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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 04:49:22 -0700
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+The Project Gutenberg EBook of La Pantoufle de Sapho
+by Leopold Ritter von Sacher-Masoch
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: La Pantoufle de Sapho
+
+Author: Leopold Ritter von Sacher-Masoch
+
+Translator: D. Dolorès
+
+Release Date: September 4, 2005 [EBook #16649]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO ***
+
+
+
+
+Produced by Miranda van de Heijning, Melissa Er-Raqabi and
+the Online Distributed Proofreading Team at
+https://www.pgdp.net. This file was produced from images
+generously made available by the Bibliothèque nationale
+de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.
+
+
+
+
+
+La Pantoufle
+de
+Sapho
+
+& Autres Contes
+
+CHARLES CARRINGTON,
+Libraire-Éditeur
+13, Faubourg Montmartre, Paris
+
+
+
+
+Transcriber's Notes:
+--All instances of oe should be read as a ligature, except in the name Goetz.
+--[*] indicates a missing word or probable typo in the text.
+--Other possible typos have been left as found in the original.
+--This is only one story from the collection named on the title page.
+ Some other stories were culled from the same collection and can also
+ be found at Project Gutenberg.
+
+
+
+
+
+
+SACHER MASOCH
+
+L'AMOUR CRUEL A TRAVERS LES AGES
+
+LA
+PANTOUFLE DE SAPHO
+et autres Contes
+
+Traduit par D. DOLORÈS
+
+[Illustration]
+
+PARIS
+CHARLES CARRINGTON, LIBRAIRE-ÉDITEUR
+13, FAUBOURG MONTMARTRE, 13
+
+1907
+
+
+
+
+LA PANTOUFLE DE SAPHO
+(1859)
+
+
+
+
+[Illustration]
+
+LA PANTOUFLE DE SAPHO
+
+(1859)
+
+
+L'hiver de 1859 étendait son blanc et floconneux tapis de neige sur les
+remparts de la joyeuse capitale autrichienne et, aux environs, sur les
+coupoles du Kahlenberg et du Leopoldsberg. Le monde brillant et
+aristocratique était rentré des eaux et de ses terres, et l'on
+s'amusait, dans les salons privés, ainsi qu'aux lieux de réjouissances
+publiques, simplement et gaîment, comme cela n'était guère possible,
+alors, que dans la ville impériale, résidence de l'empereur Franz.
+
+Mais le point culminant des distractions et des plaisirs, comme de
+l'intérêt artistique et littéraire, était encore et toujours le
+Burgthéâtre, institution populaire au sens le plus élevé, où les
+aspirations idéales de l'élite de la nation se joignaient aux efforts
+les plus nobles, car une censure hautement sagace rognait les ailes
+fougueuses du Pégase autrichien, et la vie politique n'agitait encore
+que la Hongrie avoisinante, ne se manifestant guère que par les paroles,
+les chansons et les actes des compagnonnages allemands et de quelques
+étudiants des universités de Vienne ou de Prague.
+
+Entre le public et les acteurs, régnait une véritable intimité, car les
+Viennois de cette époque ne se contentaient pas d'admirer l'artiste sur
+la scène; ils le suivaient dans sa vie journalière et jusque dans sa
+demeure, non pour épier un scandale et s'amuser des vices des
+protagonistes chargés d'incarner les rêves héroïques ou spirituels des
+poètes, comme cela a lieu de nos jours, mais avec le naïf désir de voir
+la pâle Louise assise à sa table à thé, d'entendre la rêveuse Charlotte
+potiner en buvant du café, de surprendre la fière princesse Eboli en
+train de tricoter des bas ou le vaillant chevalier Goetz de faire sa
+partie de tarok. Le public viennois était au courant de tout ce qui se
+passait derrière les coulisses. Il connaissait le nom de chaque
+adorateur de la Stich; il savait toujours, à n'en pas douter, quel soir
+Korn était plus rauque que de coutume et en quel lieu il avait bu le
+champagne responsable, et, lorsqu'enfin Sophie Schroeder monta, tel un
+soleil, au firmament de l'art dramatique, faisant pâlir toutes les
+étoiles, il ne tomba pas une épingle dans le boudoir de la tragédienne
+sans que le Tout-Vienne en fût informé, depuis le chancelier d'Etat
+jusqu'à l'apprenti cordonnier, depuis le cocher de fiacre jusqu'à
+l'empereur.
+
+L'intérêt que prenait la ville entière à la personnalité de Sophie était
+de nature exclusivement artistique, bien que partant d'un sentiment très
+humain, car la Schroeder n'était ni belle ni même élégante.
+
+Mais, quand elle paraissait drapée à la grecque, sur les planches, quand
+sa superbe voix laissait tomber les ondes mélodiques de la langue
+rythmée, quand son génie invoquait des figures d'une vérité saisissante
+et d'une dignité surhumaine, elle entraînait les coeurs, comme jamais
+aucune artiste ne l'avait fait. A ces moments, elle devenait belle,
+d'une beauté antique et qu'on eût crue sortie d'un sarcophage ancien.
+
+Sophie n'était pas grande, mais elle avait ce port de tête imposant que
+possédait avant elle l'auteur du _Faust_, et qui la faisaient paraître
+plus haute qu'elle ne l'était en réalité.
+
+Il n'était pas une grande dame, pas une souveraine, qui ne lui eussent
+envié sa distinction native et l'empire qu'elle exerçait sur les
+mortels. Elle semblait née pour voir un peuple à ses pieds, tant son
+regard était dominateur.
+
+Sa situation matérielle eût pu être brillante, mais ne l'était point,
+parce qu'en vraie fille de l'art, la Schroeder n'entendait rien aux
+choses pratiques, et sa délicatesse s'opposait à ce qu'elle se laissât
+entourer, par ses adorateurs, de ce luxe princier que possèdent de nos
+jours les plus insignifiantes comédiennes.
+
+Sophie avait une idée trop haute de l'amour, de l'art et
+d'elle-même,--surtout d'elle-même,--pour se faire payer ses faveurs avec
+des diamants. Si elle souriait à un homme, ce sourire partait du
+coeur, et si elle consentait à l'enivrer, elle voulait être elle-même
+heureuse de toute son âme. La courtisanerie qui engendre le dégoût et
+dont, à l'heure actuelle, souffre et se meurt l'art dramatique, lui
+était complètement inconnue.
+
+Il était donc naturel que, ses fiers sourcils ayant décoché une fois de
+plus les flèches d'amour dans un coeur, elle fût la dernière à en être
+informée. On se chuchotait la nouvelle dans les loges, on en parlait
+dans les fauteuils, on en riait en se poussant du coude, au parterre et
+aux galeries, alors qu'elle-même ne savait rien encore du noble captif
+qu'elle avait fait.
+
+En l'année 1859, le public du Burgthéâtre remarqua un jeune homme qui,
+chaque soir où la Schroeder jouait, occupait le fauteuil du coin de
+gauche au premier rang, dont le regard, sitôt qu'elle paraissait,
+s'attachait avec une émotion fiévreuse à tous ses mouvements, et dont
+l'enthousiasme était si entraînant que, maintes fois, il oubliait les
+lois du théâtre pour applaudir au milieu d'une scène. Tout Vienne savait
+depuis longtemps que c'était un prince polonais, colossalement riche et
+épris d'une délirante passion pour la tragédienne, avant que la
+Schroeder se doutât seulement de l'existence de cet heureux
+malheureux.
+
+Un jour qu'elle attendait en scène le commencement du premier acte,
+Sophie remarqua quelques comédiennes qui examinaient la salle à travers
+le trou du rideau, et entendit le colloque suivant:
+
+--Le voilà encore.
+
+--Qui cela?
+
+--Le soupirant muet de la Schroeder.
+
+La Schroeder s'approcha pour mieux écouter.
+
+--Fais-le-moi voir. Où donc est-il?
+
+--Là, dans le coin de gauche, au premier rang.
+
+La Schroeder, cette fois, en savait assez et, quand le rideau fut
+levé, elle profita d'une réplique, pour chercher des yeux l'inconnu.
+
+Quinze jours se passèrent avant qu'elle n'apprît son nom. Il était
+effectivement polonais et fort riche, mais il n'était point prince, un
+simple gentilhomme, Félicien de Wasilewski.
+
+Depuis ce jour, Sophie le remarqua chaque fois qu'elle jouait, et elle
+apprit que, tout aussi régulièrement, il demeurait absent quand elle ne
+jouait point.
+
+Au bout de peu de temps, une entente tacite s'établit entre la
+tragédienne et son admirateur. En entrant en scène, son premier regard
+était pour lui, de même son dernier coup d'oeil avant de sortir. Si
+une tirade lui réussissait particulièrement, le Polonais hochait
+imperceptiblement la tête et ce léger mouvement n'échappait point à
+l'artiste. Quand, à l'issue de la représentation, elle montait dans le
+carrosse du Burgthéâtre, surnommé ironiquement le _Chariot de Thespis_
+parce qu'il résonnait avec un bruit de ferraille sur le pavé cahoteux de
+l'antique ville, le Polonais se trouvait à la porte de sortie, la
+dévorant de ses yeux ardents, bien qu'il ne pût apercevoir d'elle que le
+bout de son nez, tout le reste étant emmitouflé de fourrures et de
+voiles.
+
+Un soir qu'elle venait de remplir un de ses meilleurs rôles, elle était
+assise et prête à fermer la portière, quand une superbe couronne de
+lauriers vint s'abattre à ses pieds.
+
+Le Polonais la lui avait jetée et s'était aussitôt enfui.
+
+Ce mystérieux et craintif hommage, en ce lieu solitaire et sous le
+couvert de la nuit, toucha le coeur sensible et poétique de la
+tragédienne plus que les ovations bruyantes et impétueuses à la lumière
+des lustres et dans la salle comble.
+
+La Schroeder commença à s'intéresser au jeune homme et à se demander
+si elle pourrait l'aimer?
+
+Une autre fois, le dégel était survenu; des cascades ruisselaient des
+gouttières et des torrents mugissaient le long des trottoirs. La
+Schroeder hésitait à enjamber les flaques d'eau qui la séparaient du
+lourd véhicule. Le Polonais fut aussitôt sur place, étendit son manteau
+sur le pavé, et elle put atteindre sa voiture, les pieds secs.
+
+Cet exploit chevaleresque remplit de joie l'artiste, mais quand elle se
+pencha pour remercier son cavalier-servant, celui-ci, ramassant son
+manteau, s'était éclipsé.
+
+ * * * * *
+
+Grillparzer que son drame romantique de l'_Aïeule_ avait placé parmi les
+dramaturges favoris de l'Allemagne, au temps où la tragédie du Destin
+empruntée au théâtre espagnol, était de mode comme, de nos jours, le
+drame d'adultère français, venait de confier au Burgthéâtre une nouvelle
+pièce, intitulée _Sapho_. Quittant les abruptes sentiers romantiques, il
+reprenait la large voie classique où Schiller et Goethe, après plus d'un
+écart, s'étaient également retrouvés. Le rôle de Sapho avait été écrit,
+non à la manière de nos ouvriers modernes, qui ajustent leurs rôles sur
+les acteurs, comme un tailleur ajuste un costume,--Grillparzer était
+poète dans l'âme et c'est du fond de son être qu'il tirait ses
+héros--mais, pas plus que le reste du monde, il ne pouvait échapper à la
+puissante influence de la Schroeder, ni se dérober à l'impression
+grandiose qu'elle produisait, et le rôle de son héroïne avait pris, à
+son insu, les traits et l'allure de la tragédienne à qui naturellement
+il incombait.
+
+Le matin de la répétition de lecture, tandis que la pure et idéale
+diction de Sophie enthousiasmait ses camarades et remplissait le coeur
+modeste de l'auteur d'un glorieux espoir dans [*] succès futur, au coin
+de la place Saint-Michel et du marché aux choux, se tenait une femme
+pauvrement vêtue, qui cachait son visage sous le fichu passé sur sa
+tête. Elle semblait avoir honte, pourtant elle ne mendiait point et se
+serrait, inquiète, contre la muraille, en tremblant de tous ses membres,
+car il faisait un froid impitoyable et elle ne portait qu'une robe d'été
+rapiécée sous son vieux fichu.
+
+Pourtant elle ne mendiait point. Elle n'essayait même pas de tendre la
+main quand un grand seigneur ou une élégante dame, confortablement
+emmitouflés de fourrure, passaient auprès d'elle. Aussi, personne ne la
+remarquait, pas même le sergent de ville qui faisait les cent pas non
+loin de là.
+
+La pauvre vieille, plus morte que vive, ressemblait à une de ces statues
+de pierre que le pieux Moyen Age incrustait dans les murailles de ses
+églises en souvenir des défunts. Elle était tout aussi muette et privée
+de mouvement. Mais, quand les comédiens, après la répétition, sortirent
+par la petite porte du théâtre et se répandirent sur la place, une
+violente commotion fit tressaillir le corps de la pauvresse. Elle
+soupira et sa tremblante main, raidie par le froid, serra plus fort
+contre son visage ravagé par l'affliction, le fichu qui le couvrait.
+
+Les acteurs se séparèrent au milieu de la place en échangeant d'aimables
+saluts, et Sophie Schroeder se dirigea seule vers l'endroit où
+tremblait la vieille. Elle traversait le marché pour se rendre au Graben
+et, l'esprit tout rempli de son rôle, allait passer, comme tout le
+monde, si un hasard ne l'eût arrachée à ses pensées et attiré son
+attention.
+
+--Vous perdez quelque chose, lui dit une voix rauque qui semblait brisée
+et dont, cependant, le timbre lui parut familier.
+
+Se retournant, elle vit la main décharnée de la vieille lui tendant le
+rôle qu'elle avait laissé glisser de son manchon.
+
+Sophie Schroeder, surprise, considéra la pauvre femme.
+
+--Qu'avez-vous? lui dit-elle de sa merveilleuse voix, vous paraissez
+bien pauvre et malheureuse. Pourquoi me cachez-vous votre visage comme
+s'il m'était connu?
+
+La vieille femme étouffa un sanglot et voulut s'éloigner. La
+Schroeder, de son bras robuste, la retint et, doucement, écarta le
+fichu.
+
+--Mon Dieu, balbutia-t-elle en découvrant le visage défait, c'est vous,
+ma chère Muller? Vous, dans cette situation? Dois-je trouver la belle
+artiste, aux pieds de qui se prosternaient les comtes et les princes,
+réduite ... à mendier!
+
+--Je n'ai pas mendié, murmura la vieille, tandis que des larmes
+brûlantes coulaient le long de ses joues émaciées. Je suis seulement
+restée debout dans ce coin.
+
+»C'est la première fois, j'avais si affreusement faim, mais personne ne
+m'a rien donné et je mourrais plutôt que de recommencer.
+
+--Je ne veux pas que vous recommenciez, s'écria Sophie. C'est moi qui
+vais ...
+
+La tragédienne ouvrit sa bourse, mais l'intérieur de cette bourse
+offrait un spectacle bien triste ou bien risible, comme on voudra. La
+grande Sophie eut de la peine à rassembler vingt kreuzer, qu'elle glissa
+dans la main de la vieille tout en lui montrant sa bourse vide.
+
+--Voyez, chère Muller, je ne possède rien moi-même. Il n'en va pas
+autrement avec nous autres comédiens, si quelques marchands ne me
+faisaient crédit, je serais souvent bien embarrassée pour m'habiller.
+Mais cette bagatelle ne vous tire pas d'affaire.
+
+--Mais si, mais si, murmura la comédienne en serrant la main de sa
+camarade.
+
+--Non, non, il vous faut beaucoup plus. Comment ferons-nous?
+
+Sophie se mit à réfléchir. Des badauds de tous rangs s'étaient
+rassemblés autour des deux femmes, car la curiosité des Viennois est
+notoire. Tout à coup, la Schroeder fendit le groupe. Une belle et
+heureuse inspiration venait d'illuminer sa physionomie d'habitude
+austère. Elle entra précipitamment dans une boutique de confiseur et en
+revint, une assiette à la main. C'est moi qui mendirai[*] pour vous,
+Muller, dit-elle avec ce sourire qui lui ouvrait tous les coeurs.
+
+Effectivement, elle se plaça à côté de la vieille actrice et tendit
+l'assiette.
+
+--Une aumôme[*] pour une malheureuse, je vous prie, la charité pour une
+pauvre comédienne âgée.
