> jour de may» (Boucher de Molandon, <i>Première expédition de
+Jeanne d'Arc</i>, pp. 58-59).</p>
+
+<p><a id="footnote959" name="footnote959"></a><a href="#footnotetag959">[959]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 105, 211.</p>
+
+<p><a id="footnote960" name="footnote960"></a><a href="#footnotetag960">[960]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 212.</p>
+
+<p><a id="footnote961" name="footnote961"></a><a href="#footnotetag961">[961]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 212.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 78.</p>
+
+<p><a id="footnote962" name="footnote962"></a><a href="#footnotetag962">[962]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 288.</p>
+
+<p><a id="footnote963" name="footnote963"></a><a href="#footnotetag963">[963]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 212-213.</p>
+
+<p><a id="footnote964" name="footnote964"></a><a href="#footnotetag964">[964]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 106.</p>
+
+<p><a id="footnote965" name="footnote965"></a><a href="#footnotetag965">[965]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 68.</p>
+
+<p><a id="footnote966" name="footnote966"></a><a href="#footnotetag966">[966]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 288.</p>
+
+<p><a id="footnote967" name="footnote967"></a><a href="#footnotetag967">[967]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 69.</p>
+
+<p><a id="footnote968" name="footnote968"></a><a href="#footnotetag968">[968]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 212.</p>
+
+<p><a id="footnote969" name="footnote969"></a><a href="#footnotetag969">[969]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 212-213.</p>
+
+<p><a id="footnote970" name="footnote970"></a><a href="#footnotetag970">[970]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 213.</p>
+
+<p><a id="footnote971" name="footnote971"></a><a href="#footnotetag971">[971]</a> Gruel, <i>Chronique d'Arthur de Richemont</i>, p. 72.</p>
+
+<p><a id="footnote972" name="footnote972"></a><a href="#footnotetag972">[972]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 75.</p>
+
+<p><a id="footnote973" name="footnote973"></a><a href="#footnotetag973">[973]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 124, 126.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire
+du siège</i>, dissertation <span class="smcap">VI</span>.&mdash;Morosini, t. IV, annexe XIII.&mdash;<i>Journal
+du siège</i>, pp. 83-84.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 72.</p>
+
+<p><a id="footnote974" name="footnote974"></a><a href="#footnotetag974">[974]</a> Robert Blondel, <i>De reductione Normanniæ</i>, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 347.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 13.&mdash;<i>Chronique de la
+fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 286 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote975" name="footnote975"></a><a href="#footnotetag975">[975]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 109, 127.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 295.&mdash;Greffier de la Chambre des comptes de Brabant, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 426.&mdash;Eberhard Windecke, p. 172.</p>
+
+<p><a id="footnote976" name="footnote976"></a><a href="#footnotetag976">[976]</a> Perceval de Cagny dit: «Tentost après [l'arrivée de la
+Pucelle au bord des fosses] ceulx de la place se vouldrent rendre à
+elle: elle ne les voult recevoir à rançon et dist qu'elle les
+prendroit maulgré eulx, et fist renforcier son assault. Et incontinent
+fut la place prinse et presque touz mis à mort.» Cela est peu
+croyable. Les Anglais se seraient rendus au dernier goujat de l'ost
+des Armagnacs, plutôt que de se rendre à la Pucelle, et celle-ci
+n'aurait pas refusé vraisemblablement de les prendre à rançon.
+D'ailleurs, Perceval de Cagny n'a pas la moindre idée de ce qui se
+passa le 4 mai. Il croit, par exemple, que la Pucelle commença
+l'attaque.&mdash;<i>Perceval de Cagny</i>, pp. 144 et suiv.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 82.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 289.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>,
+dans <i>Procès</i>, t. V, p. 294.</p>
+
+<p><a id="footnote977" name="footnote977"></a><a href="#footnotetag977">[977]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 106.</p>
+
+<p><a id="footnote978" name="footnote978"></a><a href="#footnotetag978">[978]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 289.</p>
+
+<p><a id="footnote979" name="footnote979"></a><a href="#footnotetag979">[979]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 106.</p>
+
+<p><a id="footnote980" name="footnote980"></a><a href="#footnotetag980">[980]</a> À la prise de la bastille Saint-Loup:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" summary="Pertes">
+<tr>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">Nombre des Français combattants.</td>
+<td class="center">Nombre des morts français.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td colspan="3">&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Journal du Siège.</td>
+<td class="center">1500 sans compter les nobles.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Lettre de Charles VII.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">2</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Le correspondant de Morosini.</td>
+<td class="center">3500.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Eberhard Windecke.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">2</td>
+</tr>
+<tr>
+<td colspan="3">&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">Nombre des Anglais combattants.</td>
+<td class="center">Nombre des pertes anglaises.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td colspan="3">&nbsp;</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Frère Pasquerel.</td>
+<td class="center">100 hommes d'élite.</td>
+<td class="center">100 tués ou pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Jean d'Aulon.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">Tous tués ou pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>G. Girault.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">120 tués ou pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Lettre de Charles VII.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">Tous tués ou pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Journal du Siège.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">114 tués, 40 pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Relation de la fête du 8 mai.</td>
+<td class="center">De 120 à 140.</td>
+<td class="center">Tous tués ou pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Perceval de Cagny.</td>
+<td class="center">3000.</td>
+<td class="center">Tous tués ou pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Chronique de la Pucelle.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">160 tués.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Monstrelet.</td>
+<td class="center">De 300 à 400.</td>
+<td class="center">Tous tués ou pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Eberhard Windecke.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">170 morts, 1300 pris.</td>
+</tr>
+<tr>
+<td>Les Vigiles de Charles VII.</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td class="center">60 tués, 22 pris.</td>
+</tr>
+</table>
+
+<p><a id="footnote981" name="footnote981"></a><a href="#footnotetag981">[981]</a> Comptes de forteresse, dans <i>Journal du siège</i>, p.
+284.</p>
+
+<p><a id="footnote982" name="footnote982"></a><a href="#footnotetag982">[982]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 107.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+pp. 289, 290.</p>
+
+<p><a id="footnote983" name="footnote983"></a><a href="#footnotetag983">[983]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 34.</p>
+
+<p><a id="footnote984" name="footnote984"></a><a href="#footnotetag984">[984]</a> C'est par erreur que Quicherat dit (<i>Procès</i>, t. IV, p.
+57 note) que ce conseil fut tenu chez Jacques Boucher. Cf. <i>Journal du
+siège</i>, p. 83.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, p. 73.&mdash;Boucher de
+Molandon, dans <i>Mémoires de la Société archéologique de l'Orléanais</i>,
+t. XXII, p. 373.</p>
+
+<p><a id="footnote985" name="footnote985"></a><a href="#footnotetag985">[985]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 74.</p>
+
+<p><a id="footnote986" name="footnote986"></a><a href="#footnotetag986">[986]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 74-75, assertions très douteuses.</p>
+
+<p><a id="footnote987" name="footnote987"></a><a href="#footnotetag987">[987]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I. pp. 74-75, très
+douteux.</p>
+
+<p><a id="footnote988" name="footnote988"></a><a href="#footnotetag988">[988]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 75.</p>
+
+<p><a id="footnote989" name="footnote989"></a><a href="#footnotetag989">[989]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 107.</p>
+
+<p><a id="footnote990" name="footnote990"></a><a href="#footnotetag990">[990]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 108.</p>
+
+<p><a id="footnote991" name="footnote991"></a><a href="#footnotetag991">[991]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 286.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 79.</p>
+
+<p><a id="footnote992" name="footnote992"></a><a href="#footnotetag992">[992]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 108.</p>
+
+<p><a id="footnote993" name="footnote993"></a><a href="#footnotetag993">[993]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 70, 117.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>,
+dans <i>Procès</i>, t. V, p. 294.&mdash;<i>Journal du siège</i>; p. 83.&mdash;<i>Chronique
+de la Pucelle</i>, p. 288.&mdash;P. Mantellier, <i>Histoire du siège</i>, p. 105.</p>
+
+<p><a id="footnote994" name="footnote994"></a><a href="#footnotetag994">[994]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 83-84.&mdash;Abbé Dubois, <i>Histoire
+du siège</i>, p. 535.&mdash;Jollois, <i>Histoire du siège</i>, p. 39.</p>
+
+<p><a id="footnote995" name="footnote995"></a><a href="#footnotetag995">[995]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 288, 289.</p>
+
+<p><a id="footnote996" name="footnote996"></a><a href="#footnotetag996">[996]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t I, p. 76.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, pp. 84-85.</p>
+
+<p><a id="footnote997" name="footnote997"></a><a href="#footnotetag997">[997]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 214.</p>
+
+<p><a id="footnote998" name="footnote998"></a><a href="#footnotetag998">[998]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 78, 215.</p>
+
+<p><a id="footnote999" name="footnote999"></a><a href="#footnotetag999">[999]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 78.&mdash;Berry, dans <i>Procès</i>, t. IV,
+p. 43.</p>
+
+<p><a id="footnote1000" name="footnote1000"></a><a href="#footnotetag1000">[1000]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 291.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 72.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 84, 85. Très
+douteux.</p>
+
+<p><a id="footnote1001" name="footnote1001"></a><a href="#footnotetag1001">[1001]</a> <i>Perceval de Cagny</i>, p. 146.</p>
+
+<p><a id="footnote1002" name="footnote1002"></a><a href="#footnotetag1002">[1002]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 79.</p>
+
+<p><a id="footnote1003" name="footnote1003"></a><a href="#footnotetag1003">[1003]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 70.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>, p.
+33.</p>
+
+<p><a id="footnote1004" name="footnote1004"></a><a href="#footnotetag1004">[1004]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 291.</p>
+
+<p><a id="footnote1005" name="footnote1005"></a><a href="#footnotetag1005">[1005]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 108.</p>
+
+<p><a id="footnote1006" name="footnote1006"></a><a href="#footnotetag1006">[1006]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 108, 109.</p>
+
+<p>Le frère Pasquerel, que je suis ici, rapporte en ces termes, les
+paroles de Jeanne: <i>Exibit crastina die sanguis a corpore meo supra
+mammam.</i> Je le soupçonne véhémentement d'avoir ajouté à la prédiction.
+Il aimait trop les miracles et les prophéties. Le 28 avril, la Pucelle
+dit que le vent tournerait, et le vent tourna. Frère Pasquerel ne se
+contente pas de ce médiocre prodige. Il raconte que Jeanne souleva la
+Loire. Nous savons par ailleurs, que la Loire était haute. Que Jeanne
+ait longtemps d'avance annoncé qu'elle serait blessée, on ne peut le
+nier. Le fait, énoncé dans une lettre de Lyon, à la date du 22 avril
+1429, fut consigné dans un registre de la Cour des comptes du Brabant.
+Mais elle n'indiqua pas le jour. <i>Dixit... quod ipsa ante Aureliam in
+conflictu telo vulnerabitur</i> (<i>Procès</i>, t. IV, p. 426).</p>
+
+<p><a id="footnote1007" name="footnote1007"></a><a href="#footnotetag1007">[1007]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 84.</p>
+
+<p><a id="footnote1008" name="footnote1008"></a><a href="#footnotetag1008">[1008]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 109.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 295.</p>
+
+<p><a id="footnote1009" name="footnote1009"></a><a href="#footnotetag1009">[1009]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 292.&mdash;<i>Procès</i>, t. III,
+p. 215.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 84-85.</p>
+
+<p><a id="footnote1010" name="footnote1010"></a><a href="#footnotetag1010">[1010]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 291.</p>
+
+<p><a id="footnote1011" name="footnote1011"></a><a href="#footnotetag1011">[1011]</a> <i>Chronique de l'établissement de la fête</i>, p. 34.&mdash;Le
+Roux de Lincy, <i>Proverbes</i>, t. II, p. 395.</p>
+
+<p><a id="footnote1012" name="footnote1012"></a><a href="#footnotetag1012">[1012]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 124.</p>
+
+<p><a id="footnote1013" name="footnote1013"></a><a href="#footnotetag1013">[1013]</a> Berry, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 43, 44.</p>
+
+<p><a id="footnote1014" name="footnote1014"></a><a href="#footnotetag1014">[1014]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 292.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 284 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1015" name="footnote1015"></a><a href="#footnotetag1015">[1015]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 87.&mdash;Lettre de Charles VII aux
+Narbonnais (10 mai 1429) dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 101 et
+suiv.&mdash;<i>Chronique de la fête</i> dans <i>Procès</i>, t. V. p. 294.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 77.&mdash;Morosini, t. III, p. 32, note 1.</p>
+
+<p><a id="footnote1016" name="footnote1016"></a><a href="#footnotetag1016">[1016]</a> Jarry, <i>Le compte de l'armée anglaise</i>, pp. 94, 95,
+136, 206.&mdash;Boucher de Molandon, <i>L'armée anglaise...</i>, pp. 94 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1017" name="footnote1017"></a><a href="#footnotetag1017">[1017]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 85.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 293.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 77.&mdash;Morosini, t. III,
+pp. 31 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1018" name="footnote1018"></a><a href="#footnotetag1018">[1018]</a> Comptes de forteresse, dans <i>Journal du siège</i>, pp.
+296, 300.&mdash;Vergniaud-Romagnési, <i>Notice historique sur le fort des
+Tourelles</i>, Paris, in-8<sup>o</sup>, 1832, p. 50.</p>
+
+<p><a id="footnote1019" name="footnote1019"></a><a href="#footnotetag1019">[1019]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 293.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, pp. 76, 77.</p>
+
+<p><a id="footnote1020" name="footnote1020"></a><a href="#footnotetag1020">[1020]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 79, t. III, p. 109;&mdash;Le Greffier de
+la Chambre des comptes de Brabant, dans <i>Procès</i>, t. V, pp.
+425-426.&mdash;Eberhard Windecke, 172.</p>
+
+<p><a id="footnote1021" name="footnote1021"></a><a href="#footnotetag1021">[1021]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 109.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 292.</p>
+
+<p><a id="footnote1022" name="footnote1022"></a><a href="#footnotetag1022">[1022]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 109-110.</p>
+
+<p><a id="footnote1023" name="footnote1023"></a><a href="#footnotetag1023">[1023]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 25.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 85,
+86.&mdash;Eberbard Windecke, p. 173.</p>
+
+<p><a id="footnote1024" name="footnote1024"></a><a href="#footnotetag1024">[1024]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 8.&mdash;Je rejette absolument les
+faits allégués par Charles du Lys, relativement à Guy de Cailly, qui
+aurait accompagné Jeanne dans les vignes et vu les anges descendre
+vers elle. Les lettres d'anoblissement de Guy de Cailly sont
+apocryphes.&mdash;Charles du Lys, <i>Traité sommaire</i>, pp. 50, 52.</p>
+
+<p><a id="footnote1025" name="footnote1025"></a><a href="#footnotetag1025">[1025]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 52, 62, 153, 480; t. II, pp. 420,
+424.</p>
+
+<p><a id="footnote1026" name="footnote1026"></a><a href="#footnotetag1026">[1026]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 216.&mdash;Le comte Couret, <i>Un
+fragment inédit des anciens registres de la Prévôté d'Orléans</i>,
+Orléans, 1897, pp. 12, 20, 21 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1027" name="footnote1027"></a><a href="#footnotetag1027">[1027]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 216.</p>
+
+<p><a id="footnote1028" name="footnote1028"></a><a href="#footnotetag1028">[1028]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 86.</p>
+
+<p><a id="footnote1029" name="footnote1029"></a><a href="#footnotetag1029">[1029]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 293.</p>
+
+<p><a id="footnote1030" name="footnote1030"></a><a href="#footnotetag1030">[1030]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 216, 217.</p>
+
+<p><a id="footnote1031" name="footnote1031"></a><a href="#footnotetag1031">[1031]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 293.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 86.</p>
+
+<p><a id="footnote1032" name="footnote1032"></a><a href="#footnotetag1032">[1032]</a> <i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 294.</p>
+
+<p><a id="footnote1033" name="footnote1033"></a><a href="#footnotetag1033">[1033]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 87.</p>
+
+<p><a id="footnote1034" name="footnote1034"></a><a href="#footnotetag1034">[1034]</a> Lettre de Charles VII aux habitants de Narbonne, 10
+mai 1429, dans <i>Procès</i>, t. III, p. 25; t. V, pp. 101, 103.</p>
+
+<p><a id="footnote1035" name="footnote1035"></a><a href="#footnotetag1035">[1035]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 110.</p>
+
+<p><a id="footnote1036" name="footnote1036"></a><a href="#footnotetag1036">[1036]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 293, 294; Morosini, t.
+III, p. 31.</p>
+
+<p><a id="footnote1037" name="footnote1037"></a><a href="#footnotetag1037">[1037]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 17.&mdash;Jollois, <i>Histoire du
+siège</i>, p. 12.</p>
+
+<p><a id="footnote1038" name="footnote1038"></a><a href="#footnotetag1038">[1038]</a> <i>Ibid.</i>, p. 87.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 294.</p>
+
+<p><a id="footnote1039" name="footnote1039"></a><a href="#footnotetag1039">[1039]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 25.&mdash;<i>Chronique de
+l'établissement de la fête</i> dans <i>Procès</i>, t. V, p. 294.&mdash;<i>Chronique
+de la Pucelle</i>, p. 294.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 87, 88.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 78.&mdash;Perceval de Cagny, p.
