diff options
| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 04:49:22 -0700 |
|---|---|---|
| committer | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 04:49:22 -0700 |
| commit | 301956fc5c114e4eb9df723eae208724a14de278 (patch) | |
| tree | 38a585645fa290b8b7238e1a93817d38cf123570 | |
| -rw-r--r-- | .gitattributes | 3 | ||||
| -rw-r--r-- | 16649-8.txt | 1540 | ||||
| -rw-r--r-- | 16649-8.zip | bin | 0 -> 27806 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 16649-h.zip | bin | 0 -> 197780 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 16649-h/16649-h.htm | 1670 | ||||
| -rw-r--r-- | 16649-h/images/006.png | bin | 0 -> 32177 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 16649-h/images/cc_pantouflesapho_tn.gif | bin | 0 -> 11006 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 16649-h/images/title.png | bin | 0 -> 19262 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 16649-h/images/title2.png | bin | 0 -> 104677 bytes | |||
| -rw-r--r-- | LICENSE.txt | 11 | ||||
| -rw-r--r-- | README.md | 2 |
11 files changed, 3226 insertions, 0 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes new file mode 100644 index 0000000..6833f05 --- /dev/null +++ b/.gitattributes @@ -0,0 +1,3 @@ +* text=auto +*.txt text +*.md text diff --git a/16649-8.txt b/16649-8.txt new file mode 100644 index 0000000..395fe70 --- /dev/null +++ b/16649-8.txt @@ -0,0 +1,1540 @@ +The Project Gutenberg EBook of La Pantoufle de Sapho +by Leopold Ritter von Sacher-Masoch + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: La Pantoufle de Sapho + +Author: Leopold Ritter von Sacher-Masoch + +Translator: D. Dolorès + +Release Date: September 4, 2005 [EBook #16649] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO *** + + + + +Produced by Miranda van de Heijning, Melissa Er-Raqabi and +the Online Distributed Proofreading Team at +https://www.pgdp.net. This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. + + + + + +La Pantoufle +de +Sapho + +& Autres Contes + +CHARLES CARRINGTON, +Libraire-Éditeur +13, Faubourg Montmartre, Paris + + + + +Transcriber's Notes: +--All instances of oe should be read as a ligature, except in the name Goetz. +--[*] indicates a missing word or probable typo in the text. +--Other possible typos have been left as found in the original. +--This is only one story from the collection named on the title page. + Some other stories were culled from the same collection and can also + be found at Project Gutenberg. + + + + + + +SACHER MASOCH + +L'AMOUR CRUEL A TRAVERS LES AGES + +LA +PANTOUFLE DE SAPHO +et autres Contes + +Traduit par D. DOLORÈS + +[Illustration] + +PARIS +CHARLES CARRINGTON, LIBRAIRE-ÉDITEUR +13, FAUBOURG MONTMARTRE, 13 + +1907 + + + + +LA PANTOUFLE DE SAPHO +(1859) + + + + +[Illustration] + +LA PANTOUFLE DE SAPHO + +(1859) + + +L'hiver de 1859 étendait son blanc et floconneux tapis de neige sur les +remparts de la joyeuse capitale autrichienne et, aux environs, sur les +coupoles du Kahlenberg et du Leopoldsberg. Le monde brillant et +aristocratique était rentré des eaux et de ses terres, et l'on +s'amusait, dans les salons privés, ainsi qu'aux lieux de réjouissances +publiques, simplement et gaîment, comme cela n'était guère possible, +alors, que dans la ville impériale, résidence de l'empereur Franz. + +Mais le point culminant des distractions et des plaisirs, comme de +l'intérêt artistique et littéraire, était encore et toujours le +Burgthéâtre, institution populaire au sens le plus élevé, où les +aspirations idéales de l'élite de la nation se joignaient aux efforts +les plus nobles, car une censure hautement sagace rognait les ailes +fougueuses du Pégase autrichien, et la vie politique n'agitait encore +que la Hongrie avoisinante, ne se manifestant guère que par les paroles, +les chansons et les actes des compagnonnages allemands et de quelques +étudiants des universités de Vienne ou de Prague. + +Entre le public et les acteurs, régnait une véritable intimité, car les +Viennois de cette époque ne se contentaient pas d'admirer l'artiste sur +la scène; ils le suivaient dans sa vie journalière et jusque dans sa +demeure, non pour épier un scandale et s'amuser des vices des +protagonistes chargés d'incarner les rêves héroïques ou spirituels des +poètes, comme cela a lieu de nos jours, mais avec le naïf désir de voir +la pâle Louise assise à sa table à thé, d'entendre la rêveuse Charlotte +potiner en buvant du café, de surprendre la fière princesse Eboli en +train de tricoter des bas ou le vaillant chevalier Goetz de faire sa +partie de tarok. Le public viennois était au courant de tout ce qui se +passait derrière les coulisses. Il connaissait le nom de chaque +adorateur de la Stich; il savait toujours, à n'en pas douter, quel soir +Korn était plus rauque que de coutume et en quel lieu il avait bu le +champagne responsable, et, lorsqu'enfin Sophie Schroeder monta, tel un +soleil, au firmament de l'art dramatique, faisant pâlir toutes les +étoiles, il ne tomba pas une épingle dans le boudoir de la tragédienne +sans que le Tout-Vienne en fût informé, depuis le chancelier d'Etat +jusqu'à l'apprenti cordonnier, depuis le cocher de fiacre jusqu'à +l'empereur. + +L'intérêt que prenait la ville entière à la personnalité de Sophie était +de nature exclusivement artistique, bien que partant d'un sentiment très +humain, car la Schroeder n'était ni belle ni même élégante. + +Mais, quand elle paraissait drapée à la grecque, sur les planches, quand +sa superbe voix laissait tomber les ondes mélodiques de la langue +rythmée, quand son génie invoquait des figures d'une vérité saisissante +et d'une dignité surhumaine, elle entraînait les coeurs, comme jamais +aucune artiste ne l'avait fait. A ces moments, elle devenait belle, +d'une beauté antique et qu'on eût crue sortie d'un sarcophage ancien. + +Sophie n'était pas grande, mais elle avait ce port de tête imposant que +possédait avant elle l'auteur du _Faust_, et qui la faisaient paraître +plus haute qu'elle ne l'était en réalité. + +Il n'était pas une grande dame, pas une souveraine, qui ne lui eussent +envié sa distinction native et l'empire qu'elle exerçait sur les +mortels. Elle semblait née pour voir un peuple à ses pieds, tant son +regard était dominateur. + +Sa situation matérielle eût pu être brillante, mais ne l'était point, +parce qu'en vraie fille de l'art, la Schroeder n'entendait rien aux +choses pratiques, et sa délicatesse s'opposait à ce qu'elle se laissât +entourer, par ses adorateurs, de ce luxe princier que possèdent de nos +jours les plus insignifiantes comédiennes. + +Sophie avait une idée trop haute de l'amour, de l'art et +d'elle-même,--surtout d'elle-même,--pour se faire payer ses faveurs avec +des diamants. Si elle souriait à un homme, ce sourire partait du +coeur, et si elle consentait à l'enivrer, elle voulait être elle-même +heureuse de toute son âme. La courtisanerie qui engendre le dégoût et +dont, à l'heure actuelle, souffre et se meurt l'art dramatique, lui +était complètement inconnue. + +Il était donc naturel que, ses fiers sourcils ayant décoché une fois de +plus les flèches d'amour dans un coeur, elle fût la dernière à en être +informée. On se chuchotait la nouvelle dans les loges, on en parlait +dans les fauteuils, on en riait en se poussant du coude, au parterre et +aux galeries, alors qu'elle-même ne savait rien encore du noble captif +qu'elle avait fait. + +En l'année 1859, le public du Burgthéâtre remarqua un jeune homme qui, +chaque soir où la Schroeder jouait, occupait le fauteuil du coin de +gauche au premier rang, dont le regard, sitôt qu'elle paraissait, +s'attachait avec une émotion fiévreuse à tous ses mouvements, et dont +l'enthousiasme était si entraînant que, maintes fois, il oubliait les +lois du théâtre pour applaudir au milieu d'une scène. Tout Vienne savait +depuis longtemps que c'était un prince polonais, colossalement riche et +épris d'une délirante passion pour la tragédienne, avant que la +Schroeder se doutât seulement de l'existence de cet heureux +malheureux. + +Un jour qu'elle attendait en scène le commencement du premier acte, +Sophie remarqua quelques comédiennes qui examinaient la salle à travers +le trou du rideau, et entendit le colloque suivant: + +--Le voilà encore. + +--Qui cela? + +--Le soupirant muet de la Schroeder. + +La Schroeder s'approcha pour mieux écouter. + +--Fais-le-moi voir. Où donc est-il? + +--Là, dans le coin de gauche, au premier rang. + +La Schroeder, cette fois, en savait assez et, quand le rideau fut +levé, elle profita d'une réplique, pour chercher des yeux l'inconnu. + +Quinze jours se passèrent avant qu'elle n'apprît son nom. Il était +effectivement polonais et fort riche, mais il n'était point prince, un +simple gentilhomme, Félicien de Wasilewski. + +Depuis ce jour, Sophie le remarqua chaque fois qu'elle jouait, et elle +apprit que, tout aussi régulièrement, il demeurait absent quand elle ne +jouait point. + +Au bout de peu de temps, une entente tacite s'établit entre la +tragédienne et son admirateur. En entrant en scène, son premier regard +était pour lui, de même son dernier coup d'oeil avant de sortir. Si +une tirade lui réussissait particulièrement, le Polonais hochait +imperceptiblement la tête et ce léger mouvement n'échappait point à +l'artiste. Quand, à l'issue de la représentation, elle montait dans le +carrosse du Burgthéâtre, surnommé ironiquement le _Chariot de Thespis_ +parce qu'il résonnait avec un bruit de ferraille sur le pavé cahoteux de +l'antique ville, le Polonais se trouvait à la porte de sortie, la +dévorant de ses yeux ardents, bien qu'il ne pût apercevoir d'elle que le +bout de son nez, tout le reste étant emmitouflé de fourrures et de +voiles. + +Un soir qu'elle venait de remplir un de ses meilleurs rôles, elle était +assise et prête à fermer la portière, quand une superbe couronne de +lauriers vint s'abattre à ses pieds. + +Le Polonais la lui avait jetée et s'était aussitôt enfui. + +Ce mystérieux et craintif hommage, en ce lieu solitaire et sous le +couvert de la nuit, toucha le coeur sensible et poétique de la +tragédienne plus que les ovations bruyantes et impétueuses à la lumière +des lustres et dans la salle comble. + +La Schroeder commença à s'intéresser au jeune homme et à se demander +si elle pourrait l'aimer? + +Une autre fois, le dégel était survenu; des cascades ruisselaient des +gouttières et des torrents mugissaient le long des trottoirs. La +Schroeder hésitait à enjamber les flaques d'eau qui la séparaient du +lourd véhicule. Le Polonais fut aussitôt sur place, étendit son manteau +sur le pavé, et elle put atteindre sa voiture, les pieds secs. + +Cet exploit chevaleresque remplit de joie l'artiste, mais quand elle se +pencha pour remercier son cavalier-servant, celui-ci, ramassant son +manteau, s'était éclipsé. + + * * * * * + +Grillparzer que son drame romantique de l'_Aïeule_ avait placé parmi les +dramaturges favoris de l'Allemagne, au temps où la tragédie du Destin +empruntée au théâtre espagnol, était de mode comme, de nos jours, le +drame d'adultère français, venait de confier au Burgthéâtre une nouvelle +pièce, intitulée _Sapho_. Quittant les abruptes sentiers romantiques, il +reprenait la large voie classique où Schiller et Goethe, après plus d'un +écart, s'étaient également retrouvés. Le rôle de Sapho avait été écrit, +non à la manière de nos ouvriers modernes, qui ajustent leurs rôles sur +les acteurs, comme un tailleur ajuste un costume,--Grillparzer était +poète dans l'âme et c'est du fond de son être qu'il tirait ses +héros--mais, pas plus que le reste du monde, il ne pouvait échapper à la +puissante influence de la Schroeder, ni se dérober à l'impression +grandiose qu'elle produisait, et le rôle de son héroïne avait pris, à +son insu, les traits et l'allure de la tragédienne à qui naturellement +il incombait. + +Le matin de la répétition de lecture, tandis que la pure et idéale +diction de Sophie enthousiasmait ses camarades et remplissait le coeur +modeste de l'auteur d'un glorieux espoir dans [*] succès futur, au coin +de la place Saint-Michel et du marché aux choux, se tenait une femme +pauvrement vêtue, qui cachait son visage sous le fichu passé sur sa +tête. Elle semblait avoir honte, pourtant elle ne mendiait point et se +serrait, inquiète, contre la muraille, en tremblant de tous ses membres, +car il faisait un froid impitoyable et elle ne portait qu'une robe d'été +rapiécée sous son vieux fichu. + +Pourtant elle ne mendiait point. Elle n'essayait même pas de tendre la +main quand un grand seigneur ou une élégante dame, confortablement +emmitouflés de fourrure, passaient auprès d'elle. Aussi, personne ne la +remarquait, pas même le sergent de ville qui faisait les cent pas non +loin de là. + +La pauvre vieille, plus morte que vive, ressemblait à une de ces statues +de pierre que le pieux Moyen Age incrustait dans les murailles de ses +églises en souvenir des défunts. Elle était tout aussi muette et privée +de mouvement. Mais, quand les comédiens, après la répétition, sortirent +par la petite porte du théâtre et se répandirent sur la place, une +violente commotion fit tressaillir le corps de la pauvresse. Elle +soupira et sa tremblante main, raidie par le froid, serra plus fort +contre son visage ravagé par l'affliction, le fichu qui le couvrait. + +Les acteurs se séparèrent au milieu de la place en échangeant d'aimables +saluts, et Sophie Schroeder se dirigea seule vers l'endroit où +tremblait la vieille. Elle traversait le marché pour se rendre au Graben +et, l'esprit tout rempli de son rôle, allait passer, comme tout le +monde, si un hasard ne l'eût arrachée à ses pensées et attiré son +attention. + +--Vous perdez quelque chose, lui dit une voix rauque qui semblait brisée +et dont, cependant, le timbre lui parut familier. + +Se retournant, elle vit la main décharnée de la vieille lui tendant le +rôle qu'elle avait laissé glisser de son manchon. + +Sophie Schroeder, surprise, considéra la pauvre femme. + +--Qu'avez-vous? lui dit-elle de sa merveilleuse voix, vous paraissez +bien pauvre et malheureuse. Pourquoi me cachez-vous votre visage comme +s'il m'était connu? + +La vieille femme étouffa un sanglot et voulut s'éloigner. La +Schroeder, de son bras robuste, la retint et, doucement, écarta le +fichu. + +--Mon Dieu, balbutia-t-elle en découvrant le visage défait, c'est vous, +ma chère Muller? Vous, dans cette situation? Dois-je trouver la belle +artiste, aux pieds de qui se prosternaient les comtes et les princes, +réduite ... à mendier! + +--Je n'ai pas mendié, murmura la vieille, tandis que des larmes +brûlantes coulaient le long de ses joues émaciées. Je suis seulement +restée debout dans ce coin. + +»C'est la première fois, j'avais si affreusement faim, mais personne ne +m'a rien donné et je mourrais plutôt que de recommencer. + +--Je ne veux pas que vous recommenciez, s'écria Sophie. C'est moi qui +vais ... + +La tragédienne ouvrit sa bourse, mais l'intérieur de cette bourse +offrait un spectacle bien triste ou bien risible, comme on voudra. La +grande Sophie eut de la peine à rassembler vingt kreuzer, qu'elle glissa +dans la main de la vieille tout en lui montrant sa bourse vide. + +--Voyez, chère Muller, je ne possède rien moi-même. Il n'en va pas +autrement avec nous autres comédiens, si quelques marchands ne me +faisaient crédit, je serais souvent bien embarrassée pour m'habiller. +Mais cette bagatelle ne vous tire pas d'affaire. + +--Mais si, mais si, murmura la comédienne en serrant la main de sa +camarade. + +--Non, non, il vous faut beaucoup plus. Comment ferons-nous? + +Sophie se mit à réfléchir. Des badauds de tous rangs s'étaient +rassemblés autour des deux femmes, car la curiosité des Viennois est +notoire. Tout à coup, la Schroeder fendit le groupe. Une belle et +heureuse inspiration venait d'illuminer sa physionomie d'habitude +austère. Elle entra précipitamment dans une boutique de confiseur et en +revint, une assiette à la main. C'est moi qui mendirai[*] pour vous, +Muller, dit-elle avec ce sourire qui lui ouvrait tous les coeurs. + +Effectivement, elle se plaça à côté de la vieille actrice et tendit +l'assiette. + +--Une aumôme[*] pour une malheureuse, je vous prie, la charité pour une +pauvre comédienne âgée. + +En quelques secondes, l'assiette se couvrit de pièces d'argent et de +cuivre de toutes sortes. Mais cela ne satisfit pas la quêteuse. Quand +Sophie se mêlait de quelque chose, elle voulait que ce fût bien, et elle +ne se lassa pas de prier et de tendre l'assiette. Les passants, qui +apercevaient la Schroeder, dans sa pelisse brune bien connue, entourée +d'une foule de