+
+En quelques secondes, l'assiette se couvrit de pièces d'argent et de
+cuivre de toutes sortes. Mais cela ne satisfit pas la quêteuse. Quand
+Sophie se mêlait de quelque chose, elle voulait que ce fût bien, et elle
+ne se lassa pas de prier et de tendre l'assiette. Les passants, qui
+apercevaient la Schroeder, dans sa pelisse brune bien connue, entourée
+d'une foule de curieux, s'arrêtaient et se frayaient un chemin jusqu'à
+elle. Grands seigneurs et grandes dames jouaient des coudes et se
+mêlaient à la foule, pour le plaisir de déposer une bank-note dans
+l'assiette que tenait la main de la célèbre femme, jusqu'au policier,
+qui approcha, les sourcils froncés, et s'effaça en reconnaissant la
+Schroeder.
+
+--La mendicité est interdite sous peine d'amende, grommela-t-il
+respectueusement dans sa moustache noire, mais non aux comédiens
+impériaux et royaux.
+
+--Mon Dieu, que vous êtes bonne, soupira la vieille. Que Dieu vous le
+rende! moi je ne le puis, c'est trop, beaucoup trop.
+
+Enfin la Schroeder elle-même se déclara satisfaite. Elle souleva le
+pan du fichu de la vieille et, d'un geste hardi, y jeta pêle-mêle les
+bank-notes, les pièces d'argent et les monnaies de cuivre, lorsqu'au
+moment de rapporter l'assiette, elle dut la tendre une fois encore: son
+adorateur, le gentilhomme polonais, surgit inopinément, la tête
+découverte, offrant un billet de 50 florins.
+
+Un regard rayonnant de la femme adorée fut sa récompense.
+
+--Cela suffira bien pour quelque temps, n'est-ce pas, Muller? dit la
+tragédienne en se tournant une dernière fois vers sa camarade. Puis, tu
+reviendras, n'oublie pas, Muller, promets-moi de ne pas oublier!
+
+Mais les badauds de Vienne n'abandonnèrent pas aussi facilement leur
+comédienne favorite. Ils l'escortèrent au delà du marché aux chevaux
+jusqu'au Graben, où elle dut se réfugier sous la voûte de la «Chatte»
+jusqu'à ce que la foule se fût dispersée.
+
+Chemin faisant, Sophie ne put s'empêcher de repenser au Polonais.
+
+«Il m'intéresse, s'avouait-elle. Il est beau, ses manières sont nobles
+et il a certainement bon coeur. Mais je ne suis pas dans l'âge où l'on
+recherche les adolescents!
+
+Il n'est pas assez viril, il lui manque d'être un homme et, à moi,
+d'être Sapho. Je pourrais difficilement l'aimer. Et lui? Espérons qu'il
+sera raisonnable et ne se jettera pas dans le Danube.»
+
+ * * * * *
+
+L'Autriche ne possédait encore, à ce moment, aucune littérature digne de
+ce nom et qui méritât de fixer l'attention de l'Europe. Les oeuvres
+dont on s'occupait dans la ville impériale, étaient d'importation
+étrangère, comme Frédéric Schlegel et Zacharie Werner. L'empereur Franz,
+qui eût volontiers entouré son trône nouvellement redoré après tant de
+difficultés et de luttes, de noms illustres et glorieux, témoigna une
+joie qui ne lui était pas habituelle en des circonstances de ce genre,
+en apprenant que l'auteur de l'oeuvre qui venait de triompher à la
+Burg, était un Autrichien. Il le fit venir dans sa loge, lui tapa
+familièrement sur l'épaule et prononça toutes sortes de paroles
+aimables, dans le débonnaire dialecte viennois. Mais lorsque,
+s'enquérant des conditions du poète, il apprit qu'il était
+fonctionnaire, l'Empereur arrêta net l'entretien et lui tourna le dos. A
+ses yeux, quand on servait l'Etat, écrire autre chose que des actes
+officiels constituait un délit. Aussi Grillparzer que la critique
+viennoise traitait sans bienveillance, n'eut, après comme avant,
+d'autres ressources que son talent et la faveur du public. Celle-ci,
+d'ailleurs, ne lui fut point ménagée; l'_Aïeule_ fut acclamée avant que
+les gazettes eussent eu le temps de formuler leur avis, et non moins
+chaudement après.
+
+C'est en ce public si avisé et si vibrant, que Grillparzer mit toute son
+espérance lors de la mise à l'étude de _Sapho_, paraissant deux ans
+après l'_Aïeule_, et sa foi fut non moins inébranlable en la puissance
+dramatique de la Schroeder. Il savait que non seulement elle ne
+trahirait aucune de ses intentions de poète, mais que la plénitude de
+son jeu et la majesté plastique de ses mouvements infuseraient la vie à
+son héroïne. Il allait voir l'artiste presque journellement et plus
+souvent encore pendant les jours qui précédèrent la représentation, non
+pour lui donner des conseils, mais pour puiser chez elle courage et
+confiance, le jeune auteur de 30 ans commençant déjà à souffrir de ce
+pessimisme artistique qui, plus tard, devait envenimer tous ses efforts
+et lui faire abandonner la lice.
+
+Quelques heures avant la première, Grillparzer se trouvait encore sur le
+petit canapé à fleurs du salon de Sophie, tandis que les affiches de la
+_Sapho_ s'étalaient sur tous les murs attirant les curieux qui faisaient
+cercle autour, et que les amateurs de théâtre suivaient impatiemment des
+yeux les aiguilles de leurs pendules. Le poète regardait la comédienne
+arranger, avec l'aide de Mlle Babette, des étoffes, dans le grand
+panier qui lui servait de garde-robe.
+
+--Mais, mon cher maître dit soudain l'actrice en se plaçant devant lui
+et en rejetant la tête en arrière, d'un mouvement qui lui était
+familier, je n'ai plus que faire de vous.
+
+--Vraiment? fit le poète, et il leva vers elle ses beaux yeux bleus
+suppliants. Puis, d'un ton résigné:--Alors il me faut partir.
+
+Grillparzer se leva en poussant un soupir, prit son chapeau et soupira
+de nouveau.
+
+La Schroeder lui tendit la main.
+
+--Je pars, dit-il en considérant cette main, mais--vous savez que je
+déteste le baise-main--je dois vous baiser la main. Si j'étais
+berlinois, je dirais que votre main est spirituelle, mais, en bon
+Viennois, je vous dis seulement: vous avez des menottes affriolantes.
+
+Il porta la main, qui paraissait sculptée dans de l'ivoire, à ses lèvres
+et partit.
+
+A peine la Schroeder se trouva-t-elle seule, qu'on frappa à la porte.
+
+La vieille comédienne, Mme Muller, entra timidement.
+
+--Mon Dieu, vous allez m'en vouloir de me présenter au moment d'une
+première. Je sais que ce n'est pas agréable et qu'on n'aime pas cela.
+J'ai été moi-même dans ce cas. Mais vous me pardonnerez, quand vous
+saurez que j'ai été bien malade et que je le suis encore, mais, quand
+j'ai appris qu'on jouait aujourd'hui une pièce nouvelle de l'auteur de
+l'_Aïeule_ et que c'est vous, divine Schroeder, qui créiez _Sapho_, je
+suis sautée de mon lit et accourue. Il faut que je vous voie jouer, il
+le faut. Ayez pitié de moi, donnez-moi une carte pour la galerie.
+
+La vieille levait des mains suppliantes.
+
+--Rassurez-vous, vous me verrez jouer, ma chère Muller, mais, avant
+tout, prenez une tasse de café bien chaud, cela vous fera du bien.
+
+La Schroeder força sa vieille camarade à prendre place sur le canapé,
+et la servit de ses propres mains.
+
+Pendant qu'elle était assise à humer le breuvage réconfortant et qu'un
+sourire de bonheur épanouissait ses vieux traits ridés, la Schroeder
+terminait ses préparatifs tout en causant.
+
+--Il est impossible que vous montiez à la galerie ce soir, je ne le
+permettrai pas. On s'y étouffera, vous pourriez vous trouver mal, la
+foule, la chaleur ... Le parterre doit être comble également, vous ne
+pourriez vous tenir debout et les sièges doivent être tous loués.
+
+Elle réfléchissait.
+
+--Savez-vous quoi? je vous emmène dans les coulisses au lieu de Babette,
+qui trouvera une place à l'orchestre où on la connaît bien.
+
+--Que vous êtes bonne!
+
+--Et où en est l'argent? poursuivit la tragédienne. Nous autres
+artistes en manquons toujours. Ainsi, parlez franc. Que vous faut-il? La
+maladie a tout absorbé?
+
+--Vous croyez cela? repartit la vieille en souriant. Oh non, je suis
+devenue très économe. Avec ce que je dois à votre générosité, je puis
+encore vivre le quart d'une année.
+
+La Schroeder avait ouvert son porte-monnaie et éclata de rire.
+
+--Voyez, dit-elle, joyeuse comme une enfant, je voulais vous gâter et ne
+possède rien moi-même. Vous êtes en ce moment plus riche que moi. Je
+donne à Babette ce qu'il lui faut pour tout le mois, une fois qu'elle
+l'a dans ses mains, je n'ai plus le droit d'y toucher; le reste passe
+par la fenêtre, je ne sais comment. L'important est que vous soyez
+momentanément à l'abri du besoin. Mais occupons-nous de l'avenir.
+
+--Divine amie, si je pouvais entreprendre un petit commerce, un tout
+petit commerce, soupira la vieille actrice.
+
+--Bon. Et combien faudrait-il? je n'en ai pas le moindre soupçon. Mille
+écus peut-être?
+
+La vieille femme eut presque une frayeur.
+
+--Mille écus? s'écria-t-elle, le dixième suffirait. Cent écus.
+
+--Vous les aurez, assura la Schroeder. Mais j'entends le vacarme de
+notre arche de Noé. Babette, donne-moi ma pelisse.
+
+D'un geste rapide, elle glissa dans la chaude fourrure et descendit
+majestueusement les marches de l'escalier. La vieille Muller suivit,
+toujours enveloppée de son fichu.
+
+Le Burgthéâtre était plein à s'étouffer, jusque dans les plus petits
+recoins. Un public de choix attendait avec une impatience fébrile le
+lever du rideau. Au premier rang, se tenait, à sa place accoutumée,
+Félicien Wasilewski, en proie à une agitation extraordinaire. Il se
+levait, se rasseyait, couvrait son visage de ses mains et déchirait son
+mouchoir de poche en mille petits morceaux. Enfin, la pièce commença. Le
+premier acte se passa dans l'habituel mouvement d'une salle trop pleine.
+Mais les mots du choeur: «Salut! Sapho, Salut!» eurent un effet
+magique. Il se fit un profond silence et tous les regards se tournèrent
+vers Sophie, faisant son entrée sur un char de triomphe, comme un être
+que la nature a créé pour dominer.
+
+Les modes gréco-romaines de ce temps permettaient à l'artiste une
+liberté d'habillement, telle que, de nos jours, on ne la concède qu'aux
+chanteuses d'opérettes. Une ample draperie blanche, retenue sur l'épaule
+par une agrafe en or massif, suivait de près le contour ferme et
+élastique des seins, laissant à découvert des bras superbes. Du côté
+gauche, tombait, le long de la hanche, un manteau écarlate brodé d'or.
+Séparée, au milieu du front, l'opulente chevelure se déroulait en
+anneaux le long des tempes et, retenue par un bandeau blanc tissé d'or
+formait un noeud de boucles sombres, qui retombaient sur la nuque.
+
+Félicien tressaillit en la voyant ainsi. Elle lui sembla presque
+terrible. Dans la majesté de ses formes, il y avait une puissance
+presque violente qui le terrassait, et son pied délicat chaussé de
+sandales d'or appelait son baiser plus impérieusement que jamais ne
+l'avaient fait la main blanche ou les lèvres rouges d'une femme. Mais,
+quand elle commença de parler, quand sa voix merveilleuse résonna,
+pareille tantôt à un son de cloches, tantôt à un murmure de harpe,
+lorsque dans chaque mouvement s'exprima la grande âme de la poétesse
+adorée du peuple et souveraine des coeurs rentrant victorieuse des
+jeux olympiques, Sapho lui parut être la divine Sophie elle-même, la
+femme fière et dominatrice, despotique en amour, comme en art. Il sentit
+alors combien follement il l'aimait, mais aussi à quel point le courage
+lui manquerait de jamais lui demander ses faveurs.
+
+Grillparzer et Sophie fêtèrent ce soir un triomphe complet et qui ne
+devait être surpassé que plus tard, lorsque, en Médée, la Schroeder
+pétrifia littéralement son auditoire par le mot trois fois répété:
+«Malheur»!
+
+C'est surtout à la tombée du rideau que les applaudissements devinrent
+délirants et, pendant que Sophie se voyait contrainte de paraître et de
+reparaître indéfiniment, le Polonais, saisi d'une idée subite, enjamba
+la rampe de l'orchestre et fut en quelques instants dans la rue.
+
+Mlle Babette était, comme toujours, rentrée la première à la maison,
+afin de s'occuper du thé que Sophie aimait à trouver tout fumant sur la
+table. Elle haletait en montant les marches de l'escalier et tâtonna en
+cherchant le trou de la serrure. Soudain, une main glacée s'empara de la
+sienne et elle sentit une ombre se dresser près d'elle.
+
+Mlle Babette en éprouva une telle frayeur que la voix lui manqua pour
+crier. En ces temps de romantisme et d'histoires de brigands,
+l'apparition d'un revenant était, pour une imagination exaltée par les
+pièces de théâtre et les romans, quelque chose de tout naturel.
+
+La gouvernante tremblait de tous ses membres et menaçait de s'évanouir.
+Heureusement, une formule pour conjurer les esprits lui revint en
+mémoire, et elle murmura d'une voix étouffée par l'angoisse:
+
+--Tous les bons esprits louent le Seigneur.
+
+--Je suis un très bon esprit, répondit une voix douce, et le Seigneur
+que je loue, s'appelle Sophie Schroeder.
+
+--Qui êtes-vous? questionna Fräulein Babette légèrement rassurée, et que
+me voulez-vous à cette heure?
+
+--Ouvrez d'abord, poursuivit l'invisible visiteur, et faites de la
+lumière, je m'expliquerai ensuite.
+
+--Mais je ne puis vous laisser entrer, soupira Mademoiselle, vous êtes
+peut-être....
+
+--_Rinaldo Rinaldini_ ou _Jaromir_ en personne? railla le noctambule.
+Tranquillisez-vous, je ne suis ni un brigand, ni un démon de l'enfer,
+ni même un simple revenant, seulement un enthousiaste adorateur de la
+divine Schroeder et de son talent.
+
+--Et vous venez si tard ...
+
+--Je le sais bien, mademoiselle Babette, mais il me faut vous parler, à
+vous seule. Ouvrez, au nom du ciel, sans quoi Sapho va revenir et tout
+serait perdu.
+
+Mlle Babette, se laissant enfin convaincre, ouvrit et chercha du feu. A
+la lumière douteuse d'une chandelle, elle reconnut le Polonais. Il se
+tenait devant elle, moitié gêné, moitié railleur, enveloppé d'un long
+manteau et tenant à la main une magnifique couronne de lauriers.
+
+--Ah! c'est vous, dit-elle. Et vous désirez que je remette cette
+couronne à la Schroeder?
+
+Elle étendait sa maigre main, pour la prendre.
+
+--Certainement, je le veux, mais ce n'est pas tout ce que j'ai à vous
+demander.
+
+--Parlez vite, car elle va venir, et il faut qu'elle trouve son thé
+prêt, sans quoi elle se fâchera.
+
+--Laissez-le-moi faire. Nous autres Polonais nous y entendons à la
+perfection. Je serai si heureux que la grande Sapho bût, ce soir, du
+thé préparé de ma main.
+
+--Nous n'avons pas le temps ...
+
+--Plus qu'il ne faut.
+
+Babette secoua la tête, puis se hâta de chercher ce qu'il fallait.
+
+--Au moins, entrez dans ma chambre, continua-t-elle, afin que je puisse
+vous faire sortir inaperçu. Par ici, monsieur le Comte.
+
+On donnait, en ce temps, le titre de comte à tous les Polonais
+indistinctement.
+
+Le jeune homme obéit et fit montre d'une véritable virtuosité à composer
+le breuvage ambré.
+
+Mlle Babette ne revenait pas de son étonnement. Tout en manipulant le
+samovar, il s'entretenait avec la gouvernante.
+
+--Donc, chère Mademoiselle, vous lui remettrez la couronne?
+
+--Certainement.
+
+--Et vous lui exprimerez toute ma fervente admiration pour son rôle
+d'aujourd'hui?
+
+--Oui, monsieur le Comte.
+
+--Elle a été insurpassable.