+145.&mdash;Eberhart Windecke, p. 173.&mdash;Monstrelet, t. IV, p.
+321.&mdash;Morosini, t. III, pp. 31 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1040" name="footnote1040"></a><a href="#footnotetag1040">[1040]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 110.</p>
+
+<p><a id="footnote1041" name="footnote1041"></a><a href="#footnotetag1041">[1041]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 87.</p>
+
+<p><a id="footnote1042" name="footnote1042"></a><a href="#footnotetag1042">[1042]</a> Le nombre des Anglais qui défendirent les Tourelles
+est porté, dans le <i>Journal du siège</i>, à 4 ou 500; dans la Lettre de
+Charles VII, à 600; dans la <i>Relation de la fête du 8 mai</i>, à 800;
+dans la <i>Chronique de la Pucelle</i>, à 500.&mdash;Le nombre des Français,
+qu'il est impossible d'évaluer exactement, était plus de dix fois
+supérieur.</p>
+
+<p>Les pertes des Anglais sont portées:</p>
+
+<p>Par Guillaume Girault, à 300 morts et pris;</p>
+
+<p>Par Berry, à 400 ou 500 morts et pris;</p>
+
+<p>Par Jean Chartier, à 400 environ tués et les autres pris;</p>
+
+<p>Par la <i>Chronique de la Pucelle</i>, à 300 tués, 200 prisonniers;</p>
+
+<p>Par le <i>Journal du siège</i>, à 400 ou 500 tués, hors un petit nombre
+prisonniers;</p>
+
+<p>Par Monstrelet, à 600 ou 800 morts ou pris, dans les mss.; à 1.000
+dans les éditions imprimées;</p>
+
+<p>Par Bower, à 600 et plus tués.</p>
+
+<p>Les pertes des Français sont portées:</p>
+
+<p>Par Perceval de Cagny, de 16 à 20 morts;</p>
+
+<p>Par Eberhard Windecke, à 5 tués et quelques blessés;</p>
+
+<p>Par Monstrelet, à 100 environ.</p>
+
+<p>À l'estimation de la Pucelle, dans les diverses affaires où elle prit
+part à Orléans, des Français «cent et même plus» furent blessés.</p>
+
+<p><a id="footnote1043" name="footnote1043"></a><a href="#footnotetag1043">[1043]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 88.</p>
+
+<p><a id="footnote1044" name="footnote1044"></a><a href="#footnotetag1044">[1044]</a> Perceval de Cagny, p. 147.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 295.</p>
+
+<p><a id="footnote1045" name="footnote1045"></a><a href="#footnotetag1045">[1045]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 88.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 295.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 78.</p>
+
+<p><a id="footnote1046" name="footnote1046"></a><a href="#footnotetag1046">[1046]</a> <i>Chronique de l'établissement de la fête</i>, dans
+<i>Procès</i>, t. V, pp. 294 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1047" name="footnote1047"></a><a href="#footnotetag1047">[1047]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 295.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 88.</p>
+
+<p><a id="footnote1048" name="footnote1048"></a><a href="#footnotetag1048">[1048]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, <i>Ibid.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1049" name="footnote1049"></a><a href="#footnotetag1049">[1049]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 89.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 296.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, pp. 78, 79.&mdash;<i>Le
+Jouvencel</i>, I, p. 208. Il faut tenir pour historique le passage qui
+commence par ces mots: «Le sire de Rocquencourt dit:».</p>
+
+<p><a id="footnote1050" name="footnote1050"></a><a href="#footnotetag1050">[1050]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 9.</p>
+
+<p><a id="footnote1051" name="footnote1051"></a><a href="#footnotetag1051">[1051]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 29.</p>
+
+<p><a id="footnote1052" name="footnote1052"></a><a href="#footnotetag1052">[1052]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 89.</p>
+
+<p><a id="footnote1053" name="footnote1053"></a><a href="#footnotetag1053">[1053]</a> <i>Le Jouvencel.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1054" name="footnote1054"></a><a href="#footnotetag1054">[1054]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 296.</p>
+
+<p><a id="footnote1055" name="footnote1055"></a><a href="#footnotetag1055">[1055]</a> <i>Ibid.</i>, p. 296.</p>
+
+<p><a id="footnote1056" name="footnote1056"></a><a href="#footnotetag1056">[1056]</a> <i>Chronique de l'établissement de la fête</i>, dans
+<i>Procès</i>, t. V, pp. 294, 295.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 296.</p>
+
+<p><a id="footnote1057" name="footnote1057"></a><a href="#footnotetag1057">[1057]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 71, 97, 110.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 89.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 297.&mdash;Morosini, t. III,
+p. 34.&mdash;Walter Bower, <i>Scotichronicon</i> dans <i>Procès</i>, t. IV, pp.
+478-479.&mdash;Eberhard Windecke, p. 177.</p>
+
+<p><a id="footnote1058" name="footnote1058"></a><a href="#footnotetag1058">[1058]</a> Lettre de Charles VII aux Narbonnais, dans <i>Procès</i>,
+t. V, p. 101.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 323.</p>
+
+<p><a id="footnote1059" name="footnote1059"></a><a href="#footnotetag1059">[1059]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 209 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1060" name="footnote1060"></a><a href="#footnotetag1060">[1060]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 216.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>
+dans <i>Procès</i>, t. V, p. 295.</p>
+
+<p><a id="footnote1061" name="footnote1061"></a><a href="#footnotetag1061">[1061]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 110.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote1062" name="footnote1062"></a><a href="#footnotetag1062">[1062]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 91.&mdash;G. Met-Gaubert, <i>Notice
+sur Florent d'Illiers</i>, Chartres, 1864, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1063" name="footnote1063"></a><a href="#footnotetag1063">[1063]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 298.</p>
+
+<p><a id="footnote1064" name="footnote1064"></a><a href="#footnotetag1064">[1064]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 91, 92.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 71.</p>
+
+<p><a id="footnote1065" name="footnote1065"></a><a href="#footnotetag1065">[1065]</a> Lettre de Charles VII aux habitants de Narbonne, dans
+<i>Procès</i>, t. V, pp. 101, 104.&mdash;Arcère, <i>Histoire de la Rochelle</i>, t.,
+p. 271.&mdash;Moynès, <i>Inventaire des archives de l'Aude</i>, annexes, p.
+390.&mdash;<i>Procession d'actions de grâces à Brignoles (Var) en l'honneur
+de la délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc</i> (1429). Communication
+faite au Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne (avril 1893), par
+F. Mireur, Draguignan, 1894, in-8<sup>o</sup>, p. 175.</p>
+
+<p><a id="footnote1066" name="footnote1066"></a><a href="#footnotetag1066">[1066]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 80.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote1067" name="footnote1067"></a><a href="#footnotetag1067">[1067]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 72, 76, 80.</p>
+
+<p><a id="footnote1068" name="footnote1068"></a><a href="#footnotetag1068">[1068]</a> Eberhard Windecke, p. 177 et <i>Chronique de Tournai</i>,
+éd. de Smedt, pp. 407 et suiv. (t. III des <i>Chroniques de Flandre</i>).</p>
+
+<p><a id="footnote1069" name="footnote1069"></a><a href="#footnotetag1069">[1069]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 394, 407; t. V, p. 413.&mdash;Le P.
+Marcellin Fornier, <i>Histoire des Alpes-Maritimes ou Cottiennes</i>, t.
+II, p. 320.&mdash;Le P. Ayroles, <i>La Pucelle devant l'Église de son temps</i>,
+pp. 39, 52.</p>
+
+<p><a id="footnote1070" name="footnote1070"></a><a href="#footnotetag1070">[1070]</a> L. Paris, <i>Notice sur le dédale ou labyrinthe de
+l'église de Reims</i>, dans <i>Ann. des Inst. provinc.</i>, 1857, t. IX, p.
+233.</p>
+
+<p><a id="footnote1071" name="footnote1071"></a><a href="#footnotetag1071">[1071]</a> Bibl. Nat., fonds latin, n<sup>o</sup> 6199, folio
+36.&mdash;<i>Procès</i>, t. III, pp. 395-410.&mdash;Lanéry d'Arc, <i>Mémoires et
+consultations</i>, pp. 365 et suiv.&mdash;Le P. Ayroles, <i>La Pucelle devant
+l'Église de son temps</i>, pp. 31-52.</p>
+
+<p><a id="footnote1072" name="footnote1072"></a><a href="#footnotetag1072">[1072]</a> I. Launoy, <i>Historia Navarrici Gymnasii</i>, lib. IV, ch.
+V.&mdash;J.-B. Lecuy, <i>Essai sur la vie de Jean Gerson, chancelier de
+l'église et de l'université de Paris, sur sa doctrine, sur ses
+écrits...</i>, Paris, 1832, 2 vol. in-8<sup>o</sup>.&mdash;Vallet de Viriville,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, p. 94.&mdash;A.-L. Masson, <i>Jean Gerson,
+sa vie, son temps, ses &oelig;uvres</i>, Lyon, 1894, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1073" name="footnote1073"></a><a href="#footnotetag1073">[1073]</a> Du Boulay, <i>Historia Universitatis Parisiensis</i>, t.
+IV, p. 270.</p>
+
+<p><a id="footnote1074" name="footnote1074"></a><a href="#footnotetag1074">[1074]</a> Gerson, <i>Opera</i>, t. IV, pp. 668-678.</p>
+
+<p><a id="footnote1075" name="footnote1075"></a><a href="#footnotetag1075">[1075]</a> Gerson, <i>Adversus corruptionem Juventutis</i>.&mdash;A.
+Lafontaine, <i>De Johanne Gersonio puerorum adulescentiumque
+institutore...</i> La Chapelle-Montligeon, 1902, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1076" name="footnote1076"></a><a href="#footnotetag1076">[1076]</a> <i>Gallia Christiana</i>, t. VII, col. 142.&mdash;Jean Juvénal
+des Ursins, année 1406.</p>
+
+<p><a id="footnote1077" name="footnote1077"></a><a href="#footnotetag1077">[1077]</a> <i>&OElig;uvres de Gerson</i>, éd. Ellies Dupin, Paris, 1706,
+in-folio, t. IV, p. 864.&mdash;<i>Procès</i>, t. III, p. 298; t. V, p. 412.&mdash;Le
+P. Ayroles, <i>La Pucelle devant l'Église de son temps</i>, p. 24.</p>
+
+<p><a id="footnote1078" name="footnote1078"></a><a href="#footnotetag1078">[1078]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 12, 72, 76, 80.&mdash;<i>Chronique de
+la Pucelle</i>, p. 298.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 93.&mdash;<i>Chronique de la
+fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 299.&mdash;Lettre écrite par les agents
+d'une ville allemande, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 349.&mdash;<i>Chronique de
+Tournai</i> (<i>Recueil des Chroniques de Flandre</i>, t. III, p.
+412).&mdash;Eberhard Windecke, p. 177.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. II, p. 215.</p>
+
+<p><a id="footnote1079" name="footnote1079"></a><a href="#footnotetag1079">[1079]</a> <i>De Beaucourt</i>, <i>Histoire de Charles VII</i>, pp. 634 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1080" name="footnote1080"></a><a href="#footnotetag1080">[1080]</a> Loiseleur, <i>Compte des dépenses</i>, pp. 147 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1081" name="footnote1081"></a><a href="#footnotetag1081">[1081]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 256 et suiv., et Relevé des
+comptes de commune et de forteresse, dans <i>Journal du siège</i>.&mdash;A. de
+Villaret, <i>loc. cit.</i>, p. 61.&mdash;Couret, <i>Un fragment inédit des anciens
+registres de la Prévôté d'Orléans</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1082" name="footnote1082"></a><a href="#footnotetag1082">[1082]</a> Morosini, t. III, p. 61.</p>
+
+<p><a id="footnote1083" name="footnote1083"></a><a href="#footnotetag1083">[1083]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 9, 10.</p>
+
+<p><a id="footnote1084" name="footnote1084"></a><a href="#footnotetag1084">[1084]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 93.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 300.</p>
+
+<p><a id="footnote1085" name="footnote1085"></a><a href="#footnotetag1085">[1085]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 99.</p>
+
+<p><a id="footnote1086" name="footnote1086"></a><a href="#footnotetag1086">[1086]</a> <i>Ibid.</i>, p. 99.</p>
+
+<p><a id="footnote1087" name="footnote1087"></a><a href="#footnotetag1087">[1087]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 12.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+93.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 299.</p>
+
+<p><a id="footnote1088" name="footnote1088"></a><a href="#footnotetag1088">[1088]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 12.</p>
+
+<p><a id="footnote1089" name="footnote1089"></a><a href="#footnotetag1089">[1089]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 9, 11, 80.</p>
+
+<p><a id="footnote1090" name="footnote1090"></a><a href="#footnotetag1090">[1090]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 84.</p>
+
+<p><a id="footnote1091" name="footnote1091"></a><a href="#footnotetag1091">[1091]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 102.</p>
+
+<p><a id="footnote1092" name="footnote1092"></a><a href="#footnotetag1092">[1092]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 191.&mdash;A. Forgeais, <i>Collection de
+plombs historiés trouvés dans la Seine</i>, Paris, 1869 (5 vol. in-8<sup>o</sup>),
+t. II, IV et <i>passim</i>.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Notes sur deux médailles
+de plomb relatives à Jeanne d'Arc</i>, Paris, 1861, in-8<sup>o</sup>, 30 p.
+[Extrait de la <i>Revue Archéologique</i>.]</p>
+
+<p><a id="footnote1093" name="footnote1093"></a><a href="#footnotetag1093">[1093]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 104. Je lis <i>in se sperantes</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1094" name="footnote1094"></a><a href="#footnotetag1094">[1094]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 104.&mdash;Lanéry d'Arc, <i>Le culte de
+Jeanne d'Arc au XV<sup>e</sup> siècle</i>, 1886, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1095" name="footnote1095"></a><a href="#footnotetag1095">[1095]</a> A. Thomas, <i>Le siège d'Orléans, Jeanne d'Arc et les
+capitouls de Toulouse</i>, dans <i>Annales du Midi</i>, 1889, pp. 235, 236.</p>
+
+<p><a id="footnote1096" name="footnote1096"></a><a href="#footnotetag1096">[1096]</a> Lettre des Laval, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+109.&mdash;Bertrand de Broussillon, <i>La maison de Laval, les
+Montfort-Laval</i>, Paris, 1900, in-8<sup>o</sup>, t. III, p. 75.&mdash;C'est par erreur
+que Quicherat (<i>Procès</i>, t. V, p. 105) donne à la veuve de Du Guesclin
+le nom de Anne, et à la mère de Guy et d'André le nom de Jeanne.</p>
+
+<p><a id="footnote1097" name="footnote1097"></a><a href="#footnotetag1097">[1097]</a> Cuvelier, <i>Poème de Duguesclin</i>, vers 2325 et seq.</p>
+
+<p><a id="footnote1098" name="footnote1098"></a><a href="#footnotetag1098">[1098]</a> Bertrand de Broussillon, <i>La maison de Laval</i>, in-8<sup>o</sup>,
+1900, t. III, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1099" name="footnote1099"></a><a href="#footnotetag1099">[1099]</a> Lettre de Gui de Laval, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+105.&mdash;Lucien Jeny et P. Lanéry d'Arc, <i>Jeanne d'Arc en Berry</i>, Paris,
+s. d., in-8<sup>o</sup>, p. 53.</p>
+
+<p><a id="footnote1100" name="footnote1100"></a><a href="#footnotetag1100">[1100]</a> Comptes de forteresse, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 262.</p>
+
+<p><a id="footnote1101" name="footnote1101"></a><a href="#footnotetag1101">[1101]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 3, 9, 15, 18, 22, 69, 219 et
+<i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1102" name="footnote1102"></a><a href="#footnotetag1102">[1102]</a> <i>Ibid.</i>, t. V, aux mots: <i>Confession</i> et <i>Communion</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1103" name="footnote1103"></a><a href="#footnotetag1103">[1103]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 14; t. II, pp. 420, 424.</p>
+
+<p><a id="footnote1104" name="footnote1104"></a><a href="#footnotetag1104">[1104]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 220, 253; t. II, pp. 294,
+438.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, p. 60.&mdash;Analyse d'une
+lettre de Regnault de Chartres, dans Rogier (<i>Procès</i>, t. V,
+168-169).&mdash;Martin le Franc, <i>Le champion des dames</i>, dans <i>Procès</i>, t.
+V, p. 48.</p>
+
+<p><a id="footnote1105" name="footnote1105"></a><a href="#footnotetag1105">[1105]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 61, 62, 481.</p>
+
+<p><a id="footnote1106" name="footnote1106"></a><a href="#footnotetag1106">[1106]</a> P. Blavignac, <i>La cloche</i>, Genève, 1877, in-8<sup>o</sup>.&mdash;L.