curieux, s'arrêtaient et se frayaient un chemin jusqu'à +elle. Grands seigneurs et grandes dames jouaient des coudes et se +mêlaient à la foule, pour le plaisir de déposer une bank-note dans +l'assiette que tenait la main de la célèbre femme, jusqu'au policier, +qui approcha, les sourcils froncés, et s'effaça en reconnaissant la +Schroeder. + +--La mendicité est interdite sous peine d'amende, grommela-t-il +respectueusement dans sa moustache noire, mais non aux comédiens +impériaux et royaux. + +--Mon Dieu, que vous êtes bonne, soupira la vieille. Que Dieu vous le +rende! moi je ne le puis, c'est trop, beaucoup trop. + +Enfin la Schroeder elle-même se déclara satisfaite. Elle souleva le +pan du fichu de la vieille et, d'un geste hardi, y jeta pêle-mêle les +bank-notes, les pièces d'argent et les monnaies de cuivre, lorsqu'au +moment de rapporter l'assiette, elle dut la tendre une fois encore: son +adorateur, le gentilhomme polonais, surgit inopinément, la tête +découverte, offrant un billet de 50 florins. + +Un regard rayonnant de la femme adorée fut sa récompense. + +--Cela suffira bien pour quelque temps, n'est-ce pas, Muller? dit la +tragédienne en se tournant une dernière fois vers sa camarade. Puis, tu +reviendras, n'oublie pas, Muller, promets-moi de ne pas oublier! + +Mais les badauds de Vienne n'abandonnèrent pas aussi facilement leur +comédienne favorite. Ils l'escortèrent au delà du marché aux chevaux +jusqu'au Graben, où elle dut se réfugier sous la voûte de la «Chatte» +jusqu'à ce que la foule se fût dispersée. + +Chemin faisant, Sophie ne put s'empêcher de repenser au Polonais. + +«Il m'intéresse, s'avouait-elle. Il est beau, ses manières sont nobles +et il a certainement bon coeur. Mais je ne suis pas dans l'âge où l'on +recherche les adolescents! + +Il n'est pas assez viril, il lui manque d'être un homme et, à moi, +d'être Sapho. Je pourrais difficilement l'aimer. Et lui? Espérons qu'il +sera raisonnable et ne se jettera pas dans le Danube.» + + * * * * * + +L'Autriche ne possédait encore, à ce moment, aucune littérature digne de +ce nom et qui méritât de fixer l'attention de l'Europe. Les oeuvres +dont on s'occupait dans la ville impériale, étaient d'importation +étrangère, comme Frédéric Schlegel et Zacharie Werner. L'empereur Franz, +qui eût volontiers entouré son trône nouvellement redoré après tant de +difficultés et de luttes, de noms illustres et glorieux, témoigna une +joie qui ne lui était pas habituelle en des circonstances de ce genre, +en apprenant que l'auteur de l'oeuvre qui venait de triompher à la +Burg, était un Autrichien. Il le fit venir dans sa loge, lui tapa +familièrement sur l'épaule et prononça toutes sortes de paroles +aimables, dans le débonnaire dialecte viennois. Mais lorsque, +s'enquérant des conditions du poète, il apprit qu'il était +fonctionnaire, l'Empereur arrêta net l'entretien et lui tourna le dos. A +ses yeux, quand on servait l'Etat, écrire autre chose que des actes +officiels constituait un délit. Aussi Grillparzer que la critique +viennoise traitait sans bienveillance, n'eut, après comme avant, +d'autres ressources que son talent et la faveur du public. Celle-ci, +d'ailleurs, ne lui fut point ménagée; l'_Aïeule_ fut acclamée avant que +les gazettes eussent eu le temps de formuler leur avis, et non moins +chaudement après. + +C'est en ce public si avisé et si vibrant, que Grillparzer mit toute son +espérance lors de la mise à l'étude de _Sapho_, paraissant deux ans +après l'_Aïeule_, et sa foi fut non moins inébranlable en la puissance +dramatique de la Schroeder. Il savait que non seulement elle ne +trahirait aucune de ses intentions de poète, mais que la plénitude de +son jeu et la majesté plastique de ses mouvements infuseraient la vie à +son héroïne. Il allait voir l'artiste presque journellement et plus +souvent encore pendant les jours qui précédèrent la représentation, non +pour lui donner des conseils, mais pour puiser chez elle courage et +confiance, le jeune auteur de 30 ans commençant déjà à souffrir de ce +pessimisme artistique qui, plus tard, devait envenimer tous ses efforts +et lui faire abandonner la lice. + +Quelques heures avant la première, Grillparzer se trouvait encore sur le +petit canapé à fleurs du salon de Sophie, tandis que les affiches de la +_Sapho_ s'étalaient sur tous les murs attirant les curieux qui faisaient +cercle autour, et que les amateurs de théâtre suivaient impatiemment des +yeux les aiguilles de leurs pendules. Le poète regardait la comédienne +arranger, avec l'aide de Mlle Babette, des étoffes, dans le grand +panier qui lui servait de garde-robe. + +--Mais, mon cher maître dit soudain l'actrice en se plaçant devant lui +et en rejetant la tête en arrière, d'un mouvement qui lui était +familier, je n'ai plus que faire de vous. + +--Vraiment? fit le poète, et il leva vers elle ses beaux yeux bleus +suppliants. Puis, d'un ton résigné:--Alors il me faut partir. + +Grillparzer se leva en poussant un soupir, prit son chapeau et soupira +de nouveau. + +La Schroeder lui tendit la main. + +--Je pars, dit-il en considérant cette main, mais--vous savez que je +déteste le baise-main--je dois vous baiser la main. Si j'étais +berlinois, je dirais que votre main est spirituelle, mais, en bon +Viennois, je vous dis seulement: vous avez des menottes affriolantes. + +Il porta la main, qui paraissait sculptée dans de l'ivoire, à ses lèvres +et partit. + +A peine la Schroeder se trouva-t-elle seule, qu'on frappa à la porte. + +La vieille comédienne, Mme Muller, entra timidement. + +--Mon Dieu, vous allez m'en vouloir de me présenter au moment d'une +première. Je sais que ce n'est pas agréable et qu'on n'aime pas cela. +J'ai été moi-même dans ce cas. Mais vous me pardonnerez, quand vous +saurez que j'ai été bien malade et que je le suis encore, mais, quand +j'ai appris qu'on jouait aujourd'hui une pièce nouvelle de l'auteur de +l'_Aïeule_ et que c'est vous, divine Schroeder, qui créiez _Sapho_, je +suis sautée de mon lit et accourue. Il faut que je vous voie jouer, il +le faut. Ayez pitié de moi, donnez-moi une carte pour la galerie. + +La vieille levait des mains suppliantes. + +--Rassurez-vous, vous me verrez jouer, ma chère Muller, mais, avant +tout, prenez une tasse de café bien chaud, cela vous fera du bien. + +La Schroeder força sa vieille camarade à prendre place sur le canapé, +et la servit de ses propres mains. + +Pendant qu'elle était assise à humer le breuvage réconfortant et qu'un +sourire de bonheur épanouissait ses vieux traits ridés, la Schroeder +terminait ses préparatifs tout en causant. + +--Il est impossible que vous montiez à la galerie ce soir, je ne le +permettrai pas. On s'y étouffera, vous pourriez vous trouver mal, la +foule, la chaleur ... Le parterre doit être comble également, vous ne +pourriez vous tenir debout et les sièges doivent être tous loués. + +Elle réfléchissait. + +--Savez-vous quoi? je vous emmène dans les coulisses au lieu de Babette, +qui trouvera une place à l'orchestre où on la connaît bien. + +--Que vous êtes bonne! + +--Et où en est l'argent? poursuivit la tragédienne. Nous autres +artistes en manquons toujours. Ainsi, parlez franc. Que vous faut-il? La +maladie a tout absorbé? + +--Vous croyez cela? repartit la vieille en souriant. Oh non, je suis +devenue très économe. Avec ce que je dois à votre générosité, je puis +encore vivre le quart d'une année. + +La Schroeder avait ouvert son porte-monnaie et éclata de rire. + +--Voyez, dit-elle, joyeuse comme une enfant, je voulais vous gâter et ne +possède rien moi-même. Vous êtes en ce moment plus riche que moi. Je +donne à Babette ce qu'il lui faut pour tout le mois, une fois qu'elle +l'a dans ses mains, je n'ai plus le droit d'y toucher; le reste passe +par la fenêtre, je ne sais comment. L'important est que vous soyez +momentanément à l'abri du besoin. Mais occupons-nous de l'avenir. + +--Divine amie, si je pouvais entreprendre un petit commerce, un tout +petit commerce, soupira la vieille actrice. + +--Bon. Et combien faudrait-il? je n'en ai pas le moindre soupçon. Mille +écus peut-être? + +La vieille femme eut presque une frayeur. + +--Mille écus? s'écria-t-elle, le dixième suffirait. Cent écus. + +--Vous les aurez, assura la Schroeder. Mais j'entends le vacarme de +notre arche de Noé. Babette, donne-moi ma pelisse. + +D'un geste rapide, elle glissa dans la chaude fourrure et descendit +majestueusement les marches de l'escalier. La vieille Muller suivit, +toujours enveloppée de son fichu. + +Le Burgthéâtre était plein à s'étouffer, jusque dans les plus petits +recoins. Un public de choix attendait avec une impatience fébrile le +lever du rideau. Au premier rang, se tenait, à sa place accoutumée, +Félicien Wasilewski, en proie à une agitation extraordinaire. Il se +levait, se rasseyait, couvrait son visage de ses mains et déchirait son +mouchoir de poche en mille petits morceaux. Enfin, la pièce commença. Le +premier acte se passa dans l'habituel mouvement d'une salle trop pleine. +Mais les mots du choeur: «Salut! Sapho, Salut!» eurent un effet +magique. Il se fit un profond silence et tous les regards se tournèrent +vers Sophie, faisant son entrée sur un char de triomphe, comme un être +que la nature a créé pour dominer. + +Les modes gréco-romaines de ce temps permettaient à l'artiste une +liberté d'habillement, telle que, de nos jours, on ne la concède qu'aux +chanteuses d'opérettes. Une ample draperie blanche, retenue sur l'épaule +par une agrafe en or massif, suivait de près le contour ferme et +élastique des seins, laissant à découvert des bras superbes. Du côté +gauche, tombait, le long de la hanche, un manteau écarlate brodé d'or. +Séparée, au milieu du front, l'opulente chevelure se déroulait en +anneaux le long des tempes et, retenue par un bandeau blanc tissé d'or +formait un noeud de boucles sombres, qui retombaient sur la nuque. + +Félicien tressaillit en la voyant ainsi. Elle lui sembla presque +terrible. Dans la majesté de ses formes, il y avait une puissance +presque violente qui le terrassait, et son pied délicat chaussé de +sandales d'or appelait son baiser plus impérieusement que jamais ne +l'avaient fait la main blanche ou les lèvres rouges d'une femme. Mais, +quand elle commença de parler, quand sa voix merveilleuse résonna, +pareille tantôt à un son de cloches, tantôt à un murmure de harpe, +lorsque dans chaque mouvement s'exprima la grande âme de la poétesse +adorée du peuple et souveraine des coeurs rentrant victorieuse des +jeux olympiques, Sapho lui parut être la divine Sophie elle-même, la +femme fière et dominatrice, despotique en amour, comme en art. Il sentit +alors combien follement il l'aimait, mais aussi à quel point le courage +lui manquerait de jamais lui demander ses faveurs. + +Grillparzer et Sophie fêtèrent ce soir un triomphe complet et qui ne +devait être surpassé que plus tard, lorsque, en Médée, la Schroeder +pétrifia littéralement son auditoire par le mot trois fois répété: +«Malheur»! + +C'est surtout à la tombée du rideau que les applaudissements devinrent +délirants et, pendant que Sophie se voyait contrainte de paraître et de +reparaître indéfiniment, le Polonais, saisi d'une idée subite, enjamba +la rampe de l'orchestre et fut en quelques instants dans la rue. + +Mlle Babette était, comme toujours, rentrée la première à la maison, +afin de s'occuper du thé que Sophie aimait à trouver tout fumant sur la +table. Elle haletait en montant les marches de l'escalier et tâtonna en +cherchant le trou de la serrure. Soudain, une main glacée s'empara de la +sienne et elle sentit une ombre se dresser près d'elle. + +Mlle Babette en éprouva une telle frayeur que la voix lui manqua pour +crier. En ces temps de romantisme et d'histoires de brigands, +l'apparition d'un revenant était, pour une imagination exaltée par les +pièces de théâtre et les romans, quelque chose de tout naturel. + +La gouvernante tremblait de tous ses membres et menaçait de s'évanouir. +Heureusement, une formule pour conjurer les esprits lui revint en +mémoire, et elle murmura d'une voix étouffée par l'angoisse: + +--Tous les bons esprits louent le Seigneur. + +--Je suis un très bon esprit, répondit une voix douce, et le Seigneur +que je loue, s'appelle Sophie Schroeder. + +--Qui êtes-vous? questionna Fräulein Babette légèrement rassurée, et que +me voulez-vous à cette heure? + +--Ouvrez d'abord, poursuivit l'invisible visiteur, et faites de la +lumière, je m'expliquerai ensuite. + +--Mais je ne puis vous laisser entrer, soupira Mademoiselle, vous êtes +peut-être.... + +--_Rinaldo Rinaldini_ ou _Jaromir_ en personne? railla le noctambule. +Tranquillisez-vous, je ne suis ni un brigand, ni un démon de l'enfer, +ni même un simple revenant, seulement un enthousiaste adorateur de la +divine Schroeder et de son talent. + +--Et vous venez si tard ... + +--Je le sais bien, mademoiselle Babette, mais il me faut vous parler, à +vous seule. Ouvrez, au nom du ciel, sans quoi Sapho va revenir et tout +serait perdu. + +Mlle Babette, se laissant enfin convaincre, ouvrit et chercha du feu. A +la lumière douteuse d'une chandelle, elle reconnut le Polonais. Il se +tenait devant elle, moitié gêné, moitié railleur, enveloppé d'un long +manteau et tenant à la main une magnifique couronne de lauriers. + +--Ah! c'est vous, dit-elle. Et vous désirez que je remette cette +couronne à la Schroeder? + +Elle étendait sa maigre main, pour la prendre. + +--Certainement, je le veux, mais ce n'est pas tout ce que j'ai à vous +demander. + +--Parlez vite, car elle va venir, et il faut qu'elle trouve son thé +prêt, sans quoi elle se fâchera. + +--Laissez-le-moi faire. Nous autres Polonais nous y entendons à la +perfection. Je serai si heureux que la grande Sapho bût, ce soir, du +thé préparé de ma main. + +--Nous n'avons pas le temps ... + +--Plus qu'il ne faut. + +Babette secoua la tête, puis se hâta de chercher ce qu'il fallait. + +--Au moins, entrez dans ma chambre, continua-t-elle, afin que je puisse +vous faire sortir inaperçu. Par ici, monsieur le Comte. + +On donnait, en ce temps, le titre de comte à tous les Polonais +indistinctement. + +Le jeune homme obéit et fit montre d'une véritable virtuosité à composer +le breuvage ambré. + +Mlle Babette ne revenait pas de son étonnement. Tout en manipulant le +samovar, il s'entretenait avec la gouvernante. + +--Donc, chère Mademoiselle, vous lui remettrez la couronne? + +--Certainement. + +--Et vous lui exprimerez toute ma fervente admiration pour son rôle +d'aujourd'hui? + +--Oui, monsieur le Comte. + +--Elle a été insurpassable. + +--Grandiose! + +--Vous comprenez donc que je vénère votre maîtresse. + +--Je m'étonnerais du contraire. + +--Et vous comprenez que je l'aime, que je suis forcé de l'aimer, de +l'adorer? + +--Si j'étais homme, je ferais comme vous. + +--Par conséquent, ma chère, ma bonne, mon angélique Mademoiselle, +procurez-moi quelque chose que Sophie Schroeder ait porté, et si ce +n'était qu'un simple ruban ayant reposé sur sa divine poitrine, je le +conserverais comme un fétiche, un talisman, aussi longtemps que je +vivrais et jusqu'à l'heure de ma mort. + +--C'est ce que je ne puis pas, monsieur le Comte. + +--Vous ne pouvez pas? se récria le Polonais. Et me laisser mourir, sans +une consolation, sans un réconfort, cela vous le pouvez? + +--Mais que voulez-vous que je vous donne? + +--Ce que vous voudrez. + +--Il n'y a pas un seul objet dont elle puisse se passer. + +Le Polonais, qui avait fini de préparer le thé, saisit le flambeau avec +une hâte fébrile, et se dirigea d'un pas rapide, à travers les salles, +jusqu'à la chambre à coucher de la tragédienne. Là il s'arrêta avec un +tressaillement d'extase et regarda autour de lui avec émotion. + +--Que faites-vous? s'écria Babette qui l'avait suivi épouvantée, ne +savez-vous pas que c'est ici un sanctuaire que le pied d'aucun mortel +n'est autorisé à fouler? + +--Laissez-moi jouir de ce moment divin, repartit le Polonais avec feu. +C'est derrière ces rideaux que repose ce corps divin et, ce tapis, son +pied l'effleure journellement! + +Il s'agenouilla et baisa le tapis. En se relevant, il tenait à la main +une pantoufle, qu'il brandit triomphalement. + +--Vous vous demandez ce que vous allez me donner? chère, délicieuse +Babette, donnez-moi cette pantoufle de l'immortelle, vous ferez de moi +le plus heureux des mortels. + +--Cette pantoufle moins que toute autre chose, repartit Babette, elle va +rentrer et voudra la mettre. + +--Plus jamais elle ne la mettra, s'écria l'amoureux d'un ton résolu. + +En vain, l'excellente fille fit tous ses efforts pour la lui reprendre, +le jeune homme échappait