+
+--Grandiose!
+
+--Vous comprenez donc que je vénère votre maîtresse.
+
+--Je m'étonnerais du contraire.
+
+--Et vous comprenez que je l'aime, que je suis forcé de l'aimer, de
+l'adorer?
+
+--Si j'étais homme, je ferais comme vous.
+
+--Par conséquent, ma chère, ma bonne, mon angélique Mademoiselle,
+procurez-moi quelque chose que Sophie Schroeder ait porté, et si ce
+n'était qu'un simple ruban ayant reposé sur sa divine poitrine, je le
+conserverais comme un fétiche, un talisman, aussi longtemps que je
+vivrais et jusqu'à l'heure de ma mort.
+
+--C'est ce que je ne puis pas, monsieur le Comte.
+
+--Vous ne pouvez pas? se récria le Polonais. Et me laisser mourir, sans
+une consolation, sans un réconfort, cela vous le pouvez?
+
+--Mais que voulez-vous que je vous donne?
+
+--Ce que vous voudrez.
+
+--Il n'y a pas un seul objet dont elle puisse se passer.
+
+Le Polonais, qui avait fini de préparer le thé, saisit le flambeau avec
+une hâte fébrile, et se dirigea d'un pas rapide, à travers les salles,
+jusqu'à la chambre à coucher de la tragédienne. Là il s'arrêta avec un
+tressaillement d'extase et regarda autour de lui avec émotion.
+
+--Que faites-vous? s'écria Babette qui l'avait suivi épouvantée, ne
+savez-vous pas que c'est ici un sanctuaire que le pied d'aucun mortel
+n'est autorisé à fouler?
+
+--Laissez-moi jouir de ce moment divin, repartit le Polonais avec feu.
+C'est derrière ces rideaux que repose ce corps divin et, ce tapis, son
+pied l'effleure journellement!
+
+Il s'agenouilla et baisa le tapis. En se relevant, il tenait à la main
+une pantoufle, qu'il brandit triomphalement.
+
+--Vous vous demandez ce que vous allez me donner? chère, délicieuse
+Babette, donnez-moi cette pantoufle de l'immortelle, vous ferez de moi
+le plus heureux des mortels.
+
+--Cette pantoufle moins que toute autre chose, repartit Babette, elle va
+rentrer et voudra la mettre.
+
+--Plus jamais elle ne la mettra, s'écria l'amoureux d'un ton résolu.
+
+En vain, l'excellente fille fit tous ses efforts pour la lui reprendre,
+le jeune homme échappait sans cesse à sa poursuite et elle dut lui
+faire la chasse, à travers toute la série des chambres, jusque dans la
+cuisine. Là, le Polonais prit son manteau, mit son chapeau et voulut
+sortir, mais Mlle Babette le retint, nouvelle Putiphar, par le pan de
+son manteau.
+
+--Seigneur Dieu! gémit-elle, vous ferez encore mon malheur. Je ne vous
+laisserai point partir, monsieur le Comte, que vous ne m'ayez rendu la
+pantoufle.
+
+--Je ne la rendrai qu'avec la vie.
+
+--Êtes-vous donc tout à fait fou?
+
+--Je vous en donne son poids d'or, fit l'exalté en tirant de sa poche,
+sa main pleine de ducats qu'il jeta sur la table.
+
+--Non, non, cria la malheureuse gouvernante avec angoisse, je ne veux
+pas de votre or, je ne prends point d'argent, je veux la pantoufle!
+
+--Ayez pitié, donnez-la-moi!
+
+--Pourquoi donc vous faut-il absolument cette pantoufle?
+
+--La pantoufle de Sapho, reprit le gentilhomme avec solennité, pour y
+imprimer chaque jour mes lèvres, à l'endroit qu'a touché son doux pied.
+
+--Mon Dieu, tout cela est bien bel et bon, soupira Mlle Babette, les
+chevaliers et les nobles brigands en agissaient ainsi; mais, si la
+pantoufle manque, je suis perdue. Rendez-la-moi.
+
+--Babette, céleste Babette, pouvez-vous être assez cruelle pour
+m'arracher l'objet de mon adoration?
+
+--Oui, je suis assez cruelle ... dit-elle en souriant, le rôle de
+cruelle lui plaisait évidemment.
+
+--Même, si je vous implore à genoux?
+
+Le jeune homme s'était jeté à ses pieds et levait la pantoufle d'un air
+suppliant.
+
+--Mais, mon Dieu, que faites-vous donc?
+
+Au même instant, la porte s'ouvrit, on perçut un froissement de jupes,
+Babette poussa un cri et le Polonais, bondissant sur ses pieds, demeura
+comme pétrifié.
+
+La Schroeder venait de paraître sur le seuil. Elle portait encore le
+bandeau tissé d'or autour de sa tête et le péplum blanc de Sapho. Elle
+n'avait quitté que son manteau, le remplaçant par sa chaude pelisse.
+
+Sophie se présentait la tête haute, dans toute sa majesté, ses formes
+opulentes et son bras robuste entourés de la sombre fourrure, comme sur
+l'image fameuse que nous possédons d'elle.
+
+Un regard, un éclair de ses yeux qui eut relégué dans l'ombre toutes
+les impératrices et les princesses régnantes que les Viennois avaient eu
+récemment le loisir d'admirer au grand Congrès, et le jeune enthousiaste
+se trouva à genoux.
+
+Elle fit deux pas en avant et s'arrêta, comme une souveraine devant un
+esclave qui s'est attiré le plus terrible châtiment. Les yeux de la
+tragédienne le fixèrent un moment, puis, se tournant vers Babette:
+
+--Que se passe-t-il? questionna-t-elle. Comment Monsieur se trouve-t-il
+dans ma demeure? et qui l'a autorisé à y pénétrer?
+
+Mlle Babette, rouge jusqu'aux oreilles, se tenait, les jambes
+tremblantes, comme une pécheresse.
+
+--Il ... je ... parce que ... balbutia-t-elle.
+
+--Je demande une réponse. Qui a fait entrer Monsieur?
+
+Wasilewski se releva.
+
+--Ne la grondez pas, dit-il, elle ne pouvait faire autrement. Mon
+enthousiasme pour vous, Madame, a triomphé de ses résistances. Je suis
+le seul coupable, le seul.
+
+--Vous avouez donc?
+
+--Je ne nie point, je demande grâce.
+
+--Vous reconnaissez votre faute?
+
+--Grâce!
+
+L'actrice ne put s'empêcher de sourire.
+
+--D'abord l'instruction et la sentence. La grâce ne vient qu'ensuite.
+
+--Oui, punissez-moi, supplia le gentilhomme d'une voix tremblante
+d'amour et, un peu aussi, de crainte. Punissez-moi cruellement, le
+châtiment même que vous m'infligerez, me sera une joie et une
+consolation.
+
+--Avant tout, je désire savoir ce que vous vouliez de ma fidèle Babette
+et pourquoi vous lui avez offert de l'argent.
+
+--Je l'ai priée, répondit loyalement et simplement le jeune homme, de me
+donner la pantoufle de Sapho et, comme elle me la refusait et cherchait
+à me l'arracher, je lui ai offert ...
+
+Il se tut en baissant les yeux.
+
+--Une poignée d'or pour une vieille pantoufle? railla la Schroeder,
+tandis qu'un charmant sourire éclairait son austère visage. Mais où donc
+est ce précieux objet? Je suis lasse et en ai besoin pour me reposer...
+
+--Oserais-je vous prier de me laisser gracieusement ce que Mlle Babette
+m'a si impitoyablement refusé?
+
+--Quelle valeur attribuez-vous donc à cette pantoufle? questionna la
+tragédienne, s'égayant de plus en plus.
+
+--Je ne puis vous dire cela ici ...
+
+--Suivez-moi donc au salon, dit Sophie, qui commençait à s'amuser
+royalement de la situation. Là, vous me donnerez l'explication de votre
+singulier désir.
+
+Elle passa devant, avec l'allure d'une souveraine, et il suivit
+docilement, comme un enfant ou un fol amoureux. La Schroeder alluma
+les bougies d'un candélabre en argent qui se trouvait, sur une console
+dorée, devant un trumeau, et se laissa choir, avec cette majesté qui
+sied mieux aux femmes opulentes que la grâce aux maigres, sur le canapé,
+et indiqua un siège à son hôte, d'un geste plein de noblesse.
+
+--Vous vous nommez?...
+
+--Félicien Wasilewski.
+
+--Donc monsieur Wa ... comment dites-vous?
+
+--Wasilewski.
+
+--C'est un nom difficile. Wasilewski, est-ce bien cela?
+
+Le Polonais s'inclina.
+
+--Et ce serait réellement le seul désir de vous approprier ma pantoufle,
+qui vous aurait fait pénétrer à une heure aussi insolite dans mon
+domicile?
+
+--Je vous ai vue dans tous vos rôles. A chaque création nouvelle,
+grandissait mon admiration pour la grande tragédienne, maîtresse de
+toutes les cordes du clavier humain, et mon adoration pour la belle
+artiste ...
+
+--Je ne suis pas belle, Monsieur.
+
+--Pour moi, vous êtes belle, et si vous ne l'êtes point, le sentiment
+que vous inspirez à mon coeur est encore cent fois plus idéal et plus
+sacré, puisqu'il vous rend belle, plus belle que toutes les femmes de la
+terre. Je vous aime.
+
+--Monsieur!
+
+--Pardonnez-moi, je ne puis faire autrement. Ce n'est point un
+enivrement de mes sens, un aveuglement de mon esprit, je dois vous aimer
+comme je dois respirer ... pour vivre.
+
+Cette fois, la Schroeder baissa son regard altier.
+
+--Monsieur, je serai sincère: l'intérêt que vous me portez a cessé,
+depuis longtemps, d'être un mystère pour moi. Vous l'avez exprimé si
+souvent, d'une manière aussi chevaleresque que délicate, mais je n'y
+voyais qu'un hommage à la tragédienne ...
+
+--C'est plus, beaucoup plus, c'est tout ce qu'un coeur d'homme peut
+éprouver pour une femme ...
+
+--Nous parlions de ma pantoufle, interrompit la jeune femme.
+
+--Oui ... c'est vrai ... en effet. Écoutez-moi donc. J'étais rempli
+d'admiration pour vous, je vous adorais, vous seule. Vint la soirée
+d'aujourd'hui. Je vous vis dans votre nouveau rôle et fus saisi d'un
+enthousiasme, d'un saint délire, qui me poussa à enfreindre toutes les
+règles des convenances et à déposer à vos pieds une couronne de
+lauriers, en vous dérobant, en échange, un objet quelconque qui vous eût
+servi, et si ce n'était qu'un ruban. J'aperçus votre pantoufle ...
+
+--Vous avez pénétré dans ma chambre à coucher? interrompit l'actrice en
+fronçant les sourcils.
+
+--Pardonnez-moi, supplia le jeune homme.
+
+En prononçant ces mots, son regard avait une expression si enfantine, si
+sincère, sa main s'empara de celle de l'actrice avec une passion si
+convaincue, qu'elle ne se sentit pas le coeur de lui garder rancune.
+
+--Je vous pardonne, dit-elle.
+
+--Et ... vous me permettez de vous dire ... que je vous aime ...
+
+--Non, pas cela.
+
+--Vous me condamnez au silence?
+
+--Je vous y condamne.
+
+--Vous êtes cruelle.
+
+--C'est la première fois qu'on me dit cela. Cruelle est la femme qui
+attire en souriant un homme dans ses filets pour, ensuite, s'en moquer
+et s'amuser de son tourment. Je ne suis pas une coquette, Monsieur, et
+l'on n'a jamais pu se plaindre que de ma franchise et de ma loyauté. Ne
+pas entretenir une vaine espérance, n'est pas cruel mais honnête.
+
+--Je sais, Madame, que vous possédez cette loyauté de caractère, si rare
+dans le monde du théâtre, et je sais aussi que vous êtes vertueuse.
+
+--Oui et non, repartit l'actrice avec un sourire. Selon moi, la vertu ne
+consiste pas dans les principes, mais uniquement dans l'amour. Une femme
+qui, par amour du lucre et du luxe, accorde sa main à un homme qu'elle
+n'aime point, n'est pas moins vicieuse que Phryné qui vend ses faveurs.
+Le calcul est aussi répugnant que le dévergondage. En revanche, une
+jeune femme qui aime sincèrement, est toujours vertueuse, qu'elle offre
+ses lèvres roses au baiser dans une chambre nuptiale somptueusement
+décorée, ou sous les tilleuls et sur la bruyère, ainsi que chante le
+poète d'amour, Walther de la Vogelweide.
+
+--Je vous comprends.
+
+--Me comprenez-vous tout à fait?
+
+--Je le crains.
+
+--Reparlons de la pantoufle.
+
+--Non, parlons du sentiment qui me domine et me remplit, qui me fait
+tressaillir au son de votre voix, au moindre froissement de votre robe.
+Ne croyez pas que je sois assez téméraire pour oser espérer être payé de
+retour. Je serais trop heureux déjà, de pouvoir, journellement, vous
+mettre et ôter vos souliers, et vous offrir mon bras pour monter dans
+votre carrosse ...
+
+--De tels rapports sont impossibles, déclara la jeune femme d'un ton
+ferme, du moins en ce qui me concerne. Une coquette prendrait sans doute
+quelque plaisir à recevoir ces hommages, et s'en ferait un jeu. Mais
+moi, je ne me sens pas capable d'occasionner des tourments que je ne
+pourrais apaiser, les augmenter, me paraîtrait indigne de moi. Je suis
+sincère, monsieur Wasilewski. Vous m'intéressez, mais je ne puis être à
+vous. C'est pourquoi, il faut nous séparer. Vous voulez être mon
+esclave? Je suis fort capable de réduire un homme en esclavage, mais un
+homme que j'aimerais et que je pourrais rendre heureux.
+
+--Vous avez raison, soupira Wasilewski après un long et douloureux
+silence. Je dois vous fuir. Je vous aime de toute la folle ardeur d'un
+coeur innocent, mais votre compassion me serait intolérable. Une femme
+cruelle peut seule renoncer à l'amour, et vous, vous êtes bonne. Je me
+ressaisirai, je ne vous verrai plus. Je retournerai dans ma patrie et
+tâcherai de vous oublier, mais--un sourire d'enfant éclaira sa
+tristesse--il faut que vous me donniez un talisman, divine Sapho, votre
+pantoufle.
+
+--Et pourquoi justement ma pantoufle?
+
+--Il est d'usage, dans mon pays, lorsqu'on aime et qu'on veut offrir le
+suprême hommage à une femme, de lui dérober son soulier et d'y boire à
+sa santé, répondit le jeune homme avec un sérieux atteignant presque à
+la solennité. Je baiserai journellement l'endroit qu'a touché votre
+pied.
+
+La grande Schroeder s'abîmait dans les réflexions. Autour de ses
+lèvres, se jouait comme de l'espièglerie.
+
+--Bien, monsieur, dit-elle enfin, je vous fais cadeau de la pantoufle.
+
+--Comment vous remercier? s'exclama le jeune homme en lui prenant la
+main et en la couvrant de baisers.
+
+--Ecoutez la suite. Vous offriez à Babette une poignée de ducats pour
+cet objet?...
+
+--En effet.
+
+--Si vous étiez prêt à payer d'une telle prodigalité une vieille
+pantoufle usée, que donneriez-vous pour le pied même de Sapho?
+
+--Le pied! comment cela?
+
+--Ecoutez-moi jusqu'au bout. J'ai ici une pauvre comédienne qui se nomme
+Muller, une artiste de mérite et une excellente femme. Actuellement,
+elle meurt de faim et de froid et est presque toujours malade.
+
+--Je devine, cette mendiante ...
+
+--Elle-même. Vous la rendriez heureuse en lui donnant les moyens
+d'entreprendre un petit commerce, et c'est pourquoi je vous demande, à
+vous qui offriez de l'or pour baiser la pantoufle de Sapho, combien vous
+donneriez pour baiser son pied même?
+
+La bienfaisante artiste, en un caprice olympien, avait eu cette
+charmante pensée; mais, à l'instant où elle la formulait, elle en eut
+honte, rougit et baissa les yeux. Wasilewski ne lui laissa pas le temps
+de se reprendre.
+
+--J'offre ma fortune entière pour une telle faveur.
+
+--Vous prenez ma folle idée au sérieux?
+
+--Ne reprenez point votre parole, je vous en supplie.
+
+--Eh bien, soit, fit la Schroeder en retrouvant son sourire. Vous
+pourrez me baiser le pied, mais ...