+Morillot, <i>Étude sur l'emploi des clochettes</i>, dans <i>Bulletin hist.
+archéolog. du diocèse de Dijon</i>, 1887. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1107" name="footnote1107"></a><a href="#footnotetag1107">[1107]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 52, 64, 153 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1108" name="footnote1108"></a><a href="#footnotetag1108">[1108]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p 130.</p>
+
+<p><a id="footnote1109" name="footnote1109"></a><a href="#footnotetag1109">[1109]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 186.</p>
+
+<p><a id="footnote1110" name="footnote1110"></a><a href="#footnotetag1110">[1110]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 72, 75.</p>
+
+<p><a id="footnote1111" name="footnote1111"></a><a href="#footnotetag1111">[1111]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 219, 220.</p>
+
+<p><a id="footnote1112" name="footnote1112"></a><a href="#footnotetag1112">[1112]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 57.</p>
+
+<p><a id="footnote1113" name="footnote1113"></a><a href="#footnotetag1113">[1113]</a> <i>Ibid.</i>, t. V, p. 342. Les lettres d'anoblissement de
+Guy de Cailly sont très suspectes.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Petit
+traité...</i>, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote1114" name="footnote1114"></a><a href="#footnotetag1114">[1114]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 112.</p>
+
+<p><a id="footnote1115" name="footnote1115"></a><a href="#footnotetag1115">[1115]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 112.&mdash;<i>Poésies de Charles
+d'Orléans</i>, éd. A. Champollion-Figeac, p. 174.</p>
+
+<p><a id="footnote1116" name="footnote1116"></a><a href="#footnotetag1116">[1116]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 108, 109.</p>
+
+<p><a id="footnote1117" name="footnote1117"></a><a href="#footnotetag1117">[1117]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 78, 117, 182.</p>
+
+<p><a id="footnote1118" name="footnote1118"></a><a href="#footnotetag1118">[1118]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 117, 300; t. V, p. 227.</p>
+
+<p><a id="footnote1119" name="footnote1119"></a><a href="#footnotetag1119">[1119]</a> Greffier de la Chambre des comptes de Brabant, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 426.&mdash;Morosini, t. III, pp. 33, 46, 62.</p>
+
+<p><a id="footnote1120" name="footnote1120"></a><a href="#footnotetag1120">[1120]</a> Lettre de Gui et André de Laval aux dames de Laval,
+dans <i>Procès</i>, t. V, p. 106.&mdash;L. Jeny et Lanéry d'Arc, <i>Jeanne d'Arc
+en Berry</i>, Paris, 1892, in-8<sup>o</sup>, p. 54.</p>
+
+<p><a id="footnote1121" name="footnote1121"></a><a href="#footnotetag1121">[1121]</a> Bertrand de Broussillon, <i>La maison de Laval</i>, t. III,
+p. 21.</p>
+
+<p><a id="footnote1122" name="footnote1122"></a><a href="#footnotetag1122">[1122]</a> Lettre de Gui et André de Laval, dans <i>Procès</i>, t. V,
+pp. 106 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1123" name="footnote1123"></a><a href="#footnotetag1123">[1123]</a> N. Villiaumé, <i>Histoire de Jeanne d'Arc</i>, p. 88.</p>
+
+<p><a id="footnote1124" name="footnote1124"></a><a href="#footnotetag1124">[1124]</a> C'est-à-dire, considéré la réputation, l'estime où on
+la tenait. Comparez Froissart, cité dans La Curne, <i>Glossaire, ad. v.</i>
+«Six bourgeois de la ville de Calais et de plus grande
+recommandation.»</p>
+
+<p><a id="footnote1125" name="footnote1125"></a><a href="#footnotetag1125">[1125]</a> Lettre de Gui et d'André de Laval, dans <i>Procès</i>, t.
+V, pp. 106, 107.</p>
+
+<p><a id="footnote1126" name="footnote1126"></a><a href="#footnotetag1126">[1126]</a> <i>Mistère du siège</i>, vers 15761.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 95.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 299.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 81.&mdash;Monstrelet, t. III, p. 338.</p>
+
+<p><a id="footnote1127" name="footnote1127"></a><a href="#footnotetag1127">[1127]</a> A. Duveau, <i>Le jugement du duc d'Alençon</i>, dans <i>Bull.
+soc. archéol. du Vendômois</i> (1874), XIII, pp. 132 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1128" name="footnote1128"></a><a href="#footnotetag1128">[1128]</a> Loiseleur, <i>Compte des dépenses faites par Charles VII
+pour secourir Orléans</i>, p. 158.</p>
+
+<p><a id="footnote1129" name="footnote1129"></a><a href="#footnotetag1129">[1129]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1130" name="footnote1130"></a><a href="#footnotetag1130">[1130]</a> Extraits des livres de comptes, dans <i>Procès</i>, t. V,
+pp. 262, 263.&mdash;A. de Villaret, <i>Campagnes de Jeanne d'Arc sur la
+Loire</i>, pp. 77-80.&mdash;Loiseleur, <i>Compte des dépenses</i>, p. 149.</p>
+
+<p><a id="footnote1131" name="footnote1131"></a><a href="#footnotetag1131">[1131]</a> Abbé Bossard, <i>Gille de Rais</i>, Paris, 1886, p.
+32.&mdash;Lea, <i>Histoire de l'Inquisition</i>, trad. Reinach, t. III, pp. 566
+et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1132" name="footnote1132"></a><a href="#footnotetag1132">[1132]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 258.</p>
+
+<p><a id="footnote1133" name="footnote1133"></a><a href="#footnotetag1133">[1133]</a> Berry, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 45.</p>
+
+<p><a id="footnote1134" name="footnote1134"></a><a href="#footnotetag1134">[1134]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 96.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 299.&mdash;<i>Chronique de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 295.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 82.&mdash;Berry, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+44.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 325.</p>
+
+<p><a id="footnote1135" name="footnote1135"></a><a href="#footnotetag1135">[1135]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 94.&mdash;Perceval de Cagny, pp. 150,
+151.</p>
+
+<p><a id="footnote1136" name="footnote1136"></a><a href="#footnotetag1136">[1136]</a> <i>Journal du siège</i>, <i>Chronique de la Pucelle</i>, Berry,
+Jean Chartier, <i>loc. cit.</i>&mdash;Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes
+croniques</i>, t. I, p. 284.&mdash;Fauquembergue, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+452.</p>
+
+<p><a id="footnote1137" name="footnote1137"></a><a href="#footnotetag1137">[1137]</a> Perceval de Cagny, p. 148 et <i>passim</i>.&mdash;<i>Chronique de
+la Pucelle</i>, p. 300.</p>
+
+<p><a id="footnote1138" name="footnote1138"></a><a href="#footnotetag1138">[1138]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 95.</p>
+
+<p><a id="footnote1139" name="footnote1139"></a><a href="#footnotetag1139">[1139]</a> La nuit du vendredi 10 au samedi 11.</p>
+
+<p><a id="footnote1140" name="footnote1140"></a><a href="#footnotetag1140">[1140]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 95.</p>
+
+<p><a id="footnote1141" name="footnote1141"></a><a href="#footnotetag1141">[1141]</a> <i>Procès</i>, <i>ibid.</i>&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1142" name="footnote1142"></a><a href="#footnotetag1142">[1142]</a> Perceval de Cagny, p. 150.</p>
+
+<p><a id="footnote1143" name="footnote1143"></a><a href="#footnotetag1143">[1143]</a> <i>Ibid.</i>, p. 150.</p>
+
+<p><a id="footnote1144" name="footnote1144"></a><a href="#footnotetag1144">[1144]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 79, 95.</p>
+
+<p><a id="footnote1145" name="footnote1145"></a><a href="#footnotetag1145">[1145]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CLXVIII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote1146" name="footnote1146"></a><a href="#footnotetag1146">[1146]</a> <i>Journal du siège</i>, <i>Chronique de la Pucelle</i>, J.
+Chartier. Monstrelet, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1147" name="footnote1147"></a><a href="#footnotetag1147">[1147]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 95.</p>
+
+<p><a id="footnote1148" name="footnote1148"></a><a href="#footnotetag1148">[1148]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 79-80, 234.</p>
+
+<p><a id="footnote1149" name="footnote1149"></a><a href="#footnotetag1149">[1149]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 97.&mdash;Perceval de Cagny, pp.
+150-151.</p>
+
+<p><a id="footnote1150" name="footnote1150"></a><a href="#footnotetag1150">[1150]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 95-96.</p>
+
+<p><a id="footnote1151" name="footnote1151"></a><a href="#footnotetag1151">[1151]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 96, 97.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 301.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1152" name="footnote1152"></a><a href="#footnotetag1152">[1152]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1153" name="footnote1153"></a><a href="#footnotetag1153">[1153]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 100.</p>
+
+<p><a id="footnote1154" name="footnote1154"></a><a href="#footnotetag1154">[1154]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 97.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+98.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 301-302.&mdash;Perceval de Cagny, pp.
+150-151.</p>
+
+<p><a id="footnote1155" name="footnote1155"></a><a href="#footnotetag1155">[1155]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 99.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 302.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 82.&mdash;Berry, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 65.</p>
+
+<p><a id="footnote1156" name="footnote1156"></a><a href="#footnotetag1156">[1156]</a> Fragment d'une lettre sur des prodiges advenus en
+Poitou, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 122.</p>
+
+<p><a id="footnote1157" name="footnote1157"></a><a href="#footnotetag1157">[1157]</a> <i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, p.
+340.&mdash;Morosini, t. III, p. 70.&mdash;<i>Procès</i>, t. V, pp. 121-122.</p>
+
+<p><a id="footnote1158" name="footnote1158"></a><a href="#footnotetag1158">[1158]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 72.&mdash;Perceval de Cagny, p.
+151.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 99.&mdash;Monstrelet, t. IV, p.
+328.&mdash;Morosini, t. III, pp. 128, 129.</p>
+
+<p><a id="footnote1159" name="footnote1159"></a><a href="#footnotetag1159">[1159]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 99.</p>
+
+<p><a id="footnote1160" name="footnote1160"></a><a href="#footnotetag1160">[1160]</a> Perceval de Cagny, p. 151.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 302.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I. pp. 82, 83.&mdash;Berry, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 65.</p>
+
+<p><a id="footnote1161" name="footnote1161"></a><a href="#footnotetag1161">[1161]</a> Comptes de la ville d'Orléans, à la suite du <i>Journal
+du siège</i>, édit. Charpentier et Cuissard, p. 229.&mdash;Le R. P. Chapotin,
+<i>La guerre de cent ans</i>, <i>Jeanne d'Arc et les Dominicains</i>, Paris,
+1889, in-8<sup>o</sup>, p. 82.</p>
+
+<p><a id="footnote1162" name="footnote1162"></a><a href="#footnotetag1162">[1162]</a> A. de Villaret, <i>Campagne des Anglais...</i>, pièces
+justificatives, p. 51.</p>
+
+<p><a id="footnote1163" name="footnote1163"></a><a href="#footnotetag1163">[1163]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 112-113.</p>
+
+<p><a id="footnote1164" name="footnote1164"></a><a href="#footnotetag1164">[1164]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 23.</p>
+
+<p><a id="footnote1165" name="footnote1165"></a><a href="#footnotetag1165">[1165]</a> <i>Ibid.</i>, t. V, p. 306.</p>
+
+<p><a id="footnote1166" name="footnote1166"></a><a href="#footnotetag1166">[1166]</a> <i>Ibid.</i>, t. V, pp. 112, 114.</p>
+
+<p><a id="footnote1167" name="footnote1167"></a><a href="#footnotetag1167">[1167]</a> Comptes de forteresse, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 259.</p>
+
+<p><a id="footnote1168" name="footnote1168"></a><a href="#footnotetag1168">[1168]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 106, 259.&mdash;<i>Catalogue des Arch. de
+Joursanvault</i>, t. I, p. 129, n<sup>os</sup> 603, 607, 619, 645,
+772.&mdash;Dambreville, <i>Abrégé de l'histoire des ordres de chevalerie</i>, p.
+167.&mdash;P. Mantelier, <i>Histoire du siège</i>, p. 92.</p>
+
+<p><a id="footnote1169" name="footnote1169"></a><a href="#footnotetag1169">[1169]</a> Vert perdu, feuille morte, dans La Curne.</p>
+
+<p><a id="footnote1170" name="footnote1170"></a><a href="#footnotetag1170">[1170]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 133, 254.</p>
+
+<p><a id="footnote1171" name="footnote1171"></a><a href="#footnotetag1171">[1171]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 55.</p>
+
+<p><a id="footnote1172" name="footnote1172"></a><a href="#footnotetag1172">[1172]</a> A. Champollion-Figeac, <i>Louis et Charles, ducs
+d'Orléans, leur influence sur les arts, la littérature et l'esprit de
+leur siècle</i>, Paris, 1844, 1 vol. in-8<sup>o</sup> et atlas, pp. 300-337.</p>
+
+<p><a id="footnote1173" name="footnote1173"></a><a href="#footnotetag1173">[1173]</a> <i>Les poésies de Chartes d'Orléans</i>, éd. A.
+Champollion-Figeac, Paris, 1842, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Pierre Champion, <i>Le
+manuscrit autographe des poésies de Charles d'Orléans</i>, Paris, 1907,
+in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1174" name="footnote1174"></a><a href="#footnotetag1174">[1174]</a> Le Roux de Lincy, <i>La bibliothèque de Charles
+d'Orléans à son château de Blois, en 1427</i>, Paris, 1843,
+in-8<sup>o</sup>.&mdash;Comte de Laborde, <i>Les ducs de Bourgogne, études sur les
+lettres, les arts et l'industrie pendant le XV<sup>e</sup> siècle</i>, Paris,
+1852, t. III, pp. 235 et suiv.&mdash;<i>Inventaires et documents relatifs aux
+joyaux et tapisseries des princes d'Orléans-Valois</i>, Paris, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1175" name="footnote1175"></a><a href="#footnotetag1175">[1175]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, Introduction, par Vallet de
+Viriville, pp. 8, 19 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1176" name="footnote1176"></a><a href="#footnotetag1176">[1176]</a> Cela est certain pour l'année 1433 (<i>Poésies complètes
+de Charles d'Orléans</i>, éd. Charles d'Héricault, Paris, 1874, 2 vol.
+in-8<sup>o</sup>, introduction).</p>
+
+<p><a id="footnote1177" name="footnote1177"></a><a href="#footnotetag1177">[1177]</a> <i>Poésies de Charles d'Orléans</i>, éd. A.
+Champollion-Figeac, pp. 175-176.</p>
+
+<p><a id="footnote1178" name="footnote1178"></a><a href="#footnotetag1178">[1178]</a> Toute paix était pour lui une bonne paix; même celle
+de 1420, celle du traité de Troyes (Pierre Champion, <i>Le manuscrit
+autographe des poésies de Charles d'Orléans</i>, Paris, 1907, in-8<sup>o</sup>, p.