sans cesse à sa poursuite et elle dut lui +faire la chasse, à travers toute la série des chambres, jusque dans la +cuisine. Là, le Polonais prit son manteau, mit son chapeau et voulut +sortir, mais Mlle Babette le retint, nouvelle Putiphar, par le pan de +son manteau. + +--Seigneur Dieu! gémit-elle, vous ferez encore mon malheur. Je ne vous +laisserai point partir, monsieur le Comte, que vous ne m'ayez rendu la +pantoufle. + +--Je ne la rendrai qu'avec la vie. + +--Êtes-vous donc tout à fait fou? + +--Je vous en donne son poids d'or, fit l'exalté en tirant de sa poche, +sa main pleine de ducats qu'il jeta sur la table. + +--Non, non, cria la malheureuse gouvernante avec angoisse, je ne veux +pas de votre or, je ne prends point d'argent, je veux la pantoufle! + +--Ayez pitié, donnez-la-moi! + +--Pourquoi donc vous faut-il absolument cette pantoufle? + +--La pantoufle de Sapho, reprit le gentilhomme avec solennité, pour y +imprimer chaque jour mes lèvres, à l'endroit qu'a touché son doux pied. + +--Mon Dieu, tout cela est bien bel et bon, soupira Mlle Babette, les +chevaliers et les nobles brigands en agissaient ainsi; mais, si la +pantoufle manque, je suis perdue. Rendez-la-moi. + +--Babette, céleste Babette, pouvez-vous être assez cruelle pour +m'arracher l'objet de mon adoration? + +--Oui, je suis assez cruelle ... dit-elle en souriant, le rôle de +cruelle lui plaisait évidemment. + +--Même, si je vous implore à genoux? + +Le jeune homme s'était jeté à ses pieds et levait la pantoufle d'un air +suppliant. + +--Mais, mon Dieu, que faites-vous donc? + +Au même instant, la porte s'ouvrit, on perçut un froissement de jupes, +Babette poussa un cri et le Polonais, bondissant sur ses pieds, demeura +comme pétrifié. + +La Schroeder venait de paraître sur le seuil. Elle portait encore le +bandeau tissé d'or autour de sa tête et le péplum blanc de Sapho. Elle +n'avait quitté que son manteau, le remplaçant par sa chaude pelisse. + +Sophie se présentait la tête haute, dans toute sa majesté, ses formes +opulentes et son bras robuste entourés de la sombre fourrure, comme sur +l'image fameuse que nous possédons d'elle. + +Un regard, un éclair de ses yeux qui eut relégué dans l'ombre toutes +les impératrices et les princesses régnantes que les Viennois avaient eu +récemment le loisir d'admirer au grand Congrès, et le jeune enthousiaste +se trouva à genoux. + +Elle fit deux pas en avant et s'arrêta, comme une souveraine devant un +esclave qui s'est attiré le plus terrible châtiment. Les yeux de la +tragédienne le fixèrent un moment, puis, se tournant vers Babette: + +--Que se passe-t-il? questionna-t-elle. Comment Monsieur se trouve-t-il +dans ma demeure? et qui l'a autorisé à y pénétrer? + +Mlle Babette, rouge jusqu'aux oreilles, se tenait, les jambes +tremblantes, comme une pécheresse. + +--Il ... je ... parce que ... balbutia-t-elle. + +--Je demande une réponse. Qui a fait entrer Monsieur? + +Wasilewski se releva. + +--Ne la grondez pas, dit-il, elle ne pouvait faire autrement. Mon +enthousiasme pour vous, Madame, a triomphé de ses résistances. Je suis +le seul coupable, le seul. + +--Vous avouez donc? + +--Je ne nie point, je demande grâce. + +--Vous reconnaissez votre faute? + +--Grâce! + +L'actrice ne put s'empêcher de sourire. + +--D'abord l'instruction et la sentence. La grâce ne vient qu'ensuite. + +--Oui, punissez-moi, supplia le gentilhomme d'une voix tremblante +d'amour et, un peu aussi, de crainte. Punissez-moi cruellement, le +châtiment même que vous m'infligerez, me sera une joie et une +consolation. + +--Avant tout, je désire savoir ce que vous vouliez de ma fidèle Babette +et pourquoi vous lui avez offert de l'argent. + +--Je l'ai priée, répondit loyalement et simplement le jeune homme, de me +donner la pantoufle de Sapho et, comme elle me la refusait et cherchait +à me l'arracher, je lui ai offert ... + +Il se tut en baissant les yeux. + +--Une poignée d'or pour une vieille pantoufle? railla la Schroeder, +tandis qu'un charmant sourire éclairait son austère visage. Mais où donc +est ce précieux objet? Je suis lasse et en ai besoin pour me reposer... + +--Oserais-je vous prier de me laisser gracieusement ce que Mlle Babette +m'a si impitoyablement refusé? + +--Quelle valeur attribuez-vous donc à cette pantoufle? questionna la +tragédienne, s'égayant de plus en plus. + +--Je ne puis vous dire cela ici ... + +--Suivez-moi donc au salon, dit Sophie, qui commençait à s'amuser +royalement de la situation. Là, vous me donnerez l'explication de votre +singulier désir. + +Elle passa devant, avec l'allure d'une souveraine, et il suivit +docilement, comme un enfant ou un fol amoureux. La Schroeder alluma +les bougies d'un candélabre en argent qui se trouvait, sur une console +dorée, devant un trumeau, et se laissa choir, avec cette majesté qui +sied mieux aux femmes opulentes que la grâce aux maigres, sur le canapé, +et indiqua un siège à son hôte, d'un geste plein de noblesse. + +--Vous vous nommez?... + +--Félicien Wasilewski. + +--Donc monsieur Wa ... comment dites-vous? + +--Wasilewski. + +--C'est un nom difficile. Wasilewski, est-ce bien cela? + +Le Polonais s'inclina. + +--Et ce serait réellement le seul désir de vous approprier ma pantoufle, +qui vous aurait fait pénétrer à une heure aussi insolite dans mon +domicile? + +--Je vous ai vue dans tous vos rôles. A chaque création nouvelle, +grandissait mon admiration pour la grande tragédienne, maîtresse de +toutes les cordes du clavier humain, et mon adoration pour la belle +artiste ... + +--Je ne suis pas belle, Monsieur. + +--Pour moi, vous êtes belle, et si vous ne l'êtes point, le sentiment +que vous inspirez à mon coeur est encore cent fois plus idéal et plus +sacré, puisqu'il vous rend belle, plus belle que toutes les femmes de la +terre. Je vous aime. + +--Monsieur! + +--Pardonnez-moi, je ne puis faire autrement. Ce n'est point un +enivrement de mes sens, un aveuglement de mon esprit, je dois vous aimer +comme je dois respirer ... pour vivre. + +Cette fois, la Schroeder baissa son regard altier. + +--Monsieur, je serai sincère: l'intérêt que vous me portez a cessé, +depuis longtemps, d'être un mystère pour moi. Vous l'avez exprimé si +souvent, d'une manière aussi chevaleresque que délicate, mais je n'y +voyais qu'un hommage à la tragédienne ... + +--C'est plus, beaucoup plus, c'est tout ce qu'un coeur d'homme peut +éprouver pour une femme ... + +--Nous parlions de ma pantoufle, interrompit la jeune femme. + +--Oui ... c'est vrai ... en effet. Écoutez-moi donc. J'étais rempli +d'admiration pour vous, je vous adorais, vous seule. Vint la soirée +d'aujourd'hui. Je vous vis dans votre nouveau rôle et fus saisi d'un +enthousiasme, d'un saint délire, qui me poussa à enfreindre toutes les +règles des convenances et à déposer à vos pieds une couronne de +lauriers, en vous dérobant, en échange, un objet quelconque qui vous eût +servi, et si ce n'était qu'un ruban. J'aperçus votre pantoufle ... + +--Vous avez pénétré dans ma chambre à coucher? interrompit l'actrice en +fronçant les sourcils. + +--Pardonnez-moi, supplia le jeune homme. + +En prononçant ces mots, son regard avait une expression si enfantine, si +sincère, sa main s'empara de celle de l'actrice avec une passion si +convaincue, qu'elle ne se sentit pas le coeur de lui garder rancune. + +--Je vous pardonne, dit-elle. + +--Et ... vous me permettez de vous dire ... que je vous aime ... + +--Non, pas cela. + +--Vous me condamnez au silence? + +--Je vous y condamne. + +--Vous êtes cruelle. + +--C'est la première fois qu'on me dit cela. Cruelle est la femme qui +attire en souriant un homme dans ses filets pour, ensuite, s'en moquer +et s'amuser de son tourment. Je ne suis pas une coquette, Monsieur, et +l'on n'a jamais pu se plaindre que de ma franchise et de ma loyauté. Ne +pas entretenir une vaine espérance, n'est pas cruel mais honnête. + +--Je sais, Madame, que vous possédez cette loyauté de caractère, si rare +dans le monde du théâtre, et je sais aussi que vous êtes vertueuse. + +--Oui et non, repartit l'actrice avec un sourire. Selon moi, la vertu ne +consiste pas dans les principes, mais uniquement dans l'amour. Une femme +qui, par amour du lucre et du luxe, accorde sa main à un homme qu'elle +n'aime point, n'est pas moins vicieuse que Phryné qui vend ses faveurs. +Le calcul est aussi répugnant que le dévergondage. En revanche, une +jeune femme qui aime sincèrement, est toujours vertueuse, qu'elle offre +ses lèvres roses au baiser dans une chambre nuptiale somptueusement +décorée, ou sous les tilleuls et sur la bruyère, ainsi que chante le +poète d'amour, Walther de la Vogelweide. + +--Je vous comprends. + +--Me comprenez-vous tout à fait? + +--Je le crains. + +--Reparlons de la pantoufle. + +--Non, parlons du sentiment qui me domine et me remplit, qui me fait +tressaillir au son de votre voix, au moindre froissement de votre robe. +Ne croyez pas que je sois assez téméraire pour oser espérer être payé de +retour. Je serais trop heureux déjà, de pouvoir, journellement, vous +mettre et ôter vos souliers, et vous offrir mon bras pour monter dans +votre carrosse ... + +--De tels rapports sont impossibles, déclara la jeune femme d'un ton +ferme, du moins en ce qui me concerne. Une coquette prendrait sans doute +quelque plaisir à recevoir ces hommages, et s'en ferait un jeu. Mais +moi, je ne me sens pas capable d'occasionner des tourments que je ne +pourrais apaiser, les augmenter, me paraîtrait indigne de moi. Je suis +sincère, monsieur Wasilewski. Vous m'intéressez, mais je ne puis être à +vous. C'est pourquoi, il faut nous séparer. Vous voulez être mon +esclave? Je suis fort capable de réduire un homme en esclavage, mais un +homme que j'aimerais et que je pourrais rendre heureux. + +--Vous avez raison, soupira Wasilewski après un long et douloureux +silence. Je dois vous fuir. Je vous aime de toute la folle ardeur d'un +coeur innocent, mais votre compassion me serait intolérable. Une femme +cruelle peut seule renoncer à l'amour, et vous, vous êtes bonne. Je me +ressaisirai, je ne vous verrai plus. Je retournerai dans ma patrie et +tâcherai de vous oublier, mais--un sourire d'enfant éclaira sa +tristesse--il faut que vous me donniez un talisman, divine Sapho, votre +pantoufle. + +--Et pourquoi justement ma pantoufle? + +--Il est d'usage, dans mon pays, lorsqu'on aime et qu'on veut offrir le +suprême hommage à une femme, de lui dérober son soulier et d'y boire à +sa santé, répondit le jeune homme avec un sérieux atteignant presque à +la solennité. Je baiserai journellement l'endroit qu'a touché votre +pied. + +La grande Schroeder s'abîmait dans les réflexions. Autour de ses +lèvres, se jouait comme de l'espièglerie. + +--Bien, monsieur, dit-elle enfin, je vous fais cadeau de la pantoufle. + +--Comment vous remercier? s'exclama le jeune homme en lui prenant la +main et en la couvrant de baisers. + +--Ecoutez la suite. Vous offriez à Babette une poignée de ducats pour +cet objet?... + +--En effet. + +--Si vous étiez prêt à payer d'une telle prodigalité une vieille +pantoufle usée, que donneriez-vous pour le pied même de Sapho? + +--Le pied! comment cela? + +--Ecoutez-moi jusqu'au bout. J'ai ici une pauvre comédienne qui se nomme +Muller, une artiste de mérite et une excellente femme. Actuellement, +elle meurt de faim et de froid et est presque toujours malade. + +--Je devine, cette mendiante ... + +--Elle-même. Vous la rendriez heureuse en lui donnant les moyens +d'entreprendre un petit commerce, et c'est pourquoi je vous demande, à +vous qui offriez de l'or pour baiser la pantoufle de Sapho, combien vous +donneriez pour baiser son pied même? + +La bienfaisante artiste, en un caprice olympien, avait eu cette +charmante pensée; mais, à l'instant où elle la formulait, elle en eut +honte, rougit et baissa les yeux. Wasilewski ne lui laissa pas le temps +de se reprendre. + +--J'offre ma fortune entière pour une telle faveur. + +--Vous prenez ma folle idée au sérieux? + +--Ne reprenez point votre parole, je vous en supplie. + +--Eh bien, soit, fit la Schroeder en retrouvant son sourire. Vous +pourrez me baiser le pied, mais ... + +--Je vais vous faire un écrit ... + +--Non, non, interrompit la tragédienne, je n'accepte qu'une somme +pouvant tirer de souci ma pauvre Muller et dont vous puissiez facilement +vous passer, car je vous sais riche. + +--Je suis à vos ordres. + +--Peut-être cent ducats?... + +Le gentilhomme se précipita dans la chambre voisine où il avait remarqué +la présence d'un écritoire, et rapporta à la tragédienne une feuille +couverte de sable d'or. Elle la parcourut. C'était un chèque de 500 +ducats. Sophie plia la feuille lentement, très lentement, et la cacha +dans son sein palpitant, tandis qu'une rougeur révélatrice montait de +ses joues à son front et, bientôt, couvrait son visage tout entier. +Enfin, rejetant avec décision, sa fière tête en arrière: + +--Il le faut, dit-elle. Avec ces mots, toute sa sérénité rayonnante de +déesse lui revint. + +--Venez, prononça-t-elle de sa voix sonore. Elle alla brusquement au +fauteuil le plus proche, s'y laissa tomber et, avant que son adorateur +eût compris son intention, elle rejeta sa sandale et dénuda son pied, +d'une forme aussi parfaite que n'importe quel marbre antique. + +--Ici, commanda-t-elle. + +Wasilewski vit briller le pied sous la sombre fourrure qui enveloppait +les divins membres de l'artiste, et tressaillit. + +--Eh bien, vous ne voulez pas le baiser? dit-elle avec un sourire +enchanteur. Elle était vraiment belle, en ce moment. + +Le jeune homme se prosterna devant elle et pressa ses lèvres brûlantes +sur le marbre glacé qu'elle lui présentait, une fois, deux fois. Puis +il mit son front contre terre et, avant qu'elle n'eût pu l'empêcher, +saisit le pied et le posa sur sa nuque. + +--Laissez-moi être votre esclave, pour toujours. + +La Schroeder retira vivement son pied. + +--Levez-vous, ordonna-t-elle. Vous ne pouvez pas être mon esclave. + +--Non, non, je ne dois pas. + +Il restait toujours à genoux et la contemplait en extase. Enfin, il +revint à lui, baisa une fois encore, avec une tendresse passionnée, le +pied de Sapho et sortit précipitamment. + +Sophie Schroeder demeura immobile, le front appuyé dans sa main, et +perdue dans ses pensées. + + * * * * * + +Félicien Wasilewski est mort, il y a quelques années, dans ses terres de +Pologne. Il avait atteint un grand âge et ne s'était jamais marié. + +Ses héritiers découvrirent, parmi toutes sortes d'objets précieux, un +coffret d'ébène incrusté d'ivoire, où se trouvait une vieille pantoufle +fanée. Le premier étonnement passé, ils s'en amusèrent, et n'en parlent +jamais qu'en riant. + + + + +LIBRAIRIE CH. CARRINGTON--PARIS. + + + +La Czarine Noire et autres contes. L'Amour cruel à travers les âges, par +SACHER MASOCH--1 vol. in-18 jésus . . . 5 fr. + + + +Tortures et Tourments des Martyrs Chrétiens. Traité des Instruments de +Martyre et des divers Modes de Supplices employés par les païens contre +les chrétiens, par le Révérend Père ANT. GALLONIO.--Un fort beau vol. +pet. in-4° avec 46 planches . . . 20 fr. + + + +La Porte du Baiser, traduit de l'anglais de J.W. HARDING, par F. BOUTET, +préface de M. le Comte Robert DE MONTESQUIOU.--Un vol. in-18 jésus, +couv. illustrée, dessins hors texte . . . 3 fr. 50 + +«_La Porte du Baiser_ illustre l'une des épopées les plus intéressantes +de l'histoire du peuple d'Israël: la guerre entre Ezéchias et +Sennachérib, le terrible roi de Babylone.» + + + +Le Beau Nègre, par HECTOR FRANCE.--Nul mieux que M. H. FRANCE ne pouvait +peindre cette intensité de couleur, les paysages tropicaux où se joue ce +drame véridique. Nul ne pouvait analyser, avec cette finesse et cette +sûreté, les passions ardentes dont sont agités les personnages de ce +livre plein de vie. La couverture, tirée en couleurs, est de L. MALTESTE, +les illustrations sont de G. DOLA.--Un vol. in-8° . . . 3 fr. 50 + + + +Pan Michaël (Messire Volodyovski) par HENRYK SIENKIEWICZ, auteur de +_«QUO VADIS»_.--Un fort vol. in-18 jésus de 600 pages. 10 dessins hors +texte de M. VAN MAELE, couv. illustrée . . . 3 fr. 50 + +_Pan Michaël_, qui clôt magnifiquement la trilogie consacrée à +l'histoire de la Pologne du temps de Sobieski, ne le cède en rien aux +ouvrages qu'il complète: _Par le Fer et par le Feu_ et _Le Déluge_. + + + +Au-delà des Portes, par E. STUART-PHELPS. Ouvrage consacré à la vie +d'outre-tombe. Traduction française et préface de CH. GROLLEAU.--Un vol. +in-12, couvert. illustrée . . . 3 fr. 50 + + + +Les Quatrains d'Omar Khayyam, traduits du persan et publiés avec une +introduction et des notes par CH. GROLLEAU.