+
+--Je vais vous faire un écrit ...
+
+--Non, non, interrompit la tragédienne, je n'accepte qu'une somme
+pouvant tirer de souci ma pauvre Muller et dont vous puissiez facilement
+vous passer, car je vous sais riche.
+
+--Je suis à vos ordres.
+
+--Peut-être cent ducats?...
+
+Le gentilhomme se précipita dans la chambre voisine où il avait remarqué
+la présence d'un écritoire, et rapporta à la tragédienne une feuille
+couverte de sable d'or. Elle la parcourut. C'était un chèque de 500
+ducats. Sophie plia la feuille lentement, très lentement, et la cacha
+dans son sein palpitant, tandis qu'une rougeur révélatrice montait de
+ses joues à son front et, bientôt, couvrait son visage tout entier.
+Enfin, rejetant avec décision, sa fière tête en arrière:
+
+--Il le faut, dit-elle. Avec ces mots, toute sa sérénité rayonnante de
+déesse lui revint.
+
+--Venez, prononça-t-elle de sa voix sonore. Elle alla brusquement au
+fauteuil le plus proche, s'y laissa tomber et, avant que son adorateur
+eût compris son intention, elle rejeta sa sandale et dénuda son pied,
+d'une forme aussi parfaite que n'importe quel marbre antique.
+
+--Ici, commanda-t-elle.
+
+Wasilewski vit briller le pied sous la sombre fourrure qui enveloppait
+les divins membres de l'artiste, et tressaillit.
+
+--Eh bien, vous ne voulez pas le baiser? dit-elle avec un sourire
+enchanteur. Elle était vraiment belle, en ce moment.
+
+Le jeune homme se prosterna devant elle et pressa ses lèvres brûlantes
+sur le marbre glacé qu'elle lui présentait, une fois, deux fois. Puis
+il mit son front contre terre et, avant qu'elle n'eût pu l'empêcher,
+saisit le pied et le posa sur sa nuque.
+
+--Laissez-moi être votre esclave, pour toujours.
+
+La Schroeder retira vivement son pied.
+
+--Levez-vous, ordonna-t-elle. Vous ne pouvez pas être mon esclave.
+
+--Non, non, je ne dois pas.
+
+Il restait toujours à genoux et la contemplait en extase. Enfin, il
+revint à lui, baisa une fois encore, avec une tendresse passionnée, le
+pied de Sapho et sortit précipitamment.
+
+Sophie Schroeder demeura immobile, le front appuyé dans sa main, et
+perdue dans ses pensées.
+
+ * * * * *
+
+Félicien Wasilewski est mort, il y a quelques années, dans ses terres de
+Pologne. Il avait atteint un grand âge et ne s'était jamais marié.
+
+Ses héritiers découvrirent, parmi toutes sortes d'objets précieux, un
+coffret d'ébène incrusté d'ivoire, où se trouvait une vieille pantoufle
+fanée. Le premier étonnement passé, ils s'en amusèrent, et n'en parlent
+jamais qu'en riant.
+
+
+
+
+LIBRAIRIE CH. CARRINGTON--PARIS.
+
+
+
+La Czarine Noire et autres contes. L'Amour cruel à travers les âges, par
+SACHER MASOCH--1 vol. in-18 jésus . . . 5 fr.
+
+
+
+Tortures et Tourments des Martyrs Chrétiens. Traité des Instruments de
+Martyre et des divers Modes de Supplices employés par les païens contre
+les chrétiens, par le Révérend Père ANT. GALLONIO.--Un fort beau vol.
+pet. in-4° avec 46 planches . . . 20 fr.
+
+
+
+La Porte du Baiser, traduit de l'anglais de J.W. HARDING, par F. BOUTET,
+préface de M. le Comte Robert DE MONTESQUIOU.--Un vol. in-18 jésus,
+couv. illustrée, dessins hors texte . . . 3 fr. 50
+
+«_La Porte du Baiser_ illustre l'une des épopées les plus intéressantes
+de l'histoire du peuple d'Israël: la guerre entre Ezéchias et
+Sennachérib, le terrible roi de Babylone.»
+
+
+
+Le Beau Nègre, par HECTOR FRANCE.--Nul mieux que M. H. FRANCE ne pouvait
+peindre cette intensité de couleur, les paysages tropicaux où se joue ce
+drame véridique. Nul ne pouvait analyser, avec cette finesse et cette
+sûreté, les passions ardentes dont sont agités les personnages de ce
+livre plein de vie. La couverture, tirée en couleurs, est de L. MALTESTE,
+les illustrations sont de G. DOLA.--Un vol. in-8° . . . 3 fr. 50
+
+
+
+Pan Michaël (Messire Volodyovski) par HENRYK SIENKIEWICZ, auteur de
+_«QUO VADIS»_.--Un fort vol. in-18 jésus de 600 pages. 10 dessins hors
+texte de M. VAN MAELE, couv. illustrée . . . 3 fr. 50
+
+_Pan Michaël_, qui clôt magnifiquement la trilogie consacrée à
+l'histoire de la Pologne du temps de Sobieski, ne le cède en rien aux
+ouvrages qu'il complète: _Par le Fer et par le Feu_ et _Le Déluge_.
+
+
+
+Au-delà des Portes, par E. STUART-PHELPS. Ouvrage consacré à la vie
+d'outre-tombe. Traduction française et préface de CH. GROLLEAU.--Un vol.
+in-12, couvert. illustrée . . . 3 fr. 50
+
+
+
+Les Quatrains d'Omar Khayyam, traduits du persan et publiés avec une
+introduction et des notes par CH. GROLLEAU.--1 vol. pet. in-4°, papier
+de Hollande, cadres de style persan tirés en rouge, couv. rempliée,
+titre or en relief. Tirage limité à 500 ex. numérotes . . . 10 fr.
+
+
+
+La Destinée de l'Homme, par JOHN FISKE. Traduction et préface par CH.
+GROLLEAU.--Un vol. in-12 oblong . . . 4 fr.
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of La Pantoufle de Sapho
+by Leopold Ritter von Sacher-Masoch
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO ***
+
+***** This file should be named 16649-8.txt or 16649-8.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ https://www.gutenberg.org/1/6/6/4/16649/
+
+Produced by Miranda van de Heijning, Melissa Er-Raqabi and
+the Online Distributed Proofreading Team at
+https://www.pgdp.net. This file was produced from images
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+de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.
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+will be renamed.
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+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
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+
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+*** START: FULL LICENSE ***
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+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
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+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+https://gutenberg.org/license).
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+electronic works
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+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
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+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
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+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
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+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
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+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
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+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
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+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
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+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
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+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
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+
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+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
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+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
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+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
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+your equipment.
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+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
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+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+*** END: FULL LICENSE ***
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+by Leopold Ritter von Sacher-Masoch
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+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
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+Title: La Pantoufle de Sapho
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+Author: Leopold Ritter von Sacher-Masoch
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+Translator: D. Dolorès
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+Release Date: September 4, 2005 [EBook #16649]
+
+Language: French
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+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO ***
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+Produced by Miranda van de Heijning, Melissa Er-Raqabi and
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+<div class="figcenter" style="width: 298px;">
+<img src="images/title2.png" width="298" height="430" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h1>La Pantoufle</h1>
+<h4>de</h4>
+<h1>Sapho</h1>
+
+<h2>&amp; Autres Contes</h2>
+
+<h4>CHARLES CARRINGTON,<br />
+Libraire-&Eacute;diteur<br />
+13, Faubourg Montmartre, Paris</h4>
+
+
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h2>SACHER MASOCH</h2>
+
+<div class="figcenter" style="width: 79px;">
+<img src="images/cc_pantouflesapho_tn.gif" width="79" height="120" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h3>L'AMOUR CRUEL A TRAVERS LES AGES<br /><br /></h3>
+
+<h3>LA </h3>
+<h1>PANTOUFLE DE SAPHO </h1>
+<h2>et autres Contes<br /><br /></h2>
+
+<h3>Traduit par D. DOLOR&Egrave;S</h3>
+
+<div class="figcenter" style="width: 212px;">
+<img src="images/title.png" width="212" height="125" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h3>PARIS </h3>
+<h3>CHARLES CARRINGTON, LIBRAIRE-&Eacute;DITEUR </h3>
+<h4>13, Faubourg Montmartre, 13</h4>
+
+<h4>1907</h4>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h2>LA PANTOUFLE DE SAPHO</h2>
+
+<h4>(1859)</h4>
+
+
+
+
+
+<div class="figcenter" style="width: 442px;">
+<img src="images/006.png" width="442" height="125" alt="" title="" />
+</div>
+
+<h3>LA PANTOUFLE DE SAPHO</h3>
+
+<h3>(1859)</h3>
+
+
+<p>L'hiver de 1859 &eacute;tendait son blanc et floconneux tapis de neige sur les
+remparts de la joyeuse capitale autrichienne et, aux environs, sur les
+coupoles du Kahlenberg et du Leopoldsberg. Le monde brillant et
+aristocratique &eacute;tait rentr&eacute; des eaux et de ses terres, et l'on
+s'amusait, dans les salons priv&eacute;s, ainsi qu'aux lieux de r&eacute;jouissances
+publiques, simplement et ga&icirc;ment, comme cela n'&eacute;tait gu&egrave;re possible,
+alors, que dans la ville imp&eacute;riale, r&eacute;sidence de l'empereur Franz.</p>
+
+<p>Mais le point culminant des distractions et des plaisirs, comme de
+l'int&eacute;r&ecirc;t artistique et litt&eacute;raire, &eacute;tait encore et toujours le
+Burgth&eacute;&acirc;tre, institution populaire au sens le plus &eacute;lev&eacute;, o&ugrave; les
+aspirations id&eacute;ales de l'&eacute;lite de la nation se joignaient aux efforts
+les plus nobles, car une censure hautement sagace rognait les ailes
+fougueuses du P&eacute;gase autrichien, et la vie politique n'agitait encore
+que la Hongrie avoisinante, ne se manifestant gu&egrave;re que par les paroles,
+les chansons et les actes des compagnonnages allemands et de quelques
+&eacute;tudiants des universit&eacute;s de Vienne ou de Prague.</p>
+
+<p>Entre le public et les acteurs, r&eacute;gnait une v&eacute;ritable intimit&eacute;, car les
+Viennois de cette &eacute;poque ne se contentaient pas d'admirer l'artiste sur
+la sc&egrave;ne; ils le suivaient dans sa vie journali&egrave;re et jusque dans sa
+demeure, non pour &eacute;pier un scandale et s'amuser des vices des
+protagonistes charg&eacute;s d'incarner les r&ecirc;ves h&eacute;ro&iuml;ques ou spirituels des
+po&egrave;tes, comme cela a lieu de nos jours, mais avec le na&iuml;f d&eacute;sir de voir
+la p&acirc;le Louise assise &agrave; sa table &agrave; th&eacute;, d'entendre la r&ecirc;veuse Charlotte
+potiner en buvant du caf&eacute;, de surprendre la fi&egrave;re princesse Eboli en
+train de tricoter des bas ou le vaillant chevalier Goetz de faire sa
+partie de tarok. Le public viennois &eacute;tait au courant de tout ce qui se
+passait derri&egrave;re les coulisses. Il connaissait le nom de chaque
+adorateur de la Stich; il savait toujours, &agrave; n'en pas douter, quel soir
+Korn &eacute;tait plus rauque que de coutume et en quel lieu il avait bu le
+champagne responsable, et, lorsqu'enfin Sophie Schr&oelig;der monta, tel un
+soleil, au firmament de l'art dramatique, faisant p&acirc;lir toutes les
+&eacute;toiles, il ne tomba pas une &eacute;pingle dans le boudoir de la trag&eacute;dienne
+sans que le Tout-Vienne en f&ucirc;t inform&eacute;, depuis le chancelier d'Etat
+jusqu'&agrave; l'apprenti cordonnier, depuis le cocher de fiacre jusqu'&agrave;
+l'empereur.</p>
+
+<p>L'int&eacute;r&ecirc;t que prenait la ville enti&egrave;re &agrave; la personnalit&eacute; de Sophie &eacute;tait
+de nature exclusivement artistique, bien que partant d'un sentiment tr&egrave;s
+humain, car la Schr&oelig;der n'&eacute;tait ni belle ni m&ecirc;me &eacute;l&eacute;gante.</p>
+
+<p>Mais, quand elle paraissait drap&eacute;e &agrave; la grecque, sur les planches, quand
+sa superbe voix laissait tomber les ondes m&eacute;lodiques de la langue
+rythm&eacute;e, quand son g&eacute;nie invoquait des figures d'une v&eacute;rit&eacute; saisissante
+et d'une dignit&eacute; surhumaine, elle entra&icirc;nait les c&oelig;urs, comme jamais
+aucune artiste ne l'avait fait. A ces moments, elle devenait belle,
+d'une beaut&eacute; antique et qu'on e&ucirc;t crue sortie d'un sarcophage ancien.</p>
+
+<p>Sophie n'&eacute;tait pas grande, mais elle avait ce port de t&ecirc;te imposant que
+poss&eacute;dait avant elle l'auteur du <i>Faust</i>, et qui la faisaient para&icirc;tre
+plus haute qu'elle ne l'&eacute;tait en r&eacute;alit&eacute;.</p>
+
+<p>Il n'&eacute;tait pas une grande dame, pas une souveraine, qui ne lui eussent
+envi&eacute; sa distinction native et l'empire qu'elle exer&ccedil;ait sur les
+mortels. Elle semblait n&eacute;e pour voir un peuple &agrave; ses pieds, tant son
+regard &eacute;tait dominateur.</p>
+
+<p>Sa situation mat&eacute;rielle e&ucirc;t pu &ecirc;tre brillante, mais ne l'&eacute;tait point,
+parce qu'en vraie fille de l'art, la Schr&oelig;der n'entendait rien aux
+choses pratiques, et sa d&eacute;licatesse s'opposait &agrave; ce qu'elle se laiss&acirc;t
+entourer, par ses adorateurs, de ce luxe princier que poss&egrave;dent de nos
+jours les plus insignifiantes com&eacute;diennes.</p>
+
+<p>Sophie avait une id&eacute;e trop haute de l'amour, de l'art et
+d'elle-m&ecirc;me,&mdash;surtout d'elle-m&ecirc;me,&mdash;pour se faire payer ses faveurs avec
+des diamants. Si elle souriait &agrave; un homme, ce sourire partait du
+c&oelig;ur, et si elle consentait &agrave; l'enivrer, elle voulait &ecirc;tre elle-m&ecirc;me
+heureuse de toute son &acirc;me. La courtisanerie qui engendre le d&eacute;go&ucirc;t et
+dont, &agrave; l'heure actuelle, souffre et se meurt l'art dramatique, lui
+&eacute;tait compl&egrave;tement inconnue.</p>
+
+<p>Il &eacute;tait donc naturel que, ses fiers sourcils ayant d&eacute;coch&eacute; une fois de
+plus les fl&egrave;ches d'amour dans un c&oelig;ur, elle f&ucirc;t la derni&egrave;re &agrave; en &ecirc;tre
+inform&eacute;e. On se chuchotait la nouvelle dans les loges, on en parlait
+dans les fauteuils, on en riait en se poussant du coude, au parterre et
+aux galeries, alors qu'elle-m&ecirc;me ne savait rien encore du noble captif
+qu'elle avait fait.</p>
+
+<p>En l'ann&eacute;e 1859, le public du Burgth&eacute;&acirc;tre remarqua un jeune homme qui,
+chaque soir o&ugrave; la Schr&oelig;der jouait, occupait le fauteuil du coin de
+gauche au premier rang, dont le regard, sit&ocirc;t qu'elle paraissait,
+s'attachait avec une &eacute;motion fi&eacute;vreuse &agrave; tous ses mouvements, et dont
+l'enthousiasme &eacute;tait si entra&icirc;nant que, maintes fois, il oubliait les
+lois du th&eacute;&acirc;tre pour applaudir au milieu d'une sc&egrave;ne. Tout Vienne savait
+depuis longtemps que c'&eacute;tait un prince polonais, colossalement riche et
+&eacute;pris d'une d&eacute;lirante passion pour la trag&eacute;dienne, avant que la
+Schr&oelig;der se dout&acirc;t seulement de l'existence de cet heureux
+malheureux.</p>
+
+<p>Un jour qu'elle attendait en sc&egrave;ne le commencement du premier acte,
+Sophie remarqua quelques com&eacute;diennes qui examinaient la salle &agrave; travers
+le trou du rideau, et entendit le colloque suivant:</p>
+
+<p>&mdash;Le voil&agrave; encore.</p>
+
+<p>&mdash;Qui cela?</p>
+
+<p>&mdash;Le soupirant muet de la Schr&oelig;der.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der s'approcha pour mieux &eacute;couter.</p>
+
+<p>&mdash;Fais-le-moi voir. O&ugrave; donc est-il?</p>
+
+<p>&mdash;L&agrave;, dans le coin de gauche, au premier rang.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der, cette fois, en savait assez et, quand le rideau fut