+32).</p>
+
+<p><a id="footnote1179" name="footnote1179"></a><a href="#footnotetag1179">[1179]</a> Perceval de Cagny, p. 152: «Je veux demain, après
+dîner, aller voir ceux de Meung.» Le tour de langage qui est attribué
+à Jeanne, dans cette chronique, appartient en propre au clerc qui la
+rédigea.</p>
+
+<p><a id="footnote1180" name="footnote1180"></a><a href="#footnotetag1180">[1180]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 71, 97, 110.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 305.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 101.&mdash;Berry, dans <i>Procès</i>,
+t. IV, p. 44.&mdash;Walter Bower, <i>Scotichronicon</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV,
+p. 479.&mdash;Eberhard Windecke, p. 176.</p>
+
+<p><a id="footnote1181" name="footnote1181"></a><a href="#footnotetag1181">[1181]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1182" name="footnote1182"></a><a href="#footnotetag1182">[1182]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 97, 98.</p>
+
+<p><a id="footnote1183" name="footnote1183"></a><a href="#footnotetag1183">[1183]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 101.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 304.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 83.</p>
+
+<p><a id="footnote1184" name="footnote1184"></a><a href="#footnotetag1184">[1184]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 97, 98.&mdash;Gruel, <i>Chronique de
+Richemont</i>, p. 70.</p>
+
+<p><a id="footnote1185" name="footnote1185"></a><a href="#footnotetag1185">[1185]</a> E. Cosneau, <i>Le connétable de Richemont</i>, pp. 93 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1186" name="footnote1186"></a><a href="#footnotetag1186">[1186]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 315, 316.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 84.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 101, 102.&mdash;Perceval
+de Cagny, p. 153.</p>
+
+<p><a id="footnote1187" name="footnote1187"></a><a href="#footnotetag1187">[1187]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 98.&mdash;E. Cosneau, <i>Le connétable
+de Richemont</i>, p. 168.</p>
+
+<p><a id="footnote1188" name="footnote1188"></a><a href="#footnotetag1188">[1188]</a> Gruel, <i>Chronique de Richemont</i>, pp. 70 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1189" name="footnote1189"></a><a href="#footnotetag1189">[1189]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 98.</p>
+
+<p><a id="footnote1190" name="footnote1190"></a><a href="#footnotetag1190">[1190]</a> Gruel, <i>Chronique de Richemont</i>, p. 71.&mdash;E. Cosneau,
+<i>Le connétable de Richemont</i>, p. 169.</p>
+
+<p><a id="footnote1191" name="footnote1191"></a><a href="#footnotetag1191">[1191]</a> «Lors le saluèrent et le vindrent accoller par les
+jambes». J. de Bueil, <i>Le Jouvencel</i>, t. I, p. 191.</p>
+
+<p><a id="footnote1192" name="footnote1192"></a><a href="#footnotetag1192">[1192]</a> Gruel, <i>Chronique de Richemont</i>, pp. 71-72.&mdash;J'ai
+suivi Gruel, peu sûr d'ordinaire, mais très vraisemblable en cet
+endroit et qui, du moins, ne nous jette pas en pleine hagiographie.</p>
+
+<p><a id="footnote1193" name="footnote1193"></a><a href="#footnotetag1193">[1193]</a> Gruel, <i>Chronique de Richemont</i>, p. 228.</p>
+
+<p><a id="footnote1194" name="footnote1194"></a><a href="#footnotetag1194">[1194]</a> <i>Ibid.</i>, p. 72.&mdash;E. Cosneau, <i>Le connétable de
+Richemont</i>, p. 170.</p>
+
+<p><a id="footnote1195" name="footnote1195"></a><a href="#footnotetag1195">[1195]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 97.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 301.</p>
+
+<p><a id="footnote1196" name="footnote1196"></a><a href="#footnotetag1196">[1196]</a> A. de Villaret, <i>Campagne des Anglais</i>, pp. 87-88 et
+pièces justificatives, pp. 153, 158.</p>
+
+<p><a id="footnote1197" name="footnote1197"></a><a href="#footnotetag1197">[1197]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 305.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 102.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 84.&mdash;Wavrin du
+Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, pp. 279, 282.&mdash;Monstrelet, t.
+III, pp. 325 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1198" name="footnote1198"></a><a href="#footnotetag1198">[1198]</a> Gruel, <i>Chronique de Richemont</i>, p. 72.</p>
+
+<p><a id="footnote1199" name="footnote1199"></a><a href="#footnotetag1199">[1199]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p.
+279.</p>
+
+<p><a id="footnote1200" name="footnote1200"></a><a href="#footnotetag1200">[1200]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 98.</p>
+
+<p><a id="footnote1201" name="footnote1201"></a><a href="#footnotetag1201">[1201]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, éd.
+Dupont, t. I, p. 281.&mdash;Berry, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 44.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>; t. I, p. 85.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp.
+102-103.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 306.&mdash;Gruel, <i>Chronique de
+Richemont</i>, p. 72.&mdash;Fauquembergue, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+452.&mdash;Morosini, t. III, pp. 71-73.</p>
+
+<p><a id="footnote1202" name="footnote1202"></a><a href="#footnotetag1202">[1202]</a> Monstrelet, t. IV, p. 331.&mdash;Wavrin du Forestel,
+<i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p. 283 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1203" name="footnote1203"></a><a href="#footnotetag1203">[1203]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, J. Chartier, Gruel,
+Morosini, Berry, Monstrelet, Wavrin, <i>loc. cit.</i>&mdash;<i>Lettre de Jacques
+de Bourbon, comte de la Marche à Guill. de Champeaux, évêque de Laon</i>,
+d'après un manuscrit de Vienne par Bougenot, dans <i>Bull. du Com. des
+travaux hist. et scientif. Hist. et phil. 1892</i>, pp. 56-65 (traduction
+française par S. Luce, dans la <i>Revue Bleue</i>, 13 février 1892, pp.
+201-204).</p>
+
+<p><a id="footnote1204" name="footnote1204"></a><a href="#footnotetag1204">[1204]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 120.&mdash;Monstrelet, t. IV, p.
+328.&mdash;Le clerc qui rédigea la déposition de Thibault de Termes,
+ignorant cette affaire, mit ces propos à la rencontre de Patay. À
+Patay, Jeanne et La Hire n'étaient pas près l'un de l'autre.</p>
+
+<p><a id="footnote1205" name="footnote1205"></a><a href="#footnotetag1205">[1205]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p.
+286.</p>
+
+<p><a id="footnote1206" name="footnote1206"></a><a href="#footnotetag1206">[1206]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 11.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 243.&mdash;Il est clair que cet endroit de la déposition de Dunois et de
+la <i>Chronique de la Pucelle</i> ne s'applique pas à la journée du 18,
+comme on l'a cru. «Tous les corps anglais, dit Dunois, se réunirent en
+une seule armée. Nous crûmes qu'ils voulaient nous offrir la
+bataille.» Il parle évidemment de ce qui s'est passé le 17 août. La
+déposition du duc d'Alençon brouille tout. On ne comprend pas que la
+Pucelle ait dit des Anglais, le 18: «Dieu nous les envoie», quand ils
+fuyaient.</p>
+
+<p><a id="footnote1207" name="footnote1207"></a><a href="#footnotetag1207">[1207]</a> Ceux qui attribuent ce mot à la Pucelle ont mal lu
+Wavrin, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p. 287.</p>
+
+<p><a id="footnote1208" name="footnote1208"></a><a href="#footnotetag1208">[1208]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p.
+287.&mdash;Monstrelet, t. IV, pp. 326 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1209" name="footnote1209"></a><a href="#footnotetag1209">[1209]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, <i>Journal du siège</i>, Gruel,
+J. Chartier, Berry, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1210" name="footnote1210"></a><a href="#footnotetag1210">[1210]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p.
+289.&mdash;Fauché-Prunelle, <i>Lettres tirées des archives de l'évêché de
+Grenoble</i>, dans <i>Bull. acad. Delph.</i>, t. II, 1847, pp. 458 et
+suiv.&mdash;Lettre de Charles VII à la ville de Tours, dans <i>Procès</i>, t. V,
+pp. 262, 263.</p>
+
+<p><a id="footnote1211" name="footnote1211"></a><a href="#footnotetag1211">[1211]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p.
+289.</p>
+
+<p><a id="footnote1212" name="footnote1212"></a><a href="#footnotetag1212">[1212]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 10, 98, 99.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 306.&mdash;<i>Chronique Normande</i>, ch. <span class="smcap">XLVIII</span>, éd. Vallet de
+Viriville.&mdash;Monstrelet, t. III, pp. 325 et suiv.&mdash;Morosini, t. III,
+pp. 72, 73.&mdash;Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, pp.
+289-290.&mdash;On met cette parole au moment où les Anglais furent
+rejoints, sans s'apercevoir qu'alors elle n'a plus aucun sens.</p>
+
+<p><a id="footnote1213" name="footnote1213"></a><a href="#footnotetag1213">[1213]</a> Lettre de Jacques de Bourbon dans la <i>Revue Bleue</i>, 13
+février 1892, pp. 201-204.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 327.&mdash;Wavrin du
+Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, p. 289.</p>
+
+<p><a id="footnote1214" name="footnote1214"></a><a href="#footnotetag1214">[1214]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 71.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+140.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 307.&mdash;<i>Deux documents sur Jeanne
+d'Arc</i>, dans <i>Revue Bleue</i>, 13 février 1892.</p>
+
+<p><a id="footnote1215" name="footnote1215"></a><a href="#footnotetag1215">[1215]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 11, 71, 98.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, pp. 306 et suiv.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 103 et suiv.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 85.&mdash;Le comte de Vassal, <i>La bataille
+de Patay</i>, Orléans, 1890.</p>
+
+<p><a id="footnote1216" name="footnote1216"></a><a href="#footnotetag1216">[1216]</a> Monstrelet, t. IV, p. 328.</p>
+
+<p><a id="footnote1217" name="footnote1217"></a><a href="#footnotetag1217">[1217]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p.
+291.</p>
+
+<p><a id="footnote1218" name="footnote1218"></a><a href="#footnotetag1218">[1218]</a> <i>Ibid.</i>, pp. 291-292.</p>
+
+<p><a id="footnote1219" name="footnote1219"></a><a href="#footnotetag1219">[1219]</a> Monstrelet, t. IV, p. 329.</p>
+
+<p><a id="footnote1220" name="footnote1220"></a><a href="#footnotetag1220">[1220]</a> Wavrin du Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p.
+292.&mdash;Monstrelet, t. III, pp. 329, 350.</p>
+
+<p><a id="footnote1221" name="footnote1221"></a><a href="#footnotetag1221">[1221]</a> «Aux alentours de Lignerolles, on a trouvé des fers de
+chevaux, un dard de javelot, des ferrements de chariots, des boulets.»
+P. Mantellier, <i>Histoire du siège</i>, Orléans, 1867, in-12, p. 139.</p>
+
+<p><a id="footnote1222" name="footnote1222"></a><a href="#footnotetag1222">[1222]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 11.&mdash;Gruel, <i>Chronique de
+Richemont</i>, pp. 73-74.&mdash;Perceval de Cagny, pp. 154 et
+suiv.&mdash;<i>Chronique Normande</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 340.&mdash;Eberhard
+Windecke, p. 180.&mdash;Lefèvre de Saint-Remy, t. II, pp. 144,
+145.&mdash;Fauquembergue, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 452.&mdash;<i>Commentaires de
+Pie II</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 512.&mdash;Morosini, t. III, pp.
+72-75.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 306.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 86.&mdash;Monstrelet, t. IV, pp. 330-333.&mdash;Wavrin du
+Forestel, <i>Anchiennes croniques</i>, t. I, p. 293.&mdash;Lettre de J. de
+Bourbon, dans la <i>Revue Bleue</i>, 13 février 1892. Lettre de Charles VII
+à Tours et aux Dauphinois, dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 345, 346.</p>
+
+<p><a id="footnote1223" name="footnote1223"></a><a href="#footnotetag1223">[1223]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 118; t. V, p. 120.</p>
+
+<p><a id="footnote1224" name="footnote1224"></a><a href="#footnotetag1224">[1224]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 71.</p>
+
+<p><a id="footnote1225" name="footnote1225"></a><a href="#footnotetag1225">[1225]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 99.</p>
+
+<p><a id="footnote1226" name="footnote1226"></a><a href="#footnotetag1226">[1226]</a> Boucher de Molandon, <i>Janville, son donjon, son
+château, ses souvenirs du XV<sup>e</sup> siècle</i>, Orléans, 1886, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1227" name="footnote1227"></a><a href="#footnotetag1227">[1227]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 105.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, pp. 307, 308.</p>
+
+<p><a id="footnote1228" name="footnote1228"></a><a href="#footnotetag1228">[1228]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 307-308.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 105.</p>
+
+<p><a id="footnote1229" name="footnote1229"></a><a href="#footnotetag1229">[1229]</a> De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, pp.
+222 et suiv.&mdash;E. Cosneau, <i>Le connétable de Richemont</i>, p. 172.</p>
+
+<p><a id="footnote1230" name="footnote1230"></a><a href="#footnotetag1230">[1230]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 116.</p>
+
+<p><a id="footnote1231" name="footnote1231"></a><a href="#footnotetag1231">[1231]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 76, 116.</p>
+
+<p><a id="footnote1232" name="footnote1232"></a><a href="#footnotetag1232">[1232]</a> Lettre de Charles VII aux Dauphinois, publiée par
+Fauché-Prunelle, dans <i>Bull. de l'Acad. Delphinale</i>, t. II, p. 459;
+aux habitants de Tours (Archives de Tours, <i>Registre des comptes</i>,
+XXIV), dans <i>Cabinet Historique</i>, I, C, p. 109; à ceux de Poitiers,
+Redet, dans les <i>Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest</i>,
+t. III, p. 406.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, t. IV, p. 459.</p>
+
+<p><a id="footnote1233" name="footnote1233"></a><a href="#footnotetag1233">[1233]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 106, 108.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 89.&mdash;Gruel, <i>Chronique de Richemont</i>, p.
+74.&mdash;Monstrelet, t. IV, pp. 344, 347.&mdash;E. Cosneau, <i>Le connétable de
+Richemont</i>, pp. 181, 182.</p>
+
+<p><a id="footnote1234" name="footnote1234"></a><a href="#footnotetag1234">[1234]</a> 1431, 8 mai. Arrêt condamnant André de Beaumont à la
+peine capitale comme criminel de lèse-majesté (Arch. nat. J. 366). La
+copie intégrale de cette pièce m'a été communiquée par M. P.
+Champion.</p>
+
+<p><a id="footnote1235" name="footnote1235"></a><a href="#footnotetag1235">[1235]</a> Monstrelet, t. IV, p. 30.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de
+Charles VII</i>, t. I, pp. 202 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1236" name="footnote1236"></a><a href="#footnotetag1236">[1236]</a> Dom Morice, <i>Histoire de Bretagne</i>, t. II, col.
+1135-6.&mdash;De Beaucourt, <i>loc. cit.</i>, t. II, chap. <span class="smcap">VII</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote1237" name="footnote1237"></a><a href="#footnotetag1237">[1237]</a> Bellier-Dumaine, <i>L'administration du duché de
+Bretagne sous le règne de Jean V</i> (1399-1442), dans les <i>Annales de
+Bretagne</i>, t. XIV-XVI (1898-99), <i>passim</i> et 3<sup>e</sup> partie: Le
+commerce, l'industrie, l'agriculture, l'instruction publique et Jean V
+(t. XVI, p. 246) et 4<sup>e</sup> partie, ch. <span class="smcap">III</span>: Les villes, les paroisses
+rurales et Jean V (t. XVI, p. 495).</p>
+
+<p><a id="footnote1238" name="footnote1238"></a><a href="#footnotetag1238">[1238]</a> Eberhard Windecke, pp. 178, 179.</p>
+
+<p><a id="footnote1239" name="footnote1239"></a><a href="#footnotetag1239">[1239]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 264.&mdash;Eberhard Windecke, pp. 68-70,
+179.&mdash;Morosini, t. III, p. 90.&mdash;Dom Lobineau, <i>Histoire de Bretagne</i>,
+t. I, p. 587.&mdash;Dom Morice, <i>Histoire de Bretagne</i>, t. I, pp. 508,
+580.</p>
+
+<p><a id="footnote1240" name="footnote1240"></a><a href="#footnotetag1240">[1240]</a> L. Delisle, <i>Un nouveau témoignage relatif à la
+mission de Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Bibliothèque de l'École des Chartes</i>,
+t. XLVI, p. 649.&mdash;Le P. Ayroles, <i>La Pucelle devant l'Église de son
+temps</i>, pp. 53, 60.</p>
+
+<p><a id="footnote1241" name="footnote1241"></a><a href="#footnotetag1241">[1241]</a> Cathédrale du Puy.&mdash;E.-F. Corpet, <i>Portraits des Arts
+libéraux d'après les écrivains du moyen âge</i>, dans <i>Annales
+archéologiques</i>, 1857, t. XVII, pp. 89-103.&mdash;Em. Male, <i>Les Arts
+libéraux dans la statuaire du moyen âge</i>, dans <i>Revue archéologique</i>,
+1891.</p>
+
+<p><a id="footnote1242" name="footnote1242"></a><a href="#footnotetag1242">[1242]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 411-421.&mdash;Le P. Ayroles, <i>La
+Pucelle devant l'église de son temps</i>, t. I, pp. 61-68.</p>
+
+<p><a id="footnote1243" name="footnote1243"></a><a href="#footnotetag1243">[1243]</a> Le P. Ayrolles, t. IV, <i>La vierge guerrière</i>, pp. 240
+et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1244" name="footnote1244"></a><a href="#footnotetag1244">[1244]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 20.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 93,
+94.</p>
+
+<p><a id="footnote1245" name="footnote1245"></a><a href="#footnotetag1245">[1245]</a> Fauquembergue, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 451.&mdash;<i>Journal
+d'un bourgeois de Paris</i>, p. 239.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+291.&mdash;De Barante, <i>Histoire des ducs de Bourgogne</i>, t. III, p. 323.</p>
+
+<p><a id="footnote1246" name="footnote1246"></a><a href="#footnotetag1246">[1246]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises</i>,
+introduction.</p>
+
+<p><a id="footnote1247" name="footnote1247"></a><a href="#footnotetag1247">[1247]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 12, 13.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 300.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, p. 87.&mdash;Morosini, t.