--1 vol. pet. in-4°, papier +de Hollande, cadres de style persan tirés en rouge, couv. rempliée, +titre or en relief. Tirage limité à 500 ex. numérotes . . . 10 fr. + + + +La Destinée de l'Homme, par JOHN FISKE. Traduction et préface par CH. +GROLLEAU.--Un vol. in-12 oblong . . . 4 fr. + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of La Pantoufle de Sapho +by Leopold Ritter von Sacher-Masoch + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO *** + +***** This file should be named 16649-8.txt or 16649-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + https://www.gutenberg.org/1/6/6/4/16649/ + +Produced by Miranda van de Heijning, Melissa Er-Raqabi and +the Online Distributed Proofreading Team at +https://www.pgdp.net. This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. Special rules, +set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to +copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to +protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project +Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you +charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you +do not charge anything for copies of this eBook, complying with the +rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose +such as creation of derivative works, reports, performances and +research. They may be modified and printed and given away--you may do +practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License (available with this file or online at +https://gutenberg.org/license). + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all +the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy +all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. +If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project +Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the +terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or +entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. + +1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be +used on or associated in any way with an electronic work by people who +agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few +things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works +even without complying with the full terms of this agreement. See +paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project +Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement +and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic +works. See paragraph 1.E below. + +1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" +or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project +Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the +collection are in the public domain in the United States. If an +individual work is in the public domain in the United States and you are +located in the United States, we do not claim a right to prevent you from +copying, distributing, performing, displaying or creating derivative +works based on the work as long as all references to Project Gutenberg +are removed. Of course, we hope that you will support the Project +Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by +freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of +this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with +the work. You can easily comply with the terms of this agreement by +keeping this work in the same format with its attached full Project +Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. + +1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern +what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in +a constant state of change. If you are outside the United States, check +the laws of your country in addition to the terms of this agreement +before downloading, copying, displaying, performing, distributing or +creating derivative works based on this work or any other Project +Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning +the copyright status of any work in any country outside the United +States. + +1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: + +1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate +access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently +whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the +phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project +Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, +copied or distributed: + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + +1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived +from the public domain (does not contain a notice indicating that it is +posted with permission of the copyright holder), the work can be copied +and distributed to anyone in the United States without paying any fees +or charges. If you are redistributing or providing access to a work +with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the +work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 +through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the +Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or +1.E.9. + +1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted +with the permission of the copyright holder, your use and distribution +must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional +terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked +to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the +permission of the copyright holder found at the beginning of this work. + +1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm +License terms from this work, or any files containing a part of this +work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. + +1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this +electronic work, or any part of this electronic work, without +prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with +active links or immediate access to the full terms of the Project +Gutenberg-tm License. + +1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, +compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any +word processing or hypertext form. However, if you provide access to or +distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than +"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version +posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), +you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a +copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon +request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other +form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm +License as specified in paragraph 1.E.1. + +1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, +performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works +unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. + +1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing +access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided +that + +- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from + the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method + you already use to calculate your applicable taxes. The fee is + owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he + has agreed to donate royalties under this paragraph to the + Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments + must be paid within 60 days following each date on which you + prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax + returns. Royalty payments should be clearly marked as such and + sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the + address specified in Section 4, "Information about donations to + the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." + +- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies + you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he + does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm + License. You must require such a user to return or + destroy all copies of the works possessed in a physical medium + and discontinue all use of and all access to other copies of + Project Gutenberg-tm works. + +- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any + money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the + electronic work is discovered and reported to you within 90 days + of receipt of the work. + +- You comply with all other terms of this agreement for free + distribution of Project Gutenberg-tm works. + +1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm +electronic work or group of works on different terms than are set +forth in this agreement, you must obtain permission in writing from +both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael +Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the +Foundation as set forth in Section 3 below. + +1.F. + +1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable +effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread +public domain works in creating the Project Gutenberg-tm +collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic +works, and the medium on which they may be stored, may contain +"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or +corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual +property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a +computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by +your equipment. + +1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right +of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project +Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project +Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all +liability to you for damages, costs and expenses, including legal +fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT +LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE +PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE +TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE +LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR +INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH +DAMAGE. + +1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a +defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can +receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a +written explanation to the person you received the work from. If you +received the work on a physical medium, you must return the medium with +your written explanation. The person or entity that provided you with +the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a +refund. If you received the work electronically, the person or entity +providing it to you may choose to give you a second opportunity to +receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy +is also defective, you may demand a refund in writing without further +opportunities to fix the problem. + +1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth +in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER +WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO +WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. + +1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied +warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. +If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the +law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be +interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by +the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any +provision of this agreement shall not void the remaining provisions. + +1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the +trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone +providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance +with this agreement, and any volunteers associated with the production, +promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, +harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, +that arise directly or indirectly from any of the following which you do +or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm +work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any +Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. + + +Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm + +Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of +electronic works in formats readable by the widest variety of computers +including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at https://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. To +SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any +particular state visit https://pglaf.org + +While we cannot and do not solicit contributions from states where we +have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition +against accepting unsolicited donations from donors in such states who +approach us with offers to donate. + +International donations are gratefully accepted, but we cannot make +any statements concerning tax treatment of donations received from +outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. + +Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation +methods and addresses. Donations are accepted in a number of other +ways including including checks, online payments and credit card +donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + https://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + +*** END: FULL LICENSE *** + diff --git a/16649-8.zip b/16649-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..4ca04de --- /dev/null +++ b/16649-8.zip diff --git a/16649-h.zip b/16649-h.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..d91dc45 --- /dev/null +++ b/16649-h.zip diff --git a/16649-h/16649-h.htm b/16649-h/16649-h.htm new file mode 100644 index 0000000..fb7694b --- /dev/null +++ b/16649-h/16649-h.htm @@ -0,0 +1,1670 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" + "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> + +<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml"> + <head> + <meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=iso-8859-1" /> + <title> + The Project Gutenberg eBook of La Pantoufle de Sapho, by Leopold von Sacher-Masoch. + </title> + <style type="text/css"> +/*<![CDATA[ XML blockout */ +<!-- + p { margin-top: .75em; + text-align: justify; + margin-bottom: .75em; + } + h1,h2,h3,h4,h5,h6 { + text-align: center; /* all headings centered */ + clear: both; + } + hr { width: 33%; + margin-top: 2em; + margin-bottom: 2em; + margin-left: auto; + margin-right: auto; + clear: both; + } + + table {margin-left: auto; margin-right: auto;} + + body{margin-left: 10%; + margin-right: 10%; + } + + img {border: none;} + + .linenum {position: absolute; top: auto; left: 4%;} /* poetry number */ + .blockquot{margin-left: 5%; margin-right: 10%;} + .pagenum {position: absolute; left: 92%; font-size: smaller; text-align: right;} /* page numbers */ + .sidenote {width: 20%; padding-bottom: .5em; padding-top: .5em; + padding-left: .5em; padding-right: .5em; margin-left: 1em; + float: right; clear: right; margin-top: 1em; + font-size: smaller; background: #eeeeee; border: dashed 1px;} + + .bb {border-bottom: solid 2px;} + .bl {border-left: solid 2px;} + .bt {border-top: solid 2px;} + .br {border-right: solid 2px;} + .bbox {border: solid 2px;} + + .center {text-align: center;} + .right {text-align: right;} + .smcap {font-variant: small-caps;} + .u {text-decoration: underline;} + .title {font-size: 1.5em} + + .caption {font-weight: bold;} + + .figcenter {margin: auto; text-align: center;} + + .figleft {float: left; clear: left; margin-left: 0; margin-bottom: 1em; margin-top: + 1em; margin-right: 1em; padding: 0; text-align: center;} + + .figright {float: right; clear: right; margin-left: 1em; margin-bottom: 1em; + margin-top: 1em; margin-right: 0; padding: 0; text-align: center;} + + .footnotes {border: dashed 1px;} + .footnote {margin-left: 10%; margin-right: 10%; font-size: 0.9em;} + .footnote .label {position: absolute; right: 84%; text-align: right;} + .fnanchor {vertical-align: super; font-size: .8em; text-decoration: none;} + + .poem {margin-left:10%; margin-right:10%; text-align: left;} + .poem br {display: none;} + .poem .stanza {margin: 1em 0em 1em 0em;} + .poem span.i0 {display: block; margin-left: 0em;} + .poem span.i2 {display: block; margin-left: 2em;} + .poem span.i4 {display: block; margin-left: 4em;} + + + + /* kludge to get around brain dead IE not understanding CSS */ + div.centered {text-align: center;} + div.centered table {margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: left;} + // --> + /* XML end ]]>*/ + </style> + </head> +<body> + + +<pre> + +The Project Gutenberg EBook of La Pantoufle de Sapho +by Leopold Ritter von Sacher-Masoch + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: La Pantoufle de Sapho + +Author: Leopold Ritter von Sacher-Masoch + +Translator: D. Dolorès + +Release Date: September 4, 2005 [EBook #16649] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO *** + + + + +Produced by Miranda van de Heijning, Melissa Er-Raqabi and +the Online Distributed Proofreading Team at +https://www.pgdp.net. This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. + + + + + + +</pre> + + + +<div class="figcenter" style="width: 298px;"> +<img src="images/title2.png" width="298" height="430" alt="" title="" /> +</div> + +<h1>La Pantoufle</h1> +<h4>de</h4> +<h1>Sapho</h1> + +<h2>& Autres Contes</h2> + +<h4>CHARLES CARRINGTON,<br /> +Libraire-Éditeur<br /> +13, Faubourg Montmartre, Paris</h4> + + + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2>SACHER MASOCH</h2> + +<div class="figcenter" style="width: 79px;"> +<img src="images/cc_pantouflesapho_tn.gif" width="79" height="120" alt="" title="" /> +</div> + +<h3>L'AMOUR CRUEL A TRAVERS LES AGES<br /><br /></h3> + +<h3>LA </h3> +<h1>PANTOUFLE DE SAPHO </h1> +<h2>et autres Contes<br /><br /></h2> + +<h3>Traduit par D. DOLORÈS</h3> + +<div class="figcenter" style="width: 212px;"> +<img src="images/title.png" width="212" height="125" alt="" title="" /> +</div> + +<h3>PARIS </h3> +<h3>CHARLES CARRINGTON, LIBRAIRE-ÉDITEUR </h3> +<h4>13, Faubourg Montmartre, 13</h4> + +<h4>1907</h4> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2>LA PANTOUFLE DE SAPHO</h2> + +<h4>(1859)</h4> + + + + + +<div class="figcenter" style="width: 442px;"> +<img src="images/006.png" width="442" height="125" alt="" title="" /> +</div> + +<h3>LA PANTOUFLE DE SAPHO</h3> + +<h3>(1859)</h3> + + +<p>L'hiver de 1859 étendait son blanc et floconneux tapis de neige sur les +remparts de la joyeuse capitale autrichienne et, aux environs, sur les +coupoles du Kahlenberg et du Leopoldsberg. Le monde brillant et +aristocratique était rentré des eaux et de ses terres, et l'on +s'amusait, dans les salons privés, ainsi qu'aux lieux de réjouissances +publiques, simplement et gaîment, comme cela n'était guère possible, +alors, que dans la ville impériale, résidence de l'empereur Franz.