+lev&eacute;, elle profita d'une r&eacute;plique, pour chercher des yeux l'inconnu.</p>
+
+<p>Quinze jours se pass&egrave;rent avant qu'elle n'appr&icirc;t son nom. Il &eacute;tait
+effectivement polonais et fort riche, mais il n'&eacute;tait point prince, un
+simple gentilhomme, F&eacute;licien de Wasilewski.</p>
+
+<p>Depuis ce jour, Sophie le remarqua chaque fois qu'elle jouait, et elle
+apprit que, tout aussi r&eacute;guli&egrave;rement, il demeurait absent quand elle ne
+jouait point.</p>
+
+<p>Au bout de peu de temps, une entente tacite s'&eacute;tablit entre la
+trag&eacute;dienne et son admirateur. En entrant en sc&egrave;ne, son premier regard
+&eacute;tait pour lui, de m&ecirc;me son dernier coup d'&oelig;il avant de sortir. Si
+une tirade lui r&eacute;ussissait particuli&egrave;rement, le Polonais hochait
+imperceptiblement la t&ecirc;te et ce l&eacute;ger mouvement n'&eacute;chappait point &agrave;
+l'artiste. Quand, &agrave; l'issue de la repr&eacute;sentation, elle montait dans le
+carrosse du Burgth&eacute;&acirc;tre, surnomm&eacute; ironiquement le <i>Chariot de Thespis</i>
+parce qu'il r&eacute;sonnait avec un bruit de ferraille sur le pav&eacute; cahoteux de
+l'antique ville, le Polonais se trouvait &agrave; la porte de sortie, la
+d&eacute;vorant de ses yeux ardents, bien qu'il ne p&ucirc;t apercevoir d'elle que le
+bout de son nez, tout le reste &eacute;tant emmitoufl&eacute; de fourrures et de
+voiles.</p>
+
+<p>Un soir qu'elle venait de remplir un de ses meilleurs r&ocirc;les, elle &eacute;tait
+assise et pr&ecirc;te &agrave; fermer la porti&egrave;re, quand une superbe couronne de
+lauriers vint s'abattre &agrave; ses pieds.</p>
+
+<p>Le Polonais la lui avait jet&eacute;e et s'&eacute;tait aussit&ocirc;t enfui.</p>
+
+<p>Ce myst&eacute;rieux et craintif hommage, en ce lieu solitaire et sous le
+couvert de la nuit, toucha le c&oelig;ur sensible et po&eacute;tique de la
+trag&eacute;dienne plus que les ovations bruyantes et imp&eacute;tueuses &agrave; la lumi&egrave;re
+des lustres et dans la salle comble.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der commen&ccedil;a &agrave; s'int&eacute;resser au jeune homme et &agrave; se demander
+si elle pourrait l'aimer?</p>
+
+<p>Une autre fois, le d&eacute;gel &eacute;tait survenu; des cascades ruisselaient des
+goutti&egrave;res et des torrents mugissaient le long des trottoirs. La
+Schr&oelig;der h&eacute;sitait &agrave; enjamber les flaques d'eau qui la s&eacute;paraient du
+lourd v&eacute;hicule. Le Polonais fut aussit&ocirc;t sur place, &eacute;tendit son manteau
+sur le pav&eacute;, et elle put atteindre sa voiture, les pieds secs.</p>
+
+<p>Cet exploit chevaleresque remplit de joie l'artiste, mais quand elle se
+pencha pour remercier son cavalier-servant, celui-ci, ramassant son
+manteau, s'&eacute;tait &eacute;clips&eacute;.</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p>Grillparzer que son drame romantique de l'<i>A&iuml;eule</i> avait plac&eacute; parmi les
+dramaturges favoris de l'Allemagne, au temps o&ugrave; la trag&eacute;die du Destin
+emprunt&eacute;e au th&eacute;&acirc;tre espagnol, &eacute;tait de mode comme, de nos jours, le
+drame d'adult&egrave;re fran&ccedil;ais, venait de confier au Burgth&eacute;&acirc;tre une nouvelle
+pi&egrave;ce, intitul&eacute;e <i>Sapho</i>. Quittant les abruptes sentiers romantiques, il
+reprenait la large voie classique o&ugrave; Schiller et G&oelig;the, apr&egrave;s plus
+d'un &eacute;cart, s'&eacute;taient &eacute;galement retrouv&eacute;s. Le r&ocirc;le de Sapho avait &eacute;t&eacute;
+&eacute;crit, non &agrave; la mani&egrave;re de nos ouvriers modernes, qui ajustent leurs
+r&ocirc;les sur les acteurs, comme un tailleur ajuste un
+costume,&mdash;Grillparzer &eacute;tait po&egrave;te dans l'&acirc;me et c'est du fond de son
+&ecirc;tre qu'il tirait ses h&eacute;ros&mdash;mais, pas plus que le reste du monde, il ne
+pouvait &eacute;chapper &agrave; la puissante influence de la Schr&oelig;der, ni se
+d&eacute;rober &agrave; l'impression grandiose qu'elle produisait, et le r&ocirc;le de son
+h&eacute;ro&iuml;ne avait pris, &agrave; son insu, les traits et l'allure de la trag&eacute;dienne
+&agrave; qui naturellement il incombait.</p>
+
+<p>Le matin de la r&eacute;p&eacute;tition de lecture, tandis que la pure et id&eacute;ale
+diction de Sophie enthousiasmait ses camarades et remplissait le c&oelig;ur
+modeste de l'auteur d'un glorieux espoir dans [*] succ&egrave;s futur, au coin
+de la place Saint-Michel et du march&eacute; aux choux, se tenait une femme
+pauvrement v&ecirc;tue, qui cachait son visage sous le fichu pass&eacute; sur sa
+t&ecirc;te. Elle semblait avoir honte, pourtant elle ne mendiait point et se
+serrait, inqui&egrave;te, contre la muraille, en tremblant de tous ses membres,
+car il faisait un froid impitoyable et elle ne portait qu'une robe d'&eacute;t&eacute;
+rapi&eacute;c&eacute;e sous son vieux fichu.</p>
+
+<p>Pourtant elle ne mendiait point. Elle n'essayait m&ecirc;me pas de tendre la
+main quand un grand seigneur ou une &eacute;l&eacute;gante dame, confortablement
+emmitoufl&eacute;s de fourrure, passaient aupr&egrave;s d'elle. Aussi, personne ne la
+remarquait, pas m&ecirc;me le sergent de ville qui faisait les cent pas non
+loin de l&agrave;.</p>
+
+<p>La pauvre vieille, plus morte que vive, ressemblait &agrave; une de ces statues
+de pierre que le pieux Moyen Age incrustait dans les murailles de ses
+&eacute;glises en souvenir des d&eacute;funts. Elle &eacute;tait tout aussi muette et priv&eacute;e
+de mouvement. Mais, quand les com&eacute;diens, apr&egrave;s la r&eacute;p&eacute;tition, sortirent
+par la petite porte du th&eacute;&acirc;tre et se r&eacute;pandirent sur la place, une
+violente commotion fit tressaillir le corps de la pauvresse. Elle
+soupira et sa tremblante main, raidie par le froid, serra plus fort
+contre son visage ravag&eacute; par l'affliction, le fichu qui le couvrait.</p>
+
+<p>Les acteurs se s&eacute;par&egrave;rent au milieu de la place en &eacute;changeant d'aimables
+saluts, et Sophie Schr&oelig;der se dirigea seule vers l'endroit o&ugrave;
+tremblait la vieille. Elle traversait le march&eacute; pour se rendre au Graben
+et, l'esprit tout rempli de son r&ocirc;le, allait passer, comme tout le
+monde, si un hasard ne l'e&ucirc;t arrach&eacute;e &agrave; ses pens&eacute;es et attir&eacute; son
+attention.</p>
+
+<p>&mdash;Vous perdez quelque chose, lui dit une voix rauque qui semblait bris&eacute;e
+et dont, cependant, le timbre lui parut familier.</p>
+
+<p>Se retournant, elle vit la main d&eacute;charn&eacute;e de la vieille lui tendant le
+r&ocirc;le qu'elle avait laiss&eacute; glisser de son manchon.</p>
+
+<p>Sophie Schr&oelig;der, surprise, consid&eacute;ra la pauvre femme.</p>
+
+<p>&mdash;Qu'avez-vous? lui dit-elle de sa merveilleuse voix, vous paraissez
+bien pauvre et malheureuse. Pourquoi me cachez-vous votre visage comme
+s'il m'&eacute;tait connu?</p>
+
+<p>La vieille femme &eacute;touffa un sanglot et voulut s'&eacute;loigner. La
+Schr&oelig;der, de son bras robuste, la retint et, doucement, &eacute;carta le
+fichu.</p>
+
+<p>&mdash;Mon Dieu, balbutia-t-elle en d&eacute;couvrant le visage d&eacute;fait, c'est vous,
+ma ch&egrave;re Muller? Vous, dans cette situation? Dois-je trouver la belle
+artiste, aux pieds de qui se prosternaient les comtes et les princes,
+r&eacute;duite ... &agrave; mendier!</p>
+
+<p>&mdash;Je n'ai pas mendi&eacute;, murmura la vieille, tandis que des larmes
+br&ucirc;lantes coulaient le long de ses joues &eacute;maci&eacute;es. Je suis seulement
+rest&eacute;e debout dans ce coin.</p>
+
+<p>&raquo;C'est la premi&egrave;re fois, j'avais si affreusement faim, mais personne ne
+m'a rien donn&eacute; et je mourrais plut&ocirc;t que de recommencer.</p>
+
+<p>&mdash;Je ne veux pas que vous recommenciez, s'&eacute;cria Sophie. C'est moi qui
+vais ...</p>
+
+<p>La trag&eacute;dienne ouvrit sa bourse, mais l'int&eacute;rieur de cette bourse
+offrait un spectacle bien triste ou bien risible, comme on voudra. La
+grande Sophie eut de la peine &agrave; rassembler vingt kreuzer, qu'elle glissa
+dans la main de la vieille tout en lui montrant sa bourse vide.</p>
+
+<p>&mdash;Voyez, ch&egrave;re Muller, je ne poss&egrave;de rien moi-m&ecirc;me. Il n'en va pas
+autrement avec nous autres com&eacute;diens, si quelques marchands ne me
+faisaient cr&eacute;dit, je serais souvent bien embarrass&eacute;e pour m'habiller.
+Mais cette bagatelle ne vous tire pas d'affaire.</p>
+
+<p>&mdash;Mais si, mais si, murmura la com&eacute;dienne en serrant la main de sa
+camarade.</p>
+
+<p>&mdash;Non, non, il vous faut beaucoup plus. Comment ferons-nous?</p>
+
+<p>Sophie se mit &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir. Des badauds de tous rangs s'&eacute;taient
+rassembl&eacute;s autour des deux femmes, car la curiosit&eacute; des Viennois est
+notoire. Tout &agrave; coup, la Schr&oelig;der fendit le groupe. Une belle et
+heureuse inspiration venait d'illuminer sa physionomie d'habitude
+aust&egrave;re. Elle entra pr&eacute;cipitamment dans une boutique de confiseur et en
+revint, une assiette &agrave; la main. C'est moi qui mendirai[*] pour vous,
+Muller, dit-elle avec ce sourire qui lui ouvrait tous les c&oelig;urs.</p>
+
+<p>Effectivement, elle se pla&ccedil;a &agrave; c&ocirc;t&eacute; de la vieille actrice et tendit
+l'assiette.</p>
+
+<p>&mdash;Une aum&ocirc;me[*] pour une malheureuse, je vous prie, la charit&eacute; pour une
+pauvre com&eacute;dienne &acirc;g&eacute;e.</p>
+
+<p>En quelques secondes, l'assiette se couvrit de pi&egrave;ces d'argent et de
+cuivre de toutes sortes. Mais cela ne satisfit pas la qu&ecirc;teuse. Quand
+Sophie se m&ecirc;lait de quelque chose, elle voulait que ce f&ucirc;t bien, et elle
+ne se lassa pas de prier et de tendre l'assiette. Les passants, qui
+apercevaient la Schr&oelig;der, dans sa pelisse brune bien connue, entour&eacute;e
+d'une foule de curieux, s'arr&ecirc;taient et se frayaient un chemin jusqu'&agrave;
+elle. Grands seigneurs et grandes dames jouaient des coudes et se
+m&ecirc;laient &agrave; la foule, pour le plaisir de d&eacute;poser une bank-note dans
+l'assiette que tenait la main de la c&eacute;l&egrave;bre femme, jusqu'au policier,
+qui approcha, les sourcils fronc&eacute;s, et s'effa&ccedil;a en reconnaissant la
+Schr&oelig;der.</p>
+
+<p>&mdash;La mendicit&eacute; est interdite sous peine d'amende, grommela-t-il
+respectueusement dans sa moustache noire, mais non aux com&eacute;diens
+imp&eacute;riaux et royaux.</p>
+
+<p>&mdash;Mon Dieu, que vous &ecirc;tes bonne, soupira la vieille. Que Dieu vous le
+rende! moi je ne le puis, c'est trop, beaucoup trop.</p>
+
+<p>Enfin la Schr&oelig;der elle-m&ecirc;me se d&eacute;clara satisfaite. Elle souleva le
+pan du fichu de la vieille et, d'un geste hardi, y jeta p&ecirc;le-m&ecirc;le les
+bank-notes, les pi&egrave;ces d'argent et les monnaies de cuivre, lorsqu'au
+moment de rapporter l'assiette, elle dut la tendre une fois encore: son
+adorateur, le gentilhomme polonais, surgit inopin&eacute;ment, la t&ecirc;te
+d&eacute;couverte, offrant un billet de 50 florins.</p>
+
+<p>Un regard rayonnant de la femme ador&eacute;e fut sa r&eacute;compense.</p>
+
+<p>&mdash;Cela suffira bien pour quelque temps, n'est-ce pas, Muller? dit la
+trag&eacute;dienne en se tournant une derni&egrave;re fois vers sa camarade. Puis, tu
+reviendras, n'oublie pas, Muller, promets-moi de ne pas oublier!</p>
+
+<p>Mais les badauds de Vienne n'abandonn&egrave;rent pas aussi facilement leur
+com&eacute;dienne favorite. Ils l'escort&egrave;rent au del&agrave; du march&eacute; aux chevaux
+jusqu'au Graben, o&ugrave; elle dut se r&eacute;fugier sous la vo&ucirc;te de la &laquo;Chatte&raquo;
+jusqu'&agrave; ce que la foule se f&ucirc;t dispers&eacute;e.</p>
+
+<p>Chemin faisant, Sophie ne put s'emp&ecirc;cher de repenser au Polonais.</p>
+
+<p>&laquo;Il m'int&eacute;resse, s'avouait-elle. Il est beau, ses mani&egrave;res sont nobles
+et il a certainement bon c&oelig;ur. Mais je ne suis pas dans l'&acirc;ge o&ugrave; l'on
+recherche les adolescents!</p>
+
+<p>Il n'est pas assez viril, il lui manque d'&ecirc;tre un homme et, &agrave; moi,
+d'&ecirc;tre Sapho. Je pourrais difficilement l'aimer. Et lui? Esp&eacute;rons qu'il
+sera raisonnable et ne se jettera pas dans le Danube.&raquo;</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p>L'Autriche ne poss&eacute;dait encore, &agrave; ce moment, aucune litt&eacute;rature digne de
+ce nom et qui m&eacute;rit&acirc;t de fixer l'attention de l'Europe. Les &oelig;uvres
+dont on s'occupait dans la ville imp&eacute;riale, &eacute;taient d'importation
+&eacute;trang&egrave;re, comme Fr&eacute;d&eacute;ric Schlegel et Zacharie Werner. L'empereur Franz,
+qui e&ucirc;t volontiers entour&eacute; son tr&ocirc;ne nouvellement redor&eacute; apr&egrave;s tant de
+difficult&eacute;s et de luttes, de noms illustres et glorieux, t&eacute;moigna une
+joie qui ne lui &eacute;tait pas habituelle en des circonstances de ce genre,
+en apprenant que l'auteur de l'&oelig;uvre qui venait de triompher &agrave; la
+Burg, &eacute;tait un Autrichien. Il le fit venir dans sa loge, lui tapa
+famili&egrave;rement sur l'&eacute;paule et pronon&ccedil;a toutes sortes de paroles
+aimables, dans le d&eacute;bonnaire dialecte viennois. Mais lorsque,
+s'enqu&eacute;rant des conditions du po&egrave;te, il apprit qu'il &eacute;tait
+fonctionnaire, l'Empereur arr&ecirc;ta net l'entretien et lui tourna le dos. A
+ses yeux, quand on servait l'Etat, &eacute;crire autre chose que des actes
+officiels constituait un d&eacute;lit. Aussi Grillparzer que la critique
+viennoise traitait sans bienveillance, n'eut, apr&egrave;s comme avant,
+d'autres ressources que son talent et la faveur du public. Celle-ci,
+d'ailleurs, ne lui fut point m&eacute;nag&eacute;e; l'<i>A&iuml;eule</i> fut acclam&eacute;e avant que
+les gazettes eussent eu le temps de formuler leur avis, et non moins
+chaudement apr&egrave;s.</p>
+
+<p>C'est en ce public si avis&eacute; et si vibrant, que Grillparzer mit toute son
+esp&eacute;rance lors de la mise &agrave; l'&eacute;tude de <i>Sapho</i>, paraissant deux ans
+apr&egrave;s l'<i>A&iuml;eule</i>, et sa foi fut non moins in&eacute;branlable en la puissance
+dramatique de la Schr&oelig;der. Il savait que non seulement elle ne
+trahirait aucune de ses intentions de po&egrave;te, mais que la pl&eacute;nitude de
+son jeu et la majest&eacute; plastique de ses mouvements infuseraient la vie &agrave;
+son h&eacute;ro&iuml;ne. Il allait voir l'artiste presque journellement et plus
+souvent encore pendant les jours qui pr&eacute;c&eacute;d&egrave;rent la repr&eacute;sentation, non
+pour lui donner des conseils, mais pour puiser chez elle courage et
+confiance, le jeune auteur de 30 ans commen&ccedil;ant d&eacute;j&agrave; &agrave; souffrir de ce
+pessimisme artistique qui, plus tard, devait envenimer tous ses efforts
+et lui faire abandonner la lice.</p>
+
+<p>Quelques heures avant la premi&egrave;re, Grillparzer se trouvait encore sur le
+petit canap&eacute; &agrave; fleurs du salon de Sophie, tandis que les affiches de la
+<i>Sapho</i> s'&eacute;talaient sur tous les murs attirant les curieux qui faisaient
+cercle autour, et que les amateurs de th&eacute;&acirc;tre suivaient impatiemment des
+yeux les aiguilles de leurs pendules. Le po&egrave;te regardait la com&eacute;dienne
+arranger, avec l'aide de M^lle Babette, des &eacute;toffes, dans le grand
+panier qui lui servait de garde-robe.</p>
+
+<p>&mdash;Mais, mon cher ma&icirc;tre dit soudain l'actrice en se pla&ccedil;ant devant lui
+et en rejetant la t&ecirc;te en arri&egrave;re, d'un mouvement qui lui &eacute;tait
+familier, je n'ai plus que faire de vous.</p>
+
+<p>&mdash;Vraiment? fit le po&egrave;te, et il leva vers elle ses beaux yeux bleus
+suppliants. Puis, d'un ton r&eacute;sign&eacute;:&mdash;Alors il me faut partir.</p>
+
+<p>Grillparzer se leva en poussant un soupir, prit son chapeau et soupira
+de nouveau.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der lui tendit la main.</p>
+
+<p>&mdash;Je pars, dit-il en consid&eacute;rant cette main, mais&mdash;vous savez que je
+d&eacute;teste le baise-main&mdash;je dois vous baiser la main. Si j'&eacute;tais
+berlinois, je dirais que votre main est spirituelle, mais, en bon
+Viennois, je vous dis seulement: vous avez des menottes affriolantes.</p>
+
+<p>Il porta la main, qui paraissait sculpt&eacute;e dans de l'ivoire, &agrave; ses l&egrave;vres
+et partit.</p>
+
+<p>A peine la Schr&oelig;der se trouva-t-elle seule, qu'on frappa &agrave; la porte.</p>
+
+<p>La vieille com&eacute;dienne, M^me Muller, entra timidement.</p>
+
+<p>&mdash;Mon Dieu, vous allez m'en vouloir de me pr&eacute;senter au moment d'une
+premi&egrave;re. Je sais que ce n'est pas agr&eacute;able et qu'on n'aime pas cela.