+III, p. 63, note 2.</p>
+
+<p><a id="footnote1248" name="footnote1248"></a><a href="#footnotetag1248">[1248]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 12, 13.&mdash;Wallon, <i>Jeanne d'Arc</i>,
+1875, t. I, p. 213.</p>
+
+<p><a id="footnote1249" name="footnote1249"></a><a href="#footnotetag1249">[1249]</a> Rymer, <i>F&oelig;dera</i>, 18 juin 1429.&mdash;Morosini, t. III,
+pp. 132-133; t. IV, annexe <span class="smcap">XVII</span>.&mdash;G. Lefèvre-Pontalis, <i>La panique
+anglaise en mai 1429</i>, Paris, 1894, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1250" name="footnote1250"></a><a href="#footnotetag1250">[1250]</a> G. Lefèvre-Pontalis, <i>La guerre des partisans dans la
+Haute Normandie</i> (1424-1429) dans <i>Bibliothèque de l'École des
+Chartes</i>, depuis 1893.</p>
+
+<p><a id="footnote1251" name="footnote1251"></a><a href="#footnotetag1251">[1251]</a> Perceval de Cagny, pp. 149, 157.</p>
+
+<p><a id="footnote1252" name="footnote1252"></a><a href="#footnotetag1252">[1252]</a> Perceval de Cagny, p. 170.</p>
+
+<p><a id="footnote1253" name="footnote1253"></a><a href="#footnotetag1253">[1253]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 310.</p>
+
+<p><a id="footnote1254" name="footnote1254"></a><a href="#footnotetag1254">[1254]</a> E. Cosneau, <i>Le connétable de Richemont</i>, pp. 179 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1255" name="footnote1255"></a><a href="#footnotetag1255">[1255]</a> Le P. Denifle, <i>La désolation des églises</i>,
+introduction.</p>
+
+<p><a id="footnote1256" name="footnote1256"></a><a href="#footnotetag1256">[1256]</a> Morosini, t. IV, Annexe XVII.</p>
+
+<p><a id="footnote1257" name="footnote1257"></a><a href="#footnotetag1257">[1257]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 20, 300.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, pp. 322, 323.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 93, 114.</p>
+
+<p><a id="footnote1258" name="footnote1258"></a><a href="#footnotetag1258">[1258]</a> Le Maire, <i>Antiquités d'Orléans</i>, chap. <span class="smcap">XXV</span>, p. 100.</p>
+
+<p><a id="footnote1259" name="footnote1259"></a><a href="#footnotetag1259">[1259]</a> Pie II, <i>Commentarii</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp.
+513-514.&mdash;Pierre des Gros, <i>Jardin des nobles</i>, dans P. Paris,
+<i>Manuscrits français de la bibliothèque du roi</i>, t. II, p. 149, et
+<i>Procès</i>, t. IV, pp. 533-534.</p>
+
+<p><a id="footnote1260" name="footnote1260"></a><a href="#footnotetag1260">[1260]</a> William Wyrcester, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 475.&mdash;Pie
+II, <i>Commentarii</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 513.</p>
+
+<p><a id="footnote1261" name="footnote1261"></a><a href="#footnotetag1261">[1261]</a> Voyages du héraut Berry, Bibl. nat. ms. fr. 5873, fol.
+7.</p>
+
+<p><a id="footnote1262" name="footnote1262"></a><a href="#footnotetag1262">[1262]</a> Jean Rogier dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 284-285.</p>
+
+<p><a id="footnote1263" name="footnote1263"></a><a href="#footnotetag1263">[1263]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 312.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, pp. 93-94.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 108.&mdash;Cagny, p.
+157.&mdash;Morosini, pp. 84-85.&mdash;Loiseleur, <i>Compte des dépenses</i>, pp. 90,
+91.</p>
+
+<p><a id="footnote1264" name="footnote1264"></a><a href="#footnotetag1264">[1264]</a> Eustache Deschamps, éd. Queux de Saint-Hilaire et G.
+Raynaud, t. I, pp. 159, 217 et <i>passim</i>.&mdash;Th. Basin, <i>Histoire de
+Charles VII et de Louis XI</i>, t. I, p. 44.&mdash;Lettre de Nicolas de
+Clamanges à Gerson, LIV.</p>
+
+<p><a id="footnote1265" name="footnote1265"></a><a href="#footnotetag1265">[1265]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 308.&mdash;<i>Perceval de
+Cagny</i>, p. 155.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 180&mdash;Morosini, t. III, p. 85.</p>
+
+<p><a id="footnote1266" name="footnote1266"></a><a href="#footnotetag1266">[1266]</a> S.-J. Morand, <i>Histoire de la Sainte-Chapelle royale
+du Palais</i>, Paris, 1790, in-4<sup>o</sup>, pp. 77 et <i>passim</i>.</p>
+
+<p><a id="footnote1267" name="footnote1267"></a><a href="#footnotetag1267">[1267]</a> Le P. J. Doublet, <i>Histoire de l'abbaye de Saint-Denys
+en France</i>, Paris, 1625, in-fol., ch. <span class="smcap">L</span>, pp. 373 et suiv.&mdash;Dom
+Félibien, <i>Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denis</i>, 1706, in-fol.,
+pp. 203, 275, 543.</p>
+
+<p><a id="footnote1268" name="footnote1268"></a><a href="#footnotetag1268">[1268]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 107.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 310.</p>
+
+<p><a id="footnote1269" name="footnote1269"></a><a href="#footnotetag1269">[1269]</a> Cité d'après la <i>Chronique Messine</i>, par Vallet de
+Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 424, note 1.</p>
+
+<p><a id="footnote1270" name="footnote1270"></a><a href="#footnotetag1270">[1270]</a> Voir plus bas, pp. 170-171.</p>
+
+<p><a id="footnote1271" name="footnote1271"></a><a href="#footnotetag1271">[1271]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 313.&mdash;Perceval de Cagny,
+p. 157.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 87.</p>
+
+<p><a id="footnote1272" name="footnote1272"></a><a href="#footnotetag1272">[1272]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 125.&mdash;<i>Registre des Consaux,
+extraits analytiques des anciens Consaux de la ville de Tournay</i>, éd.
+H. Vandenbroeck, t. II, p. 329.&mdash;F. Hennebert, <i>Une lettre de Jeanne
+d'Arc aux Tournaisiens</i>, dans <i>Arch. hist. et littéraires du Nord de
+la France</i>, 1837, t. I, p. 525.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. III, p. 516</p>
+
+<p><a id="footnote1273" name="footnote1273"></a><a href="#footnotetag1273">[1273]</a> Lettre de Charles VII aux Dauphinois, publiée par
+Fauché-Prunelle, dans <i>Bulletin de l'Acad. Delphinale</i>, t. II, p. 459;
+aux habitants de Tours, dans le <i>Cabinet Historique</i>, t. I, C, p. 109;
+à ceux de Poitiers, par Redet, dans les <i>Mémoires de la Société des
+Antiquaires de l'Ouest</i>, t. III, p. 106.&mdash;<i>Relation du greffier de La
+Rochelle</i>, dans <i>Revue Historique</i>, t. IV, p. 459.</p>
+
+<p><a id="footnote1274" name="footnote1274"></a><a href="#footnotetag1274">[1274]</a> Monstrelet, t. IV, p. 352.</p>
+
+<p><a id="footnote1275" name="footnote1275"></a><a href="#footnotetag1275">[1275]</a> Morosini, t. III, pp. 184-185.&mdash;<i>Chronique de
+Tournai</i>, éd. de Smedt (<i>Recueil des Chroniques de Flandre</i>, t. III,
+<i>passim</i>).&mdash;<i>Troubles à Tournai</i> (1422-1430), dans <i>Mémoires de la
+Société historique et littéraire de Tournai</i>, t. XVII
+(1882).&mdash;<i>Extraits des anciens registres des Consaux</i>, éd.
+Vandenbroeck, t. II, <i>passim</i>.&mdash;Monstrelet, chap. <span class="smcap">LXVII</span> et <span class="smcap">LXIX</span>.&mdash;A.
+Longnon, <i>Paris sous la domination anglaise</i>, pp. 143, 144.</p>
+
+<p><a id="footnote1276" name="footnote1276"></a><a href="#footnotetag1276">[1276]</a> Le greffier de l'hôtel de ville d'Albi, dans <i>Procès</i>,
+t. IV, p. 301.</p>
+
+<p><a id="footnote1277" name="footnote1277"></a><a href="#footnotetag1277">[1277]</a> H. Vandenbroeck, <i>Extraits analytiques des anciens
+registres des Consaux de la ville de Tournai</i>, t. II, pp. 328-330.</p>
+
+<p><a id="footnote1278" name="footnote1278"></a><a href="#footnotetag1278">[1278]</a> Lettre de Perceval de Boulainvilliers, dans <i>Procès</i>,
+t. V, p. 120.&mdash;Fragment d'une lettre sur des prodiges advenus en
+Poitou, <i>ibid.</i>, p. 122.&mdash;Morosini, t. III, pp. 74-76.</p>
+
+<p><a id="footnote1279" name="footnote1279"></a><a href="#footnotetag1279">[1279]</a> <i>Consau</i> pour Conseil, Assemblée. <i>Consaux</i> a signifié
+également conseillers (La Curne).</p>
+
+<p><a id="footnote1280" name="footnote1280"></a><a href="#footnotetag1280">[1280]</a> Hennebert, <i>Archives historiques et littéraires du
+Nord de la France</i>, 1837, t. I, p. 520.&mdash;<i>Extraits des anciens
+registre des consaux</i>, éd. Vandenbroeck, t. II, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1281" name="footnote1281"></a><a href="#footnotetag1281">[1281]</a> <i>Procès</i>, t. V, p. 126.</p>
+
+<p><a id="footnote1282" name="footnote1282"></a><a href="#footnotetag1282">[1282]</a> Dom Plancher, <i>Histoire de Bourgogne</i>, IV, p.
+lvi-lvij.&mdash;E. Cosneau, <i>Le connétable de Richemont</i>, pp. 114 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1283" name="footnote1283"></a><a href="#footnotetag1283">[1283]</a> Dom Plancher, <i>Histoire de Bourgogne</i>, t. IV, preuves,
+p. <span class="smcap">LV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote1284" name="footnote1284"></a><a href="#footnotetag1284">[1284]</a> De Barante, <i>Histoire des ducs de Bourgogne</i>, t. V, p.
+270.&mdash;Desplanques, <i>Projet d'assassinat de Philippe le Bon par les
+Anglais (1424-1426)</i>, dans les <i>Mémoires couronnés par l'Académie de
+Bruxelles</i>, XXXIII (1867).</p>
+
+<p><a id="footnote1285" name="footnote1285"></a><a href="#footnotetag1285">[1285]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 70.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 270.&mdash;Morosini, t. III, pp. 20 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1286" name="footnote1286"></a><a href="#footnotetag1286">[1286]</a> Monstrelet, t. IV. pp. 332, 333.&mdash;De Beaucourt,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. II. p. 36, note 7.</p>
+
+<p><a id="footnote1287" name="footnote1287"></a><a href="#footnotetag1287">[1287]</a> Monstrelet, t. IV, pp. 308-309.&mdash;Quenson, <i>Notice sur
+Philippe le Bon, la Flandre et ses fêtes</i>, Douai, 1840, in-8<sup>o</sup>.&mdash;De
+Reiffenberg, <i>Les enfants naturels du duc Philippe le Bon</i> dans
+<i>Bulletin de l'Académie de Bruxelles</i>, t. XIII (1846).</p>
+
+<p><a id="footnote1288" name="footnote1288"></a><a href="#footnotetag1288">[1288]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 90.&mdash;Perceval de
+Cagny, pp. 158-159.&mdash;Morosini, t. III, pp. 142, 143.</p>
+
+<p><a id="footnote1289" name="footnote1289"></a><a href="#footnotetag1289">[1289]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 314.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, pp. 108-109.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 330.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 92.&mdash;Morosini, t. III, p. 142 et note 3.</p>
+
+<p><a id="footnote1290" name="footnote1290"></a><a href="#footnotetag1290">[1290]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 54, 222.</p>
+
+<p><a id="footnote1291" name="footnote1291"></a><a href="#footnotetag1291">[1291]</a> Abbé Lebeuf, <i>Histoire ecclésiastique et civile
+d'Auxerre</i>, t. II, p. 251; t. III, pp. 302, 506.</p>
+
+<p><a id="footnote1292" name="footnote1292"></a><a href="#footnotetag1292">[1292]</a> Chardon, <i>Histoire de la ville d'Auxerre</i>, Auxerre,
+1834 (2 vol. in-8<sup>o</sup>), t. II, p. 258.</p>
+
+<p><a id="footnote1293" name="footnote1293"></a><a href="#footnotetag1293">[1293]</a> Dom Plancher, <i>Histoire de Bourgogne</i>, t. IV, p.
+76.&mdash;Chardon, <i>Histoire de la ville d'Auxerre</i>, t. II, pp. 257 et
+suiv.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 383.</p>
+
+<p><a id="footnote1294" name="footnote1294"></a><a href="#footnotetag1294">[1294]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 108.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 313.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p.
+90.&mdash;Monstrelet, t. IV, p. 436.&mdash;Abbé Lebeuf, <i>Histoire ecclésiastique
+d'Auxerre</i>, t. II, p. 51.&mdash;Chardon, <i>Histoire de la ville d'Auxerre</i>,
+t. II, p. 259.</p>
+
+<p><a id="footnote1295" name="footnote1295"></a><a href="#footnotetag1295">[1295]</a> Morosini, t. III, p. 149.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>,
+t. I, p. 90.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 313.&mdash;Monstrelet, t. IV,
+p. 336.&mdash;Gilles de Roye, dans <i>Collection des chroniques belges</i>, pp.
+206, 207.&mdash;Chardon, <i>Histoire de la ville d'Auxerre</i>, t. II, p. 260.</p>
+
+<p><a id="footnote1296" name="footnote1296"></a><a href="#footnotetag1296">[1296]</a> Jean Chartier, <i>Journal du siège</i>, <i>Chronique de la
+Pucelle</i>, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1297" name="footnote1297"></a><a href="#footnotetag1297">[1297]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp.
+290-292.&mdash;Monstrelet, t. IV. p. 336.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+109.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 314.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>,
+t. I, p. 91.&mdash;<i>Procès</i>, t. V, pp. 264-265.</p>
+
+<p><a id="footnote1298" name="footnote1298"></a><a href="#footnotetag1298">[1298]</a> Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes et de la
+Champagne méridionale</i>, Paris, 1872 (5 vol. in-8<sup>o</sup>), t. II. p. 182.</p>
+
+<p><a id="footnote1299" name="footnote1299"></a><a href="#footnotetag1299">[1299]</a> F. Bourquelot, <i>Les foires de Champagne</i>, Paris, 1865,
+t. I<sup>er</sup>, p. 65.&mdash;Louis Batiffol, <i>Jean Jouvenel, prévôt des
+marchands</i>, Paris, 1894, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1300" name="footnote1300"></a><a href="#footnotetag1300">[1300]</a> <i>Gallia Christiana</i>, t. XIII, col.
+514-516.&mdash;Courtalon-Delaistre, <i>Topographie historique du diocèse de
+Troyes</i> (Troyes, 1783, 3 vol. in-8<sup>o</sup>), t. I, p. 384.&mdash;Th. Boutiot,
+Histoire de la ville de Troyes, t. II, pp. 477-478.&mdash;De Pange, <i>Le
+pays de Jeanne d'Arc, le fief et l'arrière-fief</i>, Paris, 1902, in-8<sup>o</sup>,
+p. 33.</p>
+
+<p><a id="footnote1301" name="footnote1301"></a><a href="#footnotetag1301">[1301]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p. <span class="smcap">CCXX</span> et preuves,
+<i>ccix</i>, pp. 238-239.&mdash;Robillard de Beaurepaire, <i>Les États de
+Normandie sous la domination anglaise</i>, Évreux, 1859, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1302" name="footnote1302"></a><a href="#footnotetag1302">[1302]</a> Labbe et Cossart, <i>Sacro-Sancta-Consilia</i>, t. XII,
+col. 392.</p>
+
+<p><a id="footnote1303" name="footnote1303"></a><a href="#footnotetag1303">[1303]</a> Labbe et Cossart, <i>Sacro-Sancta-Consilia</i>, t. XII,
+col. 390, 399.</p>
+
+<p><a id="footnote1304" name="footnote1304"></a><a href="#footnotetag1304">[1304]</a> De Pange, <i>Le pays de Jeanne d'Arc, le fief et
+l'arrière-fief</i>, p. 33.</p>
+
+<p><a id="footnote1305" name="footnote1305"></a><a href="#footnotetag1305">[1305]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 285.</p>
+
+<p><a id="footnote1306" name="footnote1306"></a><a href="#footnotetag1306">[1306]</a> Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II,
+pp. 316 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1307" name="footnote1307"></a><a href="#footnotetag1307">[1307]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 287, 288.&mdash;Th.
+Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II, p. 490.&mdash;A. Assier,
+<i>Une cité champenoise au XV<sup>e</sup> siècle</i>, Troyes, 1875, in-12.</p>
+
+<p><a id="footnote1308" name="footnote1308"></a><a href="#footnotetag1308">[1308]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 99, 100.&mdash;<i>Relation du greffier de
+La Rochelle</i>, p. 338.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 315.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, pp. 109-110.</p>
+
+<p><a id="footnote1309" name="footnote1309"></a><a href="#footnotetag1309">[1309]</a> Ed. Richer dit qu'il se nommait Roch Richard, licencié
+en théologie; <i>Histoire manuscrite de la Pucelle</i> (Bibl. Nat., fr.