</p> + +<p>Mais le point culminant des distractions et des plaisirs, comme de +l'intérêt artistique et littéraire, était encore et toujours le +Burgthéâtre, institution populaire au sens le plus élevé, où les +aspirations idéales de l'élite de la nation se joignaient aux efforts +les plus nobles, car une censure hautement sagace rognait les ailes +fougueuses du Pégase autrichien, et la vie politique n'agitait encore +que la Hongrie avoisinante, ne se manifestant guère que par les paroles, +les chansons et les actes des compagnonnages allemands et de quelques +étudiants des universités de Vienne ou de Prague.</p> + +<p>Entre le public et les acteurs, régnait une véritable intimité, car les +Viennois de cette époque ne se contentaient pas d'admirer l'artiste sur +la scène; ils le suivaient dans sa vie journalière et jusque dans sa +demeure, non pour épier un scandale et s'amuser des vices des +protagonistes chargés d'incarner les rêves héroïques ou spirituels des +poètes, comme cela a lieu de nos jours, mais avec le naïf désir de voir +la pâle Louise assise à sa table à thé, d'entendre la rêveuse Charlotte +potiner en buvant du café, de surprendre la fière princesse Eboli en +train de tricoter des bas ou le vaillant chevalier Goetz de faire sa +partie de tarok. Le public viennois était au courant de tout ce qui se +passait derrière les coulisses. Il connaissait le nom de chaque +adorateur de la Stich; il savait toujours, à n'en pas douter, quel soir +Korn était plus rauque que de coutume et en quel lieu il avait bu le +champagne responsable, et, lorsqu'enfin Sophie Schrœder monta, tel un +soleil, au firmament de l'art dramatique, faisant pâlir toutes les +étoiles, il ne tomba pas une épingle dans le boudoir de la tragédienne +sans que le Tout-Vienne en fût informé, depuis le chancelier d'Etat +jusqu'à l'apprenti cordonnier, depuis le cocher de fiacre jusqu'à +l'empereur.</p> + +<p>L'intérêt que prenait la ville entière à la personnalité de Sophie était +de nature exclusivement artistique, bien que partant d'un sentiment très +humain, car la Schrœder n'était ni belle ni même élégante.</p> + +<p>Mais, quand elle paraissait drapée à la grecque, sur les planches, quand +sa superbe voix laissait tomber les ondes mélodiques de la langue +rythmée, quand son génie invoquait des figures d'une vérité saisissante +et d'une dignité surhumaine, elle entraînait les cœurs, comme jamais +aucune artiste ne l'avait fait. A ces moments, elle devenait belle, +d'une beauté antique et qu'on eût crue sortie d'un sarcophage ancien.</p> + +<p>Sophie n'était pas grande, mais elle avait ce port de tête imposant que +possédait avant elle l'auteur du <i>Faust</i>, et qui la faisaient paraître +plus haute qu'elle ne l'était en réalité.</p> + +<p>Il n'était pas une grande dame, pas une souveraine, qui ne lui eussent +envié sa distinction native et l'empire qu'elle exerçait sur les +mortels. Elle semblait née pour voir un peuple à ses pieds, tant son +regard était dominateur.</p> + +<p>Sa situation matérielle eût pu être brillante, mais ne l'était point, +parce qu'en vraie fille de l'art, la Schrœder n'entendait rien aux +choses pratiques, et sa délicatesse s'opposait à ce qu'elle se laissât +entourer, par ses adorateurs, de ce luxe princier que possèdent de nos +jours les plus insignifiantes comédiennes.</p> + +<p>Sophie avait une idée trop haute de l'amour, de l'art et +d'elle-même,—surtout d'elle-même,—pour se faire payer ses faveurs avec +des diamants. Si elle souriait à un homme, ce sourire partait du +cœur, et si elle consentait à l'enivrer, elle voulait être elle-même +heureuse de toute son âme. La courtisanerie qui engendre le dégoût et +dont, à l'heure actuelle, souffre et se meurt l'art dramatique, lui +était complètement inconnue.</p> + +<p>Il était donc naturel que, ses fiers sourcils ayant décoché une fois de +plus les flèches d'amour dans un cœur, elle fût la dernière à en être +informée. On se chuchotait la nouvelle dans les loges, on en parlait +dans les fauteuils, on en riait en se poussant du coude, au parterre et +aux galeries, alors qu'elle-même ne savait rien encore du noble captif +qu'elle avait fait.</p> + +<p>En l'année 1859, le public du Burgthéâtre remarqua un jeune homme qui, +chaque soir où la Schrœder jouait, occupait le fauteuil du coin de +gauche au premier rang, dont le regard, sitôt qu'elle paraissait, +s'attachait avec une émotion fiévreuse à tous ses mouvements, et dont +l'enthousiasme était si entraînant que, maintes fois, il oubliait les +lois du théâtre pour applaudir au milieu d'une scène. Tout Vienne savait +depuis longtemps que c'était un prince polonais, colossalement riche et +épris d'une délirante passion pour la tragédienne, avant que la +Schrœder se doutât seulement de l'existence de cet heureux +malheureux.</p> + +<p>Un jour qu'elle attendait en scène le commencement du premier acte, +Sophie remarqua quelques comédiennes qui examinaient la salle à travers +le trou du rideau, et entendit le colloque suivant:</p> + +<p>—Le voilà encore.</p> + +<p>—Qui cela?</p> + +<p>—Le soupirant muet de la Schrœder.</p> + +<p>La Schrœder s'approcha pour mieux écouter.</p> + +<p>—Fais-le-moi voir. Où donc est-il?</p> + +<p>—Là, dans le coin de gauche, au premier rang.</p> + +<p>La Schrœder, cette fois, en savait assez et, quand le rideau fut +levé, elle profita d'une réplique, pour chercher des yeux l'inconnu.</p> + +<p>Quinze jours se passèrent avant qu'elle n'apprît son nom. Il était +effectivement polonais et fort riche, mais il n'était point prince, un +simple gentilhomme, Félicien de Wasilewski.</p> + +<p>Depuis ce jour, Sophie le remarqua chaque fois qu'elle jouait, et elle +apprit que, tout aussi régulièrement, il demeurait absent quand elle ne +jouait point.</p> + +<p>Au bout de peu de temps, une entente tacite s'établit entre la +tragédienne et son admirateur. En entrant en scène, son premier regard +était pour lui, de même son dernier coup d'œil avant de sortir. Si +une tirade lui réussissait particulièrement, le Polonais hochait +imperceptiblement la tête et ce léger mouvement n'échappait point à +l'artiste. Quand, à l'issue de la représentation, elle montait dans le +carrosse du Burgthéâtre, surnommé ironiquement le <i>Chariot de Thespis</i> +parce qu'il résonnait avec un bruit de ferraille sur le pavé cahoteux de +l'antique ville, le Polonais se trouvait à la porte de sortie, la +dévorant de ses yeux ardents, bien qu'il ne pût apercevoir d'elle que le +bout de son nez, tout le reste étant emmitouflé de fourrures et de +voiles.</p> + +<p>Un soir qu'elle venait de remplir un de ses meilleurs rôles, elle était +assise et prête à fermer la portière, quand une superbe couronne de +lauriers vint s'abattre à ses pieds.</p> + +<p>Le Polonais la lui avait jetée et s'était aussitôt enfui.</p> + +<p>Ce mystérieux et craintif hommage, en ce lieu solitaire et sous le +couvert de la nuit, toucha le cœur sensible et poétique de la +tragédienne plus que les ovations bruyantes et impétueuses à la lumière +des lustres et dans la salle comble.</p> + +<p>La Schrœder commença à s'intéresser au jeune homme et à se demander +si elle pourrait l'aimer?</p> + +<p>Une autre fois, le dégel était survenu; des cascades ruisselaient des +gouttières et des torrents mugissaient le long des trottoirs. La +Schrœder hésitait à enjamber les flaques d'eau qui la séparaient du +lourd véhicule. Le Polonais fut aussitôt sur place, étendit son manteau +sur le pavé, et elle put atteindre sa voiture, les pieds secs.</p> + +<p>Cet exploit chevaleresque remplit de joie l'artiste, mais quand elle se +pencha pour remercier son cavalier-servant, celui-ci, ramassant son +manteau, s'était éclipsé.</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p>Grillparzer que son drame romantique de l'<i>Aïeule</i> avait placé parmi les +dramaturges favoris de l'Allemagne, au temps où la tragédie du Destin +empruntée au théâtre espagnol, était de mode comme, de nos jours, le +drame d'adultère français, venait de confier au Burgthéâtre une nouvelle +pièce, intitulée <i>Sapho</i>. Quittant les abruptes sentiers romantiques, il +reprenait la large voie classique où Schiller et Gœthe, après plus +d'un écart, s'étaient également retrouvés. Le rôle de Sapho avait été +écrit, non à la manière de nos ouvriers modernes, qui ajustent leurs +rôles sur les acteurs, comme un tailleur ajuste un +costume,—Grillparzer était poète dans l'âme et c'est du fond de son +être qu'il tirait ses héros—mais, pas plus que le reste du monde, il ne +pouvait échapper à la puissante influence de la Schrœder, ni se +dérober à l'impression grandiose qu'elle produisait, et le rôle de son +héroïne avait pris, à son insu, les traits et l'allure de la tragédienne +à qui naturellement il incombait.</p> + +<p>Le matin de la répétition de lecture, tandis que la pure et idéale +diction de Sophie enthousiasmait ses camarades et remplissait le cœur +modeste de l'auteur d'un glorieux espoir dans [*] succès futur, au coin +de la place Saint-Michel et du marché aux choux, se tenait une femme +pauvrement vêtue, qui cachait son visage sous le fichu passé sur sa +tête. Elle semblait avoir honte, pourtant elle ne mendiait point et se +serrait, inquiète, contre la muraille, en tremblant de tous ses membres, +car il faisait un froid impitoyable et elle ne portait qu'une robe d'été +rapiécée sous son vieux fichu.</p> + +<p>Pourtant elle ne mendiait point. Elle n'essayait même pas de tendre la +main quand un grand seigneur ou une élégante dame, confortablement +emmitouflés de fourrure, passaient auprès d'elle. Aussi, personne ne la +remarquait, pas même le sergent de ville qui faisait les cent pas non +loin de là.</p> + +<p>La pauvre vieille, plus morte que vive, ressemblait à une de ces statues +de pierre que le pieux Moyen Age incrustait dans les murailles de ses +églises en souvenir des défunts. Elle était tout aussi muette et privée +de mouvement. Mais, quand les comédiens, après la répétition, sortirent +par la petite porte du théâtre et se répandirent sur la place, une +violente commotion fit tressaillir le corps de la pauvresse. Elle +soupira et sa tremblante main, raidie par le froid, serra plus fort +contre son visage ravagé par l'affliction, le fichu qui le couvrait.</p> + +<p>Les acteurs se séparèrent au milieu de la place en échangeant d'aimables +saluts, et Sophie Schrœder se dirigea seule vers l'endroit où +tremblait la vieille. Elle traversait le marché pour se rendre au Graben +et, l'esprit tout rempli de son rôle, allait passer, comme tout le +monde, si un hasard ne l'eût arrachée à ses pensées et attiré son +attention.</p> + +<p>—Vous perdez quelque chose, lui dit une voix rauque qui semblait brisée +et dont, cependant, le timbre lui parut familier.</p> + +<p>Se retournant, elle vit la main décharnée de la vieille lui tendant le +rôle qu'elle avait laissé glisser de son manchon.</p> + +<p>Sophie Schrœder, surprise, considéra la pauvre femme.</p> + +<p>—Qu'avez-vous? lui dit-elle de sa merveilleuse voix, vous paraissez +bien pauvre et malheureuse. Pourquoi me cachez-vous votre visage comme +s'il m'était connu?</p> + +<p>La vieille femme étouffa un sanglot et voulut s'éloigner. La +Schrœder, de son bras robuste, la retint et, doucement, écarta le +fichu.</p> + +<p>—Mon Dieu, balbutia-t-elle en découvrant le visage défait, c'est vous, +ma chère Muller? Vous, dans cette situation? Dois-je trouver la belle +artiste, aux pieds de qui se prosternaient les comtes et les princes, +réduite ... à mendier!</p> + +<p>—Je n'ai pas mendié, murmura la vieille, tandis que des larmes +brûlantes coulaient le long de ses joues émaciées. Je suis seulement +restée debout dans ce coin.</p> + +<p>»C'est la première fois, j'avais si affreusement faim, mais personne ne +m'a rien donné et je mourrais plutôt que de recommencer.</p> + +<p>—Je ne veux pas que vous recommenciez, s'écria Sophie. C'est moi qui +vais ...</p> + +<p>La tragédienne ouvrit sa bourse, mais l'intérieur de cette bourse +offrait un spectacle bien triste ou bien risible, comme on voudra. La +grande Sophie eut de la peine à rassembler vingt kreuzer, qu'elle glissa +dans la main de la vieille tout en lui montrant sa bourse vide.</p> + +<p>—Voyez, chère Muller, je ne possède rien moi-même. Il n'en va pas +autrement avec nous autres comédiens, si quelques marchands ne me +faisaient crédit, je serais souvent bien embarrassée pour m'habiller. +Mais cette bagatelle ne vous tire pas d'affaire.</p> + +<p>—Mais si, mais si, murmura la comédienne en serrant la main de sa +camarade.</p> + +<p>—Non, non, il vous faut beaucoup plus. Comment ferons-nous?</p> + +<p>Sophie se mit à réfléchir. Des badauds de tous rangs s'étaient +rassemblés autour des deux femmes, car la curiosité des Viennois est +notoire. Tout à coup, la Schrœder fendit le groupe. Une belle et +heureuse inspiration venait d'illuminer sa physionomie d'habitude +austère. Elle entra précipitamment dans une boutique de confiseur et en +revint, une assiette à la main. C'est moi qui mendirai[*] pour vous, +Muller, dit-elle avec ce sourire qui lui ouvrait tous les cœurs.</p> + +<p>Effectivement, elle se plaça à côté de la vieille actrice et tendit +l'assiette.</p> + +<p>—Une aumôme[*] pour une malheureuse, je vous prie, la charité pour une +pauvre comédienne âgée.</p> + +<p>En quelques secondes, l'assiette se couvrit de pièces d'argent et de +cuivre de toutes sortes. Mais cela ne satisfit pas la quêteuse. Quand +Sophie se mêlait de quelque chose, elle voulait que ce fût bien, et elle +ne se lassa pas de prier et de tendre l'assiette. Les passants, qui +apercevaient la Schrœder, dans sa pelisse brune bien connue, entourée +d'une foule de curieux, s'arrêtaient et se frayaient un chemin jusqu'à +elle. Grands seigneurs et grandes dames jouaient des coudes et se +mêlaient à la foule, pour le plaisir de déposer une bank-note dans +l'assiette que tenait la main de la célèbre femme, jusqu'au policier, +qui approcha, les sourcils froncés, et s'effaça en reconnaissant la +Schrœder.</p> + +<p>—La mendicité est interdite sous peine d'amende, grommela-t-il +respectueusement dans sa moustache noire, mais non aux comédiens +impériaux et royaux.</p> + +<p>—Mon Dieu, que vous êtes bonne, soupira la vieille. Que Dieu vous le +rende! moi je ne le puis, c'est trop, beaucoup trop.</p> + +<p>Enfin la Schrœder elle-même se déclara satisfaite. Elle souleva le +pan du fichu de la vieille et, d'un geste hardi, y jeta pêle-mêle les +bank-notes, les pièces d'argent et les monnaies de cuivre, lorsqu'au +moment de rapporter l'assiette, elle dut la tendre une fois encore: son +adorateur, le gentilhomme polonais, surgit inopinément, la tête +découverte, offrant un billet de 50 florins.