+J'ai &eacute;t&eacute; moi-m&ecirc;me dans ce cas. Mais vous me pardonnerez, quand vous
+saurez que j'ai &eacute;t&eacute; bien malade et que je le suis encore, mais, quand
+j'ai appris qu'on jouait aujourd'hui une pi&egrave;ce nouvelle de l'auteur de
+l'<i>A&iuml;eule</i> et que c'est vous, divine Schr&oelig;der, qui cr&eacute;iez <i>Sapho</i>, je
+suis saut&eacute;e de mon lit et accourue. Il faut que je vous voie jouer, il
+le faut. Ayez piti&eacute; de moi, donnez-moi une carte pour la galerie.</p>
+
+<p>La vieille levait des mains suppliantes.</p>
+
+<p>&mdash;Rassurez-vous, vous me verrez jouer, ma ch&egrave;re Muller, mais, avant
+tout, prenez une tasse de caf&eacute; bien chaud, cela vous fera du bien.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der for&ccedil;a sa vieille camarade &agrave; prendre place sur le canap&eacute;,
+et la servit de ses propres mains.</p>
+
+<p>Pendant qu'elle &eacute;tait assise &agrave; humer le breuvage r&eacute;confortant et qu'un
+sourire de bonheur &eacute;panouissait ses vieux traits rid&eacute;s, la Schr&oelig;der
+terminait ses pr&eacute;paratifs tout en causant.</p>
+
+<p>&mdash;Il est impossible que vous montiez &agrave; la galerie ce soir, je ne le
+permettrai pas. On s'y &eacute;touffera, vous pourriez vous trouver mal, la
+foule, la chaleur ... Le parterre doit &ecirc;tre comble &eacute;galement, vous ne
+pourriez vous tenir debout et les si&egrave;ges doivent &ecirc;tre tous lou&eacute;s.</p>
+
+<p>Elle r&eacute;fl&eacute;chissait.</p>
+
+<p>&mdash;Savez-vous quoi? je vous emm&egrave;ne dans les coulisses au lieu de Babette,
+qui trouvera une place &agrave; l'orchestre o&ugrave; on la conna&icirc;t bien.</p>
+
+<p>&mdash;Que vous &ecirc;tes bonne!</p>
+
+<p>&mdash;Et o&ugrave; en est l'argent? poursuivit la trag&eacute;dienne. Nous autres
+artistes en manquons toujours. Ainsi, parlez franc. Que vous faut-il? La
+maladie a tout absorb&eacute;?</p>
+
+<p>&mdash;Vous croyez cela? repartit la vieille en souriant. Oh non, je suis
+devenue tr&egrave;s &eacute;conome. Avec ce que je dois &agrave; votre g&eacute;n&eacute;rosit&eacute;, je puis
+encore vivre le quart d'une ann&eacute;e.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der avait ouvert son porte-monnaie et &eacute;clata de rire.</p>
+
+<p>&mdash;Voyez, dit-elle, joyeuse comme une enfant, je voulais vous g&acirc;ter et ne
+poss&egrave;de rien moi-m&ecirc;me. Vous &ecirc;tes en ce moment plus riche que moi. Je
+donne &agrave; Babette ce qu'il lui faut pour tout le mois, une fois qu'elle
+l'a dans ses mains, je n'ai plus le droit d'y toucher; le reste passe
+par la fen&ecirc;tre, je ne sais comment. L'important est que vous soyez
+momentan&eacute;ment &agrave; l'abri du besoin. Mais occupons-nous de l'avenir.</p>
+
+<p>&mdash;Divine amie, si je pouvais entreprendre un petit commerce, un tout
+petit commerce, soupira la vieille actrice.</p>
+
+<p>&mdash;Bon. Et combien faudrait-il? je n'en ai pas le moindre soup&ccedil;on. Mille
+&eacute;cus peut-&ecirc;tre?</p>
+
+<p>La vieille femme eut presque une frayeur.</p>
+
+<p>&mdash;Mille &eacute;cus? s'&eacute;cria-t-elle, le dixi&egrave;me suffirait. Cent &eacute;cus.</p>
+
+<p>&mdash;Vous les aurez, assura la Schr&oelig;der. Mais j'entends le vacarme de
+notre arche de No&eacute;. Babette, donne-moi ma pelisse.</p>
+
+<p>D'un geste rapide, elle glissa dans la chaude fourrure et descendit
+majestueusement les marches de l'escalier. La vieille Muller suivit,
+toujours envelopp&eacute;e de son fichu.</p>
+
+<p>Le Burgth&eacute;&acirc;tre &eacute;tait plein &agrave; s'&eacute;touffer, jusque dans les plus petits
+recoins. Un public de choix attendait avec une impatience f&eacute;brile le
+lever du rideau. Au premier rang, se tenait, &agrave; sa place accoutum&eacute;e,
+F&eacute;licien Wasilewski, en proie &agrave; une agitation extraordinaire. Il se
+levait, se rasseyait, couvrait son visage de ses mains et d&eacute;chirait son
+mouchoir de poche en mille petits morceaux. Enfin, la pi&egrave;ce commen&ccedil;a. Le
+premier acte se passa dans l'habituel mouvement d'une salle trop pleine.
+Mais les mots du ch&oelig;ur: &laquo;Salut! Sapho, Salut!&raquo; eurent un effet
+magique. Il se fit un profond silence et tous les regards se tourn&egrave;rent
+vers Sophie, faisant son entr&eacute;e sur un char de triomphe, comme un &ecirc;tre
+que la nature a cr&eacute;&eacute; pour dominer.</p>
+
+<p>Les modes gr&eacute;co-romaines de ce temps permettaient &agrave; l'artiste une
+libert&eacute; d'habillement, telle que, de nos jours, on ne la conc&egrave;de qu'aux
+chanteuses d'op&eacute;rettes. Une ample draperie blanche, retenue sur l'&eacute;paule
+par une agrafe en or massif, suivait de pr&egrave;s le contour ferme et
+&eacute;lastique des seins, laissant &agrave; d&eacute;couvert des bras superbes. Du c&ocirc;t&eacute;
+gauche, tombait, le long de la hanche, un manteau &eacute;carlate brod&eacute; d'or.
+S&eacute;par&eacute;e, au milieu du front, l'opulente chevelure se d&eacute;roulait en
+anneaux le long des tempes et, retenue par un bandeau blanc tiss&eacute; d'or
+formait un n&oelig;ud de boucles sombres, qui retombaient sur la nuque.</p>
+
+<p>F&eacute;licien tressaillit en la voyant ainsi. Elle lui sembla presque
+terrible. Dans la majest&eacute; de ses formes, il y avait une puissance
+presque violente qui le terrassait, et son pied d&eacute;licat chauss&eacute; de
+sandales d'or appelait son baiser plus imp&eacute;rieusement que jamais ne
+l'avaient fait la main blanche ou les l&egrave;vres rouges d'une femme. Mais,
+quand elle commen&ccedil;a de parler, quand sa voix merveilleuse r&eacute;sonna,
+pareille tant&ocirc;t &agrave; un son de cloches, tant&ocirc;t &agrave; un murmure de harpe,
+lorsque dans chaque mouvement s'exprima la grande &acirc;me de la po&eacute;tesse
+ador&eacute;e du peuple et souveraine des c&oelig;urs rentrant victorieuse des
+jeux olympiques, Sapho lui parut &ecirc;tre la divine Sophie elle-m&ecirc;me, la
+femme fi&egrave;re et dominatrice, despotique en amour, comme en art. Il sentit
+alors combien follement il l'aimait, mais aussi &agrave; quel point le courage
+lui manquerait de jamais lui demander ses faveurs.</p>
+
+<p>Grillparzer et Sophie f&ecirc;t&egrave;rent ce soir un triomphe complet et qui ne
+devait &ecirc;tre surpass&eacute; que plus tard, lorsque, en M&eacute;d&eacute;e, la Schr&oelig;der
+p&eacute;trifia litt&eacute;ralement son auditoire par le mot trois fois r&eacute;p&eacute;t&eacute;:
+&laquo;Malheur&raquo;!</p>
+
+<p>C'est surtout &agrave; la tomb&eacute;e du rideau que les applaudissements devinrent
+d&eacute;lirants et, pendant que Sophie se voyait contrainte de para&icirc;tre et de
+repara&icirc;tre ind&eacute;finiment, le Polonais, saisi d'une id&eacute;e subite, enjamba
+la rampe de l'orchestre et fut en quelques instants dans la rue.</p>
+
+<p>M^lle Babette &eacute;tait, comme toujours, rentr&eacute;e la premi&egrave;re &agrave; la maison,
+afin de s'occuper du th&eacute; que Sophie aimait &agrave; trouver tout fumant sur la
+table. Elle haletait en montant les marches de l'escalier et t&acirc;tonna en
+cherchant le trou de la serrure. Soudain, une main glac&eacute;e s'empara de la
+sienne et elle sentit une ombre se dresser pr&egrave;s d'elle.</p>
+
+<p>M^lle Babette en &eacute;prouva une telle frayeur que la voix lui manqua pour
+crier. En ces temps de romantisme et d'histoires de brigands,
+l'apparition d'un revenant &eacute;tait, pour une imagination exalt&eacute;e par les
+pi&egrave;ces de th&eacute;&acirc;tre et les romans, quelque chose de tout naturel.</p>
+
+<p>La gouvernante tremblait de tous ses membres et mena&ccedil;ait de s'&eacute;vanouir.
+Heureusement, une formule pour conjurer les esprits lui revint en
+m&eacute;moire, et elle murmura d'une voix &eacute;touff&eacute;e par l'angoisse:</p>
+
+<p>&mdash;Tous les bons esprits louent le Seigneur.</p>
+
+<p>&mdash;Je suis un tr&egrave;s bon esprit, r&eacute;pondit une voix douce, et le Seigneur
+que je loue, s'appelle Sophie Schr&oelig;der.</p>
+
+<p>&mdash;Qui &ecirc;tes-vous? questionna Fr&auml;ulein Babette l&eacute;g&egrave;rement rassur&eacute;e, et que
+me voulez-vous &agrave; cette heure?</p>
+
+<p>&mdash;Ouvrez d'abord, poursuivit l'invisible visiteur, et faites de la
+lumi&egrave;re, je m'expliquerai ensuite.</p>
+
+<p>&mdash;Mais je ne puis vous laisser entrer, soupira Mademoiselle, vous &ecirc;tes
+peut-&ecirc;tre....</p>
+
+<p>&mdash;<i>Rinaldo Rinaldini</i> ou <i>Jaromir</i> en personne? railla le noctambule.