+10448), livre I, folios 50 et suiv.&mdash;Abbé Dunand, <i>Histoire de Jeanne
+d'Arc</i>, t. II, p. 214.&mdash;Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>,
+t. II, p. 499.</p>
+
+<p><a id="footnote1310" name="footnote1310"></a><a href="#footnotetag1310">[1310]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 235.&mdash;Th. Basin,
+<i>Histoire de Charles VII et de Louis XI</i>, t. I, p. 104.&mdash;Vallet de
+Viriville, <i>Procès de condamnation de Jeanne d'Arc</i>, 1867,
+Introduction; <i>Notes sur deux médailles de plomb relatives à Jeanne
+d'Arc</i>, Paris, 1861, p. 22.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, p.
+<span class="smcap">CCXXXIX</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote1311" name="footnote1311"></a><a href="#footnotetag1311">[1311]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 110.</p>
+
+<p><a id="footnote1312" name="footnote1312"></a><a href="#footnotetag1312">[1312]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 233.&mdash;Labbe,
+Boutiot, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1313" name="footnote1313"></a><a href="#footnotetag1313">[1313]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 234.</p>
+
+<p><a id="footnote1314" name="footnote1314"></a><a href="#footnotetag1314">[1314]</a> <i>Ibid.</i>, p. 235.</p>
+
+<p><a id="footnote1315" name="footnote1315"></a><a href="#footnotetag1315">[1315]</a> Th. Basin, <i>Histoire des règnes de Charles VII et de
+Louis XI</i>, t. IV, pp. 103, 104.</p>
+
+<p><a id="footnote1316" name="footnote1316"></a><a href="#footnotetag1316">[1316]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 236.</p>
+
+<p><a id="footnote1317" name="footnote1317"></a><a href="#footnotetag1317">[1317]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, pp. 234-235.</p>
+
+<p><a id="footnote1318" name="footnote1318"></a><a href="#footnotetag1318">[1318]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 89, 213.&mdash;<i>Journal d'un bourgeois
+de Paris</i>, p. 236.</p>
+
+<p><a id="footnote1319" name="footnote1319"></a><a href="#footnotetag1319">[1319]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, pp. 242,
+243.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Notes sur deux médailles de plomb
+relatives à Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Revue Archéologique</i>, 1861, pp. 429,
+433.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, chap. X.</p>
+
+<p><a id="footnote1320" name="footnote1320"></a><a href="#footnotetag1320">[1320]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 236.</p>
+
+<p><a id="footnote1321" name="footnote1321"></a><a href="#footnotetag1321">[1321]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 237.</p>
+
+<p><a id="footnote1322" name="footnote1322"></a><a href="#footnotetag1322">[1322]</a> Il reste à savoir comment l'auteur du journal dit
+d'<i>Un bourgeois de Paris</i> n'en fut pas scandalisé, tout bon
+universitaire qu'il était, mais, au contraire, s'édifia des propos de
+ce bon père.&mdash;Th. Basin, <i>Histoire des règnes de Charles VII et de
+Louis XI</i>, t. IV, p. 104.</p>
+
+<p><a id="footnote1323" name="footnote1323"></a><a href="#footnotetag1323">[1323]</a> J. Rogier dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 290.</p>
+
+<p><a id="footnote1324" name="footnote1324"></a><a href="#footnotetag1324">[1324]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 446.</p>
+
+<p><a id="footnote1325" name="footnote1325"></a><a href="#footnotetag1325">[1325]</a> Gruel, <i>Chronique de Richemont</i>, p. 71.&mdash;Eberhard
+Windecke, pp. 178, 179.</p>
+
+<p><a id="footnote1326" name="footnote1326"></a><a href="#footnotetag1326">[1326]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 100.</p>
+
+<p><a id="footnote1327" name="footnote1327"></a><a href="#footnotetag1327">[1327]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 100.</p>
+
+<p><a id="footnote1328" name="footnote1328"></a><a href="#footnotetag1328">[1328]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 99, 100.&mdash;<i>Relation du greffier de
+la Rochelle</i>, p. 342.</p>
+
+<p><a id="footnote1329" name="footnote1329"></a><a href="#footnotetag1329">[1329]</a> <i>Journal d'un bourgeois de Paris</i>, p. 235.</p>
+
+<p><a id="footnote1330" name="footnote1330"></a><a href="#footnotetag1330">[1330]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 287.</p>
+
+<p><a id="footnote1331" name="footnote1331"></a><a href="#footnotetag1331">[1331]</a> Il faut lire le lundi 4 juillet.</p>
+
+<p><a id="footnote1332" name="footnote1332"></a><a href="#footnotetag1332">[1332]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 287, 288, 290.</p>
+
+<p><a id="footnote1333" name="footnote1333"></a><a href="#footnotetag1333">[1333]</a> Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II,
+p. 493.</p>
+
+<p><a id="footnote1334" name="footnote1334"></a><a href="#footnotetag1334">[1334]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 288-289.</p>
+
+<p><a id="footnote1335" name="footnote1335"></a><a href="#footnotetag1335">[1335]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 292.&mdash;Th. Boutiot,
+<i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II, p. 494.</p>
+
+<p><a id="footnote1336" name="footnote1336"></a><a href="#footnotetag1336">[1336]</a> <i>Ibid.</i>, t. IV, p. 289.</p>
+
+<p><a id="footnote1337" name="footnote1337"></a><a href="#footnotetag1337">[1337]</a> <i>Ibid.</i>, p. 290.</p>
+
+<p><a id="footnote1338" name="footnote1338"></a><a href="#footnotetag1338">[1338]</a> Dans le <i>Mistère du siège d'Orléans</i> l'anglais
+Fauquembergue traite aussi Jeanne de «coquarde»:</p>
+
+<p class="poem10">
+ Y nous fault prandre la coquarde,<br>
+ Qui veult les François gouverner. Vers 12689-90.</p>
+
+<p><a id="footnote1339" name="footnote1339"></a><a href="#footnotetag1339">[1339]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 290.</p>
+
+<p><a id="footnote1340" name="footnote1340"></a><a href="#footnotetag1340">[1340]</a> <i>Ibid.</i>&mdash;Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de
+Troyes</i>, t. II, p. 492.</p>
+
+<p><a id="footnote1341" name="footnote1341"></a><a href="#footnotetag1341">[1341]</a> L. Pigeotte, <i>Étude sur les travaux d'achèvement de la
+cathédrale de Troyes</i>, p. 9.&mdash;A. Babeau, <i>Les vues d'ensemble de
+Troyes</i>, Troyes, 1892, in-8<sup>o</sup>, p. 13.&mdash;A. Assier, <i>Une cité
+champenoise au XV<sup>e</sup> siècle</i>, Paris, 1875, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1342" name="footnote1342"></a><a href="#footnotetag1342">[1342]</a> <i>Comptes de l'argenterie de la reine</i>, dans Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. III, pp. 236, 237.&mdash;De Barante, <i>Histoire
+des ducs de Bourgogne</i>, t. III, pp. 122, 125.&mdash;Vallet de Viriville,
+<i>Histoire de Charles VII</i>, t. I, p. 216.&mdash;Th. Boutiot, <i>Histoire de la
+ville de Troyes</i>, t. II, pp. 418, 419.</p>
+
+<p><a id="footnote1343" name="footnote1343"></a><a href="#footnotetag1343">[1343]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 289.</p>
+
+<p><a id="footnote1344" name="footnote1344"></a><a href="#footnotetag1344">[1344]</a> Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II,
+pp. 391, 418, 419.&mdash;A. Assier, <i>Une cité champenoise au XV<sup>e</sup>
+siècle</i>, p. 8.</p>
+
+<p><a id="footnote1345" name="footnote1345"></a><a href="#footnotetag1345">[1345]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 289, 290.</p>
+
+<p><a id="footnote1346" name="footnote1346"></a><a href="#footnotetag1346">[1346]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 109.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, pp. 314-315.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 91.&mdash;Th.
+Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II, p. 497.</p>
+
+<p><a id="footnote1347" name="footnote1347"></a><a href="#footnotetag1347">[1347]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote1348" name="footnote1348"></a><a href="#footnotetag1348">[1348]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 109, 110.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 315.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, pp. 91, 92.</p>
+
+<p><a id="footnote1349" name="footnote1349"></a><a href="#footnotetag1349">[1349]</a> Perceval de Cagny, p. 157.&mdash;Voyez toutefois Morosini,
+t. III, p. 143, note.</p>
+
+<p><a id="footnote1350" name="footnote1350"></a><a href="#footnotetag1350">[1350]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 13, 117.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 92.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+315.&mdash;Chartier et la <i>Chronique de la Pucelle</i>, font parler Regnault
+de Chartres et Robert Le Maçon avec une extrême invraisemblance. Le
+chancelier n'a pas pu dire qu'on n'avait pas «gens en nombre
+suffisant» et, dans ce Conseil de guerre il n'a pu être question de
+retourner à Gien. Il s'agissait de savoir, comme le dit Dunois, si
+l'on irait tout de suite sur Reims et non si l'on retournerait à Gien,
+selon l'opinion de Chartier.</p>
+
+<p><a id="footnote1351" name="footnote1351"></a><a href="#footnotetag1351">[1351]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 13, 117.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 317.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 110.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 94.</p>
+
+<p><a id="footnote1352" name="footnote1352"></a><a href="#footnotetag1352">[1352]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 13, 14, 117.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>; t. I, p. 96. <i>Journal du siège</i>, p. 111.&mdash;<i>Chronique de
+la Pucelle</i>, p. 78.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II,
+p. 225.</p>
+
+<p><a id="footnote1353" name="footnote1353"></a><a href="#footnotetag1353">[1353]</a> Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II,
+p. 497, note.&mdash;A. Assier, <i>Une cité champenoise au XV<sup>e</sup> siècle</i>,
+Paris, 1875, in-8<sup>o</sup>, p. 26.</p>
+
+<p><a id="footnote1354" name="footnote1354"></a><a href="#footnotetag1354">[1354]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 117.</p>
+
+<p><a id="footnote1355" name="footnote1355"></a><a href="#footnotetag1355">[1355]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 117.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>,
+t. I, p. 96.&mdash;J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 296.</p>
+
+<p><a id="footnote1356" name="footnote1356"></a><a href="#footnotetag1356">[1356]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 295.&mdash;<i>Procès</i>,
+pp. 13, 14, 17.&mdash;Chartier, <i>Journal du siège</i>, <i>Chronique de la
+Pucelle</i>.&mdash;Camusat, <i>Mél. hist.</i> part. II, fol. 214.</p>
+
+<p><a id="footnote1357" name="footnote1357"></a><a href="#footnotetag1357">[1357]</a> <i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, t. IV, p. 342.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, <i>Journal du
+siège</i>, Chartier, Gilles de Roye dans Chartier, t. III, p. 205.</p>
+
+<p><a id="footnote1358" name="footnote1358"></a><a href="#footnotetag1358">[1358]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 296.</p>
+
+<p><a id="footnote1359" name="footnote1359"></a><a href="#footnotetag1359">[1359]</a> <i>Ordonnances des rois de France</i>, t. XIII, p.
+142.&mdash;Th. Boutiot. <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II, p.
+500.&mdash;A. Roserot, <i>Le plus ancien registre des délibérations du
+Conseil de la ville de Troyes</i>, dans <i>Coll. de Doc. inédits sur la
+ville de Troyes</i>, t. III, p. 175.</p>
+
+<p><a id="footnote1360" name="footnote1360"></a><a href="#footnotetag1360">[1360]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 295, 296.</p>
+
+<p><a id="footnote1361" name="footnote1361"></a><a href="#footnotetag1361">[1361]</a> <i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, t. IV, p. 342.</p>
+
+<p><a id="footnote1362" name="footnote1362"></a><a href="#footnotetag1362">[1362]</a> <i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, dans <i>Revue
+Historique</i>, t. IV, p. 342.</p>
+
+<p><a id="footnote1363" name="footnote1363"></a><a href="#footnotetag1363">[1363]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 296-297.</p>
+
+<p><a id="footnote1364" name="footnote1364"></a><a href="#footnotetag1364">[1364]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 13 et 117; t. IV, pp. 296,
+297.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. III, p. 205.&mdash;Th. Boutiot,
+<i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II, pp. 499, 500.&mdash;M. Poinsignon,
+<i>Histoire générale de la Champagne et de la Brie</i>, Châlons, 1885, t.
+I, pp. 352 et suiv.&mdash;A. Assier, <i>Une cité champenoise au XV<sup>e</sup>
+siècle</i>, Paris, 1875, in-12, pp. 16, 17.</p>
+
+<p><a id="footnote1365" name="footnote1365"></a><a href="#footnotetag1365">[1365]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 102.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p.
+319.</p>
+
+<p><a id="footnote1366" name="footnote1366"></a><a href="#footnotetag1366">[1366]</a> Chartier, <i>Journal du siège</i>, <i>Chronique de la
+Pucelle</i>, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1367" name="footnote1367"></a><a href="#footnotetag1367">[1367]</a> Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, pp. 95,
+96.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 112.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 319.</p>
+
+<p><a id="footnote1368" name="footnote1368"></a><a href="#footnotetag1368">[1368]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 296-297.</p>
+
+<p><a id="footnote1369" name="footnote1369"></a><a href="#footnotetag1369">[1369]</a> Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 168.&mdash;S. Luce,
+<i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">CLXXIII</span>, <span class="smcap">CLXXIV</span>.&mdash;P. Champion, <i>Notes
+sur Jeanne d'Arc</i>, 1. <i>Madame d'Or et Jeanne d'Arc</i>, dans <i>le Moyen
+Âge</i>, juillet-août, 1907, pp. 193-199.</p>
+
+<p><a id="footnote1370" name="footnote1370"></a><a href="#footnotetag1370">[1370]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 319.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 96.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 112.&mdash;«Un prince de
+façon», Martial d'Auvergne, <i>Vigiles</i>, t. I, pp. 106, 107.</p>
+
+<p><a id="footnote1371" name="footnote1371"></a><a href="#footnotetag1371">[1371]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 102.&mdash;Lettre de trois gentilshommes
+angevins, dans <i>Procès</i> t. V, p. 130.&mdash;<i>Relation du greffier de La
+Rochelle</i>, p. 342.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 319.&mdash;Morosini, t.
+III, p. 176.&mdash;Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II,
+pp. 504 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1372" name="footnote1372"></a><a href="#footnotetag1372">[1372]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 103.</p>
+
+<p><a id="footnote1373" name="footnote1373"></a><a href="#footnotetag1373">[1373]</a> T. Babeau, <i>Le guet et la milice bourgeoise à Troyes</i>,
+pp. 4 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1374" name="footnote1374"></a><a href="#footnotetag1374">[1374]</a> <i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, p.
+342.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>; p. 319.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+112.&mdash;Th. Boutiot, <i>Histoire de la ville de Troyes</i>, t. II, p.
+505.&mdash;A. Roserot, <i>Le plus ancien registre des délibérations du
+Conseil de Troyes</i>, dans <i>Coll. de Documents inédits de la ville de
+Troyes</i>, t. III, pp. 175 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1375" name="footnote1375"></a><a href="#footnotetag1375">[1375]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 298.&mdash;Morosini, t.
+III, p. 179.&mdash;Éd. de Barthélémy, <i>Histoire de la ville de
+Châlons-sur-Marne</i>, pièces just. n<sup>o</sup> 25, pp. 334-335.</p>
+
+<p><a id="footnote1376" name="footnote1376"></a><a href="#footnotetag1376">[1376]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 290, 291.&mdash;Varin,
+<i>Archives législatives de la ville de Reims, Statuts</i>, t. I, pp. 596
+et suiv. [<i>Coll. des documents inédits sur l'Histoire de France</i>,
+1845].</p>
+
+<p><a id="footnote1377" name="footnote1377"></a><a href="#footnotetag1377">[1377]</a> <i>Gallia Christiana</i>, t. V, col. 891-895.&mdash;<i>Chronique
+de la Pucelle</i>, pp. 319-320.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p.
+96.&mdash;L. Barbat, <i>Histoire de la ville de Châlons</i>, 1855 (2 vol.
+in-4<sup>o</sup>), t. I, p. 350.&mdash;S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pièces
+just. n<sup>o</sup> 33.&mdash;Morosini, t. III, p. 182, n. 2.</p>
+
+<p><a id="footnote1378" name="footnote1378"></a><a href="#footnotetag1378">[1378]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 298.&mdash;Lettre de
+trois gentilshommes angevins, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 130.&mdash;Perceval
+de Cagny, p. 158.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, pp.