</p> + +<p>Un regard rayonnant de la femme adorée fut sa récompense.</p> + +<p>—Cela suffira bien pour quelque temps, n'est-ce pas, Muller? dit la +tragédienne en se tournant une dernière fois vers sa camarade. Puis, tu +reviendras, n'oublie pas, Muller, promets-moi de ne pas oublier!</p> + +<p>Mais les badauds de Vienne n'abandonnèrent pas aussi facilement leur +comédienne favorite. Ils l'escortèrent au delà du marché aux chevaux +jusqu'au Graben, où elle dut se réfugier sous la voûte de la «Chatte» +jusqu'à ce que la foule se fût dispersée.</p> + +<p>Chemin faisant, Sophie ne put s'empêcher de repenser au Polonais.</p> + +<p>«Il m'intéresse, s'avouait-elle. Il est beau, ses manières sont nobles +et il a certainement bon cœur. Mais je ne suis pas dans l'âge où l'on +recherche les adolescents!</p> + +<p>Il n'est pas assez viril, il lui manque d'être un homme et, à moi, +d'être Sapho. Je pourrais difficilement l'aimer. Et lui? Espérons qu'il +sera raisonnable et ne se jettera pas dans le Danube.»</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p>L'Autriche ne possédait encore, à ce moment, aucune littérature digne de +ce nom et qui méritât de fixer l'attention de l'Europe. Les œuvres +dont on s'occupait dans la ville impériale, étaient d'importation +étrangère, comme Frédéric Schlegel et Zacharie Werner. L'empereur Franz, +qui eût volontiers entouré son trône nouvellement redoré après tant de +difficultés et de luttes, de noms illustres et glorieux, témoigna une +joie qui ne lui était pas habituelle en des circonstances de ce genre, +en apprenant que l'auteur de l'œuvre qui venait de triompher à la +Burg, était un Autrichien. Il le fit venir dans sa loge, lui tapa +familièrement sur l'épaule et prononça toutes sortes de paroles +aimables, dans le débonnaire dialecte viennois. Mais lorsque, +s'enquérant des conditions du poète, il apprit qu'il était +fonctionnaire, l'Empereur arrêta net l'entretien et lui tourna le dos. A +ses yeux, quand on servait l'Etat, écrire autre chose que des actes +officiels constituait un délit. Aussi Grillparzer que la critique +viennoise traitait sans bienveillance, n'eut, après comme avant, +d'autres ressources que son talent et la faveur du public. Celle-ci, +d'ailleurs, ne lui fut point ménagée; l'<i>Aïeule</i> fut acclamée avant que +les gazettes eussent eu le temps de formuler leur avis, et non moins +chaudement après.</p> + +<p>C'est en ce public si avisé et si vibrant, que Grillparzer mit toute son +espérance lors de la mise à l'étude de <i>Sapho</i>, paraissant deux ans +après l'<i>Aïeule</i>, et sa foi fut non moins inébranlable en la puissance +dramatique de la Schrœder. Il savait que non seulement elle ne +trahirait aucune de ses intentions de poète, mais que la plénitude de +son jeu et la majesté plastique de ses mouvements infuseraient la vie à +son héroïne. Il allait voir l'artiste presque journellement et plus +souvent encore pendant les jours qui précédèrent la représentation, non +pour lui donner des conseils, mais pour puiser chez elle courage et +confiance, le jeune auteur de 30 ans commençant déjà à souffrir de ce +pessimisme artistique qui, plus tard, devait envenimer tous ses efforts +et lui faire abandonner la lice.</p> + +<p>Quelques heures avant la première, Grillparzer se trouvait encore sur le +petit canapé à fleurs du salon de Sophie, tandis que les affiches de la +<i>Sapho</i> s'étalaient sur tous les murs attirant les curieux qui faisaient +cercle autour, et que les amateurs de théâtre suivaient impatiemment des +yeux les aiguilles de leurs pendules. Le poète regardait la comédienne +arranger, avec l'aide de M^lle Babette, des étoffes, dans le grand +panier qui lui servait de garde-robe.</p> + +<p>—Mais, mon cher maître dit soudain l'actrice en se plaçant devant lui +et en rejetant la tête en arrière, d'un mouvement qui lui était +familier, je n'ai plus que faire de vous.</p> + +<p>—Vraiment? fit le poète, et il leva vers elle ses beaux yeux bleus +suppliants. Puis, d'un ton résigné:—Alors il me faut partir.</p> + +<p>Grillparzer se leva en poussant un soupir, prit son chapeau et soupira +de nouveau.</p> + +<p>La Schrœder lui tendit la main.</p> + +<p>—Je pars, dit-il en considérant cette main, mais—vous savez que je +déteste le baise-main—je dois vous baiser la main. Si j'étais +berlinois, je dirais que votre main est spirituelle, mais, en bon +Viennois, je vous dis seulement: vous avez des menottes affriolantes.</p> + +<p>Il porta la main, qui paraissait sculptée dans de l'ivoire, à ses lèvres +et partit.</p> + +<p>A peine la Schrœder se trouva-t-elle seule, qu'on frappa à la porte.</p> + +<p>La vieille comédienne, M^me Muller, entra timidement.</p> + +<p>—Mon Dieu, vous allez m'en vouloir de me présenter au moment d'une +première. Je sais que ce n'est pas agréable et qu'on n'aime pas cela. +J'ai été moi-même dans ce cas. Mais vous me pardonnerez, quand vous +saurez que j'ai été bien malade et que je le suis encore, mais, quand +j'ai appris qu'on jouait aujourd'hui une pièce nouvelle de l'auteur de +l'<i>Aïeule</i> et que c'est vous, divine Schrœder, qui créiez <i>Sapho</i>, je +suis sautée de mon lit et accourue. Il faut que je vous voie jouer, il +le faut. Ayez pitié de moi, donnez-moi une carte pour la galerie.</p> + +<p>La vieille levait des mains suppliantes.</p> + +<p>—Rassurez-vous, vous me verrez jouer, ma chère Muller, mais, avant +tout, prenez une tasse de café bien chaud, cela vous fera du bien.</p> + +<p>La Schrœder força sa vieille camarade à prendre place sur le canapé, +et la servit de ses propres mains.</p> + +<p>Pendant qu'elle était assise à humer le breuvage réconfortant et qu'un +sourire de bonheur épanouissait ses vieux traits ridés, la Schrœder +terminait ses préparatifs tout en causant.</p> + +<p>—Il est impossible que vous montiez à la galerie ce soir, je ne le +permettrai pas. On s'y étouffera, vous pourriez vous trouver mal, la +foule, la chaleur ... Le parterre doit être comble également, vous ne +pourriez vous tenir debout et les sièges doivent être tous loués.</p> + +<p>Elle réfléchissait.</p> + +<p>—Savez-vous quoi? je vous emmène dans les coulisses au lieu de Babette, +qui trouvera une place à l'orchestre où on la connaît bien.</p> + +<p>—Que vous êtes bonne!</p> + +<p>—Et où en est l'argent? poursuivit la tragédienne. Nous autres +artistes en manquons toujours. Ainsi, parlez franc. Que vous faut-il? La +maladie a tout absorbé?</p> + +<p>—Vous croyez cela? repartit la vieille en souriant. Oh non, je suis +devenue très économe. Avec ce que je dois à votre générosité, je puis +encore vivre le quart d'une année.</p> + +<p>La Schrœder avait ouvert son porte-monnaie et éclata de rire.</p> + +<p>—Voyez, dit-elle, joyeuse comme une enfant, je voulais vous gâter et ne +possède rien moi-même. Vous êtes en ce moment plus riche que moi. Je +donne à Babette ce qu'il lui faut pour tout le mois, une fois qu'elle +l'a dans ses mains, je n'ai plus le droit d'y toucher; le reste passe +par la fenêtre, je ne sais comment. L'important est que vous soyez +momentanément à l'abri du besoin. Mais occupons-nous de l'avenir.</p> + +<p>—Divine amie, si je pouvais entreprendre un petit commerce, un tout +petit commerce, soupira la vieille actrice.</p> + +<p>—Bon. Et combien faudrait-il? je n'en ai pas le moindre soupçon. Mille +écus peut-être?</p> + +<p>La vieille femme eut presque une frayeur.</p> + +<p>—Mille écus? s'écria-t-elle, le dixième suffirait. Cent écus.</p> + +<p>—Vous les aurez, assura la Schrœder. Mais j'entends le vacarme de +notre arche de Noé. Babette, donne-moi ma pelisse.</p> + +<p>D'un geste rapide, elle glissa dans la chaude fourrure et descendit +majestueusement les marches de l'escalier. La vieille Muller suivit, +toujours enveloppée de son fichu.</p> + +<p>Le Burgthéâtre était plein à s'étouffer, jusque dans les plus petits +recoins. Un public de choix attendait avec une impatience fébrile le +lever du rideau. Au premier rang, se tenait, à sa place accoutumée, +Félicien Wasilewski, en proie à une agitation extraordinaire. Il se +levait, se rasseyait, couvrait son visage de ses mains et déchirait son +mouchoir de poche en mille petits morceaux. Enfin, la pièce commença. Le +premier acte se passa dans l'habituel mouvement d'une salle trop pleine. +Mais les mots du chœur: «Salut! Sapho, Salut!» eurent un effet +magique. Il se fit un profond silence et tous les regards se tournèrent +vers Sophie, faisant son entrée sur un char de triomphe, comme un être +que la nature a créé pour dominer.</p> + +<p>Les modes gréco-romaines de ce temps permettaient à l'artiste une +liberté d'habillement, telle que, de nos jours, on ne la concède qu'aux +chanteuses d'opérettes. Une ample draperie blanche, retenue sur l'épaule +par une agrafe en or massif, suivait de près le contour ferme et +élastique des seins, laissant à découvert des bras superbes. Du côté +gauche, tombait, le long de la hanche, un manteau écarlate brodé d'or. +Séparée, au milieu du front, l'opulente chevelure se déroulait en +anneaux le long des tempes et, retenue par un bandeau blanc tissé d'or +formait un nœud de boucles sombres, qui retombaient sur la nuque.</p> + +<p>Félicien tressaillit en la voyant ainsi. Elle lui sembla presque +terrible. Dans la majesté de ses formes, il y avait une puissance +presque violente qui le terrassait, et son pied délicat chaussé de +sandales d'or appelait son baiser plus impérieusement que jamais ne +l'avaient fait la main blanche ou les lèvres rouges d'une femme. Mais, +quand elle commença de parler, quand sa voix merveilleuse résonna, +pareille tantôt à un son de cloches, tantôt à un murmure de harpe, +lorsque dans chaque mouvement s'exprima la grande âme de la poétesse +adorée du peuple et souveraine des cœurs rentrant victorieuse des +jeux olympiques, Sapho lui parut être la divine Sophie elle-même, la +femme fière et dominatrice, despotique en amour, comme en art. Il sentit +alors combien follement il l'aimait, mais aussi à quel point le courage +lui manquerait de jamais lui demander ses faveurs.</p> + +<p>Grillparzer et Sophie fêtèrent ce soir un triomphe complet et qui ne +devait être surpassé que plus tard, lorsque, en Médée, la Schrœder +pétrifia littéralement son auditoire par le mot trois fois répété: +«Malheur»!</p> + +<p>C'est surtout à la tombée du rideau que les applaudissements devinrent +délirants et, pendant que Sophie se voyait contrainte de paraître et de +reparaître indéfiniment, le Polonais, saisi d'une idée subite, enjamba +la rampe de l'orchestre et fut en quelques instants dans la rue.</p> + +<p>M^lle Babette était, comme toujours, rentrée la première à la maison, +afin de s'occuper du thé que Sophie aimait à trouver tout fumant sur la +table. Elle haletait en montant les marches de l'escalier et tâtonna en +cherchant le trou de la serrure. Soudain, une main glacée s'empara de la +sienne et elle sentit une ombre se dresser près d'elle.</p> + +<p>M^lle Babette en éprouva une telle frayeur que la voix lui manqua pour +crier. En ces temps de romantisme et d'histoires de brigands, +l'apparition d'un revenant était, pour une imagination exaltée par les +pièces de théâtre et les romans, quelque chose de tout naturel.</p> + +<p>La gouvernante tremblait de tous ses membres et menaçait de s'évanouir. +Heureusement, une formule pour conjurer les esprits lui revint en +mémoire, et elle murmura d'une voix étouffée par l'angoisse:</p> + +<p>—Tous les bons esprits louent le Seigneur.</p> + +<p>—Je suis un très bon esprit, répondit une voix douce, et le Seigneur +que je loue, s'appelle Sophie Schrœder.</p> + +<p>—Qui êtes-vous? questionna Fräulein Babette légèrement rassurée, et que +me voulez-vous à cette heure?</p> + +<p>—Ouvrez d'abord, poursuivit l'invisible visiteur, et faites de la +lumière, je m'expliquerai ensuite.</p> + +<p>—Mais je ne puis vous laisser entrer, soupira Mademoiselle, vous êtes +peut-être....</p> + +<p>—<i>Rinaldo Rinaldini</i> ou <i>Jaromir</i> en personne? railla le noctambule. +Tranquillisez-vous, je ne suis ni un brigand, ni un démon de l'enfer, +ni même un simple revenant, seulement un enthousiaste adorateur de la +divine Schrœder et de son talent.</p> + +<p>—Et vous venez si tard ...</p> + +<p>—Je le sais bien, mademoiselle Babette, mais il me faut vous parler, à +vous seule. Ouvrez, au nom du ciel, sans quoi Sapho va revenir et tout +serait perdu.</p> + +<p>M^lle Babette, se laissant enfin convaincre, ouvrit et chercha du feu. A +la lumière douteuse d'une chandelle, elle reconnut le Polonais. Il se +tenait devant elle, moitié gêné, moitié railleur, enveloppé d'un long +manteau et tenant à la main une magnifique couronne de lauriers.</p> + +<p>—Ah! c'est vous, dit-elle. Et vous désirez que je remette cette +couronne à la Schrœder?</p> + +<p>Elle étendait sa maigre main, pour la prendre.</p> + +<p>—Certainement, je le veux, mais ce n'est pas tout ce que j'ai à vous +demander.</p> + +<p>—Parlez vite, car elle va venir, et il faut qu'elle trouve son thé +prêt, sans quoi elle se fâchera.</p> + +<p>—Laissez-le-moi faire. Nous autres Polonais nous y entendons à la +perfection. Je serai si heureux que la grande Sapho bût, ce soir, du +thé préparé de ma main.</p> + +<p>—Nous n'avons pas le temps ...</p> + +<p>—Plus qu'il ne faut.</p> + +<p>Babette secoua la tête, puis se hâta de chercher ce qu'il fallait.</p> + +<p>—Au moins, entrez dans ma chambre, continua-t-elle, afin que je puisse +vous faire sortir inaperçu. Par ici, monsieur le Comte.</p> + +<p>On donnait, en ce temps, le titre de comte à tous les Polonais +indistinctement.</p> + +<p>Le jeune homme obéit et fit montre d'une véritable virtuosité à composer +le breuvage ambré.</p> + +<p>M^lle Babette ne revenait pas de son étonnement. Tout en manipulant le +samovar, il s'entretenait avec la gouvernante.</p> + +<p>—Donc, chère Mademoiselle, vous lui remettrez la couronne?</p> + +<p>—Certainement.</p> + +<p>—Et vous lui exprimerez toute ma fervente admiration pour son rôle +d'aujourd'hui?</p> + +<p>—Oui, monsieur le Comte.</p> + +<p>—Elle a été insurpassable.</p> + +<p>—Grandiose!</p> + +<p>—Vous comprenez donc que je vénère votre maîtresse.</p> + +<p>—Je m'étonnerais du contraire.</p> + +<p>—Et vous comprenez que je l'aime, que je suis forcé de l'aimer, de +l'adorer?</p> + +<p>—Si j'étais homme, je ferais comme vous.</p> + +<p>—Par conséquent, ma chère, ma bonne, mon angélique Mademoiselle, +procurez-moi quelque chose que Sophie Schrœder ait porté, et si ce +n'était qu'un simple ruban ayant reposé sur sa divine poitrine, je le +conserverais comme un fétiche, un talisman, aussi longtemps que je +vivrais et jusqu'à l'heure de ma mort.</p> + +<p>—C'est ce que je ne puis pas, monsieur le Comte.</p> + +<p>—Vous ne pouvez pas? se récria le Polonais. Et me laisser mourir, sans +une consolation, sans un réconfort, cela vous le pouvez?</p> + +<p>—Mais que voulez-vous que je vous donne?</p> + +<p>—Ce que vous voudrez.</p> + +<p>—Il n'y a pas un seul objet dont elle puisse se passer.</p> + +<p>Le Polonais, qui avait fini de préparer le thé, saisit le flambeau avec +une hâte fébrile, et se dirigea d'un pas rapide, à travers les salles, +jusqu'à la chambre à coucher de la tragédienne. Là il s'arrêta avec un +tressaillement d'extase et regarda autour de lui avec émotion.</p> + +<p>—Que faites-vous? s'écria Babette qui l'avait suivi épouvantée, ne +savez-vous pas que c'est ici un sanctuaire que le pied d'aucun mortel +n'est autorisé à fouler?</p> + +<p>—Laissez-moi jouir de ce moment divin, repartit le Polonais avec feu. +C'est derrière ces rideaux que repose ce corps divin et, ce tapis, son +pied l'effleure journellement!</p> + +<p>Il s'agenouilla et baisa le tapis. En se relevant, il tenait à la main +une pantoufle, qu'il brandit triomphalement.</p> + +<p>—Vous vous demandez ce que vous allez me donner? chère, délicieuse +Babette, donnez-moi cette pantoufle de l'immortelle, vous ferez de moi +le plus heureux des mortels.</p> + +<p>—Cette pantoufle moins que toute autre chose, repartit Babette, elle va +rentrer et voudra la mettre.</p> + +<p>—Plus jamais elle ne la mettra, s'écria l'amoureux d'un ton résolu.</p> + +<p>En vain, l'excellente fille fit tous ses efforts pour la lui reprendre, +le jeune homme échappait sans cesse à sa poursuite et elle dut lui +faire la chasse, à travers toute la série des chambres, jusque dans la +cuisine. Là, le Polonais prit son manteau, mit son chapeau et voulut +sortir, mais M^lle Babette le retint, nouvelle Putiphar, par le pan de +son manteau.