+Tranquillisez-vous, je ne suis ni un brigand, ni un d&eacute;mon de l'enfer,
+ni m&ecirc;me un simple revenant, seulement un enthousiaste adorateur de la
+divine Schr&oelig;der et de son talent.</p>
+
+<p>&mdash;Et vous venez si tard ...</p>
+
+<p>&mdash;Je le sais bien, mademoiselle Babette, mais il me faut vous parler, &agrave;
+vous seule. Ouvrez, au nom du ciel, sans quoi Sapho va revenir et tout
+serait perdu.</p>
+
+<p>M^lle Babette, se laissant enfin convaincre, ouvrit et chercha du feu. A
+la lumi&egrave;re douteuse d'une chandelle, elle reconnut le Polonais. Il se
+tenait devant elle, moiti&eacute; g&ecirc;n&eacute;, moiti&eacute; railleur, envelopp&eacute; d'un long
+manteau et tenant &agrave; la main une magnifique couronne de lauriers.</p>
+
+<p>&mdash;Ah! c'est vous, dit-elle. Et vous d&eacute;sirez que je remette cette
+couronne &agrave; la Schr&oelig;der?</p>
+
+<p>Elle &eacute;tendait sa maigre main, pour la prendre.</p>
+
+<p>&mdash;Certainement, je le veux, mais ce n'est pas tout ce que j'ai &agrave; vous
+demander.</p>
+
+<p>&mdash;Parlez vite, car elle va venir, et il faut qu'elle trouve son th&eacute;
+pr&ecirc;t, sans quoi elle se f&acirc;chera.</p>
+
+<p>&mdash;Laissez-le-moi faire. Nous autres Polonais nous y entendons &agrave; la
+perfection. Je serai si heureux que la grande Sapho b&ucirc;t, ce soir, du
+th&eacute; pr&eacute;par&eacute; de ma main.</p>
+
+<p>&mdash;Nous n'avons pas le temps ...</p>
+
+<p>&mdash;Plus qu'il ne faut.</p>
+
+<p>Babette secoua la t&ecirc;te, puis se h&acirc;ta de chercher ce qu'il fallait.</p>
+
+<p>&mdash;Au moins, entrez dans ma chambre, continua-t-elle, afin que je puisse
+vous faire sortir inaper&ccedil;u. Par ici, monsieur le Comte.</p>
+
+<p>On donnait, en ce temps, le titre de comte &agrave; tous les Polonais
+indistinctement.</p>
+
+<p>Le jeune homme ob&eacute;it et fit montre d'une v&eacute;ritable virtuosit&eacute; &agrave; composer
+le breuvage ambr&eacute;.</p>
+
+<p>M^lle Babette ne revenait pas de son &eacute;tonnement. Tout en manipulant le
+samovar, il s'entretenait avec la gouvernante.</p>
+
+<p>&mdash;Donc, ch&egrave;re Mademoiselle, vous lui remettrez la couronne?</p>
+
+<p>&mdash;Certainement.</p>
+
+<p>&mdash;Et vous lui exprimerez toute ma fervente admiration pour son r&ocirc;le
+d'aujourd'hui?</p>
+
+<p>&mdash;Oui, monsieur le Comte.</p>
+
+<p>&mdash;Elle a &eacute;t&eacute; insurpassable.</p>
+
+<p>&mdash;Grandiose!</p>
+
+<p>&mdash;Vous comprenez donc que je v&eacute;n&egrave;re votre ma&icirc;tresse.</p>
+
+<p>&mdash;Je m'&eacute;tonnerais du contraire.</p>
+
+<p>&mdash;Et vous comprenez que je l'aime, que je suis forc&eacute; de l'aimer, de
+l'adorer?</p>
+
+<p>&mdash;Si j'&eacute;tais homme, je ferais comme vous.</p>
+
+<p>&mdash;Par cons&eacute;quent, ma ch&egrave;re, ma bonne, mon ang&eacute;lique Mademoiselle,
+procurez-moi quelque chose que Sophie Schr&oelig;der ait port&eacute;, et si ce
+n'&eacute;tait qu'un simple ruban ayant repos&eacute; sur sa divine poitrine, je le
+conserverais comme un f&eacute;tiche, un talisman, aussi longtemps que je
+vivrais et jusqu'&agrave; l'heure de ma mort.</p>
+
+<p>&mdash;C'est ce que je ne puis pas, monsieur le Comte.</p>
+
+<p>&mdash;Vous ne pouvez pas? se r&eacute;cria le Polonais. Et me laisser mourir, sans
+une consolation, sans un r&eacute;confort, cela vous le pouvez?</p>
+
+<p>&mdash;Mais que voulez-vous que je vous donne?</p>
+
+<p>&mdash;Ce que vous voudrez.</p>
+
+<p>&mdash;Il n'y a pas un seul objet dont elle puisse se passer.</p>
+
+<p>Le Polonais, qui avait fini de pr&eacute;parer le th&eacute;, saisit le flambeau avec
+une h&acirc;te f&eacute;brile, et se dirigea d'un pas rapide, &agrave; travers les salles,
+jusqu'&agrave; la chambre &agrave; coucher de la trag&eacute;dienne. L&agrave; il s'arr&ecirc;ta avec un
+tressaillement d'extase et regarda autour de lui avec &eacute;motion.</p>
+
+<p>&mdash;Que faites-vous? s'&eacute;cria Babette qui l'avait suivi &eacute;pouvant&eacute;e, ne
+savez-vous pas que c'est ici un sanctuaire que le pied d'aucun mortel
+n'est autoris&eacute; &agrave; fouler?</p>
+
+<p>&mdash;Laissez-moi jouir de ce moment divin, repartit le Polonais avec feu.
+C'est derri&egrave;re ces rideaux que repose ce corps divin et, ce tapis, son
+pied l'effleure journellement!</p>
+
+<p>Il s'agenouilla et baisa le tapis. En se relevant, il tenait &agrave; la main
+une pantoufle, qu'il brandit triomphalement.</p>
+
+<p>&mdash;Vous vous demandez ce que vous allez me donner? ch&egrave;re, d&eacute;licieuse
+Babette, donnez-moi cette pantoufle de l'immortelle, vous ferez de moi
+le plus heureux des mortels.</p>
+
+<p>&mdash;Cette pantoufle moins que toute autre chose, repartit Babette, elle va
+rentrer et voudra la mettre.</p>
+
+<p>&mdash;Plus jamais elle ne la mettra, s'&eacute;cria l'amoureux d'un ton r&eacute;solu.</p>
+
+<p>En vain, l'excellente fille fit tous ses efforts pour la lui reprendre,
+le jeune homme &eacute;chappait sans cesse &agrave; sa poursuite et elle dut lui
+faire la chasse, &agrave; travers toute la s&eacute;rie des chambres, jusque dans la
+cuisine. L&agrave;, le Polonais prit son manteau, mit son chapeau et voulut
+sortir, mais M^lle Babette le retint, nouvelle Putiphar, par le pan de
+son manteau.</p>
+
+<p>&mdash;Seigneur Dieu! g&eacute;mit-elle, vous ferez encore mon malheur. Je ne vous
+laisserai point partir, monsieur le Comte, que vous ne m'ayez rendu la
+pantoufle.</p>
+
+<p>&mdash;Je ne la rendrai qu'avec la vie.</p>
+
+<p>&mdash;&Ecirc;tes-vous donc tout &agrave; fait fou?</p>
+
+<p>&mdash;Je vous en donne son poids d'or, fit l'exalt&eacute; en tirant de sa poche,
+sa main pleine de ducats qu'il jeta sur la table.</p>
+
+<p>&mdash;Non, non, cria la malheureuse gouvernante avec angoisse, je ne veux
+pas de votre or, je ne prends point d'argent, je veux la pantoufle!</p>
+
+<p>&mdash;Ayez piti&eacute;, donnez-la-moi!</p>
+
+<p>&mdash;Pourquoi donc vous faut-il absolument cette pantoufle?</p>
+
+<p>&mdash;La pantoufle de Sapho, reprit le gentilhomme avec solennit&eacute;, pour y
+imprimer chaque jour mes l&egrave;vres, &agrave; l'endroit qu'a touch&eacute; son doux pied.</p>
+
+<p>&mdash;Mon Dieu, tout cela est bien bel et bon, soupira M^lle Babette, les
+chevaliers et les nobles brigands en agissaient ainsi; mais, si la
+pantoufle manque, je suis perdue. Rendez-la-moi.</p>
+
+<p>&mdash;Babette, c&eacute;leste Babette, pouvez-vous &ecirc;tre assez cruelle pour
+m'arracher l'objet de mon adoration?</p>
+
+<p>&mdash;Oui, je suis assez cruelle ... dit-elle en souriant, le r&ocirc;le de
+cruelle lui plaisait &eacute;videmment.</p>
+
+<p>&mdash;M&ecirc;me, si je vous implore &agrave; genoux?</p>
+
+<p>Le jeune homme s'&eacute;tait jet&eacute; &agrave; ses pieds et levait la pantoufle d'un air
+suppliant.</p>
+
+<p>&mdash;Mais, mon Dieu, que faites-vous donc?</p>
+
+<p>Au m&ecirc;me instant, la porte s'ouvrit, on per&ccedil;ut un froissement de jupes,
+Babette poussa un cri et le Polonais, bondissant sur ses pieds, demeura
+comme p&eacute;trifi&eacute;.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der venait de para&icirc;tre sur le seuil. Elle portait encore le
+bandeau tiss&eacute; d'or autour de sa t&ecirc;te et le p&eacute;plum blanc de Sapho. Elle
+n'avait quitt&eacute; que son manteau, le rempla&ccedil;ant par sa chaude pelisse.</p>
+
+<p>Sophie se pr&eacute;sentait la t&ecirc;te haute, dans toute sa majest&eacute;, ses formes
+opulentes et son bras robuste entour&eacute;s de la sombre fourrure, comme sur
+l'image fameuse que nous poss&eacute;dons d'elle.</p>
+
+<p>Un regard, un &eacute;clair de ses yeux qui eut rel&eacute;gu&eacute; dans l'ombre toutes
+les imp&eacute;ratrices et les princesses r&eacute;gnantes que les Viennois avaient eu
+r&eacute;cemment le loisir d'admirer au grand Congr&egrave;s, et le jeune enthousiaste
+se trouva &agrave; genoux.</p>
+
+<p>Elle fit deux pas en avant et s'arr&ecirc;ta, comme une souveraine devant un
+esclave qui s'est attir&eacute; le plus terrible ch&acirc;timent. Les yeux de la
+trag&eacute;dienne le fix&egrave;rent un moment, puis, se tournant vers Babette:</p>
+
+<p>&mdash;Que se passe-t-il? questionna-t-elle. Comment Monsieur se trouve-t-il
+dans ma demeure? et qui l'a autoris&eacute; &agrave; y p&eacute;n&eacute;trer?</p>
+
+<p>M^lle Babette, rouge jusqu'aux oreilles, se tenait, les jambes
+tremblantes, comme une p&eacute;cheresse.</p>
+
+<p>&mdash;Il ... je ... parce que ... balbutia-t-elle.</p>
+
+<p>&mdash;Je demande une r&eacute;ponse. Qui a fait entrer Monsieur?</p>
+
+<p>Wasilewski se releva.</p>
+
+<p>&mdash;Ne la grondez pas, dit-il, elle ne pouvait faire autrement. Mon
+enthousiasme pour vous, Madame, a triomph&eacute; de ses r&eacute;sistances. Je suis
+le seul coupable, le seul.</p>
+
+<p>&mdash;Vous avouez donc?</p>
+
+<p>&mdash;Je ne nie point, je demande gr&acirc;ce.</p>
+
+<p>&mdash;Vous reconnaissez votre faute?</p>
+
+<p>&mdash;Gr&acirc;ce!</p>
+
+<p>L'actrice ne put s'emp&ecirc;cher de sourire.</p>
+
+<p>&mdash;D'abord l'instruction et la sentence. La gr&acirc;ce ne vient qu'ensuite.</p>
+
+<p>&mdash;Oui, punissez-moi, supplia le gentilhomme d'une voix tremblante
+d'amour et, un peu aussi, de crainte. Punissez-moi cruellement, le
+ch&acirc;timent m&ecirc;me que vous m'infligerez, me sera une joie et une
+consolation.</p>
+
+<p>&mdash;Avant tout, je d&eacute;sire savoir ce que vous vouliez de ma fid&egrave;le Babette
+et pourquoi vous lui avez offert de l'argent.</p>
+
+<p>&mdash;Je l'ai pri&eacute;e, r&eacute;pondit loyalement et simplement le jeune homme, de me
+donner la pantoufle de Sapho et, comme elle me la refusait et cherchait
+&agrave; me l'arracher, je lui ai offert ...</p>
+
+<p>Il se tut en baissant les yeux.</p>
+
+<p>&mdash;Une poign&eacute;e d'or pour une vieille pantoufle? railla la Schr&oelig;der,
+tandis qu'un charmant sourire &eacute;clairait son aust&egrave;re visage. Mais o&ugrave; donc
+est ce pr&eacute;cieux objet? Je suis lasse et en ai besoin pour me reposer
+...</p>
+
+<p>&mdash;Oserais-je vous prier de me laisser gracieusement ce que M^lle Babette
+m'a si impitoyablement refus&eacute;?</p>
+
+<p>&mdash;Quelle valeur attribuez-vous donc &agrave; cette pantoufle? questionna la
+trag&eacute;dienne, s'&eacute;gayant de plus en plus.</p>
+
+<p>&mdash;Je ne puis vous dire cela ici ...</p>
+
+<p>&mdash;Suivez-moi donc au salon, dit Sophie, qui commen&ccedil;ait &agrave; s'amuser
+royalement de la situation. L&agrave;, vous me donnerez l'explication de votre
+singulier d&eacute;sir.</p>
+
+<p>Elle passa devant, avec l'allure d'une souveraine, et il suivit
+docilement, comme un enfant ou un fol amoureux. La Schr&oelig;der alluma
+les bougies d'un cand&eacute;labre en argent qui se trouvait, sur une console
+dor&eacute;e, devant un trumeau, et se laissa choir, avec cette majest&eacute; qui
+sied mieux aux femmes opulentes que la gr&acirc;ce aux maigres, sur le canap&eacute;,
+et indiqua un si&egrave;ge &agrave; son h&ocirc;te, d'un geste plein de noblesse.</p>
+
+<p>&mdash;Vous vous nommez?...</p>
+
+<p>&mdash;F&eacute;licien Wasilewski.</p>
+
+<p>&mdash;Donc monsieur Wa ... comment dites-vous?</p>
+
+<p>&mdash;Wasilewski.</p>
+
+<p>&mdash;C'est un nom difficile. Wasilewski, est-ce bien cela?</p>
+
+<p>Le Polonais s'inclina.</p>
+
+<p>&mdash;Et ce serait r&eacute;ellement le seul d&eacute;sir de vous approprier ma pantoufle,
+qui vous aurait fait p&eacute;n&eacute;trer &agrave; une heure aussi insolite dans mon
+domicile?</p>
+
+<p>&mdash;Je vous ai vue dans tous vos r&ocirc;les. A chaque cr&eacute;ation nouvelle,
+grandissait mon admiration pour la grande trag&eacute;dienne, ma&icirc;tresse de
+toutes les cordes du clavier humain, et mon adoration pour la belle
+artiste ...</p>
+
+<p>&mdash;Je ne suis pas belle, Monsieur.</p>
+
+<p>&mdash;Pour moi, vous &ecirc;tes belle, et si vous ne l'&ecirc;tes point, le sentiment
+que vous inspirez &agrave; mon c&oelig;ur est encore cent fois plus id&eacute;al et plus
+sacr&eacute;, puisqu'il vous rend belle, plus belle que toutes les femmes de la
+terre. Je vous aime.</p>
+
+<p>&mdash;Monsieur!</p>
+
+<p>&mdash;Pardonnez-moi, je ne puis faire autrement. Ce n'est point un
+enivrement de mes sens, un aveuglement de mon esprit, je dois vous aimer
+comme je dois respirer ... pour vivre.</p>
+
+<p>Cette fois, la Schr&oelig;der baissa son regard altier.</p>
+
+<p>&mdash;Monsieur, je serai sinc&egrave;re: l'int&eacute;r&ecirc;t que vous me portez a cess&eacute;,
+depuis longtemps, d'&ecirc;tre un myst&egrave;re pour moi. Vous l'avez exprim&eacute; si
+souvent, d'une mani&egrave;re aussi chevaleresque que d&eacute;licate, mais je n'y
+voyais qu'un hommage &agrave; la trag&eacute;dienne ...</p>
+
+<p>&mdash;C'est plus, beaucoup plus, c'est tout ce qu'un c&oelig;ur d'homme peut
+&eacute;prouver pour une femme ...</p>
+
+<p>&mdash;Nous parlions de ma pantoufle, interrompit la jeune femme.</p>
+
+<p>&mdash;Oui ... c'est vrai ... en effet. &Eacute;coutez-moi donc. J'&eacute;tais rempli
+d'admiration pour vous, je vous adorais, vous seule. Vint la soir&eacute;e
+d'aujourd'hui. Je vous vis dans votre nouveau r&ocirc;le et fus saisi d'un
+enthousiasme, d'un saint d&eacute;lire, qui me poussa &agrave; enfreindre toutes les
+r&egrave;gles des convenances et &agrave; d&eacute;poser &agrave; vos pieds une couronne de
+lauriers, en vous d&eacute;robant, en &eacute;change, un objet quelconque qui vous e&ucirc;t
+servi, et si ce n'&eacute;tait qu'un ruban. J'aper&ccedil;us votre pantoufle ...</p>
+
+<p>&mdash;Vous avez p&eacute;n&eacute;tr&eacute; dans ma chambre &agrave; coucher? interrompit l'actrice en
+fron&ccedil;ant les sourcils.</p>
+
+<p>&mdash;Pardonnez-moi, supplia le jeune homme.</p>
+
+<p>En pronon&ccedil;ant ces mots, son regard avait une expression si enfantine, si
+sinc&egrave;re, sa main s'empara de celle de l'actrice avec une passion si
+convaincue, qu'elle ne se sentit pas le c&oelig;ur de lui garder rancune.</p>
+
+<p>&mdash;Je vous pardonne, dit-elle.</p>
+
+<p>&mdash;Et ... vous me permettez de vous dire ... que je vous aime ...</p>
+
+<p>&mdash;Non, pas cela.</p>
+
+<p>&mdash;Vous me condamnez au silence?</p>
+
+<p>&mdash;Je vous y condamne.</p>
+
+<p>&mdash;Vous &ecirc;tes cruelle.</p>
+
+<p>&mdash;C'est la premi&egrave;re fois qu'on me dit cela. Cruelle est la femme qui
+attire en souriant un homme dans ses filets pour, ensuite, s'en moquer
+et s'amuser de son tourment. Je ne suis pas une coquette, Monsieur, et
+l'on n'a jamais pu se plaindre que de ma franchise et de ma loyaut&eacute;. Ne
+pas entretenir une vaine esp&eacute;rance, n'est pas cruel mais honn&ecirc;te.</p>
+
+<p>&mdash;Je sais, Madame, que vous poss&eacute;dez cette loyaut&eacute; de caract&egrave;re, si rare
+dans le monde du th&eacute;&acirc;tre, et je sais aussi que vous &ecirc;tes vertueuse.</p>
+
+<p>&mdash;Oui et non, repartit l'actrice avec un sourire. Selon moi, la vertu ne
+consiste pas dans les principes, mais uniquement dans l'amour. Une femme
+qui, par amour du lucre et du luxe, accorde sa main &agrave; un homme qu'elle
+n'aime point, n'est pas moins vicieuse que Phryn&eacute; qui vend ses faveurs.