+96-97.&mdash;<i>Chronique des Cordeliers</i>, fol. 85 v<sup>o</sup>.&mdash;E. de Barthélémy,
+<i>Châlons pendant l'invasion anglaise</i>, Châlons, 1851, p. 16.</p>
+
+<p><a id="footnote1379" name="footnote1379"></a><a href="#footnotetag1379">[1379]</a> <i>Procès</i>, t. II, pp. 391-392.</p>
+
+<p><a id="footnote1380" name="footnote1380"></a><a href="#footnotetag1380">[1380]</a> <i>Ibid.</i>, t. II, pp. 421-423.</p>
+
+<p><a id="footnote1381" name="footnote1381"></a><a href="#footnotetag1381">[1381]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 295, 296.&mdash;Varin,
+<i>Archives de Reims, Statuts</i>, t. I, p. 601.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc
+à Reims</i>, pp. 13 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1382" name="footnote1382"></a><a href="#footnotetag1382">[1382]</a> J. Rogier, <i>loc. cit.</i>&mdash;Varin, p. 599.</p>
+
+<p><a id="footnote1383" name="footnote1383"></a><a href="#footnotetag1383">[1383]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 286 et
+suiv.&mdash;Varin, pp. 600 et s.</p>
+
+<p><a id="footnote1384" name="footnote1384"></a><a href="#footnotetag1384">[1384]</a> H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, p. 18.&mdash;Dom Marlot,
+<i>Hist. Metrop. Remensis</i>, t. II, pp. 709 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1385" name="footnote1385"></a><a href="#footnotetag1385">[1385]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV. p. 291.&mdash;L. Paris,
+dans <i>Cabinet Historique</i>, 1855, t. I, p. 68.</p>
+
+<p><a id="footnote1386" name="footnote1386"></a><a href="#footnotetag1386">[1386]</a> J. Rogier dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 291.</p>
+
+<p><a id="footnote1387" name="footnote1387"></a><a href="#footnotetag1387">[1387]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 292, 293.&mdash;H.
+Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, pp. 17 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1388" name="footnote1388"></a><a href="#footnotetag1388">[1388]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 292-293.&mdash;Varin,
+<i>Archives de Reims</i>, pp. 910, 912.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>,
+p. 18.</p>
+
+<p><a id="footnote1389" name="footnote1389"></a><a href="#footnotetag1389">[1389]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 292, 294.&mdash;H.
+Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, pp. 18-19.</p>
+
+<p><a id="footnote1390" name="footnote1390"></a><a href="#footnotetag1390">[1390]</a> Fauquembergue, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 451.&mdash;Jean
+Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, pp. 101-102.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p.
+118.&mdash;Rymer, <i>F&oelig;dera</i>, t. X, p. 424.&mdash;S. Bougenot, <i>Notices et
+Extraits des manuscrits intéressant l'Histoire de France conservés à
+la bibliothèque impériale de Vienne</i>, p. 62.&mdash;Raynaldi, <i>Annales
+ecclesiatici</i>, t. IX, pp. 77, 78.&mdash;Morosini, t. IV, annexe XVII.</p>
+
+<p><a id="footnote1391" name="footnote1391"></a><a href="#footnotetag1391">[1391]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp. 294, 298.</p>
+
+<p><a id="footnote1392" name="footnote1392"></a><a href="#footnotetag1392">[1392]</a> <i>Ibid.</i>&mdash;L. Paris, <i>Cabinet Historique</i>, 1865, p. 77.</p>
+
+<p><a id="footnote1393" name="footnote1393"></a><a href="#footnotetag1393">[1393]</a> H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, p. 19.</p>
+
+<p><a id="footnote1394" name="footnote1394"></a><a href="#footnotetag1394">[1394]</a> Perceval de Cagny, p. 159.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, p. 97.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 320.&mdash;<i>Chronique
+des Cordeliers</i>, fol. 85 v<sup>o</sup>.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 112.&mdash;Bergier,
+<i>Poème sur la tapisserie de Jeanne d'Arc</i>, p. 112.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne
+d'Arc à Reims</i>, pp. 20, 21.&mdash;F. Pinon, <i>Notice sur Sept-Saulx</i>, dans
+<i>Travaux de l'Académie de Reims</i>, t. VI, p. 328.</p>
+
+<p><a id="footnote1395" name="footnote1395"></a><a href="#footnotetag1395">[1395]</a> J. Rogier, dans <i>Procès</i>, pp. 298 et suiv.&mdash;Dom
+Marlot, <i>Histoire de la Ville de Reims</i>, t. IV, Reims, 1846 (4 vol.
+in-4<sup>o</sup>), t. III, p. 174.</p>
+
+<p><a id="footnote1396" name="footnote1396"></a><a href="#footnotetag1396">[1396]</a> H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, p. 23.</p>
+
+<p><a id="footnote1397" name="footnote1397"></a><a href="#footnotetag1397">[1397]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 322-323, note.&mdash;«Ce
+rituel date bien du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> siècle. Il nous a été conservé dans un
+manuscrit de la bibliothèque de Reims qui paraît avoir été écrit vers
+1274.» Communication de M. H. Jadart.&mdash;Varin, <i>Archives de Reims</i>, t.
+I, p. 522.&mdash;Dom Marlot, <i>Histoire de la ville de Reims</i>, t. III, p.
+566, et t. IV, Pièces just., n<sup>o</sup> 142.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à
+Reims</i>, p. 7.</p>
+
+<p><a id="footnote1398" name="footnote1398"></a><a href="#footnotetag1398">[1398]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 321.&mdash;Perceval de Cagny,
+p. 159.&mdash;Lettre de trois gentilhommes angevins, dans <i>Procès</i>, t. V,
+p. 128.</p>
+
+<p><a id="footnote1399" name="footnote1399"></a><a href="#footnotetag1399">[1399]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote1400" name="footnote1400"></a><a href="#footnotetag1400">[1400]</a> Thirion, <i>Les frais du sacre</i>, dans <i>Travaux de
+l'Académie de Reims</i>, 1894.&mdash;Voir dans Varin, <i>Archives de Reims</i>, la
+table des matières au mot: <i>Sacre</i>.&mdash;Dom Marlot, <i>Histoire de la ville
+de Reims</i>, t. III, pp. 461, 566, 640, 651, 819; t. IV, pp. 25, 31,
+45.</p>
+
+<p><a id="footnote1401" name="footnote1401"></a><a href="#footnotetag1401">[1401]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 321, note 2.</p>
+
+<p><a id="footnote1402" name="footnote1402"></a><a href="#footnotetag1402">[1402]</a> C. Leber, <i>Des cérémonies du sacre ou Recherches
+historiques et antiques sur les m&oelig;urs, les coutumes, les
+institutions et le droit public des Français, dans l'ancienne
+monarchie</i>, Paris-Reims, 1825, in-8<sup>o</sup>.&mdash;A. Lenoble, <i>Histoire du sacre
+et du couronnement des rois et des reines de France</i>, Paris, 1825,
+in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1403" name="footnote1403"></a><a href="#footnotetag1403">[1403]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 91.&mdash;Varin, <i>Archives de Reims</i>, t.
+III. pp. 559 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1404" name="footnote1404"></a><a href="#footnotetag1404">[1404]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 321.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 113.&mdash;Varin, <i>Archives de Reims</i>, t. II, p. 509; t. III, p.
+555.</p>
+
+<p><a id="footnote1405" name="footnote1405"></a><a href="#footnotetag1405">[1405]</a> Flodoard, <i>Hist. ecclesiæ Remensis</i>, dans <i>coll.
+Guizot</i>, t. V, pp. 41 et suiv.&mdash;Eustache Deschamps, Ballade 172, t. I,
+p. 305, t. II, p. 104.&mdash;Dom Marlot, <i>Histoire de la ville de Reims</i>,
+t. II, p. 48, n<sup>o</sup> 1.&mdash;Vertot, dans <i>Académie des Inscriptions</i>, t.
+II.</p>
+
+<p><a id="footnote1406" name="footnote1406"></a><a href="#footnotetag1406">[1406]</a> Froissart, l. II, ch. <span class="smcap">LXXIV</span>.</p>
+
+<p><a id="footnote1407" name="footnote1407"></a><a href="#footnotetag1407">[1407]</a> Lettres de trois gentilshommes angevins, dans
+<i>Procès</i>, t. V, pp. 127, 129.&mdash;Monstrelet, t. IV, ch. <span class="smcap">LXIV</span>.&mdash;Perceval
+de Cagny, p. 159.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, p.
+343.&mdash;<i>Chronique de Tournai</i> (t. III du <i>Recueil des Chroniques de
+Flandre</i>), p. 414.&mdash;<i>Gallia Christiana</i>, t. IX, col. 551; t. XI, col.
+698.</p>
+
+<p><a id="footnote1408" name="footnote1408"></a><a href="#footnotetag1408">[1408]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 322, note
+1.&mdash;<i>Collection de Champagne</i>, vol. 125, Sacre des rois, fol. 86.</p>
+
+<p><a id="footnote1409" name="footnote1409"></a><a href="#footnotetag1409">[1409]</a> Perceval de Cagny, p. 159.&mdash;<i>Chronique de la pucelle</i>,
+p. 322&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 114.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I,
+p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1410" name="footnote1410"></a><a href="#footnotetag1410">[1410]</a> Chifletius, <i>De ampula Remensi nova et acurata
+disquisitio</i>, Anvers, 1651, in-4<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1411" name="footnote1411"></a><a href="#footnotetag1411">[1411]</a> Lettre de trois gentilshommes angevins, dans <i>Procès</i>,
+t. V, p. 129.&mdash;F. Boyer, <i>Variante inédite d'un document sur le Sacre
+de Charles VII</i>, Clermont et Orléans, 1881, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1412" name="footnote1412"></a><a href="#footnotetag1412">[1412]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 104, 300.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 322.&mdash;Lettre de trois gentilshommes angevins, dans
+<i>Procès</i>, t. V, p. 129.&mdash;Varin, D. Marlot, H. Jadart, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1413" name="footnote1413"></a><a href="#footnotetag1413">[1413]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 108.</p>
+
+<p><a id="footnote1414" name="footnote1414"></a><a href="#footnotetag1414">[1414]</a> Lettre de trois gentilshommes angevins, dans <i>Procès</i>,
+t. V, p. 129.</p>
+
+<p><a id="footnote1415" name="footnote1415"></a><a href="#footnotetag1415">[1415]</a> Morosini, t. III, p. 181.&mdash;Lettre de trois
+gentilshommes, <i>loc. cit.</i></p>
+
+<p><a id="footnote1416" name="footnote1416"></a><a href="#footnotetag1416">[1416]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, pp. 322, 323.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 114.</p>
+
+<p><a id="footnote1417" name="footnote1417"></a><a href="#footnotetag1417">[1417]</a> Dom Marlot, <i>Histoire de la ville de Reims</i>, t. IV, p.
+175.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, p. 107.</p>
+
+<p><a id="footnote1418" name="footnote1418"></a><a href="#footnotetag1418">[1418]</a> <i>Chronique de la Pucelle</i>, p. 322.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 114.&mdash;Perceval de Cagny, p. 159.&mdash;Lettre de trois
+gentilshommes angevins, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 129.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 97.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. II, p. 99, note 2.</p>
+
+<p><a id="footnote1419" name="footnote1419"></a><a href="#footnotetag1419">[1419]</a> Monstrelet, t. IV, p. 339.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à
+Reims</i>, p. 32.</p>
+
+<p><a id="footnote1420" name="footnote1420"></a><a href="#footnotetag1420">[1420]</a> Thirion, <i>Les frais du sacre</i> dans <i>Travaux de
+l'Académie de Reims</i>, 1894.&mdash;Dom Marlot, <i>Histoire de la ville de
+Reims</i>, t. IV, p. 45, n. 1.&mdash;Varin, <i>Arch. adm. de la ville de Reims</i>,
+t. III, p. 39.</p>
+
+<p><a id="footnote1421" name="footnote1421"></a><a href="#footnotetag1421">[1421]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 198; t. V, pp. 141, 266.&mdash;H.
+Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, pp. 47, 48.&mdash;L'abbé Cerf, <i>Le vieux
+Reims</i>, 1875, pp. 35 et 110.</p>
+
+<p><a id="footnote1422" name="footnote1422"></a><a href="#footnotetag1422">[1422]</a> <i>Procès</i>, t. II, p. 445.</p>
+
+<p><a id="footnote1423" name="footnote1423"></a><a href="#footnotetag1423">[1423]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 198.</p>
+
+<p><a id="footnote1424" name="footnote1424"></a><a href="#footnotetag1424">[1424]</a> S. Luce, <i>Jeanne d'Arc à Domremy</i>, pp. <span class="smcap">L</span> et suiv.;
+preuve, <span class="smcap">LI</span>, pp. 97, 106; supplément aux preuves, pp. 359,
+362.&mdash;Boucher de Molandon, <i>Jacques d'Arc, père de la Pucelle, sa
+notabilité personnelle</i>, Orléans, 1885, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1425" name="footnote1425"></a><a href="#footnotetag1425">[1425]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 137, 139.</p>
+
+<p><a id="footnote1426" name="footnote1426"></a><a href="#footnotetag1426">[1426]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, pp. 141, 266, 267.</p>
+
+<p><a id="footnote1427" name="footnote1427"></a><a href="#footnotetag1427">[1427]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 103.</p>
+
+<p><a id="footnote1428" name="footnote1428"></a><a href="#footnotetag1428">[1428]</a> Du Cange, <i>Glossarium</i>, aux mots: <i>Auriacum</i>,
+<i>electrum</i> et <i>leto</i>.&mdash;Vallet de Viriville, <i>Les anneaux de Jeanne
+d'Arc</i>, dans <i>Mémoires de la Société des Antiquaires de France</i>, t.
+XXX, janvier 1867.</p>
+
+<p><a id="footnote1429" name="footnote1429"></a><a href="#footnotetag1429">[1429]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 185, 238; Walter Bower, <i>ibid.</i>,
+t. IV, p. 480.</p>
+
+<p><a id="footnote1430" name="footnote1430"></a><a href="#footnotetag1430">[1430]</a> <i>Sanctissimæ virginis Coletæ vita</i>, Paris, in-8<sup>o</sup>,
+gothique sans date, feuillet 8, verso.&mdash;<i>Bollandistes</i>, AA. SS., mars,
+t. I, p. 611.</p>
+
+<p><a id="footnote1431" name="footnote1431"></a><a href="#footnotetag1431">[1431]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 104.</p>
+
+<p><a id="footnote1432" name="footnote1432"></a><a href="#footnotetag1432">[1432]</a> <i>Ibid.</i>, t. I, p. 104.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à
+Reims</i>, p. 37.</p>
+
+<p><a id="footnote1433" name="footnote1433"></a><a href="#footnotetag1433">[1433]</a> «Ces sculptures (Goliath et David) ont été
+certainement exécutées à la fin du <span class="smcap">XIII</span><sup>e</sup> siècle» (L. Demaison,
+<i>Notice historique sur la cathédrale de Reims</i>, Reims, <i>s. d.</i>,
+in-4<sup>o</sup>, p. 44). La rose est de 1280 (H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à
+Reims</i>, p. 41).</p>
+
+<p><a id="footnote1434" name="footnote1434"></a><a href="#footnotetag1434">[1434]</a> Voir le sacre de David et celui de Louis XII, par un
+peintre inconnu, vers 1498, au Musée de Cluny.&mdash;H. Bouchot,
+<i>L'Exposition des Primitifs français. La peinture en France sous les
+Valois</i>, liv. II, planche C.</p>
+
+<p><a id="footnote1435" name="footnote1435"></a><a href="#footnotetag1435">[1435]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 126-127.&mdash;Hennebert, <i>Une lettre
+de Jeanne d'Arc aux Tournaisiens</i>, dans <i>Arch. hist. et litt. du Nord
+de la France et du Midi de la Belgique</i>, nouv. série, t. I, 1837, p.
+525.&mdash;Fac-similé dans l'<i>Album des Archives départementales</i>, n<sup>o</sup>
+123.</p>
+
+<p><a id="footnote1436" name="footnote1436"></a><a href="#footnotetag1436">[1436]</a> Morosini, t. III, pp. 82, 83.&mdash;Eberhard Windecke, p.
+61, note 9, et p. 108.&mdash;Christine de Pisan, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+416.&mdash;Jorga, <i>Notes et extraits pour servir à l'histoire des croisades
+au <span class="smcap">XV</span><sup>e</sup> siècle</i>, Paris, 1899-1902, 3 vol. in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1437" name="footnote1437"></a><a href="#footnotetag1437">[1437]</a> <i>Mémoires du Pape Pie II</i>, dans <i>Procès</i>, t. IV, pp.
+514, 515.&mdash;Morosini, t. III, p. 190.</p>
+
+<p><a id="footnote1438" name="footnote1438"></a><a href="#footnotetag1438">[1438]</a> <i>Procès</i>, t. IV, pp. 514, 515.&mdash;Monstrelet, t. IV, p.