</p> + +<p>—Seigneur Dieu! gémit-elle, vous ferez encore mon malheur. Je ne vous +laisserai point partir, monsieur le Comte, que vous ne m'ayez rendu la +pantoufle.</p> + +<p>—Je ne la rendrai qu'avec la vie.</p> + +<p>—Êtes-vous donc tout à fait fou?</p> + +<p>—Je vous en donne son poids d'or, fit l'exalté en tirant de sa poche, +sa main pleine de ducats qu'il jeta sur la table.</p> + +<p>—Non, non, cria la malheureuse gouvernante avec angoisse, je ne veux +pas de votre or, je ne prends point d'argent, je veux la pantoufle!</p> + +<p>—Ayez pitié, donnez-la-moi!</p> + +<p>—Pourquoi donc vous faut-il absolument cette pantoufle?</p> + +<p>—La pantoufle de Sapho, reprit le gentilhomme avec solennité, pour y +imprimer chaque jour mes lèvres, à l'endroit qu'a touché son doux pied.</p> + +<p>—Mon Dieu, tout cela est bien bel et bon, soupira M^lle Babette, les +chevaliers et les nobles brigands en agissaient ainsi; mais, si la +pantoufle manque, je suis perdue. Rendez-la-moi.</p> + +<p>—Babette, céleste Babette, pouvez-vous être assez cruelle pour +m'arracher l'objet de mon adoration?</p> + +<p>—Oui, je suis assez cruelle ... dit-elle en souriant, le rôle de +cruelle lui plaisait évidemment.</p> + +<p>—Même, si je vous implore à genoux?</p> + +<p>Le jeune homme s'était jeté à ses pieds et levait la pantoufle d'un air +suppliant.</p> + +<p>—Mais, mon Dieu, que faites-vous donc?</p> + +<p>Au même instant, la porte s'ouvrit, on perçut un froissement de jupes, +Babette poussa un cri et le Polonais, bondissant sur ses pieds, demeura +comme pétrifié.</p> + +<p>La Schrœder venait de paraître sur le seuil. Elle portait encore le +bandeau tissé d'or autour de sa tête et le péplum blanc de Sapho. Elle +n'avait quitté que son manteau, le remplaçant par sa chaude pelisse.</p> + +<p>Sophie se présentait la tête haute, dans toute sa majesté, ses formes +opulentes et son bras robuste entourés de la sombre fourrure, comme sur +l'image fameuse que nous possédons d'elle.</p> + +<p>Un regard, un éclair de ses yeux qui eut relégué dans l'ombre toutes +les impératrices et les princesses régnantes que les Viennois avaient eu +récemment le loisir d'admirer au grand Congrès, et le jeune enthousiaste +se trouva à genoux.</p> + +<p>Elle fit deux pas en avant et s'arrêta, comme une souveraine devant un +esclave qui s'est attiré le plus terrible châtiment. Les yeux de la +tragédienne le fixèrent un moment, puis, se tournant vers Babette:</p> + +<p>—Que se passe-t-il? questionna-t-elle. Comment Monsieur se trouve-t-il +dans ma demeure? et qui l'a autorisé à y pénétrer?</p> + +<p>M^lle Babette, rouge jusqu'aux oreilles, se tenait, les jambes +tremblantes, comme une pécheresse.</p> + +<p>—Il ... je ... parce que ... balbutia-t-elle.</p> + +<p>—Je demande une réponse. Qui a fait entrer Monsieur?</p> + +<p>Wasilewski se releva.</p> + +<p>—Ne la grondez pas, dit-il, elle ne pouvait faire autrement. Mon +enthousiasme pour vous, Madame, a triomphé de ses résistances. Je suis +le seul coupable, le seul.</p> + +<p>—Vous avouez donc?</p> + +<p>—Je ne nie point, je demande grâce.</p> + +<p>—Vous reconnaissez votre faute?</p> + +<p>—Grâce!</p> + +<p>L'actrice ne put s'empêcher de sourire.</p> + +<p>—D'abord l'instruction et la sentence. La grâce ne vient qu'ensuite.</p> + +<p>—Oui, punissez-moi, supplia le gentilhomme d'une voix tremblante +d'amour et, un peu aussi, de crainte. Punissez-moi cruellement, le +châtiment même que vous m'infligerez, me sera une joie et une +consolation.</p> + +<p>—Avant tout, je désire savoir ce que vous vouliez de ma fidèle Babette +et pourquoi vous lui avez offert de l'argent.</p> + +<p>—Je l'ai priée, répondit loyalement et simplement le jeune homme, de me +donner la pantoufle de Sapho et, comme elle me la refusait et cherchait +à me l'arracher, je lui ai offert ...</p> + +<p>Il se tut en baissant les yeux.</p> + +<p>—Une poignée d'or pour une vieille pantoufle? railla la Schrœder, +tandis qu'un charmant sourire éclairait son austère visage. Mais où donc +est ce précieux objet? Je suis lasse et en ai besoin pour me reposer +...</p> + +<p>—Oserais-je vous prier de me laisser gracieusement ce que M^lle Babette +m'a si impitoyablement refusé?</p> + +<p>—Quelle valeur attribuez-vous donc à cette pantoufle? questionna la +tragédienne, s'égayant de plus en plus.</p> + +<p>—Je ne puis vous dire cela ici ...</p> + +<p>—Suivez-moi donc au salon, dit Sophie, qui commençait à s'amuser +royalement de la situation. Là, vous me donnerez l'explication de votre +singulier désir.</p> + +<p>Elle passa devant, avec l'allure d'une souveraine, et il suivit +docilement, comme un enfant ou un fol amoureux. La Schrœder alluma +les bougies d'un candélabre en argent qui se trouvait, sur une console +dorée, devant un trumeau, et se laissa choir, avec cette majesté qui +sied mieux aux femmes opulentes que la grâce aux maigres, sur le canapé, +et indiqua un siège à son hôte, d'un geste plein de noblesse.</p> + +<p>—Vous vous nommez?...</p> + +<p>—Félicien Wasilewski.</p> + +<p>—Donc monsieur Wa ... comment dites-vous?</p> + +<p>—Wasilewski.</p> + +<p>—C'est un nom difficile. Wasilewski, est-ce bien cela?</p> + +<p>Le Polonais s'inclina.</p> + +<p>—Et ce serait réellement le seul désir de vous approprier ma pantoufle, +qui vous aurait fait pénétrer à une heure aussi insolite dans mon +domicile?</p> + +<p>—Je vous ai vue dans tous vos rôles. A chaque création nouvelle, +grandissait mon admiration pour la grande tragédienne, maîtresse de +toutes les cordes du clavier humain, et mon adoration pour la belle +artiste ...</p> + +<p>—Je ne suis pas belle, Monsieur.</p> + +<p>—Pour moi, vous êtes belle, et si vous ne l'êtes point, le sentiment +que vous inspirez à mon cœur est encore cent fois plus idéal et plus +sacré, puisqu'il vous rend belle, plus belle que toutes les femmes de la +terre. Je vous aime.</p> + +<p>—Monsieur!</p> + +<p>—Pardonnez-moi, je ne puis faire autrement. Ce n'est point un +enivrement de mes sens, un aveuglement de mon esprit, je dois vous aimer +comme je dois respirer ... pour vivre.</p> + +<p>Cette fois, la Schrœder baissa son regard altier.</p> + +<p>—Monsieur, je serai sincère: l'intérêt que vous me portez a cessé, +depuis longtemps, d'être un mystère pour moi. Vous l'avez exprimé si +souvent, d'une manière aussi chevaleresque que délicate, mais je n'y +voyais qu'un hommage à la tragédienne ...</p> + +<p>—C'est plus, beaucoup plus, c'est tout ce qu'un cœur d'homme peut +éprouver pour une femme ...</p> + +<p>—Nous parlions de ma pantoufle, interrompit la jeune femme.</p> + +<p>—Oui ... c'est vrai ... en effet. Écoutez-moi donc. J'étais rempli +d'admiration pour vous, je vous adorais, vous seule. Vint la soirée +d'aujourd'hui. Je vous vis dans votre nouveau rôle et fus saisi d'un +enthousiasme, d'un saint délire, qui me poussa à enfreindre toutes les +règles des convenances et à déposer à vos pieds une couronne de +lauriers, en vous dérobant, en échange, un objet quelconque qui vous eût +servi, et si ce n'était qu'un ruban. J'aperçus votre pantoufle ...</p> + +<p>—Vous avez pénétré dans ma chambre à coucher? interrompit l'actrice en +fronçant les sourcils.</p> + +<p>—Pardonnez-moi, supplia le jeune homme.</p> + +<p>En prononçant ces mots, son regard avait une expression si enfantine, si +sincère, sa main s'empara de celle de l'actrice avec une passion si +convaincue, qu'elle ne se sentit pas le cœur de lui garder rancune.</p> + +<p>—Je vous pardonne, dit-elle.</p> + +<p>—Et ... vous me permettez de vous dire ... que je vous aime ...</p> + +<p>—Non, pas cela.</p> + +<p>—Vous me condamnez au silence?</p> + +<p>—Je vous y condamne.</p> + +<p>—Vous êtes cruelle.</p> + +<p>—C'est la première fois qu'on me dit cela. Cruelle est la femme qui +attire en souriant un homme dans ses filets pour, ensuite, s'en moquer +et s'amuser de son tourment. Je ne suis pas une coquette, Monsieur, et +l'on n'a jamais pu se plaindre que de ma franchise et de ma loyauté. Ne +pas entretenir une vaine espérance, n'est pas cruel mais honnête.</p> + +<p>—Je sais, Madame, que vous possédez cette loyauté de caractère, si rare +dans le monde du théâtre, et je sais aussi que vous êtes vertueuse.</p> + +<p>—Oui et non, repartit l'actrice avec un sourire. Selon moi, la vertu ne +consiste pas dans les principes, mais uniquement dans l'amour. Une femme +qui, par amour du lucre et du luxe, accorde sa main à un homme qu'elle +n'aime point, n'est pas moins vicieuse que Phryné qui vend ses faveurs. +Le calcul est aussi répugnant que le dévergondage. En revanche, une +jeune femme qui aime sincèrement, est toujours vertueuse, qu'elle offre +ses lèvres roses au baiser dans une chambre nuptiale somptueusement +décorée, ou sous les tilleuls et sur la bruyère, ainsi que chante le +poète d'amour, Walther de la Vogelweide.</p> + +<p>—Je vous comprends.</p> + +<p>—Me comprenez-vous tout à fait?</p> + +<p>—Je le crains.</p> + +<p>—Reparlons de la pantoufle.</p> + +<p>—Non, parlons du sentiment qui me domine et me remplit, qui me fait +tressaillir au son de votre voix, au moindre froissement de votre robe. +Ne croyez pas que je sois assez téméraire pour oser espérer être payé de +retour. Je serais trop heureux déjà, de pouvoir, journellement, vous +mettre et ôter vos souliers, et vous offrir mon bras pour monter dans +votre carrosse ...</p> + +<p>—De tels rapports sont impossibles, déclara la jeune femme d'un ton +ferme, du moins en ce qui me concerne. Une coquette prendrait sans doute +quelque plaisir à recevoir ces hommages, et s'en ferait un jeu. Mais +moi, je ne me sens pas capable d'occasionner des tourments que je ne +pourrais apaiser, les augmenter, me paraîtrait indigne de moi. Je suis +sincère, monsieur Wasilewski. Vous m'intéressez, mais je ne puis être à +vous. C'est pourquoi, il faut nous séparer. Vous voulez être mon +esclave? Je suis fort capable de réduire un homme en esclavage, mais un +homme que j'aimerais et que je pourrais rendre heureux.</p> + +<p>—Vous avez raison, soupira Wasilewski après un long et douloureux +silence. Je dois vous fuir. Je vous aime de toute la folle ardeur d'un +cœur innocent, mais votre compassion me serait intolérable. Une femme +cruelle peut seule renoncer à l'amour, et vous, vous êtes bonne. Je me +ressaisirai, je ne vous verrai plus. Je retournerai dans ma patrie et +tâcherai de vous oublier, mais—un sourire d'enfant éclaira sa +tristesse—il faut que vous me donniez un talisman, divine Sapho, votre +pantoufle.</p> + +<p>—Et pourquoi justement ma pantoufle?</p> + +<p>—Il est d'usage, dans mon pays, lorsqu'on aime et qu'on veut offrir le +suprême hommage à une femme, de lui dérober son soulier et d'y boire à +sa santé, répondit le jeune homme avec un sérieux atteignant presque à +la solennité. Je baiserai journellement l'endroit qu'a touché votre +pied.</p> + +<p>La grande Schrœder s'abîmait dans les réflexions. Autour de ses +lèvres, se jouait comme de l'espièglerie.</p> + +<p>—Bien, monsieur, dit-elle enfin, je vous fais cadeau de la pantoufle.</p> + +<p>—Comment vous remercier? s'exclama le jeune homme en lui prenant la +main et en la couvrant de baisers.</p> + +<p>—Ecoutez la suite. Vous offriez à Babette une poignée de ducats pour +cet objet?...</p> + +<p>—En effet.</p> + +<p>—Si vous étiez prêt à payer d'une telle prodigalité une vieille +pantoufle usée, que donneriez-vous pour le pied même de Sapho?</p> + +<p>—Le pied! comment cela?</p> + +<p>—Ecoutez-moi jusqu'au bout. J'ai ici une pauvre comédienne qui se nomme +Muller, une artiste de mérite et une excellente femme. Actuellement, +elle meurt de faim et de froid et est presque toujours malade.</p> + +<p>—Je devine, cette mendiante ...</p> + +<p>—Elle-même. Vous la rendriez heureuse en lui donnant les moyens +d'entreprendre un petit commerce, et c'est pourquoi je vous demande, à +vous qui offriez de l'or pour baiser la pantoufle de Sapho, combien vous +donneriez pour baiser son pied même?</p> + +<p>La bienfaisante artiste, en un caprice olympien, avait eu cette +charmante pensée; mais, à l'instant où elle la formulait, elle en eut +honte, rougit et baissa les yeux. Wasilewski ne lui laissa pas le temps +de se reprendre.</p> + +<p>—J'offre ma fortune entière pour une telle faveur.</p> + +<p>—Vous prenez ma folle idée au sérieux?</p> + +<p>—Ne reprenez point votre parole, je vous en supplie.</p> + +<p>—Eh bien, soit, fit la Schrœder en retrouvant son sourire. Vous +pourrez me baiser le pied, mais ...</p> + +<p>—Je vais vous faire un écrit ...</p> + +<p>—Non, non, interrompit la tragédienne, je n'accepte qu'une somme +pouvant tirer de souci ma pauvre Muller et dont vous puissiez facilement +vous passer, car je vous sais riche.</p> + +<p>—Je suis à vos ordres.</p> + +<p>—Peut-être cent ducats?...</p> + +<p>Le gentilhomme se précipita dans la chambre voisine où il avait remarqué +la présence d'un écritoire, et rapporta à la tragédienne une feuille +couverte de sable d'or. Elle la parcourut. C'était un chèque de 500 +ducats. Sophie plia la feuille lentement, très lentement, et la cacha +dans son sein palpitant, tandis qu'une rougeur révélatrice montait de +ses joues à son front et, bientôt, couvrait son visage tout entier. +Enfin, rejetant avec décision, sa fière tête en arrière:</p> + +<p>—Il le faut, dit-elle. Avec ces mots, toute sa sérénité rayonnante de +déesse lui revint.</p> + +<p>—Venez, prononça-t-elle de sa voix sonore. Elle alla brusquement au +fauteuil le plus proche, s'y laissa tomber et, avant que son adorateur +eût compris son intention, elle rejeta sa sandale et dénuda son pied, +d'une forme aussi parfaite que n'importe quel marbre antique.</p> + +<p>—Ici, commanda-t-elle.</p> + +<p>Wasilewski vit briller le pied sous la sombre fourrure qui enveloppait +les divins membres de l'artiste, et tressaillit.</p> + +<p>—Eh bien, vous ne voulez pas le baiser? dit-elle avec un sourire +enchanteur. Elle était vraiment belle, en ce moment.</p> + +<p>Le jeune homme se prosterna devant elle et pressa ses lèvres brûlantes +sur le marbre glacé qu'elle lui présentait, une fois, deux fois. Puis +il mit son front contre terre et, avant qu'elle n'eût pu l'empêcher, +saisit le pied et le posa sur sa nuque.</p> + +<p>—Laissez-moi être votre esclave, pour toujours.</p> + +<p>La Schrœder retira vivement son pied.</p> + +<p>—Levez-vous, ordonna-t-elle. Vous ne pouvez pas être mon esclave.</p> + +<p>—Non, non, je ne dois pas.</p> + +<p>Il restait toujours à genoux et la contemplait en extase. Enfin, il +revint à lui, baisa une fois encore, avec une tendresse passionnée, le +pied de Sapho et sortit précipitamment.</p> + +<p>Sophie Schrœder demeura immobile, le front appuyé dans sa main, et +perdue dans ses pensées.</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p>Félicien Wasilewski est mort, il y a quelques années, dans ses terres de +Pologne. Il avait atteint un grand âge et ne s'était jamais marié.</p> + +<p>Ses héritiers découvrirent, parmi toutes sortes d'objets précieux, un +coffret d'ébène incrusté d'ivoire, où se trouvait une vieille pantoufle +fanée. Le premier étonnement passé, ils s'en amusèrent, et n'en parlent +jamais qu'en riant.<br /><br /></p> + +<hr style="width: 95%;" /> + + +<div style="margin-left: 25%; margin-right: 25%;"> +<h3>Transcriber's Notes:</h3> + +<ul><li>[*] indicates a missing word or probable typo in the text.</li> +<li>Other possible typos have been left as found in the original.</li> +<li>This is only one story from the collection named on the title page. +Some other stories were culled from the same collection and can also be found at Project Gutenberg.</li></ul> +</div> + +<hr style="width: 95%;" /> + +<div style="margin-left: 25%; margin-right: 25%;"> +<h3>LIBRAIRIE CH. CARRINGTON—PARIS.</h3> + + +<p><span class="title">La Czarine Noire</span> et autres contes. <big><b>L'Amour cruel à travers les âges</b>,</big> +par <span class="smcap">Sacher Masoch</span>—1 vol. in-18 jésus . . . 5 fr.</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p><span class="title">Tortures et Tourments des Martyrs Chrétiens.</span> Traité des Instruments de +Martyre et des divers Modes de Supplices employés par les païens contre +les chrétiens, par le Révérend Père <span class="smcap">Ant. Gallonio</span>.—Un fort +beau vol. pet. in-4° avec 46 planches . . . 20 fr.</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p><span class="title">La Porte du Baiser,</span> traduit de l'anglais de <span class="smcap">J.W. Harding</span>, par +<span class="smcap">F. Boutet</span>, préface de M. le Comte Robert <span class="smcap">de +Montesquiou</span>.