+Le calcul est aussi r&eacute;pugnant que le d&eacute;vergondage. En revanche, une
+jeune femme qui aime sinc&egrave;rement, est toujours vertueuse, qu'elle offre
+ses l&egrave;vres roses au baiser dans une chambre nuptiale somptueusement
+d&eacute;cor&eacute;e, ou sous les tilleuls et sur la bruy&egrave;re, ainsi que chante le
+po&egrave;te d'amour, Walther de la Vogelweide.</p>
+
+<p>&mdash;Je vous comprends.</p>
+
+<p>&mdash;Me comprenez-vous tout &agrave; fait?</p>
+
+<p>&mdash;Je le crains.</p>
+
+<p>&mdash;Reparlons de la pantoufle.</p>
+
+<p>&mdash;Non, parlons du sentiment qui me domine et me remplit, qui me fait
+tressaillir au son de votre voix, au moindre froissement de votre robe.
+Ne croyez pas que je sois assez t&eacute;m&eacute;raire pour oser esp&eacute;rer &ecirc;tre pay&eacute; de
+retour. Je serais trop heureux d&eacute;j&agrave;, de pouvoir, journellement, vous
+mettre et &ocirc;ter vos souliers, et vous offrir mon bras pour monter dans
+votre carrosse ...</p>
+
+<p>&mdash;De tels rapports sont impossibles, d&eacute;clara la jeune femme d'un ton
+ferme, du moins en ce qui me concerne. Une coquette prendrait sans doute
+quelque plaisir &agrave; recevoir ces hommages, et s'en ferait un jeu. Mais
+moi, je ne me sens pas capable d'occasionner des tourments que je ne
+pourrais apaiser, les augmenter, me para&icirc;trait indigne de moi. Je suis
+sinc&egrave;re, monsieur Wasilewski. Vous m'int&eacute;ressez, mais je ne puis &ecirc;tre &agrave;
+vous. C'est pourquoi, il faut nous s&eacute;parer. Vous voulez &ecirc;tre mon
+esclave? Je suis fort capable de r&eacute;duire un homme en esclavage, mais un
+homme que j'aimerais et que je pourrais rendre heureux.</p>
+
+<p>&mdash;Vous avez raison, soupira Wasilewski apr&egrave;s un long et douloureux
+silence. Je dois vous fuir. Je vous aime de toute la folle ardeur d'un
+c&oelig;ur innocent, mais votre compassion me serait intol&eacute;rable. Une femme
+cruelle peut seule renoncer &agrave; l'amour, et vous, vous &ecirc;tes bonne. Je me
+ressaisirai, je ne vous verrai plus. Je retournerai dans ma patrie et
+t&acirc;cherai de vous oublier, mais&mdash;un sourire d'enfant &eacute;claira sa
+tristesse&mdash;il faut que vous me donniez un talisman, divine Sapho, votre
+pantoufle.</p>
+
+<p>&mdash;Et pourquoi justement ma pantoufle?</p>
+
+<p>&mdash;Il est d'usage, dans mon pays, lorsqu'on aime et qu'on veut offrir le
+supr&ecirc;me hommage &agrave; une femme, de lui d&eacute;rober son soulier et d'y boire &agrave;
+sa sant&eacute;, r&eacute;pondit le jeune homme avec un s&eacute;rieux atteignant presque &agrave;
+la solennit&eacute;. Je baiserai journellement l'endroit qu'a touch&eacute; votre
+pied.</p>
+
+<p>La grande Schr&oelig;der s'ab&icirc;mait dans les r&eacute;flexions. Autour de ses
+l&egrave;vres, se jouait comme de l'espi&egrave;glerie.</p>
+
+<p>&mdash;Bien, monsieur, dit-elle enfin, je vous fais cadeau de la pantoufle.</p>
+
+<p>&mdash;Comment vous remercier? s'exclama le jeune homme en lui prenant la
+main et en la couvrant de baisers.</p>
+
+<p>&mdash;Ecoutez la suite. Vous offriez &agrave; Babette une poign&eacute;e de ducats pour
+cet objet?...</p>
+
+<p>&mdash;En effet.</p>
+
+<p>&mdash;Si vous &eacute;tiez pr&ecirc;t &agrave; payer d'une telle prodigalit&eacute; une vieille
+pantoufle us&eacute;e, que donneriez-vous pour le pied m&ecirc;me de Sapho?</p>
+
+<p>&mdash;Le pied! comment cela?</p>
+
+<p>&mdash;Ecoutez-moi jusqu'au bout. J'ai ici une pauvre com&eacute;dienne qui se nomme
+Muller, une artiste de m&eacute;rite et une excellente femme. Actuellement,
+elle meurt de faim et de froid et est presque toujours malade.</p>
+
+<p>&mdash;Je devine, cette mendiante ...</p>
+
+<p>&mdash;Elle-m&ecirc;me. Vous la rendriez heureuse en lui donnant les moyens
+d'entreprendre un petit commerce, et c'est pourquoi je vous demande, &agrave;
+vous qui offriez de l'or pour baiser la pantoufle de Sapho, combien vous
+donneriez pour baiser son pied m&ecirc;me?</p>
+
+<p>La bienfaisante artiste, en un caprice olympien, avait eu cette
+charmante pens&eacute;e; mais, &agrave; l'instant o&ugrave; elle la formulait, elle en eut
+honte, rougit et baissa les yeux. Wasilewski ne lui laissa pas le temps
+de se reprendre.</p>
+
+<p>&mdash;J'offre ma fortune enti&egrave;re pour une telle faveur.</p>
+
+<p>&mdash;Vous prenez ma folle id&eacute;e au s&eacute;rieux?</p>
+
+<p>&mdash;Ne reprenez point votre parole, je vous en supplie.</p>
+
+<p>&mdash;Eh bien, soit, fit la Schr&oelig;der en retrouvant son sourire. Vous
+pourrez me baiser le pied, mais ...</p>
+
+<p>&mdash;Je vais vous faire un &eacute;crit ...</p>
+
+<p>&mdash;Non, non, interrompit la trag&eacute;dienne, je n'accepte qu'une somme
+pouvant tirer de souci ma pauvre Muller et dont vous puissiez facilement
+vous passer, car je vous sais riche.</p>
+
+<p>&mdash;Je suis &agrave; vos ordres.</p>
+
+<p>&mdash;Peut-&ecirc;tre cent ducats?...</p>
+
+<p>Le gentilhomme se pr&eacute;cipita dans la chambre voisine o&ugrave; il avait remarqu&eacute;
+la pr&eacute;sence d'un &eacute;critoire, et rapporta &agrave; la trag&eacute;dienne une feuille
+couverte de sable d'or. Elle la parcourut. C'&eacute;tait un ch&egrave;que de 500
+ducats. Sophie plia la feuille lentement, tr&egrave;s lentement, et la cacha
+dans son sein palpitant, tandis qu'une rougeur r&eacute;v&eacute;latrice montait de
+ses joues &agrave; son front et, bient&ocirc;t, couvrait son visage tout entier.
+Enfin, rejetant avec d&eacute;cision, sa fi&egrave;re t&ecirc;te en arri&egrave;re:</p>
+
+<p>&mdash;Il le faut, dit-elle. Avec ces mots, toute sa s&eacute;r&eacute;nit&eacute; rayonnante de
+d&eacute;esse lui revint.</p>
+
+<p>&mdash;Venez, pronon&ccedil;a-t-elle de sa voix sonore. Elle alla brusquement au
+fauteuil le plus proche, s'y laissa tomber et, avant que son adorateur
+e&ucirc;t compris son intention, elle rejeta sa sandale et d&eacute;nuda son pied,
+d'une forme aussi parfaite que n'importe quel marbre antique.</p>
+
+<p>&mdash;Ici, commanda-t-elle.</p>
+
+<p>Wasilewski vit briller le pied sous la sombre fourrure qui enveloppait
+les divins membres de l'artiste, et tressaillit.</p>
+
+<p>&mdash;Eh bien, vous ne voulez pas le baiser? dit-elle avec un sourire
+enchanteur. Elle &eacute;tait vraiment belle, en ce moment.</p>
+
+<p>Le jeune homme se prosterna devant elle et pressa ses l&egrave;vres br&ucirc;lantes
+sur le marbre glac&eacute; qu'elle lui pr&eacute;sentait, une fois, deux fois. Puis
+il mit son front contre terre et, avant qu'elle n'e&ucirc;t pu l'emp&ecirc;cher,
+saisit le pied et le posa sur sa nuque.</p>
+
+<p>&mdash;Laissez-moi &ecirc;tre votre esclave, pour toujours.</p>
+
+<p>La Schr&oelig;der retira vivement son pied.</p>
+
+<p>&mdash;Levez-vous, ordonna-t-elle. Vous ne pouvez pas &ecirc;tre mon esclave.</p>
+
+<p>&mdash;Non, non, je ne dois pas.</p>
+
+<p>Il restait toujours &agrave; genoux et la contemplait en extase. Enfin, il
+revint &agrave; lui, baisa une fois encore, avec une tendresse passionn&eacute;e, le
+pied de Sapho et sortit pr&eacute;cipitamment.</p>
+
+<p>Sophie Schr&oelig;der demeura immobile, le front appuy&eacute; dans sa main, et
+perdue dans ses pens&eacute;es.</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p>F&eacute;licien Wasilewski est mort, il y a quelques ann&eacute;es, dans ses terres de
+Pologne. Il avait atteint un grand &acirc;ge et ne s'&eacute;tait jamais mari&eacute;.</p>
+
+<p>Ses h&eacute;ritiers d&eacute;couvrirent, parmi toutes sortes d'objets pr&eacute;cieux, un
+coffret d'&eacute;b&egrave;ne incrust&eacute; d'ivoire, o&ugrave; se trouvait une vieille pantoufle
+fan&eacute;e. Le premier &eacute;tonnement pass&eacute;, ils s'en amus&egrave;rent, et n'en parlent
+jamais qu'en riant.<br /><br /></p>
+
+<hr style="width: 95%;" />
+
+
+<div style="margin-left: 25%; margin-right: 25%;">
+<h3>Transcriber's Notes:</h3>
+
+<ul><li>[*] indicates a missing word or probable typo in the text.</li>
+<li>Other possible typos have been left as found in the original.</li>
+<li>This is only one story from the collection named on the title page.
+Some other stories were culled from the same collection and can also be found at Project Gutenberg.</li></ul>
+</div>
+
+<hr style="width: 95%;" />
+
+<div style="margin-left: 25%; margin-right: 25%;">
+<h3>LIBRAIRIE CH. CARRINGTON&mdash;PARIS.</h3>
+
+
+<p><span class="title">La Czarine Noire</span> et autres contes. <big><b>L'Amour cruel &agrave; travers les &acirc;ges</b>,</big>
+par <span class="smcap">Sacher Masoch</span>&mdash;1 vol. in-18 j&eacute;sus . . . 5 fr.</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p><span class="title">Tortures et Tourments des Martyrs Chr&eacute;tiens.</span> Trait&eacute; des Instruments de
+Martyre et des divers Modes de Supplices employ&eacute;s par les pa&iuml;ens contre
+les chr&eacute;tiens, par le R&eacute;v&eacute;rend P&egrave;re <span class="smcap">Ant. Gallonio</span>.&mdash;Un fort
+beau vol. pet. in-4&deg; avec 46 planches . . . 20 fr.</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p><span class="title">La Porte du Baiser,</span> traduit de l'anglais de <span class="smcap">J.W. Harding</span>, par
+<span class="smcap">F. Boutet</span>, pr&eacute;face de M. le Comte Robert <span class="smcap">de
+Montesquiou</span>.&mdash;Un vol. in-18 j&eacute;sus, couv. illustr&eacute;e, dessins hors
+texte . . . 3 fr. 50</p>
+
+<p>&laquo;<i>La Porte du Baiser</i> illustre l'une des &eacute;pop&eacute;es les plus int&eacute;ressantes
+de l'histoire du peuple d'Isra&euml;l: la guerre entre Ez&eacute;chias et
+Sennach&eacute;rib, le terrible roi de Babylone.&raquo;</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p><span class="title">Le Beau N&egrave;gre,</span> par <span class="smcap">Hector France</span>.&mdash;Nul mieux que M. <span class="smcap">H.
+France</span> ne pouvait peindre cette intensit&eacute; de couleur, les paysages
+tropicaux o&ugrave; se joue ce drame v&eacute;ridique. Nul ne pouvait analyser, avec
+cette finesse et cette s&ucirc;ret&eacute;, les passions ardentes dont sont agit&eacute;s
+les personnages de ce livre plein de vie. La couverture, tir&eacute;e en
+couleurs, est de <span class="smcap">L. Malteste</span>, les illustrations sont de <span class="smcap">G.
+Dola</span>.&mdash;Un vol. in-8&deg; . . . 3 fr. 50</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p><span class="title">Pan Micha&euml;l</span> <big><b>(Messire Volodyovski)</b></big> par <span class="smcap">Henryk Sienkiewicz</span>,
+auteur de <i>&laquo;QUO VADIS&raquo;</i>.&mdash;Un fort vol. in-18 j&eacute;sus de 600 pages. 10
+dessins hors texte de M. <span class="smcap">Van Maele</span>, couv. illustr&eacute;e . . . 3 fr. 50</p>
+
+<p><i>Pan Micha&euml;l</i>, qui cl&ocirc;t magnifiquement la trilogie consacr&eacute;e &agrave;
+l'histoire de la Pologne du temps de Sobieski, ne le c&egrave;de en rien aux
+ouvrages qu'il compl&egrave;te: <i>Par le Fer et par le Feu</i> et <i>Le D&eacute;luge</i>.</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p><span class="title">Au-del&agrave; des Portes,</span> par <span class="smcap">E. Stuart-Phelps</span>. Ouvrage consacr&eacute; &agrave;
+la vie d'outre-tombe. Traduction fran&ccedil;aise et pr&eacute;face de <span class="smcap">Ch.
+Grolleau</span>.&mdash;Un vol. in-12, couvert. illustr&eacute;e . . . 3 fr. 50</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p><span class="title">Les Quatrains d'Omar Khayyam,</span> traduits du persan et publi&eacute;s avec une
+introduction et des notes par <span class="smcap">Ch. Grolleau</span>.&mdash;1 vol. pet. in-4&deg;,
+papier de Hollande, cadres de style persan tir&eacute;s en rouge, couv.
+rempli&eacute;e, titre or en relief. Tirage limit&eacute; &agrave; 500 ex. num&eacute;rotes . . . 10 fr.</p>
+
+<hr style='width: 45%;' />
+
+<p><span class="title">La Destin&eacute;e de l'Homme,</span> par <span class="smcap">John Fiske</span>. Traduction et pr&eacute;face
+par <span class="smcap">Ch. Grolleau</span>.&mdash;Un vol. in-12 oblong . . . 4 fr.</p>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of La Pantoufle de Sapho
+by Leopold Ritter von Sacher-Masoch
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO ***
+
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+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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