+340.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, p. 37.&mdash;Lettre de trois
+gentilshommes angevins, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 130.&mdash;Troisième compte
+de Jean Abonnel, dans De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II,
+p. 404, n<sup>o</sup> 3.</p>
+
+<p><a id="footnote1439" name="footnote1439"></a><a href="#footnotetag1439">[1439]</a> Lettre de trois gentilshommes angevins, dans <i>Procès</i>,
+t. V, p. 130.</p>
+
+<p><a id="footnote1440" name="footnote1440"></a><a href="#footnotetag1440">[1440]</a> Le 20 ou le 21.&mdash;Monstrelet, t. IV, pp. 348 et
+suiv.&mdash;De Beaucourt, <i>Histoire de Charles VII</i>, t. II, pp. 404 et
+suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1441" name="footnote1441"></a><a href="#footnotetag1441">[1441]</a> Fauquembergue, dans <i>Procès</i>, t. IV, p. 455.&mdash;<i>Journal
+d'un bourgeois de Paris</i>, pp. 240, 241.&mdash;Stevenson, <i>Letters and
+Papers</i>, t. II, pp. 101 et suiv.&mdash;Rymer, <i>F&oelig;dera</i>, t. IV, part. IV,
+p. 150.</p>
+
+<p><a id="footnote1442" name="footnote1442"></a><a href="#footnotetag1442">[1442]</a> Archives de Reims, Compte des deniers patrimoniaux, t.
+I, années 1428-29.&mdash;<i>Procès</i>, t. V, p. 141.&mdash;Monstrelet, t. IV, p.
+339.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d Arc à Reims</i>, p. 51.</p>
+
+<p><a id="footnote1443" name="footnote1443"></a><a href="#footnotetag1443">[1443]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 199.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 323.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 97.&mdash;<i>Journal du siège</i>,
+p. 114.&mdash;Martial d'Auvergne, <i>Vigiles</i>, t. I, p. 111.</p>
+
+<p><a id="footnote1444" name="footnote1444"></a><a href="#footnotetag1444">[1444]</a> <i>Gallia Christ.</i> IX, pp. 239, 51.&mdash;Le Poulle, <i>Notice
+sur Corbeny, son prieuré, et le pèlerinage de Saint-Marcoul</i>,
+Soissons, 1883, in-8<sup>o</sup>.&mdash;E. de Barthélemy, <i>Notice historique sur le
+pèlerinage de Saint-Marcoul et Corbeny</i>, dans <i>Ann. Soc. Acad. de
+Saint-Quentin</i>, 1878.</p>
+
+<p><a id="footnote1445" name="footnote1445"></a><a href="#footnotetag1445">[1445]</a> A. Du Laurent, <i>De mirabili strumas sanandi vi solis
+regibus Galliarum christianissimis divinitus concessa liber</i>, Paris,
+1607, in-8<sup>o</sup>.&mdash;Cerf, <i>Du toucher des écrouelles par le roi de France</i>,
+dans <i>Trav. Acad. de Reims</i>, 1865-1867.&mdash;Dom Marlot, <i>Histoire de la
+ville de Reims</i>, t. III, pp. 196 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1446" name="footnote1446"></a><a href="#footnotetag1446">[1446]</a> G. Leber, <i>Des cérémonies du sacre</i>, p. 459.</p>
+
+<p><a id="footnote1447" name="footnote1447"></a><a href="#footnotetag1447">[1447]</a> L'abbé J.-B. Thiers, <i>Traité des superstitions selon
+l'Écriture sainte</i>, Paris, 1697, t. I, pp. 518-519.</p>
+
+<p><a id="footnote1448" name="footnote1448"></a><a href="#footnotetag1448">[1448]</a> Perceval de Cagny, p. 160.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+pp. 323-324.&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, p. 98.&mdash;<i>Journal du
+siège</i>, p. 115.&mdash;<i>Chronique des Cordeliers</i>, fol. 486 r<sup>o</sup>.&mdash;Morosini,
+t. III, p. 182, note 3.</p>
+
+<p><a id="footnote1449" name="footnote1449"></a><a href="#footnotetag1449">[1449]</a> Bréhal, dans <i>Procès</i>, t. III, p. 345.</p>
+
+<p><a id="footnote1450" name="footnote1450"></a><a href="#footnotetag1450">[1450]</a> <i>Journal du siège</i>, pp. 16, 88.&mdash;<i>Chronique de
+l'établissement de la fête</i>, dans <i>Procès</i>, t. V, p. 296.&mdash;Lottin,
+<i>Récits historiques sur Orléans</i>, t. I, p. 279.</p>
+
+<p><a id="footnote1451" name="footnote1451"></a><a href="#footnotetag1451">[1451]</a> <i>Procès</i>, t. IV, pp. 282, 283.</p>
+
+<p><a id="footnote1452" name="footnote1452"></a><a href="#footnotetag1452">[1452]</a> La délivrance d'Orléans annoncée de Bruges à Venise le
+10 mai (Morosini, t. III, pp. 23-24).</p>
+
+<p><a id="footnote1453" name="footnote1453"></a><a href="#footnotetag1453">[1453]</a> <i>Procès</i>, t. V, pp. 123, 139, 145, 147, 156, 159,
+161.</p>
+
+<p><a id="footnote1454" name="footnote1454"></a><a href="#footnotetag1454">[1454]</a> Morosini, t. III, pp. 60, 61.</p>
+
+<p><a id="footnote1455" name="footnote1455"></a><a href="#footnotetag1455">[1455]</a> Saint-Vincent Ferrier; Saint-Bernardin de Sienne.</p>
+
+<p><a id="footnote1456" name="footnote1456"></a><a href="#footnotetag1456">[1456]</a> <i>Procès</i>, t. III, p. 88.</p>
+
+<p><a id="footnote1457" name="footnote1457"></a><a href="#footnotetag1457">[1457]</a> Eberbard Windecke, pp. 52-53.&mdash;Cf. La déposition du
+duc d'Alençon, <i>Procès</i>, t. III, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote1458" name="footnote1458"></a><a href="#footnotetag1458">[1458]</a> L. Delisle, <i>Un nouveau témoignage relatif à la
+mission de Jeanne d'Arc</i>, dans <i>Bibliothèque de l'École des Chartes</i>,
+t. XLVI, p. 649.&mdash;Le P. Ayrolles, <i>La Pucelle devant l'Église de son
+temps</i>, pp. 57-58.</p>
+
+<p><a id="footnote1459" name="footnote1459"></a><a href="#footnotetag1459">[1459]</a> Grellier de la Chambre des comptes de Brabant, dans
+<i>Procès</i>, t. IV, p. 426.</p>
+
+<p><a id="footnote1460" name="footnote1460"></a><a href="#footnotetag1460">[1460]</a> Morosini, t. III, pp. 38, 46, 61.</p>
+
+<p><a id="footnote1461" name="footnote1461"></a><a href="#footnotetag1461">[1461]</a> Morosini, t. III, pp. 64-65.</p>
+
+<p><a id="footnote1462" name="footnote1462"></a><a href="#footnotetag1462">[1462]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 144 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1463" name="footnote1463"></a><a href="#footnotetag1463">[1463]</a> Morosini, t. III, pp. 150, 153.</p>
+
+<p><a id="footnote1464" name="footnote1464"></a><a href="#footnotetag1464">[1464]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, pp. 166, 167.</p>
+
+<p><a id="footnote1465" name="footnote1465"></a><a href="#footnotetag1465">[1465]</a> Fragment d'une lettre sur des prodiges advenus en
+Poitou, dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 121-122.&mdash;<i>Relation du greffier de La
+Rochelle</i>, <i>op. cit.</i>, p. 343.</p>
+
+<p><a id="footnote1466" name="footnote1466"></a><a href="#footnotetag1466">[1466]</a> Morosini, t. III, p. 78, note I.&mdash;Eberhard Windecke,
+<i>passim</i>.&mdash;Fauché-Prunelle, <i>Lettres tirées des Archives de Grenoble</i>,
+dans <i>Bull. Acad. delph.</i>, t. II, 1847, 1849, pp. 459, 460.&mdash;Lettre
+écrite par les agents d'une ville allemande, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+347.&mdash;Lettre de Jean Desch, secrétaire de la ville de Metz, <i>ibid.</i>,
+pp. 352, 355.</p>
+
+<p><a id="footnote1467" name="footnote1467"></a><a href="#footnotetag1467">[1467]</a> Lettres de Perceval de Boulainvilliers au duc de
+Milan, dans <i>Procès</i>, t. V, pp. 114, 116.</p>
+
+<p><a id="footnote1468" name="footnote1468"></a><a href="#footnotetag1468">[1468]</a> Poème anonyme sur l'arrivée de la Pucelle et la
+délivrance d'Orléans, <i>Procès</i>, t. V, p. 27, vers 70 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1469" name="footnote1469"></a><a href="#footnotetag1469">[1469]</a> Lettre de Perceval de Boulainvilliers, dans <i>Procès</i>,
+t. V, p. 116.</p>
+
+<p><a id="footnote1470" name="footnote1470"></a><a href="#footnotetag1470">[1470]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 116, 192.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 273.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 47.&mdash;Jean Chartier,
+<i>Chronique</i>, t. I, p. 67.&mdash;<i>Relation du greffier de La Rochelle</i>, pp.
+336, 337.&mdash;Martial d'Auvergne, <i>Vigiles</i>, t. I, p. 96.</p>
+
+<p><a id="footnote1471" name="footnote1471"></a><a href="#footnotetag1471">[1471]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 103, 116, 209 et
+<i>passim</i>.&mdash;<i>Journal du siège</i>, p. 48.&mdash;Th. Basin, <i>Histoire de Charles
+VII</i>, t. I, p. 68.&mdash;<i>Mirouer des femmes vertueuses</i>, dans <i>Procès</i>, t.
+IV, p. 271.&mdash;Pierre Sala, <i>ibid.</i>, p. 280.&mdash;Morosini, t. III, p.
+104.&mdash;Eberhard Windecke, p. 153.</p>
+
+<p><a id="footnote1472" name="footnote1472"></a><a href="#footnotetag1472">[1472]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 294.&mdash;<i>Chronique de
+l'établissement de la fête</i> dans <i>Procès</i>, t. V, p. 294.</p>
+
+<p><a id="footnote1473" name="footnote1473"></a><a href="#footnotetag1473">[1473]</a> <i>AA. SS.</i>, 3 avril.&mdash;Didron, <i>Iconographie
+chrétienne</i>, pp. 438-439.&mdash;Alba Mignati, <i>Sainte Catherine de Sienne</i>,
+p. 16.</p>
+
+<p><a id="footnote1474" name="footnote1474"></a><a href="#footnotetag1474">[1474]</a> Eberhard Windecke, p. 103.</p>
+
+<p><a id="footnote1475" name="footnote1475"></a><a href="#footnotetag1475">[1475]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 116-117.</p>
+
+<p><a id="footnote1476" name="footnote1476"></a><a href="#footnotetag1476">[1476]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 55, 84 et suiv., 133, 174, 232,
+251, 252, 254, 331; t. III, pp. 99, 205, 254, 257 et
+<i>passim</i>.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 34, 44, 45, 48.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, pp. 212, 295.&mdash;Perceval de Cagny, p. 141.&mdash;Monstrelet, t.
+IV, p. 320.&mdash;Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 143.&mdash;Le Greffier de la
+Chambre des comptes de Brabant, dans <i>Procès</i>, t. IV, p.
+426.&mdash;<i>Chronique de Tournai</i> (t. III du <i>Recueil des Chroniques de
+Flandre</i>), p. 411.&mdash;Morosini, t. III, p. 121.</p>
+
+<p><a id="footnote1477" name="footnote1477"></a><a href="#footnotetag1477">[1477]</a> Morosini, t. III, p. 57.</p>
+
+<p><a id="footnote1478" name="footnote1478"></a><a href="#footnotetag1478">[1478]</a> Déposition du frère Pasquerel, dans <i>Procès</i>, t. III,
+p. 102.</p>
+
+<p><a id="footnote1479" name="footnote1479"></a><a href="#footnotetag1479">[1479]</a> Poème anonyme sur la Pucelle, dans <i>Procès</i>, t. V, p.
+39, vers 105 et suiv.</p>
+
+<p><a id="footnote1480" name="footnote1480"></a><a href="#footnotetag1480">[1480]</a> Dépositions de J. Luillier et de frère Pasquerel, dans
+<i>Procès</i>, t. III, pp. 25, 108.</p>
+
+<p><a id="footnote1481" name="footnote1481"></a><a href="#footnotetag1481">[1481]</a> <i>La légende dorée</i>, vie de Saint Ambroise.</p>
+
+<p><a id="footnote1482" name="footnote1482"></a><a href="#footnotetag1482">[1482]</a> Abbé J.-Th. Bizouard, <i>Histoire de sainte Colette et
+des clarisses en Franche-Comté, d'après des documents inédits et des
+traditions locales</i>, Paris, 1888, in-8<sup>o</sup>.</p>
+
+<p><a id="footnote1483" name="footnote1483"></a><a href="#footnotetag1483">[1483]</a> Morosini, t. III, pp. 148, 156.&mdash;Eberhard Windecke,
+pp. 103, 105, 187.&mdash;Noël Valois, <i>Un nouveau témoignage sur Jeanne
+d'Arc</i>, p. 17.</p>
+
+<p><a id="footnote1484" name="footnote1484"></a><a href="#footnotetag1484">[1484]</a> Lanéry d'Arc, <i>Mémoires et consultations</i>, pp. 220,
+222.&mdash;Théodore de Leliis, dans <i>Procès</i>, t. II, pp. 39, 42.&mdash;Le P.
+Ayrolles, <i>La Pucelle devant l'Église de son temps</i>, p. 342.&mdash;Abbé
+Hyacinthe Chassagnon, <i>Les voix de Jeanne d'Arc</i>, Lyon, 1896, in-8<sup>o</sup>,
+pp. 312, 313.</p>
+
+<p><a id="footnote1485" name="footnote1485"></a><a href="#footnotetag1485">[1485]</a> Eberhard Windecke, pp. 138 et suiv.&mdash;Morosini, t. III.
+pp. 62-63.</p>
+
+<p><a id="footnote1486" name="footnote1486"></a><a href="#footnotetag1486">[1486]</a> <i>Procès</i>, t. III, pp. 422 et suiv., pp. 433, 434, 465;
+t. V, pp. 475, 476.</p>
+
+<p><a id="footnote1487" name="footnote1487"></a><a href="#footnotetag1487">[1487]</a> <i>Journal du siège</i>, p. 44.&mdash;<i>Chronique de la Pucelle</i>,
+p. 272.</p>
+
+<p><a id="footnote1488" name="footnote1488"></a><a href="#footnotetag1488">[1488]</a> Eberhard Windecke, p. 117.</p>
+
+<p><a id="footnote1489" name="footnote1489"></a><a href="#footnotetag1489">[1489]</a> Eberhard Windecke, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1490" name="footnote1490"></a><a href="#footnotetag1490">[1490]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 146.</p>
+
+<p><a id="footnote1491" name="footnote1491"></a><a href="#footnotetag1491">[1491]</a> Eberhard Windecke, p. 97.</p>
+
+<p><a id="footnote1492" name="footnote1492"></a><a href="#footnotetag1492">[1492]</a> <i>Procès</i>, t. I, pp. 76, 234.&mdash;<i>Chronique de la
+Pucelle</i>, p. 277&mdash;Jean Chartier, <i>Chronique</i>, t. I, pp. 69,
+70.&mdash;<i>Journal du siège</i>, pp. 49, 50.&mdash;<i>Relation du greffier de La
+Rochelle</i>, pp. 337-338.&mdash;Morosini, t. III, pp. 108-109.&mdash;Abbé
+Bourassé, <i>Les miracles de madame Sainte Katerine</i>, Introduction.</p>
+
+<p><a id="footnote1493" name="footnote1493"></a><a href="#footnotetag1493">[1493]</a> Morosini, t. III, pp. 160, 163.</p>
+
+<p><a id="footnote1494" name="footnote1494"></a><a href="#footnotetag1494">[1494]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 91.</p>
+
+<p><a id="footnote1495" name="footnote1495"></a><a href="#footnotetag1495">[1495]</a> Dom Marlot, <i>Histoire de l'église de Reims</i>, t. IV, p.
+175.&mdash;H. Jadart, <i>Jeanne d'Arc à Reims</i>, appendice XVII.</p>
+
+<p><a id="footnote1496" name="footnote1496"></a><a href="#footnotetag1496">[1496]</a> <i>Procès</i>, t. I, p. 104.</p>
+</div>
+
+
+<div class="p4 tn">
+<p>Note au lecteur de ce fichier digital:</p>
+
+<p>Ainsi que dans le livre original, les références de quelques notes de
+fin de page sont incomplètes.</p>
+
+<p>Certaines pages étaient manquantes lors de la création de ce fichier,
+et n'ont été rajoutées que plus tard. De ce fait, le numéro de
+certaines notes de fin de pages n'est pas séquentiel (ex: 54, 54a,
+etc.).</p>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Vie de Jeanne d'Arc, by Anatole France
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK VIE DE JEANNE D'ARC ***
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+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
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+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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