—Un vol. in-18 jésus, couv. illustrée, dessins hors +texte . . . 3 fr. 50</p> + +<p>«<i>La Porte du Baiser</i> illustre l'une des épopées les plus intéressantes +de l'histoire du peuple d'Israël: la guerre entre Ezéchias et +Sennachérib, le terrible roi de Babylone.»</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p><span class="title">Le Beau Nègre,</span> par <span class="smcap">Hector France</span>.—Nul mieux que M. <span class="smcap">H. +France</span> ne pouvait peindre cette intensité de couleur, les paysages +tropicaux où se joue ce drame véridique. Nul ne pouvait analyser, avec +cette finesse et cette sûreté, les passions ardentes dont sont agités +les personnages de ce livre plein de vie. La couverture, tirée en +couleurs, est de <span class="smcap">L. Malteste</span>, les illustrations sont de <span class="smcap">G. +Dola</span>.—Un vol. in-8° . . . 3 fr. 50</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p><span class="title">Pan Michaël</span> <big><b>(Messire Volodyovski)</b></big> par <span class="smcap">Henryk Sienkiewicz</span>, +auteur de <i>«QUO VADIS»</i>.—Un fort vol. in-18 jésus de 600 pages. 10 +dessins hors texte de M. <span class="smcap">Van Maele</span>, couv. illustrée . . . 3 fr. 50</p> + +<p><i>Pan Michaël</i>, qui clôt magnifiquement la trilogie consacrée à +l'histoire de la Pologne du temps de Sobieski, ne le cède en rien aux +ouvrages qu'il complète: <i>Par le Fer et par le Feu</i> et <i>Le Déluge</i>.</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p><span class="title">Au-delà des Portes,</span> par <span class="smcap">E. Stuart-Phelps</span>. Ouvrage consacré à +la vie d'outre-tombe. Traduction française et préface de <span class="smcap">Ch. +Grolleau</span>.—Un vol. in-12, couvert. illustrée . . . 3 fr. 50</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p><span class="title">Les Quatrains d'Omar Khayyam,</span> traduits du persan et publiés avec une +introduction et des notes par <span class="smcap">Ch. Grolleau</span>.—1 vol. pet. in-4°, +papier de Hollande, cadres de style persan tirés en rouge, couv. +rempliée, titre or en relief. Tirage limité à 500 ex. numérotes . . . 10 fr.</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p><span class="title">La Destinée de l'Homme,</span> par <span class="smcap">John Fiske</span>. Traduction et préface +par <span class="smcap">Ch. Grolleau</span>.—Un vol. in-12 oblong . . . 4 fr.</p> +</div> + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of La Pantoufle de Sapho +by Leopold Ritter von Sacher-Masoch + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PANTOUFLE DE SAPHO *** + +***** This file should be named 16649-h.htm or 16649-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + https://www.gutenberg.org/1/6/6/4/16649/ + +Produced by Miranda van de Heijning, Melissa Er-Raqabi and +the Online Distributed Proofreading Team at +https://www.pgdp.net. This file was produced from images +generously made available by the Bibliothèque nationale +de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. Special rules, +set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to +copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to +protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project +Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you +charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you +do not charge anything for copies of this eBook, complying with the +rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose +such as creation of derivative works, reports, performances and +research. They may be modified and printed and given away--you may do +practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License (available with this file or online at +https://gutenberg.org/license). + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all +the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy +all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. +If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project +Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the +terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or +entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. + +1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be +used on or associated in any way with an electronic work by people who +agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few +things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works +even without complying with the full terms of this agreement. See +paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project +Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement +and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic +works. See paragraph 1.E below. + +1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" +or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project +Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the +collection are in the public domain in the United States. If an +individual work is in the public domain in the United States and you are +located in the United States, we do not claim a right to prevent you from +copying, distributing, performing, displaying or creating derivative +works based on the work as long as all references to Project Gutenberg +are removed. Of course, we hope that you will support the Project +Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by +freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of +this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with +the work. You can easily comply with the terms of this agreement by +keeping this work in the same format with its attached full Project +Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. + +1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern +what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in +a constant state of change. If you are outside the United States, check +the laws of your country in addition to the terms of this agreement +before downloading, copying, displaying, performing, distributing or +creating derivative works based on this work or any other Project +Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning +the copyright status of any work in any country outside the United +States. + +1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: + +1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate +access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently +whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the +phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project +Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, +copied or distributed: + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + +1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived +from the public domain (does not contain a notice indicating that it is +posted with permission of the copyright holder), the work can be copied +and distributed to anyone in the United States without paying any fees +or charges. If you are redistributing or providing access to a work +with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the +work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 +through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the +Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or +1.E.9. + +1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted +with the permission of the copyright holder, your use and distribution +must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional +terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked +to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the +permission of the copyright holder found at the beginning of this work. + +1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm +License terms from this work, or any files containing a part of this +work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. + +1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this +electronic work, or any part of this electronic work, without +prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with +active links or immediate access to the full terms of the Project +Gutenberg-tm License. + +1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, +compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any +word processing or hypertext form. However, if you provide access to or +distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than +"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version +posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), +you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a +copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon +request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other +form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm +License as specified in paragraph 1.E.1. + +1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, +performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works +unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. + +1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing +access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided +that + +- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from + the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method + you already use to calculate your applicable taxes. The fee is + owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he + has agreed to donate royalties under this paragraph to the + Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments + must be paid within 60 days following each date on which you + prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax + returns. Royalty payments should be clearly marked as such and + sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the + address specified in Section 4, "Information about donations to + the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." + +- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies + you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he + does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm + License. You must require such a user to return or + destroy all copies of the works possessed in a physical medium + and discontinue all use of and all access to other copies of + Project Gutenberg-tm works. + +- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any + money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the + electronic work is discovered and reported to you within 90 days + of receipt of the work. + +- You comply with all other terms of this agreement for free + distribution of Project Gutenberg-tm works. + +1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm +electronic work or group of works on different terms than are set +forth in this agreement, you must obtain permission in writing from +both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael +Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the +Foundation as set forth in Section 3 below. + +1.F. + +1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable +effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread +public domain works in creating the Project Gutenberg-tm +collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic +works, and the medium on which they may be stored, may contain +"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or +corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual +property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a +computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by +your equipment. + +1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right +of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project +Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project +Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all +liability to you for damages, costs and expenses, including legal +fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT +LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE +PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE +TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE +LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR +INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH +DAMAGE. + +1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a +defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can +receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a +written explanation to the person you received the work from. If you +received the work on a physical medium, you must return the medium with +your written explanation. The person or entity that provided you with +the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a +refund. If you received the work electronically, the person or entity +providing it to you may choose to give you a second opportunity to +receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy +is also defective, you may demand a refund in writing without further +opportunities to fix the problem. + +1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth +in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER +WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO +WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. + +1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied +warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. +If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the +law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be +interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by +the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any +provision of this agreement shall not void the remaining provisions. + +1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the +trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone +providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance +with this agreement, and any volunteers associated with the production, +promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, +harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, +that arise directly or indirectly from any of the following which you do +or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm +work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any +Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. + + +Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm + +Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of +electronic works in formats readable by the widest variety of computers +including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at https://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. To +SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any +particular state visit https://pglaf.org + +While we cannot and do not solicit contributions from states where we +have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition +against accepting unsolicited donations from donors in such states who +approach us with offers to donate. + +International donations are gratefully accepted, but we cannot make +any statements concerning tax treatment of donations received from +outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. + +Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation +methods and addresses. Donations are accepted in a number of other +ways including including checks, online payments and credit card +donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + https://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + +*** END: FULL LICENSE *** + + + +</pre> + +</body> +</html> + diff --git a/16649-h/images/006.png b/16649-h/images/006.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..867d5e7 --- /dev/null +++ b/16649-h/images/006.png diff --git a/16649-h/images/cc_pantouflesapho_tn.gif b/16649-h/images/cc_pantouflesapho_tn.gif Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..69e8d96 --- /dev/null +++ b/16649-h/images/cc_pantouflesapho_tn.gif diff --git a/16649-h/images/title.png b/16649-h/images/title.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..c0c9d51 --- /dev/null +++ b/16649-h/images/title.png diff --git a/16649-h/images/title2.png b/16649-h/images/title2.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..2dcc335 --- /dev/null +++ b/16649-h/images/title2.png diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize +this eBook outside of the United States should confirm copyright +status under the laws that apply to them. diff --git a/README.md b/README.md new file mode 100644 index 0000000..8126570 --- /dev/null +++ b/README.md @@ -0,0 +1,2 @@ +Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for +eBook #16649 (https://www.gutenberg.org/ebooks/16649) |
